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Annales historiques de la

Révolution française

Necker et Mounier devant le problème politique


Henri Grange

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Grange Henri. Necker et Mounier devant le problème politique . In: Annales historiques de la Révolution française, n°198,
1969. Georges Lefebvre pour le dixième anniversaire de sa mort. pp. 583-605;

doi : https://doi.org/10.3406/ahrf.1969.3860

https://www.persee.fr/doc/ahrf_0003-4436_1969_num_198_1_3860

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NECKER ET MOUNIER

DEVANT LE PROBLÈME POLITIQUE

avec Parmi
l’idée arrêtée
ceux qui
de substituer
abordèrentà la
la monarchie
période révolutionnaire
française un
régime imité de la Constitution anglaise, Necker et Mounier,
l’un au gouvernement, l’autre aux Etats généraux, apparais¬
sent comme des figures particulièrement représentatives.
On fait toutefois ressortir à l’avantage de ce dernier la
sincérité de ses convictions, la netteté de ses objectifs, la fran¬
chise de ses prises de position, tandis que l’on présente volon¬
tiers le ministre de Louis XVI comme un personnage
cauteleux ou tout au moins indécis, hésitant, incertain, dont on
ne sait très exactement quelles furent les véritables inten¬
tions durant les premiers mois de la Révolution française,
quels buts il poursuivait, et l’on aurait tendance à expliquer
son attitude par « l’opportunisme ductile » (1) d’un politi¬
cien désireux avant tout de rester au pouvoir.
Nous voudrions tenter de nuancer cette interprétation
traditionnelle. En réalité, le Genevois a des idées et un pro¬
gramme tout aussi clair et précis que ceux du jeune député
qui fut à la fois son allié et son adversaire. Mais leur com¬
mune admiration pour la Constitution anglaise dissimule en
fait deux interprétations radicalement différentes des insti¬
tutions d’Outre-Manche, et plus profondément encore deux
conceptions irréductibles l’une à l’autre du pouvoir et des
conditions de son exercice, l’une parfaitement conforme à la
pensée du temps, l’autre au contraire beaucoup plus origi¬
nale. C’est pour cette raison d’ailleurs que les conceptions
de Mounier apparaissent si nettes, si totalement dépourvues
d’ambiguïté : il pense les problèmes politiques comme ses
contemporains, il s’inscrit dans une tradition bien connue,

(1) J. Egret, La Révolution des Notables, p. 225.


584 H. GRANGE

tandis que l’originalité même du Genevois en ce domaine


va constituer un écran entre lui et son entourage, et comme il
n’avait ni le goût ni la possibilité en 1789 de dévoiler ses
batteries, de révéler ses projets, il en résulte un doute général
sur les motifs de sa conduite, une impression de malaise qui
n’est peut-être pas justifiée.
Sans entrer dans le domaine des faits, en restant sur
le plan des textes, nous pensons que cette confrontation entre
deux pensées pourra servir à éclairer le comportement de ces
deux hommes en montrant la profondeur du malentendu qui
les séparait sur le plan de l’idéologie.

Sans doute, à s’en tenir aux généralités, à des définitions


sommaires ils poursuivent un but identique, ils veulent tout
d’abord instituer à côté de l’autorité royale un autre pouvoir
représentant la volonté de la nation, faire ainsi disparaître
l’Ancien Régime en mettant fin à l’absolutisme : ce premier
point constitue l’aspect politique de leur programme. Le
second point a un caractère plus proprement social, ils
désirent l’un et l’autrei réserver l’exercice de ce second pou¬
voir érigé à côté de l’autorité du monarque, aux riches seuls,
mais à tous les riches quels qu’ils soient sans distinction de
naissance, ce qui entraînerait du même coup sur ce plan-là
aussi la disparition de l’Ancien Régime par la suppression de
la distinction entre l’ordre de la Noblesse et celui du Tiers
Etat, par la fusion en une seule classe de tous les possédants.
Si l’on en reste à ce schéma général, l’accord est évident,
leur idéal à l’un et à l’autre est celui d’une monarchie consti¬
tutionnelle à l’anglaise, avec un roi et un Parlement. Mais
cet accord est superficiel et l’opposition commence dès qu’il
s’agit de définir les rapports qui vont exister entre ce roi et
ce Parlement.
La pensée de Mounier comme celle de la plupart de ses
contemporains et de ses collègues aux Etats généraux est
entièrement dominée par la doctrine de la séparation des
pouvoirs si séduisante par sa simplicité et son apparente
évidence.
« Pour empêcher la tyrannie, il est absolument indispen¬
sable de ne pas confondre avec le pouvoir de faire des lois
celui qui doit les faire exécuter, si leur exécution était confiée
NECKER ET MOUNIER 585

à ceux qui les établissent ils ne se considéreraient jamais


comme engagés par des lois antérieures » (2).
Telle est, exprimée par Mounier, dans un texte où il
reprend presque mot pour mot les célèbres phrases du livre
XI de L’Esprit des lois, cette règle que tant d’esprits jusqu’à
nos jours ont considérée comme un article de foi et la base
nécessaire de toute Constitution.
Cette conviction était si profondément ancrée dans son
esprit, comme dans celui des autres membres de l’Assemblée,
elle apparaît à tel point comme une vérité d’Evangile d’une
valeur absolue et indiscutable, que la Déclaration des droits
de l’homme et du citoyen, préambule de la Constitution de
1791, la proclamera solennellement. L’article 16 en est en
effet ainsi conçu : « Toute société dans laquelle la garantie
des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs
déterminée n’a point de constitution ». On sait que Mounier
collabora très activement à la rédaction de cette déclaration
et à celle de l’article 16 en particulier, pour lequel il avait
proposé la formule suivante : « La liberté publique exige que
la séparation des pouvoirs soit déterminée. »
On ne saurait donc s’étonner de l’admiration qu’il
éprouve et pour celui en qui il voit l’inventeur de la doc¬
trine (3), et pour le pays qui en a fait, pense-t-il, le fonde¬
ment de ses institutions. « Combien Montesquieu est sublime
quand livré à son propre génie, rendu à l’impartialité, il
exprime si énergiquement les maux causés par le pouvoir
arbitraire et développe les caractères et les avantages des
gouvernements libres », écrit-il à propos de l’auteur de
l’Esprit des lois (4). Quant à la Constitution anglaise, malgré
des réserves relatives au système électoral, il la défend tout
aussi vigoureusement : « Je connais les vices de la Constitu¬
tion britannique et surtout l’irrégularité de la représentation
dans la Chambre des Communes, mais je suis toujours
convaincu qu’on ne peut organiser avec quelque perfection un
gouvernement monarchique sans se rapprocher des principes
de celui des Anglais... Je regarde comme certain... que l’Angle¬
terre est aujourd’hui le pays d’Europe où l’on jouit de la
plus grande liberté » (5).

des
Sirey,
sionLois
(2)
(3)
(4)
(5)
des
1933,
Nouvelles
Considérations
Pour
Considérations,
etpouvoirs.
lap.Séparation
la165.
légitimité
Observations
» sur
p.
des37.
les
de
pouvoirs,
gouvernements,
cette
sur les
paternité,
Mélanges
Etats généraux,
p.Carré
voir
7. Chapitre
Eisenmann,
de 1789,
Malberg,
« p.
De 217.
L’Esprit
la
Recueil
divi¬
586 H. GRANGE

