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À propos de Collection XIX

Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la


Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF,
Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et
moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits
de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère
patrimonial de ces fonds publiés au XIXe, les ebooks de Collection XIX
sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles
au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Just-Marie-Nicolas Montillot

Leçons d'instruction civique et de


droit administratif
À l'usage des élèves des écoles normales, des écoles
primaires supérieures, des cours d'enseignement
commercial
AVERTISSEMENT
*
* *

Par arrêtés des 22 janvier et 3 août 1881, M. le Ministre de l’Instruction


publique a réglé le programme d’enseignement de l’instruction civique dans
les écoles normales d’instituteurs. Le développement de ce programme
semble pouvoir entrer dans le cadre des études de droit civique pratiquées
dans les écoles primaires supérieures.
Nous avons pensé nous rendre utile aux maîtres et aux élèves, en traitant,
dans l’ordre même indiqué par M. le Ministre, les différentes questions qui
se rattachent à l’instruction civique, et en nous attachant, plus
particulièrement, à faire ressortir le rôle que peut être appelé à jouer tout
citoyen français, dans l’État, dans le département et dans la commune.
C’est le défaut de ces notions, si élémentaires qu’elles puissent paraître,
et l’ignorance des principes les plus communs de notre législation
administrative, qui ont contribué à éloigner de la vie publique beaucoup de
bons citoyens qui, mieux préparés, n’auraient pas laissé que de rendre des
services dans les conseils de la commune et du département.
Les instituteurs de Paris et des départements trouveront, dans cette étude,
très imparfaite, sans doute, et nécessairement incomplète, les éléments des
leçons sommaires qu’ils sont tenus de faire à leurs élèves, et des données
suffisantes pour inculquer aux enfants des écoles communales la
connaissance et, ce qui est plus rare, le respect de leurs droits et de leurs
devoirs civiques.
Pour écrire ces quelques pages, nous avons consulté, avec fruit, différents
ouvrages, et nous avons puisé de précieux renseignements dans les deux
excellents volumes de M. Th. Ducrocq, professeur de droit administratif ;
dans les dictionnaires spéciaux de M. Block, de M. Blanche, de M.
Chéruel ; dans le livre de M. Mourlon ; plus d’un détail a été emprunté à
l’Histoire de la Révolution Française, de M. Carnot ; à la Justice Criminelle
en France, de M.G. Jourdan ; à l’ouvrage si estimé de M. Ortolan. Mais
nous nous sommes surtout inspiré des leçons que nous avons reçues de M.
Vuatrin, professeur de droit administratif à la Faculté de Paris, dont les
cours, si justement appréciés, ne peuvent être suivis qu’avec profit par toute
personne s’intéressant aux questions d’administration.
Si ce petit livre offre quelque intérêt, c’est aux jurisconsultes et aux
publicistes que nous venons de citer, qu’en revient l’honneur.
Mais c’est le moins qu’on remercie les honnêtes gens qu’on a dérobés !
Ainsi fait, l’auteur.

J. MONTILLOT.
SIGNES D’ABRÉVIATIONS
*
* *

L. — Loi.
D. — Décret.
Art. — Article.
Tit. — Titre.
C. Civ. ou C.C. — Code civil.
C. Com. — Code de Commerce.
C.P. ou C. pén. — Code pénal.
C. Inst. Crim. — Code d’Instruction criminelle.
C.F. ou C. For. — Code Forestier.
C. Pr. C. ou C. Pr. — Code de procédure.
Ext. — Extrait.
LEÇONS D’INSTRUCTION CIVIQUE
ET DE DROIT ADMINISTRATIF
LES ORIGINES DE NOTRE DROIT PUBLIC : 1789. — 1848. — 1875.

Définition. — Que comprend le droit public ? — Considéré sous ses


divers aspects, le droit public comprend. : le droit international ou droit des
gens, le droit constitutionnel, le droit administratif et le droit pénal.
Que faut-il entendre par : 1° Droit international ? — Le droit
international règle les rapports des différents peuples entre eux ; il découle
des traités de paix, d’alliance et de commerce.
2° Droit constitutionnel. — Le droit constitutionnel règle, dans un même
État, le mode de transmission et de fonctionnement des pouvoirs publics ; il
est écrit dans l’acte qui fixe la forme politique du Gouvernement de la
nation, en un mot, dans la constitution ou charte.
3° Droit administratif. — Le droit administratif détermine la mesure des
sacrifices que l’intérêt public peut exiger de l’intérêt privé ; il est
l’ensemble des principes et des règles qui résultent des lois d’intérêt
général.
4° Droit pénal. — Le droit pénal enfin s’entend des lois de répression
destinées à punir les contraventions, les délits et les crimes.
Origines du droit public en France (1789). — Les origines de notre
droit public remontent à 1789. Au delà, on ne rencontre que la plus grande
confusion.
Les diverses parties de la France étaient régies par des coutumes
différentes, souvent contradictoires, au milieu desquelles il eût été difficile
de retrouver quelque trace de constitution et de droit fixe.
La liberté individuelle était contrariée par les mesures, trop souvent
arbitraires, des puissants. C’était le temps des lettres de cachet.
Quant à la liberté de conscience, la Saint-Barthélemy, la révocation de
l’édit de Nantes, les Dragonnades semblent prouver surabondamment
qu’elle était peu respectée.
D’ailleurs, nulle trace dé garantie politique ! Les États-Généraux
n’étaient que bien rarement convoqués. L’étaient-ils ? leurs doléances
n’avaient aucune sanction et le roi qui les entendait, était toujours libre de
ne point les écouter. — Il était de règle, que les représentants du Tiers-État,
relégués dans un coin de la salle des séances, ne pussent exprimer leurs
plaintes qu’à genoux, tandis que les deux premiers ordres, clergé et
noblesse, se tenaient debout autour du trône.
Cependant, un certain esprit d’indépendance et de révolte s’était glissé au
sein des Parlements, cours souveraines et permanentes, composées
d’ecclésiastiques et de laïques, établies pour rendre, au nom du roi, la
justice en dernier ressort, et chargées d’exercer un certain contrôle sur les
actes du souverain.
Plus d’une fois, ces assemblées refusèrent d’enregistrer les ordonnances
royales. Résistance éphémère et inutile, dont le roi venait à bout au moyen
d’un lit de justice. — C’est le nom qu’on donnait aux séances solennelles
des Parlements que le roi venait présider en personne, et dans lesquelles,
secondé par la force armée, il exigeait l’enregistrement qu’on lui avait
refusé.
On a dit plaisamment de ces séances du Parlement présidées par le roi,
qu’elles s’appelaient lits de justice, parce que la justice y dormait.
On en était à ce point, lorsque les Etats-Généraux furent tenus, pour la
dernière fois, le 5 mai 1789, plus de 175 ans après la précédente assemblée,
qui avait eu lieu en 1614.
Convoqués le 23 septembre 1788, les représentants des trois ordres se
réunirent à Versailles, dans la salle des Menus Plaisirs, le 5 mai 1789.
En présence du mauvais vouloir du clergé et de la noblesse, le Tiers-État
s’y constitua seul en assemblée nationale.
Le lendemain, la cour plus mécontente qu’effrayée, fait fermer la salle
des séances et repousse par la force les députés qui veulent s’y réunir. La
salle du Jeu de Paume est libre, les députés s’y rendent, et là, prêtent le
serment de ne se séparer qu’après avoir donné une Constitution à la
France1.
Tracasseries, menaces, violences, rien ne put vaincre leur fermeté. Ils
tinrent le serment- qu’ils avaient solennellement prêté, et tentèrent de mettre
fin au règne de l’arbitraire et du bon plaisir, pour y substituer le règne de la
loi et de la justice.
La grande Révolution était faite !
Déclaration des Droits de l’homme. — C’est dans la déclaration des
Droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, dont le principe fut voté
dans la nuit du 4 août, que l’Assemblée Nationale a doté la France de son
nouveau droit public. Elle lui donna pour pierre d’assise le double principe
de la souveraineté nationale et de la division des pouvoirs.
Principes de 1789. — Souveraineté du peuple et séparation des
pouvoirs ; vote de l’impôt par les représentants de la nation ; responsabilité
des agents du gouvernement ; égalité civile, sûreté et liberté individuelles ;
liberté religieuse ; liberté de la presse, droit d’association et de réunion ;
indépendance et gratuité de la justice ; institution d’une force publique
essentiellement obéissante ; telles furent les idées que l’Assemblée inscrivit
dans la déclaration des Droits de l’homme et du citoyen qui figure en tête
de la Constitution de 1791. — On connaît aujourd’hui ces idées sous le nom
de « principes de 1789 ».
La souveraineté nationale se manifeste par le droit de suffrage ; nous
verrons la mise en œuvre de ce principe, en étudiant, plus loin, la législation
électorale.
Quant aux autres principes, nous nous bornerons actuellement à donner
un aperçu des idées et des droits que comportent l’égalité civile, la sûreté et
la liberté individuelles.
Égalité civile. — En vertu du principe d’égalité civile, tout Français, sans
distinction de naissance, de croyance ni de fortune, peut être appelé aux
charges et aux emplois publics ; l’impôt est réparti proportionnellement aux
facultés de chacun, et pèse également sur le peuple, le clergé et la noblesse ;
ces’ deux derniers ordres y échappaient autrefois. Quant aux peines, elles
sont égales pour tous, pour des délits égaux. Riche comme pauvre, chacun
est tenu de s’incliner devant la loi et de comparaîtrè devant les mêmes
tribunaux2. Enfin les privilèges sont abolis ; nulle exception au droit
commun n’est admise, en faveur d’aucune partie de la nation ou d’aucun
individu.
Sécurité et liberté individuelles. — En vertu du principe de la sécurité et
de la liberté individuelles, il est loisible à chacun de faire ce que la loi ne
défend pas, et nul ne peut être contraint de faire ce qu’elle n’ordonne pas.
Accusations, arrestations, détentions ne peuvent plus avoir lieu que dans les
cas déterminés par la loi et selon les formes qu’elle a prescrites.
Enfin, la suppression des jurandes et des maîtrises laisse désormais
chacun libre de travailler sans entraves et de choisir, à son gré, la profession
qui lui convient.
Le suffrage universel (1848). — Ce brillant héritage, légué à la France
par la Révolution de 1789, n’a pas été dissipé depuis ; il s’est même accru,
sous la République de 1848, d’une richesse de plus : le suffrage universel !
Il ne faudrait pas croire, toutefois, que l’exercice du droit de suffrage soit
une création de la République de 1848. L’Assemblée de 1848 n’a fait
qu’étendre à toute la nation l’exercice de ce droit qui n’était, auparavant,
l’apanage que d’une faible minorité.
Sous l’ancienne monarchie, le clergé, la noblesse et le Tiers-État
procédaient, par ordre et séparément, aux élections pour les assemblées
nationales. En 1789, les députés de l’Assemblée Constituante furent encore
nommés suivant ce mode. Le Tiers-État obtint, toutefois, la faveur de la
double représentation, en sorte que cet ordre compta, à lui seul, autant de
membres que les deux autres ordres réunis.
Le vote par ordre était, par sa nature même, destiné à n’avoir qu’une
existence éphémère.
Au fur et à mesure qu’une nation s’émancipe, le sentiment de la
personnalité s’y accuse davantage, et le légitime désir d’une participation
directe de l’individu aux affaires publiques ne tarde pas à se développer
rapidement. Aussi le vote par tête remplaça-t-il bientôt le vote par ordre ;
cette tranformation s’opéra au sein même de l’Assemblée Constituante.
Le premier pas était fait. Mais le vote par tête, admis dans les assemblées
politiques, ne l’était pas encore pour l’élection des membres de ces
assemblées. Il s’imposa et, sous différentes restrictions, fut mis en pratique.
Jusqu’en 1848, l’essai fut timide, et le principe fut mitigé par l’élection à
deux degrés, les assemblées populaires nommant les électeurs, ceux-ci les
députés. On marchanda le droit de vote, et tel qui ne payait qu’un faible
impôt, n’avait pas droit de suffrage. En 1789, déjà, la qualité d’électeur
impliquait l’inscription au rôle des contributions. Cette condition de cens a,
depuis, été reproduite dans la plupart des Constitutions, jusqu’à la
Révolution de 1848.
Depuis l’avènement du suffrage universel, qui entraîna la suppression de
toute condition de cens, la qualité d’électeur est indépendante de la. qualité
de contribuable, et tout citoyen français jouissant de ses droits civils et
politiques, est appelé à participer directement, par son vote, à la nomination
des représentants de la nation..
Ni la loi du 31 mai 1851, ni la Constitution de 1852 n’ont rétabli le cens
électoral. L’Assemblée nationale de 1871 s’est elle-même prudemment
inspirée de ces sages précédents. Elle a su, dans l’ensemble des lois
constitutionnelles, respecter à la fois les droits et la liberté de chacun, sans
retirer aux pouvoirs publics la force et l’autorité dont ils ont besoin.
(1875). — La Constitution républicaine qui régit aujourd’hui la France
est contenue dans les trois lois des 24 et 25 février et 16 juillet 1875. La loi
du 24 février organise le Sénat ; la loi du 25 février organise les pouvoirs
publics ; celle du 16 juillet règle les rapports de ces pouvoirs entre eux. Ces
trois lois réunies, dont l’ensemble forme la Constitution de 1875, feront
l’objet d’une étude particulière et détaillée.
LA SOUVERAINETÉ NATIONALE ; SA LÉGITIMITÉ ; SES LIMITES ; LA LIBERTÉ
DE CONSCIENCE ; LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE ; LA PROPRIÉTÉ ; LE
DOMICILE.

La souveraineté nationale. — Le 19 décembre 1787, le Parlement se


réunit à huit heures du malin sur l’ordre du roi. Le cas était grave ; le trésor
royal était vide, Le Parlement, qui revenait d’exil, était peu disposé à suivre
la cour dans ses entreprises financières, encore moins à enregistrer de
nouveaux emprunts. L’adhésion de cette haute magistrature était pourtant
nécessaire. Mais le moyen de l’obtenir ? Le roi eut recours à la ruse et à
l’intimidation, à ce dernier procédé surtout. Il vint en personne au sein du
Parlement et y déclara : « qu’à lui seul appartenait la puissance souveraine,
à lui seul le pouvoir législatif, sans dépendance et sans partage, à lui seul le
droit de convoquer les États-Généraux ; qu’il n’avait besoin d’aucun
pouvoir extraordinaire pour l’administration du royaume ; qu’il ne voyait
dans les représentants des trois ordres qu’un conseil plus étendu, et qu’il
serait toujours l’arbitre de leurs représentations et de leurs doléances. »
Aujourd’hui, la souveraineté n’est plus aux mains d’un seul homme ; la
nation tout entière en est dépositaire.
Le principe de la souveraineté nationale est affirmé en ces termes, dans la
déclaration des Droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 : « Le
principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation ; nul
corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane
expressément. »
C’est à la nation qu’est ainsi dévolu le pouvoir constituant, expression
directe et complète de la souveraineté.
Légitimité du principe de souveraineté nationale. — Quoi qu’on
puisse dire ou penser, il semble difficile de nier la légitimité de ce principe
de notre nouveau droit public, et de refuser à la nation, qui seule supporte
toutes les charges, le droit d’intervenir efficacement dans la direction de ses
propres affaires. Ce serait une étrange anomalie, que le seul intéressé fût
aussi le seul à n’être point consulté. Il en fut pourtant ainsi jusqu’à 1789.
Depuis, c’est bien toujours la nation qui paie l’impôt ; mais, n’étant plus
« taillable et corvéable à merci », elle se grève volontairement des charges,
qu’elle subissait autrefois contre son gré. Elle pourvoit, par d’énormes
sacrifices, à l’entretien de l’armée, de la magistrature, des écoles, du culte et
de ses ministres, des fonctionnaires de tous ordres ; elle encourage les arts,
protège l’agriculture, le commerce et l’industrie ; fait construire des
chemins, des routes, des canaux, des ponts, des chemins de fer ; assure, en
un mot, le bien-être matériel et moral de tous les membres de cette vaste
communauté, qu’on appelle la patrie française.
Pour remplir ce brillant programme, il est nécessaire que la nation soit
libre de choisir les moyens qui peuvent la conduire le plus efficacement à
un utile résultat ; elle puise cette liberté d’action dans le pouvoir souverain,
dont l’a investie la Révolution de 1789.
De ce pouvoir découle, pour elle, le droit d’adopter la forme de
gouvernement qui lui convient, et de désigner les mandataires de ses
volontés.
Limites de la souveraineté nationale. — Toutefois, la souveraineté elle-
même a ses limites ; et la nation ne pourrait, sans forfaire à ses devoirs et
sans commettre un crime de lèse-liberté, se donner un gouvernement ayant
mandat d’empêcher le libre développement des différents principes inscrits
dans la déclaration des Droits de l’homme et du citoyen.
Dans cette célèbre profession de foi, les réformateurs de 1789 ont
reconnu la légitimité d’un certain nombre de vérités qui marchent de pair
avec le principe de la souveraineté nationale, savoir : la liberté de
conscience, la liberté individuelle, l’inviolabilité du domicile et de la
propriété.
Tout gouvernement qui ne respecterait pas ces différentes prérogatives de
toute nation libre et leurs conséquences, violerait l’esprit et la lettre de la
déclaration des Droits de l’homme et du citoyen.
1° Liberté de conscience. — La liberté de conscience est le droit qu’a
tout homme de professer librement ses croyances religieuses, et de se livrer,
sans être inquiété, aux pratiques du culte qu’il s’est choisi. Elle n’a pas
toujours existé, et, plus d’une fois, des mesures de rigueur ont été prises,
contre les cultes dissidents, par les partisans d’une religion d’État. S’il est
aujourd’hui permis de professer, sans entraves, le culte qu’on a adopté, de
servir telle religion qu’il a plu de choisir ou de n’en reconnaître aucune, ce
progrès est dû à la Révolution et aux grands hommes qui l’ont préparée.
« On pourrait presque, — dit M. Carnot, dans un précis de l’histoire de la
Révolution, — déterminer dans l’œuvre de 1789, la part de chacun des
grands penseurs de l’époque, précédente. — L’influence de deux d’entre
eux surtout s’y révèle d’une manière triomphante ; rien n’est plus vrai que
le refrain ironique de cette chanson populaire qui dit de la Révolution
française : C’est la faute de Voltaire ; c’est la faute de Rousseau ; — leurs
écrits avaient été un évangile familier pour la génération qui l’accomplit. »
2° Liberté individuelle. — La nation, dans l’exercice du pouvoir
souverain, n’a pas plus le droit d’attenter à la liberté individuelle qu’à la
liberté de conscience.
La liberté individuelle est le droit qu’a tout homme de disposer librement
de sa personne et d’obtenir protection contre les atteintes portées à ce droit,
d’où qu’elles viennent, que ce soit des détenteurs de l’autorité ou des
particuliers.
Pour défendre la liberté individuelle des attaques qu’elle pourrait avoir à
subir de la part des représentants de l’autorité, le législateur a organisé un
système de mesures de protection qu’il a renfermées dans les lois pénales.
Attentats à la liberté individuelle émanant de fonctionnaires
publics. — C’est par application de ces mesures protectrices, que les
fonctionnaires publics ou agents qui ont ordonné ou fait quelque acte
arbitraire ou attentatoire, soit à la liberté individuelle, soit aux droits
civiques d’un ou de plusieurs citoyens, sont condamnés à la peine de la
dégradation civique ; — que ces mêmes fonctionnaires et agents sont
frappés de peines graves, lorsqu’ils ont ordonné ou laissé faire des
arrestations illégales, ou quand, ayant connu des détentions arbitraires, ils
n’en ont pas dénoncé et fait punir les auteurs.
Attentats à la liberté individuelle émanant de particuliers. — Quant
aux attentats à la liberté individuelle émanant de particuliers, ils s’ont
réprimés par un grand nombre de textes, et par des peines qui varient du
simple emprisonnement aux travaux forcés à perpétuité.
Restrictions au principe de liberté individuelle. — Il se rencontre,
cependant, des cas où le respect de la liberté individuelle doit s’effacer
devant une raison d’ordre supérieur ou de sécurité publique.
Mesures relatives aux aliénés, aux passe-ports ; mesures de police
sanitaire ; contrainte par corps ; détention préventive. — La loi du 30
juin 1838, sur les aliénés, offre plusieurs exemples de cette dérogation aux
règles que nous avons énoncées. C’est ainsi que les maires, dans les
communes, et les préfets, dans les départements, ont le droit et le devoir de
prendre, à l’égard des aliénés dangereux, les mesures de rigueur destinées à
protéger les personnes et les biens.
La législation des passe-ports et les mesures de police sanitaire sont,
aussi, restrictives du principe de liberté individuelle. Les lois et réglements
qui traitent de ces différents objets, permettent au gouvernement d’obliger
tout citoyen à se munir d’un passe-port pour voyager à l’intérieur ou à
l’étranger, et de soumettre les voyageurs et marchandises venant d’un pays
où règne une maladie épidémique ou contagieuse, à un séjour plus ou moins
prolongé dans un lieu qui leur est assigné par l’autorité.
La loi autorise même, en dehors de ces cas, certaines atteintes à la liberté
individuelle, telles que la contrainte par corps et la détention préventive. La
contrainte par corps, toutefois, a été supprimée en matière civile et
commerciale et contre les étrangers, mais elle a été maintenue en matière
criminelle, correctionnelle et de simple police pour les condamnations
pécuniaires.
3° Inviolabilité du domicile. — Du principe de liberté individuelle
découle, comme conséquence immédiate, l’inviolabilité du domicile. Ce
nouveau droit a été sanctionné ainsi qu’il suit, par l’article 76 de la
Constitution de l’an VIII, et par l’article 293 du décret du 1er mars 1854,
portant règlement sur l’organisation et le service de la gendarmerie.
« La maison de toute personne habitant le territoire français est un asile
inviolable. Pendant le jour, on peut y entrer pour un objet spécial, déterminé
par une loi ou par un ordre émané d’une autorité publique. Pendant la nuit,
nul n’a le droit d’y entrer que dans le cas d’incendie, d’inondation, ou de
réclamation faite de l’intérieur de la maison. (Constitution du 22 frimaire an
VIII, art. 76).
Lorsqu’il y a lieu de supposer qu’un individu déjà frappé d’un mandat
d’arrestation, ou prévenu d’un crime ou délit, pour lequel il n’y aurait pas
encore de mandat décerné, s’est refugié dans la maison d’un particulier, la
gendarmerie peut seulement garder à vue cette maison ou l’investir, en
attendant les ordres nécessaires pour y pénétrer, ou l’arrivée de l’autorité,
qui a le droit d’exiger l’ouverture de la maison pour y faire l’arrestation de
l’individu réfugié. (Décret du 1er mars 1854, art 293). »
L’art. 184 du Code pénal porte aussi des peines sévères contre tout
fonctionnaire de l’ordre administratif ou judiciaire, tout officier de justice
ou de police, tout commandant ou agent de la force publique qui se sera
introduit dans le domicile d’un citoyen contre le gré de celui-ci, hors les cas
prévus par la loi, et sans les formalités qu’elle a prescrites.
4° Inviolabilité de la propriété. — Dérogation à ce principe :
expropriation. — En même temps qu’elle consacrait la liberté de
conscience, la liberté individuelle et l’inviolabilité du domicile, la
Révolution de 1789 proclamait l’inviolabilité de la propriété.
« La propriété est un droit inviolable et sacré, est- il écrit dans la
déclaration des Droits de l’homme et du citoyen, nul ne peut en être privé,
si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige
évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité. »
Formule solennelle qui contient, à côté de la règle, l’exception qui
tempère la rigueur du principe ! La dépossession, ou, pour mieux dire,
l’expropriation ne fut d’abord permise que pour cause de nécessité
publique ; mais à la nécessité publique, on substitua bientôt l’intérêt public,
puis l’utilité publique. C’est à ce dernier terme, dont le sens est plus large,
que se sont arrêtés les rédacteurs du Code civil (art 545) ; c’est aussi
l’expression consacrée par la loi du 3 mai 1841 qui régit actuellement la
matière.
Liberté de conscience, liberté individuelle, inviolabilité du domicile et de
la propriété, telles sont les sages limites dans lesquelles les auteurs de la
Révolution française ont cru devoir enfermer l’exercice de la souveraineté
nationale.
DE L’EXERCICE DE LA SOUVERAINETÉ NATIONALE ; — LE SUFFRAGE
UNIVERSEL ; — LES SUFFRAGES RESTREINTS ; — LES SUFFRAGES A
PLUSIEURS DEGRÉS ; — ELECTEUR, ÉLIGIBLES, LE VOTE.

De l’exercice de la souveraineté nationale. — Du droit de suffrage. A


qui appartient-il ? — Le droit de suffrage, qui s’appelle aussi droit
d’élection ou de vote, est la manifestation la plus frappante du principe de
souveraineté nationale.
Le droit de suffrage, en France, appartient, exclusivement, aux citoyens.
Qu’est-ce qu’un citoyen ? — Qu’est-ce donc qu’un citoyen ? — Bien
que ce titre puisse, dans un sens large, s’appliquer à tous les habitants de la
cité, il ne comporte pas, en réalité, une pareille extension.
La qualité de citoyen est le propre des habitants français, de sexe
masculin, âgés au moins de 21 ans accomplis et jouissant de leurs droits
civils et politiques.
Que faut-il entendre par : 10 Droits civils ? — Les droits civils dérivent
du droit privé ; le droit de propriété, de puissance paternelle, le droit
d’acquérir ou de transmettre par succession sont des droits civils.
2° Droits politiques. — Les droits politiques dérivent du droit
constitutionnel, qui règle les rapports du gouvernement et des gouvernés. Ils
consistent dans la faculté de participer à l’exercice de la puissance publique,
et se résument tous dans l’aptitude légale d’élire ou d’être élu aux fonctions
de l’ordre législatif ou exécutif.
L’exercice du droit de suffrage peut affecter différentes formes. C’est
ainsi qu’on distingue : le suffrage universel, le suffrage restreint, le suffrage
à un ou à plusieurs degrés.
Qu’est-ce que le suffrage universel ? — Le suffrage universel est un
système d’élection, d’après lequel tous les citoyens français, âgés de 21 ans,
jouissant de leurs droits civils et politiques et n’ayant encouru aucune des
incapacités prévues par la loi, sont appelés à voter directement pour la
désignation de leurs représentants.
La plupart des incapacités résultent de condamnations judiciaires
prononcées en raison de crimes ou de délits commis par l’électeur. Le droit
de suffrage est ainsi retiré à ceux qui ont été condamnés pour vol,
escroquerie, abus de confiance, mendicité, vagabondage, usure, outrages et
violences envers les dépositaires de l’autorité ou de la force publique. Les
interdits et les faillis non réhabilités sont aussi déchus du droit de vote.
Les députés sont nommés au suffrage universel et direct.
Des suffrages restreints ; des suffrages à plusieurs degrés. — Les
sénateurs, au contraire, sont nommés au suffrage restreint. Tous les
électeurs ne participent pas à l’élection ; une certaine catégorie seulement
est conviée à désigner ces représentants de la nation, suivant un mode
particulier de scrutin, qui n’offre que peu de points de ressemblance avec le
mode d’élection employé pour le choix des députés.
Pour l’élection de ceux-ci, le suffrage est universel et direct ; pour la
nomination de ceux-là, il est restreint et à plusieurs degrés. Restreint,
puisque tous les citoyens français n’y concourent pas indistinctement, et
qu’une partie seulement des électeurs est appelée à y prendre part. A
plusieurs degrés, puisque ceux-là, qui doivent nommer les représentants du
peuple au Sénat, sont désignés ou par la loi ou par les conseils municipaux,
issus eux-mêmes du suffrage universel.
« L’élection des 225 sénateurs des départements et des colonies, dit M.
Ducrocq, dans son remarquable ouvrage, est faite au scrutin de liste, à la
majorité absolue et au chef-lieu du département ou de la colonie, par un
collège électoral spécial, qui procède du suffrage universel à des degrés
divers, et se compose de deux éléments distincts : 1° d’électeurs sénatoriaux
de droit (députés, conseillers généraux et conseillers d’arrondissement), qui,
en tant qu’électeurs sénatoriaux, représentent l’élection à deux degrés, et 2°
d’électeurs sénatoriaux élus, un par chaque conseil municipal, parmi les
électeurs de la commune, y compris les conseillers municipaux sans
distinction entre eux, qui représentent l’élection à trois degrés, et forment
l’immense majorité du collège électoral. »
La Constitution de 1791, œuvre de l’Assemblée constituante, admettait le
suffrage à plusieurs degrés. Les assemblées primaires choisissaient un
électeur à raison de cent citoyens actifs, et ces électeurs élus nommaient les
députés. On entendait, à cette époque, par citoyens actifs, ceux qui, âgés de
25 ans, payaient une contribution directe égale à la valeur de trois journées
de travail, le prix de la journée pouvant être réduit, par les autorités locales,
à moins de 20 sous.
Des électeurs ; des éligibles. — Ceux qui ont le droit de voter
s’appellent électeurs, ceux qui ont le droit d’être élus se nomment éligibles.
On peut être, à la fois : 1° Electeur et éligible, c’est-à-dire, avoir le droit
d’élire et celui d’être élu ; un conseiller municipal est, le moment d’avant sa
nomination, électeur, puisqu’il peut voter, éligible puisqu’il peut être élu ;
2° électeur sans être éligible, ou avoir le droit d’élire, sans avoir le droit
d’être élu ; à partir de 21 ans, un citoyen français est électeur, il n’est pas
encore éligible, l’âge de 25 ans étant requis pour être éligible à la plupart
des fonctions politiques, sauf aux fonctions de sénateur, pour l’exercice
desquelles il est nécessaire d’avoir atteint 40 ans ; 3° éligible sans être
électeur, ou avoir le droit d’être élu, sans avoir celui d’élire. Ce cas, plus
rare, se présente pour les élections à la Chambre des députés. Un candidat à
la députation peut, en effet, n’être inscrit sur aucune liste électorale et, par
conséquent, n’être électeur nulle part, et cependant être éligible partout.
L’électeur est ainsi le citoyen qui a le droit de voter ; l’éligible est le
citoyen, pour lequel les électeurs ont le droit de voter, et qui remplit les
conditions nécessaires pour être élu.
Dans un état démocratique où un grand nombre de fonctions sont
données à l’élection, il est très important d’avoir une juste idée de ce qu’on
entend par les mots : période électorale, élection, scrutin individuel et
scrutin de liste, collège électoral et listes électorales.
Chacun de ces termes qui se rencontrent à chaque instant dans le langage
de tous les jours, comporte quelque développement.
En ce qui concerne les listes électorales, il paraît même indispensable
d’expliquer et le mot et la chose.
Période électorale, — La période électorale est le laps de temps qui
s’écoule entre la publication de l’acte de l’autorité supérieure, qui fixe la
date à laquelle aura lieu l’élection, et le jour où cette élection a réellement
lieu.
Pendant la période électorale, les candidats opt le droit d’afficher leurs
professions de foi sur du papier de couleur seulement, avec dispense de
timbre, (le papier blanc est réservé aux actes administratifs) de distribuer
des bulletins de vote et de tenir des réunions publiques.
De l’élection. — Prise en soi, l’élection est le choix que les citoyens,
réunis en assemblée, font de leurs mandataires, par voie de suffrage.
Considérée au point de vue administratif, l’élection est l’opération qui
consiste à recevoir les votes que les électeurs donnent aux éligibles.
Cette opération, pendant laquelle l’électeur exprime son suffrage en
faveur d’un éligible déterminé, ou contre cet éligible, se fait par
l’inscription, sur un bulletin de papier blanc, sans signes extérieurs, du nom
de l’éligible pour lequel vote l’électeur.
Ces bulletins, déposés provisoirement dans une même urne, sont
comptés, ouverts et attribués à l’éligible qu’ils concernent Le candidat qui a
ainsi obtenu le plus grand nombre de suffrages est proclamé, suivant les cas,
sénateur, député, conseiller général, conseiller d’arrondissement ou
conseiller municipal.
Du scrutin. — Scrutin individuel. — Scrutin de liste. — Prise dans son
ensemble, cette opération porte le nom de scrutin.
Il faut distinguer le scrutin individuel ou uninominal du scrutin de
liste. — Dans le scrutin individuel, le bulletin de vote ne porte qu’un nom ;
dans le scrutin de liste, le bulletin de vote porte autant de noms qu’il y a de
nominations à faire.
Collège électoral. — On entend par collège électoral la réunion des
électeurs appelés à voter pour une même élection. De là, différentes sortes
de collèges électoraux, pour les élections municipales, départementales et
législatives.
De la liste électorale. Sa subdivision en liste municipale et liste
politique. — La liste électorale est l’état nominatif, dressé par ordre
alphabétique, des électeurs d’une commune.
Toutes les élections, sauf celle qui a trait à la nomination des sénateurs,
qui se fait suivant un mode spécial, supposent l’établissement de deux listes
électorales portant les noms, prénoms, qualités, âge et domicile des
électeurs.
Sur l’une de ces listes sont inscrits les électeurs dits municipaux, c’est-à-
dire, les citoyens appelés à nommer les conseillers municipaux,
d’arrondissement et généraux, et aussi les députés : c’est la liste municipale.
Sur l’autre, figurent les citoyens réunissant les conditions requises pour
participer seulement à la nomination des députés, mais n’ayant pas encore
acquis les qualités exigées des électeurs municipaux : c’est la liste politique
ou complémentaire. (Décret du 2 février 1852. — Loi du 7 juillet
1874. — Loi du 30 novembre 1875. — Loi du 2 août 1875.)
DES AGENTS DE LA SOUVERAINETÉ NATIONALE ; — LE POUVOIR
LÉGISLATIF ; — LE POUVOIR EXÉCUTIF ; — LE POUVOIR
JUDICIAIRE ; — LEURS RAPPORTS ENTRE EUX.

Des agents de la souveraineté nationale. — L’exercice de la souveraineté


nationale est dévolu à un certain nombre de pouvoirs, de fonctionnaires et
d’agents, dont les principaux sont : les deux Chambres, qui font la loi, le
Président de la République et les ministres qui l’exécutent ou la font
exécuter, les magistrats qui rendent la justice au nom du peuple français.
Les lois constitutionnelles des 24 et 25 février et 16 juillet 1875
répartissent, en effet, l’exercice du pouvoir souverain entre le Président de
la République, assisté de ministres, et deux assemblées de citoyens français,
savoir : le Sénat et la Chambre des députés. Ces lois déterminent, en outre,
les rapports que le Président de la République, le Sénat et la Chambre des
députés doivent avoir entre eux et la légitime influence qui revient, dans la
direction des affaires publiques, à chacune de ces trois autorités, dont
l’ensemble porte le nom de pouvoirs constitués.
Pouvoirs constitués : 1° Pouvoir législatif ; 2° Pouvoir exécutif,
subdivisé en pouvoir judiciaire et en pouvoir administratif. — Les
pouvoirs constitués comprennent : le pouvoir législatif qui fait la loi et le
pouvoir exécutif qui l’applique. Le pouvoir exécutif se subdivise lui-même
en pouvoir administratif et en pouvoir judiciaire.
Sur ce dernier point de longues controverses se sont élevées, et,
aujourd’hui encore, de très bons esprits font du pouvoir judiciaire un
pouvoir à part, ne relevant que de lui-même, et distinct du pouvoir législatif
et du pouvoir exécutif. Pour nous, il n’y a que deux pouvoirs dans l’État :
celui qui fait la loi, celui qui l’exécute et qui l’applique ; à ce titre, le
pouvoir judiciaire fait partie intégrante du pouvoir exécutif, dont il n’est
que la délégation.
Rôle de l’autorité administrative. — A l’autorité administrative revient
le soin de pourvoir à l’exécution des lois d’intérêt général ; telles sont celles
qui intéressent la sécurité et la salubrité publiques, le bien-être matériel de
la nation, son développement intellectuel et moral, la bienfaisance publique.
Sécurité publique. — A la sécurité publique se rapportent les lois et
décrets qui organisent : 1° la force armée, destinée à défendre le territoire
national des incursions de l’étranger ; 2° la police, dont le rôle est de
maintenir l’ordre à l’intérieur et de protéger les intérêts et la propriété des
citoyens.
Salubrité publique. — A la salubrité publique se rattachent les mesures
prises à l’égard des voyageurs, des effets et marchandises arrivant d’un pays
où règne une maladie contagieuse, et que l’autorité. oblige à séjourner dans
un lazaret ou à bord des vaisseaux, avant de communiquer avec les
habitants du pays ou du port d’arrivée.
Bien-être matériel de la nation. — Le bien-être matériel de la nation est
assuré par les traités de commerce, par les encouragements donnés à
l’agriculture, au commerce et à l’industrie ; par le percement des voies de
oommunication, chemins de fer, routes, chemins et canaux, et par les lois,
décrets et règlements qui s’appliquent à ces différents objets.
Développement intellectuel et moral de la nation. — L’autorité
supérieure pourvoit au développement intellectuel et moral de la nation, en
multipliant les écoles et en propageant l’instruction.
Bienfaisance publique. — A la bienfaisance publique enfin se rattachent
les actes législatifs qui organisent l’assistance publique ; les mesures prises
en faveur des aliénés, des enfants pauvres, abandonnés ou orphelins ; la
création et la règlementation des hôpitaux, asiles, maisons de secours et
bureaux de bienfaisance.
Rôle de l’autorité judiciaire. — A l’autorité judiciaire incombe la
charge de faire respecter les lois de droit privé et d’ordre pénal ; telles sont,
pour le droit privé, les lois qui règlent les rapports des particuliers entre eux,
le mode de transmission de leurs biens, les obligations que peuvent faire
naître la communauté ou l’opposition de leurs intérêts ; pour le droit pénal,
les lois qui infligent les peines et répriment les crimes, les délits et les
contraventions.
Au droit privé se rattachent ainsi les lois qui régissent la propriété, les
biens, meubles et immeubles, la donation, la vente, l’échange, le louage de
ces biens et leur transmission par succession ou autrement. — Au droit
pénal, l’ensemble des peines : peine de mort, travaux forcés à perpétuité ou
à temps, emprisonnement plus ou moins long, amendes infligées par les
tribunaux des différents ordres, eu égard à la gravité des fautes commises et
à la culpabilité de leurs auteurs.
A quelles autorités administratives et judiciaires le chef de l’État
délègue-t-il partie de ses fonctions ? — Dans l’ordre administratif, le chef
de l’État, dépositaire du pouvoir exécutif, délègue une partie de ce pouvoir
à différentes autorités administratives, parmi lesquelles il faut citer les
ministres, le préfet dans le département, le sous-préfet dans
l’arrondissement, le maire dans la commune, sans excepter certains
tribunaux administratifs.
De même, dans l’ordre judiciaire, le chef de l’État délègue une part de
son autorité aux tribunaux de cet ordre qui sont : la Cour de Cassation,
tribunal unique pour toute la France, les Cours d’appel, les Tribunaux
d’arrondissement ou de première instance, les Tribunaux de simple police et
les Justices de paix.

L’ÉTAT
LA CONSTITUTION. — LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE ; — LE
SÉNAT ; — LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS ; — MODES DE
NOMINATION ; — ATTRIBUTIONS.
De l’État. — Sa définition. — Des autorités qui le
représentent. — L’État est une personne morale, un être de raison
susceptible d’avoir des droits et capable de contracter des obligations. A ce
titre, l’État peut intenter un procès ou le soutenir, acquérir des biens, les
vendre, les échanger, contracter des dettes et aussi avoir des débiteurs, en un
mo être débiteur ou créancier. De même qu’un particulier, l’État peut, ainsi,
être propriétaire de biens meubles, tableaux, statues, objets d’art de toute
nature, affectés à l’embellissement des voies et édifices publics et à
l’ornement des musées nationaux ; de biens immeubles, forêts, fermes,
maisons de rapport, monuments, etc. Ces deux sortes de biens constituent,
dans un sens large, le domaine de l’État.
Les fonctionnaires qui, en France, représentent plus particulièrement
l’État, sont : le Président de la République et les ministres, auxquels des
autorités diverses et certains corps constitués viennent prêter leur concours.
Considéré sous ce point de vue, l’État est la force publique qui représente
la nation et qui la dirige, en se renfermant dans les limites qui lui sont
tracées par la Constitution.
De la Constitution. — Sa définition. — La Constitution ou Charte est
l’acte qui fixe la forme politique du gouvernement d’une nation. Tout
peuple policé a sa Constitution particulière, appropriée à ses mœurs et à ses
besoins ; mais les deux principales formes que peut prendre la Constitution
d’un pays, sont la forme monarchique et la forme républicaine.
La Russie, l’Allemagne, l’Angleterre, l’Autriche, l’Italie, l’Espagne, la
Belgique, ont, à des degrés divers, une Constitution monarchique. Les
pouvoirs du chef de l’État y sont héréditaires.
La France, la Suisse, les États-Unis d’Amérique, ont une Constitution
républicaine, qui prend son origine dans la volonté du peuple. Celui-ci,
directement ou par délégation, investit le chef de l’État des différents
pouvoirs que comporte l’exercice de la souveraineté. Sous cette dernière
forme de gouvernement, les pouvoirs confiés au chef de l’État ne sont ni
perpétuels, ni héréditaires.
Les Constitutions monarchiques ne sont point d’ailleurs identiques, elles
varient dans les détails ; il en est de même des Constitutions républicaines
qui peuvent revêtir des formes très différentes.
Des lois constitutionnelles françaises. — Les lois constitutionnelles
françaises sont au nombre de trois : elles portent les dates des 24, 25 février
et 16 juillet 1875. Elles confèrent le pouvoir exécutif à un Président de la
République, et le pouvoir législatif à deux Chambres électives : le Sénat et
la Chambre des députés.
Du Président de la République. — Mode de nomination. — Le
Président de la République, chef du pouvoir exécutif, est nommé à ces
hautes fonctions par les membres du Sénat et de la Chambre des députés
réunis, par exception, en une seule Assemblée nationale.
Élu pour sept années, à la majorité absolue des suffrages, c’est-à-dire par
un nombre de voix égal au moins à la moitié plus un des sénateurs et
députés réunis en assemblée unique, le Président de la République peut être
réélu, à l’expiration de ce délai, pour une nouvelle période d’égale durée.
Entre temps, s’il meurt ou s’il démissionne, les deux Chambres se
réunissent, de plein droit, et procèdent à son remplacement.
Ses principales attributions. — Les attributions du Président de la
République sont aussi nombreuses que variées ; les principales sont les
suivantes : le Président de la République porte les lois à la connaissance des
citoyens ; il en atteste ainsi l’existence à la nation ; c’est ce qu’on appelle la
publication et la promulgation de la loi. Il est tenu d’en surveiller et d’en
assurer l’exécution ; il a le droit de faire grâce3 mais non le droit
d’amnistier, les amnisties ne pouvant être accordées que par une loi ; il
dispose de la force armée ; nomme à tous les emplois civils et militaires ;
préside aux solennités nationales ; négocie et ratifie les traités. Quant à
déclarer la guerre, il ne le peut, sans le consentement formel et préalable des
deux Chambres. Le Président de la République enfin n’est responsable
qu’en cas de hante trahison ; à la seule Chambre des députés appartient le
droit de le mettre en accusation, au Sénat seul le droit de le juger.
Des Ministres. — Responsabilité ministérielle. — Le Chef du pouvoir
exécutif est assisté de ministres dont le nombre n’est pas nécessairement
invariable. Ces fonctionnaires participent à l’action du gouvernement ; ils
administrent ; de plus, ils contresignent, chacun en ce qui le concerne, les
actes du Président de la République. — Solidairement responsables, devant
les Chambres, de la politique générale du gouvernement, ils le sont,
individuellement, de leurs actes personnels. Dans le premier cas, le
ministère tout entier se retire, quand il n’est plus en communauté d’idées
avec la majorité des membres des Chambres ; dans le second cas, les
ministres qui ont encouru quelque blâme, pour une faute ou une erreur qui
leur est propre, donnent seuls leur démission. C’est cette responsabilité
politique qui forme le caractère distinctif de ce qu’on appelle le régime
parlementaire.
Chacun des ministres est à la tête d’une des grandes divisions de
l’administration publique, qu’on nomme communément : départements
ministériels. C’est ainsi qu’on peut actuellement distinguer onze ministères
ou onze grandes divisions de l’administration publique, savoir, ministères :
1° de la Justice et des Cultes ; 2° des Affaires étrangères ; 3° de l’Intérieur ;
4° des Finances ; 5° de la Guerre ; 6° de la Marine et des Colonies ; 7° de
l’Instruction publique et des Beaux-Arts ; 8° des Travaux publics ; 9° de
l’Agriculture ; 10° du Commerce ; 11° des Postes et des Télégraphes.
La Constitution de 1875 a réparti la puissance législative, ou pouvoir de
faire la loi, entre le Sénat et la Chambre des députés.
Le Président de la République, qui est plus particulièrement le Chef du
pouvoir exécutif, participe cependant, dans une certaine mesure, à
l’exercice du pouvoir législatif ; il a, comme les sénateurs et les députés,
l’initiative des lois, qui n’est que le droit de soumettre un projet de loi
déterminé à la discussion et au vote des Chambres.
Mais tandis que tout membre de l’une des deux Chambres (chacun dans
l’assemblée dont il fait partie), peut prendre, aux débats, une part active et
directe, le Président de la République n’intervient pas de sa personne ; il
délègue un ministre qui porte la parole au nom et à la place du chef de
l’État. Quant à certaines communications spéciales, qui ont pour objet de
faire connaître aux Chambres l’opinion personnelle du Président de la
République sur une question particulière, elles sont portées et lues à la
tribune par un ministre, et prennent le nom de Messages.
Du Sénat. — Mode de nomination. — Le Sénat est une réunion de
citoyens français, âgés de 40 ans au moins, jouissant de leurs droits civils et
politiques ; ils sont élus, suivant un mode particulier de suffrage, connu
sous le nom de suffrage restreint, par une catégorie de citoyens français
ayant les qualités exigées par les lois.
Le Sénat se compose de 300 membres, dont 75, élus autrefois par
l’Assemblée de 1871, sont aujourd’hui, en cas de décès ou de démission,
renouvelés par le Sénat lui-même, et 225 élus par les départements et les
colonies. Les 75 sénateurs élus par l’ancienne Assemblée sont inamovibles ;
les 225 sénateurs des départements et des colonies sont nommés pour 9 ans
et renouvelables par tiers tous les 3 ans.
La loi qui règle l’organisation du Sénat est la loi du 24 février 1875 ;
celle qui règle le mode d’élection de cette assemblée politique porte la date
du 2 août de la même année.
Les sénateurs des départements et des colonies sont élus à la majorité
absolue, et, quand il y a lieu, au scrutin de liste, par un collège réuni au
chef-lieu du département ou de la colonie, et composé : 1° des députés ; 2°
des conseillers généraux ; 3° des conseillers d’arrondissement ; 4° des
délégués élus, un par chaque conseil municipal, parmi les électeurs de la
commune.
Dans l’Inde française, les membres du conseil colonial ou des conseils
locaux sont substitués aux conseillers d’arrondissement et aux délégués des
conseils municipaux ; ils votent au chef-lieu de chaque établissement (art. 4,
L. 24 février 1875).
Les sénateurs nommés par l’Assemblée sont élus, en séance publique, au
scrutin de liste et à la majorité absolue des suffrages, quel que soit le
nombre des épreuves (art. 5, L. 24 fév. 1875 et art. 24, L. du 2 août 1875).
Depuis que l’Assemblée unique de 1871 a été remplacée par la Chambre
des députés et par le Sénat, lorsqu’il y a lieu de pourvoir au remplacement
des 75 sénateurs inamovibles, ou d’un ou de plusieurs d’entre eux, c’est le
Sénat qui y procède dans les formes qui viennent d’être indiquées.
En ce qui concerne les sénateurs nommés par les départements et par les
colonies, si par décès ou démission, le nombre en est réduit de moitié, dans
un ou plusieurs départements, il est pourvu aux vacances dans le délai de 3
mois, à moins qu’elles ne surviennent dans les 12 mois qui précèdent le
renouvellement triennal. A l’époque fixée pour le renouvellement triennal,
il sera pourvu à toutes les vacances qui se seront produites, quel qu’en soit
le nombre et quelle qu’en soit la date (L. 2 août 1875, art. 23.) Il est
procédé, dans le délai d’un mois et par le même corps électoral, au
remplacement auquel peut donner lieu l’option d’un sénateur élu dans
plusieurs départements. Il en est de même dans le cas d’invalidation d’une
élection (art. 22, même loi).
En cas de décès ou de démission d’un sénateur inamovible, le Sénat lui-
même, dans le délai de 2 mois, élira un nouveau membre aux lieu et place
du défunt ou du démissionnaire.
Le collège électoral, appelé à nommer les sénateurs des départements ou
des colonies, est présidé par le président du tribunal civil du chef-lieu du.
département ou de la colonie. Il peut y avoir lieu à 3 scrutins successifs.
Nul n’est élu sénateur à l’un des deux premiers tours de scrutin, s’il ne
réunit : 1° la majorité absolue des suffrages exprimés ; 2° un nombre de
voix égal au quart des électeurs inscrits. Au troisième tour de scrutin, la
majorité relative suffit et, en cas d’égalité de suffrages, le plus âgé est élu
(art. 15, L. du 2 août 1875).
Il y a incompatibilité entre les fonctions de sénateur et celles de
conseiller d’État et de maître des requêtes, préfet et sous-préfet, à
l’exception du préfet de la Seine et du préfet de police ; de membre des
parquets des cours d’appel et des tribunaux de première instance, à
l’exception du procureur général près la Cour de Paris ; de trésorier-payeur
général, de receveur particulier, de fonctionnaire et employé des
administrations centrales des Ministères (art. 20) — Ne peuvent être élus
par le département ou la colonie compris, en tout ou en partie, dans leur
ressort, pendant l’exercice de leurs fonctions et pendant les six mois qui
suivent la cessation de leurs fonctions par démission, destitution,
changement de résidence, ou de toute autre manière : 1° les premiers
présidents, les présidents et les membres des parquets des cours d’appel ; 2°
les présidents, les vice-présidents, les juges d’instruction et les membres des
parquets des tribunaux de première instance ; 3° le préfet de police, les
préfets et sous-préfets, et les secrétaires généraux des préfectures, les
gouverneurs, directeurs de l’intérieur et secrétaires généraux des colonies ;
4° les ingénieurs en chef et d’arrondissement, et les agents-voyers en chef et
d’arrondissement ; 5° les recteurs et inspecteurs d’académie ; 6° les
inspecteurs des écoles primaires ; 7° les archevêques, les évêques et les
vicaires généraux ; 8° les officiers de tous grades de l’armée de terre et de
mer ; 9° les intendants divisionnaires et les sous-intendants militaires ; 10°
les trésoriers - payeurs généraux et les receveurs particuliers des finances ;
11° les directeurs des contributions directes et indirectes, de
l’enregistrement et des domaines, et des postes ; 12° les conservateurs et
inspecteurs des forêts (art. 21, L. 2 août 1875).
De la Chambre des Députés. — Mode de nomination. — A côté du
Sénat se place la Chambre des députés, dont la loi du 30 novembre 1875
règle le mode d’élection et de renouvellement.
La Chambre des députés est composée de citoyens français, âgés au
moins de 25 ans, nommés pour 4 années, au suffrage universel et direct, par
les électeurs inscrits sur les deux listes électorales politique et municipale,
dont nous avons parlé déjà. — Sont électeurs, sans condition de cens, tous
les Français, âgés de 21 ans, jouissant de leurs droits civils et politiques, et
résidant, au moins, depuis six mois, dans la commune.
Les militaires et assimilés de tous grades et de toutes armes des armées
de terre et de mer, ne prennent part à aucun vote, quand ils sont présents à
leur corps, à leur poste ou dans l’exercice de leurs fonctions. Ceux.qui, au
moment de l’élection, se trouvent en résidence libre, en non-activité ou en
possession d’un congé régulier, peuvent voter dans la commune sur les
listes de laquelle ils sont régulièrement inscrits.
Le scrutin ne dure qu’un seul jour. Le. vote a lieu au chef-lieu de la
commune ; il est secret. Le second tour de scrutin, s’il en est besoin, a lieu
le deuxième dimanche qui suit le jour de la proclamation du résultat du
premier scrutin. — Tout mandat impératif est nul et de nul effet (art. 13,
L. 30 nov. 1875).
Les membres de la Chambre des députés sont élus au scrutin individuel
ou uninominal par arrondissement, chaque arrondissement administratif
nommant un député. Les arrondissements dont la population dépasse
100,000 habitants nomment un député de plus par 100,000 ou par fraction
de 100,000 habitants. Les arrondissements, dans ce cas, sont divisés en
circonscriptions dont le tableau est établi par une loi et ne peut être modifié
que par une loi. (art. 14 30 nov. 1875).
Nul n’est élu au premier tour de scrutin, s’il n’a réuni : 1° la majorité
absolue des suffrages exprimés ; 2° un nombre de suffrages égal au quart
des électeurs inscrits. Au deuxième tour, la majorité relative suffit ; en cas
d’égalité de suffrages, le plus âgé est élu (art. 18).
Les vacances par décès, démission ou autrement, sont comblées, dans le
délai de 3 mois, à partir du jour où elles se sont produites. En cas d’option,
il est pourvu à la vacance dans le délai d’un mois. Aucun militaire ou marin
faisant partie des armées actives de terre ou de mer ne pourra, quels que
soient son grade ou ses fonctions, être élu membre de la Chambre des
députés. Cette règle comporte certaines exceptions. — Quant à l’exercice
des fonctions publiques rétribuées sur les fonds de l’État, il est incompatible
avec le mandat de député.
En conséquence, tout fonctionnaire élu député, doit être remplacé dans
ses fonctions, si, dans les 8 jours qui suivent la vérification des pouvoirs, il
n’a pas fait connaître qu’il n’accepte pas le mandat de député : Sont
exceptées des dispositions qui précèdent les fonctions de ministre, sous-
secrétaire d’État, ambassadeur, ministre plénipotentiaire, préfet de la Seine,
préfet de police, premier président de la Cour de cassation, premier
président de la Cour des comptes, premier président de la Cour d’appel de
Paris, procureur général près la Cour de cassation, procureur général près la
Cour des comptes, procureur général près la Cour d’appel de Paris,
archevêque et évêque, pasteur, président du consistoire dans les
circonscriptions consistoriales dont le chef-lieu compte deux pasteurs et au-
dessus, grand-rabbin du consistoire central, grand-rabbin du consistoire de
Paris (art. 8). Sont également exceptés des dispositions de l’art. 8 ci-dessus :
1° les professeurs titulaires de chaires qui sont données au concours ou sur
la présentation des corps où la vacance s’est produite ; 2° les personnes qui
ont été chargées d’une mission temporaire ; — toute mission qui a duré plus
de 6 mois cesse d’être temporaire et est régie par ledit article.
Tout député nommé ou promu à une fonction publique salariée cesse
d’appartenir à la Chambre, par le fait même de son acceptation ; mais il
peut être réélu si la fonction qu’il occupe est compatible avec le mandat de
député. Toutefois les députés nommés ministres ou secrétaires d’État ne
sont pas soumis à la réélection (art. 11).
Ne peuvent être élus par l’arrondissement ou la colonie, compris, en tout
ou en partie, dans leur ressort, pendant l’exercice de leurs fonctions et
pendant les 6 mois qui suivent la cessation de leurs fonctions par démission,
destitution, changement de résidence, ou de toute autre manière : les
fonctionnaires de l’ordre administratif, judiciaire, ecclésiastique et
universitaire, dont l’énumération a été donnée plus haut, à propos des
élections sénatoriales ; sauf, toutefois, quelques additions ou
retranchements sans grande importance. Les sous-préfets ne peuvent être
élus dans aucun des arrondissements du département dans lequel ils
exercent leurs fonctions.
La Chambre des députés se renouvelle intégralement ; elle peut être
dissoute par le Président de la République, sur l’avis conforme du Sénat,
avant l’expiration de son mandat de 4 années. Le Sénat au contraire ne peut
être dissous.
Les membres des deux Chambres reçoivent la même indemnité : soit
9,000 fr. par an.
Attributions des deux Chambres. — Quant aux attributions des deux
Chambres, on peut dire, d’une manière générale, qu’elles ne varient pas
sensiblement : la confection des lois est, en effet, l’unique apanage de nos
deux Assemblées législatives. L’initiative, la dicussion et le vote des lois
appartiennent, au même titre, aux membres du Sénat et de la Chambre des
députés. La discussion peut commencer indifféremment à l’une ou à l’autre
des deux Chambres ; le vote du Sénat peut précéder ou suivre le vote de la
Chambre des députés. Toutefois, la loi annuelle de finances ou budget doit
être d’abord présentée à la Chambre des députés, votée par elle, et ensuite
soumise à la délibération du Sénat.
Le Sénat jouit d’une prérogative qui n’appartient pas à l’autre Chambre.
Il peut être constitué en cour de justice pour juger soit le Président de la
République, soit les Ministres, et pour connaître des attentats commis
contre la sûreté de l’État.
CONFECTION DES LOIS ; — LA LOI ; — LE RESPECT DE LA LOI.

