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GRANDE SALLE PIERRE BOULEZ – PHILHARMONIE

Héroïnes – Berlioz
Sir John Eliot Gardiner
Orchestre Révolutionnaire
et Romantique
Lundi 22 octobre 2018 – 20h30

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PROGRAMME

Hector Berlioz
Ouverture du Corsaire
La Mort de Cléopâtre
Chasse royale et Orage – Les Troyens
Monologue et air de Didon – Les Troyens

ENTR ACTE

Hector Berlioz
Symphonie fantastique

Orchestre Révolutionnaire et Romantique


Sir John Eliot Gardiner, direction
Lucile Richardot, mezzo-soprano

FIN DU CONCERT VERS 22H45.

  LIVRET PAGE 20

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LES ŒUVRES

Hector Berlioz (1803-1869)


Ouverture du Corsaire op. 21

Composition : 1844-1851.
Création : première version, le 19 janvier 1945, au Cirque-Olympique
des Champs-Élysées, à Paris ; version finale, le 8 avril 1854, à Brunswick.
Effectif : 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons – 4 cors, 4 trompettes (les 3e
et 4e jouant cornet), 3 trombones, 2 tubas – timbales – cordes.
Durée : environ 8 minutes.

« C’est une composition extrêmement originale, pleine d’effets fantastiques


et de caprices bizarres. On dirait un conte d’Hoffmann. Cela vous jette dans
un malaise indéfinissable ; cela vous tourmente comme un mauvais rêve,
et remplit votre imagination d’images étranges et terribles. Assurément
cette tour de Nice est habitée aujourd’hui par des centaines de hiboux
et d’orfraies, et les fossés qui l’entourent sont remplis de couleuvres et
de crapauds. Peut-être a-t-elle servi de retraite à des brigands ou de
forteresse à quelque tyran du Moyen Âge ; peut-être quelque prisonnier
illustre, quelque belle innocente et persécutée y ont-ils expiré dans les
angoisses de la faim, ou sous le fer des bourreaux. Vous pouvez tout
supposer et tout croire quand vous entendez ces violons qui grincent,
ces hautbois qui croassent, ces clarinettes qui gémissent, ces basses qui
grondent, ces trombones qui râlent. L’Ouverture de la Tour de Nice est
l’ouvrage le plus étrange et le plus curieux peut-être qu’ait jamais enfanté
l’imagination d’un musicien. »

Ainsi écrit le critique du journal L’Illustration en janvier 1845, après la


création de la première version du Corsaire (qui s’appelle alors l’Ouverture
de la Tour de Nice) à Paris. Berlioz ressentit par la suite le besoin de la
remanier, et elle fut de nouveau créée en 1854, cette fois à Brunswick.
Bien que la partition ait ensuite rencontré le succès (Hans von Bülow la
dirigea de nombreuses fois en Allemagne dans les années 1880, et elle
fait aujourd’hui partie des œuvres les plus appréciées de Berlioz), elle ne
fut donnée qu’une fois à Paris du vivant du compositeur. Elle adopte une

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coupe similaire à celle de la plupart des autres ouvertures de Berlioz : une
introduction lente suivie d’un Allegro. Ici, cependant, un très court pas-
sage d’accords répétés et de cordes pressées précède l’Adagio sostenuto
tandis que le thème de celui-ci se trouve rappelé dans la partie suivante,
manière pour le compositeur de conférer plus de cohérence à l’œuvre.
L’impression générale est énergique, l’orchestre (et particulièrement les
violons) ne se refusant pas, loin de là, à une éclatante virtuosité.

La Mort de Cléopâtre

Scène lyrique pour soprano et orchestre composée sur un texte


de Pierre-Ange Vieillard.
Composition : 1829.
Effectif : 2 flûtes (jouant aussi piccolo), 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons – 4 cors,
2 trompettes, 3 trombones – timbales – cordes.
Durée : environ 21 minutes.

En 1828, la « scène lyrique » Herminie avait valu à Berlioz le deuxième prix


au concours de Rome – un net progrès par rapport à l’année précédente,
où La Mort d’Orphée, déclarée injouable par le pianiste chargé de préparer
la réduction pour le jury, n’avait obtenu aucune récompense. Il partait
donc confiant en 1829, d’autant plus que l’habitude était de couronner du
grand prix le récipiendaire du deuxième prix de l’édition précédente, et,
au lieu de se brider pour obtenir l’approbation de l’establishment chargé
d’attribuer les récompenses, il commit l’erreur de se « laisser aller à [s]on
sentiment propre et au style qui [lui était] naturel » (Mémoires).