S’appuyant sur l’autorité d’un auteur célèbre et sur


l’exemple d’un grand pays, Mounier pose comme une règle
absolue la spécialisation de chaque organe étatique dans une
fonction déterminée : le Corps législatif fait les lois, le
monarque les exécute, et chacun est indépendant dans la
limites.
sphère qui lui a été attribuée et dont il doit respecter les

Il ne pousse pas toutefois jusqu’à l’absurde les consé¬


quences du principe de la séparation. Il ne veut pas interdire
toute relation, tout rapport entre les deux pouvoirs. C’est
ainsi que, de l’exécutif au législatif, il envisage un système
de messages, d’adresses grâce auxquels la Couronne pourra
faire connaître son point de vue sur l’objet des délibérations
du Corps législatif. Mais il est un point sur lequel il demeure
absolument intransigeant, c’est celui de l’initiative des lois,
elle est et doit rester le privilège exclusif des Assemblées.
« Je ne pense pas que le monarque, écrit-il, doive jamais
former lui-même des lois, il peut seulement recommander
de prendre un objet en considération et cette recommanda¬
tion ne peut produire quelqu’effet qu’autant qu’elle donnerait
lieu à un des membres de proposer une loi nouvelle suivant
les formes déterminées; mais si le roi renvoyait aux repré¬
sentants de la Nation des édits dont tous les articles seraient
préparés, la Couronne pourrait se hâter de prévenir leurs
desseins toutes les fois qu’elle en serait instruite, leur faire
perdre ainsi l’usage de former eux-mêmes les lois et se l’attri¬
buer exclusivement, la liberté serait moins assurée; car un
Monarque qui a le droit exclusif de proposer les lois saisit
l’instant favorable pour accroître sa puissance par un acte
de la législation... Je crois donc comme Delolme que l’initiative
en matière de législation ne doit jamais appartenir au
Monarque » (6) .
Aussi l’article 61 du projet de Constitution déposé par
Mounier, le 31 août 1789, était-il ainsi rédigé : « Le roi ne
pourra jamais adresser à une des deux Chambres aucun pro¬
jet de loi, mais il pourra leur envoyer des messages pour les
inviter à prendre en considération les objets qu’il croit les
plus intéressants pour le bien de son royaume » (7).
La discussion sur le veto va lui fournir une occasion
mémorable de manifester la fermeté avec laquelle il défend
le monopole de l’initiative au profit du Corps législatif. A

(7)
(6) Archives
Considérations,
parlementaires,
p. 22. l're série, t. VIII, p. 526.
NECKER ET MOUNIER 587

la clôture des débats le 11 septembre 1789, Necker, partisan


du veto suspensif, crut bon d’intervenir en usant d’un procédé
inhabituel. Il adressa au président de l’Assemblée, sur ce
sujet brûlant, un message intitulé : « Rapport fait au roi
dans son Conseil par le premier ministre des finances », en lui
demandant de le communiquer aux députés tenant séance et
se préparant à passer au vote. L’Assemblée dans son immense
majorité, oubliant un moment l’objet du débat, profita de la
circonstance pour défendre jalousement son indépendance et
réaffirmer son attachement au principe de la séparation des
pouvoirs, en refusant que lecture lui fut faite du rapport de
Necker. Mounier justifiait ainsi cette attitude : « Vous ne
contesterez pas au roi le droit de donner son avis, mais ce
serait lui accorder l’initiative que de l’écouter lorsque la dis¬
cussion est fermée. Il n’a pas de consentement à donner sur
la Constitution... Le roi ne peut ni exiger le veto ni le refuser.
Je le répète encore, c’est à vous de décider si c’est un droit
de la royauté, il est par conséquent inutile de lire ce
mémoire» (8).
Il découle évidemment d’une pareille méfiance, de ce refus
systématique de toute ingérence de l’exécutif dans le tra¬
vail législatif, que Mounier comme presque tous ses collègues
à l’Assemblée ne saurait accepter le cumul des fonctions de
ministre et de membre du Corps législatif. Il ne saurait tolérer
la présence des agents du pouvoir exécutif au sein des
Assemblées; car il voit là le moyen par excellence grâce
auquel la Couronne peut faire entendre sa voix, défendre son
point de vue et ses intérêts, influencer directement l’opinion
des députés. La règle édictée par l’article 37 du projet de
Constitution du 31 août 1789 est rigoureuse : « Si un repré¬
sentant était nommé par sa Majesté à quelqu’emploi ou s’il
en recevait une pension, sa place vaquerait de plein droit et
il ne pourrait reprendre ses fonctions que dans le cas où il
aurait été élu de nouveau » (9).
Inversement Mounier soucieux de défendre l’Assemblée
en enfermant l’exécutif dans ses attributions va s’efforcer
aussi de protéger le monarque de toute intrusion du légis¬
latif dans son domaine. C’est le sens qu’il va donner à sa
lutte pour le veto. Mounier va prétendre que le veto n’est pas
une arme offensive, mais une arme défensive sans laquelle
l’exécutif risque de tomber sous la domination des Assem-

(8) Ibid.,
(9) Archives
p. 625.
parlementaires, 1“ série, t. VIII, p. 610.
588 H. GRANGE

blées (10). « ...pour conserver, écrit-il, l’indépendance de la


Couronne, pour garantir la liberté du peuple des entreprises
qui pourraient être faites dans la suite par ses représentants,
frour la dignité du trône, pour le bonheur du public il [le
monarque] a le droit de rejeter une loi par un veto ou de
l’approuver par sa sanction » (11).
C’est au nom du même principe de la séparation des
pouvoirs qu’il réclame pour le roi le droit exclusif de nommer
les ministres, et qu’il n’envisage pour eux qu’une responsa¬
bilité pénale et non une responsabilité politique, excluant
ainsi toute intervention directe, tout droit de regard du Corps
législatif sur l’action gouvernementale.
Sa position apparut clairement lors des débats qui sui¬
virent le renvoi du ministre des Finances, et qui donnè¬
rent l’occasion d’exprimer ses idées à ce sujet avec toute la
précision désirable. Indigné comme la majorité de ses collè¬
gues, il propose sans doute de faire parvenir au roi « une
adresse pour le supplier de rappeler MM. Necker, de Mont-
morin, de la Luzerne et de Saint-Priest, pour lui exposer que
l’Assemblée Nationale ne peut avoir aucune confiance dans
ceux qui leur ont succédé et qui sont restés en place ». Mais
il s’agit là d’une démarche de caractère exceptionnel, et quand
Mirabeau le 16 cherche à tirer parti de la situation pour
faire passer une proposition qui eût établi la responsabilité
politique des ministres, il se dresse énergiquement contre
cette mesure : « Il est à craindre, déclare-t-il, que la demande
faite par le préopinant (Monsieur de Mirabeau) ne porte
quelqu’atteinte à la liberté et à la puissance que le roi doit
avoir dans la formation de son conseil et du ministère.
Refuser sa confiance à un ministre à qui le roi a donné la
sienne serait de la part de l’Assemblée nationale une manière
indirecte d’obliger le roi à le renvoyer, et un tel droit dans
l’Assemblée y ferait naître une multitude d’intrigues pour
faire tomber du ministère ses ennemis et s’y faire porter
soi-même; c’est là un des plus grands abus du Parlement
d’Angleterre et une des causes qui portent le plus d’orages
soit dans la constitution soit dans le ministère... Il faut
empêcher la réunion des pouvoirs. Il faut que l’Assemblée

