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N° 341 ‫מסכת עירובין ס' – ס"ו‬ TRAITE EIROUVIN 60 – 66 ‫ ג' כסלו תשס"ו‬,‫בס"ד‬

„ Pourquoi le Temple n'est-il pas inclus dans le T'houm? „ Louer une ville du gouvernement
„ D'où provient le terme "Eirouv" ? „ Les ambassades et les consulats
„ Un Eirouv dans la totalité de la ville „ Apprendre du comportement des non juifs
„ Toute la charité pour un seul pauvre „ L'assimilation imposée au Juifs de Prusse

Page 59a, ‫אין מערבין את כולה‬


Pourquoi le Temple n'était-il pas inclus dans le T'houm de Jérusalem ? Une des particularités étonnantes
Nous apprenons dans notre Michna une loi particulière au "Chitouf Mavoï", de la Torah est le fait qu'elle soit
"l'association des ruelles" : « On n’y fera pas de Eirouv dans sa totalité». accessible à tout un chacun. Le
Saint béni soit-Il lui a donné la
Avant de nous pencher sur cette loi précise, voyons les lignes principales du "Eirouv
vertu de se mettre au niveau de
'Hatserot" et du "Chitouf Mévoot", qui vont être détaillés en longueur dans les chapitres tous ceux qui s'efforcent
suivants de notre traité. d'acquérir Sa science. Toute
Ces deux catégories de Eirouv, celle dite "des ruelles" et celle "des cours", sont personne qui a un jour essayé
fondamentalement identiques. En effet, tout emplacement entouré de cloisons d'approfondir un sujet
régulières est considéré comme un véritable domaine privé, même si de nombreuses quelconque, a pu ressentir
personnes y ont accès. Cependant, le roi Chlomo et son tribunal décrétèrent que toute combien ses efforts sont
cour desservant plusieurs maisons ne pourrait être considérée comme telle ; ils récompensés. Un exemple
décidèrent donc qu'il serait interdit de déplacer des objets d'une maison vers la cour et concret se retrouve dans
l'anecdote suivante :
vice versa. Le Tour (O.H. 366) en explique la raison de la manière suivante : « Dans la
Rabbi Ye'hezkel Abramsky fut
mesure où les maisons sont des domaines spécifiques à chacun et la cour étant un durant de longues années l'une
lieu commun à tous, elle ressemble quelque peu à un domaine public, autoriser de des figures importantes de la
porter d’une maison à la cour aurait pu amener les gens à dire qu’il est également communauté anglaise. De par son
permis de porter d’un domaine privé à un domaine public ». statut, l'usage voulait qu'il soit
C’est pourquoi le tribunal de Chlomo décréta qu’il serait interdit de déplacer des invité à chacune des
objets entre ces lieux, si ce n’est après avoir procéder à un "Eirouv de cour", qui est manifestations de la communauté
réalisé en faisant acquérir à tous les résidents de la cour une miche de pain, et en la juive de Londres. Bien entendu,
déposant chez l'un d'entre eux. Sur ce point, le Tour poursuit en précisant qu’« on les Rav Ye'hezkel ne répondait pas à
toutes les invitations qui
considère ainsi comme étant tous les habitants d’une seule et même maison ; et ainsi
s'amoncelaient sur son bureau,
la cour, appartenant par cela à une même maison, ne ressemble donc plus à un mais l'une d'entre elles retint un
domaine public ». jour son attention. Il s'agissait de
"L'association des ruelles" implique le même principe que celle des cours. Dans ce la cérémonie d'inauguration d'un
cas, il s'agit d'une ruelle ou d'une impasse qui sert d'accès à plusieurs cours. Ici aussi, "colloque des hommes de loi juifs
le même problème se présente : déplacer des objets d'une cour privée vers cette rue d’Angleterre". Les proches du Rav
est également semblable à porter d'un domaine privé vers un domaine public. C'est furent étonnés d'entendre qu'il
pourquoi, il fut décrété que l'on ne pourrait le faire sans avoir auparavant effectué une tenait à participer à cette
association, un "Chitouf Mévoot". Dans le même esprit, cette catégorie de Eirouv est cérémonie. Il leur expliqua
cependant qu'étant donné que
réalisée en associant les résidents des différentes cours sur une miche de pain,
cette réunion rassemblerait des
déposée dans l'une des cours. Juifs investis dans la juridiction, il
Une "association" et un "Eirouv", d'où proviennent ces noms ? En réalité, ces lui semblait important qu'un Rav
deux sortes de Eirouv sont totalement identiques en tous points, si ce n’est un détail vienne leur présenter la grandeur
important : celui des cours ne peut se faire que sur du pain, tandis que celui des de la sagesse de la Torah dans
ruelles peut être également réalisé sur tout autre aliment. Malgré cette similitude ce domaine et la manière
quasi-totale, il leur fut donné deux noms différents, celui de "Eirouv" et de "Chitouf", particulière dont le Choul'han
afin de les différencier, et de les désigner plus facilement (Aroukh Hachoul'han 366, 6). Aroukh tranche la loi de D.