De la confection des lois. — Le pouvoir législatif n’est pas


nécessairement exercé par deux Assemblées électives, comme il l’est
aujourd’hui en France. Il peut être dévolu à une assemblée unique, à deux
assemblées procédant de différentes sources, parfois même à trois
assemblées. Ce dernier cas, plus rare, il est vrai, n’a pas laissé que de se
présenter sous le Consulat.
La Constitution consulaire du 22 frimaire an VIII, répartissait la
puissance législative entre trois assemblées : le Tribunal qui discutait les
lois, le Corps législatif qui les votait sans discussion, et le Sénat qui pouvait
les annuler, si elles étaient inconstitutionnelles.
Les assemblées même n’ont pas toujours été seules dépositaires du
pouvoir législatif ; l’histoire de nos Constitutions successives nous montre,
à différentes époques, le pouvoir exécutif participant à la confection de la
loi, et y intervenant, tantôt d’une manière très active et prépondérante,
tantôt d’une manière plus effacée. La Constitution de 1875 a conservé au
pouvoir exécutif le droit d’intervenir effectivement dans la confection de la
loi, en lui conférant, comme aux membres des deux Chambres, le droit
d’initiative parlementaire.
Que les assemblées aient seules le privilège de faire la loi, ou qu’elles
partagent, dans quelque mesure, ce privilège avec le pouvoir exécutif, la
confection de la loi n’en reste pas moins une œuvre complexe, qui
comprend nécessairement : l’initiative, la discussion et le vote de la loi.
En l’état de notre législation constitutionnelle, la confection de la loi ne
comporte plus, comme sous le troisième empire, l’examen de la
constitutionnalité de la loi, et, comme sous les régimes monarchiques, la
formalité de la sanction.
Initiative parlementaire. — Droits de retrait et
d’amendement. — L’initiative ou droit de présenter des projets de loi peut
appartenir au pouvoir exécutif seul, aux assemblées seules, ou, à la fois, aux
assemblées et au pouvoir exécutif. Il en est ainsi, en France, depuis 1875,
puisque le droit d’initiative parlementaire y appartient, comme nous l’avons
dit, indifféremment et au même titre, au Président de la République et aux
membres des deux Chambres.
Ce droit d’initiative emporte, pour ceux qui en sont investis, le droit de
retirer le projet de loi qu’ils ont d’abord soumis à la discussion du pouvoir
législatif ; toutefois, le projet retiré peut être repris, devant la même
assemblée, par un autre membre, qui, le présentant en son nom, est appelé,
s’il y a lieu, à le défendre, au cours de la discussion.
Une autre prérogative découle du droit d’initiative, c’est le droit
d’amendement. On appelle ainsi le droit qu’a tout membre de l’une des
deux Chambres, de proposer des modifications aux projets de loi soumis à
l’assemblée dont il fait partie.
Discussion de la loi. — Avant d’être votée, la loi est discutée par
l’assemblée qui en a été saisie la première, sur le rapport d’un des membres
d’une commission d’examen et d’étude nommée dans le sein de cette
assemblée. Lecture faite du rapport, élaboré par cette commission,
l’assemblée est consultée sur le point de savoir s’il y a lieu de passer à la
discussion générale du projet de loi déposé4. Le cas échéant, et la discussion
générale terminée, l’assemblée décide si elle entend passer à l’examen des
articles. Mis aux voix et discuté article par article, le projet souvent modifié,
quelquefois transformé par des amendements, est enfin rejeté ou adopté
dans son ensemble, en première délibération.
La loi cependant n’est pas encore complète, car, pour éviter toute surprise
et les entraînements trop fréquents dans les assemblées nombreuses, les
projets de loi sont, généralement, soumis à la formalité de plusieurs
lectures.
Vote de la loi. — Quand le projet a été définitivement adopté par l’une
des deux Chambres, il est renvoyé à la seconde Chambre, devant laquelle il
est, de nouveau, et dans les mêmes formes, présenté, examiné, discuté et,
finalement, adopté avec ou sans modification, ou complètement rejeté.
Adopté de la sorte, après discussion, devant et par les deux Chambres, le
projet de loi cesse d’être un projet pour devenir la loi-même. Après
l’agrément de la Chambre des députés et du Sénat la loi est complète ; elle
prend la date du vote définitif de la dernière assemblée qui en a délibéré.
Le chef du pouvoir exécutif ne participe jamais personnellement à la
discussion ; il ne pourrait le faire qu’en violation du principe de la
séparation des deux pouvoirs exécutif et législatif.
Les ministres toutefois peuvent, sans engager-la personne du chef de
l’État, prendre part aux débats ; cette intervention des ministres étant
justement considérée comme une des conséquences de la responsabilité
ministérielle. Les lois constitutionnelles ont d’ailleurs prévu le cas, et aux
termes de l’article 6 de la loi du 16 juillet 1875, « les ministres ont leur
entrée dans les deux Chambres, et doivent être entendus quand ils le
demandent. » Pour la discussion d’un projet de loi déterminé, ils peuvent se
faire assister par des commissaires désignés par décret du Président de la
République.
Quant au Président de la République, lui-même, bien qu’il n’intervienne
jamais de sa personne dans la discussion des lois, il peut, dans le délai fixé
pour la promulgation, demander aux deux Chambres, par un message
motivé, une nouvelle délibération qui ne peut être refusée.
De la promulgation de la loi. — Qu’est-ce donc que la promulgation de
la loi, et dans quels délais les lois doivent-elles être promulguées ?
La promulgation est l’acte par lequel le Président de la République porte
à la connaissance de la nation l’existence de la loi, ordonne aux citoyens de
la respecter, et aux autorités d’en assurer l’observation et l’exécution, par
toutes voies de droit.
Depuis le décret du 5 novembre 1870, la promulgation5 des lois et
décrets résulte de leur insertion au Journal officiel de la République
française ; et ces lois et décrets sont obligatoires, à Paris, un jour franc après
la promulgation, et, partout ailleurs, dans l’étendue de chaque
arrondissement, un jour franc, après que le Journal officiel qui les contient,
sera parvenu au chef-lieu de cet arrondissement.
Des délais de promulgation. — Il n’est pas loisible au chef de l’État de
promulguer les lois quand il lui convient. Les délais de promulgation ont été
fixés par la Constitution même. C’est ainsi que le Président de la
République doit promulguer les lois dans le mois qui suit la transmission au
gouvernement de la loi définitivement adoptée, et qu’il doit promulguer,
dans les trois jours, les lois dont la promulgation, par un vote exprès dans
l’une et l’autre Chambre, aura été déclarée urgente. (L. 16 juillet 1875,
article 7).
Définition de la loi. — Que faut-il donc entendre enfin par la loi, que
nous avons vu successivement présenter, discuter, voter et promulguer ? On
la peut définir : la déclaration solennelle de la volonté du peuple sur un
objet d’intérêt commun. C’est, à un mot près, la définition qu’en donnait
Portalis dans son discours préliminaire sur le Code civil.
Du respect dû à la loi. — Maintenant, pourquoi il faut la respecter ?
Parce qu’elle est l’expression de la volonté nationale, et, en même temps, la
plus sûre garantie des intérêts de chacun et de la liberté de tous.
LA JUSTICE ; — LA COUR DE CASSATION ; — LES TRIBUNAUX CIVILS ET
CRIMINELS ; — LES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS ; — LES
TRIBUNAUX UNIVERSITAIRES.

La justice. Définition. — « La justice qui, selon la définition des


jurisconsultes, doit rendre à chacun ce qui lui appartient, comprend les lois,
les tribunaux, la procédure, l’accusation et la défense, enfin la pénalité qui
réprime les délits et les crimes. C’est un des sujets les plus vastes de
l’histoire de la civilisation. » (Chéruel : dictionnaire des institutions, mœurs
et coutumes de la France).
Nous nous contenterons de considérer la justice, comme l’ensemble des
tribunaux judiciaires et administratifs, investis du droit de statuer sur les
différends des particuliers entre eux, ou sur les contestations qui peuvent
naître de l’opposition entre les intérêts privés et les intérêts généraux.
Ainsi comprise et renfermée dans ces étroites limites, la question se
ramène à un exposé de notre organisation judiciaire, et à l’examen de la
composition du rôle et des principales attributions des tribunaux
administratifs.
Pour être complet, cet exposé devrait comprendre l’historique des
tribunaux d’exception, conseils de guerre, conseils de révision, dans l’ordre
militaire ; conseils académiques, conseil supérieur de l’instruction publique,
dans l’ordre universitaire. Il entre dans le cadre du sujet d’étudier
sommairement l’organisation et les attributions de ces derniers tribunaux.
Qu’est-ce qu’un tribunal ? — On appelle tribunal une autorité
constituée pour rendre la justice au nom du peuple français. — Les
tribunaux se divisent en deux grandes catégories comprenant, d’une part,
les tribunaux ordinaires, de l’autre les tribunaux d’exception.
Des tribunaux ordinaires. — Les tribunaux ordinaires, qui connaissent
de toutes les affaires que la loi n’a point soustraites à leur juridiction, en les
attribuant expressément à un autre tribunal, sont : les tribunaux
d’arrondissement ou de première instance et les Cours.
Des tribunaux d’exception. — Les tribunaux exceptionnels qui ne
connaissent que des affaires. qui ont été spécialement, et par une disposition
formelle de la loi, comprises dans leur juridiction, sont les tribunaux de
paix, les tribunaux de commerce, les prud’hommes, et, en dehors de l’ordre
judiciaire, les tribunaux administratifs.
Chaque tribunal exerce sa juridiction sur une certaine partie du territoire,
appelée ressort.
En matière d’organisation judiciaire, la loi fondamentale date des 16 et
24 août 1790 ; cette loi contient l’ensemble des règles sur la composition et
les attributions des tribunaux.
Tribunaux de l’ordre judiciaire. — De la Cour de cassation. — Au
sommet de la hiérarchie judiciaire est placée la Cour de cassation, organisée
par le décret des 27 novembre 1er décembre 1790, sous le nom de Tribunal
de cassation. Cette Cour suprême, unique pour toute la France, siège à
Paris ; elle n’a cessé depuis son établissement de maintenir l’unité de
jurisprudence et de fixer le sens des lois en cassant ou en annulant les
décisions qui les violent. Les art. 2 et 3 du décret précité déterminent les
fonctions et les attributions de cette Cour.
Aux termes de ce décret, la Cour de cassation prononce sur toutes les
demandes en cassation contre les arrêts des Cours et les jugements rendus
en dernier ressort par les tribunaux de 1re instance et de commerce, les
jugements en 1er ressort ne pouvant, en aucun cas, être soumis à la censure
de la Cour de cassation.
Il ne faut pas entendre le mot ressort dans le sens qui lui a été donné plus
haut ; ce terme indique ici le degré d’instance, et quand on dit d’un
jugement qu’il est en premier ressort, il faut entendre que ce jugement est
susceptible d’appel ; un jugement rendu en premier et dernier ressort n’étant
au contraire susceptible que d’un seul degré de juridiction et ne pouvant
donner lieu à appel.
La Cour de cassation juge les demandes de renvoi d’un tribunal à un
autre, pour cause de suspicion légitime ou de sûreté publique ; les demandes
en règlement de juges, quand le conflit existe entre deux Cours et deux
tribunaux ne ressortissant pas à la même Cour.
Elle annule les procédures dans lesquelles les formes ont été violées et
tout jugement qui contient une contravention expresse au texte de la loi. Les
recours formés, de ce chef, devant la Cour de cassation peuvent être
fondés : sur l’incompétence, l’excès de pouvoir, la violation des formes de
procédure prescrites à peine de nullité, la contrariété de jugements rendus,
en dernier ressort, par des Cours ou des tribunaux différents, dans la même
affaire, sur les mêmes moyens, et entre les mêmes parties ; enfin, nous
l’avons dit, sur la violation de la loi.
Sous aucun prétexte et en aucun cas, la Cour ne peut connaître du fond
des affaires. Après avoir cassé les procédures ou le jugement, elle renvoie le
fond de l’affaire aux tribunaux qui doivent en connaître.
La Cour de cassation qui se compose de 49 membres, y compris un
premier président et trois présidents, tous nommés par le Président de la
République et inamovibles, est divisée en trois sections ou Chambres, dont
les attributions sont déterminées par la loi du 27 ventôse, an VIII (18 mars
1800). Titre VI, art. 58 et s. q.).
Chacune de ces Chambres, Chambre des requêtes, Chambre civile et
Chambre criminelle, est composée de 15 conseillers et d’un président. Un
procureur général et six avocats généraux sont, de plus, attachés à la Cour,
et y font fonctions de ministère public. Le procureur général, ou à défaut,
un avocat général, porte la parole dans chacune des affaires soumises à la
Cour.
Un greffier, assisté de quatre commis greffiers et soixante avocats, qui
sont en même temps avocats au Conseil d’État, complètent le personnel de
ce tribunal suprême.
Des Cours d’appel. — Au-dessous de la Cour de cassation, viennent, sur
la même ligne et sans aucune prééminence de l’une sur l’autre, les 27 Cours
d’appel, y compris la Cour d’Alger.
Le ressort de ces Cours et le siège qu’elles doivent occuper ont été fixés
par la loi du 27 ventôse an VIII. Chacune d’elles, à l’exception de la Cour
de Bastia, dessert plusieurs départements.
Généralement établies au chef-lieu d’un département, elles n’y ont pas
nécessairement leur siège ; elles peuvent, en effet, occuper l’un des chefs-
lieux d’arrondissement ; c’est le cas des Cours de Riom et de Douai.
La loi du 27 ventôse an VIII (Tit. III, art. 21 et s. q.), a déterminé, comme
il suit, les attributions des Cours d’appel : elles statuent sur les appels des
jugements de 1re instance, rendus, en matière civile, par les tribunaux
d’arrondissement, et sur les jugements de 1re instance, rendus par les
tribunaux de commerce.
En ce qui concerne la division et la composition de ces Cours, chacune
d’elles comprend une ou plusieurs Chambres civiles, une Chambre des
mises en accusation et une Chambre de police correctionnelle, desservies
par un nombre de conseillers qui peut varier de vingt à quarante, par un
premier président et autant de vice-présidents qu’il y a de Chambres.
Les conseillers sont nommés par le Président de la République et
inamovibles. — Quant au ministère public établi près les Cours d’appel, il
comprend un procureur général, de deux à quatre avocats généraux, des
substituts. Il y a de plus un greffier, des avoués et des huissiers.
Des Tribunaux de 1re instance. — Au troisième rang de la hiérarchie
judiciaire et au dessous des Cours sont rangés les tribunaux de 1re instance.
Chaque département a autant de tribunaux de 1re instance que
d’arrondissements de sous-préfecture, à l’exception du département de la
Seine qui n’en a qu’un siégeant à Paris. Il est vrai de dire que les deux sous-
préfectures de Sceaux et de Saint-Denis ayant été supprimées par une loi du
2 avril 1880, le département de la Seine, rentre, ainsi sur ce point, dans le
droit commun.
Au civil, les tribunaux de 1re instance jugent en premier et dernier ressort
toutes les affaires mobilières et personnelles jusqu’à 1,500 fr. de principal,
et les affaires réelles immobilières jusqu’à 60 fr. de revenu déterminé soit
en rentes, soit par prix de bail ; au-dessus de ces chiffres ces tribunaux ne
jugent que sauf appel devant la Cour.
Là ne se borne pas le rôle des tribunaux de 1re instance, qui sont appelés
dans les arrondissements où il n’y a pas de tribunaux de commerce, à
statuer sur les affaires ressortissant à ces tribunaux d’exception ; de plus, ils
connaissent en appel des affaires jugées en 1er ressort seulement par les
justices de paix ; et, sous le nom de tribunaux correctionnels, de certaines
infractions à la loi pénale.
Composés, suivant leur importance, de 3, 4, 7, 8, 10 ou 12 juges, de 3 à 6
juges suppléants, d’un président et d’autant de vice-présidents qu’il y a de
Chambres, tous nommés par le Président de la République et inamovibles,
ces tribunaux comprennent encore un ministère public, un greffier et des
officiers ministériels. Le ministère public est occupé par le procureur de la
République et par un ou plusieurs substituts nommés et révoqués par le
Président de la République, et ne bénéficiant pas, comme la magistrature
assise, de la faveur de l’inamovibilité.
Des tribunaux de commerce. — A côté des tribunaux de 1re instance, se
placent les tribunaux de commerce, juridictions exceptionnelles, instituées
par le chancelier de l’Hôpital, sous le nom de juges-consuls. — (1563 et
1566).
Au contraire des tribunaux de 1re instance qui siègent dans chaque
arrondissement de sous-préfecture, les tribunaux de commerce sont établis
par des réglements d’administration publique, dans les villes susceptibles
d’en recevoir par l’étendue de leur commerce et de leur industrie.
L’arrondissement de chaque tribunal de commerce est le même que celui
du tribunal civil dans le ressort duquel il est placé ; et s’il se trouve
plusieurs tribunaux de commerce dans le ressort d’un seul tribunal civil, il
leur est assigné des arrondissements particuliers.
Tribunaux d’exception, les juridictions consulaires ne sont compétentes
que sur les matières dont la connaissance leur a été formellement attribuée.
Ces tribunaux connaissent, à ce titre, des contestations relatives aux
engagements et transactions entre négociants, marchands et banquiers, des
différends entre associés pour raison d’une société de commerce, et de ceux
relatifs aux actes de commerce entre toutes personnes. (Art. 631, C. de
com.)
Chaque tribunal de commerce est composé d’un président, de juges et de
suppléants. La composition d’un tribunal de commerce comporte 3
membres au moins ; soit 2 juges et 1 président ; 15 membres au plus ; soit
14 juges et 1 président.
Les fonctions de juges y sont temporaires, gratuites et électives.
Aux termes de la loi du 21 décembre 1871, qui modifie les art. 618 et 621
du code de commerce, les membres des tribunaux de commerce sont
nommés pour 2 ans par une assemblée d’électeurs, pris surtout parmi les
commerçants recommandables par leur probité, leur esprit d’ordre et
d’économie. Le nombre des électeurs doit être égal au dixième des
commerçants inscrits à la patente ; il ne peut dépasser 1000, ni être inférieur
à 50 ; dans le département de la Seine, il est, par exception, de 3,000.
Les tribunaux de commerce n’ont pas de ministère public ; l’appel de
leurs décisions est porté devant la Cour du ressort. Les tribunaux de
commerce sont eux-mêmes juges d’appel des décisions prises par les
conseils de prud’hommes, quand ces décisions portent sur des affaires ne
dépassant pas 200 fr.
Au-dessous des tribunaux de 1re instance et de commerce se placent les
tribunaux de paix, un par chaque canton, et les conseils de prud’hommes
dans certaines localités désignées par des réglements d’administration
publique.
Tribunaux de paix. — Conseils de prud’hommes. — Les Conseils de
prud’hommes sont chargés d’exercer la surveillance, en matière industrielle,
dans les villes manufacturières, et de juger les contestations qui s’élèvent
entre les maîtres et les ouvriers. On peut dire de ces conseils électifs,
composés de patrons et d’ouvriers en nombre égal et dont le but principal
est de concilier les parties, qu’ils sont les juges de paix de
l’Industrie ; — les fonctions des prud’hommes sont honorifiques et
temporaires.
Mode de nomination et compétence des Juges de paix. — Quant aux
juges de paix, établis, par la loi fondamentale des 16 et 24 août 1790, dans
chacun des cantons du territoire français, leurs attributions ont été modifiées
et étendues par les lois des 25 mai 1838 et 2 mai 1855.
Nommés et révoqués par le Président de la République, ces magistrats,
dont la juridiction exceptionnelle est limitée aux actions de modique intérêt,
ont des fonctions multiples et très variées.
Ils connaissent de toutes actions, purement personnelles ou mobilières, en
dernier ressort, jusqu’à la valeur de 100 francs, et, à charge d’appel, jusqu’à
la valeur de 200 francs ; ils ont à prononcer sur les contestations qui
peuvent s’élever entre les hôteliers, aubergistes ou logeurs, et les voyageurs
ou locataires en garni, pour dépenses d’hôtellerie et perte ou avarie d’effets
déposés dans l’auberge ou dans l’hôtel ; sur les actions en paiement de
loyers ou fermages, sur les congés, les demandes en résiliation de baux,
fondées sur le seul défaut de paiement des loyers ou fermages ; et sur une
infinité d’autres questions énumérées dans la loi de 1838.
Tribunaux de simple police. — Le même tribunal, dit M. Ortolan, qui,
sous le nom de justice de paix, occupe le dernier rang dans la justice civile,
sous le nom de tribunal de simple police, occupe, aussi, le dernier rang dans
la justice pénale. Cette juridiction n’est composée que d’un seul juge, et
c’est le même qui, qualifié là de juge de paix, ici de juge de simple police, y
fonctionne à ces deux titres.
Jusqu’en 1873, le maire, dans chaque commune non chef-lieu de canton,
pouvait former un tribunal de simple police ; il n’en est plus ainsi depuis
que la loi du 27 janvier 1873 a enlevé au maire sa juridiction de police et
attribué, dans tous les cas, au juge de paix une compétence exclusive, pour
statuer sur les contraventions de simple police.
Aux termes de l’art. 137 du Code d’instruction criminelle : « Sont
considérés comme contraventions de police simple, les faits qui peuvent
donner lieu, soit à 15 francs d’amende ou au-dessous, soit à cinq jours
d’emprisonnement ou au-dessous, qu’il y ait ou non confiscation des choses
saisies, et quelle qu’en soit la valeur. »
En vertu de ce texte et des articles suivants du même Code, les juges de
paix doivent connaître exclusivement, des contraventions commises dans
toutes les communes composant la circonscription cantonale : des
contraventions, à raison desquelles, la partie qui réclame, conclut, pour ses
dommages-intérêts, à une somme indéterminée ou à une somme excédant
15 francs ; des contraventions forestières, poursuivies à la requête des
particuliers ; des injures verbales ; des affiches, annonces, ventes,
distributions ou débits d’ouvrages, écrits ou gravures contraires aux
mœurs ; de l’action contre les gens qui font le métier de deviner et
pronostiquer les songes.
L’appel des jugements rendus par le tribunal de simple police est porté
devant le tribunal correctionnel de l’arrondissement.
Le commissaire de police, dans les centres où il en existe un, et dans les
autres cantons, un magistrat, délégué par le procureur général, magistrat qui
peut être, indifféremment, le maire de la commune du chef-lieu de canton,
l’un des adjoints, et même l’un ou l’autre suppléant de la justice de paix,
exercent près du tribunal de police, les fonctions de ministère public, avec
droit de substitution de l’un à l’autre en cas d’empêchement du principal
délégué.
Tribunaux de police correctionnelle. — Dans la hiérarchie des
tribunaux de répression, le tribunal de police correctionnelle, occupe une
place plus élevée que le tribunal de simple police. Les attributions de ces
tribunaux ont été fixées par l’art. 179 du Code d’instruction criminelle, ainsi
conçu : « Les tribunaux de première instance en matière civile connaîtront
en outre, sous le titre de tribunaux correctionnels, de tous les délits
forestiers, poursuivis à la requête de l’administration, et de tous les délits
dont la peine excède 5 jours d’emprisonnement et 15 francs d’amende. »
Les jugements de ces tribunaux ne peuvent être rendus par moins de trois
juges. L’appel de ces jugements est porté devant la Cour du ressort, il est
statué sur cet appel, par une des Chambres de la Cour, dite Chambre des
appels de police correctionnelle, formée de 7 conseillers au moins.
Compétence des Cours en matière pénale. — La compétence des
Cours, en matière pénale, ne s’arrête pas là ; il est institué auprès de
chacune d’elles, une Chambre des mises en accusation, juridiction
d’instruction, composée de 5 conseillers, au moins, et chargée d’examiner
les affaires dans lesquelles l’individu poursuivi est passible de peines
afflictives ou infamantes6. Sur le rapport du procureur général et après
lecture des pièces, cette Chambre renvoie, s’il y a lieu, le prévenu devant la
Cour d’assises, ou, à défaut de charges suffisantes, rend un arrêt de non-
lieu.
Cour d’assises. — Du jury. — Quand on parle de la Cour d’assises, il
faut se garder de perdre de vue : que c’est la Cour d’appel qui tient ou qui
va tenir les assises dans chaque département de son ressort ; la Cour
délègue, à cet effet, trois de ses conseillers dont l’un est président et les
deux autres assesseurs, quand les assises se tiennent dans la ville où siège la
Cour ; dans les départements où il n’y a pas de Cour, les assises sont tenues
par un conseiller de la Cour, dans le ressort de laquelle se trouve le
département ; ce conseiller délégué, qui préside les assises, est assisté de
deux magistrats, qui peuvent être aussi des conseillers de la Cour, mais qui,
dans la pratique, sont pris parmi les juges du chef-lieu. — Il doit y avoir au
chef-lieu de tout département une session par chaque trimestre de l’année ;
à Paris, les sessions se succèdent, sans interruption, de quinzaine en
quinzaine.
La Cour d’assises est donc une juridiction temporaire et non permanente
composée de deux éléments très distincts : le jury, juge de la culpabilité ou
non culpabilité, et les magistrats, juges de l’application de la loi ; le jury
commissionné pour chaque affaire seulement, les magistrats pour toute la
durée de la session. Le jury est, ainsi, une commission d’habitants ou de
citoyens, constitués juges, en leur conscience et sur la foi du serment, de la
culpabilité ou de la non culpabilité des accusés en un procès criminel.
Le nombre de 12 jurés est nécessaire pour constituer un jury de
jugement ; ces 12 jurés sont tirés au sort, au jour indiqué pour l’ouverture
des débats de chaque affaire, sur une liste, dite liste de session, relatant les
noms des 36 jurés, choisis par le sort, sur la liste annuelle, pour faire le
service durant toute la session des assises.
Cette liste annuelle du jury, comprend, aux termes de la loi du 24
novembre 1872, pour le département de la Seine 3,000 jurés ; pour les
autres départements 1 juré par 500 habitants, sans toutefois que le nombre
des jurés puisse être inférieur à 400 et supérieur à 600. La liste ne peut
comprendre que des citoyens ayant leur domicile dans le département.
Le nombre des jurés, pour la liste annuelle, est réparti, par
arrondissement et par canton, proportionnellement au tableau officiel de la
population, Cette répartition est faite par arrêté du préfet, pris sur l’avis
conforme de la commission départementale, et pour le département de la
Seine, sur l’avis conforme du bureau du conseil général, au mois de juillet
de chaque année. — A Paris, la répartition est faite entre les
arrondissements et les quartiers. — C’est sur cette liste générale, nous
l’avons dit, que sont désignés par le sort les 36 jurés et les 4 jurés
suppléants pour le service de la session ; et sur la liste de session ainsi
dressée, et dans la même forme qu’est établie la liste du jury de jugement,
composé de 12 membres.
Tel est à peu près l’ensemble des autorités, cours et tribunaux chargés,
chacun dans la limite de ses attributions, d’appliquer les lois civiles et
pénales, et de rendre, en un mot, la justice au nom du peuple français.7
Tribunaux administratifs. — Mais à côté des tribunaux judiciaires, et
chargés, dans un autre ordre d’idées, de faire respecter la loi, s’élèvent les
tribunaux administratifs, agissant au nom de l’intérêt général, tout en
sauvegardant les intérêts privés, dans les litiges administratifs dont la
connaissance leur est dévolue.
Sous la dénomination de tribunaux administratifs, il faut comprendre : le
conseil d’État, le tribunal des conflits, les conseils de préfecture, la Cour
des comptes, le conseil supérieur de l’Instruction publique, les conseils
académiques et les conseils départementaux de l’Instruction publique, les
conseils de révision, et quelques autres, moins importants, qu’on peut
omettre sans inconvénients, dans une étude nécessairement limitée. Nous
nous bornerons, ici, à considérer ces différentes autorités, en tant que
tribunaux administratifs, nous réservant, quand le moment en sera venu,
d’en indiquer les diverses autres attributions.
Du conseil d’État. — Le conseil d’État est le tribunal suprême investi du
pouvoir de juger définitivement les affaires litigieuses administratives. En
matière contentieuse administrative, le conseil d’État agit avec un pouvoir
propre, analogue à celui des tribunaux judiciaires. Les décisions qu’il rend
sont exécutoires par elles-mêmes, sans approbation du gouvernement.
Pour mieux faire comprendre le rôle du conseil d’État, en matière
contentieuse ; nous le comparerons aux tribunaux de l’ordre judiciaire.
Dans l’ordre judiciaire, il y a : 1° des tribunaux qui jugent en premier et
dernier ressort ; 2° des tribunaux d’appel ; 3° une Cour de cassation. Le
conseil d’État en matière contentieuse, joue ce triple rôle ; il peut être et il
est, en réalité, tantôt Cour de cassation, tantôt tribunal d’appel, tantôt
tribunal de premier et dernier ressort.
Dans l’ordre judiciaire, la Cour de cassation fait les règlements de juges ;
elle annule les décisions judiciaires entachées d’incompétence ou d’excès
de pouvoir ; elle statue sur les pourvois formés, pour violation de la loi,
contre les jugements rendus en dernier ressort.
Il faut expliquer ces différents termes.
Règlement de juges. — Lorsque deux tribunaux de l’ordre judiciaire
s’obstinent à vouloir connaître concurremment de la même affaire, ou que
tous deux refusent, au contraire, de se prononcer sur une question litigieuse,
qu’il appartient cependant à l’un d’eux de trancher, la Cour de cassation
intervient et désigne, dans un arrêt, le tribunal qui doit statuer sur le
différend ; le second tribunal est, par le même arrêt, dessaisi de la
connaissance du procès.
Incompétence et excès de pouvoir. — On dit qu’un tribunal est
incompétent pour connaître d’une affaire, lorsqu’il ne lui appartient pas de
prononcer sur cette affaire. Tel serait le cas d’un tribunal de première
instance qui statuerait sur un point de contentieux administratif. La loi ayant
réservé aux tribunaux administratifs la connaissance et le jugement des
questions de ce genre, la décision judiciaire irrégulièrement intervenue, de
ce chef, ferait l’objet, de la part des intéressés, d’un recours fondé sur
l’incompétence du tribunal.
Il y aurait enfin excès de pouvoir si un tribunal empiétait sur les
attributions d’un autre, et se permettait de dépasser les limites de son droit.
Violation de la loi. — Quant à la violation de la loi, la Cour de cassation
est chargée de réformer les décisions judiciaires, rendues en dernier ressort
(c’est-à-dire définitives et non susceptibles d’appel), qui sont entachées de
ce vice.
Le conseil d’État, agissant comme Cour de cassation, dans l’ordre
administratif, doit avoir cette triple mission. Aussi lui appartient-il de
statuer : 1° sur les débats de compétence entre deux autorités
administratives ; 2° sur les recours formés pour incompétence ou excès de
pouvoir, contre les actes émanés des différentes autorités administratives.
Dans le premier cas, deux autorités administratives sont saisies, et il y a lieu
à règlement de juges ; dans le second cas, une seule autorité est en cause et
le pourvoi s’exerce contre la décision rendue par cette autorité. — Le
plaignant, dans son recours, allègue que le tribunal saisi n’a pas qualité pour
prononcer ; il plaide, en un mot, l’incompétence, ou il soutient que le
tribunal a dépassé la limite de ses attributions ; il invoque, alors, l’excès de
pouvoir.
En ce qui concerne le recours pour violation de la loi, il ne peut avoir
lieu, devant le conseil d’État, que pour un acte émané d’une juridiction
administrative statuant en dernier ressort, et seulement en vertu d’un texte
formel de loi.
Le conseil d’État est Cour d’appel ; c’est son rôle le plus habituel. Il est
juge d’appel des juridictions administratives ; c’est à ce titre qu’il peut avoir
à examiner et à réformer les décisions des conseils de préfecture, des
ministres, des préfets et des maires.
Le conseil d’État est enfin juge de premier et dernier ressort ; mais il ne
joue ce rôle qu’exceptionnellement.
En matière contentieuse, le conseil d’État tient des séances publiques.
Les parties peuvent y faire valoir leurs moyens de défense par des
plaidoiries soutenues par des avocats au conseil d’État et à la Cour de
cassation. Il y a un ministère public.
Malgré les prohibitions édictées par les lois de la Révolution, il peut
arriver et il arrive souvent que l’autorité judiciaire empiète sur le domaine
de l’autorité administrative, et que celle-ci, de son côté, s’arroge des droits
qui sont l’apanage de l’autorité judiciaire. Il en résulte entre le pouvoir
judiciaire et le pouvoir administratif, des conflits d’attributions ou luttes de
compétence ; conflits positifs, lorsque les deux autorités revendiquent
simultanément la connaissance d’un même point litigieux ; conflits négatifs,
lorsqu’elles se refusent l’une et l’autre à connaître d’une affaire, qui
cependant est du ressort de l’une d’elles.
Ces difficultés, entre l’autorité judiciaire et l’autorité administrative, sont
définitivement tranchées par un tribunal spécial, appelé Tribunal des
Conflits, qui est, à ce titre, chargé de rappeler chacune de ces autorités au
respect du principe de la séparation des pouvoirs.
Ce tribunal est composé ainsi qu’il suit : le garde des sceaux, ministre de
la Justice, président ; trois conseillers d’État, en service ordinaire et trois
conseillers à la Cour de cassation, les uns et les autres élus par leurs
collègues ; deux membres et deux suppléants élus par la majorité des juges
précédemment désignés ; un vice-président et un secrétaire spécial ; deux
commissaires du gouvernement.
Les membres du tribunal des conflits sont soumis à réélection tous les
trois ans et indéfiniment rééligibles.
Des conseils de préfecture. — Au-dessous du conseil d’État, tribunal
administratif unique pour toute la France, ont été institués, dans chaque
département, les conseils de préfecture.
Nous n’avons à les étudier ici que comme tribunaux administratifs, sauf,
en temps utile, à faire connaître leur organisation et leur rôle comme
auxiliaires des préfets et comme tuteurs des communes.
En ce qui concerne l’organisation de ce tribunal, bornons-nous à dire,
quant à présent, qu’il est composé de trois ou de quatre membres, suivant
l’importance du département, présidé par le préfet ou par un vice-président,
pris parmi les membres du conseil et désigné, chaque année, par décret du
Président de la République, et doté d’un ministère public. Les fonctions de
ministère public sont confiées au secrétaire général de la préfecture, chargé
de prendre la parole et de donner ses conclusions dans les audiences du
conseil de préfecture où sont discutées des questions administratives
contentieuses8.
On désigne sous le nom de ministère public, la magistrature établie près
d’un tribunal, pour y veiller au maintien de l’ordre public et y requérir
l’exécution et l’application des lois.
On entend par contentieux administratif l’ensemble des matières dont la
connaissance et le jugement appartiennent aux tribunaux administratifs.
Les audiences du conseil de préfecture où sont débattues les affaires
contentieuses sont publiques, et les parties intéressées sont admises à
présenter leurs observations soit en personne, soit par mandataire.
Entre autres prérogatives, le conseil de préfecture a à statuer sur le
contentieux relatif : 1° aux impôts directs ; 2° aux travaux publics ; 3° à la
grande voirie.
L’impôt est la cotisation en argent que chacun est tenu de fournir, pour
qu’il puisse être subvenu aux dépenses publiques. L’impôt direct est celui
qui est perçu en vertu d’un rôle nominatif. Tout contribuable, débiteur de
l’impôt direct, est, en effet, désigné par son nom, sur une liste dressée par
l’autorité. Nous reviendrons plus loin sur ce sujet, et avec quelques
développements.
Le conseil de préfecture examine et juge les demandes en décharge et en
réduction que forment les particuliers, quand ceux-ci se trouvent
injustement ou trop lourdement imposés au rôle des contributions directes.
Lorsqu’un particulier demande à être dispensé de payer la somme totale
représentant la part d’impôt direct qui lui est attribuée, on dit qu’il fait une
demande en décharge ; il prétend avoir été frappé à tort, et demande à
l’administration de reconnaître et de réparer la violation de son droit.
Quand un contribuable demande à être dégrevé seulement d’une part de
l’impôt dont il est tenu, et prétend que l’administration lui réclame, par
erreur, plus qu’il ne doit en réalité, on dit que ce contribuable forme une
demande en réduction. Le but de cette réclamation est d’obliger
l’administration à réduire ses prétentions, et à n’exiger qu’une part d’impôt
inférieure à celle qu’elle réclamait d’abord.
Que le contribuable fasse une demande en décharge ou une demande en
réduction, qu’il cherche à obtenir une exemption totale ou un dégrèvement
partiel, c’est toujours au conseil de préfecture qu’il en doit être référé.
Il ne faut pas confondre les demandes en décharge et en réduction avec
les demandes en remise et modération : ces dernières ne sont pas fondées
sur la violation d’un droit, mais sur la simple lésion d’un intérêt. Il arrive
souvent que les cultivateurs, à la suite d’une grêle, d’un ouragan ou d’une
récolte mauvaise, demandent au préfet (et non plus au conseil de préfecture)
la faveur d’un dégrèvement total ou partiel de l’impôt. On dit alors qu’ils
font, dans le premier cas, une demande en remise de l’impôt, dans le
second, une demande en modération de l’impôt.
Quant aux contestations relatives aux travaux publics et au rôle que joue
le conseil de préfecture, en cette matière, il serait superflu d’entrer dans les
détails. Il suffira d’indiquer les points les plus importants.
On entend par travaux publics, ceux qui, intéressant l’État, les
départements, les communes ou les établissements publics, sont faits dans
un but d’utilité générale et destinés à concourir au développement du bien-
être social.
Au cours de l’opération, il peut s’élever des contestations entre
l’administration qui fait faire le travail et l’entrepreneur qui l’exécute. Les
particuliers même ont plus d’une fois à élever la voix, pour obtenir la
réparation de torts et de dommages qui sont la conséquence de l’exécution
du travail.
Les entrepreneurs prétendront que les clauses des marchés qu’ils ont
passés avec l’administration n’ont pas été respectées, ou que le sens de ces
clauses a été mal interprété ; les particuliers réclameront des indemnités
pour les parcelles de leur propriété qui auront eu à souffrir de l’exécution
des travaux, soit qu’on y ait pratiqué des fouilles, soit qu’on y ait pris des
matériaux.
Dans ces différents cas, lorsque l’entente ne s’établit pas entre
l’administration qui commande le travail, les entrepreneurs qui l’exécutent
et les particuliers qui en souffrent, le conseil de préfecture prononce sur le
différend et donne raison à qui de droit. Le conseil de préfecture doit, aussi,
aux termes de la loi, statuer sur les difficultés qui peuvent se présenter en
matière de grande voirie.
La grande voirie comprend les voies de communication les plus
importantes : chemins de fer, routes nationales et départementales, cours
d’eaux navigables et flottables.
Les difficultés qui peuvent naître en cette matière sont de diverses
natures ; en général, elles se rattachent à des questions de contraventions,
pour la répression desquelles le conseil de préfecture joue le rôle de tribunal
correctionnel. Il s’agit, le plus souvent, pour ce conseil, de préserver le
domaine public contre les empiétements des riverains, de punir les auteurs
de dommages causés aux grandes routes, aux arbres qui bordent les routes,
aux canaux, aux chemins de halage.
Les quelques attributions contentieuses qui viennent d’être relevées sont
les principales, elles ne sont point les seules.
Les conseils de préfecture ont à trancher nombre d’autres questions, dont
l’énumération n’est point ici indispensable.
Les décisions prises par le conseil de préfecture, en matière contentieuse,
portent le nom d’arrêtés.
Contre ces arrêtés, un recours est toujours ouvert aux parties intéressées,
devant un tribunal supérieur, le conseil d’Etat, qui peut en annuler ou en
atténuer les effets. Le conseil de préfecture ne statue jamais en dernier
ressort.
De la Cour des comptes. — Notions sommaires de comptabilité
publique. — Avant d’aborder l’étude de la Cour des comptes, tribunal
administratif chargé de la révision de la comptabilité publique, il est
indispensable de dire quelques mots de la comptabilité publique elle-même.
Une analyse rapide du décret du 31 mai 1862, portant règlement général sur
la comptabilité publique, nous amènera, naturellement à étudier
l’organisation et les attributions de la cour des Comptes. Cet aperçu
permettra de comprendre, plus sûrement, ce que nous dirons, ailleurs, de la
confection du budget et du rôle des Chambres en matière budgétaire, toutes
questions qui seraient bien à leur place dans ce chapitre, mais que les
exigences du programme nous obligent à rejeter plus loin.
Comptabilité deniers. — Comptabilité matières. — La comptabilité se
divise en comptabilité deniers et en comptabilité matières. La première se
rapporte aux sommes d’argent, aux deniers publics ; la seconde comprend
tous les objets autres que les deniers ; le matériel de guerre, conservé dans
les arsenaux, rentre dans cette catégorie.
La Cour des comptes est chargée de l’examen de ces deux comptabilités.
Le décret du 31 mai 1862 fixe, d’abord, les principes généraux de
l’exercice budgétaire, de la gestion et du maniement des deniers publics,
ainsi que les conditions essentielles expressément attachées aux fonctions
d’administrateur et de comptable. Les termes en usage y sont définis.
Gestion et exercice. — Les services financiers s’établissent dans des
périodes de temps, dites de gestion et d’exercice.
La gestion embrasse l’ensemble des actes d’un comptable, soit pendant
l’année, soit pendant la durée de ses fonctions.
Le compte de gestion s’étend du 1er janvier au 31 décembre de chaque
année. Chaque comptable n’est responsable que de sa gestion.
L’exercice est la période d’exécution des services d’un budget. Le budget
est l’acte par lequel sont prévues et autorisées les recettes et les dépenses
annuelles de l’État ou des autres services que les lois assujettissent aux
mêmes règles.
Le compte de gestion embrasse toutes les recettes et les dépenses
réellement effectuées dans le courant d’une année.
Le compte d’exercice comprend tous les droits acquis aux créanciers de
l’État, dans cette même période, quand même la dépense ne serait pas
soldée dans le courant de l’année. L’exercice est la base de la comptabilité.
Des administrateurs et ordonnateurs. — Les administrateurs et les
ordonnateurs sont chargés de l’établissement et de la mise en recouvrement
des droits et produits, ainsi que de la liquidation et de l’ordonnancement des
dépenses.
Quand un travail est exécuté pour le compte de l’État, certains
fonctionnaires liquident le montant de la dette qui en résulte pour l’État,
ordonnancent la dépense et délivrent au créancier un mandat qui lui permet
de toucher la somme due dans les caisses publiques. Ces fonctionnaires
n’ont pas le maniement des deniers. Les administrateurs sont responsables
de l’exactitude des certificats qu’ils établissent.
Des comptables. — Des comptables responsables sont préposés à la
réalisation des recouvrements et des paiements. Le comptable paie à vue les
mandats délivrés par l’ordonnateur.
Les fonctions d’administrateur et d’ordonnateur sont incompatibles avec
celles de comptable.
Pour l’État, les ordonnateurs sont les ministres, les comptables sont les
agents du Trésor. Dans les départements, l’ordonnateur est le préfet, le
comptable est le trésorier-payeur général. Dans la commune, l’ordonnateur
est le maire, le comptable est le receveur municipal.
Chaque comptable ne doit avoir qu’une seule caisse, dans laquelle sont
versés tous les fonds appartenant à ses divers services. Il est responsable des
deniers publics qui y sont déposés.
Il peut arriver que les règles de la distinction entre l’ordonnateur et le
comptable ne soient pas observées et qu’un maire reçoive les deniers d’une
commune ; alors, à côté des comptables de droit, il y a les comptables de
fait.
Toute personne autre que le comptable, qui, sans autorisation légale, se
serait ingérée dans le maniement des deniers publics, est, par ce seul fait,
constituée, comptable, sans préjudice des poursuites qui peuvent être
dirigées contre ceux qui se sont immiscés, sans titre, dans les fonctions
publiques.
Après ces définitions générales et, sous le bénéfice des explications qui
précèdent, il sera plus facile de comprendre ce que nous aurons à dire, par
la suite, de la comptabilité législative, administrative et judiciaire.
Comptabilité législative. — La comptabilité législative a pour objet
l’intervention du pouvoir législatif dans la comptabilité. Le décret du 31
mai 1862 rappelle les formes et les règles constitutionnelles du vote et de
l’exécution du budget général de l’État, ainsi que les devoirs de
l’administration soumise au contrôle législatif. Nous reviendrons sur cette
question, quand nous traiterons de la confection du budget, des recettes et
des dépenses publiques.
Comptabilité administrative. — La comptabilité administrative se
rattache aux rapports de service des ordonnateurs et des comptables, aux
obligations respectives et à la responsabilité personnelle de ces agents.
Chaque comptable supérieur est responsable de ses subordonnés.
Comptabilité judiciaire. — Personnel de la Cour des comptes ; rôle
de cette Cour. — Quant à la comptabilité judiciaire, elle est du ressort de la
Cour des comptes ; c’est, en effet, ce tribunal qui juge les comptes des
recettes et des dépenses publiques, qu’on lui présente chaque année ; il
contrôle aussi les comptes matières.
La Cour des comptes est une institution de l’ordre administratif et non de
l’ordre judiciaire, duquel elle se rapproche, toutefois, par beaucoup de
points de ressemblance.
On y retrouve, comme dans l’ordre judiciaire, les termes de : premier
président, de président de Chambre, de procureur général, de greffier ; de
plus, le principe de l’inamovibilité s’applique aux magistrats de la Cour des
comptes. Enfin les décisions, rendues par cette Cour, portent le nom d’arrêts
comme les décisions rendues par les Cours d’appel et de cassation.
Cependant la Cour des comptes ressortit au Ministère des Finances et non
au Ministère de la Justice.
La Cour des comptes est une Cour unique ; elle a des attributions
judiciaires, car elle juge les comptables en deniers et rend sur chacun d’eux
des arrêts spéciaux. De plus, elle exerce une mission de contrôle sur les
ordonnateurs et sur les comptables en matières.
Le personnel de la Cour des comptes comprend 1 premier président, 3
présidents dé Chambres, soit 1 pour chacune des Chambres de la Cour, 18
conseillers-maîtres, 86 référendaires, 25 auditeurs, 1 procureur général et 1
greffier en chef, tous nommés par le Président de la République et
inamovibles, le procureur général et le greffier exceptés.
Les conseillers-maîtres ont seuls voix délibérative ; seuls ils rendent des
arrêts ; Les référendaires préparent les affaires et font les rapports ; les
auditeurs sont placés sous la direction du premier président, qui peut les
adjoindre aux conseillers référendaires, pour prendre part aux travaux
d’instruction et de vérification confiés à ces magistrats.
Les auditeurs sont révocables par décret, rendu sur la proposition du
ministre des Finances.
Chacune des 3 Chambres comprend 1 président de Chambre et 6
conseillers-maîtres,
La Cour des Comptes prend rang immédiatement après la Cour de
cassation et jouit des mêmes prérogatives.
Elle a pour justiciables les comptables, mais non les ordonnateurs ; elle
juge les uns, et ne fait que contrôler les autres.
Habituellement la Cour juge en premier et dernier ressort ; c’est la règle
applicable aux comptables de l’État.
Pour les comptables des Communes et des établissements de
bienfaisance, il faut faire une distinction entre les communes ou
établissements qui ont un revenu supérieur à 30,000 francs, et ceux qui ont
un revenu inférieur à cette somme. Les comptables des communes et des
établissements de la première catégorie sont justiciables directs de la Cour
des comptes, comme les comptables de l’État ; mais les receveurs
municipaux des communes dont le revenu est inférieur à 30,000 francs, sont
jugés par les conseils de préfecture, sauf appel à la Cour des comptes. Ici,
comme on le voit, la Cour des comptes joue le rôle de Cour d’appel.
La Cour des comptes étend sa juridiction sur les comptables de droit,
c’est-à-dire légalement institués, et sur les comptables de fait, qui se sont
indûment immiscés dans le maniement des deniers publics.
Elle rend des arrêts exécutoires par eux-mêmes, sans qu’il soit besoin de
l’approbation d’aucune autre autorité.
Dans le jugement des comptes ; la Cour peut signaler trois situations : 1°
Ou bien la comptabilité du comptable est en équilibre ; il n’est ni débiteur,
ni créancier de l’État ; le cas échéant, la Cour rend un arrêt qui le déclare
quitte avec le Trésor ;
2° Ou bien le comptable est débiteur d’une somme plus grande que celle
dont il est créancier. Il est alors constitué en débet par la Cour, c’est-à-dire
condamné à payer la différence ;
3° Le comptable a fait des avances au Trésor et est créancier de l’État. La
mission de la Cour des comptes est-elle de condamner l’État à rembourser ?
Non. La Cour se borne à décharger le comptable qui est en avance. Dès que
l’avance du comptable est ainsi constatée, celui-ci doit, pour être
remboursé, obtenir une décision du ministre qui, seul, peut déclarer l’État
débiteur.
Chaque année, la Cour des comptes fait au chef de l’État un rapport dans
lequel elle indique les améliorations qu’elle croit utile d’apporter à la
législation de la comptabilité.
Elle fait enfin deux déclarations publiques de conformité, dont une est
relative à l’exercice, l’autre à la gestion. Le but est d’aider le pouvoir
législatif à contrôler les comptes des ministres. Par les arrêts de conformité,
la Cour constate qu’il y a.accord entre le compte général de
l’Administration des finances et les arrêts de la Cour rendus sur chaque
comptable.
Quant à la comptabilité matières (matériel de guerre, matériel de la
marine), elle est soumise, d’une manière générale, au contrôle de la Cour
des comptes. Pour les comptes matières, la Cour ne procède que par voie de
déclaration ; elle fait connaître si le compte est en règle ou non. Le ministre
seul peut agir contre le comptable par voie de condamnation. La Cour fait
aussi à cet égard une déclaration générale de conformité.
Tribunaux universitaires. — Dans l’ordre universitaire, les tribunaux
administratifs sont, par ordre d’importance, le conseil supérieur de
l’Instruction publique, unique pour toute la France, présidé par le ministre
de l’Instruction publique ; le conseil académique, institué au chef-lieu de
chaque académie et présidé par le recteur ; le conseil départemental, institué
au chef-lieu de chaque département et présidé par le préfet.
Considérés comme tribunaux universitaires, ces différents conseils ont à
statuer sur le contentieux se rattachant à l’enseignement, et sur les questions
disciplinaires dont la connaissance leur est dévolue par la loi.
Conseil supérieur de l’Instruction publique. — Le conseil supérieur
statue en appel et en dernier ressort sur les jugements rendus par les
conseils académiques en matière contentieuse ou disciplinaire.
Il statue, également, en appel et en dernier ressort, sur les jugements
rendus par les conseils départementaux, lorsque ces jugements prononcent
l’interdiction absolue d’enseigner contre un instituteur primaire public ou
libre. (Loi du 27 février 1880, art. 7).
Conseil académique. — Le conseil académique est saisi par le ministre
ou le recteur des affaires contentieuses ou disciplinaires, qui sont relatives à
l’enseignement secondaire ou supérieur, public ou libre ; il les instruit et il
prononce, sauf recours au conseil supérieur, les décisions et les peines à
appliquer. (Même loi art. 11).
Conseil départemental. — Quant au conseil départemental, il connaît
aussi de certaines affaires contentieuses et disciplinaires, en ce qui concerne
l’enseignement primaire public ou libre, et l’enseignement secondaire libre.
La censure, la suspension temporaire, l’interdiction provisoire ou définitive,
pour fautes graves ou immoralité, sont les pénalités que le conseil
départemental est, le plus communément, appelé à prononcer contre les
instituteurs et institutrices, directrices d’écoles maternelles ou directeurs ou
directrices de pensionnats primaires qui ont forfait à leur devoir. Le conseil
départemental statue à charge d’appel direct au conseil supérieur de
l’Instruction publique.
LA FORCE PUBLIQUE