ne la
arrive
de
Düguit
1789.
fait
(10)
(11)
»séparation
d’employer
:Revue
pas
Toutefois
Considérations,
« La
toujours
d’économie
Séparation
des
des
dans
formules
pouvoirs.
preuve
p.son
politique
28.
des
argumentation
d’une
enCette
Pouvoirs
contradiction
1893,
parfaite
contradiction
p. et342.
enrigueur
l’Assemblée
évidente
faveur
a été
logique
duavec
soulignée
veto
Nationale
le etprincipe
Mounier
il par
lui
de
NECKER ET MOUNIER 58-9

nationale ne confonde pas les pouvoirs exécutif et législatif.


Quand on fera la Constitution, on posera des limites sacrées
à chacun de ces pouvoirs. En attendant il n’est pas de la
dignité de la Nation d’avoir de l’influence sur le choix des
ministres » (12).
On voit ainsi avec quelle rigueur Mounier applique la
doctrine et ne cesse de s’y référer. C’est en effet l’Evangile
politique de l’époque, et pour avoir des chances de triom¬
pher dans une discussion, il faut être à même de démontrer
qu’on la respecte scrupuleusement. Elle fournit une réponse
à tous les problèmes que pose l’organisation de l’Etat. Grâce
à elle, Couronne et Parlement ont leurs attributions soigneu¬
sement déterminées et délimitées. Ils sont conçus pour exister
côte à côte, en se consacrant chacun avec le minimum possible
de rapports aux tâches qui leur sont assignées.
II ne faudrait pas en déduire toutefois que les deux
pouvoirs sont placés par Mounier sur le même plan, et il faut
insister sur la primauté qu’il accorde au législatif, conformé¬
ment aux idées de son temps.
Cette primauté réside dans la qualité de la fonction
législative, dans sa noblesse. Il est une image qui revient
souvent sous la plume des écrivains politiques de l’époque,
quand il s’agit de définir le rang qu’occupent respectivement
chacun des deux pouvoirs : c’est l’image de la personne
humaine où le législatif représente la volonté, la faculté de
décision, tandis que l’exécutif n’est que le bras, le modeste
agent d’exécution. Target écrit par exemple : « En toute
société politique ainsi que dans chaque homme, il y a
une volonté et une action, l’action est dirigée par la volonté,
ainsi la volonté générale qui est la puissance législative doit
régir l’action du gouvernement ou la force exécutive» (13).
Sieyès reprend la même métaphore : « L’établissement public
est une sorte de corps politique qui ayant comme le corps de
l’homme des besoins et des moyens doit être organisé de la
même manière. Il faut le douer de la faculté de vouloir et de
celle d’agir. Le pouvoir législatif représente la première et le
pouvoir exécutif représente la seconde de ces deux facul¬
tés » (14). Et Mounier déclare à son tour: «Certainement

parlem.,
et du(13)
(12)
(14)
citoyen,
t.Reconnaissance
Archives
Projet
VIII,
Arch,
de
p. parlementaires,
Déclaration
289.
parlementaires,
et exposition
desIrat.droits
série,
VIII,
raisonnée
de
p.t. 259.
l’homme
VIII,
desp.Droits
242-243.
en société,
de l’homme
Arch.
590 H. GRANGE

les plus belles fonctions de la Souveraineté sont celles du


Corps Législatif» (15). *

On comprend le silence ou la discrétion dont a fait


preuve Necker au cours des premiers mois de la Révolution,
quand on découvre à quel point ses idées étaient différentes
de celles de la plupart de ses contemporains, et plus parti¬
culièrement de ceux qui, dans la lutte pour le triomphe des
institutions anglaises, représentaient le camp ami.
Et tout d’abord, prenant le contre-pied de l’opinion de
Mounier, il affirme hautement la primauté de l’exécutif
dans l’Etat : « Ce pouvoir, écrit-il, quoique le second en appa¬
rence dans l’ordonnance politique, y joue le rôle essentiel. »
Cette citation significative est extraite du plus important des
ouvrages politiques de Necker, Du pouvoir exécutif dans les
grands Etats, qui n’est rien d’autre qu’une entreprise de
réhabilitation de l’exécutif et son apologie.
Pour le Genevois en effet, et nous verrons pourquoi, la
fonction à la fois la plus difficile et la plus importante du
pouvoir est celle de faire respecter la loi, d’obtenir la soumis¬
sion des gouvernés, leur obéissance; or le pouvoir exécutif
est celui qui incarne l’autorité, c’est entre ses mains que
repose l’ordre social; si c’est là la mission fondamentale de
l’Etat, il est naturel que celui qui l’accomplit occupe la pre¬
mière place.
Necker d’ailleurs ne se contente pas de renverser la hié¬
rarchie habituelle, son originalité est plus grande. Si l’on
veut aller au fond de sa pensée, on constate qu’il est opposé
à la distinction même traditionnellement établie entre pou¬
voir exécutif et pouvoir législatif. Il ne l’accepte qu’avec
une sorte de mauvaise grâce, comme l’invention d’intelligences
qui, en soumettant le réel à une analyse abstraite, arrivent à
le morceler en éléments distincts, mais sans tenir compte
des exigences de l’action et de la vie. Sans doute, dans
l’accomplissement d’un acte de gouvernement, peut-on dis¬
tinguer théoriquement la réflexion de l’exécution; mais il
n’en reste pas moins que gouverner c’est agir. Or, un acte
s’accomplit d’un seul mouvement, d’un seul élan, et cette

« le(16)
important
pouvoir
Considérations,
pourlégislatif,
le bonheur
p.
le 26.
plus
duCf.
peuple.
essentiel
encore» Nouvelles
de la souveraineté,
Observations, lep. plus
196,
NECKER ET MOUNIER 591

