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Rapport

LE « MIRACLE » SANITAIRE DU MAGAL


ou Etude de l’impact du Magal de Touba 2020
dans l’évolution du Covid-19 au Sénégal

AUTEURS

DR CHEIKH SOKHNA
Directeur de Recherche à l’IRD - Chef d’équipe à l’IHU à Marseille

ABDOUL AZIZ MBACKE MAJALIS


Chercheur sur le Mouridisme

SEYDINA OMAR BA
Sociologue

Novembre 2020
INTRODUCTION

Le Magal de Touba a été célébré cette année dans un contexte très particulier de crise sanitaire due
au Covid-19, au moment même où la « deuxième vague » de la pandémie est en train de submerger
plusieurs pays du monde.

En tant que plus grand événement religieux du Sénégal, de la sous-région et l'un des plus importants
de l'Afrique ou même du monde, le Magal draine tous les ans entre 4 et 5 millions de visiteurs dans
la ville sainte de Touba, épicentre de la confrérie soufie des mourides. Cette commémoration du
départ en exil, en 1895, du fondateur de la confrérie, Cheikh A. Bamba (1853-1927), qui ne s'est pas
toujours faite sans problèmes (pénuries d'eau, problèmes sanitaires, accidents, etc.), a été marquée,
cette année, par l'importance du défi sanitaire majeur que constituait l'organisation d'un
rassemblement humain d’une telle ampleur, sans engendrer une propagation exponentielle de la
maladie à travers le pays.

Toutefois, au vu des tendances épidémiologiques relevées au cours des deux premières semaines
suivant le Magal (du 7 au 20 octobre 2020), correspondant à la période d’observation/incubation, il
semble que, contre toute attente, les craintes suscitées avant la tenue de l’évènement ne se soient
pas matérialisées dans les données recueillies sur la propagation du SRAS-CoV-2. Au contraire, la
courbe d’évolution des cas positifs ne s’est relevée nulle part dans le pays, après ce rassemblement
de millions de personnes. Suscitant de plus en plus d’étonnement et d’incrédulité chez les spécialistes
et observateurs, ou, chez les disciples mourides, un sentiment d’exaltation attribué aux « miracles »
et faveurs de Serigne Touba.

Ce constat, dont les véritables explications scientifiques devront faire l’objet d’analyses plus
approfondies dans les semaines et mois à venir, est sans nul doute imputable, en plus d’autres raisons
éventuelles, à l’engagement communautaire exceptionnel de la hiérarchie mouride. Notamment son
Khalife général, Serigne Mountakha Mbacké, et les autres démembrements de la communauté
mouride (Comité d’organisation du Magal, autorités religieuses, experts, disciples...) dont le sens de
l’organisation et de la discipline, bien connu, semble s’être une fois de plus matérialisé dans ce défi
inédit.

Au vu de ces résultats notables, il ne semblerait nullement abusif de considérer la réussite de cette


étape cruciale du Magal de Touba 2020, selon l’ambition exprimée dans un rapport préparatoire sur
cet évènement, comme « un tournant décisif dans la problématique de gestion de la pandémie du Covid-
19 au Sénégal ».

Qu’est-ce qui s’est réellement passé à Touba ?

ELEMENTS D’ANALYSE

Les différents arguments et constats permettant de soutenir que la célébration du Magal de Touba
2020 n’a pas impacté négativement sur la progression du Coronavirus au Sénégal sont les suivants :

• Les données recueillies durant les cinq (5) jours du Magal de Touba par l’équipe du Docteur
Cheikh Sokhna, dépêchée sur place tous les ans, dans le cadre du projet de recherche sur
les risques sanitaires liés au Magal, en collaboration avec la Région Médicale de Diourbel ;

• L’analyse des données épidémiologiques nationales portant sur le nombre de cas recensés
quotidiennement par le Ministère de la santé du Sénégal, avant et après le Magal ;

2
L’analyse de ces différentes données, croisées avec d’autres, donnera une idée plus précise de la
situation réelle, tout en nous permettant de poser, dès à présent, un certain nombre d’hypothèses
à même de l’expliquer. Hypothèses que nous tenterons, par la suite, d’énumérer brièvement, en
attendant de pouvoir les étudier plus minutieusement, avec plus de données et de recul scientifique
dans des publications ultérieures.

Les données fournies et analysées dans le présent document s'avèrent d'autant intéressantes qu'elles
permettent d'apporter des sources et un début d'éclairage scientifiques à un fait faisant l'objet de
certaines conjectures, objections ou réserves de la part d'acteurs publics sénégalais. Tels ces propos
de l'un d'entre eux remettant en cause l'absence d'impact négatif du Magal relayé dans la presse
locale : « Dire qu'il y a eu le Magal, qu'il y a d'autres rassemblements qui ont eu lieu et pas de catastrophe,
j'attends d'avoir un rapport précis sur tout ce qui s'est passé [pour en convenir] (...) Je ne peux pas
m'aventurer dans des déclarations de la presse alors que je n'ai pas de preuves qui viennent de sources
scientifiques et crédibles. »1

1. SURVEILLANCE SYNDROMIQUE DURANT LE MAGAL

Depuis 2015, des recherches épidémiologiques sur les risques sanitaires du Magal de Touba sont
régulièrement menées par une équipe de recherche de l’IRD de Dakar et de l’IHU-MI de Marseille,
dirigée par le Docteur Cheikh Sokhna2, en collaboration avec la Région Médicale de Diourbel. Les
résultats des recherches déjà menées les années précédentes par cette équipe sont disponibles dans
les revues scientifiques et dans le rapport « Magal de Touba 2020 dans un contexte de Covid-19 »
(Voir http://www.majalis.org/download/Magal-Covid19.pdf)

Dans le but d'étudier la circulation potentielle du virus parmi les pèlerins du Magal 2020, l’équipe du
Dr Sokhna a mené une enquête auprès de patients présentant des symptômes respiratoires au
centre de santé de Mbacké, près de Touba, où son équipe a mis en place un dispositif de surveillance
syndromique durant l’évènement.

Les consultations ont démarré au même moment que la période de couverture sanitaire organisée
par le Ministère de la santé du Sénégal (MSAS) et se sont déroulées du 04 au 08 Octobre 2020 (soit
2 jours avant le Magal, le jour du Magal et 2 jours après le Magal). Celles-ci ont été effectuées en
collaboration avec les équipes médicales du centre de santé de Mbacké, qui fait partie des cinq (5)
structures de santé les plus fréquentées pendant le Magal de Touba.
Les patients présentant les pathologies suivantes ont été inclus dans lesdites consultations :
infections respiratoires, gastroentérite et syndrome fébrile sans autre signe d’appel. Des
écouvillonnages nasaux et pharyngés ont été réalisés pour les patients qui présentaient des
symptômes respiratoires (toux). Dans le présent rapport, nous nous limiterons à la présentation
des résultats des tests moléculaires effectués au niveau des prélèvements respiratoires destinés à
détecter une Covid-19.
En tenant compte du contexte pandémique à coronavirus en cours, l’équipe a jugé nécessaire
d’analyser le plus rapidement possible les prélèvements respiratoires réalisés chez les 109 patients
consultés, avec les résultats suivants :

1
Voir https://youtu.be/rbwkYXkyur8?t=779.
2
Le Dr Cheikh Sokhna, qui travaille avec le Professeur Didier Raoult, est classé, par le célèbre site médical de référence
américain EXPERTSCAPE, « au sommet du classement mondial des experts sénégalais dans le domaine » (« the top-rated
expert in Senegal in the world », voir https://expertscape.com/ex/senegal). La plus-value apportée par le Dr Sokhna dans
la thématique sanitaire du Magal est qu’il est le seul spécialiste à avoir jusqu’ici, depuis plusieurs années, étudié
régulièrement la problématique épidémiologique de cet évènement avec son équipe de recherche.
3
• Parmi ceux-ci, 39 (35,8%) étaient des hommes et 70 (64.2%) des femmes.