De la force publique. — La force publique est la réunion des forces


individuelles organisées par la Constitution ou par la loi, pour maintenir les
droits de tous et assurer l’exécution de la volonté générale.
Éléments de la force publique. — Armée de terre, armée de mer,
gendarmerie, gardes forestiers, gardes champêtres, préposés du service actif
des douanes, autant d’éléments constitutifs de la force publique.
Du rôle de la force publique. — Le rôle de la force publique est un rôle
d’action, de résistance, de répression et de préservation ; elle a pour mission
de défendre le pays contre les incursions de l’ennemi du dehors et contre les
entreprises de l’ennemi du dedans.
C’est le Président de la République qui en dispose.
L’armée de terre et l’armée de mer sont, surtout, destinées à porter leur
action au dehors ; le rôle de la gendarmerie est plus circonscrit, bien que
très suffisamment étendu, puisque ce corps, à la fois administratif et
militaire, exerce son action sur tout le territoire continental et colonial de la
République, dans les camps et dans les armées.
Gendarmerie. — Aux termes du décret du 1er mars 1854, portant
organisation de la gendarmerie, ce corps d’élite a été institué « pour veiller
à la sûreté publique et pour assurer le maintien de l’ordre et l’exécution des
lois ; » une surveillance continue et répressive constitue l’essence de son
service ; il est particulièrement destiné à la sûreté des campagnes et des
voies de communication.
Les attributions de la gendarmerie sont assez nombreuses pour qu’elle
soit tenue de rendre des comptes à 4 ministères différents : Guerre,
Intérieur, Justice, Marine et Colonies.
Elle surveille les militaires absents de leur corps, recherche les insoumis
et les déserteurs ; prévient ou réprime émeutes, séditions, pillages ; dissipe
les attroupements séditieux, armés ou non armés ; procède aux arrestations
civiles et militaires, au transfèrement des prisonniers ; surveille les repris de
justice, les mendiants et les vagabonds.
Outre ces attributions déjà si multiples, et beaucoup d’autres, dont
l’énumération serait, ici, superflue, la gendarmerie est chargée, dans les
armées constituées et mobilisées, du service de la prévôté9.
Autres agents de la force publique. — Elle a, comme auxiliaires, les
gardes champêtres et les gardes forestiers, chargés, aux termes de l’art. 16
du Code d’instruction criminelle, de rechercher, chacun dans le territoire
pour la surveillance duquel il aura été assermenté, les délits et les
contraventions de police qui auront porté atteinte aux propriétés rurales et
forestières.
Les gardes particuliers, les officiers de paix, inspecteurs, gardes
municipaux, gardiens de la paix, agents de police, sont autant de
dépositaires de la force publique.
Toute personne même, dans certaines circonstances, en cas de flagrant
délit, par exemple, sera tenue de saisir le prévenu et de le remettre aux
mains de l’autorité, sans qu’il soit besoin de mandat d’amener. (Art. 106.
Code d’instruction criminelle).
Le plus souvent, en cas de trouble intérieur, d’attroupements, de
manifestations, la gendarmerie, assistée des gardes champêtres et des agents
de police, suffit à rétablir l’ordre.
Dans certains cas, toutefois, ces différentes forces réunies seraient
insuffisantes pour assurer ou rétablir la tranquillité ; il est alors nécessaire
que les autres troupes de l’armée viennent les seconder.
C’est la loi du 10 juillet 1791 qui règle l’emploi de la force publique à
l’intérieur et qui détermine les obligations respectives des autorités civiles
et militaires.
Les commandants de divisions et de subdivisions militaires, de places de
guerre et de postes militaires ont le devoir « de se concerter avec les
autorités civiles, à l’effet de procurer l’exécution de toutes les mesures ou
précautions qu’elles ont pu prendre, pour le maintien de la tranquillité
publique ou pour l’observation des lois, ainsi que d’obtempérer à leurs
réquisitions. »
Quant aux autorités civiles, il leur appartient de faire des réquisitions
écrites, claires et détaillées, et de les remettre, signées, aux autorités
militaires « après quoi l’exécution de ces dispositions et toutes mesures
capables de la procurer, sont laissées à la discrétion du commandant
militaire, qui en est responsable, 10 jusqu’à ce qu’il lui ait été notifié par les
officiers civils, que ses soins ne sont plus nécessaires ou qu’ils doivent
prendre une autre direction. »
Le droit de requérir directement la force publique appartient aux
procureurs de la République, à. leurs substituts, et à tous autres officiers de
police judiciaire, dans l’exercice de leurs fonctions ; parmi lesquels, on peut
citer les gardes champêtres et forestiers, les commissaires de police, les
maires et les adjoints de maire, les juges de paix, les officiers de
gendarmerie, les juges d’instruction. (Art. 9 et 25. C. inst. crim.).
Le même droit appartient aux huissiers, aux préposés des douanes, des
contributions directes et indirectes, des octrois, des postes et des eaux et
forêts.
La mise en état de siège d’une place de guerre ou d’un territoire
quelconque y modifie sensiblement l’emploi de la force publique.
L’ÉTAT DE SIÈGE EN TEMPS DE PAIX ET EN TEMPS DE GUERRE.

Du régime des places fortes et postes militaires. — Les places fortes et


postes militaires peuvent être en état de paix, de guerre ou de siège.
État de paix ; de guerre ; de siège. — Une place de guerre est en état de
paix, tant qu’elle n’a pas été « constituée en état de guerre ou de siège par
un décret, par une loi », ou par la survenance de certains faits spécifiés dans
le décret du 10 août 1853 (art. 38).
De l’état de paix. — Dans une place en état de paix, l’autorité civile et
l’autorité militaire exercent les pouvoirs qui leur sont dévolus par les lois et
règlements, chacune dans la limite de ses attributions respectives, sans
empiètement ni prédominance de l’une de ces autorités sur l’autre.
De l’état de guerre. — Une place peut être mise en état de guerre, ou par
un décret du gouvernement ou par l’effet de circonstances diverses ; « l’état
de guerre est déclaré par une loi ou par un décret, toutes les fois que les
circonstances obligent à donner à la police militaire plus de force et
d’action que pendant l’état de paix. Il résulte, en outre, de l’une des
circonstances suivantes : 1° en temps de guerre, lorsque la place ou le poste
est en première ligne ou sur la côte, à. moins de cinq journées de marche
des places, camps ou positions occupés par l’ennemi ; — 2° en tout temps,
quand on fait des travaux qui ouvrent une place ou un poste situé sur la côte
ou en première ligne ; — 3° lorsque des rassemblements sont formés dans
le rayon de cinq journées de marche sans l’autorisation des magistrats. » (D.
10 août 1853, art. 38)
Dans une place en état de guerre, les autorités civiles et les autorités
militaires sont tenues de se concerter entre elles, notamment pour la
prescription et l’exécution des mesures de police ; c’est ainsi qu’il est
interdit à l’autorité civile de rendre aucune ordonnance de police sans
l’assentiment de l’autorité militaire ; l’autorité civile ne peut, d’ailleurs, se
refuser à prendre les mesures que l’autorité militaire aura jugées nécessaires
à la sécurité de la place ou à la tranquillité publique.
De l’état de siège. — État de siège proprement dit. — Une place est
mise en état de siège, soit par une loi, soit par un décret. L’état de siège
« résulte aussi de l’une des circonstances suivantes : — L’investissement de
la place ou du poste par des troupes ennemies qui interceptent les
communications du dehors au dedans, et du dedans au dehors, à la distance
de 3,500 mètres des fortifications ; — Une attaque de vive force ou par
surprise ; — Une sédition intérieure ; — Enfin des rassemblements formés
dans le rayon d’investissement sans l’autorisation des magistrats. Dans le
cas d’une attaque régulière, l’état de siège ne cesse qu’après que les travaux
de l’ennemi ont été détruits et les brêches réparées ou mises en état de
défense. » (D. 10 août 1853, art. 39).
Dans une place en état dè siège, l’autorité tout entière passe au
commandant de la place ; il en peut toutefois déléguer partie aux magistrats
civils. — Le commandant de place peut adresser à l’autorité civile des
réquisitions écrites qui doivent toujours être déposées à la mairie.
Les places de guerre ne sont pas seules soumises à l’état de
siège. — L’état de siège peut s’appliquer à une ou plusieurs communes, à
un ou plusieurs arrondissements, à un seul département ou à un plus grand
nombre.
Il y a, en effet, deux sortes d’état de siège : « 10 l’état de siège
proprement dit, l’état de siège militaire, c’est-à-dire l’état d’une place
attaquée, état qui ne s’applique qu’aux places de guerre, aux postes
militaires, qui suppose nécessairement l’état de guerre, qui est uniquement
destiné à protéger la place contre les attaques armées de l’ennemi ; c’est cet
état de siège qui est réglementé par la loi du 10 juillet 1791, et le décret du
24 décembre 1811 ; il entraîne les conséquences les plus graves et permet
de supprimer, dans l’intérêt de la défense, jusqu’à la propriété privée ;
État de siège politique. — 2° l’état de siège qu’on pourrait appeler
politique, pure fiction légale, état de siège qui s’étend au pays tout entier,
aux villes ouvertes et aux départements ; qui ne s’appliquera plus désormais
qu’en cas de guerre étrangère et d’insurrection armée, mais qui jusqu’ici
constituait une mesure préventive mise, en cas de péril imminent, à la
disposition des pouvoirs publics. Cet état de siège était réglementé, ses
effets étaient déterminés par la loi de 1849, à l’exclusion de la loi de •1791
et du décret de 1811. » (Rapport sur la loi du 3 avril 1878).
Cet état de siège particulier, qu’on peut appeler état de siège fictif ou
politique, est actuellement régi parla loi du 9 août 1849 et par une loi plus
récente du 3 avril 1878. Il « ne peut être déclaré qu’en cas de guerre
étrangère ou d’une insurrection à main armée. Une loi peut seule déclarer
l’état de siège ; cette loi désigne les communes, les arrondissements ou
départements auxquels il s’applique ; elle fixe le temps de sa durée. A
l’expiration de ce temps l’état de siège cesse de plein droit, à moins qu’une
loi nouvelle n’en prolonge les effets. » (Art. 1er L. 3 avril 1878.)
« En cas d’ajournement des Chambres, le Président de la République
peut déclarer l’état de siège, de l’avis du conseil des ministres ; mais alors
les Chambres se réunissent de plein droit deux jours après. » (Art. 2, L. du 3
avril 1878.)
« En cas de dissolution de la Chambre des députés, et jusqu’à
l’accomplissement entier des opérations électorales, l’état de siège ne
pourra, même provisoirement, être déclaré par le Président de la
République. Néanmoins, s’il y avait guerre étrangère, le Président, de l’avis
du conseil des ministres, pourrait déclarer l’état de siège dans les territoires
menacés par l’ennemi, à la condition de convoquer les collèges électoraux
et de réunir les Chambres dans le plus bref délai possible. » (Art. 3, L. 3
avril 1878.)
« Dans les cas prévus par les art. 2 et 3 de la loi du 3 avril 1878 (c’est-à-
dire, en cas d’ajournement des Chambres ou de dissolution de la Chambre
des députés), les Chambres, dès qu’elles sont réunies, maintiennent ou
lèvent l’état de siège. En cas de dissentiment entre elles, l’état de siège est
levé de plein droit. » (Art. 5, L. du 3 avril 1878.)
« Dans le cas où les communications seraient interrompues avec
l’Algérie, le Gouvernement pourra déclarer tout ou partie de l’Algérie en
état de siège » dans les conditions de la loi du 3 avril 1878 précitée (même
loi, art. 4).
« Aussitôt l’état de siège déclaré, les pouvoirs dont l’autorité civile était
revêtue pour le maintien de l’ordre et de la police, passent tout entiers à
l’autorité militaire.
L’autorité civile continue néanmoins à exercer ceux de ces pouvoirs dont
l’autorité militaire ne l’a pas dessaisie.
Les tribunaux militaires peuvent être chargés de la connaissance des
crimes et délits contre la sûreté de la République, contre la Constitution,
contre l’ordre et la paix publics, quelle que soit la qualité des auteurs
principaux et des complices.
L’autorité militaire a le droit : 1° De faire des perquisitions, de jour et de
nuit, dans le domicile des citoyens ; 2° d’éloigner les repris de justice et les
individus qui n’ont pas leur domicile dans les lieux soumis à l’état de
siège ; 3° d’ordonner la remise des armes et munitions, et de procéder à leur
recherche et à leur enlèvement ; 4° d’interdire les publications et les
réunions qu’elle juge de nature à exciter ou à entretenir le désordre. » (Art,
7,8 et 9 de la loi du 9 août 1849.)
Il convient toutefois d’ajouter que, nonobstant l’état de siège, les citoyens
continuent à exercer tous ceux des droits garantis par la Constitution dont la
jouissance n’est pas suspendue en vertu des articles précédents de la loi du
9 août 1849 (même loi, art. 11).
LES DÉCRETS ET LES ARRÊTÉS MINISTÉRIELS ; — LE CONSEIL D’ÉTAT
LE CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE.

Des décrets. — Les principaux actes par lesquels le Président de la


République manifeste son autorité et exerce le pouvoir exécutif qui lui est
confié s’appellent décrets.
Décrets généraux ou réglementaires. — Décrets spéciaux ou
individuels. — On distingue deux sortes de décrets : les décrets généraux
ou réglementaires et les décrets spéciaux ou individuels. Les premiers, qui
contiennent certaines règles générales, sont destinés à compléter les lois
votées par les deux Chambres ; il les expliquent et les développent, pour
qu’étant mieux comprises, elles soient plus facilement exécutées ; les
seconds s’appliquent à une personne ou à un fait déterminé. Le décret par
lequel le Président de la République nomme un fonctionnaire à l’emploi
qu’il doit occuper est un décret spécial et individuel.
Parmi les décrets, les uns sont rendus dans la forme des réglements
d’administration publique, c’est-à-dire soumis au conseil d’État, réuni en
assemblée générale ; d’autres sont rendus, non plus en assemblée générale
du conseil d’État, mais seulement après examen de la section
compétente ; — d’autres enfin sont rendus sur le rapport d’un ou de
plusieurs ministres, sans avis du conseil d’État.
Ordres, instructions, circulaires, arrêtés. — C’est au Président de la
République qu’appartient le choix des ministres qui doivent l’aider dans
l’exercice de ses attributions. Ces auxiliaires du chef de l’État, investis
d’une portion du pouvoir, manifestent leur aurité par différents actes,
connus sous les noms divers d’ordres, d’instructions, de circulaires et
d’arrêtés.
Les ministres donnent des ordres à leurs subordonnés qui doivent les
exécuter ou se démettre ; les ordres portent sur un point spécial
d’administration et se rattachent à l’exécution d’une mesure déterminée.
Les instructions ont un caractère plus général, elles s’adressent à un ou à
plusieurs fonctionnaires du même ordre, et ont pour but d’éclairer ces
fonctionnaires sur le sens et la portée d’une loi ou d’un réglement dont elles
donnent l’interprétation et l’explication.
Quand ces instructions sont destinées à tout un ordre de fonctionnaires,
comme les instructions que le ministre de l’Intérieur adresse, dans
différentes circonstances aux préfets, elles prennent, plus particulièrement,
le nom de circulaires.
Les arrêtés ministériels sont des décisions prises par les ministres et
ayant, le plus souvent, pour effet, d’annuler ou de réformer les actes
défectueux de leurs subordonnés. Ceux-ci peuvent, en effet, aller au delà
des droits qui leur sont conférés par les lois et réglements, et léser les
citoyens dans leurs intérêts par des actes injustes et arbitraires. C’est aux
ministres qu’il appartient de réprimer, par voie d’arrêté, les abus de ce
genre.
Les ministres peuvent aussi prendre des arrêtés d’une autre nature : c’est
ainsi, notamment, que le ministre de l’Instruction publique détermine, par
un arrêté, les conditions que doivent remplir les instituteurs et leurs
adjoints, les institutrices et leurs adjointes, les directrices et sous-directrices
d’écoles maternelles (salles d’asile), pour obtenir différentes récompenses
honorifiques, telles que : la mention honorable, la médaille de bronze et là
médaille d’argent.
Du rôle du conseil d’État. — Le conseil d’État est une assemblée de
fonctionnaires publics, appelée à donner son avis sur les projets de loi qui
lui sont soumis par les Chambres ou par le gouvernement, sur les
réglements d’administration publique, et sur les décrets rendus dans la
forme des réglements d’administration publique. Ce corps administratif est
aussi le tribunal suprême, investi du pouvoir propre de juger définitivement
les affaires contentieuses administratives. Nous avons sommairement étudié
plus haut les principales attributions du conseil d’État, considéré comme
tribunal administratif.
Composition du conseil d’État. — Le conseil d’État est composé de 32
conseillers d’État en service ordinaire ; de 18 conseillers en service
extraordinaire ; de 30 maîtres des requêtes ; de 36 auditeurs ; d’un secrétaire
général et d’un secrétaire spécial attaché au contentieux. — Il est présidé
par le garde des sceaux, ministre de la Justice, et, en son absence, par un
vice-président nommé par le Président de la République.
Les conseillers en service ordinaire sont nommés, en conseil des
ministres, par le Président de la République, et renouvelés par tiers tous les
3 ans.
Les conseillers en service extraordinaire sont choisis parmi les membres
des différentes administrations en activité, et nommés par décret, ainsi que
les maîtres des requêtes, le secrétaire général et le secrétaire spécial. Les
auditeurs sont nommés au concours.
Nul ne peut être conseiller d’État avant 30 ans ; maître des requêtes avant
27 ans ; auditeur de 2° classe avant 21 ans ; de 1re classe avant 25 ans.
Les conseillers d’État en service ordinaire et les maîtres des requêtes sont
tenus, sauf exception, de n’exercer aucune autre fonction publique salariée,
et de ne faire partie, comme administrateurs, de compagnies privilégiées ou
subventionnées. (L. du 24 mai 1872. — L. du 13 juillet 1879.)
Division du conseil d’État en 5 sections. — Le conseil d’État est divisé
en 5 sections, dont une de législation. Des quatre autres, une s’occupe du
contentieux, trois sont chargées de l’examen des questions d’administration.
Chaque section comprend 5 conseillers et 1 président, à l’exception de la
section du contentieux qui se compose de 6 membres et d’un président.
Les rapports sur les affaires sont faits et présentés par les maîtres des
requêtes, aidés des auditeurs qui préparent l’instruction.
Attributions du conseil d’État. — Les attributions du conseil d’État
sont législatives, administratives ou contentieuses ; nous renvoyons, pour
cette dernière catégorie d’attributions, à ce que nous en avons dit, en traitant
de l’organisation judiciaire et des tribunaux administratifs.
Attributions législatives. — Les attributions du conseil d’Etat sont
législatives, quand ce corps administratif est consulté sur les projets de loi
que les Chambres ou le gouvernement lui renvoyent pour être examinés.
Attributions administratives. — Administratives, quand il est appelé à
donner son avis : 1° sur les questions qui lui sont soumises par le Président
de la République ou par les ministres ; 2° sur les règlements
d’administration publique ou sur les décrets rendus dans la forme des
règlements d’administration publique.
Sur ces deux derniers points, l’avis du conseil d’Etat est indispensable, et
doit nécessairement être demandé.
Règlements d’administration publique. — Les règlements
d’administration publique sont des décrets qui doivent être nécessairement
délibérés en assemblée générale de conseil d’État ; ils ont, comme la loi,
dont ils sont le complément, force obligatoire et sanction pénale ; leur
caractère est général.
Décrets rendus en la forme des règlements d’administration
publique. — Les décrets rendus dans la forme des règlements
d’administration publique ont, au contraire, un caractère spécial ; ils
s’appliquent à un objet déterminé ; mais l’importance de l’objet auquel ils
s’appliquent, a rendu nécessaire, pour leur donner plus d’autorité,
l’intervention de l’assemblée générale du conseil d’État.
Conseil supérieur de l’Instruction publique. — Son rôle. — Dans
l’ordre universitaire, le conseil supérieur de l’Instruction publique occupe, à
côté du ministre, le premier rang. Nous l’avons vu prononcer, comme
tribunal d’appel et de dernier ressort, sur les jugements rendus par les
conseils académiques, en matière contentieuse ou disciplinaire ; statuer,
également en appel et en dernier ressort, sur les jugements rendus par les
conseils départementaux, lorsque ces jugements prononcent l’interdiction
absolue d’enseigner contre un instituteur primaire public ou libre ; nous
allons le considérer maintenant comme conseiller du ministre, chargé
d’étudier les méthodes et d’élaborer les règlements.
Présidé par le ministre de l’Instruction publique, le conseil supérieur de
l’Instruction publique est composé de 58 membres, tous choisis, à
l’exception de 5 membres de l’Institut, dans le personnel de l’enseignement
supérieur, secondaire et primaire, et en outre, de 4 membres de
l’enseignement libre.
A l’exception de neuf conseillers, pris parmi les hauts fonctionnaires de
l’Instruction publique et de quatre membres de l’enseignement libre,
nommés les uns et les autres par décret du Président de la République, les
délégués au conseil supérieur sont élus par leurs pairs et désignés pour
quatre années.
Le conseil se réunit en assemblée générale deux fois par an ; le ministre
peut le convoquer en session extraordinaire. Cette assemblée est appelée à
donner son avis : sur les programmes, méthodes d’enseignement, modes
d’examen, règlements administratifs et disciplinaires relatifs aux écoles
publiques ; sur les règlements relatifs aux examens et à la collation des
grades ; sur les règlements relatifs à la surveillance des écoles libres ; sur
les livres d’enseignement, de lecture et de prix qui doivent être interdits
dans les écoles libres, comme contraires à la morale, à la constitution et aux
lois ; sur les règlements relatifs aux demandes formées par les étrangers
pour être autorisés à enseigner, à ouvrir ou à diriger une école.
LE SERVICE MILITAIRE OBLIGATOIRE ; — SES CONDITIONS
ACTUELLES, ETC.

Du service militaire obligatoire ; — De ses conditions actuelles. — De


20 à 40 ans, tout Français est soldat et se doit à la défense de la patrie, s’il
n’a pas été déclaré impropre à tout service militaire.
Avant la loi (en vigueur) du 27 juillet 1872, la substitution volontaire
d’un homme à un autre était permise ; il n’en est plus ainsi, actuellement :
le service militaire est personnel et nul ne peut s’y soustraire en se faisant
remplacer par autrui.
Le temps est passé aussi où l’armée française se composait, en grande
partie, de mercenaires, recrutés dans toutes les nations de l’Europe ;
aujourd’hui les étrangers en sont exclus, et il n’y a dans les troupes
françaises ni prime en argent, ni prix quelconque d’engagement.
Tous les Français même ne sont pas admis à l’honneur d’entrer dans
l’armée ; les condamnés d’une certaine catégorie en sont exclus comme
indignes et ne peuvent, à aucun titre, en faire partie.
Le législateur de 1872 n’a pas voulu que l’armée, qui se doit
exclusivement à la défense de la patrie, pût être mêlée à nos luttes
politiques ; aussi a-t-il sagement décidé que les hommes présents au corps
ne prendraient part à aucun vote ; il en était autrement sous le régime
impérial.
Du recrutement. — La constitution et le renouvellement de l’armée
française, en un mot, le recrutement, supposent une série d’opérations dont
nous indiquerons seulement les deux plus importantes, savoir : 1° la
confection et la publication de la liste de recensement ; 2° le tirage au sort.
Confection et publication de la liste du recensement. — Tous les ans,
le maire de chaque commune dresse un tableau sur lequel il porte le nom
des jeunes gens ayant atteint l’âge de 20 ans révolus dans l’année
précédente, et domiciliés dans le canton. Ce tableau est publié et affiché
dans chaque commune.
Tirage au sort. — La seconde opération est le tirage au sort. Au jour fixé
par l’autorité, les jeunes gens, portés sur les tableaux de recensement des
différentes communes, se réunissent au chef-lieu de canton, où ils procèdent
au tirage au sort, en séance publique, devant le sous-préfet assisté des
maires du canton.
Avant toute opération de tirage, le sous-préfet compte publiquement les
numéros et les dépose dans une urne spéciale, après s’être assuré que le
nombre de ces numéros est égal à celui des jeunes gens appelés à concourir
au tirage.
Il est fait à haute voix, par ce fonctionnaire, déclaration de
l’accomplissement de cette formalité. Après quoi, chacun des jeunes gens,
appelé dans l’ordre du tableau, prend dans l’urne, un numéro qui est
immédiatement proclamé et inscrit. Un parent, ou, à défaut de parent, le
maire de la commune d’origine, tire le numéro du conscrit absent.
L’opération du tirage, une fois achevée, est définitive ; elle ne peut, sous
aucun prétexte, être recommencée, et chacun garde le numéro qu’il a tiré ou
qu’on a tiré pour lui.
Il peut arriver que, par erreur, le nombre des numéros ne concorde pas
avec le nombre des conscrits ; dans ce cas, heureusement exceptionnel, les
jeunes gens, qui ne se trouvent point pourvus de numéros, sont inscrits à la
suite, avec des numéros supplémentaires, et tirent entre eux, pour
déterminer l’ordre suivant lequel ils seront inscrits.
La liste par ordre de numéros est dressée à mesure que les numéros sont
tirés de l’urne.
La liste du tirage est publiée et affichée dans chaque commune du canton.
Des exemptions et des dispenses. — Il n’y a plus, aujourd’hui,
d’exemptions complètes du service militaire, qu’en faveur des jeunes gens
que leurs infirmités rendent impropres à tout service actif ou auxiliaire dans
l’armée ; mais des dispenses sont accordées pour différents motifs graves,
limitativement déterminés par la loi.
Dispensés du service d’activité en temps de paix. — C’est ainsi que :
sont dispensés du service d’activité, en temps de paix, l’aîné d’orphelins de
père et de mère, le fils unique ou l’aîné des fils d’une femme veuve, ou d’un
père aveugle ou entré dans sa 70e année, celui dont un frère sera dans
l’armée active. — Cette dernière disposition ne sera appliquée qu’à un seul
frère pour un même cas.
Ces dispenses qui ne sont pas les seules, ne s’appliquent qu’aux enfants
légitimes.
Des ajournés. — Peuvent être ajournés, deux années de suite, à un
nouvel examen, les jeunes gens qui, au moment de la réunion du conseil de
révision, n’ont pas la taille de 1 m. 54, ou sont reconnus d’une complexion
trop faible pour un service armé.
Les élèves de l’école polytechnique et les élèves de l’école forestière sont
considérés comme présents sous les drapeaux dans l’armée active, pendant
tout le temps passé, par eux, dans lesdites écoles.
Des dispensés à titre conditionnel. — Enfin, sont dispensés, à titre
conditionnel, de service militaire : les membres de l’Instruction publique,
les élèves de l’école normale supérieure de Paris, qui se seront, avant le
tirage au sort, engagés à se vouer, pendant 10 ans, à la Carrière de
l’enseignement, et s’ils réalisent cet engagement ;
Les professeurs des institutions nationales des Sourds-Muets et des
jeunes Aveugles, aux mêmes conditions que les membres de l’Instruction
publique ;
Les membres et novices des associations religieuses vouées à
l’enseignement et reconnues comme établissements d’utilité publique, et les
directeurs, maîtres-adjoints, élèves-maîtres des écoles fondées ou
entretenues par les associations laïques, lorsqu’elles remplissent les mêmes
conditions ; pourvu, toutefois, que les uns et les autres, avant le tirage au
sort, aient pris devant le recteur de l’Académie, l’engagement de se
consacrer pendant 10 ans à l’enseignement et s’ils réalisent cet engagement
dans un des établissements de l’association religieuse ou laïque, à condition
que cet établissement existe depuis plus de 2 ans ou renferme 30 élèves au
moins ; les maîtres d’étude, régents et professeurs des collèges et lycées,
sous la même réserve que ci-dessus (engagement décennal) ; les élèves
ecclésiastiques désignés par les archevêques et les évêques, et destinés au
recrutement du clergé national.
En même temps que ces dispenses conditionnelles, dont l’énumération
n’est pas complète, il en existe d’autres.
Des dispensés à titre provisoire. — Peuvent, en effet, être dispensés, à
titre provisoire, comme soutiens indispensables de famille, et s’ils en
remplissent effectivement les devoirs, les jeunes gens désignés par le
conseil municipal de la commune où ils sont domiciliés.
Des sursis d’appel. — En temps de paix, il peut être accordé des sursis
d’appel aux jeunes gens qui, avant le tirage au sort, en auront fait la
demande. Ces jeunes gens doivent établir que, soit pour leur apprentissage,
soit pour les besoins de l’exploitation agricole, industrielle on commerciale
à laquelle ils se livrent, pour leur compte ou pour celui de leurs parents, il
est indispensable qu’ils ne soient pas enlevés immédiatement à leurs
travaux.
Ce sursis n’est accordé que pour un an ; il peut toutefois être renouvelé
pour une seconde année.
Ceux qui sont dispensés du service d’activité en temps de paix, savoir :
l’aîné d’orphelins, le fils aîné de veuve, les soutiens de famille, ceux qui ont
obtenu des sursis d’appel, et différents autres dispensés en temps de paix,
sont appelés en temps de guerre.
Du conseil de révision. — Son rôle, sa composition. — Aucun conscrit
n’est incorporé avant d’avoir passé au conseil de révision.
Le conseil de révision est l’assemblée chargée de revoir les opérations du
recrutement, d’entendre les réclamations auxquelles ces opérations peuvent
donner lieu, et de juger, en séance publique, les cas d’exemption et de
dispense prévues par la loi.
Le conseil de révision est composé :
1° Du préfet, président (à défaut du préfet, le secrétaire général de la
préfecture ou un conseiller de préfecture délégué par le préfet, préside le
conseil) ;
2° d’un conseiller de préfecture désigné par le préfet ;
3° d’un membre du conseil général du département, autre que le
représentant élu dans le canton où la révision a lieu ;
5° d’un officier général ou supérieur désigné par l’autorité militaire.
Un membre de l’intendance, le commandant du recrutement, un médecin
militaire, ou, à défaut, un médecin civil, désigné par l’autorité militaire,
assistent aux opérations du. conseil de révision ; y assistent également le
sous-préfet de l’arrondissement et les maires des communes auxquelles
appartiennent les conscrits.
Le conseil de révision se transporte dans les divers cantons ; il y arrête la
liste du recrutement cantonal.
Les listes du recrutement de tous les cantons du département une fois
arrêtées, le conseil de révision, auquel il est adjoint deux autres membres du
conseil général, se rend au chef-lieu du département, pour y prononcer sur
les demandes de dispense pour soutiens de famille, et sur les demandes de
sursis d’appel.
Du registre matricule. — Il est tenu, par chaque département, un
registre matricule sur lequel sont portés tous les jeunes gens qui n’ont pas
été déclarés impropres à tout service militaire, ou qui n’ont pas été ajournés
à un nouvel examen, au conseil de révision.
Ce registre mentionne l’incorporation de chaque homme inscrit, et,
successivement, tous les changements qui peuvent survenir dans sa
situation militaire.
Tout homme, inscrit sur le registre matricule, qui change de domicile, est
tenu d’en faire la déclaration à la mairie de la commune qu’il quitte et à la
mairie du lieu où il vient s’établir.
De la durée du service militaire. — Tout Français qui n’est pas déclaré
impropre à tout service militaire fait partie :
1° De l’armée active pendant 5 ans ;
2° de la réserve de l’armée active pendant 4 ans ;
3° de l’armée territoriale pendant 5 ans ;
4° de la réserve de l’armée territoriale pendant 6 ans.
L’armée territoriale et sa réserve sont formées par région, et
comprennent, pour chaque région, les hommes qui y sont domiciliés.
L’armée active, au contraire, se recrute sur l’ensemble du territoire de la
France ; c’est ce qu’on appelle le recrutement national, par opposition au
recrutement régional qui s’applique à la réserve de l’armée active, à l’armée
territoriale, et à la réserve de cette armée.
Nous ne dirons rien ici de l’armée de mer qui est recrutée d’une manière
spéciale.
La durée du service militaire compte du juillet de l’année du tirage au
sort.
Chaque année, au 30 juin, en temps de paix, les militaires qui ont achevé
le temps de service prescrit dans l’armée active, dans la réserve de l’armée
active, dans l’armée territoriale et dans la réserve de cette armée, reçoivent
un certificat constatant :
Pour les premiers, leur envoi dans la première réserve ;
Pour les seconds, leur envoi dans l’armée territoriale ;
Pour les troisièmes, leur envoi dans la deuxième réserve ;
A l’expiration du temps de service dans cette réserve, les hommes
reçoivent un congé définitif.
Le maintien sous les drapeaux de la totalité des conscrits reconnus bons
pour le service, eût occasionné des dépenses trop considérables et obligé le
gouvernement à surcharger d’impôts les contribuables.
Aussi la loi a-t-elle stipulé, qu’après une année de service, les hommes,
dont le chiffre est fixé, chaque année, par le ministre de la guerre, seraient
seuls maintenus sous les drapeaux. Les militaires mêmes qui, par
l’instruction acquise antérieurement à leur entrée au service, et par celle
reçue sous les drapeaux, remplissent toutes les conditions exigées, peuvent,
après six mois, être envoyés en disponibilité dans leurs foyers.
Les hommes de la réserve de l’armée active sont assujettis, pendant le
temps de service de ladite réserve, à prendre part à deux manœuvres. La
durée de chacune de ces manœuvres ne peut dépasser quatre semaines.
Des engagements et rengagements. — Il y a cinq espèces
d’engagements et de rengagements volontaires :
1° L’engagement volontaire de cinq ans pour les non militaires ;
2° L’engagement spécial aux militaires qui passent de la disponibilité à
l’activité ;
3° L’engagement, en cas de guerre, pour la durée de la guerre ;
4° Le rengagement ;
5° Enfin, l’engagement conditionnel d’un an, plus communément appelé
volontariat d’un an.
Nous ne parlerons que de l’engagement volontaire de cinq ans et du
volontariat d’un an.
De l’engagement volontaire. — Tout Français peut être autorisé à
contracter un engagement volontaire, aux conditions suivantes :
Pour l’armée de mer, avoir 16 ans accomplis ; pour l’armée de terre, 18
ans accomplis et la taille de 1m 54 ; savoir lire et écrire, jouir de ses droits
civils ; n’être ni marié, ni veuf avec enfants ; être porteur d’un certificat de
bonne vie et mœurs délivré par le maire de la commune du dernier
domicile.
La durée de l’engagement volontaire est de cinq ans.
Les engagements volontaires sont contractés devant les maires des chefs-
lieux de canton ; deux témoins doivent assister celui qui s’engage ; l’un
d’eux doit avoir un fils actuellement au service. Un certificat de médecin,
un extrait du casier judiciaire, l’acte de naissance doivent, de plus, être
produits.
Des engagés conditionnels d’un an. — Il y a deux catégories d’engagés
conditionnels d’un an :
1° Ceux qui sont munis de certains diplômes (bacheliers ès-lettres, ès-
sciences) ou qui appartiennent à certaines écoles (mines, ponts et
chaussées) ;
2° Ceux qui subissent les examens déterminés par le ministre de la
Guerre.
Pour ces deux catégories, les engagements doivent être contractés avant
le tirage au sort.
Les volontaires d’un an sont habillés, montés, équipés et entretenus à
leurs frais, sauf ceux qui, ayant fait preuve de capacité dans leurs examens,
justifient, en outre, que leurs ressources sont insuffisantes pour subvenir aux
frais. Pour ces derniers, le ministre de la Guerre peut les exempter de tout
ou partie des dépenses d’équipement et d’entretien.
Les volontaires d’un an, qui sont d’ailleurs soumis à toutes les
obligations des autres hommes, peuvent être gardés au corps pendant une
année supplémentaire s’ils ne satisfont pas aux examens, ou en cas de fautes
graves et réitérées contre la discipline. Si après la deuxième année, ils ne
satisfont pas aux examens, ils sont déchus de leurs droits et restent dans la
classe à laquelle ils appartiennent.
Il peut être accordé, jusqu’à l’âge de 24 ans, des sursis d’appel à ceux qui
auront préalablement contracté l’engagement conditionnel.
Les volontaires d’un an, ayant satisfait à tous les examens, peuvent
obtenir un brevet de sous-officier ou des commissions au moins
équivalentes.
De la division du territoire au point de vue de l’organisation de
l’armée. — Le territoire de la France est divisé, pour l’organisation de
l’armée active, de la réserve de l’armée active, de l’armée territoriale et de
sa réserve, en 18 régions et en subdivisions de régions. (L. du 24 juillet
1873).
Chaque région est occupée par un corps d’armée qui y tient garnison. Un
corps d’armée spécial est, en outre, affecté à l’Algérie.
Chaque région possède des magasins généraux d’approvisionnements
dans lesquels se trouvent les armes et munitions, les effets d’habillement,
d’armement, de harnachement, d’équipement et de campement, nécessaires
aux diverses armes qui entrent dans la composition d’un corps d’armée.
Chaque subdivision de région possède un ou plusieurs magasins alimentés
par les magasins généraux de la région.
Chacun des corps d’armée des 18 régions, comprend : 2 divisions
d’infanterie, 1 brigade de cavalerie, 1 brigade d’artillerie, 1 bataillon du
génie, 1 escadron du train des équipages militaires, ainsi que les états-
majors et les divers services nécessaires.
Chaque corps d’armée compte ainsi 40,000 hommes environ, dont
32,000 combattants.
De cet aperçu de notre organisation militaire se dégage cette idée
consolante que, tandis qu’en 1870, nous pouvions, à grand’peine,
disséminer sur la frontière 200,000 hommes, nous pouvons aujourd’hui
compter sûrement sur 576,000 combattants, le corps d’Afrique excepté.
L’OBLIGATION SCOLAIRE.