unité est à ses yeux beaucoup plus importante qu’une disso¬


ciation artificiellement établie entre l’autorité qui légifère et
l’autorité qui exécute. Aussi reprend-il pour la critiquer
la métaphore à la mode : « L’homme, observé comme indi¬
vidu, réunit des êtres différents au moment où il médite et
au moment où il agit; et, lui-même en quelque manière, lui-
même il se voit deux; mais il n’est pas moins conduit,
entraîné par un seul intérêt, lorsqu’il conçoit un plan et lors¬
qu’il l’exécute; il en est de même et parfaitement de même
dans l’union du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif; et,
en les ordonnant, ces pouvoirs, en les créant, il faut bien se
garder de les séparer maladroitement» (16).
Ce texte montre combien il est à contre-courant de la
pensée de son temps. Il refuse le principe de la séparation
des pouvoirs, pour défendre au contraire celui de l’unité du
pouvoir, unité indispensable à l’accomplissement de la mis¬
sion pour laquelle il a été créé. Sa division, son morcellement
en fonctions distinctes entraînent fatalement un amoindris¬
sement d’autorité, un affaiblissement de puissance infiniment
préjudiciables à l’ordre social.
Pratiquement, cette exigence d’unité va se traduire par
la remise à la disposition du chef de l’Etat, du pouvoir légis¬
latif dont le prive la doctrine de la séparation des pouvoirs,
le regroupement des fonctions, leur réunification s’opérant
naturellement au profit de celui des deux pouvoirs à qui
appartient de droit la pré-éminence, tout au moins dans
l’échelle des valeurs établie par cet auteur, c’est-à-dire
l’exécutif.
Point n’est besoin pour cela de revenir au pouvoir per¬
sonnel, à la monarchie absolue, il suffit de suivre l’exemple
anglais, de se conformer aux usages de la vie politique
d’Outre-Manche, tels qu’ils ont été effectivement pratiqués
durant tout le xvme siècle; il suffit d’imiter la Constitution
anglaise, la vraie, et non point une Constitution repensée et
déformée par des esprits qui ignoraient le mécanisme de son
fonctionnement.
Le secret de ce mécanisme n’est rien d’autre que la pré¬
sence des ministres à l’Assemblée : « Les ministres, en Angle¬
terre, sont presque toujours membres du Parlement. Les uns
ont séance à la chambre haute par leur droit de naissance,
les autres à la chambre basse à titre d’élection, et en vertu

t. XI,(16)
p. 126.
Necker, Dernières vues de politique et de finances, CE. C.,
592 H. GRANGE

des suffrages du peuple. L’assistance de plusieurs d’entre eux


aux délibérations du conseil national, est regardée comme
tellement nécessaire, que si le ministre des finances, par
exemple, n’étoit pas élu membre des communes, le roi seroit
dans la nécessité de faire un autre choix. On ne concevroit
pas en Angleterre, comment les résolutions du corps légis¬
latif pourroient être suffisamment éclairées, comment elles
pourroient être adaptées d’une manière sûre, à la situation
des affaires, sans l’intervention habituelle des chefs du gou¬
vernement. Aussi la chambre des communes laisse-t-elle le
plus souvent l’initiative au chef des finances, non pas en sa
qualité de ministre du roi, mais comme l’homme du parle¬
ment le plus en état par ses fonctions, de connoître ce
qu’exigent les circonstances et l’intérêt du royaume.
La séparation qui doit être maintenue entre le pouvoir
législatif et le pouvoir exécutif, n’est point affoiblie par
l’assistance d’un ou de plusieurs ministres à la chambre des
communes, puisque la qualité seule de représentant du
peuple leur en donne le droit; et c’est un statut constitution¬
nel en Angleterre, de ne jamais prononcer le nom du roi, au
milieu des discussions du corps législatif » (17).
Ce texte montre le goût du ministre de Louis XVI pour
les procédés qui sauvent les apparences, pour les solutions
efficaces et discrètes qui respectent les grands principes, tout
en tenant compte des exigences de la vie et de l’action. C’est
un fait que chaque membre des deux assemblées dispose du
droit d’initiative et que les ministres n’en usent qu’à ce titre;
mais c’est un fait aussi que le gouvernement par leur inter¬
médiaire dispose pratiquement lui aussi de l’initiative des lois.
Procédé aussi simple qu’ingénieux, la double qualité de
ministre et de député laisse le gouvernement maître de jouer
son rôle de meneur de jeu, ainsi se rétablit l’unité du pouvoir
sous l’apparence, sous la fiction de leur séparation.
La question du veto apparaît alors sous un tout autre
jour et perd beaucoup de son importance. Nedker en est
sans doute partisan pour le principe, mais en sachant que
l’initiative des lois dont dispose en fait la Couronne le rend
pratiquement inutile. Le roi n’a pas à refuser des lois dont
il est l’auteur, et c’est pourquoi depuis près d’un siècle la
Couronne anglaise n’a pas eu à user de cette prérogative.

158. (17) Du pouvoir exécutif dans les grands Etats, Œ. C., t. 8, pp. 157-
NECKER ET MOUNIER 593

En 1789, il n’y avait peut-être que deux hommes, Necker


et Mirabeau, à désirer le cumul des fonctions de ministre
et de député, chacun sans doute avec des buts différents, l’un
pour établir le régime parlementaire dont il aurait eu, dit-on,
la géniale intuition (18), l’autre pour instaurer en France
le régime anglais dans sa réalité, et non dans une impraticable
fiction; mais tous deux fort intelligemment y voyaient le
moyen indispensable pour assurer l’unité du pouvoir, condi¬
tion sine qua non d’un gouvernement solide et efficace.
Cela même qui apparaît à Mounier et à tous ses collè¬
gues comme une atteinte sacrilège à l’Evangile politique de
l’époque, était considéré par Necker comme la trouvaille de
génie qui permet de proclamer officiellement que le Parle¬
ment dispose de l’initiative des lois, alors que pratiquement
les agents du pouvoir jouent dans leur élaboration le rôle
déterminant.
Mais, dira-t-on, le texte de Necker que nous venons de
citer est extrait Du pouvoir exécutif dans les grands Etats
publié en 1792. Comment prouver qu’il concevait déjà en 1789
sous cette forme l’action gouvernementale ? Nous disposons
heureusement d’un document précieux qui ne nous laisse
aucun doute sur ce qui était déjà à cette époque sa doctrine
politique : c’est le Rapport sur le veto. On se rappelle les
circonstances de sa rédaction. L’Assemblée a rejeté le
bicamérisme, ce qui signifie qu’il faut renoncer à tout
espoir d’établir une Constitution à l’anglaise; l’échec des
monarchiens est total, il est tout aussi cuisant pour Necker
que pour eux, mais le ministre a tiré la leçon de l’expérience.
Dans l’état actuel de l’opinion publique et devant les réac¬
tions de l’Assemblée, il lui paraît vain et dangereux de se
battre pour le veto absolu, plus habile de se rallier à la solu¬
tion de compromis qu’est le veto suspensif, et le rapport a
pour objet de justifier ce choix : ce qui était valable dans le
cas d’une Constitution à l’anglaise, ne l’est plus quand on y a
renoncé, telle est son argumentation. Elle lui fournit l’occa¬
sion d’évoquer avec mélancolie son rêve évanoui et, dans cette
évocation de ce qu’il aurait souhaité et de ce qui a été
repoussé, figure sans doute le bicamérisme, mais aussi la
participation directe de l’exécutif au législatif par la présence
des ministres à l’Assemblée. Si la Couronne anglaise est si
sûre de son autorité, c’est, nous explique-t-il, entre autres

la Convention,
(18) Cf. Mirkine-Guetzévitch,
Cahiers de la Révolution
Le gouvernement
française, n,os parlementaire
6-7. sous
594 H. GRANGE