• L’âge moyen des patients (allant de 0 à 60 ans) était de 13 ans. Un total de 67 patients (soit
61,5%) avait moins de 15 ans et 2 (soit 1,8%) avaient plus de 60 ans.

• En plus de la toux, 73 (67,0%) patients ont signalé une rhinite, 22 (20,2%) un mal de gorge, 9
(8,3%) une agueusie, 5 (4,6%) une anosmie.

• 29 (26,6%) patients étaient fébriles et 11 (10,1%) ont signalé un syndrome grippal, tel que
défini par l'association de toux, mal de gorge et fièvre.

• Tous les 109 prélèvements ont été testés à la PCR temps réel Sars-Cov2. Tous les patients
testés au Covid-19 se sont révélés négatifs.
Bien que portant sur un échantillon de patients relativement modeste, comprenant une majorité
d'enfants, ces résultats suggèrent que la circulation du SRAS-CoV-2 n'était pas très répandue chez
les patients souffrant de symptômes respiratoires présents au Magal 2020. Et que la baisse des cas
de Covid-19 relevée un peu partout à travers le pays avant le Magal s’est traduite par un nombre
relativement limité de sujets infectieux présents à Touba et à même de contaminer d’autres pèlerins.

2. TENDANCES ÉPIDÉMIOLOGIQUES

Les données de surveillance nationale3 indiquent que 15.459 cas de Covid-19 ont été notifiés au
Sénégal, du 2 mars 2020 au 20 octobre 2020. Avec une augmentation en fin Avril, un plateau
d'environ 100 à 120 cas par jour jusqu'à la fin Août et une diminution à environ 30 cas par jour
depuis Septembre-Octobre. Un total de 606 cas ont été notifiés à Touba et 60 à Mbacké
(agglomération enclave de Touba), représentant respectivement 4 et 0,4% des cas au Sénégal, tandis
que 7787 (50,9%) cas ont été notifiés dans la région de Dakar (au 13 octobre 2020).

Afin d’apprécier l’impact du Magal de Touba sur l’évolution de la maladie dans le pays, nous avons
évalué la progression de la courbe épidémiologique selon les paramètres suivants4 :
• Taux de séropositivité ;
• Nombre de cas global dans le pays ;
• Nombre de cas détectés à Touba ;
• Nombre de cas graves ;
• Nombre de décès ;
• Nombre de cas sous traitement.

La comparaison de la tendance des courbes d’évolution de chaque paramètre porte sur les deux
périodes de référence suivantes :

• Période Avant Magal : Les deux semaines précédant le Magal (du 22/09/2020 au
05/10/2020), en y incluant les jours précédant directement le Magal (malgré le fait que
l’effervescence du Magal commence déjà, en général, deux jours avant)

3
Voir http://www.sante.gouv.sn/Pr%C3%A9sentation/coronavirus-informations-officielles-et-quotidiennes-du-msas
4
Nous avons constaté que le Comité d’organisation du Magal, dans son bilan présenté à la presse, le 20/10/2020, a choisi
la même approche comparative, en procédant à une évaluation sanitaire à partir des mêmes paramètres que les nôtres,
pour aboutir à peu près aux mêmes résultats. En y ajoutant toutefois quelques autres paramètres pertinents, tels le
nombre de cas communautaires détectés, le nombre de cas dans la Région médicale de Diourbel, etc. (Voir
https://youtu.be/WCvVN_YgaJA)
4
• Période Après Magal : Les deux semaines suivant le Magal (du 06/10/2020 au 20/10/2020),
le jour du Magal inclus. (Voir plus loin la comparaison sur une échelle plus élargie).

Les résultats obtenus sont représentés dans les tableaux et graphiques ci-dessous :

Période Tests Cas Taux Cas Cas Cas à Cas Décès Sous
Date Réalisés Globaux Sérop. Locaux Importés Touba Graves Traitem.
A 22/09 853 21 2,46 % 15 6 0 23 0 2835
23/09 1005 36 3,58 % 36 0 0 23 1 2773
V 24/09 1055 21 1,99 % 20 1 0 24 1 2693
A 25/09 1170 23 1,97 % 22 1 0 18 0 2624
N 26/09 1141 30 2,63 % 27 3 0 15 2 2534

T 27/09
28/09
1295
929
40
10
3,09 %
1,07 %
39
9
1
1
1
0
13
14
2
1
2488
2378
29/09 920 26 2,8 % 18 8 1 8 1 2299
30/09 1266 37 2,92 % 37 0 0 5 1 2233
01/10 1351 37 2,74 % 32 5 0 6 0 2169
02/10 1213 32 2,64 % 28 4 0 8 1 2044
03/10 1337 17 1,27 % 17 0 0 9 0 2004
04/10 1131 26 2,3 % 25 1 0 7 0 1976
05/10 929 28 3,01 % 14 14 0 6 0 1939
Total 15595 384 339 45 2 179 10 32989
Moyenne 1113,93 27,43 2,46 % 24,21 3,21 0,14 12,78 0,71 2356,3
MAGAL 06/10 777 19 2,45 % 12 7 1 7 0 1892
07/10 1042 33 3,17 % 26 7 0 4 1 1862
08/10 987 16 1,62 % 14 2 0 3 0 1808
09/10 1059 23 2,17 % 21 2 0 5 0 1763
A 10/10 1117 31 2,63 % 29 2 0 6 1 1731
P 11/10 1091 24 2,24 % 23 1 0 6 0 1656

R 12/10
13/10
639
924
24
15
3,76 %
1,62 %
17
9
7
6
0
0
6
5
1
0
1586
1483
E 14/10 1293 24 1,8 % 18 6 0 5 1 1443
S 15/10 1105 17 1,35 % 12 5 0 7 0 1394
16/10 1084 20 1,85 % 19 1 0 6 1 1346
17/10 982 24 2,44 % 21 3 0 6 0 1318
18/10 1156 26 2,25 % 10 16 0 6 0 1286
19/10 829 14 1,69 % 7 7 0 5 2 1247
20/10 816 27 3,31 % 9 18 0 6 1 1216
Total 14901 337 247 90 1 83 8 23031
Moyenne 993,4 22,47 2,29 % 16,47 6 0,067 5,53 0,533 1535,4
Evolution du Total -694 -47 -92 +45 -1 -96 -2 -9958
Evolution Moyenne -120,53 -4,96 -0,17% -7,75 +2,79 -0,08 -7,25 -0,18 -820,9
5
Afin de mieux vérifier la persistance de ces tendances dans le temps, nous avons procédé à la même
comparaison entre la période précédant le Magal et la deuxième quinzaine lui succédant (du 21
octobre au 3 novembre). Ce qui donne une perspective d’un mois, avec les données figurant dans
le tableau suivant :

Période Date Tests Cas Taux Cas Cas Cas à Cas Décès Sous
Réalisés Globaux Sérop. Locaux Importés Touba Graves Traitem.
21/10 1010 25 2,48 % 20 5 0 5 1 1187
22/10 899 24 2,67 % 17 7 1 5 0 1160
23/10 1379 17 1,23 % 13 4 0 4 0 1121
A 24/10 937 18 1,92 % 18 0 0 4 0 1060
P 25/10 1017 8 0,79 % 8 0 0 4 0 975

R 26/10
27/10
576
453
14
6
2,43 %
1,32 %
9
5
5
1
0
0
6
7
1
0
926
811
E 28/10 721 11 1,53 % 10 1 0 7 0 694
S 29/10 689 11 1,60 % 11 0 0 6 1 609
30/10 805 12 1,49 % 12 0 0 6 0 549
31/10 954 11 1,15 % 11 0 1 6 1 438
01/11 1038 14 1,35 % 12 2 0 5 1 346
02/11 653 7 1,07 % 7 0 0 5 0 252
03/11 400 3 0,75 % 3 0 0 5 1 164
Total 11531 181 156 25 2 75 6 10292
Moyenne 823,64 12,93 1,56 % 11,14 1,78 0,14 5,35 0,42 735,14
Evolution du Total -4064 -203 -183 -20 0 -104 -4 -22697
-
Evolution Moyenne 290,29 -14,50 -0,91% -24,21 -1,43 0 -7 -0,29 -1621,1
6
En attendant d’autres croisements et analyses plus fines, une comparaison sommaire de l’évolution
de ces différents paramètres montre une stabilisation ou une tendance positive à tous les
niveaux. Aussi bien durant la période d’observation minimale de deux semaines que tout le mois
ayant succédé à l’évènement où les tendances observées semblent même se consolider davantage.5

