Vous êtes sur la page 1sur 10

PSYCHOTHÉRAPIE INSTITUTIONNELLE D'ENFANTS ET

MÉDICATION. PLASTICITÉ ET RÉGULATION


Philippe Kinoo

De Boeck Supérieur | « Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de


réseaux »

2009/2 n° 43 | pages 187 à 195


ISSN 1372-8202
ISBN 9782804102555
Article disponible en ligne à l'adresse :

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.202.207.9 - 19/03/2019 11h49. © De Boeck Supérieur


--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/revue-cahiers-critiques-de-therapie-
familiale-2009-2-page-187.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.202.207.9 - 19/03/2019 11h49. © De Boeck Supérieur

Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur.


© De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.

Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)


Psychothérapie institutionnelle d’enfants
et médication. Plasticité et régulation
Philippe Kinoo 1

Résumé
L’article présente trois fonctions essentielles de la pratique de psychothé-

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.202.207.9 - 19/03/2019 11h49. © De Boeck Supérieur


rapie institutionnelle d’enfants : pare-excitation, symbolisation et construction.
La place d’une médication psychotrope est analysée comme adjuvant d’une prati-
que basée essentiellement sur la relation. La thérapie institutionnelle telle que
décrite ici agit sur le développement global de l’enfant et donc sur la plasticité
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.202.207.9 - 19/03/2019 11h49. © De Boeck Supérieur

neuronale, là où la médication adjuvante n’a, au mieux, qu’un effet régulateur.

Abstract: Children’s institutional therapy and use of medication.


Neuroplasticity and regulation
This article presents three essential functions of children’s institutional
therapy: “pare-excitation”, symbolization and construction. The status of psycho-
tropic medication is analyzed in a context of practice based on relationship. Insti-
tutional therapy, as presented here, has an impact on the child global development
and therefore on neuronal plasticity, – where medication has, at the very best, only
a regulating effect.

Mots-clés
Psychothérapie institutionnelle – Enfant – Médication.

Key words
Institutional therapy – Child – Medication.

Le cadre

Notre institution – Le KaPP – accueille vingt-cinq enfants, âgés de


quelques mois à 12-13 ans. Les psychopathologies sont variées: autisme, psy-
choses, dysharmonies graves et/ou associées à des troubles du comportement,

1 Médecin psychiatre infanto-juvénile, Le KaPP, service de psychiatrie infanto-juvé-


nile, Cliniques Universitaires Saint-Luc, Bruxelles.

DOI: 10.3917/ctf.043.0187
188 Philippe Kinoo

névroses invalidantes (phobies, TOCS,…), anorexie. Vingt enfants fréquen-


tent le centre en “jour”, cinq en “jour-nuit”. Plus de cinq cents enfants ont été
accueillis au fil des sept années de fonctionnement.
La culture institutionnelle du départ était clairement basée sur la psy-
choéducation d’une part et la psychothérapie d’autre part. Les deux médecins
de l’équipe – l’un d’orientation analytique, l’autre systémicien – étaient par
ailleurs de très modestes prescripteurs.
La prise en charge de situations psychopathologique lourdes allait con-
fronter l’équipe à la nécessité de développer de façon importante la capacité
de contenance de l’institution et de penser l’usage de tous les outils théra-
peutiques disponibles, y compris l’usage (…et le non-usage) réfléchi de la

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.202.207.9 - 19/03/2019 11h49. © De Boeck Supérieur


médication. Une présentation du fonctionnement institutionnel (« multifonc-
tionnel interactif ») a été faite par ailleurs (Kinoo, 2006).

La pratique
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.202.207.9 - 19/03/2019 11h49. © De Boeck Supérieur

Notre conviction reste que les psychopathologies et autres troubles du


développement des enfants doivent être accompagnés et traités principale-
ment par la structure institutionnelle et la relation avec les soignants. C’est ce
que nous développons plus loin.
Cependant, cette conviction a aussi ses limites. Selon une de nos for-
mules: “Avec des enfants, la relation thérapeutique peut être anti-anxieuse,
antidépressive ou contenante, mais elle ne peut être antipsychotique”.
La pratique nous a amené à observer l’apport positif au traitement de
quelques médications.
Ainsi, dans quelques rares cas, le méthylphénidate (Rilatine) s’est
révélé utile pour améliorer des enfants présentant – dans un tableau plus com-
plexe, du moins pour ceux qui sont pris en charge au KaPP – une agitation
motrice, et/ou des troubles de l’attention.
Nous ne développerons pas ici notre conception de l’ADHD, ni de
l’usage du méthylphenidate, ceci ayant été fait par ailleurs (Kinoo, 2004 ;
Roskam, Nassogne & Kinoo, 2007). Nous y plaidions par exemple, avant de
lancer un traitement médicamenteux à plus long terme, pour un essai placebo/
méthylphénidate, en impliquant l’enseignant pour une observation en milieu
scolaire des effets de l’un et l’autre médicament. Nous reprendrons cet exem-
ple plus loin dans le texte.
Psychothérapie institutionnelle d’enfants et médication. Plasticité et régulation 189

Pour des pathologies telles que l’autisme et les troubles envahissants


du développement, pour les psychoses infantiles et les prépsychoses ou dys-
harmonies évolutives, nous utilisons parfois une médication neuroleptique –
non pas quand le diagnostic est posé, mais après un temps “d’observation-
action” dans le cadre de la psychothérapie institutionnelle, lorsque l’enfant
reste envahi par des “mécanismes mentaux déstructurés”, et que cela le freine
dans l’amélioration de sa socialisation et/ou de son développement.
Dit autrement, par rapport à l’usage ou au non-usage d’un médica-
ment, nous n’avons jamais utilisé de neuroleptiques pour réduire ou limiter
d’éventuels comportements agressifs ou violents, du moins en première
intention.

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.202.207.9 - 19/03/2019 11h49. © De Boeck Supérieur


L’angoisse et les troubles du sommeil ou d’endormissement ne sont
pas traités par des benzodiazépines. Mais si nécessaire, l’éducateur qui fait le
“soir” – jusque 22 heures – passe la nuit au chevet de l’enfant (Quand tout va
bien, c’est l’infirmière “de pédiatrie” qui effectue la surveillance pour les
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.202.207.9 - 19/03/2019 11h49. © De Boeck Supérieur

enfants de l’unité qui dorment aux Cliniques).


Ceci dit, même pour les enfants souffrant d’une psychose, lorsque la
structure institutionnelle et la relation des soignants sont adaptées à leurs dif-
ficultés et à leurs compétences, on observe dans bien des cas une action thé-
rapeutique manifeste sur l’envahissement psychotique.
Ainsi, Yasmine, une fillette de 10 ans, présentant un retard mental
(QIT mesuré à 49 peu après l’entrée au KaPP) et des symptômes psychoti-
ques, était acceptée – tolérée, serait un mot plus adéquat – dans une école
bienveillante et accueillante. Elle s’y retrouvait en 3e année primaire – ordi-
naire – avec des enfants de son âge. Cet accueil généreux de l’école ne pou-
vait bien évidemment pallier à l’inadéquation de plus en plus grande du
milieu scolaire, jusqu’à devenir une maltraitance involontaire pour Yasmine
qui devenait de plus en plus isolée et hallucinée. Après quelques jours en psy-
chothérapie institutionnelle, avec des activités et un accompagnement adap-
tés à ses capacités, son humeur a été transformée. Elle s’est remise à parler en
famille de ce qu’elle faisait à l’hôpital. Elle a noué des relations amicales avec
d’autres enfants de son groupe. Ce n’est qu’après plusieurs semaines – et
entre autre quand les parents ont bien compris et accepté la pathologie de leur
fille –, que nous avons prescrit un neuroleptique. Ce dernier a permis de
réduire encore les moments hallucinés, et d’augmenter son ouverture aux
apprentissages.
190 Philippe Kinoo

Les neuroleptiques dits atypiques se sont imposés sur le marché pharmaceutique, en-
tre autre par le fait qu’ils auraient moins d’effets secondaires que les neuroleptiques
des premières générations (chlorpromazine, halopéridol…).

S’il y a en effet moins de problèmes de type “extrapyramidaux”, il y a cependant dans


la grande majorité des cas, un effet sur le métabolisme avec des prises de poids diffi-
ciles à contrôler. Cette transformation du corps qui s’impose par la médication nous
semble un effet secondaire psychiquement et physiquement “lourd” à porter et nous
avait amené à supprimer quasi complètement leur usage.