raisons, « parce que les ministres sont presque tous membres


tìu parlement, parce que le plus prépondérant de tous, le
Chancelier de l’Echiquier sert au moins de premier guide
pour les affaires de finances », tandis qu’en France « on met
en doute si les ministres dont les lumières au moins de tra¬
dition seraient souvent utiles, si les ministres unis par leurs
fonctions à l’ensemble des affaires devront être admis comme
députés à l’Assemblée nationale. »
Est-ce à dire que le Genevois sous une forme détournée
veuille revenir à l’Ancien Régime et redonner au monarque
sa toute puissance, derrière une façade d’institutions nouvelles
parfaitement factices ? Ce serait commettre une grave erreur
que de voir dans ce bourgeois un traître à la Révolution. Il
n’a nullement l’intention d’installer un Parlement fantoche.
Simplement, il ne pense pas en politique suivant les catégories
de son temps, il ne pense pas comme ses contemporains en
termes de séparation des pouvoirs.
Au lieu de dresser en face l’un de l’autre en ennemis
irréconciliables, le monarque et l’Assemblée, l’exécutif et le
législatif, au lieu de morceler, de démembrer le pouvoir, il
veut le rétablir dans son unité en faisant de la Couronne
l’élément moteur de toute la machine, mais il veut aussi
attribuer au Parlement un rôle capital, non pas en lui donnant
le monopole d’une fonction, mais en lui confiant un rôle de
contrôle et de surveillance sur l’ensemble des activités du
gouvernement. De même que le monarque exercera le pouvoir
dans sa totalité, le Parlement exercera aussi un contrôle total,
aussi bien sur le plan de l’exécutif que sur le plan du légis¬
latif.
Sans doute, une pareille conception exige-t-elle des méca¬
nismes constitutionnels plus complexes que dans le cas de la
séparation des pouvoirs qui n’est qu’une vue de l’esprit aussi
simpliste qu’impraticable et dont le succès ne s’explique que
par la totale inexpérience politique de ceux qui s’en faisaient
les défenseurs. Necker possède une longue habitude du pou¬
voir, un sens plus aigu des problèmes que pose son exercice,
et surtout une connaissance beaucoup plus approfondie de
la Constitution anglaise. C’est elle qu’il va prendre pour
modèle dans cette délicate harmonisation entre l’organe
chargé d’exercer le pouvoir et l’organe chargé de le contrôler.
En ce qui concerne l’action législative du gouvernement,
ce contrôle s’effectuera le plus simplement du monde, par
l’acceptation ou le refus par les Assemblées des lois dont il a
NECKER ET MOUNIER 595

pris l’initiative. Le gouvernement propose, c’est sa fonction; le


Parlement dispose, c’est son droit. Le procédé est fort effi¬
cace, et il ne viendrait à l’idée de personne de prétendre que
le Parlement d’Angleterre fût au xviii® siècle un Parlement
fantoche.
Pour l’exécutif, le mécanisme est plus complexe. Il y a
sans doute la responsabilité pénale, la procédure de 1 'impeach¬
ment, mais l’exemple britannique laisse deviner bien davan¬
tage. « Il résulte, écrit Neciker..., de la séance des ministres au
parlement, et de la réunion, dans leur personne, des deux
titres respectables de chef de l’administration et de membre
du corps législatif, que leur considération se maintient au
niveau de leurs importantes fonctions; et comme ils ne pour-
roient servir la chose publique, comme ils ne pourroient même
conserver leur place, s’ils ne déployoient pas des talens, des
vertus, et des connoissances, le monarque se trouve dans la
nécessité de les choisir parmi les hommes les plus distingués
de la nation » (19).
Montesquieu déjà montrait le roi dans la même situa¬
tion : « Contre les maximes ordinaires de la prudence, [le
monarque] serait souvent obligé de donner sa confiance à
ceux qui l’auraient le plus choqué et de disgrâcier ceux qui
l’auraient le plus servi, faisant par nécessité ce que les autres
princes font par choix » (20).
Ces textes décrivent assez justement sans doute ce que
furent les rapports entre le roi et le Parlement, entre le
pouvoir et l’organe de contrôle au xviii® siècle en Angleterre.
Il n’y a pas encore de responsabilité politique des ministres
devant la Chambre, au sens moderne du terme, mais il est
cependant à peu près impossible à la Couronne de gouverner
contre le Parlement. Entre ces deux limites extrêmes et
jamais atteintes que sont la démission automatique du cabi¬
net mis en minorité et la liberté laissée au roi de gouverner
à sa guise, s’ouvre un large éventail de possibilités selon le
degré de rigueur du contrôle et la volonté d’indépendance du
gouvernement. La formule est souple et laisse sa part aux
circonstances et aux personnalités. L’essentiel est qu’il y
ait contrôle. Aussi la glose que donne le professeur Eisenmann
de la phrase de Montesquieu pourrait fort bien s’appliquer
au texte de notre auteur : « dégageant la leçon de la pra¬
tique constitutionnelle anglaise de son temps qu’il semble

159. (20)
(19) Montesquieu,
Du pouvoir exécutif
L’Espritdans
des les
lois,
grands
LivreEtats,
XIX, Œ.
chap.
C., 37.
t. 8, pp. 158-
596 H. GRANGE

avoir parfaitement comprise, il a vu que la dépendance de


fait où le monarque était du Parlement comme le Parlement
l’était de lui par suite de leur indépendance juridique mutuelle
devait l’amener, — bien entendu s’il choisissait ses ministres
dans le Parlement —, à gouverner normalement d’accord
avec la majorité des chambres, et par conséquent à choisir
des ministres qui aient d’une façon générale l’agrément de
celle-ci et puissent obtenir son concours » (21).
On voit ainsi comment au schéma de la séparation
s’oppose le schéma du contrôle. Le souci majeur de Neeker
n’est pas de créer les conditions grâce auxquelles l’exécutif
et le législatif pourront jalousement défendre leur domaine;
il est au contraire d’assurer un contact permanent, une action
continuelle du Parlement et du gouvernement l’un sur l’autre,
et il voit dans la vie politique anglaise un exemple admi¬
rable de cet entrelacement. Mais en 1789, qui, parmi les
membres de l’Assemblée se doutait que la Constitution bri¬
tannique, bien loin d’incarner le principe de la séparation
des pouvoirs, réalisait au contraire une formule dont per¬
sonne alors ne semble avoir eu l’idée et qui est celle-là même
que préconisent les constitutionnalistes d’aujourd’hui : le lea¬
dership du gouvernement et le contrôle des Assemblées, for¬
mule moins séduisante pour l’esprit qu’une distinction nette
et tranchée, mais seule formule viable tandis que l’autre ne
peut qu’engendrer des régimes morts-nés.

«fs*
*

Sur le plan de la technique constitutionnelle, l’opposition


est donc flagrante. Mais elle est tout aussi profonde quand
il s’agit de déterminer les buts assignés à l’état. Nous allons
trouver sur ce plan-là en Mounier un adepte de Rousseau
et de la doctrine de la volonté générale, mais il s’agit d’un
rousseauisme revu et corrigé par celui qui fut son véritable
maître en politique le Genevois Delolme.
L’auteur du célèbre ouvrage sur la Constitution anglaise
a en effet élaboré une théorie du régime représentatif qui
fournit, à point nommé, à la bourgeoisie, l’argumentation qui
lui permettra de satisfaire à la fois sa conscience et ses
intérêts de classe. Delolme démontre que la démocratie repré¬
sentative est bien supérieure à la démocratie directe et que

(21) Op. cit., pp. 184-185.


