Vous êtes sur la page 1sur 2

Revue française de science

politique

Althusser (Louis) - Montesquieu. La politique et L'histoire


Monsieur Jean Touchard

Citer ce document / Cite this document :

Touchard Jean. Althusser (Louis) - Montesquieu. La politique et L'histoire. In: Revue française de science politique, 10ᵉ année,
n°4, 1960. p. 944;

https://www.persee.fr/doc/rfsp_0035-2950_1960_num_10_4_392603_t1_0944_0000_002

Fichier pdf généré le 23/04/2018


Revue Française de Science Politique

Pente* Politique

ALTHUSSER (Louis) — Montesquieu. La politique et


l'histoire. — Paris, Presses universitaires, 1959. 19 cm, 120 p. Bibliogr.
NF 3,60. (Initiation philosophique. 38.)
Louis Althusser est apparemment marxiste, mais son marxisme est
remarquablement dénué de dogmatisme. Il épargne aux lecteurs de ce petit livre dense
et vif les références d'usage à la bonne doctrine et les habituelles considéra'
tions sur la biographie de l'auteur étudié et l'influence qu'ont exercée sur sa
pensée son milieu familial et la société dans laquelle il a vécu (1). C'est par
une analyse interne que L. Althusser met en lumière l'unité de l'œuvre de
Montesquieu et qu'il souligne les présupposés politiques et les partis pris qui
l'inspirent.
L. Althusser commence par montrer ce qu'ont de révolutionnaire la méthode
de Montesquieu et sa théorie de la loi. Refusant de juger ce qui est par ce
qui doit être et de soumettre les faits politiques aux concepts abstraits du droit
naturel, Montesquieu propose de la loi une définition proprement scandaleuse,
puisqu'il en fait non pas un commandement auquel il convient d'obéir, mais
un rapport entre des variables qu'il convient d'observer. Ainsi s'expliquent la
typologie des gouvernements que propose Montesquieu et sa distinction
classique entre la république (qui appartient, selon lui, au passé), le despotisme
(derrière lequel il vise la monarchie absolue) et enfin la monarchie.
C'est ici qu'apparaissent clairement les préférences politiques de Montesquieu.
Reprenant et prolongeant les observations de Charles Eisenmann (2), L. Althusser
montre que Montesquieu n'a jamais été un théoricien de la séparation des
pouvoirs. L'intention profonde de son iœuvre est de convaincre le monarque
qu'il a tout à perdre s'il ne s'appuie pas sur la noblesse et la noblesse qu'elle
a tout à craindre d'un despote, qui risquerait de provoquer des convulsions
populaires. La modération n'est pas le respect de la légalité mais le partage
— au profit de la noblesse — du pouvoir entre des puissances.
Ainsi s'explique, selon L. Althusser, la singulière destinée posthume de
Montesquieu : « Cet opposant de droite a servi dans la suite du siècle tous
les opposants de gauche, avant de donner des armes dans l'avenir de l'histoire
à tous les réactionnaires ».
Jean Touchard

1. Cf. l'explication de Spinoza par Jean. T. Desanti dans son Introduction


à l'histoire de la philosophie, t. 1.
2. « L'Esprit des lois et la séparation des pouvoirs », Mélanges Carré de
Malberg, 1933. pp. 163-192. Voir aussi la contribution du même auteur à
l'ouvrage collectif publié pour le bi-centenaire de L'esprit des lois, Sirey, 1952,
329 p.

9U

Vous aimerez peut-être aussi