Depuis quelque temps, une nouvelle molécule, l’aripiprazole, semble éviter cet effet
secondaire, tout en gardant un bon effet antipsychotique. Cependant, la molécule
n’est distribuée que dans des gélules à 10 mg. Pour les enfants, une dose de 1,5 à 3
mg semble suffisante (ce qui peut se prescrire en “magistral”, en gélules opaques, car

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.202.207.9 - 19/03/2019 11h49. © De Boeck Supérieur


le produit est instable à la lumière).

Contenance : pare-excitation et symbolisation


Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.202.207.9 - 19/03/2019 11h49. © De Boeck Supérieur

Pour qu’une institution puisse travailler sans utiliser de médicaments


pour prévenir et contenir les comportements agressifs ou violents, cela
demande de développer les capacités de contenance de la structure d’une
part, et des membres de l’équipe d’autre part (Kinoo et Kpadonou, 2007).
La contenance, c’est, en reprenant les termes de Bion, la “capacité
d’une personne ou d’un système éducatif ou thérapeutique d’assumer une
fonction de pare-excitation, mais aussi une fonction de symbolisation”.
Pour arriver à déployer une contenance institutionnelle, il faut qu’une
équipe développe un savoir-faire tant individuel que collectif, tant dans la
prévention que dans l’intervention. Si une équipe thérapeutique estime que
les débordements émotionnels et les comportements agressifs doivent pou-
voir être accompagnés jusqu’à l’apaisement par la relation et le contact verbal
ou physique, et si elle estime que c’est l’ambiance, la structure, les activités
et la relation qui sont les outils de prévention de ces débordements, on ima-
gine la nécessité d’une pensée commune et d’une action bien comprise et
concertée à tout niveau de l’équipe, depuis l’intervenant qui se retrouve en
première ligne lors d’un débordement, jusqu’à la direction, en passant par le
collègue à côté du premier intervenant, ou celui qui, se trouvant dans le
bureau voisin, entend les cris signalant l’explosion voisine.
La fonction préventive ou active de pare-excitation est donc une fonc-
tion essentielle du champ de la psychoéducation, et très certainement de la
psychothérapie institutionnelle.
Psychothérapie institutionnelle d’enfants et médication. Plasticité et régulation 191

Cependant, à côté de la fonction de pare-excitation, la contenance bien


comprise nécessite également de développer la fonction de symbolisation.
L’aide à la symbolisation, l’aide à mettre du sens avec l’enfant sur ses émo-
tions, ses actions, ses relations est une autre dimension essentielle de la prise
en charge thérapeutique, très certainement pour les enfants en souffrance psy-
chique, en difficulté de développement émotionnel et/ou cognitif. L’aide à la
symbolisation est d’ailleurs la dimension la plus évidente et la plus centrale, la
plus habituellement réfléchie et analysée dans le champ psychothérapeutique.
Et pourtant, dans notre pratique de psychothérapie institutionnelle,
nous ne faisons pas de hiérarchie entre la fonction de symbolisation et la fonc-
tion de pare-excitation. Ce sont deux fonctions également nécessaires. Nous
y ajouterons d’ailleurs une troisième fonction, constituante essentielle: la fonc-

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.202.207.9 - 19/03/2019 11h49. © De Boeck Supérieur


tion de construction.

La construction
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.202.207.9 - 19/03/2019 11h49. © De Boeck Supérieur

Faute de mieux, nous utilisons ce mot pour signifier la dimension


pédagogique, ou d’apprentissage, ou de développement cognitif,… à l’inté-
rieur de la psychothérapie institutionnelle telle que celle-ci se conçoit de plus
en plus actuellement.
Jusqu’il y a peu, cette fonction « pédagogique » était considérée comme
intéressante, certes, mais secondaire à la fonction « psychothérapeutique ».
Or, si l’on considère l’enfant pris en charge en psychothérapie institu-
tionnelle, pas seulement comme un « enfant en souffrance », mais d’abord
comme un enfant tout simplement, on perçoit la nécessité de tenir compte du
fait qu’il est un petit humain en développement. Il y va de la responsabilité
des adultes qui le prennent en charge pour un long terme de tenir compte de
cette dimension. Et cela d’autant plus que, dans une certaine mesure, le déve-
loppement cognitif va permettre un meilleur accès au symbolique… tout en
sachant que c’est l’accès au symbolique qui permet une bonne part des
apprentissages et du développement cognitif.
En fait, tout développement des capacités de pare-excitation, de sym-
bolisation ou de construction favorise le travail de psychothérapie institution-
nelle (ou – de façon plus générale – favorise la psycho-éducation d’un enfant
dans le milieu familial ou scolaire ou dans tout autre milieu social)
192 Philippe Kinoo

La relation

La fonction de pare-excitation, la fonction de symbolisation et la fonc-


tion de construction sont selon nous les trois éléments du nœud borroméen de
la psychothérapie institutionnelle d’enfants.