Les constats ci-dessus semblent d’autant plus pertinents qu’ils corroborent les appréciations
positives des autorités sanitaires qui, bien avant la fin de la période d’observation, semblaient déjà
rassurées envers l’impact du Magal sur l’évolution de la pandémie. Tel que l’illustrent les propos
suivants, repris dans la presse, du directeur du Centre des opérations d’urgence sanitaires (COUS),
une semaine après le Magal : « La situation de l’épidémie de Covid-19 au Sénégal est maîtrisée. On peut
le dire. Dans un entretien à l’Observateur, le directeur du Centre des opérations d’urgence sanitaires, Dr
Abdoulaye Bousso, assure que la situation est stable. Le directeur du COUS révèle que nous sommes en train
de passer la phase critique du Magal sans que cela n’ait d’explosion de cas positifs. »6

Cette appréciation positive du Dr Abdoulaye Bousso fait écho à celle du Ministre de la santé et de
l’action sociale, Abdoulaye Diouf Sarr : « Jusque-là, nous n’avons pas une vague imputable au Magal »,
« La tendance prise par la courbe permet l’espoir », « On a un État au service des communautés dans
lesquelles il y a beaucoup de dynamiques dont celle religieuse. » (Journal Kritik’ du lundi 19 octobre 2020)

3. HYPOTHÈSES

Il pourrait paraître, dans un sens, trop prématuré pour émettre des hypothèses assez élaborées,
fondées sur suffisamment d’arguments (tirés d’enquêtes de terrains et d’analyses), à même
d’expliquer, de façon satisfaisante, le « mystère » de cette absence d’impact du Magal de Touba sur
la propagation du Covid-19 au Sénégal.

Néanmoins, il ne nous semble pas dénué d’intérêt d’envisager, dès à présent, un certain nombre de
pistes de recherche et d’hypothèses pertinentes. Ces éléments, mis ensemble et combinés, ont, à
notre avis, pu jouer un rôle important et simultané dans ce phénomène singulier.

Parmi ces éléments qu’il conviendra d’étudier minutieusement, et dont la potentielle et


« miraculeuse » conjonction peut sembler très rare, on peut citer :

5
Consulter les autres graphiques ici http://www.majalis.org/download/MiracleSanitaire_Graphiques.pdf. A moins de la
survenue d’une éventuelle deuxième vague, il ne semble pas exagéré d’augurer que la persistance des tendances
décroissantes actuelles des cas sous traitement, ayant déjà entraîné la fermeture de certains CTE, pourraient faire du
Sénégal un cas assez particulier ou même unique.
6
Voir https://jikapost.com/health/dr-abdoulaye-boussou-le-magal-na-pas-influence-le-nombre-de-cas/354/
7
• L’engagement communautaire fort de la hiérarchie mouride dans la lutte contre le Covid-19
durant le Magal ;

• Le rôle de l’État du Sénégal dans la gestion de la question sanitaire, avant et durant


l’évènement ;

• La typologie démographique et d’autres caractéristiques des populations locales, notamment


celles ayant participé au Magal ;

• L’éventualité d’une immunité collective ou croisée avec les autres coronavirus en cours dans
le pays.

3.1 L’engagement communautaire mouride

L’engagement exceptionnel du Khalife général des mourides, Serigne Mountakha Mbacké, celui du
leadership de la confrérie et de leurs experts, dans la sensibilisation des fidèles et la mise en place,
durant le Magal, de mesures stratégiques et préventives pour lutter contre le Coronavirus, font
probablement partie des éléments ayant contribué à la non propagation du virus.

A. Le Rôle du Khalife général des mourides

Pour rappel, dans sa démarche de soutien à l'action publique et d'autorité religieuse soucieuse du
bien-être sanitaire, moral et spirituel des citoyens, l’actuel Khalife des mourides fut l’un des premiers
à s'illustrer dans cette cause nationale, à travers la première contribution financière (de 200 millions
CFA, soit 305.000 Euros) remise à l’État du Sénégal.
Toujours dans sa dynamique de collaboration avec l'autorité publique, dans son combat contre les
grands regroupements socioreligieux, le Khalife émit, au début de la pandémie (en mars 2020), avec
le soutien de la famille de Serigne Fallou Mbacké, le « Ndigël » (ordre) de changer le format
traditionnel de la célébration du Magal de Kazou Rajab, constituant l’un des plus importants
rassemblements du Mouridisme, après le Magal de Touba. Une recommandation inédite dans
l'histoire du Mouridisme, consistant à le célébrer en dehors de tout regroupement, à laquelle les
disciples mourides se sont tous conformés avec une rare fidélité qui démontra, une fois de plus, la
remarquable capacité de discipline de cette communauté. Et c'est dans cette même lancée, initiée
par le Khalife, que tous les autres magals et grands évènements du Mouridisme furent tour à tour
reportés ou célébrés dans des conditions différentes des éditions passées (Magal de Darou Mouhty,
ceux des autres descendants de Cheikh A. Bamba, etc.)
Parallèlement (ou à la place) de ces manifestations, le Khalife recommanda des séances de récitation
de Coran et d'imploration du Pardon de Dieu, le Tout-Puissant, pour juguler ce fléau en face duquel
les nations les plus puissantes n'ont souvent pu résister. Cette dimension supplémentaire de
« résilience spirituelle » que Serigne Mountakha insuffla à la lutte sanitaire, au-delà de ses « bienfaits
divins » (plus que réels aux yeux des mourides et des croyants), joua un rôle très important dans le
réarmement moral et psychologique des fidèles contre la psychose ambiante. Tel que l’illustre le
célèbre sermon qu’il consacra à la pandémie dans la mosquée de Touba :
« C’est Dieu qui choisit les personnes qui tomberont malades et celles qui seront épargnées par cette
pandémie. Cette maladie ne décide pas de tout. Le Coronavirus est une simple créature de Dieu et elle ne
fera que ce que Dieu voudra qu’elle fasse. Tout vient de Dieu. Tout ce qui arrive à l’être humain est juste la