De l’obligation scolaire. — « La liberté des consciences et la liberté des


familles sont des faits et des droits qui, dans cette question, doivent être
scrupuleusement respectés et garantis. Mais, sous les conditions de ce
respect et de ces garanties, il peut arriver que l’état social et l’état des
esprits rendent l’obligation légale, en fait d’instruction primaire, légitime,
salutaire et nécessaire.
C’est là que nous en sommes aujourd’hui. Le mouvement en faveur de
l’enseignement obligatoire est sincère, sérieux, national. De puissants
exemples l’autorisent et l’encouragent : en Allemagne, en Suisse, en
Danemarck, dans la plupart des États d’Amérique, l’instruction primaire a
ce caractère, et la civilisation en a recueilli d’excellents fruits. La France et
son gouvernement ont raison d’accueillir ce principe, en y attachant des
garanties efficaces pour le maintien de l’autorité paternelle et la liberté des
consciences et des familles. » (Ext. d’une lettre écrite par M. Guizot, en
1873).
C’est, en effet, poussé par le sentiment national, que le gouvernement a
pris l’initiative d’un projet de loi tendant à l’établissement de la gratuité, de
la laïcité et de l’obligation scolaires.
La gratuité d’abord a été admise par les deux Chambres ; elle a fait
l’objet d’une loi promulguée au Journal Officiel du 17 juin 1881 ;
Quant au principe de la laïcité et de l’obligation scolaires, adopté par la
Chambre des députés, il a été, une première fois, repoussé par le Sénat.
Après et malgré cet échec, le temps ne devait pas être éloigné où
l’obligation scolaire, revendiquée comme la sanction d’un grand devoir et
comme une condition du progrès public, ferait partie des mesures
législatives destinées à assurer le développement de l’instruction populaire.
Après une longue résistance et à la suite d’interminables discussions, le
Sénat s’est enfin prononcé en faveur de l’adoption du principe de
l’obligation de l’enseignement primaire. La loi sur l’enseignement primaire
obligatoire a été promulguée au Journal Officiel du 29 mars 1882.
On ne saurait dire que cette obligation, imposée par la loi, ait un caractère
tyrannique et ne laisse pas intacte la liberté de la direction paternelle. Le
père de famille peut élever son enfant, soit dans l’école publique, soit dans
une école libre, soit à son foyer ; il peut ainsi faire donner à ses enfants une
instruction conforme à ses idées, à ses sentiments, à ses opinions.
D’ailleurs, le droit du père sur l’enfant n’est pas absolu, il a pour limite
nécessaire les droits de l’enfant et de la société ; il appartient à la nation
d’empêcher que, par ignorance ou par caprice, le père de famille puisse
frustrer son enfant des bienfaits de l’instruction, au grand préjudice de cet
enfant et au détriment de tous.
« Au point de vue individuel, disait M. Lafond de Saint-Mur au Sénat,
tout être venant au monde a le droit de recevoir les moyens de donner à ses
facultés un développement complet : la liberté et l’égalité sont à ce prix ;
elles ne seraient qu’un vain mot si l’éducation n’était pas un droit pour
l’enfant ; et ce droit crée un devoir correspondant et pour la famille et pour
l’État. Là où il y a devoir, il y a obligation ; quiconque s’y soustrait est
coupable envers l’enfant, coupable envers la nation, car, au point de vue
social, le perfectionnement de l’espèce résulte du perfectionnement de
l’individu. Tenir dans l’abaissement, dans l’imperfection, dans
l’impuissance une portion quelconque des générations nouvelles, c’est
priver la nation d’une partie de ses forces ; c’est lui enlever, à l’avenir, ses
moyens d’action, de puissance et de gloire.
La nation comme l’individu est donc intéressée à ce que chacun de ses
enfants apporte dans la vie la plénitude de ses facultés. » (Sénat. Séance du
3 juin 1881).
Et plus loin : « Devant la résistance du père, l’État a le droit et le devoir
de défendre l’enfant contre sa négligence, comme il le défend contre ses
violences. Les parents qui n’obéiront pas à la persuasion cèderont à
l’amende et aux peines coërcitives.
A l’aide de ce principe de l’obligation, désormais inscrit dans nos lois,
nous rendrons l’individu plus libre, plus éclairé, plus fort, mieux armé et
mieux disposé pour la lutte. En faisant ainsi à l’ignorance une guerre de
tous les jours, la France accroîtra, sans cesse, en haut comme en bas, ses
forces intellectuelles. »
La loi du 28 mars 1882 est d’une importance capitale, c’est pour ces
motifs qu’il paraît indispensable d’en donner le texte en entier. Il importe
surtout de remarquer l’art. 1er, qui modifie le programme de l’enseignement
primaire, en abrogeant les dispositions de l’art. 23 de la loi du 15 mars
1850 ; l’art. 3 portant abrogation des art. 18, 31 et 44 de la loi précitée,
retirant aux ministres des cultes le droit d’inspection, de surveillance et de
direction dans les écoles primaires publiques et privées et dans les écoles
maternelles, et aux consistoires le droit de présentation pour les instituteurs
appartenant aux cultes non catholiques.
Loi du 28 mars 1882 relative à l’enseignement primaire obligatoire.
ARTICLE PREMIER
L’enseignement primaire comprend ;
L’instruction morale et civique ;
La lecture et l’écriture ;
La langue et les éléments de la littérature française ;
La géographie, particulièrement celle de la France ;
L’histoire, particulièrement celle de la France jusqu’à nos jours ;
Quelques notions usuelles de droit et d’économie politique ;
Les éléments des sciences naturelles, physiques et mathématiques, leurs
applications à l’agriculture, à l’hygiène, aux arts industriels, travaux
manuels et usage des outils des principaux métiers ;
Les éléments du dessin, du modelage et de la musique ;
La gymnastique ;
Pour les garçons, les exercices militaires ;
Pour les filles, les travaux à l’aiguille.
L’article 23 de la loi du 15 mars 1850 est abrogé.
ART. 2
Les écoles primaires publiques vaqueront un jour par semaine, en outre
du dimanche, afin de permettre aux parents de faire donner, s’ils le désirent,
à leurs enfants, l’instruction religieuse en dehors des édifices scolaires.
L’enseignement religieux est facultatif dans les écoles privées.
ART. 3.
Sont abrogées les dispositions des articles 18 et 44 de la loi du 15 mars
1850, en ce qu’elles donnent aux ministres des cultes un droit d’inspection,
de surveillance et de direction dans les écoles primaires publiques et privées
et dans les salles d’asile, ainsi que le paragraphe 2 de l’article 31 de la
même loi qui donne aux consistoires le droit de présentation pour les
instituteurs appartenant aux cultes non catholiques.
ART. 4.
L’instruction primaire est obligatoire pour les enfants des deux sexes âgés
de six ans révolus à treize ans révolus ; elle peut être donnée soit dans les
établissements d’instruction primaire ou secondaire, soit dans les écoles
publiques ou libres, soit dans les familles, par le père de famille lui-même
ou par toute autre personne qu’il aura choisie.
Un règlement déterminera les moyens d’assurer l’instruction primaire
aux enfants sourds-muets et aux aveugles.
ART. 5
Une commission municipale scolaire est instituée dans chaque commune,
pour surveiller et encourager la fréquentation des écoles.
Elle se compose du maire, président ; d’un des délégués du canton et,
dans les communes comprenant plusieurs cantons, d’autant de délégués
qu’il y a de cantons, désignés par l’inspecteur d’académie ; de membres
désignés par le conseil municipal en nombre égal, au plus, aux tiers des
membres de ce conseil.
A Paris et à Lyon, il y a une commission pour chaque arrondissement
municipal. Elle est présidée à Paris, parle maire ; à Lyon, par un des
adjoints ; elle est composée d’un des délégués cantonaux, désigné par
l’inspecteur d’académie, de membres désignés par le conseil municipal, au
nombre de trois à sept par chaque arrondissement.
Le mandat des membres de la commission scolaire, désignés parle
conseil municipal, durera jusqu’à l’élection d’un nouveau conseil
municipal.
Il sera toujours renouvelable.
L’inspecteur primaire fait partie de droit de toutes les commissions
scolaires instituées dans son ressort.
ART. 6
Il est institué un certificat d’études primaires ; il est décerné après un
examen public auquel pourront se présenter les enfants dès l’âge de onze
ans.
Ceux qui, à partir de cet âge, auront obtenu le certificat d’études
primaires, seront dispensés du temps de scolarité obligatoire qui leur restait
à passer.
ART. 7.
Le père, le tuteur, la personne qui a la garde de l’enfant, le patron chez
qui l’enfant est placé, devra, quinze jours au moins avant l’époque de la
rentrée des classes, faire savoir au maire de la commune s’il entend faire
donner à l’enfant l’instruction dans la famille ou dans une école publique ou
privée ; dans ces deux derniers cas, il indiquera l’école choisie.
Les familles domiciliées à proximité de deux ou plusieurs écoles
publiques ont la faculté de faire inscrire leurs enfants à l’une ou l’autre de
ces écoles, qu’elle soit ou non sur le territoire de leurs communes, à moins
qu’elle ne compte déjà le nombre maximum d’élèves autorisés par les
règlements.
En cas de contestation et sur la demande soit du maire, soit des parents,
le conseil départemental statue en dernier ressort.
ART. 8
Chaque année, le maire dresse, d’accord avec la commission municipale
scolaire, la liste de tous les enfants âgés de six à treize ans, et avise les
personnes qui ont charge de ces enfants de la rentrée des classes.
En cas de non déclaration, quinze jours avant l’époque de la rentrée, de la
part des parents et autres personnes responsables ; il inscrit d’office l’enfant
à l’une des écoles publiques et en avertit la personne responsable.
Huit jours avant la rentrée des classes, il remet aux directeurs d’écoles
publiques ou privées la liste des enfants qui doivent suivre leurs écoles. Un
double de ces listes est adressé par lui à l’inspecteur primaire.
ART. 9
Lorsqu’un enfant quitte l’école, les parents ou les personnes
responsables, doivent en donner immédiatement avis au maire et indiquer
de quelle façon l’enfant recevra l’instruction à l’avenir.
ART. 10
Lorsqu’un enfant manque momentanément à l’école, les parents ou les
personnes responsables doivent faire connaître au directeur ou à la
directrice les motifs de son absence.
Les directeurs et les directrices doivent tenir un registre d’appel qui
constate, pour chaque classe, l’absence des élèves inscrits. A la fin de
chaque mois, ils adresseront au maire et à l’inspecteur primaire un extrait de
ce registre, avec l’indication du nombre des absences et des motifs
invoqués.
Les motifs d’absence seront soumis à la commission scolaire. Les seuls
motifs réputés légitimes sont les suivants : maladie de l’enfant, décès d’un
membre de la famille, empêchements résultant de la difficulté accidentelle
des communications. Les autres circonstances exceptionnellement
invoquées seront également appréciées par la commission.
ART. 11
Tout directeur d’école privée qui ne se sera pas conformé aux
prescriptions de l’article précédent, sera, sur le rapport de la commission
scolaire et de l’inspecteur primaire, déféré au conseil départemental.
Le conseil départemental pourra prononcer les peines suivantes : 1°
l’avertissement ; 2° la censure ; 3° la suspension pour un mois au plus et, en
cas de récidive dans l’année scolaire, pour trois mois au plus.
ART. 12
Lorsqu’un enfant se sera absenté de l’école quatre fois dans le mois,
pendant au moins une demi-journée, sans justification admise par la
commission municipale scolaire, le père, le tuteur ou la personne
responsable sera invité, trois jours au moins à l’avance, à comparaître dans
la salle des actes de la mairie, devant ladite commission, qui lui rappellera
le texte de la loi et lui expliquera son devoir.
En cas de non-comparution, sans justification admise, la commission
appliquera la peine énoncée dans l’article suivant.
ART. 13
En cas de récidive dans les douze mois qui suivront la première
infraction, la commission municipale scolaire ordonnera l’inscription
pendant quinze jours ou un mois, à la porte de la mairie, des nom, prénoms
et qualités de la personne responsable, avec indication du fait relevé contre
elle.
La même peine sera appliquée aux personnes qui n’auront pas obtempéré
aux prescriptions de l’article 9.
ART. 14
En cas d’une nouvelle récidive, la commission scolaire ou, à son défaut,
l’inspecteur primaire devra adresser une plainte au juge de paix.
L’infraction sera considérée comme une contravention et pourra entraîner
condamnation aux peines de police, conformément aux articles 479, 480 et
suivants du Code pénal.
L’article 463 du même Code est applicable.
ART. 15
La commission scolaire pourra accorder aux enfants demeurant chez
leurs parents ou leur tuteur, lorsque ceux-ci en feront la demande motivée,
des dispenses de fréquentation scolaire ne pouvant dépasser trois mois en
dehors des vacances. Ces dispenses devront, si elles excèdent quinze jours,
être soumises à l’approbation de l’inspecteur primaire.
Ces dispositions ne sont pas applicables aux enfants qui suivront leurs
parents ou tuteurs, lorsque ces derniers s’absenteront temporairement de la
commune. Dans ce cas, un avis donné verbalement ou par écrit au maire ou
à l’instituteur, suffira.
La commission peut aussi, avec l’approbation du Conseil départemental,
dispenser les enfants employés dans l’industrie et arrivés à l’âge de
l’apprentissage d’une des deux classes de la journée ; la même faculté sera
accordée à tous les enfants employés, hors de leur famille, dans
l’agriculture.
ART. 16.
Les enfants qui reçoivent l’instruction dans la famille doivent, chaque
année, à partir de la fin de la deuxième année d’instruction obligatoire,
subir un examen qui portera sur les matières de l’enseignement
correspondant à leur âge dans les écoles publiques, dans des formes et
suivant des programmes qui seront déterminés par arrêtés ministériels
rendus en conseil supérieur.
Le jury d’examen sera composé de : l’inspecteur primaire ou son
délégué, président ; un délégué cantonal ; une personne munie d’un diplôme
universitaire ou d’un brevet de capacité ; les juges seront choisis par
l’inspecteur d’académie. Pour l’examen des filles, la personne brevetée
devra être une femme.
Si l’examen de l’enfant est jugé insuffisant et qu’aucune excuse ne soit
admise par le jury, les parents sont mis en demeure d’envoyer leur enfant
dans une école publique ou privée dans la huitaine de la notification et de
faire savoir au maire quelle école ils ont choisie.
En cas de non-déclaration, l’inscription aura lieu d’office, comme il est
dit à l’article 8.
ART. 17.
La caisse des écoles, instituée par l’article 15 de la loi du 10 avril 1867,
sera établie dans toutes les communes. Dans les communes subventionnées
dont le centime n’excède pas 30 francs, la caisse aura droit, sur le crédit
ouvert pour cet objet au ministère de l’instruction publique, à une
subvention au moins égale au montant des subventions communales.
La répartition des secours se fera par les soins de la commission scolaire.
ART. 18.
Des arrêtés ministériels, rendus sur la demande des inspecteurs
d’académie et des conseils départementaux, détermineront chaque année les
communes où, par suite d’insuffisance des locaux scolaires, les
prescriptions des articles 4 et suivants sur l’obligation, ne pourraient être
appliquées.
Un rapport annuel, adressé aux Chambres par le ministre de l’Instruction
publique, donnera la liste des communes auxquelles le présent article aura
été appliqué.
L’IMPÔT ; — SA NÉCESSITÉ ET SA LÉGITIMITÉ ; — L’ÉGALITÉ DEVANT
L’IMPÔT ; — SES CONDITIONS D’ÉTABLISSEMENT ET DE
RECOUVREMENT.

De l’impôt. — Sa définition. — Nécessité et légitimité de


l’impôt. — L’impôt est la cotisation ou quote part à payer par chaque
citoyen pour la dépense des services publics.
On peut dire aussi que l’impôt ou contribution est un échange entre les
particuliers et l’État, car les sommes consacrées par les particuliers au
paiement de l’impôt sont destinées à assurer les moyens de pourvoir à la
protection que l’État donne aux intérêts et à l’industrie de la nation.
L’État, en subvenant aux frais de l’armée et de la marine, en multipliant
les routes, les chemins de fer et les canaux protège la production nationale,
assure l’écoulement facile des produits du sol et de l’industrie ; il est juste,
qu’en retour, les citoyens qui bénéficient de cette faveur, payent en argent la
sécurité et la protection qui sont ainsi données à leurs intérêts.
L’impôt est donc nécessaire et légitime.
Sous l’ancien régime, l’impôt était établi au gré du roi ; la noblesse et le
clergé y échappaient ; le peuple seul en supportait la charge. Depuis la
révolution de 1789, il n’en est plus ainsi.
L’impôt, de nos jours, n’est légitime que s’il a été consenti et voté par les
représentants de la nation ; c’est-à-dire par la Chambre des députés et par le
Sénat.
Les privilèges du clergé et de la noblesse ont été abolis, et chacun, riche
ou pauvre, paie l’impôt suivant ses facultés imposables, suivant le degré de
sa fortune particulière. C’est là ce qu’on appelle l’égalité devant l’impôt.
Tous les citoyens ne sont pas nécessairement frappés des mêmes impôts.
Celui-ci, propriétaire terrien, supportera l’impôt spécial dont sont grevées
les propriétés territoriales : c’est l’impôt foncier.
Celui-là, qui exerce un commerce ou une industrie, mais qui n’a pas de
fonds de terre, paiera un impôt particulier à raison du commerce ou de
l’industrie qu’il exerce : c’est l’impôt de la patente.
Tous les deux paieront, en outre, l’impôt personnel mobilier qui est un
droit proportionnel à la valeur du local occupé ; et l’impôt des portes et
fenêtres, établi sur le nombre d’ouvertures de ce genre, donnant accès à
l’habitation ou servant à l’éclairer.
Ces quatre contributions portent le nom d’impôts directs, et existent sans
préjudice d’une infinité d’autres, parmi lesquelles figurent les impôts
indirects du timbre et de l’enregistrement.
Division des impôts en directs et indirects. — Les impôts se divisent
ainsi en contributions directes et en contributions indirectes.
Les impôts directs sont ainsi nommés parce qu’ils frappent directement
les contribuables qui les doivent, sans que ces contribuables puissent s’y
soustraire. Ils sont perçus, en vertu de rôles nominatifs établis à l’avance.
Ainsi, par ce fait que tel citoyen est propriétaire d’une maison, il est soumis
au paiement de l’impôt direct foncier, et son nom figure sur une liste où il
est désigné comme propriétaire dudit immeuble et comme débiteur de
l’impôt qui s’attache à la qualité de propriétaire.
Les impôts indirects ne supposent pas l’existence d’une liste nominative
dont l’établissement eût d’ailleurs été impossible, le débiteur de l’impôt
indirect n’étant jamais connu d’avance. Les contributions indirectes, en
effet, ne sont perçues qu’en raison de certains faits imposables,
indépendamment de toute question de personne. Établis sur la chose,
contrairement aux impôts directs qui sont établis sur la personne, les impôts
indirects n’atteignent le contribuable qu’indirectement, et alors seulement
que ce dernier se livre à certains actes donnant lieu à l’application du tarif et
à la perception du droit. Il est ainsi loisible au contribuable d’échapper au
paiement du droit en se privant d’acheter l’objet qui en est frappé.
Comme toutes les personnes qui doivent l’impôt direct sont connues et
que la quantité de matière imposable est déterminée, le législateur chargé de
fixer la somme totale que doit produire cet impôt, en peut établir le montant
à l’avance et d’une manière exacte.
Il ne peut en être de même pour l’impôt indirect, car le législateur ne sait
jamais d’avance, combien d’actes, donnant lieu à l’application du tarif et à
la perception du droit, se produiront dans l’année. On ne peut ainsi faire que
l’évaluation approximative du produit probable des impôts indirects ; tandis
que la fixation exacte du produit de l’impôt direct peut être régulièrement
arrêtée.
Le recouvrement de l’impôt, donne souvent lieu à des difficultés entre
l’État et les contribuables, et à. des réclamations de la part de ces derniers.
Les contestations qui se rattachent à l’impôt direct sont de la compétence
administrative ; presque toutes sont jugées par le conseil de préfecture ; les
contestations relatives à l’impôt indirect sont, au contraire, de la
compétence judiciaire et, à ce titre, jugées par les tribunaux de cet ordre.
Les tribunaux de justice de paix et les tribunaux civils et correctionnels sont
fréquemment appelés à statuer, en cette matière.
Les impôts directs sont au nombre de quatre savoir : 1° l’impôt foncier
sur le revenu de la terre ; 2° l’impôt personnel mobilier sur les valeurs
locatives ; 3° l’impôt des portes et fenêtres, établi sur le nombre
d’ouvertures desservant les immeubles ; 4° l’impôt des patentes, sur le
revenu présumé du commerce et de l’industrie.
A ces quatre impôts directs viennent s’ajouter certaines taxes qui leur
sont assimilées ; telles sont les taxes sur les chevaux et les voitures, sur les
chiens, sur les billards et une quantité d’autres. Ces taxes sont recouvrées de
la même manière que les impôts directs proprement dits, c’est-à-dire en
vertu d’un rôle nominatif.
Tous les autres impôts sont indirects : droits d’enregistrement sur les
actes juridiques et la transmission de la propriété ; douanes, sur les
importations et exportations étrangères ; droits sur l’entrée et la circulation
des boissons, etc., etc.., autant d’impôts indirects.
Division des impôts directs en impôts de répartition et en impôts de
quotité. — Les impôts directs se divisent en impôts de répartition et en
impôts de quotité. — L’impôt de répartition est celui dont le total est
indiqué par la loi de finances, puis réparti successivement entre les
circonscriptions territoriales, département, arrondissement, commune, et
finalement entre les contribuables.
Pour l’impôt de quotité (quote part) la loi de finances se borne à fixer les
bases d’après lesquelles chacun doit être imposé, et à établir le tarif à
appliquer. Dans les lois de finances, ils figurent pour un chiffre
approximatif réglé sur les recettes de l’année précédente.
Le seul impôt direct de quotité est l’impôt des patentes ; les trois autres
sont de répartition.
De la répartition et de ses degrés. — La répartition comprend les
opérations qui ont pour but de distribuer le total de l’impôt voté par les
deux Chambres entre les diverses circonscriptions territoriales, puis entre
les contribuables. Elle ne s’applique qu’aux impôts dits de répartition.
Il y a quatre degrés de répartition : — L’impôt est en effet, réparti
successivement : 1° entre les départements ; 2° entre les arrondissements ;
3° entre les communes de chaque arrondissement ; 4° entre les
contribuables de chaque commune.
La répartition entre les départements est faite par le pouvoir législatif ;
entre les arrondissements par le conseil général ; entre les communes par le
conseil d’arrondissement ; enfin entre les contribuables de chaque
commune par une commission de répartiteurs composée de sept membres,
savoir : le maire et l’adjoint dans les communes de moins de 5,000
habitants, ou deux conseillers municipaux, dans les communes plus
importantes, et cinq contribuables, dont deux au moins, pris en dehors de la
commune.
Le sous-préfet nomme les cinq contribuables qui doivent faire partie de la
commission des répartiteurs, sur une liste dressée et présentée par le maire
de chaque commune.
Les impôts directs doivent être examinés à quatre points de vue
différents ; au point de vue de l’assiette, de la répartition, du recouvrement
et du contentieux.
Assiette de l’impôt direct. — L’assiette est la base de l’impôt, la
constatation de la matière imposable. Ainsi l’impôt foncier est assis sur le
revenu imposable des propriétés bâties ou non bâties ; l’impôt mobilier est
assis sur la valeur du loyer de l’habitation personnelle.
Nous avons dit ce qu’il fallait entendre par le mot de répartition, nous n’y
reviendrons pas.
Recouvrement de l’impôt direct. — Le recouvrement embrasse la série
d’opérations qui ont pour but de faire entrer dans les caisses publiques, le
montant des impôts dont le chiffre est déterminé par l’assiette et la
répartition.
Contentieux de l’impôt direct. — Le contentieux se rapporte aux
contestations que font naître, entre les particuliers et l’administration,
l’établissement, la répartition et le recouvrement de l’impôt. Nous avons
indiqué plus haut le rôle réservé au conseil de préfecture en cette matière.
Des autorités différentes sont chargées, l’une de l’assiette, l’autre du
recouvrement.
En ce qui concerne l’assiette de l’impôt, une administration spéciale a été
établie par la loi du 3 frimaire an VII. Cette administration comprend, par
département, un directeur des contributions directes, un inspecteur et des
contrôleurs. Ces fonctionnaires aident les autorités compétentes pour tout ce
qui regarde l’assiette de l’impôt ; c’est-à-dire les répartiteurs, s’il s’agit
d’un impôt de répartition, l’administration s’il s’agit d’un impôt de quotité.
Les agents de recouvrement sont le trésorier payeur central, pour le
département ; le receveur des finances, dans chaque arrondissement, et les
percepteurs.
Au point de vue de l’assiette et de la répartition, chacun des impôts
directs doit être envisagé séparément ; au point de vue du recouvrement et
du contentieux, ils peuvent être envisagés collectivement.
De l’impôt foncier. — Les Chambres établissent, chaque année, une
imposition foncière, et en déterminent le montant en principal et en
centimes additionnels. Cette imposition est perçue en argent.
Du centime additionnel. — Un centime additionnel est le centième du
principal de l’impôt, soit un centime par franc, qui vient s’ajouter au
principal. C’est ainsi que si trois ou quatre centimes additionnels sont votés
par le pouvoir législatif, le principal de l’impôt se trouvera augmenté de
trois ou quatre centimes par franc.
L’impôt foncier est établi, par égalité proportionnelle, sur toutes les
propriétés foncières, bâties ou non bâties, à raison de leur revenu net
imposable, sans autre exception que celles déterminées par la loi, pour
l’encouragement de l’agriculture et pour l’intérêt général de la société. Ces
exceptions sont surtout relatives à certains biens du domaine public, au
desséchement des marais et à la fertilisation des terres incultes.
Il faut distinguer le revenu brut, le revenu net et le revenu imposable.
Le revenu brut comprend tous les produits d’un fonds, sans aucune
déduction des frais de culture, d’ensemencement, de récolte et d’entretien.
Le revenu net est ce qui reste au propriétaire,. déduction faite, sur le
produit brut, des frais de culture et autres de même nature.
Le revenu imposable, enfin, est le revenu net moyen, calculé sur un
certain nombre d’années.
Les propriétés productives de l’État (à l’exception des forêts, — (L. du
19 ventôse an IX), et les propriétés communales, aussi productives de
revenus, sont soumises à l’impôt foncier. Malgré l’exemption dont ils sont
l’objet, les bois et les forêts de l’État acquittent les centimes additionnels
ordinaires et extraordinaires affectés aux dépenses des départements, dans
la proportion de la moitié de leur valeur imposable. (L. 18 juillet 1866, art.
6). Ils sont grevés de la même charge, en ce qui concerne les centimes
additionnels ordinaires et extraordinaires affectés aux dépenses des
communes (L. 24 juillet 1867, art. 4).
Du cadastre. — Le cadastre, ou recensement des propriétés et de leur
valeur, est nécessaire pour l’assiette équitable de l’impôt territorial et pour
sa répartition. C’est la loi du 15 septembre 1807, qui a ordonné le
cadastrement de toutes les propriétés, et, jusqu’en 1821, les ingénieurs
géomètres ont exécuté cet immense travail, qui consistait à mesurer, sur
plus de 40.000 lieues carrées, plus de 100 millions de propriétés séparées.
Le cadastre, ainsi dressé, en vue de l’impôt foncier, a servi, depuis, aux
opérations de la carte d’état-major.
L’établissement du cadastre a donné lieu à deux séries d’opérations :
1° L’arpentage de la commune et de ses fractions ;
2° L’estimation de chaque parcelle.
Pour ce qui est de la première série d’opérations, les arpenteurs
géomètres déterminent les limites exactes du territoire communal, mesurent
les diverses parcelles de la commune et en déterminent la contenance. Ils
arrivent ainsi à dresser le plan parcellaire de la commune.
La parcelle cadastrale suppose l’unité de culture et l’unité de propriétaire.
Une terre labourable renfermera autant de parcelles que de propriétaires.
Le nombre de parcelles ne correspond donc pas au nombre de
propriétaires qu’il y a en France, puisque le même propriétaire peut avoir
plusieurs parcelles, s’il possède des propriétés de nature différente ; ainsi,
par exemple, une vigne et une prairie, un bois et un champ labouré, une
lande et un jardin potager.
La seconde série d’opérations, qui a pour objet de déterminer le revenu
imposable de chaque parcelle, comprend la classification, le tarif des
évaluations et le classement. La réunion de ces trois opérations constitue
l’expertise.
Classification. — La classification a pour but de déterminer en combien
de classes chaque nature de propriété sera divisée. Dans la commune, il y
aura plusieurs classes de terres labourables, plusieurs classes de prés, de
vignes, etc.
Cinq classificateurs, choisis parmi les propriétaires des principales
masses de culture, procèdent à cette opération. Ils sont nommés par le
conseil municipal de la commune.
Tarif des évaluations. — Le tarif des évaluations est l’indication du
revenu imposable de chaque nature de culture, dans chaque classe.
Terre labourable de 1re classe = tant.
— — de 2me classe = tant.
Le tarif des évaluations est dressé par le conseil municipal.
Classement. — Enfin le classement a pour objet de faire entrer dans une
classe déterminée chaque propriété particulière ; ce travail est fait par les
classificateurs.
Ces opérations terminées, le tarif des évaluations cadastrales est envoyé
au directeur des contributions directes du département qui fait dresser les
états de sections et la matrice cadastrale ou matrice du rôle.
Etat de sections ; matrice du rôle. — Pour arriver à la confection de
l’état de sections, il est donné un tableau indicatif des noms et des limites de
chacune des divisions du territoire de la commune, hameaux, quartiers,
ayant leur dénomination propre ; chacune de ces divisions ou sections est
désignée par une lettre alphabétique, A, B, C, etc. ; puis, il est formé un 2me
tableau portant nomenclature des différentes espèces de propriétés
renfermées dans chaque section, terres labourables, prairies, vignes : ce
dernier tableau est l’état de sections. Les états de sections indiquent, ainsi,
toutes les parcelles comprises dans chacune des sections entre lesquelles le
territoire de la commune a été divisé par les arpenteurs, avec le nom du
propriétaire, le numéro du plan, la situation et le revenu de chaque parcelle.
La matrice du rôle est un registre renfermant l’indication des propriétés
foncières de la commune et du revenu qui leur est attribué : ce registre
contient, par ordre alphabétique, la liste des propriétaires, avec
nomenclature, sous le nom de chacun, des parcelles qu’il possède dans les
différentes sections.
C’est sur ces différentes données, et aidés de ces divers éléments, que les
répartiteurs de l’impôt opèrent, chaque année, la répartition de la
contribution foncière entre les contribuables de la commune. La somme à
payer par chacun étant ainsi arrêtée et fixée par les répartiteurs, le directeur
des contributions directes dresse le rôle cadastral. Le rôle est un état portant
indication des noms des débiteurs de l’impôt et des sommes dont ils sont
redevables.
Ce rôle est approuvé et rendu exécutoire par un. arrêté du préfet ; cet
arrêté, qui est affiché, opère l’émission du rôle de la contribution foncière.
Le cadastre aujourd’hui ne sert plus de base qu’à la répartition du 4me
degré, c’est-à-dire, entre les contribuables de la commune.
Depuis 1852, toutes les communes de France, sauf peut-être en Corse et
en Savoie, sont cadastrées. Cette gigantesque opération a coûté plus de 150
millions.
L’impôt foncier est à la charge du propriétaire. Les propriétés bâties et
non bâties sont soumises à cet impôt.
Parmi ces dernières, il faut citer les terres labourables, parterres, pièces
d’eau, avenues, canaux de navigation, chemins de fer, jardins potagers,
vignes, prairies naturelles et artificielles, bois, terres vaines et vagues,
landes et bruyères.
Parmi les propriétés bâties, citons les maisons d’habitation, les bâtiments
servant à des exploitations rurales, les fabriques, manufactures et usines.
On peut dire, en principe, que toutes les propriétés, bâties ou non, sont
frappées de l’impôt. La loi a toutefois, par exception, apporté quelque
tempérament à la rigueur de cette règle. De là, les dispenses de payer tout
ou partie de la contribution foncière, qui sont accordées pour un temps plus
ou moins long.
Exceptions à la règle : que toutes les propriétés foncières sont
frappées de l’impôt. — Pour encourager les propriétaires à élever des
constructions, la loi ne soumet les propriétés bâties à la contribution
foncière, qu’à dater de la 3me année qui suit leur construction. Il en est de
même pour tous les édifices construits ou reconstruits.
D’autres exceptions ont été faites pour favoriser les améliorations
agricoles. Pendant quelques années, les propriétés améliorées n’ont pas à
subir d’augmentation d’impôt, malgré l’augmentation de revenu. Ainsi,
comme il est bon d’encourager le dessèchement des marais, dans l’intérêt
de la salubrité et de la richesse publiques, la loi dit que la cotisation ne
pourra être augmentée pendant les 25 années qui suivront le dessèchement.
De même, les terres vaines et vagues qui sont défrichées et transformées en
terres labourables, vignes ou bois, ne sont pas soumises à augmentation
d’impôt, pendant un certain nombre d’années.
A côté des exemptions partielles, se placent les exemptions complètes.
Ces dernières s’appliquent aux rues, places publiques, grandes routes,
chemins vicinaux et rivières qui ne sont point cotisables, aux biens non
productifs de revenus de la commune, du département et de l’État : tels sont
les biens de ces différentes personnes morales, affectés à un service public.
Ils ne sont portés, dit la loi, aux états de sections et matrices des rôles, que
pour mémoire seulement. Les bois de l’État, bien que productifs de revenus,
sont, de même, exemptés (L. 19 ventôse an IX).
Des immunités temporaires ont été établies pour favoriser les
constructions dans certaines villes.
En 1811, à Paris, on a obligé les propriétaires, dans la rue de Rivoli, à
construire leurs maisons sur un plan uniforme. En compensation, les
immeubles ainsi construits ont été exemptés de l’impôt foncier pendant 30
ans. Cette mesure appliquée, aussi, dans la même ville, aux rues de la Paix
et de Castiglione, a pris fin en 1841.
Taxe des biens de main-morte. — A l’impôt foncier se rattache la [taxe
des biens de main-morte, établie par la loi du 20 février 1849 « sur les biens
immeubles passibles de la contribution foncière, appartenant aux
départements, communes, hospices, séminaires, fabriques, congrégations
religieuses, consistoires, établissements de charité, bureaux de bienfaisance,
sociétés anonymes et tous établissements publics autorisés » (L. du 20 fév.
1849 art. 1er).
Cette taxe annuelle représentative des droits de transmission entre vifs et
par décès, a d’abord été calculée à raison de 0fr 62 1/2 pour franc du
principal de la contribution foncière ; une loi du 30 mars 1872, l’a portée à
0fr 70.
Elle est destinée à faire participer au paiement de l’impôt, certaines
personnes morales qui, ne mourant point et aliénant rarement, seraient, à
défaut de cette mesure, dispensées, à jamais, de tous droits de mutations.
Impôt direct personnel et mobilier. — Pour l’impôt direct dit personnel
et mobilier, c’est à la loi fondamentale du 21 avril 1832, qu’il faut se
reporter.
Les mots personnel et mobilier semblent supposer deux impôts distincts ;
d’une part, l’impôt mobilier fondé sur la valeur locative ; d’autre part,
l’impôt personnel représentant 3 journées de travail.
L’impôt personnel et mobilier est, pourtant, un impôt unique, qui reste
tel, tant qu’il s’agit des 3 premiers degrés de répartition, mais qui se
dédouble, quand il arrive au 4me degré de répartition.
Ainsi, dans le premier degré de répartition, la loi de finances fixe un
contingent unique pour l’impôt personnel et mobilier dans chaque
département, et non pas un contingent spécial pour la contribution
personnelle et un autre contingent pour la contribution mobilière (1er degré
de répartition). Il en est de même pour la répartition faite par les conseils
généraux entre les arrondissements (2me degré de répartition), et par les
conseils d’arrondissements entre les communes (3me degré de répartition).
Dans ces trois degrés de répartition, l’unité du contingent est observée.
La décomposition en deux impôts distincts, se fait uniquement dans la
répartition entre les contribuables d’une même commune. Voici l’exemple :
soit un contingent de 100.000 francs assigné à la commune, pour l’impôt
personnel et mobilier ; la commune contient 6.000 imposables, et la journée
de travail est évaluée à 0fr 50.
On formera d’abord le montant de l’impôt personnel en multipliant le
nombre des habitants imposables, soit 6.000, par la valeur de 3 journées de
travail, soit 1fr 50 ; on obtiendra ainsi le chiffre de la contribution
personnelle, savoir 9.000 francs. Les 91.000 francs restant doivent former
l’impôt mobilier ; ils sont répartis proportionnellement à la valeur locative.
L’impôt mobilier porte uniquement sur la valeur locative et, par suite,
pèse sur tout le revenu ; il est fondé sur cette présomption légale, que la
valeur locative est proportionnelle au revenu.
La base de l’impôt personnel est fixée par la loi. La taxe personnelle se
compose de la valeur de 3 journées de travail.
La valeur moyenne de la journée de travail dans chaque commune est
déterminée par le conseil général du département, sur la proposition du
préfet. Cette valeur varie entre les communes d’un même département, mais
en matière d’impôt, le conseil général n’est pas souverain ; la loi fixe un
minimum de 0fr 50 et un maximum de 1fr 50 par journée, en sorte que la
cote personnelle varie entre 1fr 50 et 4fr 50.
La base de l’impôt mobilier est la valeur locative de l’habitation ; les
parties de bâtiments consacrées à l’habitation personnelle, devront seules
être comprises dans les évaluations des loyers. Ainsi, dans l’évaluation du
loyer d’un boutiquier, il ne faut pas faire entrer la valeur locative de sa
boutique, laquelle rentre dans l’évaluation de l’impôt des patentes.
La contribution personnelle et mobilière est due par chaque habitant
français et par chaque étranger de tout sexe, jouissant de ses droits et non
réputé indigent. Sont considérés, au point de vue de l’impôt, comme
jouissant de leurs droits : les veuves et les femmes séparées de leurs maris ;
les garçons et filles majeurs ou mineurs, ayant des moyens suffisants
d’existence, soit par leur fortune personnelle, soit par la profession qu’ils
exercent, lors même qu’ils habitent avec leur père, mère ou tuteur (L. 21
avril 1832, art. 12).
L’impôt personnel n’est dû que dans la commune du domicile réel.
L’impôt mobilier est dû pour toute habitation meublée, quelle que soit la
commune où cette habitation se trouve située.
La loi de 1832 consacre un principe fondamental en matière de
contributions directes ; c’est le principe de l’annualité de l’impôt. L’impôt
direct est établi pour l’année entière.
Au 1er janvier, le contribuable est donc débiteur-pour toute l’année, quoi
qu’il arrive ultérieurement, en sorte que si une personne meurt dans l’année,
les héritiers seront tenus d’acquitter le montant de sa cote de contribution.
Le paiement se fait par douzième ; c’est une sorte de terme que l’État
accorde pour le paiement de la dette ; mais ce bénéfice n’est pas absolu, il
souffre quelques restrictions et n’est accordé au contribuable qu’autant que
celui-ci reste dans le ressort de la perception. En cas de déménagement hors
du ressort de la perception, comme en cas de vente volontaire ou forcée, la
contribution devient exigible, pour la totalité de l’année courante.
De là l’obligation, pour le propriétaire, et, à sa place, pour le principal
locataire, de se faire présenter, un mois avant le déménagement, la quittance
de contribution de son locataire ; à défaut, il est tenu, sous sa responsabilité
personnelle, de donner, dans les 3 jours, avis du déménagement au
percepteur.
En cas de déménagement furtif, le propriétaire ou le principal locataire
doivent faire constater, dans les 3 jours, le déménagement par le maire, le
juge de paix ou le commissaire de police, faute de quoi ils deviennent
responsables des termes échus de la contribution de leurs locataires. Ils
répondent aussi de la contribution des personnes logées par eux en garni.
La répartition du 4e degré, entre les contribuables de la commune,
demande quelques développements.
La matrice du rôle de la contribution personnelle et mobilière est établie
par les commissaires répartiteurs, assistés du contrôleur des contributions
directes. Ils portent, sur cette matrice, tous les habitants jouissant de leurs
droits et non réputés indigents, et déterminent les loyers qui doivent servir
de base à la répartition individuelle, en y comprenant seulement les parties
de bâtiments destinées à l’habitation personnelle. Les répartiteurs doivent
déterminer non pas le prix du loyer que l’on paye en réalité, mais la valeur
locative.
Lors de la formation de la matrice, le travail des répartiteurs sera soumis
au conseil municipal, qui désignera les habitants qu’il croira devoir
exempter de toute cotisation, et ceux qu’il jugera convenable de n’assujettir
qu’à la taxe personnelle. Le conseil municipal a un pouvoir discrétionnaire,
en matière d’appréciation d’indigence,
La taxe personnelle est imposée en principal seulement, les centimes
additionnels ne pouvant porter que sur l’impôt mobilier. Cette règle a été
introduite en faveur des classes pauvres. Ainsi, le maximum de la cote
personnelle ne saurait, en aucun cas, dépasser 4fr 50.
Dans les villes où il y a un octroi, l’impôt personnel mobilier peut subir
une transformation partielle. Dans ces villes, l’impôt personnel mobilier
peut être payé en totalité ou en partie par les caisses municipales, sur la
demande qui en sera faite aux préfets par les conseils municipaux. Le
conseil détermine la portion du contingent qui doit être prélevée sur les
produits de l’octroi ; le reste est réparti en cote mobilière, seulement, au
centime le franc des loyers d’habitation, après déduction des faibles loyers
que les conseils municipaux croient devoir exempter de la cotisation. Un
acte du gouvernement doit approuver la délibération du conseil à ce sujet.
Ainsi, à l’aide des produits de l’octroi, affranchissement complet de l’impôt
personnel, et, pour l’impôt mobilier, répartition au marc le franc, déduction
faite des petits loyers, totalement exemptés. Ce droit d’exemption des petits
loyers est complètement indépendant du droit d’exemption pour cause
d’indigence.
Impôt direct des portes et fenêtres. — L’impôt de répartition des portes
et fenêtres a été établi sous la période directoriale par la loi du 4 frimaire an
VII. Il fonctionnait déjà en Angleterre et on vantait son équité, car, reposant
sur le nombre des portes et fenêtres, il semblait ne pouvoir que difficilement
donner prise à l’arbitraire.
Bien que cet impôt soit de répartition, il nécessite l’établissement d’un
tarif. Le tarif n’indique pas, il est vrai, la somme à payer par le
contribuable ; il permet toutefois de la déterminer au moyen d’une règle de
proportion.
A l’époque de la répartition, en effet, le tarif est appliqué aux portes et
fenêtres de la commune. Si le total ainsi obtenu est inférieur ou supérieur au
contingent fixé, la cote de chacun est augmentée ou réduite
proportionnellement.
La matière imposable comprend les portes et fenêtres donnant sur les
rues, cours ou jardins des bâtiments et usines ; les portes intérieures des
appartements ne sont pas frappées de cet impôt. Mais la contribution est
applicable aux bains et aux moulins sur bateaux.
Dans l’intérêt de l’agriculture, la loi dispense de l’impôt les portes et
fenêtres des granges, étables, greniers et caves, et autres locaux non
destinés à l’habitation des hommes, ainsi que les ouvertures du comble ou
de la toiture des maisons habitées.
La même loi affranchit de la contribution des portes et fenêtres les
bâtiments ou portions de bâtiments affectés à des services publics. Quant
aux propriétaires des manufactures, ils ne seront taxés que pour les fenêtres
de leurs habitations personnelles et de celles de leurs concierges ou commis.
Pour l’établissement de certaines voies publiques, comme la rue de
Rivoli, on a accordé pour la contribution des portes et fenêtres, des
indemnités analogues à celles établies pour l’impôt foncier.
L’impôt foncier est dû par le propriétaire ; l’impôt personnel et mobilier
par celui qui habite l’appartement, c’est-à-dire par le locataire si
l’appartement est loué.
Qui doit l’impôt des portes et fenêtres ? Il faut ici distinguer s’il s’agit du
droit de poursuite ou du droit de contribution.
Si l’impôt n’est pas payé, c’est contre le propriétaire que l’administration
exerce son droit de poursuite ; c’est lui qu’elle attaque en remboursement.
Mais, en réalité, l’impôt n’est pas définitivement supporté par le
propriétaire, ce dernier ayant recours contre le locataire qui est tenu de
payer. Cette obligation à laquelle est astreint le locataire de subvenir au
paiement de l’impôt, est ce que l’on peut appeler le droit de contribution,
exercé contre le locataire.
Le tarif est établi d’après la population de la commune, et suivant le
nombre d’ouvertures.
Pour les fenêtres, on distingue selon qu’elles sont situées à tel ou tel
étage ; pour les portes, on les distingue en portes cochères, charretières, de
magasin, etc.
Mais on ne tient aucun compte, dans la loi fondamentale, des quartiers
dans lesquels sont situées les maisons sujettes à l’impôt des portes et
fenêtres.
De là, des critiques incessantes. On a fait droit à ces critiques dans les
villes de Paris, Lyon et Bordeaux, en vertu de textes spéciaux.
Le tarif est alors combiné de façon à tenir compte de la valeur locative et
du nombre des ouvertures, d’où il résulte que, dans ces villes, l’impôt est
plus élevé dans les quartiers riches que dans les quartiers pauvres.
Tous les ans, le contingent du département, de l’arrondissement et des
communes est augmenté, en raison des constructions élevées, déduction
faite des démolitions. Les contingents sont aussi modifiés en raison de ce
qu’un immeuble cesse d’être soumis à l’impôt, ou devient, au contraire,
imposable. Un immeuble qu’on affecte à un service public cesse d’être
imposable, un immeuble de l’État, vendu à des particuliers, le devient.
De même, le contingent de la commune croît avec la population de cette
commune, et diminue avec elle. On a fait l’application de ce principe,
quand on a étendu les limites de Paris jusqu’aux fortifications. Par cette
extension donnée à l’enceinte de la capitale, on a diminué les communes de
Neuilly, Gentilly, Ivry ; le contingent de ces communes a donc dû être
réduit.
Nous ne dirons rien du 2° degré et du 3° degré de répartition. Quant à la
répartition du 4e degré, qui a lieu entre les contribuables, elle est faite par
les commissaires répartiteurs assistés du contrôleur des contributions
directes.
Le quatrième grand impôt direct, le seul qui soit impôt de quotité, est la
contribution de la patente.
Impôt direct des patentes. — La loi du 25 avril 1844 qui règle la
matière a été modifiée par un très grand nombre de lois, parmi lesquelles il
faut citer la loi du 29 mars 1872, du 16 juillet de la même année et surtout
la loi du 15 juillet 1880. Cette dernière loi est actuellement la loi
fondamentale, à laquelle il est nécessaire de se reporter toutes les fois qu’il
s’agit de l’impôt des patentes.
Ces modifications incessantes tiennent surtout aux variations que
subissent les industries dans leur importance relative.
A l’origine, sous la Constituante, cet impôt fut uniquement fondé sur la
valeur locative de l’établissement : principe injuste, car une industrie très
lucrative peut s’exercer dans un local de peu d’importance.
La Convention ne tint compte que de la classification des professions,
d’après les bénéfices présumés ; nouvelle injustice, puisque, dans une
même profession, les bénéfices individuels sont loin d’être égaux.
La règle actuelle date de l’an III. A cette époque, il a été établi un double
tarif qui comporte : 1° un droit fixe, d’après l’importance présumée des
professions ; 2° un droit proportionnel, d’après les valeurs locatives.
On comprend, en effet, que dans une même profession, l’importance
locative puisse donner une idée des bénéfices probables.
La patente étant impôt de quotité, le budget n’indique que la valeur
approximative de cet impôt, d’après les recettes de l’année antérieure.
Tout individu, français ou étranger, qui exerce, en France, un commerce,
une industrie, une profession, est assujetti à la contribution des patentes, s’il
n’en est pas formellement dispensé par la loi. Sur ce point, la loi nouvelle
de 1880 a reproduit les termes de la loi de 1844.
Ainsi, la patente est un impôt indépendant de la nationalité. Le français
qui exerce une industrie en pays étrangers n’y est pas soumis ; mais
l’étranger qui exerce une industrie en France, en est frappé.
Aujourd’hui, les professions libérales sont soumises à la patente, et les
médecins, avocats, etc., qui, sous la législation de 1844, étaient affranchis
du paiement de cet impôt, en sont passibles depuis 1850.
La contribution des patentes se compose, comme nous l’avons dit, d’un
droit fixe et d’un droit proportionnel.
Certains contribuables paient l’un et l’autre de ces droits ; d’autres ne
paient que le droit proportionnel, à l’exclusion du droit fixe. Les professions
libérales, étant dans ce cas, ne sont soumises qu’au droit proportionnel du
1/15 de la valeur locative ; d’autres enfin, exemptés du droit proportionnel,
ne paient que le droit fixe.
Le droit fixe est établi d’après la nature et l’importance des professions.
La loi le règle conformément à la nomenclature contenue dans trois
tableaux, A, B, C, qui lui sont annexés.
Tableau A. Le tarif y est établi, eu égard à la population (on suppose que
les bénéfices croissent en raison de la population), et de l’importance
présumée des professions. Les professions y sont divisées en un certain
nombre de classes.
Dans une même profession, le marchand peut se trouver dans des
situations très diverses ; suivant les conditions dans lesquelles il exerce son
indusdrie, il est classé comme marchand de gros, de demi-gros ou de détail.
Aux termes de la loi de 1850, le marchand en gros est celui qui vend
habituellement à d’autres commerçants ; le marchand de demi-gros, celui
qui vend habituellement et aux débitants et aux consommateurs ; marchand
au détail, celui qui vend habituellement à des consommateurs.
Tableau B. Ce tableau comprend des professions fort lucratives
auxquelles on applique un droit fixe plus élevé. On a égard aussi à la
population, mais il n’y a pas de classes de professions dans ce tableau.
Chaque profession y est tarifée séparément : agents de change, banquiers,
etc.
Tableau C. Dans ce tableau, on n’a pas égard à la population ; il se
rapporte aux fabriques et aux manufactures.
Il n’y a pas lieu de considérer le chiffre de la population, car ces
établissements sont souvent situés dans des communes rurales où la valeur
locative est insignifiante. On établit alors, pour ce genre d’industrie, un tarif
combiné d’après le nombre des instruments de travail, des machines, des
ouvriers... etc.
Bien que les professions comprises dans les tableaux annexés soient très
nombreuses, il se forme, chaque jour, des industries nouvelles. Ces
professions, non dénommées dans les tableaux, sont tarifées par voie
d’analogie. Ce classement par analogie est fait par arrêté du préfet, rendu
sur la proposition du directeur des contributions directes, après avis du
maire de la commune. (Art. 4. L. 15 juillet 1880).
Tous les cinq ans, des tableaux additionnels contenant. la nomenclature
des commerces, industries et professions classés par voie d’assimilation
depuis trois ans au moins, sont soumis à la sanction législative.
Le patentable qui exerce plusieurs commerces, industries ou professions,
ne peut, en principe, être soumis qu’à un seul droit fixe. Ce droit est
toujours le plus élevé de ceux qu’il aurait à payer, s’il était assujetti à autant
de droits fixes qu’il exerce de professions. Il ne paraîtrait pas injuste, en
théorie, que le contribuable fùt passible d’autant de droits fixes qu’il exerce
de professions ; toutefois, le législateur, éclairé par la pratique, n’a pas
voulu qu’une trop grande quantité de droits fixes pût être accumulée sur une
même tête. L’application rigoureuse du principe eût d’ailleurs mis une
entrave à la liberté du commerce, et rendu intolérable la situation déjà
précaire des petits commerçants, qui, dans un grand nombre de communes,
ne peuvent parer aux nécessités de la vie qu’en exerçant simultanément
plusieurs professions différentes.
Des exceptions ont été apportées à cette règle par une loi de 1872. Aux
termes de cette loi, les patentables seront tenus de payer autant de droits
fixes qu’ils auront d’établissements séparés. Ces droits seront perçus dans la
commune de la situation de chaque établissement. Les art. 7 et 8 de la loi du
15 juillet 1880 règlent actuellement la matière ; ils sont ainsi conçus : « Le
patentable qui, dans le même établissement, exerce plusieurs commerces,
industries ou professions, ne peut être soumis qu’à un seul droit fixe. Ce
droit est le plus élevé de ceux qu’il aurait à payer s’il était assujetti à autant
de droits fixes qu’il exerce de professions...., etc. (Art. 7).
« Le patentable ayant plusieurs établissements, boutiques ou magasins de
même espèce ou d’espèces différentes, est, quel que soit le tableau auquel il
appartient comme patentable, passible d’un droit fixe, en raison du
commerce, de l’industrie ou de la profession exercée dans chacun de ces
établissements, boutiques ou magasins.
Les droits fixes sont imposables dans les communes où sont situés les
établissements, boutiques ou magasins qui y donnent lieu. » (Art. 8).
Le droit proportionnel est établi sur la valeur locative, tant de la maison
d’habitation que des magasins, boutiques, usines, ateliers, hangars, remises,
chantiers et autres locaux servant à l’exercice des professions imposables.
L’impôt est dû lors même que le logement et les locaux occupés sont
concédés à titre gratuit.
La valeur locative est déterminée, soit au moyen de baux authentiques ou
de déclarations de locations verbales dûment enregistrées, soit par
comparaison avec d’autres locaux dont le loyer aura été régulièrement
constaté, ou sera notoirement connu, et, à défaut de ces bases, par voie
d’appréciation. L’appréciation est faite par les commissaires répartiteurs.
L’impôt des patentes n’atteint qu’une certaine catégorie de personnes ;
parmi les citoyens qui n’en sont point frappés, il faut citer les fonctionnaires
et salariés de l’État, des départements et des communes, en ce qui concerne
leurs fonctions seulement, car s’ils sont trop payés, le moyen le plus simple
est de diminuer leurs appointements. Mais s’ils exercent, en même temps
une autre profession, ils seront assujettis à la patente à raison de la
profession exercée.
Ainsi les professeurs de la faculté de droit seront exemptés de la patente,
mais s’ils se font inscrire au tableau des avocats, ils payent patente en cette
qualité.
Les patentes sont personnelles et ne peuvent servir qu’à ceux à qui elles
sont délivrées. — Le principe de l’annualité de l’impôt s’applique
également à la patente, par cela seul qu’elle est un impôt direct. Un avocat
est-il nommé juge au 1er février, il n’en doit pas moins une patente d’avocat
pour toute l’année. D’après ce principe, si un commerçant cédait son
établissement, son successeur devrait la patente du jour de sa prise de
possession, et l’ancien propriétaire continuerait de la devoir pour toute
l’année. S’il en était ainsi, la règle serait trop dure ; aussi la loi a-t-elle
déclaré, qu’en cas de cession, la patente serait, sur la demande du cédant,
transférée au cessionnaire. Cette mutation est réglée par le préfet.
En cas de fermeture d’un établissement, par suite de décès ou de faillite,
la taxe n’est due que pour le passé et pour le mois courant.
Il est prélevé huit centimes par franc sur le principal de l’impôt des
patentes au profit de la caisse municipale, c’est-à-dire au profit de la
commune.
Taxes assimilées aux impôts directs. — Un grand nombre de taxes sont
assimilées aux contributions directes, et sont perçues en vertu de rôles
nominatifs. Telles sont les taxes établies sur les chevaux, voitures, cercles,
billards, etc.
Recouvrement et contentieux des impôts directs. — Les règles
relatives au recouvrement et au contentieux sont communes à tous les
impôts directs.
Le rôle nominatif des contributions directes est rendu exécutoire par le
préfet ; l’impôt est perçu par douzième par les soins du percepteur ; un
premier avertissement rédigé en même temps que les rôles, fait connaître au
contribuable la somme dont il est redevable.
Dans le but de faire rentrer l’impôt, deux sortes de poursuites peuvent
être exercées contre les contribuables : les unes administratives, les autres
judiciaires.
L’État, créancier de l’impôt, peut exercer contre les débiteurs tous les
modes d’exécution du droit commun, et tout contribuable en retard, est
exposé à être poursuivi dans les dix jours qui suivent l’échéance du
douzième de contribution dû.
Parmi les réclamations que peuvent former les contribuables contre la
part de contribution mise à leur charge, les plus importantes sont les
demandes en dégrèvement.
Les demandes en dégrèvement faites par les particuliers, prennent le nom
de demandes en décharge et en réduction, et de demandes en remise et
modération. C’est à l’autorité administrative qu’il appartient de statuer sur
ces réclamations ; les premières sont de la compétence du conseil de
préfecture, nous les avons examinées plus haut en étudiant ce tribunal
administratif. Quant aux demandes en remise et modération, c’est le préfet
qui en connaît et qui prononce, sauf recours au ministre des Finances.
Quand il y a demande en remise ou modération, le contribuable,
régulièrement imposé, sollicite l’exemption totale ou partielle de la cote de
contribution dont il est frappé ; il invoque, par exemple, à l’appui de sa
réclamation, un désastre subi, une récolte perdue par la grêle ou enlevée par
l’inondation. Ici, il n’y a pas de droit violé, le contribuable se reconnaît
débiteur de l’impôt, mais il sollicite une dispense ou une atténuation fondée
sur des considérations particulières.
Outre les réclamations des contribuables qui sont individuelles, il peut y
avoir des demandes collectives. Ces dernières sont faites par les
percepteurs. Ces fonctionnaires ont, en effet, le droit de présenter des
demandes tendant à la suppression de l’impôt en faveur de personnes
indûment imposées. Ces demandes sont jugées par les conseils de
préfecture.
Toute réclamation faite par un particulier doit être formée dans les trois
mois de la publication des rôles ; elle doit être écrite sur papier timbré,
excepté si la cote est inférieure à 30 francs. Le contribuable doit joindre la
quittance établissant qu’il a payé les termes échus, sauf à être remboursé s’il
a gain de cause.
La demande est adressée au préfet ou au sous-préfet, transmise ensuite au
contrôleur qui vérifie les faits et donne son avis, après avoir pris celui des
répartiteurs. Le directeur des contributions directes est consulté. Si l’avis de
ce dernier est contraire à la prétention du contribuable, celui-ci est invité à
faire de nouvelles observations ou à dire s’il veut une expertise.
Le conseil de préfecture statue en dernier ressort, sauf recours, sans frais,
au conseil d’État.
Impôts indirects. — Nous passerons plus rapidement sur les impôts
indirects ; ils forment la principale des ressources du Trésor. Sur les 2
milliards 500 millions (environ) du budget de l’État, les contributions
directes figurent pour 500 millions, les contributions indirectes pour 2
milliards.
Parmi ces impôts, qui sont très nombreux et dont les uns sont établis au
profit de l’État, les autres au profit des communes, il faut citer
l’enregistrement, le timbre, les droits de greffe et d’hypothèque, les droits
de douane, les droits sur les boissons, (comprenant les droits de circulation
ou d’expédition, d’entrée, de vente au détail, de licence ou autorisation de
fabriquer et de débiter), l’impôt sur le sel, sur le sucre indigène, sur les
papiers, les huiles minérales, les bougies, les transports de voyageurs ou de
marchandises par chemins de fer, enfin les octrois.
Des monopoles. — Il faut ajouter à cette nomenclature qui n’est pas
complète, les monopoles qui constituent une autre forme de l’impôt
indirect.
Pour assurer le recouvrement des produits des monopoles, l’État se
substitue à l’industrie privée ; il est à la fois acheteur et vendeur.
Les monopoles sont, dans la législation actuelle, ceux de la vente de la
poudre à feu, des tabacs, des allumettes chimiques, des cartes à jouer, des
postes et de la télégraphie privée.
Nous rappelons que le contentieux des impôts indirects est de la
compétence de l’autorité judiciaire, et que ces impôts qui sont tous de
quotité, sont perçus en vertu d’un tarif, et non pas sur un rôle nominatif,
comme les contributions directes.
Nous donnerons quelques idées générales sur les octrois, et seulement
des définitions sur les impôts du timbre et de l’enregistrement.
De l’octroi. — L’octroi est un impôt indirect perçu au profit des
communes, sur les objets destinés à la consommation locale. Cet impôt qui
existait sous l’ancien régime tire son nom de ce que le roi octroyait à une
ville le droit de s’imposer.
Dans la législation actuelle, l’établissement des taxes d’octroi votées par
les conseils municipaux nécessite toujours l’approbation du chef de l’État,
par un décret rendu en conseil d’État.
Les taxes d’octroi peuvent porter sur les boissons et liquides, sur les
comestibles, les combustibles, les fourrages et les matériaux.
Parmi les comestibles, on comprend les objets servant habituellement à la
nourriture des hommes, mais on en excepte les grains, farines, fruits,
beurre, lait, légumes et autres menues denrées.
Les manufactures ne sont pas soumises au droit d’octroi à raison du
combustible qu’elles emploient. (Décret du 12 févr. 1870).
Les tarifs sont dressés par le conseil municipal, sauf approbation par
l’autorité supérieure, s’il y a lieu.
Les droits d’octroi sont généralement perçus à l’entrée sur le territoire de
la commune ; mais les objets à destination d’une ville déterminée ne sont
pas assujettis à payer les droits d’octroi dans les communes qu’ils ne font
que traverser.
Quand les objets traversent un lieu sujet à l’octroi ou y font un séjour
moindre de 24 heures, on en fait la déclaration au bureau d’entrée et on se
munit d’un permis de passe-debout, délivré sur le cautionnement ou la
consignation des droits. La restitution des sommes consignées, ainsi que la
libération de la caution s’opèrent au bureau de sortie. Lorsqu’il sera
possible de faire escorter le chargement, le conducteur sera dispensé de
consigner ou de faire cautionner les droits.
Si le séjour doit durer plus de 24 heures, on doit faire une déclaration de
transit, avec indication des objets et du lieu où ils sont déposés.
Quand on apporte des marchandises dans une ville, on ignore si elles y
seront consommées. L’administration donne alors la faculté de déposer les
marchandises dans les magasins appartenant à l’octroi, et le droit n’est payé
que pour la portion vendue dans la localité. La portion à laquelle est
réservée une destination extérieure n’est pas assujettie aux droits d’octroi.
L’entrepôt est réel, quand il se fait dans les magasins même de l’octroi ;
fictif, quand il est à domicile, c’est-à-dire chez le débitant lui-même. Il n’y
a pas d’entrepôt fictif, quand la commune possède un entrepôt réel.
Modes d’administration de l’octroi. — Il y a quatre modes
d’administration de l’octroi : 1° la régie simple ; 2° la régie intéressée ; 3°
la ferme ; 4° l’abonnement avec l’administration des contributions
indirectes.
1° Régie simple. — Dans la régie simple, les droits sont perçus par des
préposés salariés de la commune et entre dans la caisse municipale.
2° Régie intéressée. — La régie intéressée résulte d’une convention
passée entre la ville et le régisseur. Celui-ci perçoit les droits d’octroi et
paie à la ville une somme déterminée. Si les produits de l’octroi sont
supérieurs à cette somme, l’excédant est partagé entre la commune et le
régisseur.
3° Bail à ferme. — Dans le bail à ferme, le fermier perçoit les produits et
paie une somme annuelle à la commune.
4° Abonnement avec l’administration des contributions
indirectes. — Outre les droits d’octroi, il y a, sur certaines denrées, des
impôts établis au profit de l’État ; tels sont les droits d’entrée sur les
boissons. L’État ayant déjà des préposés pour percevoir ces droits, la
commune a économie à charger les préposés de l’État de percevoir
également l’octroi, en leur allouant un supplément de salaire. C’est
l’abonnement avec l’administration des contributions indirectes.
Contentieux. — En ce qui concerne le contentieux en matière de droits
d’octroi, les difficultés qui peuvent s’élever sont tantôt de la compétence
judiciaire, tantôt de la compétence administrative.
Le juge de paix, le tribunal correctionnel, le tribunal civil, dans l’ordre
judiciaire ; le conseil de préfecture, dans l’ordre administratif, sont
alternativement appelés, suivant les cas, à trancher les questions litigieuses
qui se rattachent à cet impôt communal.
De l’enregistrement. — L’enregistrement est un impôt indirect que l’on
paie pour tous les actes soumis à l’inscription sur des registres publics. Il
date du règne de François 1er, et s’applique, encore aujourd’hui, aux actes
notariés, aux actes d’huissiers, aux actes de vente, aux successions, etc. Cet
impôt forme une des principales branches du revenu public.
L’accomplissement de la formalité de l’enregistrement a pour effet de
donner date certaine aux actes qui y sont soumis.
Les droits d’enregistrement se subdivisent en droits fixes, droits fixes
gradués et droits proportionnels.
Aux termes de la loi fondamentale du 22 frimaire an VII, « le droit fixe
s’applique aux actes, soit civils, soit judiciaires ou extrajudiciaires, qui ne
contiennent ni obligation, ni libération, ni condamnation, collocation et
liquidation de sommes et valeurs, ni transmission de propriété, d’usufruit ou
de jouissance de biens meubles ou immeubles ». (art. 3).
« Le droit proportionnel est établi pour les obligations, libérations,
condamnations, collocations ou liquidations de sommes et valeurs, et pour
toute transmission de propriété, d’usufruit ou de jouissance de biens
meubles et immeubles, soit entre vifs soit par décès. Il est assis sur les
valeurs ». (art. 4).
Le droit fixe gradué est une création de la loi du 28 février 1872 ; aux
termes de cette loi, art. 1er, les actes soumis au droit fixe gradué sont
notamment : les actes de formation et de prorogation de société ; les
contrats de mariage ; les partages de biens meubles et immeubles entre
copropriétaires, cohéritiers et coassociés.
Le taux du droit fixe gradué est fixé ainsi qu’il suit : « à 5 francs pour les
sommes ou valeurs de 5,000 francs et au-dessous, et pour les actes ne
contenant aucune énonciation de sommes et valeurs, ni dispositions
susceptibles d’évaluation ; à 10 francs pour les sommes supérieures à 5,000
francs, mais n’excédant pas 10,000 francs ; à 20 francs pour les sommes ou
valeurs supérieures à 10,000 francs, mais n’excédant pas 20,000 francs ; et
ensuite à raison de 20 francs par chaque somme ou valeur de 20,000 francs
ou fractions de 20,000 francs ».
Du Timbre. — L’impôt du timbre est une contribution que la loi rend
obligatoire pour tous les actes civils et judiciaires et pour les écritures qui
peuvent être produites en justice. Il est établi sur des papiers fabriqués par
l’État, marqués d’un timbre spécial, qu’on connaît communément sous le
nom de papiers timbrés.
LA DETTE PUBLIQUE ; — LA RENTE.