Notre Michna nous enseigne que l'usage de l'association des ruelles doit être Le jour venu, de nombreux juges,
avocats et procureurs prirent
partiellement limité : on ne pourra pas en effet associer la totalité des rues d'une ville,

‫לעילוי נשמת‬ Cet emplacement vous est réservé !


A la mémoire de
Mme Ra'hel Bat Stella DOBELSKY ‫ע"ה‬ Dédiez le mérite de l'étude du
‫גב ' רחל בת סטלה דובלסקי ע " ה‬
feuillet à la mémoire ou la guérison
- MARSEILLE- de l'un de vos proches !
Tel : 01 42 41 14 01
.‫ה‬.‫ב‬.‫צ‬.‫נ‬.‫ת‬
Traité Eirouvin 60 - 66 ‫ ס"ו‬-'‫מסכת עירובין ס‬

place dans la grande salle il faudra nécessairement isoler une maison ou une cour, de laquelle il restera
réservée à cette réunion et interdit de porter vers le restant de la ville. Cette loi fut instaurée de crainte que
commencèrent à écouter le les habitants de la ville n'en viennent à oublier que la seule autorisation de
discours du président de porter à l'extérieur provient du Eirouv, et par conséquent, d'agir de même en
l'association. Soudain, à leur plus
grand étonnement, ils virent
tout endroit, même s'il ne comporte pas de Eirouv.
apparaître dans la salle le "Grand Un Eirouv dans la totalité de la ville : « Nombreux sont ceux qui s’étonnent :
Rabbin de Grande Bretagne". comment se fait-il que nous ne respections pas cette loi ? Nous ne laissons rien
Lorsque celui-ci demanda à en dehors du Eirouv réalisé dans nos villes, allant de la sorte à l’encontre de la
prendre la parole, leur surprise ne Michna, de la Guemara et de tous les décisionnaires ! », écrit le Aroukh
fit qu'augmenter, mais, comme le Hachoul’han (O.H. 392) – Pourquoi ne faisons-nous donc pas cas d’une loi si
veut la courtoisie de rigueur dans explicite ?
ces lieux, il n'eurent d'autre choix L’avantage de la "forme de porte" : Le Maguen Avraham explique à ce
que celui de changer le propos que cette attitude se fonde sur l'opinion de Rachi, qui considère que
programme et de l'inviter à parler.
Afin de démontrer de la meilleure
notre Michna parlerait uniquement au sujet d'une ville dont la population est
manière qui soit la sagesse et la supérieure à 600 000. Le Aroukh Hachoul'han (ibid.) répond quant à lui que
logique de la Torah, le Rav exposa notre Michna ne concernerait qu'une ville entourée d'une muraille. En effet, il est
le cas d'un litige entre deux voisins nécessaire, pour les villes ouvertes, de les entourer de "Tsourat Hapéta'h", de
au sujet d'un bout de terrain, et "formes de portes", constituées de poteaux et de fils tendus au-dessus. Lorsque
s'étendit sur les arguments et les l'une de ces "portes" se détériore, on l'annonce dans tous les quartiers de la
raisonnements de chacune des ville, afin d'éviter une transgression. Cet état de fait est le meilleur rappel qui
parties. Lorsqu'il finit son exposé, il soit ; à chacune de ces occasions, les habitants se souviennent que seul le
demanda à l'assemblée d'écrire un Eirouv est à même de permettre le port dans la ville.