8
résultante de la volonté de Dieu. Cela ne veut pas dire que nous ne devons prendre aucune précaution. Au
contraire. Car se conformer aux prescriptions des médecins est aussi un acte de foi… »
À la suite de ces messages et dispositions communautaires, Serigne Mountakha mettra à la
disposition du district sanitaire de Touba des moyens conséquents (terrain pour l'hôpital militaire,
denrées alimentaires pour les familles en quarantaine, espaces d'hébergement pour les renforts
envoyés, etc.) pour une prise en charge optimale des cas détectés dans la ville sainte et la prévention
d'éventuels nouveaux cas. Tout en encourageant la sensibilisation des populations sur l'importance
du respect des mesures d'hygiène et des gestes-barrières édictés par les autorités publiques (en
souscrivant personnellement à se laver publiquement les mains avec un gel hydro-alcoolique dans la
mosquée, à porter lui-même en permanence un masque dans l’espace public, à sensibiliser les
populations sur la réalité du fléau et à se repentir dans ses prêches, etc.). Tout ceci, avec l'appui des
organisations mourides, comme Touba Ca Kanam, qui contribua, à la suite du Khalife, avec un budget
de 45 millions CFA (68.000 Euros) en produits et matériels destinés aux structures sanitaires de
Touba, aux daaras (écoles coraniques) confinés, aux mosquées et morgues, aux autres services de
l'État (police, sapeurs-pompiers...), etc. Ou la collaboration du Dahira Moukhadimatoul Khidma,
chargé d’organiser la prière dans la grande mosquée de Touba, dans le respect des mesures barrières
et des règles d’hygiène.
Cette posture citoyenne et responsable du guide suprême des mourides, faisant écho à celle d’autres
chefs religieux du pays, constitue, à n’en point douter, un modèle d’implication communautaire, de
prise de responsabilité et de leadership religieux fort dans la gestion de certaines problématiques
nationales qu’il conviendra de mieux appréhender. Cette mobilisation de toutes les catégories
sociales de la ville sainte, sous la guidée d’un leadership fort, explique, au moins en partie, selon
certains analystes, la faiblesse relative de la progression des cas à Touba, comparé à celle de l’autre
plus grande métropole du pays, Dakar.
Elle constitue également, si besoin en était encore, une preuve de plus de l’importance, pour nos
autorités publiques, de faire recours à la sagesse et à la clairvoyance de ces guides éclairés sur
certaines questions engageant leurs communautés. Comme ce fut le cas à propos de la
problématique de la célébration du Magal de Touba 2020 dans un contexte de propagation du Covid-
19 qui se posa par la suite.
Le leadership du Khalife des mourides s’illustra de nouveau dans la prise en charge de la question
sanitaire lors de cet évènement de dimension internationale. A travers son Ndigël pour la tenue du
Magal (en dépit de certaines craintes), ses discours publics, ses rappels réguliers de l’importance du
respect des directives sanitaires, son exemple personnel et sa constance dans le port du masque
(qui « normalisa » , pour ainsi dire, cette pratique dans sa communauté), ses orientations et conseils
au Comité d’organisation pour la mise en place d’un dispositif sanitaire stratégique, sa collaboration
active avec les autorités étatiques et bien d’autres gestes forts, Serigne Mountakha assuma la
responsabilité d’avoir convié des millions de fidèles à se rassembler dans un tel contexte.
Un symbole très fort de cet engagement, aussi bien matériel que spirituel, consiste à sa promesse
faite au Président Macky Sall avant le Magal, révélée par son porte-parole, Cheikh Bassirou A.
Khadre : « Li ma koy faye ci màggal gi, mooy jàmm rekk a ciy xew. » (Ma rétribution envers [le Président]
pour l’assistance qu’il nous a apportée dans l’organisation du Magal, est mon assurance que celui-ci
n’engendrera aucun préjudice pour le pays).

9
Ce genre de convictions religieuses, de nature à renforcer la foi des disciples mourides en la
« Baraka » protectrice de Serigne Touba (baatinu Sëriñ bi), est fondée sur les faveurs spirituelles lui
étant reconnues par ces derniers et auxquelles ses écrits et son hagiographie font référence7.

Prendre en compte ces dimensions spirituelles (ou « subjectives », pour d’autres) dans la gestion de
la pandémie chez les mourides, permet de mieux comprendre leur frappant esprit de résilience et
de défi qui les animait pour la réussite de ce Magal particulier. Évènement dont la réussite revenait
en définitive, à leurs yeux, au triomphe de Serigne Touba, à une preuve supplémentaire des privilèges
infinis de « Khadimou Rassoul » (le Serviteur du Prophète) auprès de son Seigneur.

Ceci explique en quoi la traversée de l’océan de risques de ce Magal 2020, et ses « mystères »
scientifiques profonds, constituent, pour les mourides, un ultime « miracle » de Serigne Touba…

B. Rôle de l’expertise et de l’organisation communautaire

Une des nouveautés du Magal de Touba 2020 fut une meilleure implication, dans l’organisation, des
experts et spécialistes de la communauté, qui mirent leurs compétences au service du défi sanitaire
que constituait la célébration de l’évènement dans de bonnes conditions sanitaires.
Deux initiatives majeures en ce sens illustrent cette démarche innovante :
- Le Rapport préliminaire sur le Magal 2020 dans un contexte de Covid-19 ;
- La mise en place, au sein du Comité d’organisation du Magal, d’une Unité d’alerte et de
prévention épidémiologique (UAPE) constituée d’experts en santé publique.

• Les 14 Mesures Sanitaires du Rapport sur le Magal 2020


Dans la dynamique de contribution communautaire au combat contre le Covid-19, initié par le
Khalife des mourides, un groupe de chercheurs mourides bénévoles engagea, en Août 2020 (soit
près d’un mois avant le Magal) une réflexion sur cette thématique, qui se matérialisa par un rapport
intitulé « Magal de Touba 2020 dans un contexte de Covid-19 : Problématiques et recommandations »
(consultable en intégralité sur ce lien : http://www.majalis.org/download/Magal-Covid19.pdf).
L’équipe pluridisciplinaire, dirigée par le Dr Cheikh Sokhna (Directeur de Recherche à l’IRD - Chef
d’équipe à l’IHU à Marseille), le Dr Cheikh Guèye (Géographe et spécialiste de la ville de Touba) et
Abdoul Aziz Mbacké Majalis (Chercheur sur le Mouridisme), produisit un document d’une vingtaine
de pages qui sera remis au Khalife général des mourides et au Comité d’organisation du Magal, le 26
Août 2020. Ledit rapport, qui revisita l’historique et les multiples impacts du Magal (sur les plans
religieux, économique, infrastructurel, socioculturel, politique…), aborda ses problématiques
épidémiologiques, tout en étudiant les différentes options qui semblaient, au moment de la rédaction,

7
Les disciples mourides rappellent ainsi avec enthousiasme les prières de Cheikh A. Bamba, figurant dans son célèbre
poème, Matlabul Fawzayni, consacré à la protection de la ville sainte et de ses habitants : « O Seigneur ! Mets fin à toute
épidémie ou calamité à Touba, et accorde à ses habitants des purs moyens de subsistance. », « Protège-nous des épidémies
et de tout mal provenant du ciel. », « Tu as préservé tous les miens, mes biens et toute ma famille des épidémies ; point ne
seront-ils perdants ici-bas et dans l'Au-delà. » La notion de « miracle », faut-il le rappeler, peut ainsi être différemment et
librement appréhendée, selon le sujet. Pour certains (croyants), il fait référence à un fait extraordinaire, relevant du
divin et dépourvu de toute explication scientifique ou rationnelle. Pour d’autres, il renvoie simplement à une conjonction
rare et improbable de faits scientifiquement démontrables. Alors que d’autres le comprennent selon ces deux acceptions
simultanées ; à savoir un phénomène « surnaturel » (car relevant d’une « puissance supérieure », divine, insaisissable)
mais souvent conciliable avec des soubassements tout à fait naturels qui servent de supports rationnels (asbâb) au Divin.
10
s’offrir aux autorités religieuses mourides : un Magal sans rassemblement (selon le modèle des
évènements passés) ou avec rassemblement.
Pour cette seconde option (qui fut finalement choisie par la hiérarchie mouride), les chercheurs
proposèrent dans ledit rapport des mesures fortes de prévention sanitaires, en termes de
sensibilisation au respect des gestes barrières, de protection individuelle des pèlerins du Magal, etc.
Ces mesures d’accompagnement, au nombre de quatorze (14), divisées en trois catégories (mesures
sanitaires/stratégiques, communication/sensibilisation et mesures opérationnelles) sont listées dans
le lien suivant : www.magalsanscovid.com.
Il fut heureux de constater que des mesures importantes, parmi ces recommandations, ont pu être
matérialisées : création d'une Unité d’alerte et de Prévention épidémiologique, mise à disposition de
centaines de milliers de masques pour les pèlerins, une meilleure organisation des processions et
visites religieuses au niveau des sites sacrés, et d’autres importantes orientations retenues par le
Comité d’Organisation.
Le rôle important joué par ce document et son mérite, au-delà des polémiques suscitées par son
caractère novateur (et certains amalgames médiatiques), fut d’avoir eu un effet déclencheur dans le
nécessaire cadrage stratégique et prospectif de la problématique sanitaire du Magal se profilant alors
à l’horizon.

• Unité d’alerte et de prévention épidémiologique


Une des innovations majeures du Magal 2020 fut la mise en place, au sein du Comité d’organisation
du Magal, d’une Unité d’alerte et de prévention épidémiologique (Kurel feg ak fagaru). Cette entité
stratégique, créée le 06 septembre 2020, avec l'aval du Khalife des mourides, est composée
d'éminents spécialistes en santé dirigés par le Professeur Lamine Gueye (ancien recteur de
l'Université Gaston Berger et de Bambey).

Pour avoir une idée de la mission à laquelle s’était assignée cette structure, chargée de jouer un rôle
de jonction et de coordination avec les pouvoirs publics et la communauté, on peut se référer à son
plan d’action très ambitieux décliné selon sept (7) axes stratégiques et leurs objectifs correspondants
(disponible en ligne sur www.magalsanscovid.com/PlanActionUniteMagal.pdf).

Les extraits suivants du bilan préliminaire de cette Unité d’alerte, dans la gestion de la pandémie
durant le Magal (repris dans la presse) permettent d’avoir une idée sur la mise en œuvre dudit plan
d’action : « Il a été remarqué que l’accès à tous les lieux saints était assujetti au respect strict du port de
masques, de la distanciation physique avec le marquage au sol et quelques fois de la désinfection dans les
cabines préposées avec du gel hydro-alcoolique pour les mains ou parfois le lavage des mains. L’unité d’alerte
et de prévention épidémiologique et le Dahira Moukhadimatoul Khidma ont conjugué leurs efforts pour
contrôler les flux de personnes et s’assurer de l’observance des gestes barrières. Dans la même veine, la
quasi-totalité des résidences de dignitaires mourides faisait appliquer les dispositions idoines pour le respect
des règles d’hygiène et de gestes barrières (...) »8.

C. Autres initiatives communautaires

• Le Comité d’organisation, sous le leadership de son président, S. Bassirou Mbacké A. Khadre,


et du président de la Commission Communication, dirigée par Cheikh A. Ahad Mbacké Gaïndé

8
Voir https://www.dakaractu.com/TOUBA-L-UAPE-tire-son-bilan-preliminaire-et-estime-que%C2%A0le-ndiguel-du-
Khalife-a-facilite-le-travail-des-acteurs-de_a194453.html
11
Fatma, a mené, avant et durant le Magal, un remarquable travail de sensibilisation des fidèles au
respect des mesures barrières, de concert avec les médias. Comme l’illustre la production, par le
Comité, d’un spot télévisé, passé en boucle sur toutes les chaines de télévision, montrant le Khalife
et les grands dignitaires mourides prêcher par l’exemple à l’intention des disciples (port du masque,
lavage des mains, usage de gels hydro-alcooliques, etc.) – voir la vidéo ici
https://youtu.be/TGOiwaANtPQ. Le choix de surseoir à certaines manifestations présentielles
annuelles, comme la cérémonie officielle post-Magal, le colloque sur le soufisme, les conférences
publiques, la caravane itinérante, etc., et d’en remplacer certaines par des webinaires, constitua
également un signal fort de cette prise en compte du contexte.

• Une campagne de sensibilisation communautaire, dénommée « MAGAL SANS COVID », fut


lancée par des disciples et intellectuels mourides sur les réseaux sociaux (WhatsApp, Facebook,
Instagram, Twitter, etc.), avec des affiches personnalisables, des spots de vidéos virales, dans les
différentes langues locales (Wolof, Pulaar, Sérère, Mandinka, etc.) L’originalité des messages diffusés
résidait dans leur fort habillage culturel mouride. Exemples : « Je porterai un masque lors du Magal
pour me conformer au Ndigël du Khalife. », « Je porterai un masque lors du Magal conformément à nos
dignitaires religieux. », « J’éviterai de saluer mes condisciples avec un baisemain (sujóot) durant le Magal »,
« J’éviterai de boire du café Touba dans la même tasse que mes condisciples durant le Magal », etc. – voir
www.magalsanscovid.com.

• Un grand nombre de plateaux et d’émissions télévisées ou radiophoniques, partagées sur le


web, fut consacré à la sensibilisation et à l’importance de relever le défi sanitaire du Magal, par des
leaders et spécialistes mourides – voir les vidéos : https://youtu.be/vw3AJ4sQFKs -
https://youtu.be/JK3TlcqZofk.

• Dons de grandes quantités de masques, de gels, de matériels d’hygiène, etc. au Comité


d’organisation, de la part des mécènes mourides, des hommes d’affaires, d’hommes politiques, de
bonnes volontés, d’associations, de Dahiras, etc.

3.2 Le Rôle de l’État du Sénégal

La contribution de l’État du Sénégal dans la prise en charge de la problématique sanitaire du Magal,


en collaboration avec les autorités religieuses, a probablement aidé ces dernières dans la gestion de
la pandémie. Même s’il est, à ce stade, très difficile de mesurer cet impact réel.

Malgré certaines imperfections, notamment la faiblesse de son système sanitaire, le Sénégal est
actuellement classé, par certaines études, parmi les pays de référence dans la gestion de la pandémie
du Covid-19. Notamment, dans le classement publié en septembre 2020, par le célèbre journal
américain, USA Today, qui, en qualifiant la gestion de l’État sénégalais d’ « efficace et transparente »,
considère notre pays comme « le premier pays africain et le deuxième du monde, en termes de gestion
de la pandémie du coronavirus. » Les paramètres ayant permis au Sénégal d’être élevé à un tel niveau
étant, entre autres, une capacité d’action et de réaction rapide, une bonne stratégie de
communication, de se référer aux évolutions de la science et à l’innovation, etc.9 À ces critères, il
faudra peut-être, dorénavant, ajouter une certaine capacité à travailler en synergie avec les
communautés, une « intelligence sociale » à s’appuyer, au besoin, sur elles et à encadrer efficacement
l’engagement communautaire considéré comme crucial dans le combat contre la pandémie.10

9
Voir https://www.usatoday.com/story/news/world/2020/09/06/covid-19-why-senegal-outpacing-us-tackling-
pandemic/5659696002/ et https://www.financialafrik.com/2020/09/07/gestion-de-la-covid-19-le-senegal-champion-
dafrique-usa-today/
10
Une question intéressante que l’on est désormais en droit de se poser : les nouveaux points obtenus par l’Etat du
Sénégal, à travers le test réussi du Magal, seraient-il de nature à le hisser à la première place d’un futur classement ?
12
Ainsi, avant et lors de la tenue du Magal de Touba, l’État du Sénégal a consenti un certain nombre
d’efforts dans l’accompagnement des autorités religieuses, pour éviter une propagation
exponentielle de la maladie après l’évènement. En renforçant notamment la région médicale de
Diourbel en ressources humaines, à travers la mise en place de 180 points de prestations de santé
(PPS) pour la seule aire géographique de Touba.

Ces PPS ont aidé à la prise en charge des autres affections transmissibles et non transmissibles, des
traumatismes et autres problèmes de santé, avec plus d’une quarantaine d’interventions chirurgicales
réalisées par des spécialistes. Ils ont également concouru à l’identification et à l’orientation des
personnes COVID suspectes. Sur les 84 tests de COVID réalisés, durant la période du 5 au 7
octobre 2020 à Touba, 75 tests TDR étaient négatifs, 2 étaient revenus positifs et 13 refus ont été
signalés dont 4 documentés pour assurer le traçage et éventuellement le suivi.11

3.3 Données démographiques et épidémiologiques locales

D’autres paramètres ayant potentiellement joué un rôle important dans la stabilité de la propagation
du Covid-19 après le Magal consistent à certaines caractéristiques particulières des populations
locales étudiées.

Parmi ces éléments importants, on peut noter :


• La jeunesse de la population ;
• Une faible mortalité et un grand nombre de cas asymptomatiques ;
• Un changement de comportement ou un dépistage limité.

A. Jeunesse de la population et des pèlerins du Magal

Il est unanimement reconnu que la jeunesse de la population africaine, en général, a joué un rôle
fondamental dans la progression relativement faible de la pandémie du Covid-19 dans le continent,
contrairement aux prévisions catastrophiques de l’OMS. Le Sénégal, dont 54% de la population a
moins de 20 ans, ne fait pas exception à cette règle et a tiré un avantage certain de ce dividende
démographique lors de la pandémie qui ne parvient pas, jusqu’ici, à y faire les mêmes ravages que
dans les pays ayant une population plus âgée. Contrairement à la vieille Europe (où l'âge médian
dépasse la quarantaine), les tranches d'âge jugées à priori les plus vulnérables au Covid-19 (plus de
70 ans) sont très minoritaires chez nous (moins de 2% de la population).

En plus de ce paramètre général, commun à tout le pays, il en existe cependant un autre de nature
à influer plus spécifiquement sur le Magal de Touba. Il s’agit de la jeunesse des pèlerins se
rendant au Magal de Touba, dont la proportion croissante peut sembler, à priori, plus
importante, comparée à d’autres types de rassemblements religieux du pays. Un fait démontré par
une étude réalisée en 2017 par l’Université Alioune Diop de Bambey sur l’impact économique du
Magal12.

On peut, en effet, lire dans cette intéressante étude : « L’analyse des données montre que les pèlerins
sont relativement jeunes en moyenne. En effet, l’âge moyen tourne autour de 30 ans (29,86 ans, plus

11
Ces résultats confirment, en un sens, ceux obtenus par l’équipe du Dr Sokhna sur une faiblesse du taux de
séropositivité des pèlerins du Magal 2020.
12
Etude des impacts économiques du grand Magal de Touba sur l’économie sénégalaise (Université Alioune Diop de
Bambey, 2017) – Voir https://fr.slideshare.net/rignese/etude-des-impacts-conomiques-du-magal-de-touba-dans-
lconomie-du-sngal
13
précisément). Comparé au Magal de 2011, nous constatons un rajeunissement des pèlerins de deux (02)
ans en moyenne. L’analyse de la distribution dans sa globalité montre aussi que la population des pèlerins
est assez homogène avec une variance de 11,63 et avec un coefficient de dissymétrie positif, confirmant la
prédominance des jeunes au Magal. L’âge des pèlerins, tel que représenté à la figure 3, montre que 52,7%
des pèlerins sont âgés de 21 à 35 ans. La représentation médiane montre que 50% de l’échantillon est sous
la barre des 27 ans. Bien que la population des pèlerins soit plus jeune qu’en 2011, elle est plus âgée que
la moyenne nationale (22,1 ans contre 29,8 ans pour le Magal).

Une légère diminution de la population des séniors (55 ans et plus) est notée comparativement à celle du
Magal 2011. En effet, elle passe de 11% à 3,4%. Les autres catégories d’âges se répartissent presque de
façon égalitaire sur le restant de la population des pèlerins. Les jeunes adolescents (13 à 20 ans) et les
adultes (36 à 55 ans) représentent respectivement 22,2% et 21,5% de la population.»

Coïncidence intéressante : l’on peut retrouver cette jeunesse des pèlerins du Magal dans les récents
résultats tirés des recherches épidémiologiques du Magal 2020 menées par l’équipe du Dr Cheikh
Sokhna (décrites plus haut, quoiqu’avec un échantillon assez limité de 109 patients). À savoir que
l’âge moyen des patients consultés était de 13 ans. Un total de 67 patients (soit 61,5%) avait moins
de 15 ans et 2 (soit 1,8%) avaient plus de 60 ans.

Cette tendance est renforcée par les données de l’antenne médicale 2020 organisée par la
Fédération Serigne Bassirou Bara (dirigée par S. A. Aziz Mbacké Majalis) près de l’esplanade de la
Grande Mosquée de Touba. En effet, sur les 405 patients consultés gratuitement, du 05 au 07
Octobre 2020, 77,8% avaient moins de 35 ans, alors que 1,22% avaient plus de 66 ans13.

B. Faible mortalité et grand nombre de cas asymptomatiques

Une autre caractéristique de la progression lente de la pandémie dans la plupart des pays africains
est la faible létalité et le grand nombre de cas asymptomatiques (dus vraisemblablement, pour une
grande part, à la jeunesse de leur population et à d’autres facteurs). Comme l’illustre le cas du
Sénégal où, sur une population de près de 16 millions d’habitants, on a enregistré, sur les 8 mois de
présence du virus, seulement 320 décès (au 20/10/2020). Un taux relativement faible, comparé à
celui de beaucoup d’autres pays non africains14.

En plus de ce phénomène, les tendances baissières constatées les semaines ayant précédé le Magal
de Touba, aussi bien au niveau du nombre de cas positifs que des décès, des cas communautaires,
etc. ont semblé joué un intéressant rôle de « freinage » de la virulence du virus au moment de la
célébration de l’évènement.

Le grand nombre de porteurs asymptomatiques, ne sentant nullement le besoin d’aller se faire


dépister, allié à une certaine « banalisation » croissante du Coronavirus, allant même jusqu’au
« négationnisme » chez certaines populations, a également et probablement contribué à cet effet de
« freinage » sur la comptabilisation des cas.15

13
A propos de l’hypothèse sur le changement de comportement chez les personnes âgées, durant le Magal de cette
année, voir plus loin.
14
Il aurait été intéressant de procéder à une comparaison de l'évolution de la maladie au Sénégal avec celle des pays
limitrophes et d'autres de l'Afrique de l'Ouest pour évaluer la portée de certaines hypothèses de ce rapport.
15
Le fait que le taux de séropositivité fut pratiquement nul à Touba, au moment du Magal, n’a-t-il pas joué un rôle dans
cet effet de « freinage » ? En effet, l’on peut imaginer que le niveau de contamination post-Magal aurait pu s’aggraver si
les populations locales devant accueillir les hôtes du Magal (avoisinant le million) étaient hautement infectées. Une autre
14
C. Changement de comportement ou dépistage limité

Relativement au respect des mesures barrières, seule une enquête de comportement durant le Magal
de Touba 2020 aurait pu déterminer, avec assez de précision, si celles-ci ont été respectées ou non
par la majorité des pèlerins16. En l’absence de telles données, l’on pourrait provisoirement se
contenter d’une observation empirique de ces pèlerins, à travers les médias et par les auteurs du
présent rapport ayant personnellement participé à l’évènement. Une telle observation permet de
constater que le port du masque, bien que respecté par beaucoup de pèlerins (se conformant aux
messages de sensibilisation), surtout dans certains lieux spécifiques (sites sacrés, encadrés par les
organisateurs du Magal, « ziars » auprès des dignitaires religieux, etc.), une grande partie des pèlerins
ne semble pas avoir toujours respecté, de façon rigoureuse et systématique, cette prescription.

Il paraît en être de même pour l’usage des gels hydro-alcooliques, du lavage fréquent des mains et
d’autres recommandations difficilement applicables dans le contexte du Magal. Comme la
désinfection régulière des lieux de rassemblement, éviter de se donner la main en se saluant,
respecter la distanciation sociale, etc. Ces pratiques s’avèrent, d’ailleurs, d’autant plus
problématiques qu’une certaine frange des sénégalais continuent encore de verser dans le
« négationnisme » et réfutent (pour diverses raisons, surtout complotistes) l’existence réelle du
Covid-19, en dépit des messages des autorités.

Tout ceci, pour dire que, même s’il ne faut nullement récuser l’effet du respect des mesures
barrières dans le processus de stabilisation du Covid-19 constaté à Touba, il serait risqué de se
fonder uniquement sur celui-ci pour expliquer l’absence de propagation du Coronavirus après le
Magal.

Par ailleurs, l’hypothèse qu’une bonne partie des personnes âgées ou souffrant de comorbidités, qui
avaient l’habitude de se rendre tous les ans à Touba, ne se soient pas rendues au Magal 2020, paraît
fort plausible et réaliste. Cela, du fait de la forte sensibilisation, au niveau national, sur les risques
encourus par les personnes âgées ou malades chroniques atteintes de COVID. Ou même, quelques
fois, de l’invite faite par certaines familles mourides à leurs parents plus âgés de rester, au moins
cette année-ci, pour « garder la maison » (décision qui, quelques fois, se heurta aux résistances
farouches de certains vieux disciples).

On pourra, en ce sens, se référer au cas d’une Dahira (association religieuse) dont le leader religieux
affirma publiquement avoir recommandé à ses disciples âgés ou malades de surseoir au périple de
cette année, de célébrer le Magal chez eux et de laisser les membres plus jeunes se rendre à Touba.
(Voir https://youtu.be/vw3AJ4sQFKs)

Un autre paramètre méritant d’être pris en compte dans l’analyse de la décroissance/stabilisation


des cas (avant et après Magal), est une probable baisse, chez beaucoup de sénégalais, du réflexe de
se faire dépister. Ceci, au fur et à mesure de l’accoutumance à la pandémie et au dépassement du
stade initial de psychose.

Si l’on ajoute à ce processus latent de « démystification du Corona », le grand nombre probable de


porteurs asymptomatiques qui ne ressentent nullement le besoin d’aller se faire tester, et le nombre
relativement limité de tests (rapporté à la population générale), on peut raisonnablement imaginer,

question intéressante consiste à savoir pourquoi, en dépit de l’affluence des autres régions plus touchées (comme Dakar)
au Magal 2020, aucun cas positif n’ait été détecté à Touba après l’évènement ?
16
Il est fort dommageable qu’une étude sur le Magal, similaire (ou même plus complète) que celle déjà réalisée en 2017
par l’Université de Bambey, ou celle du Cabinet Emergence Consulting de Moubarack Lo (2011, 2017) n’eut été
envisagée pour l’édition 2020.
15
à priori, que le nombre de cas positifs réel dans le pays soit supérieur aux cas positifs officiellement
détectés (ceci, avant ou après le Magal).

Toutefois, l’impact d’une telle hypothèse peut être mitigé par le taux de séropositivité relativement
faible observé sur cette période (autour de 2,28%, juste après le Magal, descendant même jusqu’à
une moyenne de 1,56 % un mois après l’évènement). Cette faiblesse croissante de la séropositivité
montre qu’une faible proportion des populations sénégalaises testées est effectivement infectée. Un
constat renforcé par la diminution, sur la même période, du nombre des cas graves et des décès dus
au COVID, qui renforce l’idée que la pandémie perd réellement du terrain à travers le pays.

3.4 Immunité collective ?

On peut décrire cette notion à travers la définition suivante : « L'immunité collective correspond au
pourcentage d’une population donnée qui est immunisée/protégée contre une infection. [Pourcentage] à
partir duquel un sujet infecté, introduit dans cette population, va transmettre le pathogène à moins d’une
personne en moyenne. Amenant de fait l’épidémie à l’extinction, car le pathogène rencontre trop de sujets
protégés. Cette immunité de groupe, ou collective, peut être obtenue par l’infection naturelle ou par la
vaccination. »17 .

Pour ce qui est du Covid-19, le pourcentage de sujets immunisés nécessaire pour obtenir l’immunité
collective d’une population est de 70%. Alors que les enquêtes de séroprévalence existantes
indiquent que, dans la plupart des pays du monde, moins de 10% de la population a été actuellement
infectée par le virus à l’origine de la COVID-19.

Au-delà des débats scientifiques passionnés sur la pertinence ou la dangerosité de la stratégie


d'immunité collective18, et du constat qu’après neuf mois d'épidémie, aucun pays n'a encore réussi à
atteindre le seuil d’immunité collective naturelle, l’hypothèse que le Sénégal ferait (peut-être) partie
des premiers pays du monde à se rapprocher le plus de ce fameux seuil mérite, à notre avis, d’être
sérieusement étudiée.

Sans préjuger en rien des résultats d’une telle étude à grande échelle dans le pays, les résultats
impressionnants du Magal de Touba nous semblent assez intéressants pour initier cette démarche à
même de confirmer ou d’infirmer certaines hypothèses en ce sens19. Une démarche d’autant plus
judicieuse, si l’on considère que le niveau d’immunité collective nécessaire au Sénégal pour stopper
l’épidémie pourrait être légèrement plus bas, dans la perspective d’une immunité croisée des
populations due aux coronavirus saisonniers…
3.5 Immunité croisée ?

Pour définition : « En immunologie, on parle d'immunité croisée lorsqu'un anticorps spécifique d'un
antigène, c'est-à-dire d'une protéine spécifique d'un pathogène, est également efficace pour un autre
pathogène, qui présente un antigène très proche. Le système immunitaire adaptatif est ainsi capable de se

17
Voir https://www.pasteur.fr/fr/espace-presse/documents-presse/qu-est-ce-que-immunite-collective
18
Voir https://www.who.int/fr/news-room/q-a-detail/herd-immunity-lockdowns-and-covid-19
19
Le MSAS avait récemment annoncé un projet d’enquête sur le niveau de séroprévalence de la population sénégalaise
(Voir https://www.lequotidien.sn/pour-connaitre-le-niveau-datteinte-de-la-maladie-dans-la-population-bientot-une-
enquete-de-seroprevalence/). Il aurait été intéressant, au vu de certaines spécificités de la « population du Magal »
(constituant un « lieu-moment » particulier), de comparer la séroprévalence de celle-ci à la moyenne nationale.
16
protéger d'un agent pathogène suite à une exposition à un autre agent, distinct. (…) L'immunité croisée
serait ainsi un facteur d'immunité collective. »20

Les recherches de l’équipe du Dr Cheikh Sokhna sur la surveillance syndromique, menées auprès
des pèlerins du Magal, au cours des dernières années, ont démontré que les infections des voies
respiratoires sont parmi les causes les plus fréquentes de consultations dans les structures de soins
lors du Magal. La prédominance de la toux, de la rhinite, du syndrome grippal et des maux de gorge,
chez les patients présentant des symptômes respiratoires, indique que la plupart des patients
souffraient d’infections des voies respiratoires supérieures. L’étude de 2017, portant sur une
cohorte de pèlerins suivis avant, pendant et après le Magal, a montré que 41,8% des participants ont
eu des symptômes respiratoires dont une acquisition de rhinovirus (13%), de coronavirus (16%) et
d’adénovirus (4,6%). Des études récentes en France et en Chine ont montré une immunité croisée
de la Covid-19 avec ces virus, qui pourraient diminuer la survenue ainsi que la gravité de la maladie.

Des études plus étendues sur ce sujet, à travers le Sénégal, nous semblent plus que jamais
intéressantes et pertinentes, aux fins d’évaluer si l’exposition éventuelle des populations sénégalaises
à certains virus proches du Covid-19 a pu jouer un quelconque rôle dans la situation actuelle.21

Conclusion

L’absence de propagation du Covid-19, après la célébration de l’édition 2020 du Magal de Touba,


est considérée comme un « miracle » par un grand nombre de disciples mourides.

En effet, contrairement aux prédictions et craintes des spécialistes en épidémiologie, le plus grand
rassemblement humain du Sénégal et de la sous-région ne s’est étonnamment pas traduit par la
« catastrophe sanitaire » tant redoutée. L’ensemble des données recueillies, après la période
d’observation, et les différentes tendances observées, montrent que la situation est restée sous
contrôle et que la courbe baissière n’a pas faibli.

Une situation qui ne doit nullement inciter notre pays à dormir sur les lauriers tentants d’une telle
réussite, qui ferait éventuellement du Sénégal un « cas unique », à la suite de son récent classement
fort élogieux par le magazine USA Today. Au contraire, l’expérience montre que, dans ce combat
contre « un ennemi invisible », tout laxisme euphorique ou tentation de jubilation prématurée peut
s’avérer fatale et se heurter à de nouvelles vagues meurtrières et inattendues (d’autant plus que
nous avons affaire à un virus aux caractéristiques non encore totalement maitrisées).

Il est donc plus que jamais nécessaire de travailler dans la sensibilisation des populations au respect
des mesures barrières et à éviter les comportements à risque, de protéger nos frontières d’une
éventuelle « deuxième vague »22 des cas importés, etc. L’État et les communautés doivent, plus que
jamais, continuer à prendre leurs responsabilités. La réussite constatée à l’issue du Magal de Touba

20
Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Immunit%C3%A9_crois%C3%A9e
21
L’hypothèse de l’usage répandu, chez ces populations (notamment celles de Touba), des antipaludiques (chloroquine,
hydroxychloroquine…) comme facteur potentiel de protection contre le virus, ne pourrait être retenue tant que les
études sur leur corrélation avec le Covid-19 ne seront totalement validées. Le facteur météorologique, relatif au moment
de la célébration du Magal 2020 (fin hivernage, chaleur), serait aussi éventuellement intéressant à étudier.
22
L’éventualité d’une deuxième vague dans les pays africains a été récemment envisagée par des experts de l’Union
Africaine, qui soulignent toutefois que le tableau du continent restait contrasté, « avec de nouveaux cas augmentant en
Afrique de l'Est, du Nord et en Afrique australe, et une baisse en Afrique de l'Ouest et du centre. » (Voir
https://www.france24.com/fr/afrique/20201029-covid-19-l-afrique-doit-se-pr%C3%A9parer-maintenant-%C3%A0-la-
deuxi%C3%A8me-vague-selon-l-ua)
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n’est, pour ainsi dire, nullement, en soi, la panacée, mais plutôt une invite à l’amélioration des
méthodes et à une meilleure valorisation des engagements communautaires par les pouvoirs publics
dans leurs différentes stratégies.

Ainsi, au-delà des constats enthousiasmés et enthousiasmants sur le bon déroulement du Magal de
Touba, le besoin devient de plus en plus pressant, pour les scientifiques du moins, de se pencher sur
ce « cas d’école », en tentant, avec leurs outils d’analyse académiques, de s’engager à décrypter ce
« mystère » de Touba. Ceci, à travers l’observation, le recueil, le traitement minutieux et l’analyse
croisée de l’ensemble des données disponibles. Tout en envisageant d’autres enquêtes et études
plus étendues pour combler les « gaps » actuels.

Pour ce faire, nous encourageons la poursuite de la réflexion sur cette problématique, de la part de
tous les spécialistes, du Sénégal et d’ailleurs, que nous invitons à échanger leurs perspectives et à
exposer leurs idées sur l’impact du Magal 2020 dans l’évolution du Covid-19 au Sénégal.

Peut-être qu’à l’issue de ces échanges féconds et ces enrichissements mutuels, le monde entier
pourra mieux déchiffrer l’énigme du « miracle sanitaire » du Magal de Touba 2020 qui ne semble
pas encore, à notre avis, avoir révélé tous ses secrets…

_____________________
CONTACTS

Dr Cheikh Sokhna
PhD, HDR, DR
UMR-VITROME Dakar-Marseille
Téléphones : +221776372499 / +33769360974
Email : cheikh.sokhna@ird.fr

A. Aziz Mbacké Majalis


Téléphone : +221 76 636 32 32
Email : majalis@majalis.org

Référence du rapport
Sokhna C, Mbacké A, Ba O. Rapport sur Le « Miracle » Sanitaire du Magal ou Etude de l’impact du Magal de
Touba 2020 dans l‘évolution du Covid-19 au Sénégal. Novembre 2020
Adresse URL : http://www.majalis.org/download/MiracleSanitaireMagal.pdf

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PUBLICATIONS SUR LES PROBLÉMATIQUES SANITAIRES DU MAGAL DE TOUBA

• Sokhna C, Gueye C, Mbacké A. Rapport sur le Magal de Touba 2020 dans un contexte de Covid-
19. Août 2020. http://www.majalis.org/download/Magal-Covid19.pdf

• Sokhna C, Mboup BM, Sow PG, Camara G, Dieng M, Sylla M, Gueye L, Sow D, Diallo A, Parola
P, Raoult D, Gautret P. Communicable and non-communicable disease risks at the Grand Magal
of Touba: The largest mass gathering in Senegal. Travel Med Infect Dis. 2017 Aug 26. pii: S1477-
8939(17)30127-8.

• Cheikh Sokhna, N’Diaw Goumballa, Philippe Gautret. The Grand Magal of Touba in the time of
a dengue outbreak in Senegal. Travel Med Infect Dis. November 2018.
https://doi.org/10.1016/j.tmaid.2018.11.002

• Hoang VT, Goumballa N, Dao TL, Ly TDA, Ninove L, Ranque S, Raoult D, Parola P, Sokhna C,
Pommier de Santi V, Gautret P. Respiratory and gastrointestinal infections at the 2017 Grand
Magal de Touba, Senegal: A prospective cohort survey. Travel Med Infect Dis. 2019 May
3:101410. doi: 10.1016/j.tmaid.2019.04.010.

• Sokhna C, N Goumballa, VT Hoang, BM Mboup, M Dieng, AB Sylla, A Diallo, Didier Raoult,


Philippe Parola, Philippe Gautret. Senegal's Grand Magal of Touba: Syndromic surveillance during
the 2016 mass gathering. American Journal of Tropical Medicine and Hygiene. 2020.102(2) ;
476-482.DOI: 10.4269/ajtmh.19-0240.

• Goumballa N, Diop A, Hoang VT, Mboup BM, Aïdara A, Ninove L, Fenollar F, Raoult D, Parola
P, Sokhna C, Gautret P. Pathogens associated with respiratory, gastrointestinal and febrile illness
in patients consulting at Mbacke healthcare centre during the 2018 Grand Magal of Touba: A
preliminary study. Travel Med Infect Dis. 2020 Jul 22;37:101820. doi:
10.1016/j.tmaid.2020.101820.

• Peretti-Watel P, Cortaredona S, Goumballa N, Perières L, Parola P, Seror V, Gautret P, Sokhna


C. Risk perceptions of infectious diseases at the Grand Magal of Touba. A pilot study in two
senegalese villages. Travel Med Infect Dis. 2020 Jun 3:101767. doi: 10.1016/j.tmaid.2020.101767.

• Goumballa N, Hoang VT, Perieres L, Parola P, Sokhna C, Gautret P. Lack of Neisseria meningitidis
among pilgrims during the 2017, 2018 and 2019 Grand Magal of Touba, Senegal. Clin Microbiol
Infect. 2020 Jun 21:S1198-743X(20)30351-7.

• Sokhna C. Senegal faces the coronavirus disease-19 challenge. Travel Med Infect Dis.
2020;101687.

• Cheikh Sokhna, Balla Mbacké Mboup, Ndiaw Goumbala, Mamadou Dieng, Ahmadou Bamba Sylla,
Didier Raoult, Philippe Parola, Philippe Gautret. Establishing Medical Coverage and
Epidemiological Surveillance during the Grand Magal of Touba in Senegal: A Public Health Need.
Journal of Epidemiology and Global Health (in press).

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• Cheikh Sokhna, Balla Mbacké Mboup, Ndiaw Goumbala, Mamadou Dieng, Ahmadou Bamba
Sylla, Didier Raoult, Philippe Parola, Philippe Gautret. Establishing Medical Coverage and
Epidemiological Surveillance during the Grand Magal of Touba in Senegal: A Public Health Need.
Journal of Epidemiology and Global Health. DOI: https://doi.org/10.2991/jegh.k.200620.001;
ISSN 2210-6006; eISSN 2210-6014.

• Philippe Gautret, Ndiaw Goumbala, Hoang VT, Cheikh Sokhna. The 2020 Grand Magal of Touba
in the time of COVID-19 pandemic. Travel Med Infect Dis. 38 (2020) 101880.

• Ndiaw Goumbala, Mamadou Dieng, Cheikh Sokhna, Philippe Gautret. Lack of SARS-CoV-2 among
Grand Magal de Touba pilgrims consulting for respiratory symptoms in October 2020. Travel
Med Infect Dis (in press).

• