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MALLARMÉ ET LA DOULEUR DU MONDE

André Stanguennec
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Armand Colin | « Littérature »

2015/3 N° 179 | pages 51 à 65


ISSN 0047-4800
ISBN 9782200929923
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ANDRÉ STANGUENNEC, UNIVERSITÉ DE NANTES

Mallarmé et la douleur du
monde
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« C’est t’apprendre que je suis maintenant impersonnel, et non plus
Stéphane que tu as connu, – mais une aptitude qu’a l’Univers Spirituel à
se voir et à se développer, à travers ce qui fut moi », écrit Mallarmé, jeune
poète de vingt-cinq ans, à son ami Henri Cazalis1 . Le Je qui parle ici n’est
plus un moi, c’est-à-dire un individu singulier, le Stéphane que l’ami a
autrefois connu. Ce dernier s’est nié comme fin en soi, pour se faire le porte-
parole, en tant que Je purement poétique, de l’Univers, après la perte de la
croyance en Dieu, un Dieu transcendant dont on imagine qu’on avait dit
à l’ enfant : « Le bon Dieu est attentif à toi, Stéphane, à tes joies et à tes
peines particulières, il te protège ainsi que les êtres qui te sont chers. » Le
jeune Mallarmé a perdu la foi en ce Dieu qui lui a ravi successivement sa
mère, sa sœur, sa petite amie, d’une manière qu’il estime cruelle et injuste2 .
Adolescent, il abandonne les pratiques de la foi et rencontre le Néant de
l’athéisme. L’abandon des pratiques religieuses se conclura par la négation
athée de Tournon où il est jeune Professeur d’anglais (en 1865, Mallarmé
a 23 ans) après la lutte triomphante contre ce « méchant plumage terrassé,
heureusement, Dieu3 ». Puis, après le Néant, « le Néant auquel, écrivait-il
dans une lettre antérieure, je suis arrivé sans connaître le bouddhisme4 »,
après cette phase négative succédant à la phase religieusement affirmative
de son enfance, il rencontre le Beau, nouvelle phase affirmative. Il écrira
alors, toujours au même ami Cazalis : « Après avoir trouvé le Néant, j’ai
trouvé le Beau... tu ne peux t’imaginer dans quelles altitudes lucides je
m’aventure5 . » D’abord Dieu le père, puis sa totale négation, le Néant, enfin
le Beau, négation de cette négation et réaffirmation de quelque chose de
néanmoins divin, le monde. Car cette beauté est celle du monde, réaffirmé
comme « divin », par cela seul qu’il est la matière dans laquelle l’homme
forge ou taille la forme de ses Dieux, et par cela seul que le poète en dira les

1. Lettre de Mallarmé à Cazalis du 14 (ou 17) mai 1867, Œuvres Complètes, désormais en
abrégé OC, éd. par Bertrand Maréchal, deux tomes, I, 1998 et II, 2003, Paris, Pléiade, ici, OC,
I, p. 714.
2. Épreuves douloureuses finement analysées par A. Ayda, dans Le drame intérieur de Mal- 51
larmé, Istanbul, Éditions de la Turquie moderne et Paris, J. Corti, 1955.
3. S. Mallarmé, lettre à Cazalis du 14 mai 1867, OC, I, p. 714
4. Lettre à Cazalis du 28 avril 1866, OC, I, p. 696. LITTÉRATURE
5. Lettre de Mallarmé à Cazalis du 13 juillet 1866, OC, I, p. 701. N° 179 – S EPTEMBRE 2015

rticle on line
OMBRES ET DOULEURS

formes, apparaissantes-disparaissantes, les mouvements d’envol et de chute,


de dilatation et de contraction, de nécessité et de hasard.
I. Mais c’est un retour doublement douloureux au monde que ce retour
à l’écriture du monde. La fatale loi de la crise athée de l’adolescent entraîne
la mort du Vieux Rêve, symbolisé par un tout-puissant oiseau céleste :
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Quand l’ombre menaça de la fatale loi
Tel vieux Rêve, désir et mal de mes vertèbres,
Affligé de périr sous les plafonds funèbres,
Il a ployé son aile indubitable en moi6 .
Il s’agit bien toujours du méchant vieux plumage terrassé qui, autrefois
« indubitable » hors de moi, a replié mortellement ses ailes en moi, devenu
indubitable comme mon rêve, mon illusion interne et certaine d’elle-même7 .
Dans une autre lettre à Cazalis, il le précisait : « Oui, je le sais, nous ne
sommes que de vaines formes de la matière, mais bien sublimes pour avoir
inventé Dieu et notre âme8 . » Cette puissance de création de formes est
précisément ce qui est toujours déjà présent dans la matière du monde ;
c’en est le « divin ». La douleur est d’abord celle de la rupture avec la
transcendance qui va engendrer une métaphore fréquente chez Mallarmé :
celle de la coupure, plus précisément, de la décapitation. D’une part, comme
le poète le dira dans les Noces d’Hérodiade, poème inachevé, il s’agit de
la douleur du poète symbolisé par saint Jean Baptiste décapité, douleur
d’une tête d’abord tournée vers la transcendance d’un Dieu – Père et que
la décapitation demandée par Hérodiade à Hérode par l’intermédiaire de
sa fille, la danseuse Salomé9 , consiste à ramener sur la Terre, désormais le
seul lieu du divin. Il y a d’abord, exprimé par la tête éprouvant la coupure,
le sentiment douloureux des ténèbres du néant succédant à Dieu : « je sens
comme aux vertèbres, s’éployer des ténèbres, toutes dans un frisson, à
l’unisson »10 ; il y a ensuite la douleur de la tête devenue vigie et vigile
des principes transcendants de l’esthétique, ces glaciers cristallins purement
idéaux : « et ma tête surgie, solitaire vigie, dans les vols triomphaux, de
cette faux »11 ; la tête se marie alors douloureusement avec la faux qui la
tranche, l’instrument brillant au soleil de la coupure, de la froide analyse
de toutes les esthétiques rationnelles, platoniciennes ou baudelairiennes ;
mais ce n’est pas tout, car, après s’être élevée en direction de cet Azur, la
6. Mallarmé, in « Plusieurs Sonnets », OC, I, p. 36, poème, édition de 1883.
7. Dans son ouvrage cité, A. Ayda a particulièrement étudié les métamorphoses de l’oiseau
symbolique chez le jeune Mallarmé, partant de l’image des « anges » que furent sa mère, sa
sœur et sa jeune amie, passant par l’archange ravisseur à l’aile noire, et aboutissant au méchant
plumage terrassé, Dieu.
8. Mallarmé, lettre à Cazalis du 28 avril 1866, OC, I, p. 696.
9. Mallarmé écrit : « j’ai laissé le nom d’Hérodiade pour bien la différencier de la Salomé je
52 dirai moderne ou exhumée avec son fait divers archaïque – la danse etc. », OC, I, p. 147.
10. Mallarmé, Hérodiade, OC, I, p. 148. Les références complètes sont : Hérodiade, poème,
OC, I, p. 17-22, Dossier d’Hérodiade, OC, I, p. 135-152, V, « Les noces d’Hérodiade », OC, I,
LITTÉRATURE p. 302 ; Transcriptions, notes, OC, I, p. 1077-1133.
N° 179 – S EPTEMBRE 2015 11. Mallarmé, ibidem, p. 148
MALLARMÉ ET LA DOULEUR DU MONDE

tête retombe avec une nouvelle douleur. Il en découle le sentiment toujours


douloureux d’une retombée de la tête vers la Terre et le corps du monde,
mais aussi vers le corps et la bouche d’Hérodiade, alias Salomé, qui l’attend
pour un baiser. Cette « rupture franche » est donc la condition négative d’une
réconciliation du poète avec les corps, et, paradoxalement, avec son corps :
« comme rupture franche, plutôt refoule ou tranche, les anciens désaccords
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avec le corps »12 . Le paradoxe est ici que la tête matériellement séparée
du corps avec lequel elle se séparait antérieurement en Idée, retombe, du
fait de la décapitation, dans le monde bien réel des corps et d’abord de ce
plateau d’argent sur lequel Hérodiade va l’embrasser : « meurs et deviens
toi-même, deviens un poète du monde ». Tel est le paradoxe de ce « meurs
et deviens ! » (Stirb und werde !) ainsi que l’écrivait Goethe :
Tant que tu n’auras pas compris
Ce « meurs et deviens »,
Tu ne seras qu’un hôte obscur
Sur la terre ténébreuse13 .
Goethe adresse ce message symbolique au papillon de nuit venant
le soir s’unir d’amour à la brillante flamme et s’y consumer, mais en
devenant ce qu’il est, un ténébreux amant de la lumière. De la même façon,
mortellement coupé de l’Idéal transcendant, le poète substitué au prophète
Jean Baptiste, dont la mort est la condition d’un devenir intramondain, est en
quelque sorte baptisé lui-même dans le sang du monde. Il accorde alors un
salut d’adhésion, finalement heureuse dans sa douleur même, au Principe de
la beauté immanente qui l’a choisi en la figure d’Hérodiade : « mais, selon
un baptême, illuminée au même principe qui m’élut, (ma tête) penche un
salut ».
Une certaine analogie se dégage donc entre les deux décapitations,
prophétique et poétique. L’Hérodiade testamentaire s’était vengée de Jean
Baptiste pour s’être maintenu à la hauteur de principes religieux interdisant
le crime et l’inceste, en ramenant la tête du saint de ces froides Hauteurs à
l’immanence de chaudes convoitises terrestres. L’Hérodiade de Mallarmé,
elle, se réapproprie un génie poétique tourné d’abord vers l’idéal transcen-
dant des « glaciers de l’Esthétique »14 , ici nommée « la froidure éternelle »15 ,
en le ramenant à son domaine natif, celui d’une Terre vierge et qui n’aime
que soi : « oui, c’est pour moi, pour moi, que je fleuris, déserte ! »16 . Saint
Jean est en effet ici la figure symbolique du poète, col dressé, tête tournée
d’abord vers les hauteurs de l’Azur, puis vers les glaciers platoniciens de
l’esthétique, et enfin ramenée à l’horizon symbolique d’un monde qui se

12. Ibidem.
13. Johann Wolfgang von Goethe, « Nostalgie bienheureuse », dans Le divan occidental- 53
oriental, 1819.
14. Mallarmé, lettre à Cazalis, 13 juillet 1866, OC, I, p. 701.
15. Mallarmé, Noces d’Hérodiade, OC, I, p. 148. LITTÉRATURE
16. Mallarmé, Hérodiade, OC, I, p. 21. N° 179 – S EPTEMBRE 2015
OMBRES ET DOULEURS

suffit à lui-même. Ainsi, pour Mallarmé, saint Jean poète est la vérité de
saint Jean prophète, car son saint Jean est la figure symbolique du poète lau-
dateur du monde remplaçant avantageusement la figure du prophète chrétien,
porté au-delà par sa chimère théologique, comme Mallarmé l’était avant la
crise de Tournon. Saint Jean prophète était la figure annonciatrice du Christ
qui sacrifiait sa vie à un Dieu chimérique, et qui n’attendait la révélation
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du mystère du monde que dans la mort de Jésus, des martyrs, puis dans la
mortification des saints chrétiens. Salomé, la danseuse païenne représentant
la révolte de la vie dans la Beauté du monde, et Hérodiade, dans ses noces
fictives avec le poète renonçant à sa religion de l’Azur, symbolisent une
divinité de l’homme intramondain s’étant projetée dans les illusions idéa-
listes de la transcendance absolue. À travers la femme dansante, comme le
papillon goethéen à travers la flamme dansante, l’homme se réapproprie son
essence aliénée en Dieu. Dans les deux cas, prophétique et poétique, la perte
douloureuse de l’union de la tête et du corps, signifie la mort de l’organe
de la pensée et de la nutrition par la seule transcendance et sa tentative de
réappropriation par le baiser que donne à cette tête Hérodiade-Salomé.
II. Mais il s’agit d’un « meurs et deviens ». C’est bien le poète de
la Terre qui est ressuscité alors, et non le Christ que le prophète Jean
annonçait. Mallarmé le dira dans sa lettre à Aubanel du 16 juillet 1866 :
« Je suis mort, et ressuscité avec la clef de pierreries de ma dernière Cassette
spirituelle... Il me faut vingt ans »17 . C’est donc, comme le dirait Sartre
en termes de psychanalyse existentielle, le « projet fondamental » de soi
du poète, cet « universel singulier »18 , Stéphane le singulier projetant en
Mallarmé l’universel l’anticipation de son œuvre, comme l’avait fait Gustave
le singulier dans l’œuvre de l’universel Flaubert. Et en effet, à peu près vingt
après ce projet et ce programme de vingt ans, l’autobiographie adressée à
Verlaine en 1885, témoigne de la persistance indéfectible de son intention :
« voici plus de vingt ans et malgré la perte de tant d’heures, je crois avec
tristesse que j’ai bien fait... Quoi ? C’est difficile à dire... Un livre et même
le Livre, persuadé qu’au fond qu’il n’y en a qu’un, tenté à son insu par
quiconque a écrit... L’explication orphique de la Terre, qui est le seul devoir
du poète et le jeu littéraire par excellence »19 . N’oublions pas qu’Orphée,
symbole de la poésie originaire, dont Mallarmé rapporte ailleurs le mythe20 ,
savait « éveiller sur sa lyre d’or la musique, qui faisait que bêtes, arbres et
hommes le suivaient avec délices21 », ce qui pourrait figurer, de son point
de vue, l’analogique attribution au monde d’une âme musicale, souffrante
ou joyeuse selon les cas. De plus, Orphée eut, comme saint Jean, la tête
tranchée par les Bacchantes et la légende rapporte que cette tête continuera
54 17. Mallarmé à Aubanel, OC, I, p. 703.
18. J.-P. Sartre, L’idiot de la famille. Gustave Flaubert, Paris, Gallimard, 1988, t. I, p. 8.
19. Autobiographie, in Lettre à Verlaine du lundi 16 novembre 1885, OC, I, p. 788.
LITTÉRATURE 20. Mallarmé, « Orphée, mythe grec et latin », OC, II, p. 1525-1526.
N° 179 – S EPTEMBRE 2015 21. Ibidem, p. 1526.
MALLARMÉ ET LA DOULEUR DU MONDE

de chanter à travers la voix de ceux qui reprendront la tâche qu’est le devoir


de poétiser. Tout poète doit reprendre le chant de l’ancêtre Orphée, un devoir
ancestral transmis par leur race aux poètes, ce que Mallarmé nomme « le
seul devoir du poète et le jeu littéraire par excellence ». Le mot « jeu »
signifie ici, non pas la distraction ou le délassement, mais l’assomption de
l’être de l’homme qui est de jouer, c’est-à-dire de jouer de l’instrument du
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langage, lyre ou voix, et aussi de mimer, c’est-à-dire d’imiter les jeux du
monde qui le précèdent dans la nature. Le poète résume l’homme dont le
jeu est celui d’un acteur au sein du théâtre du monde et c’est l’assomption
de ce jeu qui engendre, après la première douleur de la décollation et de
la rupture avec la transcendance pure, symbolisée par l’Azur supérieur et
froid, de nouvelles douleurs. Dorénavant, « pour ce penseur de l’immanence
radicale, le monde n’est jamais chu d’une transcendance qui, haute ou basse,
serait un Au-delà22 ». C’est que selon Mallarmé l’univers évolue. Il a une
histoire qui est faite de ses efforts successifs et douloureux pour s’achever et
pour s’exprimer dans sa conscience de soi dont le poète, avec le philosophe,
est la voix littéraire la plus autorisée : « Au fond, voyez-vous, dira-t-il à
J. Huret dans un de ses ultérieurs entretiens (1891), le monde est fait pour
aboutir à un beau livre23 . »
Oui, je sais qu’au lointain de cette nuit, la Terre
Jette d’un grand éclat l’insolite mystère,
Sous les siècles hideux qui l’obscurcissent moins.

L’espace à soi pareil qu’il s’accroisse ou se nie


Roule dans cet ennui des feux vils pour témoins
Que s’est d’un astre en fête allumé le génie24 .
Au terme donc des « siècles hideux » d’une religion qui avait obscurci
le mystère de l’origine de la Terre, en le renvoyant au mystère d’un Dieu
créateur, à présent, sous des siècles « qui l’obscurcissent moins » parce
qu’ils commencent à l’éclairer par les sciences et les philosophies du devenir,
« l’espace identique à soi » n’en a pas moins engendré, au milieu des astres
sans vie et sans conscience qui l’entourent comme de « vils témoins » sans
noblesse, une planète, la Terre, dont les efforts douloureux ont eux-mêmes
engendré la vie et l’esprit, c’est-à-dire « le génie ». Mais ces efforts de
l’Univers pour se réfléchir dans la lumière de l’esprit sont traversés par une
douleur semblable à celle de l’enfantement. La poésie est comme une mère
et le poète comme un père aidant leur enfant à sa sortie au jour, cet enfant
qui est le poème. Mère et père souffrant d’un enfant lui-même souffrant de
l’indistinction originaire au sein de laquelle il baigne.
III. Le poète peut alors poser la question :
55
22. P-H.Frangne, La négation à l’œuvre. La philosophie symboliste de l’art (1860-1905),
Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2005, p. 207.
23. Mallarmé, Sur l’évolution littéraire, Enquête, OC, II, p. 702. LITTÉRATURE
24. Mallarmé, Poème, « Plusieurs Sonnets », OC, I, p. 36. N° 179 – S EPTEMBRE 2015
OMBRES ET DOULEURS

Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui,


Va-t-il nous déchirer avec un coup d’aile ivre,
Ce lac dur, oublié, que hante sous le givre,
Le transparent glacier des vols qui n’ont pas fui25 !
En d’autres termes, le poète va-t-il pouvoir renaître à la vie, après avoir
transpercé les anciens glaciers de l’esthétique et du monde intelligible qui
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empêchaient jusqu’ici son envol ? Or, les premières tentatives du poète en
direction de la beauté du monde se soldent par de nouveaux et douloureux
échecs. La raison en est que cette beauté est encore conçue comme normée
par l’Idée platonicienne du beau, symbolisé chez le jeune Mallarmé par
l’Azur. Si elle n’a plus la transcendance du Dieu chrétien, cette beauté
de l’Azur est trop extérieure au monde réel, et appartient encore par sa
froideur aux glaciers de l’esthétique métaphysique. Le modèle métaphysique
a succédé au modèle religieux. Le poète reconnaît que les poèmes dédiés
à cette transcendance, à cet Azur encore angélique, sont des poèmes mort-
nés, qui ne vivent pas de la vie du jour auquel voudrait les amener son art
impuissant. Pour donner à ces poèmes la chaleur de la vie, il faut les plonger
comme des nouveau-nés, après le milieu de la vie intra-utérine, dans le
milieu de la vie intra-mondaine, symboliquement dans la chaleur du lit de la
femme qui a accouché d’un enfant bien vivant, lui, auquel elle donne le sein.
La femme du poète, Marie, est tournée vers la vie réelle, avec sa petite fille
Geneviève, tandis que le poète s’est orienté vers la transcendance mortelle
de l’Azur, ce succédané de platonisme poétique. Il doit donc y renoncer.
Ce qui le confirme, c’est le « don » de ce poème, le dernier dédié à
l’Azur que le poète apporte à sa femme et dont le manuscrit remonte aux
années 1864-1865 (première édition 1866). C’est ce qu’explique Mallarmé à
son correspondant, Villiers de l’Isle-Adam en lui expédiant son poème. Voici
le passage de la lettre à Villiers de décembre 1865 où Mallarmé explique
cela : « un poème composé après le travail de la nuit... Le poète, effrayé,
quand vient l’aube méchante, du rejeton funèbre qui fut son ivresse pendant
la nuit illuminée, et, le voyant sans vie, se sent le besoin de le porter près de
sa femme qui le vivifiera »26 .
Le poème est donc adressé à sa femme :
Je t’apporte l’enfant d’une nuit d’Idumée !
Noire, à l’aile saignante et pâle, déplumée,
Par le verre brûlé d’aromates et d’or,
Par les carreaux glacés, hélas ! mornes encor,
L’aurore se jeta sur la lampe angélique.
Palmes ! et quand elle a montré cette relique
À ce père essayant un sourire ennemi,
56 La solitude bleue et stérile a frémi27 ...

25. Mallarmé, ibidem.


LITTÉRATURE 26. Lettre de Mallarmé à Villiers de l’Isle-Adam, 11 décembre 1865, OC, I, p. 687-688.
N ° 179 – S EPTEMBRE 2015 27. Mallarmé, « Don du poème », OC, I, p. 17.
MALLARMÉ ET LA DOULEUR DU MONDE

Idumée, et ce n’est pas un hasard, est la région du sud de la Judée et de


la Mer Morte d’où était native Hérodiade. On pourrait d’ailleurs penser que
le poème en question est justement « Hérodiade », que Mallarmé a toujours
considéré comme un poème inachevé, un demi – échec. Le poète a donc
essayé de s’unir à cette chaude fille du désert pour engendrer un poème
(« Palmes ! »), un enfant bien vivant. Mais non, la poésie, oiseau noir à
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nouveau, est mal née, mort-née pourrait-on dire. Le jour naissant voit ce
reste, cette « relique » de transcendance, et le poète lui sourit d’un sourire
« ennemi », car ce jour pâle et froid est son ennemi, à lui, nouvel ami de
l’immanence terrestre. Le poète amène donc son poème à sa femme qui
chante une berceuse à son enfant :
Ô la berceuse, avec ta fille et l’innocence
De vos pieds froids, accueille une horrible naissance :
Et ta voix rappelant viole et clavecin,
Avec le doigt fané presseras-tu le sein
Par qui coule en blancheur sibylline la femme,
Pour des lèvres que l’air du vierge azur affame ?
La demande est claire : le poète demande à sa femme de chanter sa
berceuse en donnant le sein aussi à cet enfant chétif, ce poème expirant que
l’air du vierge Azur transcendant, froid milieu de sa naissance, a affamé.
Ce n’est plus « donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien », prière du
chrétien à son Père céleste, mais, en somme, « donnez-lui aujourd’hui
votre sein du matin », prière à la femme terrestre ! Il faut donc éliminer
les dernières « reliques » de l’Idée théologique pour se tourner vers l’Idée
cosmologique, Idée-mère d’un idéalisme de l’immanence, celui des seuls
symboles du monde.
IV. De la sorte, c’est bien un jeu purement intra-mondain, dans ce
Théâtre du monde déjà évoqué, qui va constituer dorénavant le seul objectif
du poète, en partant du constat scientifique et critique que « nous savons,
captifs d’une formule absolue, que certes, n’est que ce qui est28 » : « ce qui
est », l’étant intramondain. On ne peut ajouter à la nature une transcendance
divine extérieure à elle, car ce qui s’y ajoute relève de la seule invention de
l’homme : « la Nature a eu lieu, on n’y ajoutera pas ; que des cités, les voies
ferrées et plusieurs inventions formant notre matériel »29 . Conformément
aux nouvelles sciences du devenir que découvre le dix-neuvième siècle et
dont s’informe Mallarmé, le monde est un développement de soi, mobi-
lisé par l’expérience intra-atomique d’un Verbe claustrophobe, souffrant
de son enfermement indistinct en soi, douleur claustrophobe qui le pousse
à l’expression de soi. Mallarmé est poète et, au-delà du strict discours de
science, il attribue au monde cette souffrance par une analogie anthropo-
morphe, cet effort douloureux de se développer en s’exprimant, pour passer 57
28. Mallarmé, La musique et les lettres, OC, II, p. 67. LITTÉRATURE
29. Ibidem. N° 179 – S EPTEMBRE 2015
OMBRES ET DOULEURS

de la puissance à l’acte. Mallarmé postule en tout étant intra-mondain l’exis-


tence de l’intériorité d’un soi luttant contre l’extériorité dans laquelle il doit
pourtant se manifester et s’exprimer afin d’être pleinement lui-même. Les
nécessités et les hasards du monde, doivent être convertis d’obstacles en
organes d’expression de soi. Telle est la lecture rétrospective et symbolique
des phases de développement du monde, successivement physique, vivant,
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humain. Dans ses « Notes sur le langage » de 1869 – notes de préparation à
une thèse de linguistique qu’il n’a jamais achevée – Mallarmé distinguait le
Verbe originaire et le langage, en écrivant : « ne jamais confondre le Lan-
gage et le Verbe »30 . Le Verbe, qui n’est plus entendu au sens chrétien de
l’agir du Dieu créateur, est précisément cette poussée originaire du monde
vers l’expiration, l’expire divin de son expression, poussée qui anime toute
expression de soi dans l’évolution du monde, poussée douloureuse ou du
moins à laquelle nous pouvons attribuer, par analogie poétique, quelque
chose de correspondant à la douleur qui pousse tout homme et singulière-
ment le poète à l’expression de soi dans un langage, comme la femme à
son accouchement d’enfant. Quant au langage, c’est la modalité humaine
d’expression du Verbe, le terme du développement qu’il atteint en l’homme :
« Le Langage est le développement du Verbe, son Idée dans le Temps, le
Temps devenu son mode ; cela, à travers les phases de l’Idée et du temps en
l’Être, c’est-à-dire selon la Vie et l’Esprit31 . » Mallarmé admet l’Idée d’une
évolution générale du Monde, d’une histoire de la nature vivante introduite
sur le plan de la Vie par Darwin, en l’interprétant (fiction d’un « tout se passe
comme si ») comme finalisée par l’expression de soi, la réflexion de soi ou la
reconnaissance de soi du Verbe à laquelle parvient le Langage de l’homme :
« Tu remarquas, on n’écrit pas, lumineusement, sur champ obscur, l’alphabet
des astres, seul, ainsi s’indique, ébauché ou interrompu ; l’homme poursuit
noir sur blanc32 . » L’homme est la conscience de soi du monde, en lui, dans
« les deux manifestation du Langage, la Parole et l’Écriture33 », le monde,
développement du Verbe, atteint à la fois à l’Être et au savoir de soi. Il
semble mettre ainsi un terme à la douleur de sa claustration initiale en soi :
« une race, la nôtre, à qui cet honneur de prêter des entrailles à la peur qu’a
d’elle-même, autrement que comme conscience humaine, la métaphysique
et claustrale éternité, échut34 ... ». La Vie et l’Esprit sont les deux étapes
ultimes de ce développement de soi, les phases de l’Idée (de l’essence) et
du Temps (du devenir) dans l’Être. Le Verbe, pour supprimer ou du moins
atténuer la souffrance qu’est l’enfermement initial de son essence dans un
point atomique, a explosé en une multiplicité d’éléments se complexifiant
toujours davantage, et le Temps (on dit d’ailleurs à présent l’espace-temps),

58 30. Mallarmé, « Notes sur le langage », OC, I, p. 873, souligné par l’auteur.
31. Ibidem.
32. Mallarmé, « Variations sur un sujet », Quant au Livre, OC, II, p. 215.
LITTÉRATURE 33. Mallarmé, « Notes sur le langage », OC, I, p. 873.
N° 179 – S EPTEMBRE 2015 34. Mallarmé, « Catholicisme », OC, II, p. 238.
MALLARMÉ ET LA DOULEUR DU MONDE

comme une succession de moments, est devenu son mode d’être. Les hypo-
thèses darwinistes (L’origine des espèces est de 1859) très vite diffusées en
France, insistent sur l’idée d’une lutte de la vie pour maintenir sa présence,
lutte entre vivants, de même qu’avec leur milieu ; ce combat, mobilisé par
cette douleur de soi et des autres, étant la condition de l’évolution.
V. Cette notion de lutte sera reprise dans la modalité du jeu qu’est
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le « combat » (l’agon), inscrit par le poète dans l’ensemble des jeux du
monde, et tout particulièrement dans le combat que mène Hamlet, qui est
non seulement pour Mallarmé la figure emblématique de l’homme, mais
singulièrement celle de l’homme poète. Le personnage d’Hamlet fascina
Mallarmé sa vie durant et dans les remarques sur Hamlet de Crayonné au
théâtre, il est l’image de l’homme défini par la lutte de la liberté intérieure
(la pureté de son Idéal intime) contre la nécessité extérieure « la fronde de
la Fortune », ainsi nommée par Shakespeare35 . « Car il n’est point d’autre
sujet, sachez bien, précise Mallarmé, que l’universel antagonisme de rêve
chez l’homme avec les fatalités à son existence départies par le malheur36 . »
D’où l’alternative vécue dans la douleur entre « être » (c’est-à-dire agir pour
maîtriser la nécessité et les hasards extérieurs de la rencontre) ou « ne pas
être » (subir passivement cette nécessité et ces hasards). « Ou – ou » est la
forme de l’alternative, mais c’est aussi, selon un témoignage de G. Moore
sur Mallarmé évoquant le Conte Igitur37 , le bruit du vent qui essaie de dire
oui mais ne parvient pas à prononcer la dernière syllabe. Ainsi le jeune
homme (Hamlet ou Igitur) demeure d’abord dans le doute de savoir s’il
doit se réaliser dans l’action ou demeurer passif. La fascination qu’exerce
sur tout lecteur cette œuvre est, selon le poète, « parente de l’angoisse38 ».
Cela parce que nous nous reconnaissons en Hamlet, dans cet « adolescent
évanoui de nous aux commencements de la vie39 ». Hamlet est donc « le
seigneur latent qui ne peut devenir, juvénile ombre de tous, ainsi tenant du
mythe40 ». La douleur d’Hamlet est la douleur de l’homme voulant venger
une noble origine profanée par sa mère adultère et venger aussi son père,
assassiné par l’amant. Elle est exemplaire, selon Mallarmé, de la douleur
de l’homme voulant redonner à son origine la noblesse de l’esprit qui, la
plupart du temps, se fait l’esclave des nécessités extérieures auxquelles il
cède parfois en s’y prostituant.
VI. L’idéal éthique d’Hamlet – ranimer le devoir de pureté de sa race
insultée – se retrouve donc sous une autre modalité dans l’idéal du poète

35. W. Shakespeare, Hamlet, Paris, GF-Flammarion, 1961, p. 332.


36. Mallarmé, « Hamlet », Crayonné au théâtre, OC, II, p. 167.
37. Dans Avowals, cité par D.Halévy et rapporté par B.Marchal, « Histoire du texte », OC, I, 59
p. 1350-1351.
38. Ibidem, p. 167.
39. Ibidem, p. 166. LITTÉRATURE
40. Ibidem, p. 167, italiques de Mallarmé. N° 179 – S EPTEMBRE 2015
OMBRES ET DOULEURS

tel que le décrit Igitur41 , ce « conte philosophique42 » resté inédit, écrit en


186943 , et dont Mallarmé fit la lecture à Catulle Mendès et à Villiers de
l’Isle-Adam en août 1870. Igitur habite un château – symbolisant l’Esprit –
dont il occupe la chambre sommitale, et dont la base avec ses souterrains,
ses tombeaux d’ancêtres, figure les atomes, les éléments primordiaux dont
la race humaine est lointainement issue. Igitur, comme poète, fait l’expé-
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rience d’une alternative semblable à celle d’Hamlet, mais dans un autre
registre. Nous retrouvons ici le « ou-ou » du vent (de l’Esprit) qu’Igitur
devra conclure (« donc ») par un « oui ».
Ou bien il se fait poète lyrique et romantique en exprimant tout ce qui
peut l’affecter, au hasard de sa sensibilité, dans les nécessités extérieures du
monde44 . Ce serait se faire l’écho des singularités personnelles d’une poésie
de circonstance, « la respiration perceptible en l’ancien souffle lyrique, ou
la direction personnelle et enthousiaste de la phrase45 ». C’est cette sorte de
poésie que, écrit ailleurs Mallarmé, « l’œuvre pure » se doit de remplacer.
Cet « ancien souffle lyrique » qui personnalise la direction de la phrase est
celui de l’expression du Moi des romantiques, ou du Moi solitaire des poètes
parnassiens, ou encore de l’Art pour l’Art, poème égologique de la Tour
d’ivoire.
Ou bien, membre plus noble de l’alternative, il doit se remémorer
activement son origine et la dire. Tel est bien son devoir : écrire l’histoire
de sa race, et ainsi « donner un sens plus pur aux mots de la tribu46 ». La
poésie retrouve ici son sens d’être la Mémoire du monde. Cette régression
vers l’origine est nécessaire afin de refaire, à travers des symboles choisis
et reconstruits, les étapes du devenir-langage du Verbe-monde dont nous
parlaient les « Notes ». Cette démarche dans laquelle s’engage le jeune
Igitur-Mallarmé paraît une « folie » aux contemporains du poète et aux
poètes de son temps, les lyriques romantiques ou les parnassiens, de même
que les tenants de l’Art pour l’Art, tous ceux qui vont alimenter l’opinion
d’un Mallarmé « obscur », jouant avec des mots ésotériquement codés, ou
avec des rébus intellectuels. Mais « Igitur a compris cette folie à laquelle
il rattache son mal, précisément à cause de ce qu’il est esprit... »47 . Il
rencontre ses « confrères » et ses ancêtres poètes dans l’escalier qu’il se
met à descendre : « Sifflements dans l’escalier. « Vous avez tort... » », note

41. Hamlet dont la « fraise arachnéenne » est évoquée dans Igitur, OC, I, p. 487.
42. Selon les termes que reprend B.Marchal, Notice, OC, I, p. 1346.
43. Au même moment, il rédige les « Notes sur le langage » évoquées plus haut. Le Conte fut
publié en 1925 par le Docteur Bonniot, gendre et héritier des papiers du poète.
44. Mallarmé a refusé cette voie très tôt : « je ne veux pas faire cela d’inspiration : la turbulence
60 du lyrisme serait indigne de cette chaste apparition... Il faut méditer longtemps : l’art seul,
limpide et impeccable... », lettre à H. Cazalis du 1er juillet 1862, OC, I, p. 641-642.
45. Mallarmé, « Crise de vers », OC, II, p. 211.
LITTÉRATURE 46. Mallarmé, « Le tombeau d’Edgar Poe », OC, I, p. 38.
N° 179 – S EPTEMBRE 2015 47. Mallarmé, « Igitur », OC, I, p. 474.
MALLARMÉ ET LA DOULEUR DU MONDE

Mallarmé dans Igitur48 , ce qui pourrait être une protestation répondant aux
moqueries et au mépris des contemporains et, fictivement, des ancêtres
rencontrés sur les marches, ceux des anciens poètes qui s’étaient voués aux
illusions de la transcendance religieuse ou aux anecdotes lyriques. Au terme
de cette démarche progressive-régressive du poète, de cette descente des
escaliers autrefois montés par l’Esprit humain, l’espace hors du Moi où le
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Soi réflexif trouve enfin un chez-soi est celui des atomes, des « dés » jetés
dans le jeu du monde par le Verbe claustrophobe qui s’y est explosé et
dissipé afin de se développer. « La folie d’Elbehnon », sous-titre du Conte49 ,
pourrait se lire alors « Folie d’el be none », folie du « ne sois rien », « sois
néant », « anéantis-toi comme moi, pour renaître comme Soi et accueillir le
tout du monde »50 . Mais, aux sifflements moqueurs, Igitur répond : « C’est
mon devoir de le proclamer : cette folie existe51 . »
Au terme de sa descente, Mallarmé écrit d’Igitur : « Il jette les dés,
le coup s’accomplit, douze, (le temps) (Minuit) – qui créa se retrouve la
matière, les blocs, les dés52 . » Son geste répéterait ainsi celui de son ancêtre
atomique, le monde s’explosant en atomes et s’exposant au devenir. Pour-
quoi est-on parfois tenté d’interpréter le geste d’Igitur comme n’étant pas
un lancer effectif, mais plutôt comme un simulacre, le simple « secouage »
du Cornet et le renoncement à son devoir de faire des vers, de re-lancer
les dés de sa création ? C’est à la lecture de cet autre passage : « Igitur
secoue simplement les dés53 . » Il n’y aurait donc pas eu de lancer effectif
de dés dans ce poème ? Pourtant, Mallarmé, en plus du passage déjà cité,
affirme à nouveau que le geste du lancer est réel : « Il récite la prédiction
et fait le geste54 . » B. Marchal ne tranche pas l’alternative d’interprétation :
« Il accomplit l’acte... en jetant les dés (à moins que, simple simulacre, il se
contente de les secouer)55 ... » Nous estimons que le lancer a pourtant bien
eu lieu effectivement. D’une part, il y a bien les passages où il est exprimé
comme réel. Mais, d’autre part, le lancer effectif des dés, qui n’est après
tout, comme le secouage dans le cornet, qu’un « simple » geste, symbolise
manifestement l’acte dans sa réalité de versification poétique. Or « l’Acte
s’accomplit56 », les douze pieds (le double-six) de l’alexandrin est « opéré ».
Certes, cet Acte, « pleinement » réussi, aurait donné une nécessité complète