De la Dette publique. — De ses origines. — Il faut remonter au XIVe


siècle pour retrouver l’origine historique de la dette publique. Elle devint
permanente à partir de François 1er. Ce prince, après les revers qu’il avait
éprouvés en Milanais, établit, en 1535, les rentes sur l’Hôtel-de-Ville de
Paris. Ses prédécesseurs avaient eu recours au crédit ; ses successeurs ne se
firent non plus faute de recourir à l’emprunt. Henri II, plus tard Louis XIII,
puis Louis XIV, Louis xv et Louis XVI, contribuèrent à augmenter
sensiblement la dette publique.
Bien que la dette publique ait pour base principale l’emprunt, de
l’emprunt seul ne naissent pas les dettes de l’État : marchés de fournitures,
adjudications de travaux publics, ventes et acquisitions de meubles et
d’immeubles, autant de causes efficientes de la dette de l’État.
Rentes. — Bons du Trésor. — L’État se libère de ses dettes par
différents moyens, mais plus particulièrement par la constitution de rentes
et par l’émission des bons du Trésor : ceux-ci destinés à faire face aux
engagements pris par l’État et réalisables à des échéances variables ; celles-
là représentant les intérêts annuels des capitaux empruntés ou des dettes
contractées, sans aucun engagement de la part de l’État de rembourser le
capital à une époque déterminée.
De l’institution du grand-livre de la dette publique. — C’est en 1793
que Cambon, pour effacer les différences entre les rentes constituées par
l’ancienne monarchie et celles qu’avait créées la Révolution institua le
grand-livre de la dette publique, qui est encore aujourd’hui le titre
fondamental des créanciers de rentes sur l’État.
Depuis cette époque « les rentes publiques ont été payées par le Trésor et
divisées en rentes viagères et rentes consolidées ; les premières qui
s’éteignent avec la vie du prêteur ou du fonctionnaire qui a droit à une
pension de retraite, les autres qui donnent droit à l’intérêt du capital, sans
que l’État soit forcé de payer le principal à une époque déterminée ». (Dict.
de Chéruel).
Dette consolidée ou dette fondée. — La dette consolidée ou dette fondée
comprend les rentes perpétuelles 3 0/0, 4 0/0 et 4 1/2. Le rentier ou prêteur
de l’État a droit à 3fr, 4fr ou 4fr 50 de rente pour 100 francs de capital versé
à l’État emprunteur, capital dont le prêteur n’a pas le droit d’exiger le
remboursement, tant que les arrérages lui sont servis, mais que l’État peut
rembourser à son gré
Aucune émission de rente perpétuelle ne peut être autorisée autrement
que par une loi.
Les dépenses nécessaires au service de la rente sont inscrites
annuellement au budget. Elles y figurent pour une somme de plus de 740
millions de francs.
Chaque crédi-rentier, muni d’un titre nominatif, prêteur de l’État, est
inscrit au grand-livre de la dette publique ; extrait de cette inscription lui est
délivré. Le grand-livre est ainsi le titre unique et fondamental de toutes les
rentes inscrites au profit des créanciers de l’État.
Aucune inscription n’est faite pour une somme moindre de 3 francs de
rente.
Dette viagère. — A côté de la dette consolidée, la dette viagère, qui
comprend les sommes dues par l’État, pour pensions civiles et militaires, et
aussi les sommes dues aux porteurs de livrets de la caisse des retraites pour
la vieillesse.
La dette consolidée et la dette viagère constituent les dettes de l’État à
capital non exigible, avec cette différence toutefois, que l’État a la liberté de
rembourser le capital des rentes perpétuelles, tandis qu’il ne lui est pas
loisible de rembourser le capital des rentes viagères et des pensions.
Les arrérages des rentes perpétuelles et viagères se prescrivent par cinq
ans, il n’en est pas de même de la rente elle-même qui est imprescriptible.
Les rentes sur l’État sont insaisissables par les créanciers du titulaire.
Les pensions civiles et militaires sont, en principe, insaisissables ; la
saisie est possible toutefois sur les pensions militaires jusqu’à concurrence
du 1/5, si le pensionnaire est créancier de l’État ; pour ce qui est des
pensions civiles, la saisie peut aussi être opérée, jusqu’à concurrence du 1/5
par certains créancier privilégiés.
Les pensions militaires et les pensions civiles sont incessibles.
Dette flottante. — On désigne enfin une autre partie de la dette publique
sous le nom de dette flottante.
La dette flottante « est constituée par l’ensemble des créances pour
lesquelles il n’a pas été stipulé de date fixe de remboursement, et dont le
paiement peut être réclamé au Trésor d’un moment à l’autre ». (Dict. de
Blanche).
Sous cette dénomiation de dette flottante rentrent : les emprunts
temporaires que le Trésor contracte sous la forme de bons payables à courte
échéance ; les dépôts faits à la caisse des consignations, dépôts des
communes et des établissements publics ; cautionnements d’entrepreneurs
de travaux publics ; les avances faites au Trésor par les receveurs généraux.
La dette flottante rentre dans la catégorie des dettes à capital exigible.
Le total de la dette flottante en France, s’élève aujourd’hui à 2 milliards
environ.
CONFECTION DU BUDGET : RECETTES ET DÉPENSES.
Du budget. — Définition. — Le budget est l’acte par lequel sont
prévues et autorisées les recettes et les dépenses annuelles de l’État ou des
autres services que les lois assujettissent aux mêmes règles. (Décret 31 mai
1862, art. 5).
Il comprend des recettes et des dépenses : celles-ci sont examinées par
les Chambres avant les recettes, et sont réparties par ministère, par chapitres
et par articles.
L’exercice est la période d’exécution des services d’un budget. Le budget
se règle par exercice.
Les recettes et les dépenses publiques à effectuer pour le service de
chaque exercice sont autorisées par les lois annuelles de finances.
Confection du budget. — Chaque année les différents ministres
préparent le budget de leur département respectif. Le ministre des Finances
centralise ces budgets et y ajoute celui des recettes pour compléter le budget
général de l’État.
Le projet de budget est imprimé, distribué, et présenté aux deux
Chambres, avant l’ouverture de chaque exercice ; à la Chambre des députés
d’abord, puis au Sénat ; il est voté par chapitres.
Voté, en général, l’année qui précède l’ouverture de l’exercice, le budget
peut être rectifié, s’il y a lieu, pendant le cours de l’exercice. Les opérations
de régularisations font l’objet de lois spéciales dites du budget rectificatif.
La durée de la période pendant laquelle doivent se consommer tous les
faits de recette et de dépense de chaque exercice se prolonge :
1° Jusqu’au 1er février de la seconde année, pour achever, dans la limite
des crédits ouverts, les services du matériel dont l’exécution commencée
n’aurait pu être terminée avant le 31 décembre précédent, pour des causes
de force majeure ou d’intérêt public, qui doivent être énoncés dans une
déclaration de l’ordonnateur jointe à l’ordonnance ou au mandat ;
2° jusqu’au 31 juillet, pour la liquidation et l’ordonnancement des
sommes dues aux créanciers ;
3° jusqu’au 31 août de cette seconde année, pour compléter les
opérations relatives au recouvrement des produits et au payement des
dépenses.
A l’expiration de ce délai, il n’y a pas prescription ; mais les créanciers
sont déchus du droit de faire liquider le montant de leurs créances sur les
ressources de l’année précédente, et ils doivent remplir des formalités
spéciales pour être payés sur le nouvel exercice
La prescription au profit de l’État s’opère par cinq ans, pour les
créanciers ; domiciliés en Europe, par six années pour les créanciers
résidant hors du territoire européen. « Sont prescrites et définitivement
éteintes au profit de l’État, toutes les créances qui, n’ayant pas été
acquittées avant la clôture des crédits de l’exercice auquel- elles
appartiennent, n’auraient pu, à défaut de justifications suffisantes, être
liquidées, ordonnancées, et payées dans un délai de cinq années, à partir de
l’ouverture de l’exercice, pour les créanciers domiciliés en Europe, et de six
années pour les créanciers résidant hors du territoire européen. » (D. 31 mai
1862. Art. 136).
La loi annuelle de finances ouvre les crédits nécessaires à couvrir les
dépenses présumées ; il est pourvu à ces dépenses par les voies et moyens
compris au budget des recettes.
Budget des recettes. — En ce qui concerne le budget des recettes, aucun
impôt ne peut être établi ni perçu s’il n’a été voté par les deux Chambres.
Les impôts de répartition sont consentis pour un an ; tous les autres
impôts peuvent l’être pour plusieurs années ; les lois annuelles de finances
en autorisent, chaque année, la perception.
La perception des deniers de l’État ne peut être effectuée que par un
comptable du Trésor et en vertu d’un titre légalement établi.
Toutes contributions directes ou indirectes autres que celles qui sont
autorisées par les lois de finances, à quelque titre ou sous quelque
dénomination qu’elles se perçoivent, sont formellement interdites, à peine,
contre les autorités qui les ordonneraient, contre les employés qui
confectionneraient les rôles et tarifs et ceux qui en feraient le recouvrement,
d’être poursuivis comme concussionnaires, sans préjudice de l’action en
répétition, pendant trois années, contre tous receveurs, percepteurs ou
individus qui auraient fait la perception. (Art. 38. D. 31 mai 1862).
Cet article est reproduit, chaque année, à la fin de la loi de finances.
Budget des dépenses. — En ce qui concerne le budget des dépenses, le
rôle du pouvoir législatif n’est pas d’autoriser les dépenses en bloc. Si les
crédits étaient votés en bloc, le contrôle législatif deviendrait impossible.
Dans les pays, où le régime parlementaire est établi, ce contrôle s’exerce
d’une manière efficace sur tous les services publics, puisqu’il est attribué à
chaque service une allocation spéciale ; c’est ce qu’on appelle la spécialité
des crédits.
Le principe de la spécialité des crédits fut introduit par la loi du 29
janvier 1831 ; depuis cette époque, le service de chaque ministère est divisé
en chapitres, correspondant aux divers services spéciaux, et les sommes
affectées par la loi de finances à un chapitre déterminé ne peuvent être
appliquées à un autre chapitre.
De 1831 à 1871, le principe de la spécialité des crédits n’a pas toujours
été scrupuleusement observé ; mais depuis la loi du 16 septembre 1871, le
vote par chapitres n’a cessé d’être respecté.
Aux termes de cette loi : « Le budget est voté par chapitres. » (Art. 30).
Les suppléments de crédits nécessaires pour subvenir à l’insuffisance,
dûment justifiée, des fonds affectés à un service porté au budget, ne
pourront être accordés que par une loi, sauf le cas de prorogation de
l’Assemblée nationale.
« La même disposition est applicable aux crédits extraordinaires. Ces
derniers ne peuvent être demandés que pour des services qui ne pouvaient
pas être prévus et réglés par le budget. » (Art. 31).
« Dans le cas de prorogation de l’Assemblée nationale, les crédits
supplémentaires et extraordinaires ne pourront être ouverts que par des
décrets rendus en conseil d’État, après avoir été délibérés et approuvés en
conseil des ministres. Ces décretst devront être soumis à la sanction de
l’Assemblée nationale dans la première quinzaine de la plus prochaine
réunion. » (Art. 32).
Règlement définitif des budgets. — Loi des comptes. — Le règlement
définitif des budgets est l’objet d’une loi particulière. Les comptes des
ministres sont joints à la proposition de cette loi, qui porte le nom de loi des
comptes. Le pouvoir législatif peut aussi contrôler si les recettes et les
dépenses ont été faites conformément aux crédits ouverts.
La loi des comptes est calquée sur celle du budget.
Pour ce qui est de l’utilité d’un budget, elle était reconnue dès 1601 : « Je
ne saurais croire, disait Sully, que l’idée de ces sortes de formules ne soit
pas venue à quelqu’un depuis que les finances ont été assujetties à quelques
règlements ; l’intérêt seul doit en avoir empêché l’exécution. Quoi qu’il en
soit, je soutiendrai toujours que, sans ce guide, on ne peut travailler qu’en
aveugle ou en fripon. »
LES DÉPENSES ; — LEUR RÉPARTITION ; — LE GOUVERNEMENT ET LES
CHAMBRES ; — LA DÉFENSE DE LA PATRIE ; — LA
JUSTICE ; — L’INSTRUCTION PUBLIQUE ; — LES TRAVAUX
PUBLICS ; — LA REPRÉSENTATION EXTÉRIEURE.

Les dépenses ; leur répartition. — L’État a pour mission de donner


satisfaction aux intérêts généraux. Pour remplir cette mission, il a besoin de
ressources. Le domaine de l’État, dans une faible mesure ; les impôts
directs, indirects, de répartition, de quotité, dans une proportion plus élevée,
constituent les ressources ordinaires dont l’insuffisance oblige l’État à se
créer des ressources extraordinaires au moyen d’emprunts.
Comment à l’aide de ces ressources, l’État peut-il donner satisfaction aux
intérêts généraux ?
Les intérêts généraux touchent surtout à la sécurité publique, au bien-être
matériel, au développement intellectuel et moral de la nation, et à la
bienfaisance publique.
La société a besoin de sécurité extérieure et de sécurité intérieure. A la
sécurité extérieure se rattachent les relations internationales, l’organisation
de l’armée de terre et de l’armée de mer, les servitudes militaires, les
expropriations dans l’intérêt des fortifications, le recrutement.
A la sécurité intérieure, l’organisation de la force publique, la police
administrative, la police judiciaire, dont l’une a pour but de prévenir les
délits, l’autre de les rechercher et d’en saisir les auteurs.
Pour procurer le bien-être matériel, l’État a recours à différents moyens :
entreprises de travaux publics, construction de canaux, ouverture de routes
et chemins, concessions de chemins de fer, expropriations pour cause
d’utilité publique ; il favorise le développement de l’agriculture, fait
protéger la fabrication nationale contre la contrebande étrangère par
l’administration douanière.
Les questions qui se rattachent au développement intellectuel et moral de
la nation comprennent : les rapports entre l’église et l’État, la mission de
surveillance et de protection dévolue à l’État sur les cultes reconnus, les
mesures à prendre par le gouvernement pour assurer le respect de la liberté
religieuse, et aussi le respect de la liberté de l’enseignement sous les
conditions de capacité et de moralité déterminées par les lois.
Enfin, en ce qui concerne la bienfaisance publique, l’État a le devoir
d’encourager le travail, de soulager la misère, et, pour y parvenir, de créer
des établissements de bienfaisance et d’en favoriser le développement.
C’est à ces différents objets que s’appliquent les dépenses de l’État.
Les deniers publics, servent ainsi à acquitter les engagements souscrits
par l’État, à éteindre la dette publique et à payer les dotations ; à pourvoir
aux frais de régie et de perception des impôts ; à faire face aux
remboursements ; et enfin à alimenter les services généraux des ministères,
à assurer la défense et l’administration du pays.
Les crédits nécessaires à la marche régulière de tous les services publics
ressortissant aux différents ministères, sont de beaucoup les plus
considérables.
Les traitements affectés aux membres du gouvernement, au Président de
la République et à sa maison militaire, aux ministres et aux sous-secrétaires
d’État, aux membres des deux Chambres n’absorbent qu’une part,
relativement faible, de la fortune publique.
La défense de la patrie, l’administration de la justice, l’instruction
publique, les travaux publics, la représentation extérieure, imposent au
Trésor des charges infiniment plus lourdes, et supposent une hiérarchie de
fonctionnaires publics dont nous examinerons, plus loin, les principales
attributions.
LES FONCTIONNAIRES ; — LES DIVERS MINISTÈRES ; — ORGANISATION
GÉNÉRALE DES PRINCIPAUX SERVICES PUBLICS.

Des fonctionnaires. — De la hiérarchie. — Les principaux


fonctionnaires sont les ministres, les préfets et sous-préfets, les maires et
leurs adjoints ; les membres des cours et tribunaux ; les officiers de police
judiciaire ; les membres de la Cour des comptes, du conseil d’État, des
conseils de préfecture ; les membres du corps diplomatique, ambassadeurs
et agents consulaires ; les membres du corps enseignant ; les officiers de
terre et de mer ; les agents chargés de l’assiette et de la perception des
impôts, du paiement des dépenses publiques, de la gestion du domaine ; les
agents chargés de la direction et de la surveillance des travaux publics ; les
secrétaires généraux, directeurs généraux et inspecteurs généraux des
différents services.
Tous les fonctionnaires d’un même ordre, et appartenant à la même
administration, sont subordonnés les uns aux autres, les fonctionnaires du
rang le moins élevé obéissant aux fonctionnaires du grade immédiatement
supérieur ; c’est ce qu’on appelle la hiérarchie. Il y a ainsi une hiérarchie
administrative, judiciaire, militaire, universitaire.
Le plus haut fonctionnaire de l’État est le Président de la République ;
immédiatement au-dessous de lui les ministres, ses auxiliaires, investis,
chacun dans le cercle de ses attributions, d’une part du pouvoir exécutif.
Les divers ministères. — Il y a, aujourd’hui en France, onze ministères ;
nous les avons énumérés plus haut.
L’administration des Cultes a été successivement rattachée au ministère
de l’Intérieur et au ministère de l’Instruction publique ; elle appartient
actuellement au ministère de la Justice, depuis un décret du 27 février 1883.
La plupart des ministères sont pourvus de sous-secrétaires d’État,
chargés, d’une manière générale, de l’expédition des affaires, et parfois
aussi, spécialement délégués à l’administration d’un grand service public.
Ministère des Affaires étrangères. — Au ministère des Affaires
étrangères (autrefois ministère des relations extérieures), se rattachent la
négociation et l’exécution des traités d’alliance et de commerce, les
conventions politiques avec les nations étrangères, les rapports avec les
ambassadeurs, ministres, agents diplomatiques et consulaires des
puissances, accrédités auprès du Président de la République, et avec les
agents français accrédités auprès des autres gouvernements. Il protège les
intérêts moraux, matériels et commerciaux de nos nationaux, là où flotte le
pavillon de la France. C’est à ce ministère (qui comprend une direction des
affaires politiques, une direction des affaires commerciales et plusieurs
sous-directions), que sont conservés les traités et documents diplomatiques
et déposées les cartes qui fixent exactement les limites de la mère patrie.
Ministère de la Guerre. — Au ministère de la Guerre se traitent toutes
les questions relatives au personnel et au matériel de l’armée active, de la
réserve de cette armée et de l’armée territoriale ; au recrutement, à
l’inspection, à la police, au logement, à l’habillement, à l’équipement, au
campement, aux ambulances, à la discipline des armées, aux récompenses
militaires, au personnel des états-majors, à la nomination aux grades, aux
mouvements des troupes, au service des vivres, aux hôpitaux militaires, aux
pensions militaires, aux conseils de guerre, aux fortifications, aux dépôts
d’artillerie, aux forges, fonderies, manufactures d’armes, poudres et
salpêtres ; aux écoles militaires et d’appplication, etc.
Ce ministère comporte également un certain nombre de directions et de
bureaux ; il conserve les cartes et plans de la guerre, et centralise les travaux
géodésiques et topographiques.
Ministère de la Marine. — Au ministère de la Marine, appartient
l’administration des ports et des arsenaux, la nomination des officiers de
mer et des employés des ports et arsenaux. Approvisionnements maritimes,
hôpitaux maritimes, direction des forces navales et leurs opérations,
inscription maritime, correspondance avec les consuls français, autant
d’objets ressortissant au ministère de la Marine. Ce ministère a
l’administration des Colonies, et conserve les archives de la marine et les
cartes maritimes.
Ministère de l’Intérieur. — Le rôle du ministère de l’Intérieur est de
veiller à la sûreté et à la tranquillité publiques, à l’exécution des lois de
police générale ; il dirige l’administration départementale et municipale,
l’administration des prisons, des hôpitaux, des établissements de charité,
des monts-de-piété ; il constate le chiffre de la population par des
recensements, et assure l’entretien des dépôts de mendicité.
Aussi les services de ce ministère sont-ils répartis entre un certain
nombre de directions : direction de la presse, direction du secrétariat et de la
comptabilité, des affaires départementales et communales, de
l’administration pénitentiaire, de la sûreté générale, desservies elles-mêmes
par un grand nombre de divisions et de bureaux.
Ministère des Finances. — Le ministère des Finances est chargé du
mouvement des fonds, des négociations et des opérations de trésorerie, de la
comptabilité des deniers de l’État, de l’établissement et du règlement du
budget général de chaque exercice, de la répartition des fonds entre les
divers ministères, de la dette publique et des pensions civiles et militaires. Il
propose la loi relative à l’assiette de l’impôt, à la répartition et au
recouvrement des contributions directes, ainsi qu’à la perception des
contributions indirectes ; il a la surveillance des administrations financières.
Il a pour dépendances : la direction des contributions directes, la
direction de l’enregistrement, du domaine et du timbre, la direction générale
des contributions indirectes, l’administration des monnaies et médailles.
Ministère de l’Agriculture. — Au ministère de l’Agriculture
ressortissent l’Institut national agronomique, les fermes-écoles, les stations
agronomiques, séricoles, œnologiques et vinicoles ; les différentes écoles
d’agriculture, les écoles vétérinaires, la direction des haras, la direction des
forêts comprenant le service du personnel et du contrôle, le service de
l’aménagement et de l’exploitation ; le service des reboisements et travaux ;
le service du contentieux et de la comptabilité. Il distribue les
encouragements et les secours à l’industrie rurale ; favorise le drainage, les
dessèchements, assainissements et irrigations.
L’agriculture, le commerce et les travaux publics firent longtemps partie
d’un ministère unique ; puis la création d’un ministère spécial des travaux
publics fut décidée, l’agriculture et le commerce restant entre les mains
d’un même ministre.
Ministère du Commerce. — Aujourd’hui l’agriculture et le commerce
sont deux administrations distinctes : il existe un ministère du Commerce. Il
appartient à ce ministère de préparer les lois et règlements relatifs au
commerce intérieur, aux arts et manufactures, aux écoles industrielles, aux
poids et mesures, aux entrepôts et docks ; il est préposé à l’exécution des
règlements sur le travail des enfants dans les manufactures, chargé de
l’étude des tarifs douaniers et des traités de commerce ; de la préparation
des lois et décrets sur la marine marchande ; de la distribution des
encouragements au commerce et à l’industrie ; il centralise les documents
officiels et autres, concernant la navigation, le commerce et l’industrie de
tous les pays. Il prépare et exécute les lois et règlements sur la police
sanitaire, les épizooties et l’inspection des bestiaux à la frontière.
Ministère des Travaux publics. — Du ministère des Travaux publics
dépendent les administrations des ponts et chaussées, des mines et miniers,
des bâtiments civils ; il prescrit, exécute et surveille le dessèchement des
marais, les percements de canaux de navigation, de routes nationales et de
routes départementales, les travaux de défense contre les rivières et les
torrents ; l’éclairage des côtes ; il a la police des usines métallurgiques, des
mines et des carrières ; fait les études et exécute les travaux de construction
de chemins de fer ; surveille les compagnies et en contrôle l’exploitation.
Ministère de l’Instruction publique. — Au ministère de l’Instruction
publique se rattachent tous les établissements d’instruction : le collège de
France, les écoles de médecine et de pharmacie, les facultés de droit, de
théologie, de sciences et de lettres, l’école normale supérieure, les lycées,
collèges, écoles normales primaires, écoles primaires, les bibliothèques, le
bureau des longitudes, l’école des langues orientales, l’observatoire.
Il délivre les diplômes ; décerne les bourses dans les différents
établissements publics ; encourage et favorise les voyages qui peuvent
profiter au développement de la science, ou fournir de précieux
renseignements à l’histoire.
L’administration des Beaux-Arts est actuellement rattachée à ce
ministère ; elle favorise les recherches des antiquités et la conservation des
monuments historiques ; subventionnne les missions artistiques ; organise
les expositions d’œuvres d’art et distribue les encouragements aux artistes.
Les théâtres de Paris et des départements dépendent de cette administration.
S’y rattachent aussi : l’École des Beaux-Arts et le Conservatoire national de
musique et de déclamation.
Ministère des Postes et des Télégraphes. — Le ministère des Postes et
des Télégraphes assure la transmission des lettres, les envois d’argent et de
menus objets ; il construit et entretient les lignes télégraphiques aériennes,
souterraines et sous-marines. Cette administration est appelée à rendre
d’immenses services en temps de guerre, en utilisant les appareils
électriques, téléphoniques et optiques.
Ministère de la Justice et des Cultes. — Le ministère de la Justice
organise et surveille tout ce qui concerne l’ordre judiciaire ; maintient la
discipline dans les cours et tribunaux ; correspond avec les procureurs
généraux et leurs auxiliaires, pour assurer la répression des crimes et
l’exécution des lois ; transmet aux tribunaux de tous ordres des instructions
pour tout ce qui a trait à la bonne administration de la justice civile et
criminelle. — Toutes les questions qui se rattachent aux recours en grâce,
aux commutations de peine, à l’extradition des criminels, aux demandes en
réhabilitation, en réintégration dans la qualité de français, aux
naturalisations sont examinées, traitées et résolues à ce ministère. Il est
appelé à prononcer sur la création et la suppression des offices ministériels,
sur la nomination des huissiers, notaires et avoués.
Le ministre de la Justice est en même temps garde du sceau de l’État.
A ce ministère a été rattachée la direction générale des Cultes.
Les relations avec la cour de Rome, la correspondance avec les
archevêques et les évêques, sont réservées à cette administration. Elle doit
aussi veiller à l’exécution des lois qui assurent la liberté de conscience ; à
l’entretien des monuments du culte, aux intérêts diocésains. Il lui appartient
de connaître de tout ce qui est relatif aux fabriques, aux congrégations, aux
dons et legs, aux pensions ecclésiastiques, ainsi que de distribuer les
secours aux communes pour la construction ou l’entretien des édifices
paroissiaux.
LES CULTES ; — RAPPORTS DES ÉGLISES ET DE L’ÉTAT.

Les Cultes ; rapports des Églises et de l’État. — Il ne faut pas


confondre la liberté de conscience avec la liberté des cultes.
La liberté de conscience est le droit qu’a toute personne au respect de ses
opinions en matière de religion ; cette liberté n’est plus entravée, et, depuis
la déclaration des droits du 26 août 1789, nul ne peut être inquiété pour ses
croyances religieuses.
La liberté des cultes, au contraire, ne s’entend que de la manifestation
extérieure de la pensée religieuse. Elle ne s’applique, en réalité, qu’aux
cultes reconnus, et sauf certaines restrictions, les cultes non reconnus ne
pouvant être publiquement pratiqués, que sous le bénéfice d’une
autorisation des pouvoirs civils.
Qu’entend-on par culte reconnu ? — On entend par culte reconnu celui
dont l’exercice public est autorisé sur le territoire de la République et dont
les ministres sont salariés par l’État.
C’est seulement en faveur des cultes reconnus que les communes sont
appelées à faire des sacrifices pécuniaires ; les cultes non reconnus devant
se subvenir à eux-mêmes, et pourvoir à l’entretien de leurs édifices, sur
leurs propres ressources.
Quoi qu’il en soit, la haute police des cultes reconnus et non reconnus
appartient à l’État.
Du nombre des cultes reconnus. — Les cultes reconnus sont au nombre
de quatre : 1° le culte catholique ; 2° les deux cultes protestants,
comprenant l’église réformée (calvinistes) et l’église de la Confession
d’Augsbourg (luthériens) ; 3° enfin, le culte israélite.
Ces cultes jouissent de certaines prérogatives que n’ont pas les cultes non
reconnus. C’est ainsi que notre législation pénale réprime tous actes tendant
à entraver le libre exercice des cultes autorisés ; protège leurs ministres
contre les outrages, et que nos lois administratives mettent à la charge de
l’État et des communes l’entretien des monuments affectés à la célébration
du culte, l’indemnité de logement des curés et des vicaires... etc.
Les cultes reconnus bénéficient encore d’autres immunités, parmi
lesquelles la dispense du service militaire, à titre conditionnel, n’est pas la
moindre.
En retour, les cultes reconnus sont tenus de ne contrevenir en rien aux
lois et règlements de la République, de ne troubler l’ordre et la tranquillité
ni par abus, ni par excès de pouvoir ; de respecter les règles consacrées par
les canons religieux reçus. en France et de ne pas attenter aux libertés de
l’Église gallicane ; de s’abstenir de tous procédés ou entreprises pouvant
compromettre l’honneur des citoyens, troubler arbitrairement leur
conscience ou dégénérer en oppression, injure ou scandale public.
C’est la loi du 18 germinal an x, plus connue sous le nom de Concordat,
qui règlemente les rapports de l’autorité civile avec l’autorité spirituelle.
C’est en vertu de cette loi, que ceux qui seront choisis pour
l’enseignement dans les séminaires, doivent se soumettre à y enseigner la
doctrine contenue dans la déclaration du clergé de France de 1682 ;
qu’aucune bulle, bref, rescrit, décret, mandat, provision, signature servant
de provision, ni autres expéditions de la cour de Rome, même ne
concernant que les particuliers, ne pourront être rendus publics, imprimés,
ni autrement mis à exécution, sans l’autorisation du gouvernement ;
qu’aucun individu se disant nonce, légat, vicaire apostolique, ne pourra,
sans la même autorisation, exercer, sur le sol français ni ailleurs, aucune
fonction relative aux affaires de l’Église gallicane. Il résulte des mêmes
textes, que les autorités civiles et ecclésiastiques doivent agir de concert
pour toutes questions relatives à l’organisation du culte, à la fixation des
circonscriptions et au choix des fonctionnaires ecclésiastiques.
LE DÉPARTEMENT
LE PRÉFET ; — SES ATTRIBUTIONS ; — LE CONSEIL DE PRÉFECTURE.