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.202.207.9 - 19/03/2019 11h49. © De Boeck Supérieur


Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.202.207.9 - 19/03/2019 11h49. © De Boeck Supérieur

Observons que ces trois fonctions ne peuvent exister sans relation


(éducative ou psychoéducative ou psychothérapeutique,… on peut discuter
sur les qualificatifs mais pas sur la substance même de la relation). C’est la
relation à l’adulte, en soutien de ces trois fonctions, qui en permet le dévelop-
pement.

Le médicament et la psychoéducation

Lorsque l’on considère la psychothérapie institutionnelle comme un


nœud borroméen de ces trois fonctions et que c’est leur intrication à trois qui
tient le tout – si l’une des trois disparaît, les deux autres aussi –, on peut penser
l’usage du médicament dans ce contexte.
Dorian, sept ans, a d’importants troubles du comportement, liés à son
agitation. Il présente un handicap mental léger à modéré. Après son passage
au KaPP à l’âge de cinq ans, où il avait bénéficié pendant plusieurs mois
d’une prise en charge multidisciplinaire avec un intense travail psychoéduca-
tif, il est orienté vers l’enseignement spécialisé. Dix-huit mois plus tard, les
parents nous consultent de nouveau. Le tableau est resté globalement le
même, malgré les efforts de Dorian, ceux de l’institutrice et des parents, ainsi
que leurs encouragements. Vu la persistance des difficultés, le contexte sou-
tenant et l’âge du garçon, nous proposons aux parents un essai de traitement
Psychothérapie institutionnelle d’enfants et médication. Plasticité et régulation 193

médicamenteux. Nous leur expliquons que la première semaine, Dorian rece-


vra un placebo, c’est-à-dire « un médicament psychologique » et la seconde
semaine, deux fois par jour, 5 mg de méthylphénidate (Rilatine). Nous leur
remettons une lettre pour l’institutrice, où nous demandons qu’elle note ses
observations au fil des deux semaines. Dans ses commentaires concernant la
première, elle décrit le petit Dorian plus motivé : il arrive pour la première
fois de l’année à terminer un exercice. La seconde semaine, il est toujours
aussi souriant et motivé, mais, écrit-elle : « C’est miraculeux. ». Il est nette-
ment plus posé et attentif et son attitude face au travail est transformée.
Cet exemple repris au contexte scolaire et non à la psychothérapie ins-
titutionnelle à proprement parler, montre comment les trois champs sont con-
cernés par le traitement mais aussi que la relation est le potentialisateur de

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.202.207.9 - 19/03/2019 11h49. © De Boeck Supérieur


leur action et surtout de leurs interactions. La relation entre les parents, l’ins-
titutrice, Dorian et le thérapeute permet à chacun, de sa place, de comprendre
l’effet positif, mais partiel, de l’action biologique du médicament. L’effet pla-
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.202.207.9 - 19/03/2019 11h49. © De Boeck Supérieur

cebo fait émerger les compétences de pare-excitation déjà développées par


Dorian grâce au travail et à l’éducation préalable, de même que ses capacités
de « construction ». Ce n’est que quand cela est assuré qu’un médicament
peut prendre une place sensée dans l’approche thérapeutique.
L’agressivité ou des comportements perturbateurs sont bien souvent
des symptômes qui entraînent parents, enseignants ou soignants à demander
une prescription médicamenteuse. Il y a une banalisation de la prescription,
favorisée par l’absence d’effets secondaires, ou la minimalisation de ceux-ci :
nous avons évoqué notre inquiétude par rapport à la prise de poids suite à
l’usage de la dernière génération de neuroleptiques. L’indication de ces neu-
roleptiques n’est plus « simplement » la psychose, mais c’est officiellement
également le trouble du comportement. Ainsi pour la risperdone (Risperdal) :
« Indications : Schizophrénie (…). Comportement agressif aigu chez les
patients atteints de démence (…). Perturbation grave du comportement : (…)
L’expérience systématique acquise avec le Risperdal est encore insuffisante
chez les enfants de moins de cinq ans présentant une perturbation grave du
comportement (…). »
Or, « l’expérience systématique acquise en psychothérapie institution-
nelle avec des enfants » montre l’inanité de cette seule approche biologique.
Dans la toute grande majorité des situations de trouble du comportement, la
relation psychoéductive, tenant cadre et limites, développant bienveillance et
renforcements positifs, permet d’aller vers une évolution positive dans les
trois champs « pare-excitation, symbolisation, construction ».
194 Philippe Kinoo

Ce n’est que lorsque cette approche structurée, ferme et bienveillante


ne suffit pas que l’usage du médicament peut être tenté.

Compréhension psycho-développementale
et biologique

Chez l’enfant, bien plus que chez l’adulte, la plasticité neuronale est
importante. Le développement même de l’enfant est le signe de cette évi-
dence.
Si nécessaire, l’approche psychoéducative pourrait se justifier d’un
point de vue biologique par la primauté du travail sur la plasticité neuronale

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.202.207.9 - 19/03/2019 11h49. © De Boeck Supérieur


par rapport à la recherche de « l’équilibre neurobiologique » par le psycho-
trope. Chez l’adulte, au contraire, cette plasticité étant réduite, on devra tabler
plus sur des mécanismes de « régulation » par des médications agissant sur
les neurotransmetteurs.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.202.207.9 - 19/03/2019 11h49. © De Boeck Supérieur

Le travail de psychothérapie institutionnelle tel que nous l’avons décrit,


se base donc en fait sur la capacité d’un (re)façonnement neuronal chez
l’enfant, toujours en développement. La puissance de l’action thérapeutique
de la psychothérapie institutionnelle nous renforce dans cette conviction.
Cette manière de se représenter l’action thérapeutique – agir sur la
plasticité par le travail psychoéducatif ; agir sur la régulation par la médica-
tion – confirme la cohérence de notre modèle mis en place avec les enfants et
les familles, où la médication n’intervient que dans un éventuel deuxième
temps thérapeutique. Le premier temps permet aux parents de constater
l’évolution par l’usage des seuls outils relationnels dans la structure thérapeu-
tique. Ensuite seulement, lorsque le travail sur la plasticité semble entravé par
une « dérégulation » neuronale, le médicament peut devenir un adjuvant sta-
bilisateur de la dispersion, de l’agitation mentale, ce qui favorise, par une
action pare-excitatrice, l’accès à la symbolisation et à la construction.
Et, bien sûr, l’apaisement permet quelques fois un bonus relationnel :
plus apaisé, plus posé, l’enfant peut présenter un moindre degré d’agressivité
ou d’agitation, ce qui favorise la relation psychoéducative … et nous voilà en
en pleine rétro-action positive, en plein cercle vertueux…
Psychothérapie institutionnelle d’enfants et médication. Plasticité et régulation 195

En guise de conclusion

L’expérience clinique de la psychothérapie institutionnelle d’enfants,


y compris l’usage réfléchi de certaines médications psychotropes, se trouve
plutôt confortée par le modèle neurobiologique.
Ce qui reste le plus important, c’est la vision globale de l’enfant en
développement, qu’il souffre ou non de psychopathologies ou de troubles du
développement.
Le travail psychothérapeutique doit dès lors associer des actions dans
l’ensemble des sous-systèmes développementaux – pare-excitation, symbo-
lisation, construction, pour reprendre notre modélisation.

Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.202.207.9 - 19/03/2019 11h49. © De Boeck Supérieur


Lorsque l’ensemble de ces actions est en cours, alors seulement la
médication peut devenir un adjuvant pour ce que nous appellerons « l’aide à
la régulation », favorisant une meilleure ouverture au monde, aux apprentis-
sages et à la relation.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.202.207.9 - 19/03/2019 11h49. © De Boeck Supérieur

Références
KINOO Ph. (2004): Hyperactivité: Rilatine, Placebo and Co. Enfances-Adolescen-
ces 6: 11-22, De Boeck, Bruxelles.
KINOO Ph. (2006) : Psychothérapie institutionnelle : le paradigme multifonction-
nel interactif. Thérapie familiale 27(1) :47-59.
KINOO Ph. & KPADONOU E. (2007) : Enfant, contenance et contention. Neu-
ropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 56(3) : 117-121.
ROSKAM I., NASSOGNE M-C. & KINOO Ph. (2007) : L’enfant avec troubles
externalisés du comportement: approche épigénétique et développementale.
Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 55 : 204-213.

Vous aimerez peut-être aussi