résumé du problème, le plus
concis possible. Se pliant à la
Le Temple exclu de la ville : La réponse originale du Aroukh Hachoul'han
volonté du Grand Rabbin, tout le implique des répercussions pour les villes entourées de murailles, pour
monde se procura quelques lesquelles il deviendrait nécessaire de laisser une partie de la ville à l'extérieur
feuilles et commença à résumer du Eirouv. Et de fait, nous pouvons lire dans le livre "Ir Hakodech Véhamikdach"
toutes les données du litige. (tome III, ch. 23, 3) que dans l'ancienne ville de Jérusalem, qui était entourée de
Lorsque cela fut fait, il s'avéra murailles, la coutume voulait que l'on laissât une partie de la ville en dehors du
qu'en moyenne, chacun des Eirouv. Il y est rapporté, au nom d'anciens de Jérusalem, que l'habitude était
participants avait rempli deux d'exclure l'emplacement du Temple de ce Eirouv. S'il est vrai que l'accès à cet
pages complètes sur les endroit est interdit, il n’en reste pas moins permis d'y jeter des objets ; cette
arguments du problème, alors que
exclusion a pour conséquence d'interdire d'y lancer quoi que ce soit, et
certains d'entre eux n'avaient pu
se limiter à moins de trois pages. conserve de ce fait toute sa signification (cf. le développement qu'il rapporte à
Rav Ye'hezkel déclara alors, en ce sujet, pour déterminer si cette exclusion est suffisante).
désignant quelques pages : "Voici
le résumé le plus concis que j'ai Page 63a, ‫כל הנותן מתנותיו לכהן אחד‬
reçu ici : une page un tiers. Et Toute la charité pour un seul pauvre
maintenant, je vais vous lire ce
Est-il préférable de transmettre toute la Tsédaka à un seul pauvre, ou bien
qu'est un véritable résumé". Il
commença alors la lecture d'un vaut-il mieux la distribuer à plusieurs indigents ? Rabbi Aba Bar Zavda affirme
passage du Choul'han Aroukh et en effet dans notre Guemara que « celui qui octroie tous ses dons à un seul
l'expliqua. A l'étonnement général, Cohen amène la famine au monde ».
il s'avéra que les quelques mots Rabbi Aba s’intéresse ici aux prélèvements que l’on doit céder aux Cohanim,
du Choul'han Aroukh tirés de la et tire son enseignement d’un verset : « Ira Hayéïri était un Cohen de David »
Guemara dévoilaient le problème (Chmouel II 20, 26), à la suite duquel il écrit : « Il y eut une famine du temps de
au complet. L'enthousiasme fut à David » (ibid. 21, 1). La Guemara explique que l’expression « un Cohen de
son comble pour la plupart des David » indique que David cédait tous ses prélèvements à ce Cohen, et la
participants, qui entendaient pour
conséquence directe de ce comportement fut la famine signalée dans le verset
la première fois de leur vie un
passage talmudique. Certains suivant. Le Iyoun Yaccov ajoute à cela une précision : cette punition relève
d'entre eux demandèrent même à d’une mesure pour une mesure – la privation du restant des Cohanim engendra
cette occasion à ce qu'un cours de une pénurie dans le pays entier.
Torah sur les questions juridiques Le Roch, se fondant sur cette Guemara, tranche qu’il est effectivement interdit
soit instauré. Le Rav leur expliqua d’agir de la sorte et de ne céder ses prélèvements qu’à un seul Cohen. Le
que telle est la force de la Torah, Rambam en revanche, ne rapporte pas du tout cette loi, indiquant par là qu’il n’y
même par l'étude de sujets a pas lieu de se fier à l’opinion de ce Sage. Le Rachach explique que cette
totalement étrangers, l'on peut omission découle d’une notion largement répandue dans le Talmud et qui
aboutir à un discernement
contredit la position de Rabbi Aba bar Zavda, celle des "Makirei Kéhouna". Ce
exceptionnel dans tous les
domaines. Il ajouta ensuite : "Bien principe indique que lorsqu’un Juif "adopte" un Cohen en lui offrant
plus que cela, la Torah possède systématiquement toutes ses dîmes, ce dernier devient un "Cohen proche",
une vertu particulière, grâce à lequel aura le droit de percevoir d'office tous les prélèvements de cette
laquelle toute personne qui s'est personne (cf. Baba Batra 123b et Tossefot ibid.).
tenue au mont Sinaï sera à même Rabbi Yossef 'Haïm Zonennfeld (responsa Chalmat 'Haïm 15) tente de
de la comprendre et de profiter de résoudre cette contradiction apparente, d'après le commentaire du Or Ha'haïm
la profondeur de ses (Richon Letsion Y.D. 257, 9), qui affirme que Rabbi Aba Bar Zavda n'aurait en
enseignements, à la simple réalité fait référence qu'à un Cohen à qui l'on concèderait de la dîme plus que
condition qu'elle fasse un léger
nécessaire. En revanche, tant que les dons versés restent dans le cadre de la
effort pour s'investir et participer à
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première nécessité de ce Cohen, il n'y aurait plus aucun inconvénient à lui une étude assidue".
procurer la totalité des prélèvements ; et la notion de " Makirei Kéhouna" Cette particularité présente dans la
pourrait également ne s'appliquer qu'à ce cas précis. Torah relève du fait de sa nécessité
Rabbi 'Haïm Kanyevski Chlita (Dérekh Emouna Maasser ch. 7, 38) absolue : plus un homme réalise qu'il
envisage une seconde possibilité pour résoudre ce problème. Il se peut en ne peut vivre sans elle, plus il percevra
effet que Rabbi Aba n'ait parlé que du cas d'une personne qui offrirait toutes combien il lui est capital de participer à
les vingt-quatre catégories de prélèvements que l'on doit concéder à la tribu son étude. Ceci étant, tout un chacun
des Cohanim, mais à l'un d'entre eux seulement. Il n'y aurait en revanche peut y trouver sa part, tout comme l'air
que l'on respire est accessible au
aucune interdiction à remettre l'une de ces dîmes constamment au même
monde entier. Chaque homme pourra
Cohen. Les "Cohanim proches" peuvent effectivement exister, mais pas ainsi y découvrir des merveilles, par le
pour la totalité des dons d'une même personne [cf. sur place dans le Biour simple fait de réaliser sa volonté de
Hahalakha, selon lequel il est possible également que le fait de donner savoir.
chaque année à un autre Cohen n'entre pas non plus dans le cadre de cette
Guemara].
Toujours est-il que le Mordékhaï (Baba Batra 502) s'accorde à la position
du Roch et tranche la Halakha suivant les paroles de Rabbi Aba Bar Zavda, Page 66a,
et en déduit également que : « nous pouvons apprendre d’ici qu’un homme "Rav Untel s’étonnait"
Il arrive parfois qu'un Sage du Talmud
ne peut donner tous ses dons à un seul proche, en délaissant le restant de
s'interroge sur une loi, sans avoir de
ses proches. Ni même tout donner à un seul homme et ne rien offrir aux réfutation évidente à poser. Dans ces
autres ». Le Choul’han Aroukh (Y.D. 257, 19) tranche également de la sorte. occasions, la Guemara utilise
l'expression "‫"תהי בה‬, ce Sage
Page 61b, ‫הדר עם העכו"ם‬ s'étonnait et se demandait si cette loi
Louer une ville du gouvernement était exacte (Rachbam Baba Batra
Les dizaines de pages suivantes nous exposent des développements 39b, et cf. Goufei Halakhot 546).
concernant le "Eirouv 'Hatsérot", l'association des cours.
Page 57b, ‫ישנתי אז ינוח לי‬
Dans toutes les villes dans lesquelles un Eirouv est mis en place, les Huit heures de sommeil
Rabbanim doivent faire face à deux procédures obligatoires afin de « Je dormirais alors, je jouirais du
permettre le port d'objets dans leur ville. Concernant la première, il s'agit repos » (Iyov 3,13), l’allusion de ce
d'entourer la surface de la ville d' "apparences de portes" pour tout endroit verset est bien connue : le mot
n'étant pas entouré de murailles, afin de convertir cette ville en un large "‫"אז‬,"alors" ayant pour valeur
domaine privé. numérique 8, il indique qu'il faille
Cela n'est néanmoins pas suffisant. Il leur reste en effet à réaliser un dormir huit heure chaque jour.
"Eirouv 'Hatsérot", une association de cours instaurée par le roi Chlomo et Pourtant, on rapporte au nom du
'Hatam Sofer qu'il en déduisit que huit
son tribunal. Ils décrétèrent effectivement que tout domaine privé
heures suffisaient pour… deux jours.
appartenant à plusieurs particuliers serait soumis à la réalisation d'un Eirouv En effet : « Je dormirais alors (8),
afin de pouvoir y porter. Ils craignirent en effet que les gens considèrent ces je(‫=לי‬40 heures) jouirais du repos ».
lieux comme des domaines publics, et en viennent à permettre de déplacer
des objets en tout endroit. Page 61a, ‫אל יפטר אדם מחבירו‬
Notre Guemara s'intéresse à présent à une cour dans laquelle résiderait La Halakha du Gaon de Vilna
également un non juif ou un renégat [qui possède le même statut qu'un non A propos de notre Guemara qui nous
juif]. enseigne qu’un homme ne doit quitter
Il y est dit en conclusion qu'il n'est pas nécessaire de prendre en son proche qu’avec des paroles de
Halakha, on rapporte que le Gaon de
considération les maisons dans lesquelles ces derniers résident, leur non-
Vilna avait pour habitude de se
participation à l'association de la cour commune n'étant nullement séparer de ses proches avec la loi
déterminante. Contrairement à cela, un Juif qui ne s'associerait pas à un suivante : « Lorsqu’un seul Sage
Eirouv rendrait celui-ci invalide. s’oppose à plusieurs, la loi suit le
Malgré cela, les Sages ont tout de même décrété que la présence d'un nombre ». Pourquoi choisissait-il
non juif dans une cour entraverait la validité d'un Eirouv, dans la mesure où particulièrement cette loi ?
ils souhaitaient établir une distinction franche entre le peuple juif et les Parce qu’il existe un Nom divin qui
Nations [cf. le passage suivant], de crainte que l'on en vienne à nous accompagne l’homme en chemin, et
inspirer de leur manière d'agir. De la sorte, l'interdiction de porter le jour du qui ressort des dernières lettres du
verset : « ‫» כי מלאכיו יצוה לך‬. Or, ces
Chabbat inciterait les Juifs à rechercher un autre lieu de résidence. En
mêmes lettres sont les premières des
revanche, dans le cas où un Juif louerait une maison dans la cour d'un non mots de cette loi : « ‫יחיד ורבים הלכה‬
juif, il devient autorisé d'y déplacer des objets. Les Sages ont en effet estimé ‫( » כרבים‬Divrei Eliyahou).
que dans la plupart des cas, le non juif redouterait une telle location [cf.
dans la Guemara les raisons de ces craintes] et le Juif finirait de toutes les Page 61a, ‫אל יפטר אדם מחבירו‬
manières par quitter une telle habitation. Une Segoula pour la mémoire
Il y lieu de préciser que la Guemara (64a) inclut dans ces locations la « En quittant un proche, il faut
présence d'un Juif dans la maison de son employeur, "Skhiro Oumalkito". mentionner des paroles de Halakha,
Ces employés ont en effet l’accord implicite de déposer leurs effets dans la grâce auxquelles on ne l’oubliera
pas ». Les moments de départ sont
maison de l'employeur, cette situation est donc suffisante pour considérer la
bien souvent émouvants, et s’ancrent
résidence du Juif comme étant celle d'un locataire, et dans la mesure où la dans le cœur des hommes. C’est
dérogation du locataire ne provient que d'un décret externe aux lois du pourquoi il faut profiter de ces
Eirouv, les Sages se sont montrés plus permissifs dans ce cas (Rachba). instants pour parler de choses qui ne
Louer une ville du gouverneur : Inspirés de cette Guemara, les s’oublieront donc jamais : « grâce
Richonim (cf. Bet Yossef O.H. 391) rapportent que lorsque le prince d'une auxquelles on ne l’oubliera pas » -
ville possède le plein pouvoir de disposer des habitations de sa ville pour y c’est-à-dire la Halakha mentionnée…
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Page 63a, ‫שמו ושם אביו‬ installer ses hommes et leurs armes en temps de guerre, il serait possible de lui louer
Les paroles des Sages – des les maisons de son domaine. En vertu du fait qu'une location même partielle est
métaphores suffisante pour autoriser un Eirouv comprenant également des non juifs, louer le droit
Le Ben Ich ‘Haï démontre de que possède un gouverneur répondrait également à cette exigence. Néanmoins, ce
notre Guemara que les paroles système ne s'appliquerait uniquement qu’au cas où le gouverneur dispose à sa guise
des Sages ne sont bien des fois des maisons de la ville, ou tout au moins en temps de guerre [certains avancent même
que des métaphores et des qu'il serait également nécessaire que ce dirigeant puisse déclarer la guerre à ses
allégories. En effet, il est
spécifié ici le nom de la
ennemis, cf. Biour Halakha ibid.]. En revanche, un pouvoir partiel et dépendant de
personne et celui de son père procédures, comme nous le connaissons aujourd'hui, ne pourrait remplir ces conditions,
"afin que l'on ne pense pas qu'il comme le tranche le Choul'han Aroukh (ibid. 1). Dans ce cas, il ne nous reste d'autre
ne s'agissait que d'une possibilité que celle de louer à chaque particulier de la ville une partie de sa propriété,
parabole". sans quoi le Eirouv des cours ne saurait fonctionner.
De nombreuses questions virent le jour avec la mise en place des juridictions
Page 63b, ‫גדול תלמוד תורה יותר‬ modernes, selon lesquelles aucun pouvoir n'est autorisé à s'introduire chez autrui sans
‫מהקרבת תמידין‬ mandat légal, et à plus forte raison d'y déposer ses effets. Cet état de fait indique qu'il
Rester proche de la Guemara n'est absolument pas évident de trouver de nos jours une autorité correspondante à
L'étude de la Torah étant plus
importante que les sacrifices, le
celle des bons vieux gouverneurs.
Admour de Kloïzenbourg avisa Il est vrai que de nos jours encore, la loi autorise dans certains pays la destitution
ses élèves : « lorsque le Temple d'un propriétaire de son habitation pour des besoins exceptionnels. Il n'est cependant,
sera reconstruit, tout le monde pas certain que ce droit puisse répondre aux conditions exigées, dans la mesure où il
se précipitera pour voir le n'a d'autre valeur que celle d'une vente, et non un réel droit d'utilisation de ces biens.
service des Cohanim et En revanche, il existerait un moyen théorique de résoudre ce problème, en louant au
entendre les chants des gouvernement une location partielle des rues elles-mêmes, ce dernier ayant en effet le
Léviimes. Quant à vous, qui pouvoir de les modifier, de les fermer, de les barrer ou de les ouvrir en fonction des
n'êtes ni Cohen ni Lévi, restez besoins de l’Etat. Ce droit sur les rues d'une ville remplirait éventuellement toutes les
près de votre Guemara et
étudiez… »
conditions requises, afin qu'il devienne possible de déplacer des objets à partir des
maisons habitées par des Juifs vers le domaine public. Concrètement, cette solution
Page 64a, ‫יקח בהן ספר תורה‬ reste cependant peu souvent envisageable, dans la mesure où de nombreuses cours
Les dépenses judicieuses dans chacune de nos villes sont ouvertes au domaine public. Or, comme nous l'avons
Notre Guemara détaille plusieurs vu plus d'une fois, un emplacement communiquant vers un domaine interdit adopte
gains avec lesquels il est également son statut ; ici aussi, la cour d'un non juif reste au demeurant interdite au
conseillé d'acheter un Séfer port d'objets, et confère également ce statut aux rues adjacentes.
Torah. Il n'y est pas dit que l'on [Les ambassades et les consulats : Ajoutons enfin que les ambassades et les
utilisera une partie des ces consulats sont des problèmes difficilement contournables. En effet, la législation
gains, mais "on les prendra", ils
internationale établit que les lois locales ne s'appliquent pas à l'intérieur de ces sites,
pourront aller intégralement à
cette fin. En effet, Rabbenou qui sont des territoires totalement indépendants. Il n'est donc plus possible de les
'Hananel a tranché que bien qu'il associer au Eirouv de la ville en les incluant parmi les maisons de la ville, il n'y aurait
soit interdit de dépenser plus d'autre alternative que celle d'établir un contrat avec chacune d'entre elles].
d'un cinquième de sa fortune Quelle est donc la solution à ce problème ? Nous aurions réellement souhaité
pour une Mitsva, lorsqu'il s'agit connaître une Michna explicite, qui les résolve les uns après les autres (cf. le livre
de revenus qui n'ont pas exigé "Eirouvei 'Hatsérot" de Rav Moshkovits Chlita qui développe excellemment ces sujets).
d'efforts, il sera permis de Mais nous nous retrouvons en réalité face à une nouvelle raison valable qu'ont de
dépenser de beaucoup plus nombreux Juifs de ne pas se fier au Eirouv d'une ville, celle-ci s'ajoutant à toutes les
grosses sommes. C'est pourquoi
autres déjà mentionnées dans de précédents feuillets, depuis le début du traité
les gains dont nous traitons ici,
qui sont arrivés sans efforts, Eirouvin. Il reste néanmoins de nombreux quartiers où ne résident que des Juifs
pourront être dépensés pour un observant le Chabbat, et où ces problèmes ne se posent pas, et dans lesquels les
Séfer Torah. responsables communautaires s'affairent à appliquer au mieux tous les détails de ces
lois complexes.
Page 67a, ‫רב חסדא מרען שיפוותיה‬
Un Pilpoul – pas seulement Page 62a, ‫שמא ילמד ממעשיו‬
par la parole
Rav 'Hisda avait les lèvres qui
Apprendre du comportement des non juifs
tremblaient devant l'ampleur des Nous apprenons dans cette Guemara qu'il a été décrété par les Sages qu'il serait
connaissances de Rav Chéchet, impossible de réaliser un Eirouv de cours, de ruelles ou d'une ville dans lesquelles un
et Rav Chéchet tremblait de tout non juif résiderait, « de crainte que l’on s’inspire de ses actions » (62a). En d'autres
son corps en voyant la termes, afin d’éviter la promiscuité entre les Juifs et les non juifs, les Sages ont instauré
profondeur de raisonnement de qu’une maison non juive rendrait le Eirouv impropre, si ce n’est en effectuant une
Rav 'Hisda. Pourquoi cette location, comme nous l’avons vu dans le passage précédent.
différence ? En réalité, c'est la Un second décret se retrouve au sujet du "Ribite", les lois sur l’usure. Bien que le prêt
raison pour laquelle on désigne
avec intérêt soit une démarche autorisée envers les non juifs, les Sages l’ont tout de
le raisonnement du Pilpoul par
"arracheur de montagnes", du même interdit, « de crainte que l’on s’inspire de ses actions » (Baba Metsia 71a).
fait que cela nécessite un De prime abord, il semblerait que la raison donnée à ces deux lois soit identique, et
investissement et une qu’il nous faudrait donc les appliquer d’une manière analogue. Il n’en est pourtant rien.
effervescence venant du corps En effet, nous trouvons d'un côté qu'il est permis à un érudit de pratiquer l'usure
tout entier… (Chearim envers un non juif, du fait que ce sage de la Torah ne risque pas de s'inspirer des actes
Hametsouyanim Bahalakha). de son emprunteur. D'un autre côté, même un érudit ne peut effectuer de Eirouv dans
Traité Eirouvin 60 - 66 ‫ ס"ו‬-'‫מסכת עירובין ס‬

une cour où une personne ne reconnaissant pas cette loi résiderait, comme le
témoigne l'anecdote rapportée dans notre Guemara à propos de Rabban Gamliel.
La question se pose donc : pourquoi les Sages se sont-ils montrés plus exigeants
concernant les lois sur le Eirouv ?
Le Na’halat Tsvi (notes sur le Choul’han Aroukh 159, 1) explique qu’en réalité,
même l’érudit n’est pas totalement protégé des influences néfastes, dans la
mesure où « la nature de l’homme, c’est d’être influencé dans sa manière de
penser et dans son comportement par ses proches et ses amis » (Rambam Déot
Liste des cours du Daf
ch. 6, 1). Ainsi est constitué l’homme. C’est pourquoi les Sages n’ont permis à
HaYomi en France :
l’érudit que de prêter à un non juif, du fait que l’on estime qu’il n’entretiendra que
Paris des rapports professionnels avec son débiteur, et n’en viendra pas à tisser des
-Rav Seneor (rue pavée) liens plus étroits. Il en va différemment lorsqu’il s’agit du voisinage, qui est un
-Rav Cahen (Adath Yereïm) contexte où les risques sont bien plus importants et pour lequel les Sages ont
-Rav Rozenberg (Rue Cadet)
-Rav Abdellak inclus également les érudits dans leur décret.
-Rav Y. Ibgui (Neuilly) Cet exposé apporte une explication aux paroles de Rav Bar Ihi (Meguila 28a),
-Communauté du Raincy qui témoignait sur lui-même de ne jamais avoir contracté d'association avec un
-Rav Lumbroso-Roth (70, rue non juif, de crainte d'en venir à s’inspirer de ses actions (Ran Avoda Zara page
Crimée)
ème
-R. Zana (Av. F. Faure 15 ) 7a dans le Rif). En effet, un simple prêt est différent d'une association ; cette
dernière implique des liens serrés, lesquels peuvent engendrer un attachement
Marseille profond (Brit Halevi H.M. 182, p. 557).
-Rav Doukan (CDIM, rue du Notre Guemara précise cependant que l'interdiction du prêt avec intérêts ne
Rouet)
-Rav P. Cohen (Birkat Mordekhai) s'applique pas lorsque la subsistance élémentaire du Juif en dépend. Les
-Rav Suissa (Collel) Tossefot (ibid.) rapportent plusieurs raisons qui expliquent la raison pour laquelle
-Rav Lasry (St. Loup) nous nous montrons plus permissifs de nos jours pour pratiquer l'usure avec les
non juifs, l'une d'entre elles relevant du fait que « nous demeurons parmi les
Nice
-Rav Mergui (CEJ) nations, et qu’il nous est de ce fait impossible de gagner quoi que ce soit sans
commercer avec eux. C’est pourquoi il n’y a pas lieu d’interdire ces prêts, qui ne
Aix-en-provence nous amènerons pas plus que les autres négoces à apprendre de leur conduite».
-Rav Nezri (Beth Hamidrash) Est-il possible de nos jours d’associer un non juif dans un Eirouv ? : Cette
Strasbourg précision prend de nos jours toute son importance : selon cette idée de Tossefot,
-R. Weill – R. Rozen serait-il permis d’associer un non juif lors de la réalisation d’un Eirouv ? D’un
-R. Szmerla (Adath Israël) côté, il y aurait toujours lieu de distinguer le commerce simple d’une association
-R. Schwartz (Ets Haïm) réalisée entre plusieurs habitations. Mais d’un autre point de vue, dans la mesure
-R. Benech (Collel)
où de toutes les manières, nous sommes bien forcés de résider parmi les
Pour associer ou développer un Nations, il se pourrait que les paroles des Tossefot s’appliquent également à ce
nouveau cours, prenez contact ! second décret, qui serait lui aussi considéré comme impraticable de nos jours.
Tel : 00 972 54 789 10 81 En réalité, cette comparaison entre ces deux décrets est inexacte ; l’interdiction
Fax : 00 972 2 537 74 80
Mail : france@meorot.co.il de prêter ne relève pas des principes de cette pratique, mais uniquement du fait
qu’à l’époque des Sages, elle était la façon la plus courante de se lier d’amitié avec
les non juifs. Et du fait que, pour notre plus grand malheur, nous avons été exilés
de notre terre et ne sommes plus à même de gagner notre pain autrement qu’en
nouant des liens commerciaux avec les non juifs, les Tossefot ont déclaré que le
Assurez-vous de décret, émis à ce sujet uniquement, n’avait plus de raisons d’être. De plus, ce
recevoir ce feuillet décret n’a été émis qu’à propos de gains superflus, et non pour des besoins
fondamentaux ; notre situation aujourd’hui, nous enseignent les Tossefot, est telle
chaque semaine en que tout bénéfice relève d’un gain élémentaire.
confirmant votre Le décret concernant le Eirouv, en revanche, s’applique aux lois propres au
Eirouv du Chabbat, et interdit toute association dans laquelle se trouverait un non
abonnement ! juif, et l’on ne saurait en aucun cas l’annuler.
L'assimilation imposée aux Juifs de Prusse : Le Bet Meïr (382) fut impliqué
Si l'un des numéros ne dans ce débat dans un contexte très particulier, lorsque le roi de Prusse imposa aux
vous est pas parvenu, Juifs de ne plus résider dans un même quartier, mais de se mêler à l’ensemble de la
population. Le Bet Meïr écrit qu’il n’y a tout de même pas lieu d’annuler le décret
n'hésitez pas à le instauré par les Sages, hormis le cas où il serait impossible de contracter une
signaler à : location avec le prince de la ville. Dans ces circonstances, « il me semble qu’il est
préférable de réaliser un Eirouv sans location, plutôt que de ne pas en faire du tout et
france@meorot.co.il et de maintenir l’interdiction de porter, du fait qu’il est quasiment certain que la majorité
nous vous l'enverrons du peuple viendrait à transgresser cet interdit et à porter sans Eirouv ». [cf. sur place
les raisons de sa permission] (cf. responsa Maharam Chik 182, Daat Torah O.H. 382,
dans les plus brefs délais reponsa Rivam Shneitoukh 28, responsa ‘Hatam Sofer 92, responsa Chévet Halévi
tome IV, 42 et tome VI 47).

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