NECKER ET MOUNIER 597

pour connaître la volonté du peuple dans ce qu’elle a de


profond et de durable, il faut confier aux riches et aux riches
seuls le soin d’en être les interprètes.
« Le peuple, répète Mounier à sa suite, a toujours assez
de lumières pour sentir le prix de la vertu. Les hommes
qu’il choisit sont ordinairement dignes de sa confiance. Il
exerce par la nomination de ses représentants la véritable
autorité qu’il importe de lui réserver... Le pouvoir législatif
ne doit pas être confié à des hommes sans fortune qui n’au¬
raient ni assez de loisir ni assez de lumières pour s’occuper
avec succès du bien général », mais nous assure-t-il avec une
belle confiance, « par la représentation il s’établit des liens
de fraternité entre les riches et ceux qui sont forcés de
travailler pour leur subsistance » phrase qui caractérise
admirablement la sentimentalité de la fin du xviii0 siècle (22).
Tout sera donc pour le mieux dans le meilleur des mondes,
le peuple élira les riches, les riches feront des lois éminem¬
ment bénéfiques à la nation tout entière et le roi les exécutera.
Quel programme plus séduisant dans sa simplicité et l’aveu¬
glante évidence de ses principes !
Contrairement aux apparences, l’existence d’une seconde
chambre, même composée de lords héréditaires ne constitue
nullement un obstacle à la réalisation de ces belles perspec¬
tives. Le bicamérisme dont Delolme et Mounier sont les par¬
tisans est interprété par eux de telle sorte qu’il est parfaite¬
ment compatible avec le principe de la souveraineté du peuple.
Ils dénient en effet, l’un et l’autre, à la chambre des pairs
toute valeur « représentative » son rôle n’est en aucune façon
de défendre les intérêts d’un groupe social distinct et privi¬
légié. Elle est indispensable, mais uniquement destinée à
donner de la stabilité aux institutions et à empêcher les
décisions inconsidérées auxquelles pourrait se laisser entraîner
la chambre basse, seul organe vraiment représentatif (23).
Il est, dès lors, d’autant plus nécessaire de remédier aux
abus du système électoral anglais qui vicient le régime de la
représentation. Il faut et il suffit pour cela de faire participer
la totalité ou la presque totalité de la population à l’élection
de ceux qu’un minimum de douze mille livres de capital

noblesse,
parvenir
succèdent
Pairs(22)
autres
(23)
n’ont
citoyens,
Considérations,
Cf.
àleur
nelaaucun
Considérations,
peuvent
famille
Chambre
leursrapport
ne
fils
entrer
p.
Haute,
forme
aînés
12.avec
p.que
36.
mais
pas
seuls
ce
dans
« une
que
Les
les
peuvent
laclasse
cadets
membres
nous
Chambre
distincte
prétendre
appelons
et tous
dedes
laet
ceux
Communes.
Chambre
àun
séparée
l’espoir
ordre
qui leur
des
de»
598 H. GRANGE

foncier prédestine à la fonction de député. Cette condition


d’éligibilité n’est pas un obstacle au triomphe de la volonté
générale mais la condition nécessaire pour qu’elle puisse se
faire authentiquement connaître et pour que l’état, en accom¬
plissant ses désirs, réalise le bonheur de tous.
Neclker ne partage certainement pas le point de vue de
Mounier sur les vertus du système représentatif et sur sa
signification. L’idée qu’il se fait du sort de ceux « qui sont
forcés de travailler pour leur subsistance » ne l’incline guère
à un pareil optimisme.
Le thème central de toute son œuvre est celui de la loi
d’airain des salaires (24) qui condamne la multitude des non-
possédants au minimum vital, à la plus étroite des subsis¬
tances. Cette loi n’est elle-même que la conséquence de Fins-
titution de la propriété. Or Necker tout autant que Mounier
ne saurait envisager la moindre atteinte à cette institution.
Suivant l’impitoyable logique de son système, les rapports
entre possédants et salariés ne peuvent donc être que des rap¬
ports d’exploitants à exploités. La société se caractérise par
un état de tension permanente et l’autorité politique a été
inventée pour faire respecter par la force une inégalité
(contre laquelle s’insurgent naturellement les non-propriétai¬
res. Le pouvoir est par excellence un instrument d’oppression,
l’agent de la contrainte nécessaire pour maintenir dans la
subordination les éléments sociaux insatisfaits.
Necker est comme obsédé par la crainte de la révolte
toujours possible d’un Caliban dont les chaînes lui paraissent
bien fragiles s’il voulait un jour s’en libérer; loin de céder à
l’accoutumance et de la considérer comme acquise et immua¬
ble, la soumission aux lois lui apparaît comme quelque chose
de mystérieux, d’inexplicable. « Il n’est rien de si extraordi¬
naire dans l’ordre moral que l’obéissance d’une nation à une
seule loi, n’importe que cette loi soit l’expression des volontés
d’un homme ou le résultat des opinions d’une assemblée
représentative. Une pareille subordination doit frapper d’éton¬
nement les hommes capables de réflexion, ne fut-ce que par
son opposition aux règles générales de l’ordre physique où
tout se meut en raison des masses et de leur force attractive.
C’est donc une action singulière, une idée presque mysté¬
rieuse, que l’obéissance du très grand nombre au très petit
nombre; mais nous croyons simple tout ce qui existe depuis

historiques
(24) Cf.,denotre
la Rev.
article,
franç.,« janv.-mars
Necker jugé
1956.
par Karl Marx Annales
NECKER ET MOUNIER 599

longtemps dans l’ordre moral et nous apercevons de même,


avec toute la distraction de l’habitude, les plus grands phéno¬
mènes de l’Univers» (25).
Cette analyse des rapports sociaux, cette conscience
aiguë de la lutte des classes entraînent une conception bien
différente de la représentation et de son rôle.
Tandis que Mounier envisage de faire élire les riches à un
suffrage presque universel, ce qui satisfait à la fois son idéa¬
lisme et ses intérêts de classe, Necker éprouve une profonde
répugnance pour les consultations populaires, pour toute inter¬
vention du peuple dans la vie politique. Les pauvres doivent
être rigoureusement tenus à l’écart du pouvoir. Ce pouvoir a
été élevé contre eux, il a été créé pour faire respecter la pro¬
priété c’est donc une véritable absurdité que de fournir à
la multitude l’occasion de donner son avis sur l’organisation
de la société, alors que dans cette société ils ne peuvent jouer
que le rôle de victimes.
Aussi ne partage-t-il pas la réprobation de Mounier pour
le système électoral anglais. Il constate au contraire avec
satisfaction que ses abus ont pour résultat d’aboutir fort
souvent à la désignation des membres de la Chambre des
Communes soit par le roi, ce à quoi il se résigne facilement,
soit par leurs pairs, ce qui lui paraît la solution idéale.
De tous les systèmes, celui de la cooptation où les riches se
nomment entre eux est incontestablement celui qu’il préfère.
La Chambre des Communes doit constituer elle aussi un
club moins fermé que la Chambre des lords; mais elle doit
rester également close sur elle-même, elle doit être, pour
employer une de ses expressions, « une aristocratie parlemen¬
taire » (26), « a second rate aristocracy » comme la qualifie un
homme politique anglais de cette époque (27).
Il était tentant sans doute pour la bourgeoisie française
de confondre sa cause avec celle du Tiers Etat tout entier,
tentant pour Mounier de se bercer et de bercer ses contem¬
porains de l’espoir de ces liens de fraternité que la représen¬
tation ne manquerait pas d’établir entre les riches et les
pauvres. Necker, reconnaissons-le, ne cède jamais à cette
« illusion lyrique ». La cause des riches est radicalement
distincte de celle du peuple, l’Etat n’a pas pour mission

King(27)
rate (25)
(26)
George
aristocracy
Du and
Dernières
Henry
pouvoir
E.
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Discours
politique
a Œ.
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C.,
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1770,
19-20.
cité
of Commons
<£.
par» C.,
Richard
t. isXI,
a second
Pares,
p. 89.
600 H. GRANGE

d’assurer le bonheur de tous, mais le respect du droit de


propriété.
Et c’est pourquoi il se refuse à réserver aux représen¬
tants de la nation le monopole du travail législatif car ce
serait mettre en question l’autorité du dépositaire du pouvoir
et amoindrir son prestige. La société vit sous la menace
permanente d’une révolte qui entraînerait un état d’anar¬
chie finalement funeste à tous, et son hostilité déclarée à la
doctrine de la séparation des pouvoirs trouve là son expli¬
cation.
Le doctrinaire des Monarchiens et la majorité des
Constituants ont vu en elle une théorie valable dans tous
les temps et les lieux, un principe absolu, le fondement
même de l’Etat. En réalité, elle est l’instrument idéologique
grâce auquel à un moment donné de l’histoire, un groupe
social délimité réalise ses aspirations, conquiert les objectifs
qu’il s’est fixés. Elle est un moyen en vue d’une fin qui est
la destruction de l’Ancien Régime, sa fonction historique a été
de justifier le morcellement du pouvoir aux dépens de celui
qui l’exerçait dans sa totalité.
Necker, sans être un défenseur de cet Ancien Régime, et
c’est la source d’une ambiguïté qui l’a perdu, demeure le
défenseur de l’autorité royale parce qu’elle est l’autorité.
Hostile à tout démembrement, il est le partisan résolu d’un
pouvoir unique, car l’unité du pouvoir est la condition de
l’efficacité et de la puissance. Mais l’exemple de la Constitution
anglaise où Mounier n’a vu que ce qu’il voulait voir, montre
que l’unité du pouvoir n’est nullement incompatible avec la
limitation du pouvoir, limitation qu’il faut obtenir non par le
procédé du démembrement, mais par le procédé du contrôle.

Si nous examinons enfin comment le ministre et le député


se représentaient le rôle dévolu au monarque, dans l’élabo¬
ration de la Constitution future, nous allons constater chez
Mounier par rapport à Necker une évolution marquée.
Le jeune doctrinaire dauphinois s’est laissé emporter lui
aussi, par l’enthousiasme qui a saisi tant d’esprits, à la pensée
que la France allait vivre un moment unique dans l’histoire
d’un peuple, le moment où il fait surgir ex nihilo, par sa
seule volonté, les institutions auxquelles il va se soumettre.
NECKER ET MOUNIER 601

L’assemblée des députés aux Etats généraux se transforme


en Assemblée nationale constituante. La théorie devient réalité,
le pacte n’est plus une fiction livresque, il est une expérience
vécue.
Les Nouvelles Observations portent témoignage de la
satisfaction intense qu’éprouve Mounier devant cette sorte
de disparition momentanée de toute autorité, de vide poli¬
tique total que la France va connaître dans l’attente des
lois constitutionnelles que lui donnera l’Assemblée. « Un
peuple qui n’a point de Constitution et qui en désire une, doit
pour la former se réunir en Corps de Nation au moins par
ses représentants. A quoi serviraient en effet les trois pou¬
voirs (le Monarque et les deux Chambres) avant que la Consti¬
tution fût établie. N’est-ce pas par elle que doivent être déter¬
minés leurs droits respectifs ? Si l’on commençait par les
créer avant d’avoir fixé leurs limites, ne pourraient-ils pas
par un veto empêcher qu’elles ne fussent placées et maintenir
tous les abus qu’ils croiraient leur être favorables ? Il dépen¬
drait donc de la volonté absolue de l’une des branches du
Corps législatif d’empêcher la Constitution d’introduire l’anar¬
chie ou de nous priver éternellement de la liberté, il dépen¬
drait donc de la Couronne de ne point sacrifier les usages qui
favorisent le pouvoir arbitraire, il dépendrait de la Chambre
haute de conserver tous les abus, toutes les places inutiles,
toutes les prodigalités dont profitent les grands » (28).
Necker est au contraire plein de réticences devant ce
rationalisme triomphant, devant ce processus où se manifeste
avec une trop aveuglante clarté le primat de la volonté natio¬
nale. « Ce n’est pas seulement à l’aide des prérogatives réelles
attribuées au pouvoir exécutif, que la haute considération
dont il a besoin et le caractère imposant de dignité nécessaire
à son action se forment et se maintiennent. Il est indispen¬
sable encore d’environner le chef de l’Etat de tout ce qui peut
servir à dominer l’imagination. »
S’il y a un pouvoir qui se définit juridiquement et s’ana¬
lyse en un certain nombre d’attributions, il y a aussi ce que
Necker appelle la magie du pouvoir, un élément impondérable,
que les textes ne peuvent pas créer artificiellement, ne peu¬
vent faire surgir ex nihilo, qui n’est pas de l’ordre de la rai¬
son, mais de l’ordre de l’imagination et du sentiment. Elément
auquel notre auteur attache une importance capitale, car il
compte sur cette magie tout autant que sur le respect de la

(28) Nouvelles observations, p. 253-254.