Division du territoire français en départements, arrondissements,


cantons et communes. — Le territoire français est divisé en départements,
arrondissements, cantons et communes.
Du département. — Le département est une personne morale, en même
temps qu’une circonscription territoriale. Il peut avoir, comme l’État, des
propriétés qui sont acquises, gérées, échangées, vendues par les soins du
préfet, premier magistrat administratif du département, assisté du conseil
général qui délibère, tandis que le préfet exécute.
Le département peut plaider.
Dans le département siège le conseil de préfecture qui peut être considéré
comme auxiliaire du préfet, (qu’il aide de ses avis), et surtout comme
tribunal administratif chargé de prononcer sur différentes contestations.
De l’arrondissement. — Quant à l’arrondissement, simple
circonscription territoriale, englobée dans celle du département, il n’est pas
une personne morale. Incapable d’être propriétaire, il ne saurait être ni
créancier, ni débiteur.
Les propriétés, comprises dans ses limites, appartiennent aux particuliers,
à l’État, au département ou aux communes.
Le fonctionnaire qui administre l’arrondissement est le sous-préfet ; le
pouvoir électif qui délibère sur les intérêts de cette circonscription
territoriale est le conseil d’arrondissement.
Du canton. — Le canton n’a qu’une importance très secondaire, au point
de vue administratif ; aucun fonctionnaire de l’ordre administratif ne s’en
occupe spécialement.
Compris dans l’arrondissement, le canton est sous la dépendance du
sous-préfet.
Il a plus d’importance comme circonscription judiciaire, chaque canton
étant le siège d’une justice de paix.
De la commune. — La commune, comprise dans l’arrondissement, est,
comme l’État et le département, une personne morale. Elle est ou peut être
propriétaire de biens qu’elle administre et qu’il lui est loisible de vendre ou
d’échanger, en se conformant à certaines règles prescrites par la loi.
Capable d’emprunter, elle devient ainsi débitrice des sommes qui lui sont
prêtées, comme elle est créancière de l’argent que peuvent lui devoir l’État,
le département ou les particuliers.
La commune peut soutenir ses droits et débattre ses intérêts devant les
tribunaux judiciaires ; elle y est représentée par le maire, chef de la
circonscription communale, et administrateur de ses biens.
Le maire est assisté d’adjoints, sur lesquels il se décharge d’une partie de
ses attributions.
Il est de plus conseillé par une assemblée d’habitants de la commune,
élus par leurs concitoyens et qui forment le conseil municipal. Le rôle de ce
conseil est de veiller sur les intérêts de la commune, et de délibérer sur les
mesures destinées à les sauvegarder.
Domaine public et domaine privé du département. — Les biens du
département font partie du domaine public ou du domaine privé du
département.
Les biens qui composent le domaine public départemental sont surtout
les routes départementales et les chemins de fer départementaux ; il sont, à
ce titre, imprescriptibles et inaliénables.
On dit que des biens sont imprescriptibles, lorsqu’une possession, même
prolongée, de ces biens par un particulier, ne suffit pas pour constituer sur
eux un titre de propriété au profit de celui qui les détient, sans en être
propriétaire.
Des biens sont dits inaliénables, lorsque le véritable propriétaire est
déclaré incapable par la loi de les vendre ou de les donner à qui que ce soit.
Parmi les biens du domaine privé du département, figurent certains
édifices publics ; tels que, casernes de gendarmerie, hôtels de préfecture et
de sous-préfecture, palais de justice et prisons départementales. Ces édifices
étant susceptibles de propriété privée ne participent pas du caractère
d’imprescriptibilité et d’inaliénabilité du domaine public.
Ils peuvent ainsi être acquis par des particuliers, tant à la suite d’une
vente ou d’un échange que par prescription, c’est-à-dire par une possession
non interrompue pendant un long temps.
L’acquisition d’un bien par prescription suppose ordinairement, la
possession paisible et continue de ce bien pendant 30 années consécutives.
Dans certains cas, toutefois, le temps nécessaire pour prescrire est réduit à
10 ou à 20 ans.
Cette catégorie de biens, non-seulement ne rapporte rien au département,
mais lui coûte, puisqu’il est tenu, sur ses deniers, de pourvoir au bon
entretien et à la conservation de ces édifices.
Différents établissements de rapport, qui ne sont affectés à aucun service
public proprement dit, font aussi partie du domaine privé du département.
Tels sont les fermes modèles, les établissements thermaux, les pépinières,
qui sont une source de revenus pour le département.
La fortune privée du département comprend encore des titres de rente, les
créances qu’il peut avoir contre les particuliers, les communes ou l’État, les
meubles destinés à l’usage des préfectures, sous-préfectures, tribunaux
civils et de commerce et des Cours d’assises.
Les dettes contractées envers le département sont payables aux mains du
trésorier payeur général, comptable du département.
Débiteur, le département ne peut être poursuivi par ses créanciers comme
un débiteur ordinaire. Ceux-ci doivent au préalable faire reconnaître la
validité de leur créance, appuyer leur réclamation de pièces justificatives,
puis faire ordonnancer par le préfet le montant de la somme qui leur est due.
C’est seulement après qu’il aura été reconnu que la somme réclamée est
véritablement due, et qu’il aura été régulièrement constaté que les crédits
nécessaires à la payer ont été ouverts au budget du département, que le
préfet donnera l’ordre écrit au trésorier payeur général d’effectuer le
paiement aux mains du créancier ou de son mandataire.
L’administration départementale. — Le préfet. — Le conseil de
préfecture. — Le conseil général. — L’administration départementale
comporte trois catégories d’autorités : 1° le préfet ; 2° le conseil de
préfecture ; 3° le conseil général et la commission départementale qui est
une délégation de ce conseil.
A chacune de ces trois autorités appartient un rôle différent ; au préfet,
l’action et l’administration proprement dite ; au conseil de préfecture, la
mission de juge des affaires contentieuses, de conseiller du préfet et de
tuteur des communes ; au conseil général, la délibération.
Le préfet. — Son rôle ; ses attributions. — L’administrateur du
département est le préfet. Le traitement affecté à ce fonctionnaire est,
suivant la classe occupée, de 18,000, 24,000 ou 35,000 francs.
Nommé par le Président de la République, le préfet est, à la fois, l’agent
du gouvernement et le représentant du département.
Eu égard à cette double qualité, les attributions des préfets se divisent en
deux catégories.
Comme agent du pouvoir central, le préfet est chargé de veiller à la
publication et à l’exécution des lois, des décrets du pouvoir exécutif et des
arrêtés des ministres. Il doit tenir la main à ce que les actes du
gouvernement soient respectés dans toute l’étendue du département dont
l’administration lui est confiée.
Comme représentant du département, il procède à tous les actes
d’administration qui se rapportent à cette circonscription territoriale. Il
passe les baux des propriétes départementales, veille à la conservation de
ces propriétés et à leur entretien, en opère la vente, quand il en est besoin, et
fait, en un mot, tous les contrats qui les concernent. Il instruit les affaires
qui doivent être soumises à l’examen du conseil général, exécute les
délibérations de ce conseil, ainsi que les décisions de la commission
départementale ; il représente, enfin, le département en justice, tant pour en
revendiquer que pour en défendre les droits.
Arrêtés préfectoraux. — Arrêtès réglementaires et arrêtés
spéciaux. — Les actes par lesquels le préfet manifeste son autorité
s’appellent arrêtés. Ces arrêtés sont règlementaires ou spéciaux.
Règlementaires ou généraux, quand ils s’appliquent à toutes les communes
du département, et qu’ils ont pour objet des mesures de sûreté générale ou
de sécurité publique ; spéciaux ou individuels, quand ils portent des
nominations d’agents ou qu’ils contiennent des injonctions ou des
autorisations.
Les arrêtés par lesquels le préfet règle la police des cabarets et débits de
boissons, l’ouverture et la clôture de la chasse et de la pêche sont des arrêtés
généraux et règlementaires.
C’est, au contraire, par des arrêtés spéciaux que les préfets nomment les
directeurs et les gardiens des prisons départementales, les architectes
départementaux, les gardes champêtres. Par des arrêtés de cette nature, le
préfet autorise ou prohibe, sur certains cours d’eau, des prises d’eau faites
au moyen de machines, ou l’établissement de moulins, d’usines ou de
barrages.
Ces arrêtés, qu’ils soient spéciaux ou généraux, pouvant violer des droits
ou frustrer des intérêts, il était nécessaire que la loi fournît aux personnes
qui en étaient l’objet, le moyen d’en atténuer les fâcheux effets.
C’est ce qu’a fait le législateur en constituant au profit des intéressés, une
série de recours, auprès d’autorités diverses chargées de réformer les abus et
de réprimer les excès de pouvoir.
D’autre part, les tribunaux de simple police prononcent des amendes
contre ceux qui ont contrevenu aux arrêtés préfectoraux.
Le conseil de préfecture. — A côté du préfet, se trouve le conseil de
préfecture. La loi en fait en même temps l’auxiliaire du préfet, qu’il aide de
ses avis, le tuteur des communes qu’il autorise à plaider, et le tribunal
administratif, chargé de juger certaines questions contentieuses
administratives.
C’est dans l’exercice de cette dernière attribution qu’il mérite surtout
d’être étudié ; nous l’avons fait plus haut, sans toutefois entrer dans les
détails.
La loi qui régit la matière est du 21 juin 1865.
Nous rappelons que le nombre des conseillers de préfecture n’est pas le
même pour tous les départements ; il est, en général, de trois, quelquefois
de quatre ; dans le département de la Seine, il est de neuf. (Loi 24 mars
1878).
Le traitement affecté à ces fonctionnaires est de 4,000, 3,000, ou 2,000
francs, suivant la classe de la préfecture qu’ils desservent. Le traitement des
conseillers de préfecture du département de la Seine qui était de 8,000
francs, a été porté à 10,000 francs.
Le Président de la République nomme et révoque les conseillers de
préfecture.
Les conditions requises pour pouvoir être appelé à siéger au conseil de
préfecture, sont les suivantes : l’âge de 25 ans, la licence en droit qui peut
être remplacée par l’exercice, pendant 10 ans, de fonctions salariées dans
l’ordre administratif ou dans l’ordre judiciaire. Dix ans de présence au
conseil général, ou l’exercice des fonctions de maire pendant une égale
durée sont aussi des titres suffisants ; l’expérience acquise dans ces
fonctions équivalant au grade.
Les fonctions de conseiller de préfecture sont incompatibles avec un
autre emploi public ou avec l’exercice d’une profession. Ainsi, par
exemple, un avocat ou un avoué ne saurait être, en même temps, conseiller
de préfecture.
La présidence du conseil de préfecture, appartient, de droit, au préfet ;
mais, dans la pratique, le préfet préside rarement ; de là, l’utilité d’un vice-
président pris parmi les membres du conseil de préfecture, et, désigné,
chaque année, par décret du Président de la République. Dans le
département de la Seine, la présidence de conseil de préfecture est déférée à
un président spécial qui n’est pas le préfet de la Seine.
En ce qui concerne l’institution d’un ministère public près le conseil de
préfecture, et la publicité des audiences où sont débattues les affaires
contientieuses, nous renvoyons à ce qui a été dit plus haut. (Organisation
judiciaire).
En matière administrative, le conseil de préfecture est appelée à émettre
des avis dans un grand nombre de cas ; sa principale attribution est
d’autoriser les communes à plaider.
LE CONSEIL GÉNÉRAL : MODE D’ÉLECTION, ATTRIBUTIONS

Le conseil général, sa composition ; mode de


nomination. — L’assemblée qui délibère sur les intérêts du département est
le conseil général. (Loi du 10 août 1871).
Ce conseil est composé d’autant de membres qu’il y a de cantons dans le
département, chaque canton élisant un conseiller général. Ils sont nommés,
au suffrage universel, par les électeurs inscrits sur les listes électorales
municipales. On se rappelle que les électeurs inscrits sur la liste
complémentaire, et n’ayant que six mois de résidence dans la commune, ne
participent qu’à l’élection des députés, et ne sont reconnus, par la loi, aptes
à élire ni les conseillers municipaux, ni les conseillers d’arrondissement, ni
les conseillers généraux.
La fonction de conseiller général est gratuite.
On ne peut appeler à remplir le mandat de conseillers généraux que les
citoyens français, âgés de 25 ans au moins, inscrits ou ayant droit d’être
inscrits, avant l’élection, sur une liste électorale, jouissant. de leurs droits
civils et politiques, domiciliés dans le département ou y payant une des
quatre contributions directes.
La durée du mandat de conseiller général est de six ans, et le
renouvellement se fait par moitié tous les trois ans. (Art. 21). « En cas de
renouvellement intégral, à la session qui suit ce renouvellement, le conseil
général divise les cantons du département en deux séries, en répartissant,
autant que possible, dans une proportion égale, les cantons de chaque
arrondissement dans chacune des séries, et il procède ensuite à un tirage au
sort pour régler l’ordre de renouvellement des séries. »
Les prodigues et les individus qui sont dans un état habituel d’imbécillité
ou de démence, et qui. pour ces motifs, ont été pourvus d’un conseil
judiciaire, sont déclarés, par la loi, incapables de faire partie d’un conseil
général.
Il eût été singulier, en effet, qu’une personne incapable de gérer sa propre
fortune, pût être appelée à diriger les affaires publiques. S’il arrivait que les
électeurs eussent fait porter leur choix sur un incapable de cet ordre,
l’élection serait nulle et, par conséquent, à recommencer.
Le mandat de conseiller général est incompatible avec l’exercice de
certaines fonctions déterminées par la loi.
On dit que deux fonctions sont incompatibles, lorsque l’une ne peut pas
être exercée en même temps que l’autre et par le même individu.
Ne peuvent ainsi, du moins en principe, être conseillers généraux :
Dans l’ordre administratif, les préfets, sous-préfets, conseillers de
préfecture et secrétaires généraux des préfectures, dans le département où
ils exercent leurs fonctions ;
Dans l’ordre judiciaire, certains magistrats : des cours, dans le ressort de
la cour ; des tribunaux de 1re instance, dans l’arrondissement, eL des
justices de paix, dans le canton ;
Dans l’ordre militaire, les généraux commandant des subdivisions
territoriales et les préfets maritimes, dans l’étendue de leurs
commandements ;
Dans l’ordre religieux, les ministres du culte dans les cantons de leur
ressort ;
Enfin, d’une manière générale, et dans l’étendue du ressort où ils
exercent leurs fonctions, les commissaires de police, ingénieurs, architectes
et entrepreneurs, chargés de faire des travaux pour le compte du
département ; certains universitaires, tous les agents comptables attachés à
la perception des impôts ; les employés des préfectures et des sous-
préfectures, et les agents salariés sur les fonds départementaux.
Beaucoup d’autres fonctionnaires ou agents sont dans le même cas et ne
peuvent, en conséquence, être, à la fois, conseillers généraux et rester
titulaires de leurs emplois.
Si le législateur a cru devoir interdire, d’une manière absolue ou relative,
l’accès du conseil général à certains fonctionnaires ou agents, c’est qu’il
était à craindre qu’ils n’usassent, pour se faire élire, de l’autorité et de
l’influence que leur donne leur situation.
Quant aux agents payés sur les fonds départementaux, il eût pu paraître
indélicat qu’ils eussent à voter, comme conseillers généraux, les traitements
et indemnités qu’ils perçoivent comme employés.
Le mandat de conseiller général est incompatible, pour toute la France,
avec les fonctions de préfet, de sous-préfet, de secrétaire général, de
conseiller de préfecture, de commissaire ou agent de police.
Si un préfet est élu dans son département, l’élection est forcément nulle,
même s’il se démet de sa préfecture ; s’il est élu dans un autre département,
l’élection sera valable s’il démissionne comme préfet. Dans le premier cas,
il y a incapacité ; dans le second cas incompatibilité.
Nul ne peut être conseiller général de plusieurs départements.
Sessions des conseils généraux. — Les conseils généraux n’ont que
deux sessions ordinaires annuelles, sans préjudice des sessions
extraordinaires qui peuvent avoir lieu, tantôt sur la demande du conseil
général, tantôt sur décret du Président de la République.
Des deux sessions ordinaires, l’une s’ouvre le deuxième lundi qui suit le
jour de Pâques, l’autre le premier lundi qui suit le 15 août ; la session d’août
dure un mois, la session de Pâques, 15 jours ; les sessions extraordinaires 8
jours.
La durée de chacune de ces sessions peut ne pas atteindre le terme de
rigueur qui lui est assigné ; dans aucun cas, elle ne peut le dépasser.
Le président, les vice-présidents et les secrétaires du conseil général, sont
nommés par le conseil même et pris dans son sein.
Le préfet peut assister aux séances et y prendre la parole.
Le conseil général peut être dissous, pour des motifs graves, par le
Président de la République.
Délibérations des conseils généraux. — Délibérations exécutoires par
elles-mêmes ; délibérations non-exécutoires par elles-
mêmes. — Certaines décisions du conseil général sont exécutoires par
elles-mêmes et n’ont besoin, pour recevoir leur entier effet, ni de l’agrément
du préfet, ni de l’approbation du gouvernement. Toutefois, l’autorité
supérieure conserve le droit d’annuler ces délibérations ou d’en suspendre
l’exécution, si le conseil général a violé la loi ou s’il a excédé la mesure de
ses pouvoirs.
D’autres, au contraire, ne peuvent être mises à exécution que sur
l’autorisation expresse de l’auto. rité supérieure.
Les délibérations de cette nature sont devenues très rares, la loi du 10
août 1871 ayant donné aux conseils généraux des pouvoirs fort étendus en
matière d’administration départementale.
Les délibérations de la première catégorie, c’est-à-dire celles qui sont
exécutoires par elles-mêmes, sauf le droit réservé au préfet ou au Président
de la République d’en suspendre l’exécution ou de les annuler, ont
principalement pour objet la répartition de certains impôts directs (dits de
répartition) entre les arrondissements.
On entend par répartition, nous l’avons vu, l’attribution à chacun des
arrondissements du département de la part d’impôt qu’il doit définitivement
supporter.
Les délibérations définitives du conseil général se rapportent également
aux chemins vicinaux qui servent à faire communiquer les communes entre
elles, et dont le conseil général est chargé de fixer la direction et la largeur.
Enfin, le conseil général est appelé à statuer souverainement sur une
quantité de questions d’intérêt départemental et communal, dont les
principales se rattachent tant à l’administration des propriétés du
département, qu’à l’acquisition, à la vente, à l’échange ou au changement
de destination de ces propriétés ; au classement et au déclassement des
routes départementales et des chemins vicinaux d’un certain ordre.
On dit qu’un chemin ou une route sont classés, quand l’entretien de ces
routes et chemins est à la charge du département ou de la commune, et non
plus à la charge des particuliers.
Le conseil général prend enfin des décisions exécutoires par elles-mêmes
sur une infinité d’autres questions, parmi lesquelles on peut citer celles qui
se rapportent aux procès à intenter ou à soutenir au nom et pour le compte
du département.
Les délibérations qui, pour être exécutoires, doivent être approuvées par
l’autorité supérieure, se rattachent à un nombre très restreint de questions ;
notamment aux emprunts départementaux contractés pour une longue
durée, aux contributions extraordinaires que s’impose temporairement le
département pour subvenir à des besoins urgents, aux dons et aux legs qui
lui sont faits, mais sur lesquels les familles intéressées prétendent des droits
ou font des réclamations ; enfin au budget du département qui doit être
approuvé par le Président de la République.
Avis. — Les conseils généraux donnent leur avis quand ils sont consultés
par l’autorité supérieure qui, tantôt est tenue de demander cet avis, tantôt
n’y est pas obligée.
Vœux. — Ils peuvent aussi formuler des vœux sur des questions
économiques et d’administration générale, sans qu’ils soient, dans aucun
cas, autorisés à faire des vœux politiques.
Mais les questions économiques se rattachent par trop de points aux
questions de politique générale, pour qu’il soit facile aux conseils généraux
de traiter les unes sans toucher aux autres. Aussi la loi est-elle fréquemment
violée sur ce point..
Si un vœu est émis en dehors des attributions du conseil, il est annulé par
décret rendu en conseil d’Etat.
Le département est représenté en justice par le préfet.
Lorsque le département intente un procès, le préfet est autorisé à agir par
une délibération du conseil général.
Si le département, au lieu d’attaquer, n’a qu’à se défendre, c’est encore le
préfet qui le représente en justice ; mais autorisé par la commission
départementale et non par le conseil général. — Dans ce dernier cas, le
particulier qui poursuit le département devant les tribunaux, doit adresser au
préfet un mémoire dans lequel sont exposés sommairement l’objet et les
motifs de la réclamation.
LE BUDGET DÉPARTEMENTAL ; — BATIMENTS DÉPARTEMENTAUX, ROUTES,
CHEMINS, CANAUX..., ETC. ; — INSTRUCTION PRIMAIRE.

Du budget du département. — Le projet de budget du département est


préparé et présenté par le préfet, délibéré et voté par le conseil général, et
définitivement approuvé et réglé par décret.
On a vu que les délibérations des conseils généraux étaient ou
exécutoires par elles-mêmes ou exécutoires seulement après approbation
expresse. Du nombre dé ces dernières sont le budget départemental et
l’acceptation des dons et legs, quand il y a réclamation de la famille
intéressée.
Budget ordinaire. — Budget extraordinaire. — Le budget du
département se divise en budget ordinaire et budget extraordinaire ; ces
deux budgets comprennent des recettes et des dépenses.
Les dépenses du budget extraordinaire sont imputées sur les recettes de
ce budget.
Dépenses obligatoires. — Dépenses facultatives Quant aux dépenses
ordinaires, elles sont ou obligatoires ou facultatives.
Bâtiments départementaux. — Depuis la loi du 10 août 1871, ne
figurent plus comme dépenses obligatoires que celles qui sont relatives : au
loyer, au mobilier, à l’entretien des hôtels de préfectures et de sous-
préfectures, au local destiné aux séances du conseil départemental
d’instruction publique, et au bureau de l’inspecteur d’Académie ; au
casernement ordinaire de la gendarmerie ; au loyer, au mobilier et à
l’entretien des cours d’assises, tribunaux civils d’arrondissement et de
commerce, et aux menues dépenses des justices de paix ; à l’impression et à
la publication des listes pour les élections consulaires ; aux frais
d’impression des cadres pour la formation des listes électorales et des listes
du jury ; enfin, aux dettes du département devenues exigibles.
Routes, chemins, canaux, écoles. — A la nomenclature que nous venons
de donner d’un certain nombre de propriétés départementales, il convient
d’ajouter : les routes départementales ; les établissements thermaux du
département ; les terrains affectés aux pépinières, les fermes modèles ; tous
objets dont l’entretien, la construction ou l’amélioration nécessitent des
dépenses qui sont inscrites au budget du département.
A ces dépenses viennent se joindre les secours et subventions que donne
le département, à la décharge des communes, pour l’entretien des chemins
vicinaux de toute catégorie, dont le sol appartient aux communes ; les
subventions prélevées sur le disponible des revenus ordinaires
départementaux, sur le produit des 4 centimes additionnels au principal des
quatre contributions directes (Loi du 15 mars 1850, art. 40 et loi du 19
juillet 1875, art. 7), et destinés à pourvoir à l’entretien des écoles primaires
communales.
Les frais d’entretien des écoles normales, des cours normaux et les
dépenses des commissions d’examen sont aussi à la charge des
départements et rentrent dans la catégorie des dépenses obligatoires.
Le trésorier-payeur qui est le comptable du département, ne peut payer
que sur les mandats délivrés par le préfet, dans les limites des crédita
ouverts au budget.
Le préfet rend compte au conseil général des mandats qu’il a délivrés, et
lui présente les comptes d’administration se rapportant au budget
départemental.
Commission départementale. — L’innovation principale de la loi de 1871
est la création de la commission départementale.
Cette commission est composée de 4 membres au moins et de 7 au plus,
élus par le conseil général et choisis dans son sein, chaque année, à la fin de
la session d’août.
Elle est nommée pour représenter le conseil général dans l’intervalle de
ses sessions.
Les fonctions de membre de la commission départementale sont
incompatibles avec les fonctions de maire du chef-lieu de département, avec
le mandat de député et celui de sénateur.
La commission départementale est présidée par le plus âgé de ses
membres.
Elle exerce un contrôle permanent sur l’administration du préfet, se
réunit quand elle veut, mais, au moins une fois par mois, sans préjudice du
droit qui appartient au président ou au préfet de la convoquer
extraordinairement.
Les membres du conseil général qui font partie de la commission
départementale ne touchent aucun traitement. — Il n’y a pas à Paris de
commission départementale.
LE CONSEIL DÉPARTEMENTAL ; — LES DÉLÉGATIONS CANTONALES.

Du Conseil départemental d’instruction publique. — Le département


doit fournir le local et le mobilier nécessaires à la réunion du conseil
départemental d’instruction publique : les dépenses qui se rattachent à cet
objet sont obligatoires.
C’est qu’en effet, dans chaque département, le préfet est investi à la place
du recteur de la direction de l’enseignement primaire public ou libre, sur le
rapport d’un inspecteur d’académie délégué par département ; et il est
assisté dans ces fonctions par une assemblée de treize membres, siégeant à
la préfecture, et s’y réunissant deux fois par mois, excepté du 15 août au 15
octobre.
C’est le conseil départemental composé du préfet président, de
l’inspecteur d’académie, d’un inspecteur primaire désigné par le ministre,
de ministres des cultes reconnus par l’État, de magistrats et de conseillers
généraux.
Un projet de loi déposé le 16 février 1882 par M. Jules Ferry, ministre de
l’Instruction publique, exclut de ce conseil les ministres du culte et la
magistrature, et y substitue quatre membres du conseil général nommés par
le ministre, deux inspecteurs primaires nommés par le recteur, le directeur
et la directrice des écoles normales d’instituteurs et d’institutrices, et des
représentants de l’enseignement primaire public, élus par les instituteurs et
institutrices titulaires publics, à raison de un représentant pour deux cent
cinquante électeurs, les directrices d’écoles maternelles comprises.
Le conseil départemental donne son avis sur les réformes à introduire
dans l’enseignement, la discipline et l’administration des écoles publiques ;
sur les budgets des écoles normales primaires ; sur les secours et
encouragements à accorder aux écoles primaires ; sur les récompenses à
accorder aux instituteurs primaires ; sur les règlements relatifs aux écoles
primaires publiques. (L. 15 mars 1850, art. 14, 15.)
Il autorise une commune à se réunir à une ou plusieurs communes
voisines pour l’entretien d’une école (L. 1850, art. 36,) et peut permettre à
une école publique ou libre de recevoir des enfants des deux sexes, s’il
existe dans la commune une école publique ou libre de filles ; — il statue
sur une infinité d’autres questions qu’il serait superflu d’énumérer.
Considéré comme tribunal, le conseil départemental prononce, sauf
recours au conseil supérieur, sur les oppositions formées par le préfet à
l’ouverture d’une école primaire libre. Il peut, sur la plainte du préfet ou du
procureur de la République, prononcer la censure, suspendre pour un temps
qui ne pourra excéder six mois, ou interdire de l’exercice de sa profession
dans la commune où. il exerce, tout instituteur primaire public ou libre,
reconnu coupable de faute grave dans l’exercice de ses fonctions,
d’inconduite ou d’immoralité. — Le conseil départemental peut même
frapper d’interdiction absolue, sauf appel au conseil supérieur. Nous avons
d’ailleurs examiné déjà le rôle du conseil départemental comme tribunal
administratif.
Délégués cantonaux. — La loi du 15 mars 1850 a chargé de l’inspection
des établissements d’instruction publique ou libre un certain nombre de
fonctionnaires, inspecteurs généraux, inspecteurs d’académie, inspecteurs
primaires, et, en dehors de ces fonctionnaires, des délégués cantonaux,
résidant dans la localité, nommés pour trois ans par le conseil
départemental,
Ces délégués, rééligibles et révocables, ont accès dans toutes les écoles
publiques et libres de leur circonscription, qu’ils doivent visiter, au moins
une fois par mois ; ils communiquent aux autorités, au conseil
départemental, aux inspecteurs primaires tous renseignements concernant
les écoles de leur ressort, l’état et les besoins de l’enseignement primaire.
L’enseignement primaire comprend l’instruction morale et civique, la
lecture et l’écriture, la langue et les éléments de la littérature française ;
La géographie, particulièrement celle de la France ;
L’histoire, particulièrement celle de la France jusqu’à nos jours ;
Quelques notions usuelles de droit et d’économie politique ; les éléments
des sciences naturelles, physiques et mathématiques ; leurs applications à
l’agriculture, à l’hygiène, aux arts industriels, travaux manuels et usage des
outils des principaux métiers ;
Les éléments du dessin, du modelage et de la musique ; la gymnastique.
Pour les garçons, les exercices militaires, pour les filles, les travaux
d’aiguille.
L’art 23 de la loi du 15 mars 1850 est abrogé. (Art. 1er, L. du 28 mars
1882.)
L’enseignement primaire est donné dans les écoles communales laïques
ou congréganistes par des instituteurs communaux nommés par le préfet du
département.
Tout département est tenu de pourvoir au recrutement des instituteurs
communaux, en entretenant des élèves-maîtres, soit dans des établissements
d’instruction primaire désignés par le conseil départemental, soit aussi dans
l’école normale instituée, à cet effet, dans le département.
Toute commune doit entretenir une ou plusieurs écoles primaires ; les
communes de cinq cents habitants et au-dessus sont tenues d’avoir au moins
une école publique de filles, si elles n’en sont pas dispensées par le conseil
départemental d’instruction publique.
Toutes ces écoles sont fondées et entretenues aux frais de la commune ; il
est paré à l’insuffisance des ressources communales, par des subventions du
département et de l’État.
L’ARRONDISSEMENT. — LE SOUS-PRÉFET. — LE CONSEIL
D’ARRONDISSEMENT.

L’arrondissement. — Cette circonscription purement administrative, n’est


pas une personne morale ; partant, elle ne possède aucun patrimoine et ne
disposa d’aucun capital en argent qui lui soit propre. Son histoire comporte
peu de développements.
Le sous-préfet. — L’autorité administrative qui dirige l’arrondissement
est le sous-préfet. Ce fonctionnaire, nommé par le Président de la
République, touche un traitement qui peut être de 4,500,6,000 ou 7,000
francs, suivant que le titulaire est de troisième, deuxième ou de première
classe.
Le sous-préfet est surtout un agent de transmission servant
d’intermédiaire entre les maires des communes et le préfet du département,
auquel il envoie des renseignements et des avis sur les affaires qui lui ont
été communiquées, pour être instruites.
Le sous-préfet est aussi chargé de délivrer les permis de chasse et les
passe-ports ; il autorise les débits de boisson temporaires ; approuve le
budget et les comptes des bureaux de bienfaisance et intervient, en diverses
autres circonstances, dans l’administration de ces établissements
charitables.
Le conseil d’arrondissement. — A côté du sous-préfet, chargé de
l’action, le conseil d’arrondissement chargé de la délibération. Ce conseil
est composé d’autant de membres qu’il y a de cantons dans
l’arrondissement, sans que toutefois le nombre de ses membres puisse être
inférieur à neuf.
Si le nombre de cantons compris dans l’arrondissement est au-dessous de
ce chiffre, le Président de la République sectionne les cantons les plus
populeux, qui doivent alors élire, en supplément, un nombre de conseillers
d’arrondissement qui permettra d’atteindre le chiffre de neuf membres
exigé par la loi.
Les candidats au conseil d’arrondissement doivent être âgés de 25 ans,
jouir de leurs droits civils et politiques, avoir domicile dans
l’arrondissement ou y payer une des quatre contributions directes.
On ne peut être, à la fois, membre de plusieurs conseils
d’arrondissement, et la loi a pris soin d’indiquer les différentes fonctions
dont l’exercice est incompatible avec le mandat de conseiller
d’arronsement. (L. du 22 juin 1883, art. 5 et 23).
Les conseillers d’arrondissement sont nommés pour 6 ans et
renouvelables par moitié tous les 3 ans.
Le conseil d’arrondissement n’a qu’une session ordinaire par an, sans
préjudice des sessions extraordinaires qui peuvent être spécialement
autorisées, en cas de besoin. Les sessions, tant ordinaires
qu’extraordinaires, n’ont lieu que sur décret du Président de la République,
et la convocation est faite par le préfet.
L’unique session ordinaire des conseils offre cette particularité qu’elle se
subdivise en deux parties.
La 1re partie de la session a lieu avant, la seconde après le mois d’août,
époque à laquelle se réunissent les conseils généraux.
La principale attribution du conseil d’arrondissement se rapporte à la
répartition, entre les communes, de la part de contributions directes qui leur
incombe.
Il s’occupe, en outre, de quelques questions d’intérêt purement local. Il
est appelé à donner son avis sur les changements proposés à la
circonscription du territoire de l’arrondissement, des cantons et des
communes, et à la désignation de leurs chefs-lieux ; et à formuler des vœux
sur divers points qui touchent aux intérêts de l’arrondissement.
Il peut être suspendu par le préfet, et dissous par le Président de la
République.
Le canton. — Nous ne dirons que peu de chose du canton, qui n’a
qu’une importance tout à fait secondaire au point de vue administratif.
Le canton n’est, en effet, le siège d’aucune autorité administrative qui lui
soit propre.
L’autorité judiciaire y est représentée par le juge de paix.
Il est toutefois intéressant de faire remarquer que cette subdivision
territoriale joue un rôle, en droit administratif, en ce sens qu’il appartient
aux électeurs du canton de désigner un membre du conseil
d’arrondissement (accidentellement plusieurs), et un membre du conseil
général.

LA COMMUNE
LE CONSEIL MUNICIPAL ; — MODE D’ÉLECTION ; — ATTRIBUTIONS ; — LE
MAIRE ; — LES ADJOINTS.

La commune. — La commune est à la fois une circonscription territoriale


et une personne morale ; à ce dernier titre, elle peut être propriétaire,
créancière et débitrice.
La commune propriétaire. — Considérée comme propriétaire, la
commune a des biens de différente nature, qu’on désigne généralement sous
les noms divers de : biens du domaine public communal, biens
patrimoniaux, biens communaux proprement dits.
Cette dernière dénomination, prise dans un sens large, pourrait servir à
désigner les trois sortes de biens que nous venons d’énumérer.
On la réserve toutefois pour l’appliquer seulement aux biens de la 3me
catégorie, dout les habitants perçoivent les fruits en nature.
Biens du domaine public communal. — Les biens du domaine public
communal qui forment une part du patrimoine de la commune, ne peuvent
être ni vendus ni donnés par la commune, et les simples particuliers n’en
sauraient acquérir la propriété, ni à prix d’argent ni par une longue
possession dans laquelle ils n’auraient point été troublés.
Tels sont les deux caractères saillants des biens du domaine public.
Nous citerons parmi les biens des communes qui participent de ce double
caractère, les rues, places et passages des villes, bourgs et villages, et les
monuments publics, fontaines, statues, colonnes, arcs-de-triomphe, qui les
décorent ; les chemins vicinaux qui servent à faire communiquer les
communes entre elles, leur permettent ainsi de transporter plus
commodément les récoltes, et donnent aux habitants un accès plus facile
aux marchés voisins pour y vendre les productions de la terre ; enfin, les
chemins de fer communaux.
Biens patrimoniaux. — Les biens patrimoniaux sont des propriétés que
la commune loue ou afferme à prix d’argent, et dont elle tire ainsi un revenu
qui est ensuite employé à satisfaire à ses différents besoins.
Ces biens sont, le plus souvent, des maisons que la commune met en
location et dont les locataires lui payent le loyer ; des prairies ou des bois
dont elle vend les fourrages et les coupes.
Les revenus des biens patrimoniaux sont versés dans la caisse de la
commune, dite caisse municipale. Cette caisse est administrée par le
receveur municipal, agent comptable de la commune, qui, en cette qualité,
perçoit les sommes dues à la commune et paye les sommes qu’elle doit à
autrui. Dans la plupart des communes, c’est le percepteur des contributions,
qui est en même temps receveur municipal.
On peut aussi faire rentrer sous cette dénomination de biens
patrimoniaux, comme étant susceptibles d’une propriété privée, les hôtels-
de-ville, les bâtiments affectés aux tribunaux de justice de paix et de simple
police, les casernes, les hôpitaux, les hospices, les halles et marchés, les
presbytères, les théâtres, les abattoirs, les cimetières, etc.
Les biens patrimoniaux, au contraire des biens du domaine public,
peuvent être vendus et acquis, comme les biens de tout propriétaire, mais
toutefois, suivant certaines règles et après des formalités qui ne sont pas
obligatoires pour la vente et l’acquisition des biens des particuliers.
Biens communaux proprement dits. — Les biens communaux
proprement dits, sont ceux dont les habitants de la commune perçoivent les
fruits en nature, ou, pour mieux dire, dont la jouissance en nature est
abandonnée aux habitants.
Pâturages. — Tels sont les pâturages communaux dans lesquels chaque
habitant de la commune a le droit de mener paître ses troupeaux ; les bois
communaux, en tant qu’ils sont considérés au point de vue de l’affouage.
Affouages. — On entend par affouage, la répartition gratuite, entre les
chefs de famille domiciliés dans la commune, du bois de chauffage
nécessaire à leur usage personnel. Cette distribution des coupes affouagères
ne se fait pas dans toutes les communes, dont beaucoup préfèrent vendre les
bois et s’en faire ainsi une source de revenus.
La commune créancière. — Considérée comme créancière, la commune
est traitée suivant les règles du droit commun.
Lorsqu’un particulier a contracté une dette envers quelqu’un, il doit, à
l’expiration du terme qui lui a été fixé pour le remboursement, verser le
montant de la somme due aux mains de son créancier ou du mandataire
chargé par le créancier de la recouvrer à sa place.
Il en est de même, quand il s’agit d’une commune ; le débiteur rembourse
à la commune créancière l’argent qui lui est dû, et verse, à cet effet, les
deniers entre les mains du receveur municipal qui les encaisse au profit de
la commune.
La commune débitrice. — Lorsqu’au contraire la commune a contracté
une dette envers un particulier, soit qu’elle ait fait faire des travaux par des
ouvriers auxquels elle doit salaire, soit qu’elle ait emprunté une somme
encore non remboursée, elle ne peut être poursuivie pour le remboursement
des sommes dues, de la même manière et par les mêmes procédés que le
serait un particulier, en pareil cas.
Le créancier de la commune, s’il n’est pas payé par elle, ne pourra pas,
comme le créancier d’un particulier, faire vendre aussitôt les biens de la
commune et se payer sur le prix provenant de la vente. Le créancier lésé
devra faire reconnaître sa créance, comme bonne et valable ; — s’il ne reste
pas dans la caisse municipale des fonds suffisants pour payer la dette, le
conseil municipal sera tenu d’inscrire à son budget la somme nécessaire à
pourvoir au paiement. Le maire établira un mandat ou ordre de payer la
somme due par la commune, qui sera remis au créancier, et dont le montant
sera acquitté, sur présentation, par le receveur municipal. Cette invitation de
payer adressée par le maire ordonnateur, au receveur comptable, est une
formalité qui porte le nom d’ordonnancement.
Administration de la commune. — La commune est administrée par le
maire qui en est le premier magistrat et qui la représente en justice, quand
elle a un procès à intenter ou à soutenir.
Le maire et les adjoints ; mode de nomination. — Le maire a pour
auxiliaires un ou plusieurs adjoints, suivant la population de la commune, et
aussi un conseil municipal composé d’un nombre déterminé de citoyens
français délibérant sur les intérêts de la commune et en traitant les affaires.
(L. du 5 mai 1855).
Le maire, les adjoints et le conseil municipal composent ce qu’on appelle
le corps municipal de la commune.
Dans toutes les communes, le maire et les adjoints sont nommés par le
conseil municipal et choisis dans son sein.
Le maire et les adjoints ne sont nommés quepour un temps déterminé ; ils
peuvent, pour des motifs graves, être suspendus de leurs fonctions par le
préfet du département ; mais la révocation ne peut être prononcée contre
eux que par le Président de la République.
Le Conseil municipal ; mode de nomination. — Les conseillers
municipaux sont nommés au suffrage universel, par scrutin de liste, pour
toute la commune, par les électeurs inscrits sur les listes électorales
municipales.
Le scrutin, qui ne dure qu’un jour, est ouvert et clos, le dimanche. Leurs
fonctions sont gratuites.
Le nombre des conseillers municipaux peut varier de 10 à 36, eu égard au
chiffre de la population communale.
Les communes qui n’ont pas au-dessus de 500 habitants sont
représentées par un conseil municipal composé de dix membres au moins ;
ce nombre s’accroît proportionnellement au nombre d’habitants. Il est de 36
pour les communes comptant 60,000 habitants et au-dessus, Paris excepté.
Le conseil municipal de celte ville est, en effet, organisé d’une manière
spéciale ; il comprend 80 membres, soit un par quartier
Tout électeur inscrit sur la liste électorale municipale, n’est point par cela
seul, apte à faire partie du conseil municipal.
Pour pouvoir être appelé à la gestion des affaires communales, il est
indispensable de remplir certaines conditions d’âge et de domicile.
Ne sont éligibles, en effet, que les électeurs, âgés de 25 ans, jouissant de
leurs droits civils et politiques, domiciliés dans la commune depuis une
année au moins, ou y payant l’une des quatre contributions directes.
Bien que réunissant tout ou partie de ces conditions, sont déclarés par la
loi incapables de remplir le mandat de conseiller municipal : les comptables
de deniers communaux, les domestiques attachés à la personne, les
entrepreneurs de travaux communaux et les citoyens non contribuables,
inscrits au bureau de bienfaisance.
Les fonctions de conseiller municipal sont de plus incompatibles avec les
fonctions de préfet, de sous-préfet, de secrétaire général, de conseiller de
préfecture, d’agent de police, de militaire en activité, de ministre du culte
exerçant dans la commune.
On ne saurait être membre de plusieurs conseils municipaux.
Par analogie avec ce qui a lieu pour les maires et les adjoints, les conseils
municipaux peuvent être suspendus par le préfet, mais le Président de la
République peut seul les dissoudre.
Session des conseils municipaux. — Ils se réunissent régulièrement
quatre fois l’année, en février, mai, août et novembre, pour délibérer sur les
affaires qui intéressent la commune et pour voter le budget nécessaire à
établir les recettes et à couvrir les dépenses.
Ces quatre sessions ordinaires, qui ont lieu de plein droit, peuvent être
complétées par des sessions extraordinaires.
Ces dernières ne sont ouvertes que pour des cas particuliers et sur
autorisation du préfet ou du sous-préfet.
Le public n’est pas admis aux séances du conseil municipal.
Les lois qui donnent aux maires et aux conseils municipaux leurs
principales attributions sont les lois du 18 juillet 1837 et du 24 juillet 1867.
C’est à ces deux actes législatifs qu’il faut se reporter toutes les fois
qu’on a à traiter une question d’administration communale.
La loi d’organisation est la loi du 5 mai 1855.
Attributions des maires. — Les attributions des maires sont fort
nombreuses et leur importance nécessiterait des développements
incompatibles avec l’exiguité de notre cadre.
Le maire, officier de l’état civil. — D’une part, ils sont chargés de tenir
et de conserver les registres de l’état civil ; d’y inscrire les actes de
naissance, de mariage et de décès, dont la rédaction et la conservation
étaient autrefois confiées aux églises.
Ils sont tenus de mentionner sur des registres spéciaux la date de la
naissance, le sexe, les noms et prénoms des enfants qui viennent au monde
dans la commune, ainsi que le nom des parents dont ils sont nés.
La déclaration doit être faite à la mairie dans les trois jours de
l’accouchement ; l’acte de naissance est rédigé de suite, en présence de
deux témoins.
Les maires ou adjoints indiquent également sur les registres la date des
mariages célébrés dans la commune, les noms des époux et leurs
professions respectives. A l’issue de la cérémonie civile du mariage qui se
fait en présence de quatre témoins, ils délivrent aux époux un certificat qui
en constate l’accomplissement. Ce certificat doit, en cas de mariage
religieux, être présenté au prêtre qui ne peut procéder à la bénédiction
nuptiale que sur le vu de cette pièce.
Les maires et adjoints sont de plus chargés de faire constater les décès
des habitants de la commune, de recevoir la déclaration qui leur en est faite
par les parents ou par les amis de la famille du défunt, et d’en dresser acte
en présence de deux témoins.
Ces trois sortes d’actes, de naissance, de mariage et de décès, portent le
nom d’actes de l’état civil, parce qu’ils concernent l’état des personnes dans
la société.
Le maire, lorsqu’il remplit ces fonctions, prend le nom d’officier de l’état
civil.
Le maire, officier de police judiciaire. — À ce titre d’officier de l’état
civil, le maire ajoute celui d’officier de police judiciaire ; en cette qualité, il
est appelé à rechercher et à faire punir les infractions à la loi, tels que
crimes, délits et contraventions..
Le maire, agent du gouvernement. — Mais ces deux sortes
d’attributions ne sont pas à beaucoup près les plus importantes.
Le maire est, en effet, chargé, par l’autorité centrale, de la publication et
de l’exécution des lois et des règlements et de l’exécution des mesures de
sûreté générale.
Le maire, magistrat municipal. — Police municipale et
rurale. — Voirie municipale. — Il est, dans ces différents cas, l’agent du
gouvernement, dont il est tenu d’exécuter les ordres et de suivre les
instructions.
Le maire prend le caractère d’agent du gouvernement quand il exerce
celles de ses attributions qui se rattachent à la police municipale, à la police
rurale et à la voirie municipale.
Il ne prend les mesures qui se rapportent à ces trois catégories d’affaires
qu’en sa qualité de magistrat municipal.
En matière de police municipale, le maire veille à la sûreté et à la
commodité de la voie publique ; à la salubrité des comestibles et à la
fidélité du débit des denrées ; il réprime les délits contre la tranquillité
publique ; assure le maintien du bon ordre dans les lieux publics et dans les
spectacles ; il recherche enfin le moyen de prévenir les accidents et fléaux
calamiteux et de les l’aire cesser.
Chargé de la police rurale, le maire est appelé à prendre les mesures
destinées à assurer la tranquillité, la salubrité et la sûreté des campagnes.
En ce qui concerne la voirie municipale, il veille au bon entretien des
rues, places et chemins à la charge de la commune, empêche les
constructeurs d’empiéter sur la voie publique et d’édifier les maisons en
deçà ou au delà des limites déterminées par les plans d’alignement
régulièrement approuvés par le préfet (D. du 25 mars 1852. Tab. A. art. 50).
Arrêtés des maires. — Toutes les décisions des maires, qui se rapportent
à la police municipale et rurale et à la voirie municipale, sont prises sous
forme d’arrêtés ; et ceux-ci, suivant leur caractère, sont ou notifiés à la
personne qu’ils intéressent, ou portés à la connaissance du public par la voie
des affiches.
La contravention à ces arrêtés de police des maires est punie par les
tribunaux judiciaires d’une amende de un à cinq francs.
Quand il prend ces sortes d’arrêtés, le maire agit comme magistrat
municipal.
Il agit, au contraire, comme représentant de la commune, quand il
s’occupe de la conservation et de l’administration des propriétés de la
commune, de la gestion des revenus, de la surveillance des établissements
communaux et de la comptabilité communale.
C’est aussi comme représentant de la commune, qu’il en propose le
budget et en ordonnance les dépenses ; qu’il dirige les travaux communaux,
souscrit les marchés, passe les baux de biens et les adjudications des
travaux communaux, les actes de vente, d’échange, de partage ; qu’il
accepte les dons et legs qui sont faits à la commune, et enfin qu’il la
représente en justice, en cas de procès à intenter ou à soutenir.
Le maire nomme le secrétaire de la mairie, l’architecte de la commune et
aussi les pâtres communs, dont le rôle est de conduire et de surveiller les
troupeaux sur les terrains et pâturages communaux.
Délibérations des conseils municipaux. — Les conseils municipaux ont
à délibérer sur deux grandes catégories d’affaires qui touchent également
aux intérêts de la commune.
La première catégorie comprend les affaires qui n’engagent que le
présent sans engager l’avenir, et qui ne peuvent compromettre gravement la
fortune communale.
Elles consistent surtout en mesures d’administration et de conservation.
Délibérations réglementaires, (exécutoires par elles-mêmes). — Les
délibérations des conseils municipaux qui s’y rapportent sont dites
réglementaires, parce qu’elles règlent d’une manière définitive les affaires
qui en font l’objet.
Elles sont exécutoires par elles-mêmes, et il n’est pas besoin, pour
qu’elles aient leur entier effet, de l’approbation de l’autorité supérieure.
Le préfet du département conserve toutefois le droit de les annuler et
d’en suspendre l’exécution.
Délibérations non exécutoires par elles-mêmes. — La seconde
catégorie comprend, au contraire, une série d’affaires plus importantes, dont
la solution peut compromettre l’avenir financier de la commune ou en
modifier sensiblement l’économie.
Les délibérations des conseils municipaux sur ce genre d’affaires,
pouvant affecter gravement le fonds de la propriété communale, il importait
que les pouvoirs conférés à ces conseils fussent, sur ce point, maintenus
dans de certaines limites, et que les décisions qu’ils auraient à prendre, à cet
égard, fussent soumises, avant d’être exécutées, à la nécessité de la sanction
de l’autorité supérieure.
C’est ce qu’a fait la loi du 18 juillet 1837, modifiée dans la suite, par la
loi du 24 juillet 1867.
Tous les actes de simple administration rentrent ans la première catégorie
d’affaires, et font l’objet des délibérations réglementaires des conseils
municipaux.
C’est ainsi, que les conseils prennent des décisions définitives sur le
mode d’administration des propriétés communales et sur la question de
savoir : si elles seront données en fermes ou mises en location, ou, au
contraire, laissées à la disposition des habitants. pour que ceux-ci en
perçoivent les fruits en nature.
Le conseil municipal statue de la même manière sur le mode de
répartition des pâturages et fruits communaux ; c’est lui qui détermine le
montant de la somme à verser, s’il y a lieu, chaque année, par tout habitant
voulant user du droit de mener paître ses bestiaux sur les prairies
communales ; qui distribue, par chef de famille domicilié dans la commune,
le bois d’affouage ou de chauffage coupé, à cet effet, dans les forêts de la
commune ; il décide s’il y a lieu d’employer les capitaux libres de la
commune à l’acquisition de maisons ou d’autres biens immeubles d’une
valeur qui ne peut dépasser un maximum déterminé par la loi ; il règle, dans
une certaine limite, les conditions de baux à loyer et des bâtiments de la
commune et vote les fonds nécessaires à les faire réparer et à les entretenir
en bon état.
Il établit enfin le tarif des droits à percevoir sur les marchands, pour la
place qu’ils occupent dans les halles, foires et marchés, et sur tout individu
qui veut stationner sur une partie de la voie publique : c’est le cas des
propriétaires ou conducteurs de voitures de place à Paris.
Cette énumération est loin de contenir la nomenclature de toutes les
affaires sur lesquelles les conseils municipaux sont appelés à prononcer
définitivement.
En ce qui concerne la 2me catégorie d’affaires, les baux de longue durée,
les acquisitions qui excèdent une certaine somme, les échanges, partages de
biens communaux ; les contributions extraordinaires et les emprunts
dépassant une certaine quotité, enfin le budget, font l’objet des délibérations
du conseil municipal.
Mais, la décision du conseil municipal pouvant, sur ces divers points,
engager l’avenir et compromettre la fortune communale, n’est pas
exécutoire de plein droit ; elle doit être approuvée par l’autorité supérieure.
Avis et vœux. — Les conseils municipaux peuvent ou doivent être
consultés, suivant le cas, par l’autorité, sur certaines questions
administratives. Il est ainsi tantôt facultatif, tantôt obligatoire, pour
l’autorité, de demander l’avis du conseil municipal.
Les conseils municipaux enfin, peuvent formuler des vœux se rattachant
à une question d’intérêt local ; mais les vœux politiques leur sont interdits.
LE BUDGET COMMUNAL ; — INSTRUCTION PRIMAIRE ; — BATIMENTS
COMMUNAUX ; — CHEMINS VICINAUX ET RURAUX, ETC ; — LES
SUBVENTIONS DU DÉPARTEMENT ET DE L’ÉTAT.