Or, le texte de Pierre-Ange Vieillard soumis aux concurrents portait en


lui de quoi exciter le sens dramatique de Berlioz : « Le sujet qu’on nous
donna à traiter était celui de Cléopâtre après la bataille d’Actium. La reine
d’Égypte se faisait mordre par l’aspic, et mourait dans les convulsions.
Avant de consommer son suicide, elle adressait aux ombres des Pharaons
une invocation pleine d’une religieuse terreur […]. Il y avait là une idée
grandiose à exprimer. » Le musicien proposa donc une nouvelle scène
lyrique de quelque vingt minutes fondée sur une alternance de récitatifs

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et d’arias, où des passages assez classiques mais tout à fait bienvenus
voisinent avec des éclairs de pur désespoir ignorant les règles de la bien-
séance musicale. Orchestration résolument expressive (clarinette dans
le grave de sa tessiture, chorals désolés de bois et cuivres, contrebasses
pulsatiles), lignes mélodiques volontiers tendues, harmonies osées,
déclamation gangrenée de silences, alors que la reine agonisante pro-
nonce ses dernières paroles d’une « voix éteinte » et à peine articulée…
sont quelques-uns des traits saillants d’une partition dont on comprend
aisément qu’elle ait effrayé un jury de 1829.

Boieldieu, rencontré au lendemain de l’annonce des résultats, expliqua


à Berlioz les raisons de son échec, que le cadet résuma avec autant de
dépit que de dédain dans ses Mémoires : « Le gros public, à Paris, voulait
de la musique qui berçât, même dans les situations les plus terribles,
de la musique un peu dramatique, mais pas trop, claire, incolore, pure
d’harmonies extraordinaires, de rhythmes [sic] insolites, de formes nou-
velles, d’effets inattendus ; de la musique n’exigeant de ses interprètes
et de ses auditeurs ni grand talent ni grande attention. » La partition
resta donc dans les archives de Berlioz, qui lui refusa la publication (mais,
comme à son habitude, en réinterpréta certains thèmes dans des œuvres
ultérieures), et on ne lui a rendu que récemment la place qu’elle mérite
dans les programmes de concert. Quant aux déboires du compositeur
avec les membres de l’Institut, ils devaient s’achever l’année suivante
lorsque sa consensuelle cantate Sardanapale (durement apprise, la leçon
fut retenue…) lui valut enfin le couronnement suprême, l’année même
du coup de tonnerre de la Symphonie fantastique.

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Les Troyens – extraits

I. Chasse royale et Orage (acte IV, no 29)


II. Monologue de Didon « Ah ! Ah ! Je vais mourir… » et air « Adieu, fière cité »
(acte V, nos 47 et 48)

Opéra en cinq actes composé sur un livret du compositeur, d’après L’Énéide


de Virgile.
Composition : 1858.
Création de l’opéra : partielle, le 4 novembre 1863, au Théâtre Lyrique, à Paris ;
complète, en 1890, à Karlsruhe.
Effectif de la Chasse royale et Orage : 3 flûtes (la 3e jouant piccolo), 2 hautbois,
2 clarinettes, 4 bassons – 4 cors, 4 trompettes (les 3e et 4e jouant cornet),
3 trombones, 2 tubas – timbales, 2 timbales de coulisse, percussions – cordes.
Effectif du monologue de Didon : 2 flûtes, 2 hautbois (le 2e jouant cor anglais),
2 clarinettes, 4 bassons – 4 cors, 4 trompettes (les 3e et 4e jouant cornet),
3 trombones – cordes.
Durée : environ 16 minutes.

Tortueuse, l’histoire de la composition et de l’interprétation de l’opéra


de Berlioz Les Troyens l’est assurément. Berlioz, échaudé par l’échec de
Benvenuto Cellini et de La Damnation de Faust, commence par se retenir
longuement, malgré son envie, de s’atteler à un nouvel ouvrage scénique.
En 1858, il se décide finalement à composer le livret et la partition des
Troyens, d’après L’Énéide.

La création fut chaotique, l’ouvrage n’atteignant la scène qu’en 1863


sous une forme incomplète, si ce n’est mutilée (il manquait notamment
les deux premiers actes). La création intégrale, donnée en deux soirées,
n’eut pas lieu avant 1890 à Karlsruhe, et les Parisiens attendirent 1921
pour en entendre une version abrégée. Plusieurs raisons motivaient ces
choix : certaines étaient scéniques (les changements de plateau étaient très
importants et prenaient à l’époque un temps absolument considérable),
d’autres musicales. Le numéro 29, Chasse royale et Orage, fut ainsi mis
de côté par le compositeur en raison des exigences, notamment rythmi­
ques, qu’il faisait peser sur les musiciens : les superpositions, hémioles
et syncopes qu’il met en œuvre restent dangereuses pour des musiciens

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d’aujourd’hui : elles l’étaient donc plus encore pour les orchestres de
l’époque, moins virtuoses (« il faut […] pour la bien exécuter un puissant
orchestre qui se trouve rarement dans les théâtres », avait noté Berlioz
dans son manuscrit). La spatialisation sonore, due au jeu simultané sur
scène et dans la fosse, ajoutait encore à la difficulté de l’entreprise.

Inscrite dans une lignée évocatrice où la Symphonie « Pastorale » de


Beethoven constitue un point de référence (mais on trouve dans l­’histoire
de la musique nombre de peintures d’orages ou de chasses, et la partition
doit aussi, notamment, à la scène de la Gorge aux loups du Freischütz
de Weber), cette pantomime anticipe sur certaines pages de La Mer de
Debussy. « C’est confus et génial comme une esquisse de Delacroix »,
s’enthousiasmait Albéric Magnard après avoir assisté à la création alle-
mande de l’œuvre. Moins ouvertement originaux, le monologue et l’air
d’adieu de Didon témoignent quant à eux de la proximité de Berlioz
avec certaines de ses héroïnes (ils rappellent notamment La Mort de
Cléopâtre), la musique orchestrale interagissant véritablement avec les
« angoisses de cœur [et l]es cris de douleur » de cette femme brisée par
la mort de son aimé.

Symphonie fantastique op. 14

I. Rêveries – Passions
II. Un bal
III. Scène aux champs
IV. Marche au supplice
V. Songe d’une nuit de sabbat

Composition : 1830 ; augmentée du mélologue Lelio ou le retour à la vie en 1831,


tous deux regroupés sous le titre Épisode de la vie d’un artiste.
Création : de la Symphonie fantastique seule, le 5 décembre 1830, au Conservatoire
de Paris, sous la direction de François-Antoine Habeneck ; d’Épisode de la vie
d’un artiste (Symphonie fantastique et Lelio ou le Retour à la vie), en décembre 1832.

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Effectif : 2 flûtes (la 2e jouant piccolo), hautbois (aussi cor anglais), 2 clarinettes,
4 bassons – 4 cors, 4 trompettes (les 3e et 4e jouant cornet), 3 trombones,
ophicléide, serpent – 2 timbales, 3 percussions – 4 harpes – cordes.
Durée : environ 54 minutes.

« Succès extraordinaire. La Symphonie fantastique a été accueillie


avec des cris, des trépignements. […] C’était une fureur. Liszt,
le célèbre pianiste, m’a pour ainsi dire emmené de force dîner chez lui
en m’accablant de tout ce que l’enthousiasme a de plus énergique. » 

(Berlioz, Mémoires, à propos de la création de la Symphonie fantastique)

1830, année charnière à Paris. En politique, ce sont les Trois Glorieuses,


qui scellent la chute de la Seconde Restauration de Charles X et portent
Louis-Philippe au pouvoir. En art, ce sont la « bataille d’Hernani » en
février et la création de la Symphonie fantastique de Berlioz en décembre.
Les deux événements portent, sans doute possible, la création dans de
nouvelles directions, affirmant l’obsolescence des anciennes façons de
faire au profit d’un discours renouvelé par un véritable vent de liberté.
De ce souffle nouveau, la Symphonie fantastique témoigne dans sa forme
comme dans son fond. Elle offre d’ailleurs au musicien une occasion sans
précédent de poser sa propre vie comme terreau de l’inspiration musicale.

« Le compositeur a eu pour but de développer, dans ce qu’elles


ont de musical, différentes situations de la vie d’un artiste. »
(Berlioz, extrait du programme de la Symphonie fantastique)

En 1827, Berlioz assistant à une représentation de Hamlet de Shakespeare


y expérimenta un double coup de foudre, pour le dramaturge anglais et
pour la comédienne irlandaise, Harriet Smithson, qui interprétait Ophélie.
C’est elle qui devient le modèle de la femme de la Symphonie fantastique,
« qui réunit tous les charmes de l’être idéal que rêvait [l’]imagination »

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de l’artiste (comme l’explique, en 1832, le programme de l’œuvre), cette
femme merveilleuse que Berlioz dépeint par le biais de l’idée fixe musicale
présentée dès le début de l’Allegro initial et reprise dans chacun des
mouvements. C’est l’impact de cette image féminine que la Symphonie
fantastique, un temps regroupée avec Lélio sous le titre Épisode de la
vie d’un artiste, explore au fil de cinq scènes qui forment tout autant de
mouvements. La symphonie est considérée comme l’œuvre fondatrice, en
France, de la musique à programme dont un Liszt donnera de nouveaux
exemples sous la forme du poème symphonique. L’auditeur est censé
suivre ainsi les pérégrinations de « l’artiste » emporté par l’amour (Rêveries
– Passions), songeant au milieu de la fête (Un bal) ou des champs (Scène
aux champs) à sa bien-aimée. Mais, bientôt, persuadé que son amour
n’est pas payé de retour, il tente de s’empoisonner, et tombe dans des
cauchemars opiacés (les hallucinés Marche au supplice et Songe d’une
nuit de sabbat), avant de se réveiller à la toute fin de l’œuvre.

Le renouvellement du propos, visible dans l’expressivité musicale très


variée comme dans la gestion de l’idée fixe en particulier et des mélo-
dies en général, passe également par une attention inégalée portée à
l’orches­tre et à sa matière sonore. L’ampleur de la phalange symphonique
est exploitée à plein par une écriture dont les sonorités instrumentales
sont constitutives (contrairement à nombre d’autres compositeurs, Berlioz
n’était pas pianiste et ne composait pas au piano), et chaque mouvement
est individualisé par des timbres ou des dispositions particuliers. La
parution, en 1843, du Grand Traité d’instrumentation et d’orchestration
modernes témoigne sur le plan théorique d’une réalité que la Symphonie
fantastique affirmait sans ambages : Berlioz est un orchestrateur de
premier plan – et la Symphonie fantastique est une œuvre essentielle
du romantisme français.

Angèle Leroy

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LE SAVIEZ-VOUS ?

Berlioz et l’orchestre

Nombre de compositeurs romantiques comptent parmi les plus grands


pianistes de leur temps (Chopin, Liszt, Brahms). D’autres sont des violo-
nistes virtuoses (Spohr, Paganini). L’instrument de Berlioz, c’est l’orchestre !
Il explore toutes ses facettes en lui destinant la quasi-totalité de sa
production (même dans ses œuvres vocales, la dimension symphonique
reste essentielle). Quatre œuvres contiennent le mot « symphonie » dans
leur titre ou sous-titre : Symphonie fantastique (1830) ; Harold en Italie,
« Symphonie avec alto principal » (1834) ; Roméo et Juliette, « Symphonie
dramatique » avec voix solistes et chœur, qui tient à la fois de la symphonie,
de l’opéra et de l’oratorio (1839) ; Grande symphonie funèbre et triom-
phale, à l’origine conçue pour un orchestre d’harmonie. Ses ouvertures,
prévues pour un opéra (Benvenuto Cellini, Béatrice et Bénédict) ou pour
le concert (Le Roi Lear, Le Carnaval romain, Le Corsaire), sont également
le cadre d’expérimentations dans les combinaisons instrumentales.

Par ailleurs, Berlioz devient l’un des chefs les plus estimés de son temps,
montant sur l’estrade d’abord pour défendre sa propre musique (il effectue
son baptême du feu avec sa Messe solennelle, le 22 novembre 1827), puis
pour diriger les partitions qu’il admire. En 1843, il publie son Grand Traité
d’instrumentation et d’orchestration modernes, dont le retentissement
est immédiat. Nul autre musicien de son temps ne connaît aussi bien les
instruments. Alliant la science à la poésie, la raison à l’imagination, il les
considère comme des individus dotés d’une psychologie. Ses écrits lui
permettent également d’éclairer sa propre musique, dont l’originalité
défrise plus d’un auditeur de l’époque.

Hélène Cao

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LE COMPOSITEUR

Hector Berlioz mais aussi avec Goethe, qui lui inspire


Fils du médecin Louis-Joseph Berlioz les Huit Scènes de Faust en 1828, et
et de son épouse Marie-Antoinette, Shakespeare. Les représentations
fervente catholique, Hector Berlioz naît parisiennes de Hamlet et de Roméo
le 11 décembre 1803 à La Côte-Saint- et Juliette en 1827 lui font l’effet d’une
André, près de Grenoble. Il est un temps révélation à la fois littéraire et amou-
pensionnaire du séminaire impérial reuse (il s’éprend à cette occasion
de cette ville avant de poursuivre son de la comédienne Harriet Smithson,
éducation auprès de son père, huma- qu’il épouse en 1833). Secouée par la
niste convaincu, qui lui fait notamment Révolution de juillet, l’année 1830 est
découvrir Virgile. Ses premiers contacts marquée pour Berlioz par la création de
avec la musique sont assez tardifs, et la Symphonie fantastique, qui renouvelle
Berlioz, qui pratique la flûte et la guitare, profondément le genre de la symphonie
n’a pas l’occasion d’apprendre le piano en y intégrant les codes de la musique
ni de recevoir une éducation théorique à programme et donne l’occasion à
poussée. C’est en fait son installation son talent d’orchestrateur de s’expri­
à Paris, après qu’il a été reçu bachelier mer pleinement, et par son départ
ès lettres en 1821, qui lui permet d’affir­ pour la Villa Médicis à la suite de son
mer sa volonté de devenir musicien Premier Grand Prix de Rome. Le séjour
(alors qu’il était destiné par son père à est peu fructueux et, malgré quelques
une carrière de médecin). Il y découvre rencontres intéressantes (comme celle
l’Opéra, où l’on joue Gluck et Spontini, de Mendelssohn), Berlioz est soulagé
et le Conservatoire, où il devient en de rentrer à Paris en 1832. Il jouit alors
1826 l’élève de Jean-François Lesueur d’une solide renommée et fréquente ce
en composition et d’Antoine Reicha que Paris compte d’artistes de premier
pour le contrepoint et la fugue. En plan, comme Vigny, Liszt, Hiller ou
même temps qu’il se présente quatre Chopin. La décennie 1830-1840 est une
années de suite au prix de Rome, où période faste pour le compositeur, dont
il effraye les juges par son audace, il les créations rencontrent plus souvent
s’adonne à des activités de journaliste, le succès (symphonie avec alto princi-
nécessaires à sa survie financière, et pal Harold en Italie, Grande Messe des
se forge une culture dont son œuvre morts, Roméo et Juliette) que l’échec
portera la trace. C’est ainsi le cas avec (Benvenuto Cellini). En vue de conforter
Beethoven et Weber du côté musical, sa position financière et de conquérir de

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nouvelles audiences, Berlioz se tourne de Harriet Smithson en 1854, celui de
de plus en plus vers les voyages à Marie Recio, sa seconde femme, en
l’étranger ; ainsi en Allemagne en 1842- 1862, celui de son fils unique Louis
1843, où il fréquente Mendelssohn, en 1867. L’inspiration le pousse vers la
Schumann et Wagner, et dans l’empire musique religieuse (avec notamment
d’Autriche en 1845-1846. L’année 1847 l’oratorio L’Enfance du Christ, créé en
le trouve en Russie, où il rencontre un 1854) et vers la scène lyrique, avec un
accueil triomphal et où il retournera en succès mitigé, Béatrice et Bénédict
1867, et en Angleterre. En parallèle, il (1862) rencontrant un accueil consi-
publie son Grand Traité d’instrumenta- dérablement plus favorable que Les
tion et d’orchestration modernes (1844) Troyens, auquel Berlioz consacre ses
et essuie un fiasco lors de la première efforts depuis 1856 mais qu’il ne peut
de sa Damnation de Faust (1846). Les faire créer selon ses souhaits. De plus
quinze dernières années de sa vie sont en plus isolé, souffrant de maux divers,
ponctuées de nombreux deuils : celui il meurt à Paris le 8 mars 1869.

LES INTERPRÈTES

Lucile Richardot Tictactus, avec deux amis luthistes.


Lucile Richardot débute le chant à Spécialiste de la musique baroque et
11 ans dans un chœur d’enfants de contemporaine, sur la scène d’opéra
l’Est de la France et travaille en tant comme en concert, elle se produit
que journaliste jusqu’à l’âge de 27 ans. avec les Solistes XXI (Rachid Safir),
Elle obtient en 2008 son diplôme l’ensem­ble Correspondances (Sébastien
de la Maîtrise Notre-Dame de Paris Daucé), Pygmalion (Raphaël Pichon)
puis, en 2011, celui du Conservatoire et Le Poème Harmonique ( Vincent
à rayonnement régional de Paris en Dumestre). Avec Les Arts Florissants,
musique ancienne, se formant auprès elle participe en 2012 à l’intégrale des
de Margreet Hönig, Noelle Barker, madrigaux de Monteverdi dirigée par
Paul Esswood, Howard Crook, Jan Paul Agnew, qui l’invite ensuite dans la
Van Elsacker, Martin Isepp, François Le Passion selon saint Jean de Bach avec
Roux, Monique Zanetti et Jill Feldman. l’Orchestre Philharmonique Royal de
En 2012, elle crée son propre ensemble, Liverpool. En 2009, elle crée le rôle

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de La Première Tante dans l’opéra ac teur essentiel du renouveau de
de Philippe Boesmans Yvonne, prin- la musique ancienne et un pionnier
cesse de Bourgogne, donné à l’Opéra de l’interprétation sur instruments
Garnier et au Theater an der Wien de d’époque. Régulièrement invité par les
Vienne. Fin 2014, l’Ensemble inter- meilleures formations internationales,
comporain l’invite pour interpréter il collabore avec le London Symphony
Omaggio a Kurtág de Luigi Nono au Orchestra, l’Orchestre Symphonique
Festival ­d’automne. En 2017, une vaste de la Radio Bavaroise, l’Orchestre Royal
tournée de la trilogie Monteverdi la du Concertgebouw d’Amsterdam et
mène en Europe et aux États-Unis le Gewandhausorchester de Leipzig,
avec les ensembles Monteverdi dirigés dans un répertoire allant du xviie au xxe
par John Eliot Gardiner. Elle endosse siècle. Le prix du Concertgebouw lui
le rôle de Lisea (Arsilda, Vivaldi) avec est remis en janvier 2016. Une disco-
le Collegium 1704 (Václav Luks) en graphie impressionnante enregistrée
République tchèque et en Europe. Avec avec ses propres ensembles et des
l’ensemble Correspondances, elle enre- orchestres de premier plan tels que les
gistre son premier album solo, Perpetual Wiener Philharmoniker (Decca, Philips,
Night, recueil d’airs anglais du xviie siècle Erato, sans oublier trente disques
avec consort. En 2018, elle incarne chez Deutsche Grammophon) illustre
Goffredo (Rinaldo, Haendel) avec Le ­l ’ampleur de son répertoire, étendu
Caravansérail de Bertrand Cuiller ainsi des compositeurs de la Renaissance et
que La Magicienne et L’Esprit (Didon baroques jusqu’à Mozart, Schumann,
et Énée, Purcell) pour ses débuts au Berlioz, Elgar et Kurt Weill. Depuis
Festival d’Aix-en-Provence. 2005, les ensembles Monteverdi ont
pour label indépendant Soli Deo Gloria,
Sir John Eliot Gardiner créé pour faire paraître les enregis-
Comptant parmi les musiciens les plus trements en direct du Bach Cantata
inventifs et dynamiques au monde, Pilgrimage de 2000, qui lui valent le
constamment à la pointe de l’inter- Gramophone Special Achievement
prétation historique, Sir John Eliot Award (2011) et un Diapason d’or
Gardiner se pose comme une réfé- (2012). Sir John Eliot Gardiner s’est vu
rence de la vie musicale actuelle. Par remettre de nombreuses récompenses,
son travail en tant que fondateur et dont deux Grammy Awards et plus de
directeur artistique du Monteverdi Gramophone Awards que tout autre
Choir, des English Baroque Soloists artiste vivant. Sir John Eliot Gardiner
et de l’Orchestre Révolutionnaire et dirige également des productions
Romantique, il s’affirme comme un d’opéra, au Covent Garden de Londres,

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à la Staatsoper de Vienne et à la Scala et la Passion selon saint Matthieu ainsi
de Milan. De 1983 à 1988, il est directeur que l’enregistrement avec le London
artistique de l’Opéra de Lyon et fonda- Symphony Orchestra de la Symphonie
teur de son nouvel orchestre. Suite au no 2 « Lobgesang » de Mendelssohn.
succès en 2008 de Simon Boccanegra
de Verdi au Covent Garden, il y est réin- Orchestre Révolutionnaire
vité en 2012 pour diriger Rigoletto, suivi et Romantique
des Noces de Figaro en 2013 à l’occa- Fondé en 1989 par Sir John Eliot
sion du 40e anniversaire de ses débuts Gardiner, l’Orchestre Révolutionnaire
dans cette maison. À l’automne 2015, et Romantique se donne pour but de
il retrouve la scène du Covent Garden servir avec toute la rigueur stylistique
pour diriger Orphée et Eurydice de et l’intensité expressive des fameux
Gluck avec le Monterverdi Choir et les English Baroque Soloists un réper-
English Baroque Soloists dans une mise toire allant du xixe jusqu’au début du
en scène de Hofesh Shechter et John xxe siècle. L’Orchestre Révolutionnaire

Fulljames. On doit à ce spécialiste de et Romantique s’acquiert d’emblée un


l’œuvre de Bach Musique au château franc succès international, remarqué en
du ciel : un portrait de Jean-Sébastien particulier pour son interprétation des
Bach (Flammarion, 2015, prix des Muses œuvres de Beethoven qu’il enregistre
de la Fondation Singer-Polignac). chez Deutsche Grammophon dans
L’envergure de son œuvre vaut à Sir les années 1990. Il vient de remettre
John Eliot Gardiner de nombreux prix ce répertoire à l’honneur lors de tour-
et plusieurs doctorats honoraires. Pour nées triomphales des symphonies de
ses mérites et les services rendus à la Beethoven et de la Missa solemnis en
cause musicale, il est fait chevalier par Europe et aux États-Unis, sans oublier
la Reine d’Angleterre en 1998. En 2017, l’enregistrement en direct de la Missa
Sir John Gardiner et les ensembles solemnis chez Soli Deo Gloria, label
Monteverdi célèbrent le 450e anniver- des ensembles de John Eliot Gardiner.
saire de la naissance de Monteverdi L’orchestre se distingue également
avec ses trois grands opéras présentés pour son interprétation des principaux
en version scénique dans toute l’Europe compositeurs romantiques, à commen-
et aux États-Unis, projet récompensé cer par Berlioz. Il interprète et enregistre
par le RPS Music Award dans la caté- sa Symphonie fantastique dans la salle
gorie Opéra et théâtre musical. Parmi de concert de l’ancien Conservatoire
les récents enregistrements qu’il dirige, de Paris, lieu de sa création en 1830.
citons deux parutions consacrées à Bach En 1993, avec le Monteverdi Choir,
chez SDG, le Magnificat en mi bémol il se voit confier la première version

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moderne de la Messe solennelle fraî- Mélisande), engagé pour de nouvelles
chement redécouver te. Les deux productions en France, en Italie et à
ensembles allient ensuite leurs forces Londres. Ces derniers temps, l’Orches­
pour L’Enfance du Christ aux BBC Proms tre Révolutionnaire et Romantique axe
de Londres ainsi que pour les premières de nouveau son travail sur l’œuvre
représentations scéniques en France de Berlioz. Il donne sa Symphonie
des Troyens dans son intégralité, au fantastique et la Symphonie n o 5 de
Théâtre du Châtelet. Parmi les autres Beethoven aux BBC Proms en 2015,
initiatives de l’orchestre remarquées par programme suivi de représentations
la critique, citons Schumann Revealed de Lélio et de la Symphonie fantastique
au Barbican de Londres − avec l’enre- au Festival d’Édimbourg et au Festival
gistrement de l’inté­grale des sympho- Berlioz – La Côte-Saint-André. En 2016,
nies de Schumann et Le Paradis et la l’orches­tre retrouve la scène des Proms
Péri – ainsi que Brahms : Racines et avec Roméo et Juliette dans le cadre
mémoire à la Salle Pleyel et au Royal du 400 e anniversaire de la mort de
Festival Hall de Londres (2007-2008) Shakespeare. Récemment, il interprète
– ce dernier projet plaçant les quatre un programme de tournée consacré à
symphonies de Brahms dans le contexte Beethoven, Schubert et Brahms avec
des principales œuvres chorales du Kristian Bezuidenhout. En 2017, il met
compositeur et des pièces du xvie au de nouveau l’accent sur Berlioz avec La
xixe siècle qu’il avait lui-même transcrites Damnation de Faust donnée aux BBC
et dirigées. L’orchestre interprète par Proms et au Festival Berlioz. Parmi ses
ailleurs un vaste répertoire d’opéras projets pour 2018, citons de nouveaux
de Weber (Oberon et Le Freischütz), programmes Berlioz donnés en Europe
Bizet (Carmen), Chabrier (L’Étoile), et aux États-Unis ainsi qu’une tournée
Verdi (Falstaff) et Debussy (Pelléas et européenne du Requiem de Verdi.

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Violons I Violoncelles
Peter Hanson (premier violon solo) Robin Michael
Madeleine Easton Catherine Rimer
Miranda Playfair Olaf Reimers
Martin Gwilym-Jones Ruth Alford
Beatrice Philips Filipe Quaresma
Roy Mowatt Lucile Perrin
Rachel Rowntree Daisy Vatalaro
Clare Hoffman
Emil Chakalov Contrebasses
Davina Clarke Valerie Botwright
Fiona Stevens Cecelia Bruggemeyer
Gabrielle Maas Markus Van Horn
Elizabeth Bradley
Violons II Jean Ané
Lucy Jeal
Jayne Spencer Flûtes
Julia Hanson Marten Root
Iona Davies Lina Leon
Anne Schumann Neil McLaren
Håkan Wikström
Nancy Elan Hautbois
Gaëlle-Anne Michel Michael Niesemann
Alice Evans Rachel Chaplin

Licences E.S. 1-1083294, 1-1041550, 2-1041546, 3-1041547 – Imprimeur : Impro


Jenna Sherry
Clarinettes
Altos Nicola Boud
Oliver Wilson Fiona Mitchell (dont clarinette
Alexandru-Mihai Bota en mi bémol et clarinette basse)
Monika Grimm
Catherine Musker Bassons
Lisa Cochrane Veit Scholz
Sophie Renshaw Thomas Quinquenel
Joe Ichinose Antoine Pecquer
Mark Braithwaite Nathaniel Harrison

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Cors Ophicléide, serpent
Anneke Scott Marc Girardot
Joseph Walters Jeffrey Miller
Jeroen Billiet
Martin Lawrence Percussions
Robert Kendell
Trompettes, cornets Tim Palmer
Neil Brough Nigel Bates
Robert Vanryne Stephen Gibson
Michael Harrison Tony Lucas
Paul Sharp
Harpes
Trombones Gwyneth Wentink
Adam Woolf Anne Denholm
Miguel Tantos Sevillano Erik Groenestein-Hendriks
James Buckle Rachel Wick

Partenaire de la Philharmonie de Paris

MET À VOTRE DISPOSITION SES TAXIS POUR FACILITER VOTRE RETOUR


À LA SORTIE DES CONCERTS DU SOIR.
Le montant de la course est établi suivant indication du compteur et selon le tarif préfectoral en vigueur.

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LES ÉDITIONS DE LA PHILHARMONIE

LA SYMPHONIE FANTASTIQUE
ENQUÊTE AUTOUR D’UNE IDÉE FIXE
CLAUDE ABROMONT

Le musicologue revêt l’habit


d’enquêteur dans ce livre entièrement
dédié à l’œuvre musicale la plus
singulière du romantisme français :
la Symphonie fantastique d’Hector Berlioz.
Que cache l’obsédante « idée fixe » du
compositeur, devenue thème cyclique de sa
partition ? Quels sont les ingrédients de cette dramaturgie de l’écoute ? Claude
Abromont répond à ces questions en abordant parfois des rivages inexplorés,
comme la simulation de l’absorption du son par des tapisseries ou la tentative
d’une forme sonate féministe. Cet ouvrage de référence sur le projet berliozien
propose également une vision renouvelée de la « musique à programme » qui,
en l’absence de paroles, communique un sens à l’auditeur par les seuls moyens
expressifs de la musique instrumentale.

Claude Abromont est musicologue et professeur d’analyse musicale au CNSMD de Paris. Il est co-auteur, avec Eugène de Monta-
lembert, du Guide de la théorie de la musique (Fayard/Lemoine, 2001), du Guide des genres et du Guide des formes
de la musique occidentale (Fayard/Lemoine, 2010). Il a également publié un Petit précis du commentaire d’écoute
(Fayard, 2010) et un roman, Symphonie criminelle en mi bémol (Bayard, 2013).

Collection Style
336 pages • 12 x 17 cm • 13,90 €
ISBN 979-10-94642-08-5 • AVRIL 2016

La rue musicale est un « projet » qui dépasse le cadre de la simple collection


d’ouvrages. Il s’inscrit dans l’ambition générale de la Philharmonie de Paris d’établir
des passerelles entre différents niveaux de discours et de représentation, afin
© AKG-Images

d’accompagner une compréhension renouvelée des usages de la musique.

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LIVRET

Hector Berlioz
La Mort de Cléopâtre

C’en est donc fait ! ma honte est assurée.


Veuve d’Antoine et veuve de César,

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Au pouvoir d’Octave livrée,
Je n’ai pu captiver son farouche regard.
J’étais vaincue, et suis déshonorée.

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En vain, pour ranimer l’éclat de mes attraits,
J’ai profané le deuil d’un funeste veuvage ;
En vain, en vain, de l’art épuisant les secrets,
J’ai caché sous des fleurs les fers de l’esclavage ;
Rien n’a pu du vainqueur désarmer les décrets.
À ses pieds j’ai traîné mes grandeurs opprimées.
Mes pleurs même ont coulé sur ses mains répandus,
Et la fille des Ptolémées
A subi l’affront des refus !
Ah ! qu’ils sont loin ces jours, tourment de ma mémoire,
Où sur le sein des mers, comparable à Vénus,
D’Antoine et de César réfléchissant la gloire,
J’apparus triomphante aux rives du Cydnus !

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Actium m’a livrée au vainqueur qui me brave ;
Mon sceptre, mes trésors ont passé dans ses mains ;
Ma beauté me restait, et les mépris d’Octave
Pour me vaincre ont fait plus que le fer des Romains.
Ah ! qu’ils sont loin ces jours, etc.

Mes pleurs même ont coulé sur ses mains répandus,


J’ai subi l’affront des refus.
Moi !... qui du sein des mers, comparable à Vénus,

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M’élançai triomphante aux rives du Cydnus !

Au comble des revers, qu’aurais-je encore à craindre ?


Reine coupable, que dis-tu ?
Du destin qui m’accable est-ce à moi de me plaindre ?
Ai-je pour l’accuser les droits de la vertu ?

J’ai d’un époux déshonoré la vie.


C’est par moi qu’aux Romains l’Égypte est asservie,
Et que d’lsis l’ancien culte est détruit.
Quel asile chercher ? Sans parents ! Sans patrie !
Il n’en est plus pour moi que l’éternelle nuit !

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Méditation
Grands Pharaons, nobles Lagides,
Verrez-vous entrer sans courroux,
Pour dormir dans vos pyramides,
Une reine indigne de vous ?
Non ! non, de vos demeures funèbres
Je profanerais la splendeur !
Rois, encor au sein des ténèbres,
Vous me fuiriez avec horreur.

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Du destin qui m’accable est-ce à moi de me plaindre ?
Ai-je pour l’accuser le droit de la vertu ?
Par moi nos dieux ont fui d’Alexandrie,
Et d’lsis le culte est détruit.
Grands Pharaons, nobles Lagides,
Vous me fuiriez avec horreur !
Du destin qui m’accable est-ce à moi de me plaindre ?
Ai-je pour l’accuser le droit de la vertu ?
Grands Pharaons, nobles Lagides,
Verrez-vous entrer sans courroux,
Pour dormir dans vos pyramides,
Une reine indigne de vous ?
Non, j’ai d’un époux déshonoré la vie.
Sa cendre est sous mes yeux, son ombre me poursuit.
C’est par moi qu’aux Romains l’Égypte est asservie.
Par moi nos dieux ont fui les murs d’Alexandrie,
Et d’Isis le culte est détruit.
Osiris proscrit ma couronne.

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À Typhon je livre mes jours !
Contre l’horreur qui m’environne
Un vil reptile est mon recours.
Dieux du Nil… vous m’avez… trahie !
Octave… m’attend… à son char.
Cléopâtre en… quittant… la vie,
Redevient digne de… César !

Monologue de Didon « Ah ! Ah ! Je vais mourir… »

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et air « Adieu, fière cité »
Les Troyens, acte V, nos 47 et 48

Monologue
Ah ! Ah ! Je vais mourir…
Dans ma douleur immense submergée
Et mourir non vengée !
Mourons pourtant ! oui, puisse-t-il frémir
À la lueur lointaine de la flamme de mon bûcher !
S’il reste dans son âme quelque chose d’humain,
Peut-être il pleurera sur mon affreux destin.
Lui, me pleurer !…
Énée !… Énée !…
Oh ! mon âme te suit,
À son amour enchaînée,
Esclave, elle l’emporte en l’éternelle nuit…

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Vénus ! rends-moi ton fils !… Inutile prière
D’un cœur qui se déchire !… À la mort tout entière
Didon n’attend plus rien que de la mort.

Air
Adieu, fière cité, qu’un généreux effort
Si promptement éleva florissante ;
Ma tendre sœur qui me suivit errante,
Adieu, mon peuple, adieu ; adieu, rivage vénéré,

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Toi qui jadis m’accueillis suppliante ;
Adieu, beau ciel d’Afrique, astres que j’admirai
Aux nuits d’ivresse et d’extase infinie ;
Je ne vous verrai plus, ma carrière est finie !

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