602 H. GRANGE

loi proprement dite, pour obtenir la soumission de la multi¬


tude.
« Il n’existe ce pouvoir que par la réunion de toutes les
propriétés morales qui forment son essence, il tire sa force et
des secours réels qui lui sont donnés et de l’assistance conti¬
nuelle de l’habitude et de l’imagination, il doit avoir son
autorité raisonnée et son influence magique, il doit agir
comme la nature et par des moyens visibles et par un ascen¬
dant inconnu» (29).
« Les secours réels », « l’autorité raisonnée », « les moyens
visibles », ce sont les droits que les articles d’une Constitution
attribuent au dépositaire du pouvoir. Mais il y a aussi l’assis¬
tance continuelle de l’habitude et de l’imagination, l’influence
magique, l’ascendant inconnu et Necker entend par là un
conditionnement psychologique grâce auquel le souverain sera
entouré d’un halo mystérieux de surhumaine grandeur qui
lui permettra de subjuguer les foules auxquelles il commande.
Necker proclame ainsi, en toute clarté, la nécessité du recours
à l’irrationnel et de la sacralisation du pouvoir.
Cette sacralisation n’est possible que si l’autorité royale
est acceptée comme un absolu, comme une réalité indiscu¬
table et indiscutée, préexistant à tout pacte, à tout contrat, à
toute création consciente et volontaire d’institutions par les
représentants de la nation, plongeant, au contraire ses raci¬
nes dans l’inconscient collectif.
Si Necker était tant attaché à ce que cette préexistence
ne fût pas mise en doute c’est qu’elle devait trouver sa
consécration dans le droit reconnu à l’autorité royale de parti¬
ciper à l’élaboration des institutions futures de la France.
Il aurait certes désiré obtenir davantage pour le monarque
qu’un droit de veto suspensif; du moins, sous cette forme,
devait-il pouvoir être utilisé dans sa plénitude sans limitation
dans le domaine de son application, valable aussi bien pour
les articles proprement législatifs que pour les lois constitu¬
tionnelles et la « Première réponse du roi sur la déclaration
des droits et des dix-neuf articles » de Constitution présentés
à son acceptation montre bien que dans la pensée du ministre
qui l’inspira, il ne pouvait y avoir aucun doute sur le droit
du monarque à faire connaître ses volontés relativement à la
Constitution.
Le revirement de Mounier à cet égard et ses déclarations
embarrassées sont bien significatifs. Au contact des faits,
(29) Du pouvoir exécutif dans les grands Etats, CE. C., t. 8, p. 19.
NECKER ET MOUNIER 603

devant la révélation inattendue de la puissance des masses


qu’apporta le 14 juillet, ce doctrinaire va réviser ses principes
et se montrer beaucoup plus favorable à l’autorité du
monarque. Nous nous contenterons pour faire la preuve de
cette évolution, d’un texte des Considérations où la palinodie
est particulièrement manifeste. Tandis que les Nouvelles
Observations refusaient catégoriquement le veto royal pour
les articles constitutionnels, voici comment Mounier quelques
mois plus tard s’exprime à ce sujet dans les Considérations
publiées en août 1789.
« Plusieurs de ceux qui reconnaissent la nécessité de la
sanction du monarque pour toutes les lois prétendent qu’on
ne doit pas la demander pour la Constitution, ils se fondent
sur une supposition métaphysique; ils disent que l’Assem¬
blée actuelle étant une Convention nationale pour fixer la
Constitution, exerce tous les droits du Peuple français et
qu’elle doit régler tous les pouvoirs sans que le consentement
du Prince soit nécessaire. Voici mes réflexions sur ce
sujet... Supposer que l’assemblée nationale représente une
nation sans monarque, une société naissante est vraiment
une supposition absurde. Si l’Assemblée nationale est ce qu’on
nomme chez les Anglais une Convention, il faut au moins
reconnaître qu’elle a été formée pour agir de concert avec le
roi, et que la puissance du monarque qui l’a convoquée existait
avant elle... Je suis loin de comparer l’influence qui peut
appartenir au roi sur la Constitution avec celle qui doit lui
être réservée sur les lois. Il peut refuser des lois sans en
expliquer les motifs, tandis qu’il n’aurait pas le droit de
déclarer qu’il s’oppose à l’établissement d’une Constitution,
car après avoir appelé ses sujets à la liberté, il ne peut pas
dire je ne veux pas qu’ils soient libres. Je soutiens seulement
qu’étant intéressé à la Constitution, étant chargé de la faire
observer, ayant un pouvoir antérieur qu’elle doit régler et non
pas détruire, il est nécessaire qu’il la signe et la ratifie » (30).
Il nous paraît intéressant de relever à deux reprises
dans les textes que nous venons de citer, l’idée d’un pouvoir
préexistant à l’Assemblée constituante, ce qui nous semble
signifier de la part de Mounier l’acceptation plus ou moins
consciente d’un élément irrationnel, d’un certain primat de
l’autorité, de son existence en soi, indépendamment de toutes
les légitimations que pouvait lui apporter la volonté de la
nation exprimée par des représentants librement élus.
(30) Considérations, p. 29-30.
604 H. GRANGE

On sait comment les Monarchiens mis au pied du mur


s’efforcèrent d’empêcher qu’on levât « le voile religieux » jeté
sur ce problème, pour employer l’admirable expression de
Mirabeau. On sait aussi comment échut précisément au mal¬
heureux Mounier, le triste devoir d’aller demander au roi, le
5 octobre, l’acceptation de la Déclaration des droits et des
19 premiers articles de la Constitution. Il ne prévoyait certes
pas quand il écrivait les Nouvelles Observations, dans l’en¬
thousiasme imprudent des premiers mois de l’année 1789,
que le triomphe de l’Assemblée constituante prendrait un
tour aussi dramatique. Necker non plus ne l’avait pas prévu,
mais il avait fait ce qu’il avait pu pour empêcher la publica¬
tion de cet ouvrage.

Dans un livre récent consacré à Montesquieu et au


mythe de la séparation des pouvoirs, l’auteur se demande si
les « catégories dans lesquelles les hommes du xvme siècle
ont pensé l’histoire qu’ils vivaient répondent à la réalité his¬
torique » (31). La comparaison entre les idées de Mounier et
celles de Necker est à cet égard assez révélatrice, car elle
montre où sont les illusions et où est la lucidité.
Dans l’univers du jeune magistrat de Grenoble, il n’y a
en présence que le roi, la noblesse et la bourgeoisie; toute
son énergie se déploie dans un effort pour créer entre ces
trois forces, un nouveau système de rapports; la doctrine de
la séparation des pouvoirs est une arme admirable, une théo¬
rie qu’on dirait inventée tout exprès pour lui faciliter la
réalisation de son programme. Il se livre à cette lutte avec
une parfaite tranquillité d’esprit, puisque, dans sa pensée,
elle est poursuivie dans l’intérêt du peuple tout entier.
Necker, tout en désirant des réformes, n’oublie jamais
que ces jeux-là sont en réalité jeux de riches et qu’ils se
déroulent en présence d’une quatrième et redoutable puis¬
sance qui doit rester en dehors d’un débat qui ne la concerne
pas : la multitude des pauvres, la multitude des salariés.
L’enjeu qui passionne Mounier, et où il voit la promesse d’un
ordre nouveau, n’est pour lui qu’un réaménagement, un règle¬
ment de compte qui n’intéresse que les parties prenantes.
Rien ne sera changé aux rapports entre les classes; avant
comme après, la loi d’airain des salaires continuera à s’appli-

1959),(31)
p. L.
104.Althusser, Montesquieu. La politique et l’histoire, (P.U.F.,
NECKER ET MOUNIER 605

qüer rigoureusement; il faut donc éviter à tout prix qu’au


cours de l’œuvre commencée ne soit mise en question l’auto¬
rité de celui qui a pour mission de maintenir l’ordre. La
défense de l’autorité et la réalisation des objectifs de la bour¬
geoisie doivent être menées de front, et sans sacrifier l’une
à l’autre. C’était là une entreprise délicate au cours de
laquelle, avant le 14 juillet, le ministre de Louis XVI ne
devait guère trouver de compréhension auprès d’un doctri¬
naire jeune et ardent, tout prêt à courir les risques d’un
conflit ouvert avec l’autorité royale, et dont les yeux ne
commencèrent à se dessiller que lorsqu’il était trop tard.
Henri GRANGE.

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