48. Mallarmé, « Igitur », OC, I, p. 474, cf. Notes et variantes, I, p. 838 à 868, Notice, p. 1346.
49. Ibidem.
50. Ce jeu de mots sur le sous-titre est suggéré par Jean-Pierre Richard dans L’univers imagi-
naire de Mallarmé, Paris, Seuil, 1961, p. 184.
51. Mallarmé, « Igitur », Notes, 2, OC, I, p. 482.
52. Mallarmé, Notes 2, ibidem, p. 482.
53. Mallarmé, « Le coup de dés », OC, I, p. 477, souligné par nous.
54. Mallarmé, Notes 1., OC, I, p. 474. 61
55. B. Marchal, Notice, Oc, I, p. 1347. De même dans La religion de Mallarmé, Paris, J. Corti,
1988, p. 95 : « l’inachèvement du conte ne permet pas de dire à quelle solution il a choisi de se
rallier ». LITTÉRATURE
56. Mallarmé, OC, I, p. 476. N° 179 – S EPTEMBRE 2015
OMBRES ET DOULEURS

aux signifiants arbitraires des mots. Il aurait ainsi ressaisi la nécessité inté-
rieure aux éléments en lutte contre le hasard, et aurait été compris des rares
lecteurs déchiffrant son message. Mais les passages où Mallarmé affirme
qu’Igitur jette effectivement les dés sont indubitables et nous les avons cités.
Pourquoi, alors, ce « secoue simplement les dés » ?
Ce que nous avons exprimé au conditionnel n’est pas le jet effectif
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des dés, bien accompli et non virtuel, mais sa pleine réussite, c’est-à-dire la
suppression effective du hasard, car il demeurera toujours dans l’arbitraire
des signes, non totalement évacué ou « re-naturalisé ». Or, comme le « jet »
n’est alors, en y pensant, qu’une recombinaison des dés signifants, il équi-
vaut au fond à un simple « secouage » qui ne crée rien de neuf. Ce qui fait
aussi que considérer l’acte de jeter comme un devoir est une folie, « il est
parfaitement absurde57 ». Car, si le hasard se nie dans la parole poétique, il
s’affirme encore dans la pensée qui réfléchit après « coup » sur son résultat,
décevant : « Le hazard se nie quant à la parole, en s’affirmant quant à la pen-
sée58 ... » C’est en ce sens, nous semble-t-il, que, juste après avoir écrit que
« l’Acte s’accomplit » et qu’« un coup de dés (qui) accomplit une prédiction
d’où a dépendu la vie d’une race59 », passage faisant indubitablement du
lancer de dés quelque chose d’effectif, Mallarmé écrit la phrase troublante
déjà citée : « Igitur secoue simplement les dés60 . » L’effort poétique est vain
en ce sens : le poète comprend que, même s’il les avait jetés, il n’aurait
fait finalement autre chose que simplement secouer les dés. Car « jeter »,
c’est au fond – et au fondement du monde, qui reste contingence et hasard –
encore seulement « secouer ».
C’est donc bien là une folie, qui « existe » au moins dans l’intention
(le « devoir »), puis dans le geste d’Igitur. Mais il s’agit d’un Idéal qu’au-
cun poète, pas même Mallarmé, n’a jamais parfaitement réalisé, comme
l’indiquera encore son dernier poème, « Un coup de dés jamais n’abolira le
hasard » (1897). La douleur du poète demeurera donc, mais, s’il disposait
d’un temps infini, il relancerait indéfiniment les dés, pour que l’infini, cet
auto-négation immanente au fini, soit encore mieux fixé. Ce serait, comme
le dit Igitur, « un coup de dés qui accomplit une « prédiction »61 , pré-diction,
c’est-à-dire en somme « avant-dire » du Verbe, d’où a dépendu la vie d’une
race, la race humaine et ses poètes cosmologiques. « Ne sifflez pas, aux
vents, aux ombres62 , si je compte, comédien, jouer le tour, les 12 – pas de
hazard, dans aucun sens »63 . Le « comédien » a le même sens ironiquement
auto-critique : il n’y a pas au fond, quant au résultat, de différence de nature
57. Mallarmé, OC, I, p. 477.
58. Mallarmé, « Le coup de dés », OC, I, p. 476.
59. Mallarmé, « Le coup de dés », OC, I, p. 476 et p. 477.
62 60. Mallarmé, ibidem, OC, I, p. 477, souligné par nous.
61. Ibidem, p. 477.
62. Igitur, « Il est sifflé par ce qu’il prend pour les âmes de ses ancêtres qui ne comprennent
LITTÉRATURE pas son action », OC, I, p. 475.
N° 179 – S EPTEMBRE 2015 63. Ibidem, p. 477.
MALLARMÉ ET LA DOULEUR DU MONDE

entre l’Acte effectif et l’imitation de l’Acte par un « comédien » jouant une


fiction. L’Idée du tout absolu du monde, est certes, comme Kant l’avait écrit
dans la Critique de la raison pure, une « fiction » rationnelle et régulatrice
de nos pensées et de nos actes, non une chose en soi connaissable64 . Elle est
formée seulement par l’esprit humain, mais, ajoutera Mallarmé en un siècle
« évolutionniste » qui n’est plus celui de Kant65 , cet esprit se pense dans
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le contenu de son Idée comme le produit évolué de la nature. En d’autres
termes, l’esprit contient formellement (en Idée) l’Absolu, qui le contient
matériellement comme contenu de sens final de son Idée. Il y a détermina-
tion réciproque, et l’idéalisme de Mallarmé est en ce sens à la fois subjectif
et objectif. De sorte que le « foyer imaginaire » de la « fiction » mallar-
méenne, sur laquelle insiste avec raison B. Marchal, ne se réduit pourtant
pas à une Idée subjective, puisque c’est la Nature formatrice qui, en quelque
sorte, dans les formes de ses espèces, y est pensée (non « connue ») comme
créant les premières figures de la fiction qu’idéalisera l’esprit : Nature artiste.
La pensée se pense (cf. « ma Pensée s’est pensée »66 ) comme résultat du
devenir de la nature. Il y a ainsi, dans la « fonction symbolique » humaine,
autant continuité que rupture avec les formes naturelles.
Puis, Igitur vide une mystérieuse fiole et, soufflant la bougie de l’esprit
qui l’avait éclairé dans l’escalier, se couche finalement sur les cendres de
ses ancêtres. La « bougie » symbolise à l’évidence la conscience de soi et
la science du devenir qui l’ont guidé dans sa rétrospection et au terme de
laquelle il les efface suicidairement.
Concentrons-nous enfin sur la « fiole » de poison qu’absorbe Igitur.
L’on sait que Mallarmé aimait les jeux de mots et l’on remarque évidemment
la recomposition du mot « folie » en « fiole », comme si la fiole vidée
métamorphosait la folie en une sagesse de pureté, mettant fin à la souffrance
du besoin d’expression. C’est que l’image de la fiole est surdéterminée.
Premièrement, c’est l’encrier de cristal du poète avec, au fond, la goutte
d’encre, « la goutte de néant qui manque à la mer »67 . Il faut en effet décrire
la mer du monde qui, sans cette goutte de néant, serait incomplète, car c’est
dans le langage (l’écriture à l’encre) que le monde parvient à la complète
expression de soi : « l’encrier, écrit-il ailleurs, cristal comme une conscience,

64. E. Kant, Critique de la raison pure, « De l’usage régulateur des Idées de la raison pure » :
«... elles ont en revanche un usage régulateur qui est excellent et indispensablement nécessaire, à
savoir celui d’orienter l’entendement vers [...] un point qui, bien qu’il ne soit certes simplement
qu’une Idée (focus imaginarius), c’est-à-dire un point d’où les concepts de l’entendement ne
partent pas effectivement, sert pourtant à leur procurer, outre la plus grande extension, la plus
grande unité », trad. A. Renaut, Paris, Aubier, 1997, p. 561.
65. Ainsi que le note E. Benoit des poèmes du cosmos, « un texte littéraire contient implicite-
ment... une cosmologie latente, une physique latente, en conformité ou pas avec la physique 63
ou la cosmologie dominante de son époque », in Néant sonore. Mallarmé ou la traversée des
paradoxes, Genève, Droz, 2007,p. 194.
66. Mallamé, lettre à Cazalis, 17 ou (14) mai 1867, OC, I, p. 713. LITTÉRATURE
67. Mallarmé, Igitur, V, « Il se couche au tombeau », OC, I, p. 478. N° 179 – S EPTEMBRE 2015
OMBRES ET DOULEURS

avec sa goutte, au fond, de ténèbres, relative à ce quelque chose soit ; puis,


écarte la lampe »68 . « Écarter la lampe » peut faire écho au « souffler la
bougie ». Deuxièmement, la fiole vidée, c’est « le néant parti, le château de
la pureté » retrouvé, c’est-à-dire l’encrier de cristal vide qui a la forme d’un
château. Mais à travers ce signifiant, le château d’Igitur a retrouvé sa pureté,
son hôte ayant fait son devoir ancestral qui était d’écrire le mouvement
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du monde. Enfin, troisièmement, boire cette fiole, c’est s’empoisonner
puisque l’encre est l’ébène, le poison, l’eau noire69 , en d’autres termes
le moi particulier du poète, l’élément de sa singularité offerte aux mauvais
penchants, ceux qui le font succomber aux tentations de la nécessité et des
hasards de la Fortune (cf. Hamlet) et qu’il a supprimés ou « dépassés » en
en faisant l’instrument de son écriture. « El be none » serait alors un jeu sur
« ébène », cet ébène que Shakespeare évoquait comme le poison noir dans
Hamlet, cela même que Hamlet combattait. Si le poète réussissait – mais
nous savons que c’est une fiction impossible à achever, un Idéal régulateur
fictif – s’il parvenait à mettre absolument son moi singulier et obscur (son
ébène, son encre, son écriture) au service de l’expression du soi universel
du monde, ce serait en même temps l’acte d’un suicide, par absorption de la
fiole de poison, de l’el be none : « sois le néant et bois l’ébène ! ».
L’Idéal fictif d’Igitur est bien l’équivalent d’un cogito ergo sum, d’un
lien de conséquence que dit igitur, mot latin signifiant « donc, par consé-
quent ». Non pas « je pense donc je suis », mais « je me suicide idéalement,
je tue en moi le moi, donc je suis le soi du monde ». Alors, en me faisant dou-
loureusement le porte-parole devenu le soi impersonnel du Monde, je suis
enfin. Le Je n’est plus ici le sujet « concret », synthèse d’un moi particulier
et d’un soi universel, puisqu’écrire, c’est mourir comme Moi pour renaître
comme Soi. Toutefois tant que dure l’acte, c’est encore le moi qui se met
au service du soi universel et substantiel du monde, le sujet concret perdure
« donc ». Mais le terme fictif, nous l’avons dit, est la situation-limite, asymp-
totique et apathique, en quelque sorte indolore, du poète mort à la tâche. Tant
qu’Igitur continue d’écrire, tant qu’il puise dans l’encrier la goutte noire, il
continue de vivre et de souffrir dans son moi la douleur du monde. Mais
cette douleur est l’envers de la joie que lui donne et nous donne l’harmonie
de ses vers, reflet de l’harmonie du Verbe, celle de la musique du monde.
Beauté tragique sans doute, puisqu’il s’agit de « la tragédie de la nature »70 ,
drame solaire des jours et des nuits, alternance et retour des saisons, puisque
la nuit entropique finira par triompher du jour selon le principe thermody-
namique de Clausius connu de Mallarmé. Ce principe scientifique obsède
l’imaginaire de l’époque et les textes littéraires, romanesques, théâtraux,
64
68. Mallarmé, « Quant au livre », L’action restreinte, OC, II, p. 215.
69. Ce « quelque noir mélange » qui, dans « Le tombeau d’Edgar Poe », OC, I, p. 38, peut
LITTÉRATURE évoquer la transfiguration et la sublimation de l’alcoolisme du poète.
N° 179 – S EPTEMBRE 2015 70. Mallarmé, traduction des Dieux antiques de Georges William Cox (1879), OC, II, p. 1461.
MALLARMÉ ET LA DOULEUR DU MONDE

poétiques, évoquant la fin de l’univers par refroidissemnet du feu solaire


sont très nombreux71 . Pour le poète et son Théâtre, il s’agit donc « de la
Pièce écrite au folio du ciel et mimée avec le geste de ses passions par
l’homme72 ». En réponse aux constellations qui ont allumé la Terre, puis
la Vie et l’Esprit, le poète tente une douloureuse et sublime constellation
verbale en direction du Ciel. Ainsi écrit-il, à la fin, « rien n’aura eu lieu que
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le lieu, excepté, peut-être, une constellation73 ».

71. Sur ce thème, cf. E. Benoit, « De la mort du monde aux mots de l’homme. L’eschatologie 65
esthétique de Mallarmé », in Néant sonore. Mallarmé ou la traversée des paradoxes, Genève,
Droz, 2007, p. 105 et sv.
72. Mallarmé, « Crayonné au théâtre », OC, II, p. 162. LITTÉRATURE
73. Mallarmé, « Un coup de dés jamais n’abolira le hasard », OC, I, p. 384-387. N° 179 – S EPTEMBRE 2015

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