Budget communal. — Le budget de la commune, comme tous les


budgets, comprend des dépenses et des recettes.
Dépenses obligatoires ; dépenses facultatives. — Parmi les dépenses,
les unes sont obligatoires, les autres facultatives.
On dit qu’une dépense est obligatoire, lorsque le conseil municipal est
tenu d’ouvrir à son budget les crédits destinés à y faire face, sous peine de
voir le préfet du département inscrire, d’office, au budget communal, la
somme nécessaire à pourvoir à la dépense.
C’est le caractère même d’absolue nécessité de cette catégorie de
dépenses, qui légitime, pour les conseils municipaux, l’obligation de les
prévoir au budget de la commune. Leur omission ne laisserait pas que
d’entraver les services publics et de porter une grave atteinte à l’intérêt
général.
Les sommes destinées à couvrir les dépenses facultatives ne peuvent pas
être inscrites au budget de la commune, sans l’assentiment du conseil
municipal ;
Celui-ci a la faculté de les voter ou de négliger de les inscrire, et nulle
autorité n’a le droit de les faire figurer au budget de la commune, s’il y a
volonté contraire du conseil municipal.
Ces dépenses, d’ailleurs, ne se rapportant qu’à des objets d’un intérêt
secondaire, et n’offrant pas le caractère de première nécessité afférent aux
dépenses obligatoires, il était naturel que la loi ne permît pas à l’autorité
supérieure de les imposer aux communes, contre le gré du conseil
municipal.
Recettes ordinaires et extraordinaires. — Les recettes de la commune
sont de deux sortes : ordinaires et extraordinaires.
Les recettes ordinaires consistent dans les revenus que la commune
propriétaire retire de ses biens ; dans le prix des fermages de ses propriétés
rurales, et dans le montant des loyers de ses maisons de ville.
Les recettes ordinaires de la commune dérivent encore de différentes
autres sources.
Quand les recettes ordinaires sont insuffisantes pour subvenir aux besoins
des communes, (et il en est presque toujours ainsi), le conseil municipal
établit, sur les habitants de la commune, des impositions extraordinaires.
C’est au milieu de ces circontances difficiles qu’on voit les communes
avoir recours aux emprunts, faire, dans leurs bois, des coupes
extraordinaires dont le prix tombe dans la caisse municipale et aide à
subvenir aux plus pressants besoins.
Les recettes procédant de ces différentes opérations s’appellent recettes
extraordinaires. Le nom qui leur est donné s’explique suffisamment.
Elles sont nécessitées par l’état de gêne de la commune qui est obligée,
pour équilibrer sa situation financière d’avoir recours à des mesures
extraordinaires, qu’elle se dispenserait de prendre si les sources naturelles
de ses revenus étaient suffisantes pour alimenter son budget.
Qu’elles soient ordinaires ou extraordinaires, les recettes de la commune
en constituent la fortune particulière. C’est sur ces recettes qu’elle prélève
les sommes nécessaires à son existence et à son bien-être.
Ce n’est que sur l’ordre du maire que les deniers ainsi recueillis et
centralisés dans la caisse municipale peuvent être dépensés.
On dit alors que le maire ordonnance la dépense ; et quand il donne
l’ordre au receveur comptable de la commune de prendre, dans la caisse
municipale, une somme destinée à désintéresser un créancier, ou à solder
aux entrepreneurs de travaux communaux le prix d’un travail fait, le maire
joue le rôle d’ordonnateur et agit par voie d’ordonnancement.
Le projet de budget est établi par le maire, proposé. à l’agrément du
conseil municipal qui le vote tel qu’il lui est présenté ou qui y fait les
modifications jugées par lui convenables.
Voté par le conseil municipal, le budget de la commune est enfin
approuvé ordinairement par le préfet du département, quelquefois et, par
exception, par décret du Président de la République.
Les budgets de quelques villes très importantes sont seuls soumis à
l’approbation du Président de la République.
A quelles dépenses subvient le budget communal ? — Le budget
communal est tenu de subvenir à l’entretien des bâtiments communaux.
Nous avons, dans le cours de cette étude, suffisamment parlé des bâtiments
communaux, il est inutile d’y revenir.
Instruction primaire. — Bâtiments communaux. — Chemins
vicinaux et ruraux. — Quant à l’instruction primaire, il convient de
rappeler qu’il doit y être pourvu sur les ressources de la commune. Ce n’est
qu’en cas d’insuffisance des ressources communales, que le département et
l’État peuvent venir en aide aux communes.
Subventions de l’État ; du département. — Encore ces subventions ne
sont-elles accordées qu’autant que la commune a épuisé ses revenus
ordinaires, et que le conseil municipal a voté, pour couvrir les frais
d’entretien des écoles, les 4 centimes additionnels au principal des 4
contributions directes, autorisé par l’art. 7 de la loi du 19 juillet 1874.
« La subvention de l’État n’est allouée que dans le cas où le département
ne peut acquitter les dépenses scolaires, soit sur ses ressources propres, soit
sur le produit des 4 centimes spéciaux.
Les revenus de l’instruction primaire se composent donc d’abord des
ressources communales, ensuite des ressources départementales ; le trésor
public vient en dernier lieu combler le déficit ». (Block)
Aux charges déjà si lourdes des communes, viennent s’ajouter les
dépenses relatives aux chemins vicinaux.
Cette question très importante d’administration communale comporte
quelques développements.
Chemins vicinaux. — Les chemins vicinaux qui servent à faire
communiquer les communes entre elles, se divisent en trois catégories,
savoir : les chemins vicinaux de grande communication, les chemins
vicinaux d’intérêt commun ; enfin, les chemins vicinaux ordinaires.
On distingue ainsi la grande, la moyenne et la petite vicinalité. A quelque
catégorie qu’ils appartiennent, les chemins vicinaux font partie du domaine
public communal, et sont, à ce titre, inaliénables et imprescriptibles ; ils ne
peuvent donc être ni vendus, ni échangés par la commune qui en est
propriétaire ; ils ne peuvent non plus être acquis par des particuliers, à la
suite d’une longue et paisible possession.
Les dépenses occasionnées par l’ouverture et l’entretien de ces chemins,
sont à la charge de la commune qui doit y pourvoir sur ses revenus
ordinaires, et, en cas d’insuffisance de ces derniers, au moyen de centimes
spéciaux qui s’ajoutent au principal des quatre contributions directes.
Prestations en nature. — Les prestations en nature viennent accroître le
budget de la vicinalité.
Il faut entendre par le mot prestation en nature, le travail auquel peuvent
être assujettis les habitants de la commune, pour l’entretien et la réparation
des chemins vicinaux.
Chaque habitant de la commune est tenu de se rendre pendant un certain
temps de l’année sur le chemin vicinal et d’y procéder, sous la surveillance
des agents de l’administration, à l’exécution de travaux manuels, destinés à
assurer le libre écoulement des eaux dans les fossés qui bordent le chemin,
l’empierrement de la route, l’apport de matériaux sur la voie. Une tâche est
assignée à chacun ; elle doit être faite dans le délai fixé.
La prestation en nature est rachetable en argent, en sorte que, moyennant
une certaine somme, le prestataire peut être dispensé de se rendre, de sa
personne, sur le chemin, et libéré de tout travail manuel s’y référant.
Aux termes de la loi du 21 mai 1836, tout habitant, chef de famille ou
d’établissement, à titre de propriétaire, de régisseur, de fermier ou métayer,
porté au rôle des contributions directes, pourra être appelé à fournir, chaque
année, une prestation de trois jours : 1° pour sa personne et pour chaque
individu mâle, valide, âgé de dix-huit ans au moins et de soixante ans au
plus, membre ou serviteur de la famille et résidant dans la commune ; 2°
pour chacune des charrettes ou voitures attelées, et, en outre, pour chacune
des bêtes de somme, de trait, de selle, au service de la famille ou de
rétablissement dans la commune.
La prestation sera appréciée en argent, conformément à la valeur qui aura
été attribuée annuellement pour la commune, à chaque espèce de journée,
par le conseil général sur la proposition des conseils d’arrondissements.
La prestation pourra être acquittée en nature ou en argent, au gré du
contribuable.
Toutes les fois que le contribuable n’aura pas opté dans les délais
prescrits, (ordinairement un mois), la prestation sera, de droit, exigible en
argent.
Agents voyers. — Le service de la vicinalité est confié, dans chaque
département, à une catégorie de fonctionnaires appelés agents voyers.
Les agents voyers sont nommés par le préfet.
En ce qui concerne le classement et le déclassement des chemins
vicinaux, il faut distinguer entre les chemins vicinaux de grande
communication et d’intérêt commun d’une part, et les chemins vicinaux
ordinaires d’autre part.
Classement et déclassement des chemins vicinaux. — Le classement et
le déclassement des premiers fait l’objet d’une délibération du conseil
général ; le classement et le déclassement des chemins vicinaux ordinaires
est prononcé par la commission départementale, délégation permanente du
conseil général.
Les chemins vicinaux de grande communication et, dans des cas
extraordinaires, les autres chemins vicinaux, pourront recevoir des
subventions sur les fonds départementaux.
Il sera pourvu à ces subventions au moyen des ressources ordinaires du
département, et de centimes spéciaux votés annuellement par le conseil
général. (Art. 8, L. 1836.)
Le maximum des centimes spéciaux qui peuvent être votés par les
conseils généraux, dans l’intérêt des chemins vicinaux, est déterminé,
chaque année, par la loi de finances. (L. 1836, art. 12). Ce maximum est
actuellement fixé à 7 centimes.
Depuis la loi du 10 août 1871 même, rien ne s’oppose à ce que les
départements ne s’imposent extraordinairement dans le même but.
Aux subventions du département, s’ajoutent les subventions de l’État.
La loi du 11 juillet 1868, relative à l’achèvement des chemins vicinaux et
à la création d’une caisse spéciale pour leur exécution, accorde aux
communes une subvention de 100 millions pour faciliter l’achèvement des
chemins vicinaux ordinaires, dont la longueur kilométrique aura été
approuvée, pour chaque département, par un arrêté du ministre de
l’Intérieur, avant la répartition de la première annuité. (L. 1868, art. 1er.)
Chaque annuité est répartie entre les départements par un décret délibéré
en conseil d’État, en ayant égard aux besoins, aux ressources et aux
sacrifices des communes et des départements. (L. 1868, art. 2.)
Une sous-répartition est faite, sur les mêmes bases, entre les communes,
par le conseil général, sur la proposition du préfet.
Cette même loi affecte une subvention de 15 millions à l’achèvement des
chemins vicinaux d’intérêt commun.

1 Il existe au musée du Louvre un tableau célèbre de David qui représente


le serment du Jeu de Paume.
2 Le Sénat peut être constitué en cour de justice pour juger soit le Président
de la République, soit les ministres, et pour connaître des attentats commis
contre la sûreté de l’Etat. C’est une dérogation au principe.
3 Il importe de ne pas confondre la grâce avec t’amnistie : la grâce est une
mesure individuelle et particulière ; l’amnistie est une mesure collective et
générale. La grâce n’a pour effet que de dispenser le coupable des peines
corporelles qu’il aurait eues à subir ; mais elle n’efface pas la faute elle-
même ; en sorte que si le coupable grâcié faillit de nouveau, les peines de la
récidive peuvent lui être appliquées. L’amnistie, au contraire, efface
absolument et la peine et la a faute ; l’amnistié est réintégré dans sa
situation antérieure et considéré comme n’ayant jamais été coupable.
4 On réserve le nom de projets de loi aux propositions émanant du
gouvernement ; et celui de propositions de loi, aux projets émanant d’un
membre quelconque de l’une des deux Chambres.
5 La formule de promulgation est la suivante : Le Sénat et la Chambre des
députés ont adopté ; le Président de la République promulgue la loi dont la
teneur suit.
6 Les peines afflictives et infamantes sont : la mort ; les travaux forcés à
perpétuité ; la déportation ; les travaux forcés à temps ; la détention ; la
réclusion. Les peines infamantes sont le bannissement et la dégradation
civique (C. pén., art. 7 et 8).
7 Les développements qui précèdent, relatifs à l’organisation judiciaire,
sont, en grande partie, extraits de l’ouvrage de M. Ortolan.
8 Le conseil de préfecture de la Seine se compose de neuf membres, y
compris le président (L. 23 mars 1878). Il est divisé en deux sections,
présidées, en l’absence du président, par des conseillers désignés par le
préfet de la Seine.
9 La gendarmerie, sous le nom de prévôté, est chargée, dans les armées en
campagne, de rechercher les délits et les crimes, et d’en remettre les auteurs
militaires aux mains de la juridiction compétente.
10 . Le décret du 10 août 1853 est relatif au classement des places de guerre
et des postes militaires, et aux servitudes imposées à la propriété autour des
fortifications.
APPENDICE

LOIS PROMULGUÉES EN 1881 ET 1882 SUR


L’INSTRUCTION PRIMAIRE

ENSEIGNEMENT
PRIMAIRE ; — GRATUITÉ ; — ÉCOLES
PUBLIQUES ; — SALLES D’ASILE ; — CLASSES
ENFANTINES
Loi qui établit la gratuité absolue de l’enseignement primaire
dans les Écoles publiques. — Bull. off. 625, n° 10,675).

(16 juin 1881). — (Promulg. au J. off. du 17 juin).


ART. 1er. Il ne sera plus perçu de rétribution scolaire dans les écoles
primaires publiques, ni dans les salles d’asile publiques.
Le prix de la pension dans les écoles normales est supprimé.
2. Les quatre centimes spéciaux créés par les articles 40 de la loi du 15
mars 1850 et 7 de la loi du 19 juillet 1875, pour le service de l’instruction
primaire, sont obligatoires pour toutes les communes, compris dans leurs
ressources ordinaires et votés sans le concours des plus imposés.
Les communes auront la faculté de s’exonérer de tout ou partie de ces
quatre centimes en inscrivant au budget, avec la même destination, une
somme égale au produit des centimes supprimés, somme qui pourra être
prise soit sur le revenu des dons et legs, soit sur une portion quelconque de
leurs ressources ordinaires et extraordinaires.
3. Les prélèvements à effectuer en faveur de l’instruction primaire sur les
revenus ordinaires des communes, en vertu de l’article 40 de la loi du 15
mars 1850, porteront successivement sur les ressources ci-après
énumérées :
1° Revenus en argent de biens communaux ;
2° La part revenant à la commune sur l’imposition des chevaux et
voitures et sur les permis de chasse.
3° La taxe sur les chiens ;
4° Le produit net des taxes ordinaires d’octroi ;
5° Les droits de voirie et les droits de location aux halles, foires et
marchés.
Ces revenus sont affectés jusqu’à concurrence d’un cinquième aux
dépenses ordinaires et obligatoires afférentes à la commune pour le service
de ses écoles primaires publiques.
Sont désormais exemptées de tout prélèvement sur leurs revenus
ordinaires les communes dans lesquelles la valeur du centime additionnel
au principal des quatre contributions directes n’atteint pas vingt francs.
4. Les quatre centimes spéciaux établis par les articles 40 de la loi du 15
mars 1850, 14 de la loi du 10 avril 1867, et 7 de la loi du 19 juillet 1875, au
principal des quatre contributions directes, pour le service de l’instruction
primaire, sont obligatoires dans les départements.
Toutefois les départements auront la faculté de s’exonérer de tout ou
partie de cette imposition, en inscrivant à leur budget, avec la même
destination, une somme égale au produit des centimes supprimés, somme
qui pourra être prise soit sur le revenu des dons et legs, soit sur une portion
quelconque de leurs ressources ordinaires ou extraordinaires.
5. En cas d’insuffisance des ressources énumérées aux articles 2, 3 et 4
de la présente loi, les dépenses seront couvertes par une subvention de
l’État.
6. Le traitement des instituteurs et institutrices, titulaires et adjoints,
actuellement en exercice, ne pourra, dans aucun cas, devenir inférieur au
plus élevé des traitements dont ils auront joui pendant les trois années qui
auront précédé l’application de la présente loi.
Le taux de rétribution servant à déterminer le montant du traitement
éventuel établi par l’article 9 de la loi du 10 avril 1867 sera fixé chaque
année par le ministre, sur la proposition du préfet, après avis du conseil
départemental.
Un décret fixera la quotité des traitements en ce qui concerne les salles
d’asile ou les classes enfantines.
7. Sont mises au nombre des écoles primaires publiques donnant lieu à
une dépense obligatoire pour la commune, à la condition qu’elles soient
créées conformément aux prescriptions de l’article 2 de la loi du 10 avril
1867 :
1° Les écoles communales de filles qui sont ou seront établies dans les
communes de plus de quatre cents âmes ;
2° Les salles d’asile ;
3° Les classes intermédiaires entre la salle d’asile et l’école primaire,
dites classes enfantines, comprenant les enfants des deux sexes et confiées à
des institutrices pourvues du brevet de capacité et du certificat d’aptitude à
la direction des salles d’asile.

ENSEIGNEMENT
PRIMAIRE ; — OBLIGATION ; — LAÏCITÉ
LOI sur l’enseignement primaire. — (Bull. off. 690, n. 11, 696).

(28 mars 1882). — (Promulg. au J. off. du 29 mars).


ART. 1er. L’enseignement primaire comprend :
L’instruction morale et civique ;
La lecture et l’écriture ;
La langue et les éléments de la littérature française ;
La géographie, particulièrement celle de la France ;
L’histoire, particulièrement celle de la France jusqu’à nos jours ;
Quelques leçons usuelles de droit et d’économie politique ;
Les éléments des sciences naturelles, physiques et mathématiques, leurs
applications à l’agriculture, à l’hygiène, aux arts industriels, travaux
manuels et usage des outils des principaux métiers ;
Les éléments du dessin, du modelage et de la musique ;
La gymnastique ;
Pour les garçons, les exercices militaires ;
Pour les filles, les travaux à l’aiguille.
L’article 23 de la loi du 15 mars 1850 est abrogé.
2. Les écoles primaires publiques vaqueront un jour par semaine, en outre
du dimanche, afin de permettre aux parents de faire donner, s’ils le désirent,
à leurs enfants, l’instruction religieuse, en dehors des édifices scolaires.
L’enseignement religieux est facultatif dans les écoles privées.
3. Sont abrogées les dispositions des articles 18 et 44 de la loi du 15 mars
1850, en ce qu’elles donnent aux ministres des cultes un droit d’inspection,
de surveillance et de direction dans les écoles primaires publiques et privées
et dans les salles d’asile, ainsi que le paragraphe 2 de l’article 31 de la
même loi, qui donne aux consistoires le droit de présentation pour les
instituteurs appartenant aux cultes non catholiques.
4. L’instruction primaire est obligatoire pour les enfants des deux sexes
âgés de six ans révolus à treize ans révolus ; elle peut être donnée soit dans
les établissements d’instruction primaire ou secondaire, soit dans les écoles
publiques ou libres, soit dans les familles, par le père de famille lui-même
ou par toute personne qu’il aura choisie.
Un règlement déterminera les moyens d’assurer l’instruction primaire
aux enfants sourds-muets et aux aveugles.
5. Une commission municipale scolaire est instituée dans chaque
commune, pour surveiller et encourager la fréquentation des écoles.
Elle se compose du maire, président ; d’un des délégués du canton, et,
dans les communes comprenant plusieurs cantons, d’autant de délégués
qu’il y a de cantons, désignés par l’inspecteur d’académie ; de membres
désignés par le conseil municipal en nombre égal, au plus, au tiers des
membres de ce conseil.
A Paris et à Lyon, il y a une commission pour chaque arrondissement
municipal. Elle est présidée : à Paris, par le maire, à Lyon par un des
adjoints ; elle est composée d’un des délégués cantonaux désignés par
l’inspecteur d’académie, de membres désignés par le conseil municipal, au
nombre de trois à sept par chaque arrondissement.
Le mandat des membres de la commission scolaire désignés par le
conseil municipal durera jusqu’à l’élection d’un nouveau conseil municipal.
Il sera toujours renouvelable.
L’inspecteur primaire fait partie de droit de toutes les commissions
scolaires instituées dans son ressort.
6. Il est institué un certificat d’études primaires ; il est décerné après un
examen public auquel pourront se présenter les enfants dès l’âge de onze
ans.
Ceux qui, à partir de cet âge, auront obtenu le certificat d’études
primaires, seront dispensés du temps de scolarité obligatoire qui leur restait
à passer.
7. Le père, le tuteur, la personne qui a la garde de l’enfant, le patron chez
qui l’enfant est placé, devra, quinze jours au moins avant la rentrée des
classes, faire savoir au maire de la commune s’il entend faire donner à
l’enfant l’instruction dans une famille ou dans une école publique ou
privée ; dans ces deux derniers cas, il indiquera l’école choisie.
Les familles domiciliées à proximité de deux ou plusieurs écoles
publiques ont la faculté de faire inscrire leurs enfants à l’une ou à l’autre de
ces écoles, qu’elle soit ou non sur le territoire de leurs communes, à moins
qu’elle ne compte déjà le nombre maximum d’élèves autorisé par les
règlements.
En cas de contestation, et sur la demande soit du maire, soit des parents,
le conseil départemental statue en dernier ressort.
8. Chaque année, le maire dresse, d’accord avec la commission
municipale scolaire, la liste de tous les enfants âgés de six à treize ans, et
avise les personnes qui ont charge de ces enfants de l’époque de la rentrée
des classes.
En cas de non-déclaration, quinze jours avant l’époque de la rentrée, de
la part des parents et autres personnes responsables, il inscrit office l’enfant
à l’une des écoles publiques et en avertit la personne responsable.
Huit jours avant la rentrée des classes, il remet aux directeurs d’écoles
publiques et privées la liste des enfants qui doivent suivre leurs écoles. Un
double de ces listes est adressé par lui à l’inspecteur primaire.
9. Lorsqu’un enfant quitte l’école, les parents ou les personnes
responsables doivent en donner immédiatement avis au maire et indiquer de
quelle façon l’enfant recevra l’instruction à l’avenir.
10. Lorsqu’un enfant manque momentanément l’école, les parents ou les
personnes responsables doivent faire connaître au directeur ou à la
directrice les motifs de son absence.
Les directeurs et les directrices doivent tenir un registre qui constate,
pour chaque classe, l’absence des élèves inscrits. A la fin de chaque mois,
ils adressent au maire et à l’inspecteur primaire un extrait de ce registre,
avec l’indication du nombre des absences et des motifs invoqués.
Les motifs d’absence seront soumis à la commission scolaire. Les seuls
motifs réputés légitimes sont les suivants : maladie de l’enfant, décès d’un
membre de la famille, empêchements résultant de la difficulté accidentelle
des communications. Les autres circonstances exceptionnellement
invoquées seront également appréciées par la commission.
11. Tout directeur d’école privée, qui ne se sera pas conformé aux
prescriptions de l’article précédent sera, sur le rapport de la commission
scolaire et de l’inspecteur primaire, déféré au conseil départemental.
Le conseil départemental pourra prononcer les peines suivantes : 1°
l’avertissement ; 2° la censure ; 3° la suspension pour un mois au plus, et,
en cas de récidive dans l’année scolaire, pour trois mois au plus.
12. Lorsqu’un enfant se sera absenté de l’école quatre fois dans le mois
pendant au moins une demi-journée, sans justification admise par la
commission municipale scolaire, le père, le tuteur ou la personne
responsable sera invité, trois jours au moins à l’avance, à comparaître dans
la salle des actes de la mairie, devant la dite commission qui lui rappellera
le texte de la loi et lui expliquera son devoir.
En cas de non-comparution sans justification admise, la commission
appliquera la peine énoncée dans l’article suivant.
13. En cas de récidive dans les douze mois qui suivront la première
infraction, la commission municipale scolaire ordonnera l’inscription
pendant quinze jours ou un mois, à la porte de la mairie, des nom, prénoms
et qualités de la personne responsable, avec indication du fait relevé contre
elle.
La même peine sera appliquée aux personnes qui n’auront pas obtempéré
aux prescriptions de l’art. 9.
14. En cas d’une nouvelle récidive, la commission scolaire, ou, à son
défaut, l’inspecteur primaire, devra adresser une plainte au juge de paix.
L’infraction est considérée comme une contravention et pourra entraîner
condamnation aux peines de police, conformément aux art. 479, 480 et suiv.
du Code pénal.
L’art. 463 du même Code est appliquable.
15. La commission scolaire pourra accorder aux enfants demeurant chez
leurs parents ou leur tuteur, lorsque ceux-ci en feront la demande motivée,
des dispenses de fréquentation scolaire ne pouvant dépasser trois mois par
année en dehors des vacances. Ces dispenses devront, si elles excèdent
quinze jours, être soumises à l’approbation de l’inspecteur primaire.
Ces dispositions ne sont pas applicables aux enfants qui suivront leurs
parents ou tuteurs, lorsque ces derniers s’absenteront de la commune. Dans
ce cas, un avis donné verbalement ou par écrit au maire ou à l’instituteur
suffira.
La commission peut aussi, avec l’approbation du conseil départemental,
dispenser les enfants employés dans l’industrie, et arrivés à l’âge de
l’apprentissage, d’une des deux classes de la journée ; la même faculté sera
accordée à tous les enfants employés, hors de leur famille, dans
l’agriculture.
16. Les enfants qui reçoivent l’instruction dans la famille doivent, chaque
année, à partir de la fin de la deuxième année d’instruction obligatoire,
subir un examen qui portera sur les matières de l’enseignement
correspondant à leur âge dans les écoles publiques, dans des formes et
suivant des programmes qui seront déterminés par arrêtés ministériels
rendus en conseil supérieur.
Le jury d’examen sera composé de : l’inspecteur primaire ou son
délégué, président ; un délégué cantonal ; une personne munie d’un diplôme
universitaire ou d’un brevet de capacité ; les juges seront choisis par
l’inspecteur d’académie. Pour l’examen des filles, la personne brevetée
devra être une femme.
Si l’examen de l’enfant est jugé insuffisant et qu’aucune excuse ne soit
admise par le jury, les parents sont mis en demeure d’envoyer leur enfant
dans une école publique ou privée dans la huitaine de la notification, et de
faire savoir au maire quelle école ils ont choisie.
En cas de non-déclaration, l’inscription aura lieu d’office. comme il est
dit à l’art. 8.
17. La caisse des écoles, instituée par l’art. 15 de la loi du 10 avril 1867,
sera établie dans toutes les communes. Dans les communes subventionnées
dont le centime n’excède pas 30 fr., la caisse aura droit, sur le crédit ouvert
pour cet objet au ministère de l’instruction publique, à une subvention au
moins égale au montant des subventions communales.
La répartition des secours se fera par les soins de la commission scolaire.
18. Des arrêtés ministériels rendus sur la demande des inspecteurs
d’académie et des conseils départementaux, détermineront chaque année les
communes où, par suite d’insuffisance des locaux scolaires, les
prescriptions des art. 4 et suivants sur l’obligation ne pourraient être
appliquées.
Un rapport annuel, adressé aux Chambres par le ministre de l’instruction
publique, donnera la liste des communes auxquelles le présent article aura
été appliqué.

ENSEIGNEMENT PRIMAIRE ; — ÉCOLES DE HAMEAU


DÉCRET relatif aux Écoles de hameau. — (Bulletin off. 680, n° 11486).
(10 octobre 1881). — Promulg. au J. off. du 11 oct.)
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE. — Sur le
rapport du président du Conseil, ministre de l’instruction publique et des
beaux-arts ; — Vu l’art. 2 de la loi du 10 avril 1867, lequel est ainsi conçu :
« Le conseil départemental détermine, sur l’avis du conseil municipal, le
cas où, à raison des circonstances, il peut être établi une ou plusieurs écoles
de hameau dirigées par des adjoints ou adjointes » ; — Considérant qu’il
importe de déterminer d’une manière précise quelles sont les écoles qui
doivent être placées au rang d’écoles de hameau, — Décrète :
ART. 1er. Toute école établie dans une section de commune qui aura reçu
pendant l’année au moins vingt-cinq élèves de cinq à treize ans sera
considérée comme école ordinaire, et l’instituteur adjoint ou l’institutrice
adjointe qui la dirige sera élevé au rang d’instituteur ou d’institutrice, pour
jouir des avantages attachés à ce titre.
2. L’école ainsi classée ne pourra, en cas de diminution de l’effectif
scolaire, être replacée au rang d’école de hameau qu’en vertu d’une
décision du conseil départemental.
3. Le président du Conseil, ministre de l’instruction publique et des
beaux-arts, est chargé, etc.

ÉCOLES PRIMAIRES ; — STATUT


ARRÊTÉ du Ministre de l’instruction publique portant statut des Écoles primaires.

(6 janvier 1881).
LE PRÉSIDENT DU CONSEIL, MINISTRE DE L’INSTRUCTION
PUBLIQUE ET DES BEAUX-ARTS, — Vu l’art. 2 de la loi du 28 juin
1833 ; — Vu les lois des 15 mars 1850 et 10 avril 1867 ; — Vu le statut des
écoles primaires en date du 25 avril 1834 ; — Vu la circulaire du 12
novembre 1835 ; — Vu la circulaire du 17 août 1851 et le règlement y
annexé ; — Vu la circulaire du 18 novembre 1871 ; — Le conseil supérieur
de l’instruction publique entendu, — Arrête :
ART. 1er. Pour être admis dans une école, les enfants doivent avoir plus
de six ans et moins de quatorze. En dehors de ces limites, ils ne pourront
être admis sans une autorisation spéciale de l’inspecteur d’académie.
Dans les communes qui n’ont pas de salle d’asile, l’âge d’admission sera
abaissé à cinq ans.
2. Tout enfant qui demandera son admission dans une école devra
présenter un bulletin de naissance.
L’instituteur s’assurera qu’il a été vacciné ou qu’il a eu la petite vérole, et
qu’il n’est pas atteint de maladies ou d’infirmités de nature à nuire à la
santé des autres élèves.
3. Le vœu des pères de famille sera toujours consulté et suivi en ce qui
concerne la participation de leurs enfants à l’instruction religieuse.
« Ce vœu sera formulé par oui ou par non dans une colonne spéciale sur
le registre matricule au moment de l’inscription des élèves.
Dans toute école mixte, quant au culte, les enfants reçoivent en commun
l’instruction primaire ; il reçoivent séparément l’instruction religieuse,
donnée aux uns et aux autres, en dehors des heures de classe ordinaire, par
le ministre de leur culte ».
4. La garde de la classe est commise à l’instituteur : il ne permettra pas
qu’on la fasse servir à aucun usage étranger à sa destination sans une
autorisation spéciale du préfet.
5. Pendant la durée de la classe, l’instituteur ne pourra, sous aucun
prétexte, être distrait de ses fonctions professionnelles, ni s’occuper d’un
travail étranger à ses devoirs scolaires.
6. Les enfants ne pourront, sous aucun prétexte, être détournés de leurs
études pendant la durée des classes.
« Ils ne seront envoyés à l’église que pour les catéchismes et pour les
exercices religieux qu’en dehors des heures de classe. L’instituteur n’est pas
tenu de les y surveiller. Il n’est pas tenu davantage de les y conduire, sauf le
cas prévu au § 3 de l’art. 9 ci-après.
Toutefois, pendant la semaine qui précède la première communion,
l’instituteur autorisera les élèves à quitter l’école aux heures où leurs
devoirs religieux les appellent à l’église. »
7. L’entrée de l’école est formellement interdite à toute personne antre
que celles qui sont préposées par la loi à la surveillance de l’enseignement.
8. L’instituteur n’établira aucune distinction entre les élèves payants et
les élèves gratuits ; les uns et les autres seront réunis dans les mêmes locaux
et participeront aux mêmes leçons.
9. Les classes dureront trois heures le matin et trois heures le soir. Celle
du matin commencera à huit heures, celle de l’après-midi à une heure ; elles
seront coupées par une récréation d’un quart d’heure.
Suivant les besoins des localités, les heures d’entrée et de sortie pourront
être modifiées par l’inspecteur d’académie, sur la demande des autorités
locales et l’avis de l’inspecteur primaire.
« Les enfants qui ne sont pas rendus à leur famille dans l’intervalle des
classes demeurent sous la surveillance de l’instituteur jusqu’à l’heure où ils
quittent définitivement la maison d’école. »
10. Les enfants se présenteront à l’école dans un état de propreté
convenable.
La visite de propreté sera faite par l’instituteur au commencement de
chaque classe.
11. Quand l’instituteur prendra la direction d’une école, il devra de
concert avec le maire ou son délégué, faire le récolement du mobilier
scolaire, des livres de la bibliothèque, des archives scolaires et, s’il y a lieu,
de son mobilier personnel et de celui de ses adjoints.
Le procès-verbal de cette opération, signé par les deux parties,
constituera l’instituteur responsable des objets désignés à l’inventaire.
En cas de changement de résidence, l’instituteur provoquera, avant son
départ, le nouveau récolement du mobilier.
12. Un tableau portant le prix de tous les objets que l’instituteur sera
autorisé de fournir aux élèves sera affiché dans l’école, après avoir été visé
par l’inspecteur primaire.
13. La classe sera blanchie et lessivée tous les ans, et tenue dans un état
constant de propreté et de salubrité. A cet effet elle sera balayée et arrosée
tous les jours ; l’air y sera fréquemment renouvelé ; même en hiver, les
fenêtres seront ouvertes pendant l’intervalle des classes.
14. Le français sera seul en usage dans l’école.
15. Toute représentation théâtrale est interdite dans les écoles publiques.
16. Aucun livre ni brochure, aucun imprimé ni manuscrit étrangers à
l’enseignement ne peuvent être introduits dans l’école sans l’autorisation
écrite de l’inspecteur d’académie.
17. Toute pétition, quête, souscription ou loterie y est également interdite.
18. Les seules punitions dont l’instituteur puisse faire usage sont :
Les mauvais points ;
La réprimande ;
La privation partielle de la récréation ;
La retenue après la classe, sous la surveillance de l’instituteur ;
L’exclusion temporaire.
Cette dernière peine ne pourra dépasser deux jours. Avis en sera donné
immédiatement par l’instituteur aux parents de l’enfant, aux autorités
locales et à l’inspecteur primaire.
Une exclusion de plus longue durée ne pourra être prononcée que par
l’inspecteur d’académie.
19. Il est absolument interdit d’infliger aucun châtiment corporel.
20. Les classes vaqueront le jeudi et le dimanche de chaque semaine, et
les jours de fêtes réservées.
21. Les jours de congés extraordinaires sont :
Une semaine à l’occasion des fêtes de Pâques ;
Le premier jour de l’an, ou le lendemain, si ce jour est un dimanche ou
un jeudi ;
Le lundi de la Pentecôte ;
Les jours de fêtes patronales ;
Les jours de fêtes nationales.
22. L’époque et la durée des vacances seront fixées chaque année par le
préfet en conseil départemental.
23. L’instituteur ne pourra ni intervertir les jours de classe, ni s’absenter,
sans y avoir été autorisé par l’inspecteur primaire, et sans avoir donné avis
de cette autorisation aux autorités locales.
Si l’absence doit durer plus de trois jours, l’autorisation de l’inspecteur
d’académie est nécessaire.
Un congé de plus de huit jours ne peut être donné que par le préfet. Dans
les circonstances graves et imprévues, l’instituteur pourra s’absenter sans
autre condition que de donner immédiatement avis de son absence aux
autorités locales et à l’inspecteur primaire.
24. Tout ce qui se rapporte à l’organisation pédagogique (emploi du
temps, programme d’études, classement des élèves, etc.) sera réglé par le
conseil départemental, sur la proposition de l’inspecteur d’académie, et
soumis à l’approbation du recteur.
25. Les dispositions de ce règlement sont applicables aux écoles de filles.
26. Le règlement modèle en date du 17 août 1851 est et demeure abrogé.
27. Les autorités préposées par la loi à la surveillance de l’instruction
primaire sont chargées de l’exécution du présent règlement.
Signé : Jules FERRY.
NOTA. — Les parties imprimées entre guillemets sont les dispositions additionnelles
au règlement du 7 ou 17 juin 1880, adoptées par le conseil supérieur dans sa séance du 6
janvier 1881.

ENSEIGNEMENT PRIMAIRE ; — ÉCOLES PRIMAIRES


PUBLIQUES ; — ORGANISATION
PÉDAGOGIQUE ; — PLAN D’ÉTUDE
ARRÊTÉ réglant l’organisation pédagogique et le plan d’études d’écoles primaires
publiques.

(27 juillet 1882). — Publiée au J. off. du 2 août).


LE MINISTRE DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE ET DES BEAUX-
ARTS, vu la loi du 28 mars, relative à l’enseignement primaire
obligatoire ; — Vu les lois du 15 mars 1850 et du 10 avril 1867 ; — Vu les
lois du 11 décembre 1880, relative à l’enseignement primaire
complémentaire et professionnel, du 16 juin 1879, relative à l’enseignement
de l’agriculture, du 27 janvier 1880, relative à l’enseignement obligatoire de
la gymnastique ; — Vu la loi du 16 juin 1881, relative à la gratuité de
l’enseignement primaire public ; — Vu le règlement modèle en date du 6
janvier 1881 ; Le conseil supérieur de l’instruction publique entendu ;
Arrête :
ART. 1er. L’enseignement primaire dans les écoles publiques est partagé
en trois cours :
Cours élémentaire ;
Cours moyen ;
Cours supérieur.
La constitution de ces trois cours est obligatoire dans toutes les écoles,
quel que soit le nombre des classes et des élèves.
2. Dans toute commune où, à défaut d’école maternelle, les enfants au-
dessous de l’âge scolaire sont reçus à l’école primaire par application de
l’art. 2 du règlement modèle, il pourra être établi une classe enfantine dans
les conditions prévues par l’art. 7 de la loi du 16 juin 1881.
Si dans une école il se trouve plus de dix élèves munis du certificat
d’étude qui, après avoir terminé le cours supérieur, désirent continuer leur
instruction, il pourra être établi un cours complémentaire d’une année,
conformément aux prescriptions des décret et arrêté du 15 janvier 1881.
3. La durée des études se divise comme il suit :
Classe enfantine : un ou deux ans, suivant que les enfants entrent à 6 ou 5
ans.
Cours élémentaire : deux ans, de 7 à 9 ans.
Cours moyen : deux ans, de 9 à 11 ans.
Cours supérieur : deux ans, de 11 à 13 ans.
Cours complémentaire d’enseignement primaire supérieur : un an.
4. Dans les écoles qui n’ont qu’un maître et qu’une classe, il ne pourra
être établi aucune division ni dans le cours moyen ni dans le cours
supérieur ; il n’en pourra être établi plus de deux pour les enfants au-
dessous de 9 ans.
5. Dans les écoles qui n’ont que deux maîtres, l’un sera chargé du cours
moyen et du cours supérieur, l’autre du cours élémentaire, y compris, s’il y
a lieu, la division des enfants au-dessous de 7 ans.
6. Dans les écoles qui ont trois maîtres, chaque cours forme une classe
distincte.
7. Dans les écoles à quatre classes, le cours élémentaire comptera deux
classes, chacun des deux autres cours une seule classe.
8. Dans les écoles à cinq classes, le cours élémentaire comptera deux
classes, le cours moyen deux, le cours sopérieur une.
9. Dans les écoles à six classes, chacun des trois cours formera deux
classes, à moins que le nombre des élèves du cours supérieur ne permette de
les réunir en une seule classe.
10. Toutes les fois qu’un même cours comprendra deux classes, l’une
formera la première année du cours, l’autre la seconde.
Ces deux classes suivront le même programme, mais les leçons et les
exercices seront gradués de telle sorte que les élèves puissent, dans la
seconde année, revoir, approfondir et compléter les études de la première.
11. Au-dessus de six classes, quel que soit le nombre des maîtres, aucun
cours ne devra former plus de deux années. Les classes en plus du nombre
de six, non compris la classe enfantine, seront des classes parallèles
destinées à dédoubler l’effectif soit de la première, soit de la seconde année.
12. Chaque année, à la rentrée, les élèves, suivant leur degré
d’instruction, sont répartis par le directeur dans les diverses classes des trois
cours, sous le contrôle de l’inspecteur primaire.
Le certificat d’études donne droit à l’entrée dans le cours supérieur.
13. Chaque élève, à son entrée à l’école, recevra un cahier spécial qu’il
devra conserver pendant toute la durée de sa scolarité. Le premier devoir de
chaque mois dans chaque ordre d’études sera écrit sur ce cahier par l’élève,
en classe et sans secours étranger, de telle sorte que l’ensemble de ces
devoirs permette de suivre la série des exercices et d’apprécier les progrès
de l’élève d’année en année. Ce cahier restera déposé à l’école.
14. Tout concours entre les écoles publiques auquel ne participerait pas
l’ensemble des élèves de l’un au moins des trois cours, est formellement
interdit.
15. L’enseignement donné dans les écoles primaires publiques se
rapporte à un triple sujet : éducation physique, éducation intellectuelle,
éducation morale. Les leçons et exercices gradués qu’il comporte sont
répartis dans le cours d’études conformémément aux programmes annexés
au présent arrêté.
16. Au commencement de chaque année scolaire, le tableau de l’emploi
du temps par jour et par heure est dressé par le directeur de l’école, et, après
approbation de l’inspecteur primaire, il est affiché dans les salles de classe.
La répartition des exercices doit satisfaire aux conditions générales ci-
après déterminées :
I. — Chaque séance doit être partagée en plusieurs exercices différents,
coupés soit par la récréation réglementaire, soit par des mouvements et des
chants.
II. — Les exercices qui demandent le plus grand effort d’attention, tels
que les exercices d’arithmétique, de grammaire, de rédaction, seront placés
de préférence le malin.
III. — Toute leçon, toute lecture, tout devoir, sera accompagné
d’explications orales et d’interrogations.
IV. — La correction des devoirs et la récitation des leçons ont lieu
pendant les heures de classe auxquelles se rapportent ces devoirs et ces
leçons. Dans la règle, les devoirs sont corrigés au tableau noir en même
temps que se fait la visite des cahiers. Les rédactions sont corrigées par le
maître en dehors de la classe.
V. — Les trente heures de classe par semaine (non compris le temps que
les élèves peuvent consacrer, soit à domicile, soit dans des études
surveillées, à la préparation des devoirs et des leçons), devront être réparties
d’après les indications suivantes :
1° Il y aura chaque jour, dans les deux premiers cours, au moins une
leçon qui, sous la forme d’entretien familier, ou au moyen d’une lecture
appropriée, sera consacrée à l’instruction morale ; dans le cours supérieur,
cette leçon sera, autant que possible, le développement méthodique du
programme de morale.
2° L’enseignement du français (exercices de lecture, lectures expliquées,
leçons de grammaire, exercices orthographiques, dictées, analyses,
récitations, exercices de composition, etc.) occupera tous les jours environ
deux heures.
3° L’enseignement scientifique occupera en moyenne, et suivant les
cours, d’une heure à une heure et demie par jour, savoir : trois quarts
d’heure ou une heure pour l’arithmétique et les exercices qui s’y rattachent,
le reste pour les sciences physiques et naturelles (avec leurs applications),
présentées d’abord sous la forme de leçons de choses et plus tard étudiées
méthodiquement.
4° L’enseignement de l’histoire et de la géographie, auquel se rattache
l’instruction civique, comportera environ une heure de leçon tous les jours.
5° Le temps consacré aux exercices d’écriture proprement dite sera d’une
heure au moins par jour dans le cours élémentaire et se réduira
graduellement à mesure que les divers devoirs dictés ou rédigés pourront en
tenir lieu.
6° L’enseignement du dessin, commencé par des leçons très courtes dès
le cours élémentaire, occupera dans les deux autres cours une, deux ou trois
leçons chaque semaine.
7° Les leçons de chant occuperont de une à deux heures par semaine,
indépendamment des exercices de chant, qui auront lieu tous les jours, soit
dans les intervalles qui séparent les autres exercices scolaires, soit à la
rentrée et à la sortie des classes.
8° La gymnastique, outre les évolutions et les exercices sur place qui
peuvent accompagner les mouvements de classe, occupera tous les jours ou
au moins tous les deux jours une séance dans le courant de l’après-midi.
En outre, dans les communes où les bataillons scolaires sont constitués,
les exercices de bataillon ne pourront avoir lieu que le jeudi et le dimanche ;
le temps à y consacrer sera déterminé par l’instructeur militaire de concert
avec le directeur de l’école.
9° Enfin, pour les garçons aussi bien que pour les filles, deux ou trois
heures par semaine seront consacrées aux travaux manuels.
17. Les conditions que devront remplir les locaux scolaires seront
déterminées par une instruction spéciale rédigée par la commission des
bâtiments scolaires du ministère de l’instruction publique. Cette instruction
tiendra lieu du règlement du 17 juin 1880, lequel est rapporté.
Signé : JULES FERRY.

ENSEIGNEMENT
PRIMAIRE ; — OBLIGATION ; — CERTIFICAT
D’ÉTUDES ; — EXAMEN
Décret relatif aux conditions d’admission pour l’obtention du certificat d’études.

(27 juillet 1882). — (Promulg. au J. off. du 28).


LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ; — Sur le
rapport du ministre de l’instruction publique et des beaux-arts, — Vu l’art. 6
de la loi du 28 mars 1882 ; — Le conseil supérieur de l’instruction publique
entendu, — Décrète :

ART. 1er. L’examen public auquel doivent se présenter les enfants qui
désirent obtenir le certificat d’études institué par l’art. 6 de la loi du 28 mars
1882 aura lieu à l’expiration de chaque année scolaire.
2. Pour être admis à subir cet examen, les enfants devront avoir au moins
onze ans à l’époque où il aura lieu.
3. Les dispositions de l’arrêté ministériel du 16 juin 1880, relatives au
mode de l’examen pour le certificat d’études primaires élémentaires, à la
nature des épreuves et aux conditions d’admission, sont applicables à
l’examen dont il s’agit.
4. Le ministre de l’instruction publique et des beaux-arts est chargé, etc.

ENSEIGNEMENT PRIMAIRE ; — CERTIFICAT


D’ÉTUDES
ARRÊTÉ relatif aux commissions cantonales nommées par les recteurs sur la proposition
des inspecteurs d’académie pour juger l’aptitude des aspirants et des aspirantes au
certificat d’éludes primaires élémentaires.
(16 juin 1880). — (Publié au J. off. du 17 juin).

LE MINISTRE DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE ET DES BEAUX-


ARTS ; — Vu les circulaires ministérielles en date des 20 août au 22
décembre 1876 ; Le conseil supérieur de l’instruction publique
entendu. — Arrête :
ART. 1er. — Des commissions cantonales sont nommées par les recteurs,
sur la proposition des inspecteurs d’académie, pour juger l’aptitude des
aspirants et des aspirantes au certificat d’études primaires élémentaires. Ces
commissions se réunissent chaque année, sur la convocation de l’inspecteur
d’académie, soit au chef-lieu de canton, soit dans une commune centrale
désignée à cet effet. L’inspecteur primaire du ressort fait nécessairement
partie de ces commissions. Chaque commission nomme son président, son
vice-président et son secrétaire.
2. A l’époque et dans les délais prescrits par l’inspecteur d’académie,
chaque instituteur dresse, pour son école, l’état des candidats au certificat
d’études.
Cet état porte :
Les noms et prénoms ;
La date et le lieu de naissance ;
La demeure de la famille ;
La signature de chaque candidat, l’état visé et certifié par le maire, et
transmis en temps opportun à l’inspecteur primaire. — Aucun candidat ne
peut être inscrit s’il n’a au moins 12 ans au 1er octobre de l’année de
l’examen.
3. Les épreuves de l’examen sont de deux sortes : les épreuves écrites et
les épreuves orales.
Les épreuves écrites ont lieu à huis clos, sous la surveillance pes
membres de la commission ; elles comprennent :
1° Une dictée de vingt-cinq lignes au plus ; le point final de chaque
phrase est indiqué.
La dictée peut servir d’épreuve d’écriture ;
2° Deux questions d’arithmétique portant sur les applications du calcul et
du système métrique avec solution raisonnée ;
3° Une rédaction d’un genre simple (récit, lettre, etc.).
Les jeunes filles exécuteront, en outre, un travail de couture usuelle, sous
la surveillance d’une dame désignée à cet effet.
Les textes et les sujets de composition, choisis par l’inspecteur
d’académie, sont remis, à l’ouverture des épreuves, sous pli cacheté, au
président de la commission.
Les compositions portent en tête et sous pli fermé les noms et prénoms
des candidats, avec l’indication de l’école à laquelle ils appartiennent ; ce
pli n’est ouvert qu’après l’achèvement de la correction des copies et
l’inscription des notes données pour chacune d’elles.
4. Le temps accordé pour chaque épreuve et le chiffre servant à en
apprécier le mérite sont déterminés ainsi qu’il suit :

TEMPS CHIFFRE
NATURE DES
DONNÉ pour maximum
ÉPREUVES
les épreuves D’APPRÉCIATION

Orthographe » 10

Écriture » 10

Calcul Une heure. 10

Rédaction Idem. 10

Couture Idem. 10

NOTA. — Le texte est lu préalablement à haute voix, dicté, puis.relu, et


cinq minutes sont accordées aux candidats pour se corriger.

Tout élève ayant fait plus de cinq fautes d’orthographe dans la dictée est
éliminé.
La dictée d’orthographe est corrigée d’après les règles suivantes :
Chaque demi-faute fait diminuer le maximum d’un point ;
Une faute d’orthographe usuelle compte une faute ;
Une faute d’orthographe grammaticale, une faute ;
L’accent changeant la nature du mot, une demi-faute ;
Les autres fautes d’accent, les fautes de cédille, de trait-d’union, de
tréma, de majuscule, de ponctuation, appréciées par le jury, sont évaluées,
dans leur ensemble, une faute ou une demi-faute.
La nullité d’une épreuve entraîne l’élimination.
Les compositions sont corrigées séance tenante par les membres de la
commission.
L’indication de la note est portée en tête de chaque copie et sur un tableau
dressé à cet effet.
Ne sont admis aux épreuves orales que les candidats qui ont obtenu, pour
la première série d’épreuves, au moins la moyenne de 20 points (garçons),
ou de 25 points (filles).
5. Les épreuves orales ont lieu en présence des maîtres et des maîtresses.
Elles comprennent :
La lecture expliquée ;
L’analyse d’une phrase de la lecture ou d’une phrase écrite au tableau
noir ;
Les éléments de l’histoire et de la géographie de la France ;
Des questions d’application pratique sur le calcul et sur le système
métrique.
Les épreuves orales sont appréciées de la même manière que les épreuves
écrites, c’est-à-dire au moyen d’un chiffre variant de 0 à 10.
La durée de l’ensemble des épreuves, pour chaque candidat, ne doit pas
excéder vingt-cinq minutes.
6. Les points obtenus pour les épreuves orales sont ajoutés aux points
obtenus pour les épreuves écrites.
Nul n’est déclaré définitivement apte à recevoir le certifica d’études s’il
n’a obtenu la moitié au moins du total maximum des points accordés pour
les deux catégories d’épreuves, soit 40 points pour les garçons, 45 points
pour les filles.
7. Outre les matières énoncées aux articles 3 et 5 du présent règlement,
l’examen peut comprendre : un exercice de dessin linéaire et des
interrogations sur l’agriculture.
Il sera fait mention sur le certificat des matières complémentaires pour
lesquelles le candidat aura obtenu la note 5.
8. Le procès-verbal de l’examen sera transmis à l’inspecteur d’académie,
qui, après avoir vérifié la régularité des opérations, délivre, s’il y a lieu, le
certificat d’études.
9. Le surplus des dispositions à prendre pour assurer la marche des
examens et les opérations des commissions sera réglé par les autorités
départementales.
Dans le mois qui suit la clôture des sessions, l’inspecteur d’académie
adresse au recteur un compte-rendu statistique des résultats obtenus dans
son département. Le recteur adresse au ministre un compte-rendu analogue
pour tous les départements de son ressort.
Fait à Paris, le 16 juin 1880.
J. FERRY.

ENSEIGNEMENT
PRIMAIRE ; — MAITRISES ; — INSPECTION
ACADÉMIQUE
CIRCULAIRE du ministre de la justice et des cultes aux préfets, portant que les maîtrises
sont soumises aux lois scolaires, et notamment à l’inspection académique.

(4 juillet 1882).
MONSIEUR LE PRÉFET, j’ai été, dans ces derniers temps, à plusieurs
reprises, consulté soit par le Ministère de l’instruction publique et des beaux
arts, soit par un certain nombre de vos collègues sur le point suivant :
Les établissements entretenus par des fabriques cathédrales ou
paroissiales, ou dépendant plus ou moins directement desdites fabriques et
confiés aux soins d’ecclésiastiques appartenant au clergé séculier ou
régulier, dans lesquels sont enseignées tout ou partie des matières
composant le programme des écoles primaires des différents degrés, ou
même des écoles secondaires, peuvent-ils exciper du titre de MAÎTRISE,
soit qu’ils se le soient spontanément attribué, soit même qu’ils le tiennent
d’actes réguliers de l’autorité publique, pour se soustraire à l’application
des règles du droit commun en matière d’enseignement, notamment en ce
qui concerne les règles qui président à l’ouverture des institutions de cette
nature, soit en ce qui concerne leur inspection ?
Je crois devoir porter à votre connaissance les instructions suivantes que
j’ai données en réponse, et qui ne sont que le rappel et la confirmation de la
jurisprudence constamment maintenue par l’Administration.
Les maîtrises sont astreintes à toutes les dispositions des lois scolaires,
notamment à l’inspection académique, à moins toutefois qu’elles ne se
composent que de simples classes de plain-chant.
Dès 1819, le Ministre de l’intérieur reconnaissait que « des
ecclésiastiques réunissant près d’eux huit, dix et quelquefois jusqu’à trente
élèves de tous âges qu’ils instruisent gratuitement ou moyennant
rétribution, sont de véritables instituteurs rentrant de droit dans la classe
commune, comme ils y rentrent de fait. Ils doivent se munir de diplôme ou
cesser des fonctions que les instituteurs légalement autorisés peuvent seuls
remplir ».
La Cour de cassation, d autre part, n’a jamais varié dans la jurisprudence
inaugurée par ses arrêts des 15 décembre 1834 et 23 mars 1835, où elle
reconnaissait que le législateur n’a jamais entendu dispenser de la
soumission à l’Université les élèves destinés, à quelque titre que ce soit, au
service des autels ; que cette soumission tenait à l’un des principes
constitutifs de l’université et que, ni dans les décrets impériaux, ni dans les
ordonnances royales, il ne se trouvait aucune disposition exceptionnelle à
ces principes.
Si, depuis cette époque, la liberté d’enseignement a été proclamée, c’est
sou ; la réserve de certaines garanties, vérifications et inspections, et il y a
lieu de soumettre les maîtrises à l’empire des règles du droit commun sans
qu’elles puissent invoquer le bénéfice d’aucun privilège ou d’aucune
exception.
Recevez, etc.
Pour le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Cultes :
Le Conseiller d’Etat, Directeur général des Cultes,
Signé : FLOURENS.
10*

ÉCOLES MATERNELLES
DÉCRET portant règlement général pour L’établissement des Ecoles maternelles (Salles
d’asile). — (Bull. off. 641, n° 1910).

(2 août 1881). — (Promulg. au J. off. du 3 août).


LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE, — Sur le
rapport du président du Conseil, ministre de l’instruction publique et des
beaux-arts ; — Vu l’art. 57 de la loi du 15 mars 1850 ; — Vu la loi du 27
février 1880 relative au conseil supérieur de l’instruction publique ; Vu les
articles 1, 6 et 7 de la loi du 16 juin 1881, relative à la gratuité de
l’enseignement primaire ; — Vu l’article 2 de la loi du 16 juin 1881,
relative aux titres de capacité de l’enseignement primaire, — Décrète :
TITRE PREMIER
DISPOSITIONS COMMUNES AUX ÉCOLES MATERNELLES PUBLIQUES ET
LIBRES (ORGANISATION, SURVEILLANCE ET INSPECTION).

ART. 1er. Les écoles maternelles (salles d’asile), publiques ou libres, sont
des établissements d’éducation où les enfants des deux sexes reçoivent les
soins que réclame leur développement physique, intellectuel et moral.
Les enfants peuvent y être admis dès l’âge de deux ans accomplis et y
rester jusqu’à ce qu’ils aient atteint l’âge de sept ans.
2. L’enseignement dans les écoles maternelles comprend :
1° Les premiers principes d’éducation morale ; des connaissances sur les
objets usuels ; les premiers éléments de dessin, de l’écriture et de la lecture ;
des exercices de langage ; des notions d’histoire naturelle et de géographie ;
des récits à la portée des enfants ;
2° Des exercices manuels ;
3° Le chant et les mouvements gymnastiques gradués.
3. Les écoles maternelles sont exclusivement dirigées par des femmes.
4. Nulle ne peut diriger une école maternelle avant l’âge de vingt et un
ans accomplis, et sans être pourvue du certificat d’aptitude à la direction des
écoles maternelles.
Nulle ne peut diriger une école maternelle annexée à un cours normal,
avant l’âge de vingt-cinq ans, ni sans avoir exercé pendant cinq ans dans les
écoles maternelles publiques ou libres.
Nulle ne peut être sous-directrice d’école maternelle avant l’âge de dix-
huit ans, ni sans justifier du certificat d’aptitude à la direction des écoles
maternelles.
5. Sont incapables de tenir une école maternelle, publique ou libre, les
personnes qui se trouvent dans les cas prévus par l’art. 26 de la loi du 15
mars 1850.
6. Indépendamment des autorités instituées par la loi pour la surveillance
et l’inspection des écoles, l’inspection des écoles maternelles est exercée :
1° Par les inspectrices générales ;
2° Par les inspectrices départementales.
Les inspectrices générales et départementales sont nommées par le
ministre.
7. Nulle ne peut être nommée inspectrice générale sans avoir au moins
trente-cinq ans d’âge et cinq ans de service dans l’enseignement public ou
libre, et sans être pourvue : 1° du brevet supérieur ; 2° du certificat
d’aptitude à la direction des écoles maternelles ; 3° du certificat d’aptitude à
l’inspection des écoles maternelles.
Une inspectrice générale fait partie du comité consultatif de
l’enseignement primaire au ministère de l’instruction publique.
8. Nulle ne peut être nommée inspectrice départementale sans avoir
trente ans d’âge et trois ans de service dans renseignement public ou libre,
et sans être pourvue : 1° du brevet supérieur ou, à son défaut, du brevet
élémentaire complété parle certificat d’aptitude pédagogique ; 2° du
certificat d’aptitude à la direction des écoles maternelles ; 3° du certificat
d’aptitude à l’inspection des écoles maternelles.
Les inspectrices départementales visitent deux fois par an, au moins, les
écoles maternelles de leur ressort, et adressent à l’inspecteur d’académie un
rapport spécial sur chaque école à la suite de chaque inspection.
Elles donnent leur avis sur la nomination et la révocation des directrices
et sous-directrices d’écoles maternelles publiques, ainsi que sur les
récompenses qui peuvent leur être accordées.
9. L’examen pour l’obtention du certificat d’aptitude à l’inspection des
écoles maternelles comprend les épreuves suivantes :
1° Épreuve écrite :
Un sujet de pédagogie appliqué aux écoles maternelles ;
2° Épreuve orale :
Questions de législation et d’administration concernant les écoles
maternelles ;
3° Épreuve pratique :
Inspection d’une école maternelle et rapport à la suite de cette inspection.
Un arrêté ministériel déterminera les conditions de cet examen.
10. Il peut être établi dans chaque commune où il existe des écoles
maternelles un ou plusieurs comités de dames patronesses présidé par le
maire.
Les membres du comité de patronage sont nommés par le préfet, sur la
proposition de l’inspecteur d’académie et après avis du maire.
Ce comité a pour attribution exclusive de veiller à l’observation des
prescriptions de l’hygiène, à la bonne tenue de l’établissement et au bon
emploi des fonds ou des dons en nature recueillis en faveur des enfants.
11. L’inspection des écoles maternelles libres porte sur la morale,
l’hygiène et la salubrité. Elle ne peut porter sur l’enseignement que pour
vérifier s’il n’est pas contraire à la morale, à la constitution et aux lois.

TITRE II
ÉCOLES MATERNELLES PUBLIQUES.

12. Dans les écoles maternelles publiques, les enfants seront divisés en
deux sections, suivant leur âge et le développement de leur intelligence.
13. Les premiers principes d’éducation morale seront donnés dans les
écoles maternelles publiques, non sous forme de leçons distinctes et suivies,
mais par des entretiens familiers, des questions, des récits, des chants
destinés à inspirer aux enfants le sentiment de leurs devoirs envers la
famille, envers la patrie, envers Dieu. Ces premiers principes devront être
indépendants de tout enseignement confessionnel.
14. Les connaissances sur les objets usuels comportent des explications
très élémentaires sur le vêtement, l’habitation et l’alimentation, sur les
couleurs et les formes, sur la division du temps, les saisons, etc.
15. Les exercices de langage ont pour but d’habituer les enfants à parler
et à rendre compte de ce qu’ils ont vu et compris.
Les morceaux de poésie qu’on leur fait apprendre seront courts et
simples.
16. L’enseignement du dessin comprend :
1° Des combinaisons de lignes au moyen de lattes, bâtonnets, etc.
2° La représentation sur l’ardoise de ces combinaisons et de dessins
faciles faits par la maîtresse au. tableau quadrillé.
3° La représentation sur l’ardoise des objets usuels les plus simples.
17. La lecture et l’écriture seront, autant que possible, enseignés
simultanément.
Les exercices doivent toujours être collectifs.
18. L’enseignement du calcul comprend ;
1° L’étude de la formation des nombres de un à dix ;
2° L’étude de la formation des dizaines de un à cent ;
3° Les quatre opérations, sous la forme la plus élémentaire, appliquées
d’abord à la première dizaine ;
4° Ca représentation des nombres par des chiffres ;
5° Les applications très simples du système métrique (mètre, litre,
monnaie).
Cet enseignement sera donné au moyen d’objets mis entre les mains des
enfants, tels que lattes, bâtonnets, cubes, etc.
Les enfants seront exercés au calcul mental sur toutes les combinaisons
de nombres qu’ils auront faites.
19. Les éléments d’histoire naturelle comprennent la désignation des
parties principales du corps humain, des notions sur les animaux les plus
connus, les végétaux et les minéraux usuels.
Cet enseignement est donné à l’aide d’objets réels et de collections
formés, autant que possible, par les enfants et les maîtresses.
20. L’enseignement de la géographie est descriptif ; il s’appuie sur
l’observation des lieux où vit l’enfant.
Il comprend :
1° L’orientation (points cardinaux) ;
2° Des notions sur la terre et les eaux ;
3° Quelques indications sur les fleuves, les montagnes et les principales
villes de France.
21. Les récits porteront principalement :
1° Sur les grands faits de l’histoire nationale ;
2° Sur les leçons de choses.
22. Les exercices manuels consisteront en tressage, tissage, petits
ouvrages de tricot.
Les travaux de coulure et autres travaux de nature à fatiguer les élèves
sont interdits.
23. L’enseignement du chant comprend :
Les exercices d’intonation et de mesure les plus simples, les chants à
l’unisson et à deux parties qui accompagnent les jeux gymnastiques et les
évolutions. Les chants sont appropriés à l’étendue de la voix des enfants.
Pour ces exercices, les directrices se serviront du diapason.
24. Les exercices gymnastiques seront gradués de manière à favoriser le
développement physique de l’enfant. Ils se composeront de mouvements, de
marches, d’évolutions et de jeux dirigés par la maîtresse.
25. Les leçons ne devront jamais durer plus d’un quart d’heure ou vingt
minutes ; elles seront toujours séparées par des chants, des exercices
gymnastiques, des marches ou des évolutions.
26. Les conditions dans lesquelles doivent être établies les écoles
maternelles publiques, tant au point de vue des bâtiments que de
l’ameublement, seront l’objet d’un règlement spécial.
27. Le matériel d’enseignemont de l’école maternelle comprend
nécessairement les objets suivants :
Un claquoir, un sifflet ;
Un ou plusieurs tableaux noirs, dont un au moins sera quadrillé ;
Une méthode de lecture en tableaux et plusieurs collections d’images ;
Un nécessaire métrique ;
Un globe terrestre et une carte murale de France ;
Un boulier ;
Des collections de bûchettes ou bâtonnets, des lattes, des cubes, etc. ;
Une collection de jouets ;
Des ardoises quadrillées d’un côté et unies de l’autre ;
Un diapason.
28. Aucun enfant n’est reçu dans une école maternelle, s’il n’est muni
d’un billet d’admission signé par le maire et s’il ne produit un certificat de
médecin, dûment légalisé, constatant qu’il n’est atteint d’aucune maladie
contagieuse et qu’il a été vacciné.
29. Lorsqu’un enfant est présenté dans une école maternelle, la directrice
fait connaître aux parents les conditions réglementaires auxquelles ils
devront se conformer.
30. Un mois de vacances est successivement accordé chaque année aux
directrices et sous-directrices d’écoles maternelles.
31. Les enfants seront toujours repris avec bienveillance. Ils ne devront
jamais être frappés.
32. Un médecin nommé par le maire visite une fois par semaine les
écoles maternelles.
Il inscrit ses observations sur un registre particulier.
33. Les directrices et sous-directrices des écoles maternelles publiques
sont nommées et révoquées dans la même forme que les institutrices
publiques. Les peines disciplinaires leur sont applicables et dans la même
forme qu’aux institutrices.
Les directrices sont choisies, autant que possible, parmi les sous-
directrices.
Chaque année, la directrice adresse à l’inspectrice départementale un
rapport détaillé sur tout ce qui concerne l’établissement qu’elle dirige.
34. Dans toute école maternelle publique recevant plus de cinquante
enfants, la directrice est aidée par une sous-directrice.
Dans toute école maternelle publique recevant plus de vingt-cinq enfants,
la directrice est assistée par une femme de service.
35. Les directrices et sous-directrices d’écoles maternelles publiques
pourvues du brevet de capacité sont assimilées aux institutrices titulaires et
adjointes pour la fixation du taux du traitement, les conditions de
l’avancement et du logement.
36. La femme de service est nommée, dans chaque école maternelle
publique, par la directrice avec agrément du maire ; elle est révoquée dans
là même forme.
37. Un règlement des écoles maternelles libres de chaque département
sera rédigé par le conseil départemental, d’après les indications générales
d’un règlement modèle arrêté par le ministre de l’instruction publique en
conseil supérieur.

TITRE III
ÉCOLES MATERNELLES LIBRES.

38. Quiconque veut ouvrir ou diriger une école maternelle libre doit se
conformer préalablement aux dispositions prescrites par les art. 25 et 27 de
la loi du 15 mars 1850, et 1, 2 et 3 du décret du 7 octobre 1850.
Le préfet peut faire opposition à l’ouverture de l’école maternelle, dans
les cas prévus par l’art. 28 de la loi du 15 mars 1850 et par l’art. 4 du décret
du 7 octobre 1850. L’opposition est jugée par le conseil départemental,
contradictoirement et à bref délai. Le recours est admis lorsque l’opposition
est faite à la personne. Si le maire refuse d’approuver le local, il est statué à
cet égard par le conseil départemental.
A défaut d’opposition, l’école maternelle peut être ouverte à l’expiration
du mois.
39. Le conseil départemental peut, par application de l’art. 30 de la loi du
15 mars 1850, censurer, suspendre pour un temps qui ne pourra excéder six
mois, ou interdire de sa profession, dans la commune où elle réside, une
directrice ou une sous-directrice d’école maternelle libre.
Il peut frapper d’interdiction absolue une directrice ou une sous-directrice
d’école maternelle libre ou publique, sauf appel devant le conseil supérieur
de l’instruction publique, dans les délais légaux.
TITRE IV
EXAMENS.

40. Il est institué dans chaque département une commission d’examen


chargée de constater l’aptitude des personnes qui aspirent à diriger les
écoles maternelles.
La commission tient une session ordinaire par an. La date de l’ouverture
de la session est fixée par le ministre.
Les membres de la commission d’examen sont nommés pour trois ans
par le conseil départemental de l’instruction publique.
La commission d’examen se compose :
De l’inspecteur d’académie, président ;
D’un inspecteur de l’instruction primaire faisant fonctions de secrétaire ;
D’un ou plusieurs membres de l’enseignement public ou libre ;
De l’inspectrice départementale.
Les commissions ne peuvent délibérer qu’autant que cinq de leurs
membres sont présents. Les délibérations sont prises à la majorité des
suffrages. En cas de partage, la voix du président est prépondérante.
Pour procéder à l’examen oral, la commission ne peut, dans aucun cas, se
subdiviser en sous-commissions de moins de trois membres.
41. Les certificats d’aptitude sont délivrés au nom du recteur par
l’inspecteur d’académie dans les départements, et, à Paris, par le vice-
recteur.
42. Nulle n’est admise devant une commission d’examen avant l’âge de
dix-huit ans, et sans avoir déposé entre les mains de l’inspecteur
d’académie, un mois avant l’ouverture de la session :
1° Son acte de naissance ;
2° Des certificats attestant sa moralité et indiquant les lieux où elle a
résidé, et les occupations auxquelles elle s’est livrée depuis trois ans au
moins.
Aucune dispense d’âge ne pourra être accordée, sauf dans le cas où
l’aspirante serait déjà pourvue du brevet de capacité.
43. L’examen se compose de deux parties distinctes :
1° Un examen d’instruction ;
2° Un examen pratique.
L’examen d’instruction comprend :
Des épreuves écrites ;
Des épreuves orales ;
Epreuves écrites :
1° Une dictée d’orthographe de vingt lignes environ tirée d’un texte
simple et facile ; la dictée sert d’épreuve d’écriture ;
2° La solution raisonnée de deux questions d’arithmétique portant sur les
applications du calcul et du système métrique ;
3° Une rédaction d’un genre simple (lettre, récit, rapport) ;
3° Un dessin au trait sur ardoise, d’après un objet usuel.
Les aspirantes exécuteront en outre des travaux à l’aiguille.
Epreuves orales :
1° Principes d’éducation morale ;
2° Lecture, explication du texte et questions de grammaire ;
3° Géographie, notions générales, géographie de la France ;
4° Histoire de France (grands faits et grands hommes) ;
5° Notions élémentaires d’histoire naturelle et d’hygiène applicables aux
leçons de choses ;
6° Chant (un exercice sur un chant très simple).
L’examen pratique a lieu dans une école maternelle, préalablement
désignée, et où les aspirantes ont le droit d’assister aux exercices deux jours
avant l’examen.
Cet examen se compose des exercices ordinaires de l’école ; il est
accordé une heure pour la préparation de la leçon.
L’aspirante doit remplir les fonctions de directrice pendant une partie de
la séance, et celle de sous-directrice pendant l’autre partie.
Une heure est donnée à chaque aspirante pour préparer sa leçon ; les
sujets sont tirés au sort.
Le jury exprime la valeur de chacune des épreuves par les notes qui
suivent :
Très bien ; — Bien ; — Passable ; — Mal ; — Nul.

Pour l’épreuve d’orthographe, cinq fautes entraînent la nullité ; trois ou


quatre fautes, la note mal ; deux fautes, la note passable ; une faute ou une
demi-faute, la note bien ; la dictée ayant moins d’une demi-faute donne
seule droit à la note très bien.
Les notes données par la commission sont le résultat de l’appréciation
faite en commun de chaque épreuve.
La note nul sur l’une des matières entraîne l’ajournement.
A chacun des examens, deux notes mal entraînent l’ajournement, à moins
qu’elles ne soient compensées par deux notes très bien.
44. Il pourra être créé dans chaque académie, aux frais de l’Etat, un cours
normal des écoles maternelles analogue à celui qui existe à Paris sous le
nom d’école Pape-Carpentier.
Un décret ultérieur déterminera les conditions d’existence de ces
établissements.
45. Les décrets du 16 mai 1854 et du 21 mars 1855, les arrêtés du 22
mars 1855, du 28 mars 1857, du 5 août 1859 et du 30 juillet 1875 sont et
demeurent rapportés.

ÉCOLES MATERNELLES ; — DIRECTRICES ; — SOCS-


DIRECTRICES ; TRAITEMENTS
DÉCRET qui fixe les traitements des directrices et sous-directrices d’Ecole
maternelle. — (Bull. off. 671, n. 11,315).

(10 octobre 1881). — Promulg. au J. off. du 11 octobre).


LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE, — Sur le
rapport du président du Conseil, ministre de l’instruction publique et des
beaux-arts ; Vu l’art. 6, paragraphe 3, de la loi du 16 juin 1881, établissant
la gratuité de l’enseignement primaire ; — Vu l’art. 4 de la loi du 16 juin
1881, sur les titres de capacité de l’enseignement primaire ; — Vu l’art. 4
du décret du 2 août 1881, sur les écoles maternelles ; — Décrète :
ART. 1er. A partir du 1er janvier 1882, les directrices et sous-directrices
d’école maternelle publique exerçant dans les conditions fixées soit par
l’art. 2, soit par l’art. 4 de la loi du 16 juin 1881, sur les titres de capacité
d’enseignement primaire, recevront un traitement calculé conformément
aux dispositions de l’art. 9 de la loi du 10 avril 1867.
2. Les traitements minima des directrices et sous-directrices d’école
maternelle sont fixés de la manière suivante :
3. La directrice qui débute appartient à la dernière classe.
La promotion à une classe supérieure est de droit après cinq ans passés
dans la classe immédiatement inférieure, et ne peut avoir lieu avant
l’expiration de cette période.
4. Les directrices et sous-directrices d’école maternelle pourvues du
brevet complet auront droit à un traitement minimum supérieur de deux
cents francs aux taux fixés par l’art. 2. Celles qui seront pourvues du brevet
élémentaire auront droit à une augmentation de cent francs.
5. Les directrices et sous-directrices qui auront obtenu la médaille
d’argent dans les conditions fixées par le décret du 20 juillet 1881 auront
droit à une allocation supplémentaire annuelle de cent francs.
6. Les institutrices et adjointes dans les écoles enfantines sont assimilées,
en ce qui concerne le traitement, aux directrices et. sous-directrices des
écoles maternelles.
7. Les traitements des directrices et sous-directrices d’école maternelle,
ainsi que ceux des institutrices et adjointes dans les classes enfantines,
seront mandatés par le préfet et acquittés suivant le mode établi en matière
de cotisations municipales.
Ils seront payés mensuellement et par douzièmes, sur le vu d’un état
dressé par l’inspecteur d’académie.
8. Le Président du conseil, ministre de l’instruction publique et des
beaux-arts, est chargé, etc.....

ÉCOLES MATERNELLES ; — RÈGLEMENT


SCOLAIRE ; — MODÈLE
ARRÊTÉ du ministre de l’instruction publique, pour servir à la rédaction des règlements
départementaux relatifs à la tenue des écoles maternelles publiques.

(2 août 1881). — (Publié au J. off. du 3 août).


LE PRÉSIDENT DU CONSEIL, MINISTRE DE L’INSTRUCTION
PUBLIQUE ET DES BEAUX-ARTS ; — Vu l’art. 37 du décret du 2 août
1881 ; — Arrête :
ART. 1er. Pour être admis dans une école maternelle, les enfants doivent
avoir plus de deux ans et moins de sept ans.
2. Tout enfant dont l’admission dans une école maternelle est demandée
doit présenter un bulletin de naissance et un certificat de médecin constatant
qu’il a été vacciné ou qu’il a eu la petite vérole, et qu’il n’est pas atteint de
maladies ou d’infirmités de nature à nuire à la santé des autres enfants.
3. Les écoles maternelles publiques sont ouvertes du 1er mars au 1er
novembre, depuis 7 heures du matin jusqu’à 7 heures du soir ; du 1er
novembre au 1er mars, depuis 8 heures du matin jusqu’à 6 heures du soir.
Les écoles maternelles ne peuvent être fermées que les dimanches et
jours fériés, savoir : le 1er et le 2 janvier, le lundi de Pâques, le jour de
l’Ascension, le lundi de la Pentecôte, le jour de l’Assomption, le jour de la
Toussaint, le jour de Noël et les jours de fête nationale.
Les heures d’entrée et de sortie des enfants peuvent être modifiées, pour
chaque commune, suivant les convenances locales, sur l’avis de l’inspecteur
d’académie, par le conseil départemental. Les parents devront se conformer
exactement à la règle ainsi établie, sous peine d’exclusion des enfants après
avertissement.
4. Les parents qui négligent de venir chercher leurs enfants aux heures
indiquées par les règlements sont avertis. En cas de récidive, l’enfant est
rendu à sa famille. L’exclusion toutefois ne peut être prononcée que par le
maire, sur la proposition de la directrice et après avis du comité de
patronage. Les parents qui en feront la demande pourront reprendre leurs
enfants à midi.
5. A l’arrivée des enfants à l’école maternelle, la directrice doit s’assurer
par elle-même de leur état de santé et de propreté, de la quantité et de la
qualité des aliments qu’ils apportent.
L’enfant amené à l’école maternelle dans un état de maladie n’est pas
reçu ; s’il devient malade dans le courant de la journée, il est reconduit chez
ses parents, et, en cas d’urgence, envoyé chez le médecin de
l’établissement.
Les enfants fatigués ou indisposés sont déposés sur un lit de camp.
6. En cas d’absence réitérée d’un enfant, la directrice s’enquiert des
causes de cette absence. Elle en donne, dans tous les cas, avis à la
présidente du comité de patronage, qui fait visiter, s’il y a lieu, cet enfant
dans sa famille.
7. A l’entrée et à la sortie de chaque classe, les enfants sont conduits en
ordre aux lieux d’aisances ; ils y sont toujours surveillés par les directrice et
sous-directrice.
L’après-midi, avant la rentrée en classe, les enfants sont également
conduits en ordre au lavabo.
8. Il est donné aux enfants, à titre de récompense, des bons points, des
images ou des jouets.
9. Les seules punitions permises sont les suivantes : Interdiction, pour un
temps très court, du travail et des jeux en commun ;
Retrait des bons points.
10. Il est interdit de surcharger la mémoire des enfants de dialogues ou
scènes dramatiques en vue de solennités publiques.
11. Les directrices d’écoles maternelles et publiques tiennent :
1° Un registre sur lequel sont inscrits les noms et prénoms des enfants, la
date de leur naissance, la date du certificat du médecin, la date de
l’admission, la date de la sortie, les noms, demeure et profession des parents
ou tuteurs ; ce registre contiendra, en outre, une colonne d’observations. Il y
sera joint un répertoire par lettre alphabétique pour faciliter les recherches ;
2° Un registre sur lequel le médecin inscrit ses observations ;
3° Un carnet destiné au relevé des présences mensuelles ;
4° Un catalogue du mobilier et du matériel d’enseignement, avec
indication des entrées et sorties.
Ces registres seront visés par les inspecteurs et les inspectrices à chacune
de leurs visites.
12. Il est interdit aux directrices et sous-directrices d’accepter des parents
aucune espèce de cadeaux.
13. Il ne pourra être introduit dans l’école maternelle aucun livre, aucune
brochure ni manuscrits étrangers à l’enseignement.
14. Toute pétition, quête, souscription ou loterie est Interdite dans l’école
maternelle.
15. L’école maternelle sera ténue dans un état constant de salubrité et de
propreté.
Elle sera balayée et arrosée tous les jours.
L’air y sera fréquemment renouvelé.
16. Il ne peut être toléré aucune espèce d’animaux domestiques dans les
parties de l’école maternelle réservées aux enfants.
17. Le règlement général et le règlement spécial sont affichés dans toutes
les écoles maternelles et à la mairie de toutes les communes possédant une
de ces écoles.
ENSEIGNEMENT PRIMAIRE ; — ÉCOLES
MATERNELLES ; — ORGANISATION PÉDAGOGIQUE
ARRÊTÉ relatif à l’organisation pédagogique des écoles maternelles publiques.

(28 juillet 1882). — (Publié au J. off. du 2 août).


LE MINISTRE DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE ET DES BEAUX-
ARTS, Vu l’art. 7 de la loi du 16 juin 1881 ; — Vu le décret du 2 août
1881, — Arrête :
ART 1er. Aucune école maternelle publique ne devra recevoir plus de 150
enfants, à moins d’une autorisation spéciale de l’autorité académique.
2. Dans toutes les écoles maternelles publiques, les enfants, quel que soit
leur nombre, sont divisés en deux sections, conformément aux prescriptions
du décret du 2 août (art. 12) ; chaque section, si le nombre des élèves
l’exige, peut être subdivisée en groupes dont chacun est confié à une des
maîtresses attachées à l’école.
3. Le classement des enfants sera fait chaque année par la directrice à
l’époque de la rentrée des écoles primaires sous le contrôle de l’inspectrice
ou, à son défaut, de l’inspecteur primaire.
4. Les divers cours de l’école maternelle, tels qu’ils sont définis par l’art.
2 du décret du 2 août 1881, ont pour objet de commencer l’éducation
physique, l’éducation intellectuelle et l’éducation morale des jeunes
enfants. Les exercices qu’ils comprennent seront répartis d’après les
indications des programmes ci-annexés.
5. Le détail de la répartition des heures par semaine est arrêté pour
chaque école maternelle par la directrice après approbation de l’inspectrice
ou, à son défaut, de l’inspecteur primaire.
6. Il sera rédigé, par les soins de la commission des bâtiments scolaires,
une instruction relative aux conditions d’installation matérielle des écoles
maternelles publiques. Cette instruction tiendra lieu du règlement spécial
prévu par l’art. 16 du décret du 2 août 1881.
Signé : J. FERRY.
(Suivent au J. off., p. 4171 et suiv., les programmes annexés à l’arrêté).

ENSEIGNEMENT PRIMAIRE ; — BREVET DE


CAPACITÉ ; — ÉCOLES MATERNELLES ; — SALLES
D’ASILE ; — CERTIFICAT D’APTITUDE
LOI relative aux litres de capacité de l’enseignement primaire (Bull. off. 625, n° 10,674).

(16 juin 1881). (Promulg. au J. off. du 17 juin).


ART. 1er. Nul ne peut exercer les fonctions d’instituteur ou d’institutrice
titulaire, d’instituteur adjoint chargé d’une classe ou d’institutrice adjointe
chargée d’une classe, dans une école publique ou libre, sans être pourvu du
brevet de capacité pour l’enseignement primaire.
Toutes les équivalences admises par le paragraphe 2 de l’art. 25 de la loi
du 15 mars 1850 sont abolies.
2. Nulle ne peut exercer les fonctions de directrice ou de sous-directrice
de salle d’asile publique ou libre, sans être pourvue du certificat d’aptitude
à la direction des salles d’asile, institué par l’art. 20, paragraphe 1er, du
décret du 21 mars 1855.
3. Les personnes occupant, sans les brevets et les certificats susénoncés,
les fonctions énumérées aux articles précédents devront, dans le laps d’un
an, à partir de la promulgation de la loi, se présenter devant, les
commissions d’examen instituées pour décerner lesdits brevets et
certificats.
Celles qui auront échoué auront le droit de se présenter de nouveau aux
sessions ordinaires et extraordinaires tenues dans le cours des années
suivantes, jusqu’à la rentrée des classes du mois d’octobre 1884.
Toutefois les adjoints qui auront contracté, conformément à l’art. 20 de la
loi du 27 juillet 1872, l’engagement de se vouer pendant dix ans à la
carrière de l’enseignement, et qui viendraient à échouer aux examens ci-
dessus, conserveront le bénéfice de la dispense à titre conditionnel du
service militaire.
4. Les prescriptions de la présente loi ne s’appliqueront pas :
1° Aux directeurs d’école publique ou libre qui, au 1er janvier 1881,
exerçaient les fonctions de directeur eu vertu des équivalences établies par
la loi du 15 mars 1850.
2° Aux directrices d’école et de salle d’asile publiques ou libres qui, au
premier janvier 1881, comptaient trente-cinq ans d’âge et cinq ans au moins
de services en qualité de directrices ;
3° Aux adjoints ou adjointes d’école publique ou libre, ainsi qu’aux sous-
directrices de salle d’asile publique ou libre qui, au 1er janvier 1881,
comptaient trente-cinq ans d’âge et cinq ans an moins de services comme
adjoints ou adjointes chargés d’une classe ou comme sous-directrices d’une
salle d’asile, sans toutefois que cette exemption leur permette, d’obtenir
ultérieurement la direction d’une école ou d’une salle d’asile en dehors des
conditions prescrites par les art. 1 et 2 de la présente loi.

ENSEIGNEMENT PRIMAIRE ; — TITRES DE


CAPACITÉ ; — ORPHELINATS
CIRCULAIRE du ministre de l’instruction publique et des beaux-arts, portant que la loi
du 16 juin 1881 relative aux titres de capacité est applicable aux orphelinats.

(17 avril 1882).


MONSIEUR LE PRÉFET, j’ai été consulté sur la question de savoir si
les dispositions des lois sur l’instruction primaire, et notamment la loi du 16
juin 1881, relative aux titres de capacité, sont applicables aux orphelinats.
L’affirmative ne saurait être douteuse. Tous les établissements, quelle que
soit leur dénomination, où des enfants reçoivent, avec l’enseignement
professionnel, tout ou partie des connaissances formant le programme de
l’enseignement primaire, sont de véritables écoles. C’est ce qui résulte des
textes formels aussi bien que de la jurisprudence.
L’ordonnance du 16 juillet 1833, rendue pour l’exécution de la loi du 28
juin 1833, dit expressément dans l’art. 17 : « Est considérée comme école
primaire toute réunion habituelle d’enfants de differentes familles qui a
pour but l’étude de tout ou partie des objets compris dans l’enseignement
primaire ».
La Cour de cassation, par arrêt du 2 mars 1860 (S. 1860.
1.101. — P. 1861, 258), a décidé que les établissements désignés sous le
nom d’ouvroirs étaient soumis, pour ce qui concerne leur ouverture et leur
exploitation, aux formalités imposées aux établissements d’instruction
primaire, lorsque les jeunes filles qui y sont admises reçoivent, avec
l’enseignement professionnel, l’enseignement des salles d’asile, des écoles
primaires et des classes d’adultes.
A diverses reprises, le Conseil de l’instruction publique a été appelé à
examiner la question qui se représente aujourd’hui, et il l’a résolue dans le
même sens que la Cour de cassation, ainsi qu’il résulte des textes ci-après :
I. — 30 octobre 1838.
er
« Art. 1 . Les ouvroirs sont des établissement, d’instruction primaire
dans lesquels les jeunes filles sont particulièrement exercées aux travaux
d’aiguille ou à d’autres travaux manuels, en même temps qu’elles reçoivent
des leçons d’instruction morale et religieuse, de lecture, d’écriture, de calcul
et de dessin linéaire.
2. Les ouvroirs sont soumis à la surveillance des autorités préposées à
l’instruction primaire par la loi du 28 juin 1833 et l’ordonnance royale du
23 juin 1836.
3. Ils seront dirigés par des institutrices régulièrement brevetées. »
II. — 26 juillet 1833.
Le Conseil, consulté sur la question de savoir si une école ouverte dans
un hospice est, par là même, hors du domaine de la loi ; si l’instituteur est
dispensé de remplir les formalités imposées aux autres instituteurs, et si la
surveillance cesse d’en appartenir aux comités ;
Décide que la loi du 28 juin n’autorise aucunement une telle exception ;
qu’une école ouverte dans un hospice rentre dans la définition que donne
l’art. 17 de l’ordonnance du 16 juillet courant, et doit être soumise à toutes
les dispositions qui régissent les écoles primaires. »
III. — 21 avril 1837.
« Le Conseil, vu la lettre du 18 mars dernier, par laquelle MM. les
Administrateurs des hospices de la ville de Senlis après avoir exposé qu’il
existe à Seulis un hospice dit de Saint-Lazare, où l’on reçoit des enfants des
deux sexes, demandent si le comité d’arrondissement doit exercer une
surveillance sur ces enfants, et s’il a le droit de les faire inspecter par des
membres ou des délégués ;
Attendu que la loi soumet toutes les écoles primaires, sans distinction, à
la surveillance des comités locaux et des comités d’arrondissement, et qu’il
ne peut y avoir d’exception pour les écoles qui dépendent d’un hospice ;
Est d’avis que les comités d’arrondissement de Senlis doivent s’entendre
avec la Commission administrative des hospices de cette ville pour que les
diverses surveillances concourent, sans se contrarier, au plus grand bien de
l’école établie dans l’hospice de Saint-Lazare. »
IV. — 15 juillet 1854.
« Le Conseil est d’avis que les écoles tenues dans les hospices de la ville
de Beaune doivent être soumises à l’inspection ».
De ces textes, qu’on pourrait multiplier, il ressort avec évidence qu’il n’a
jamais été admis qu’il fût loisible à un établissement, en prenant le nom
d’ouvroir, d’asile, d’orphelinat, de maison d’education, de colonie, de
refuge, ou tout autre, ou bien en se rattachant soit à un établissement
hospitalier, soit à un établissement industriel, de se dérober à l’application
des lois relatives à l’enseignement primaire public et privé. Ces
établissements ont sans doute un double caractère, un double rôle : d’une
part, ils remplacent la famille, et à cet égard échappent au contrôle de l’État
dans la même mesure que le père de famille ou le tuteur ; mais, d’autre part,
ils donnent et doivent donner aux enfants en âge scolaire le minimum
d’instruction primaire exigé par les lois, et à ce point de vue, ils sont
soumis, comme toute école libre, a la surveillance, à l’inspection et à toutes
les dispositions qui régissent les écoles primaires.
Je n’hésiterai pas à recommander à l’autorité académique d’user des
droits que la loi lui confère dans un intérêt évident d’ordre public. Les
directeurs ou directrices d’orphelinats, asiles, ouvroirs, etc., qui refuseraient
de se soumettre aux prescriptions légales, devraient être déférés au tribunal
correctionnel, par application de l’art. 29 de la loi du 15 mars 1850.
Vous voudrez bien donner des instructions dans ce sens à qui de droit.
Recevez, etc.
Le Ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts,
Signé : JULES FERRY.

ENSEIGNEMENT
PRIMAIRE ; — OBLIGATION ; — DÉCLARATION DES
PARENTS
CIRCULAIRE du ministre de l’instruction publique et des beaux-arts aux préfets, relative
à l’exécution de la loi du 28 mars 1882 sur l’instruction primaire obligatoire.

(7 septembre 1881). — (Publié au J. off. du 10 sept).


Monsieur le Préfet..., A l’approche de la rentrée des classes je dois
appeler votre attention toute particulière sur celles des prescriptions de la loi
du 28 mars 1882 dont il importe d’assurer en ce moment l’exécution, c’est-
à-dire sur les formalités relatives à la déclaration des parents en ce qui
concerne le mode d’instruction de leurs enfants.
Les commissions municipales scolaires, nommées dans chaque commune
et complétées par la nomination du délégué de l’inspecteur d’académie,
vont avoir à accomplir le premier acte de leur mandat : il leur appartient,
d’après l’art. 8 de la loi, d’aider le maire à « dresser la liste de tous les
enfants âgés de 6 à 13 ans ».
Les éléments essentiels de ce travail sont fournis par les listes mêmes du
dernier recensement officiel de la population. Mais des changements de
domicile et diverses autres circonstances ont pu modifier dans quelques
communes le nombre des enfants à inscrire. Pour prévenir toute chance
d’erreur ou d’omission, la loi a remis aux commissions locales le soin de
reviser annuellement la liste nominative des enfants en âge scolaire.
Si, par impossible, quelques commissions, soit par négligence, soit par
tout autre motif, refusaient leur concours pour la confection de ces listes, il
vous appartiendrait, monsieur le Préfet, de les faire dresser d’office dans le
plus bref délai par le maire, ou à son défaut, par le délégué de l’inspecteur
d’académie ou par l’inspecteur primaire : on prendrait pour base du relevé,
jusqu’à nouvel ordre, les listes mêmes du recensement quinquennal, dont
les minutes sont déposées dans chaque mairie.
Aussitôt ce travail fait, il restera à constater, ainsi que le veut la loi, si et
comment il est pourvu à l’instruction de chacun des enfants recensés.
La liberté du père de famille, vous le savez, est entière ; il peut choisir
entre trois modes d’instruction : à l’école publique, à l’école libre ou à
domicile. La loi exige seulement qu’avant le commencement de l’année
scolaire, il fasse savoir au maire quel est de ces trois moyens d’instruction
celui qu’il aura adopté.
Pour l’immense majorité des familles, le choix est déjà fait longtemps
avant l’époque de la rentrée, et il est dès à présent connu des autorités
compétentes, ce qui permet de simplifier considérablement les formalités de
la déclaration exigée par l’art. 7.
Si la famille envoie ou continue d’envoyer ses enfants à l’école publique,
l’inscription au registre de l’école dispense de toute autre forme de
déclaration.
Si elle les confie à une école libre, l’inscription au registre de cette école,
dûment communiquée à la commission scolaire municipale, tient également
lieu de déclaration.
Quant aux parents qui veulent instruire ou faire instruire leurs enfants à
domicile, ils n’ont qu’à faire connaître leur intention, pour éviter que leurs
enfants ne soient considérés comme privés de moyen d’instruction.
Afin d’épargner aux familles qui se trouveraient dans cette troisième
catégorie tout embarras ou tout dérangement inutile, le maire, président de
la commission municipale, procèdera de la façon suivante. Après avoir
relevé sur la liste générale des enfants d’âge scolaire les noms de tous ceux
qui sont instruits dans une école quelconque, publique ou privée, il dressera
l’état nominatif de tous ceux qui ne figurent sur aucun registre d’école, et il
adressera à leurs parents, conformément à l’art. 8 de la loi, un avis dont je
vous envoie, ci-inclus, la teneur. Les parents mis en demeure par cet avis
seront tenus de faire savoir comment ils entendent pourvoir à l’instruction
dé leurs enfants ; afin de faciliter la réponse, le maire aura joint à sa lettre
un bulletin préparé d’avance et que les familles devront lui retourner, si
elles veulent éviter un déplacement.
Au reçu de la réponse faite par les familles de vive voix ou par écrit, si
les parents déclarent se charger eux-mêmes de l’instruction de leurs enfants,
le maire leur délivrera l’accusé de réception ci-joint.
S’ils négligeaient de répondre, et après une dernière lettre de rappel, le
maire inscrirait d’office dans une école publique, conformément à l’art. 8,
les enfants dont l’instruction n’est pas assurée et pour lesquels la
commission n’a pas admis de motif d’empêchement.
J’ai été consulté sur la question de savoir si une déclaration collective des
pères de famille d’une commune ou d’une section de commune pourrait
tenir lieu de réponse à la demande adressée par le maire. Il est évident que
chaque déclaration doit s’appliquer à un enfant individuellement et faire
partie en quelque sorte de son dossier personnel. Dès lors il est impossible
de dégager à la fois, en prévision de toute éventualité ultérieure, et la
responsabilité du père de famille et celle du maire et de la commission
municipale, sans exiger qu’il reste à la mairie une trace écrite de la
déclaration relative à chaque enfant : il sera nécessaire, plusieurs années de
suite, de se reporter à cette déclaration initiale ; il est donc indispensable
qu’elle subsiste, soit sous la forme d’une réponse écrite du père de famille
pour chacun des enfants, soit sous celle d’inscription dans un registre à
souche dont je vous ai envoyé le modèle, inscription faite par le maire après
la déclaration verbale de la famille.
Tel est, monsieur le Préfet, l’ensemble des opérations, en somme assez
simples, auxquelles donnera lieu l’application de la loi du 28 mars...
Agréez, etc..
Le ministre de l’instruction publique et des beaux-arts,
J. DUVAUX.

FIN
TABLE DES MATIÈRES

AVERTISSEMENT
Extrait du programme ministériel

Adjoints
Administrateurs
Agents de la force publique
Agents de la souveraineté nationale
Agents voyers
Ajournés
Aliénés
Amendement
Arrêtés ministériels
Arrêtés préfectoraux
Arrêtés des maires
Affouages
Arrondissement
Assiette de l’impôt direct
Avis des conseils municipaux
Avis des conseils généraux

B
Bâtiments communaux
Bâtiments départementaux
Bienfaisance publique
Biens du domaine public communal
— communaux proprement dits
— patrimoniaux
Bons du Trésor
Budget de l’Etat
— du département
— de la commune

Cadastre
Canton
Centime additionnel
Chambres
Chemins ruraux
— vicinaux
Circulaires
Citoyen
Classement
Classification
Collège électoral
Commission départementale
Communeet suiv.
Comptables
Comptabilité administrative
— judiciaire
— législative
— deniers
— matières
— publique
Conseil académique
— d’arrondissement
— départemental
— d’instruction publique
— d’Etatet
— général
— de préfecture
— municipal
— des prud’hommes
— supérieur de l’instruction publique
— de révision
Contentieux de l’impôt direct
Cour d’appel
— d’assises
— de cassa ion
— des comptes
Cultes reconnus
Constitution
Contrainte par corps

Déclaration des droits de l’homme


Décrets
Délégation cantonale
Délibérations des conseils municipaux
— — généraux
Département
Dépenses de l’Etat
— facultatives communales
— obligatoires —
— facultatives départementales
— obligatoires —
Députes
Détention préventive
Dette publique
— flottante
— consolidée
— viagère
Développement intellectuel et moral de la nation
Dispensés du service d’activité en temps de paix
— à titre conditionnel
— à titre provisoire
Division du territoire au point de vue de l’organisation de l’armée
Domaine privé du département
— public —
Droit administratif (définition)
Droits civils
Droit constitutionnel (définition)
— international (définition)
— pénal (définition)
Droits politiques
Droit public
— de suffrage
Durée du service militaire

Égalité civile
Electeur
Élection
Eligible
Etat
Engagés conditionnels d’un an
Engagements volontaires
Engagements et rengagements
Enregistrement
Enseignement primaire. L. promul. en 1881 et 1882
Etat de guerre
— de paix
— de siègeet
— de sections
Excès de pouvoir
Exercice budgétaire

Fonctionnaires
Force publique

Gendarmerie
Gestion
Grand-Livre de la Dette publique

Hiérarchie

I
Incompétence
Impôt direct foncier
— personnel et mobilier
— des portes et fenêtres
— des patentes
Impôt indirect
— de quotité
— de répartition
Instructions
Instruction primaire
Inviolabilité du domicile
— de la propriété

Juges de paix
Jury.
Justice

Liberté de conscience
— individuelle
Listes électorales
Loi (définition)

M
Maireet
Matrice du rôle
Ministres
Ministères
Monopoles

Obligation scolaire
Octroi
Ordonnateurs
Ordres
Origines du droit public

Passe-port
Pâturages communaux
Période électorale
Police municipale et rurale
— sanitaire
Préfet
Président de la République.
Prestations en nature
Promulgation de la loi
Pouvoirs constitués
Principes de 1789
R

Rapports des églises et de l’Etat


Recensement
Recouvrement de l’impôt direct
Recrutement
Régie intéressée
— simple
Registre matricule
Règlement d’administration publique
— de juges
Rentes
Responsabilité ministérielle
Routes départementales

Salubrité publique
Scrutins (individuel, de liste)
Sécurité individuelle
— publique
Sénat
Service militaire obligatoire
Sessions des conseils municipaux
— — généraux
Sous-préfet
Souveraineté nationale
Subventions de l’Etat
— du departement
Suffrage universelet
Suffrages à plusieurs degrés
Sursis d’appel
T

Taxes assimilées aux impôts directs


Taxe des biens de main-morte
Tarif des évaluations
Timbre
Tirage au sort
Tribunal
Tribunaux administratifs
— de commerce
— de 1re instance
— de paix
— de police correctionnelle
— de simple police
— universitaires

Violation de la loi
Vœux des conseils municipaux
— — généraux
Voirie municipale

FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES


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Date d'édition numérique : 2016


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Éditeur : J.-Elie Gauguet (Paris), 1884

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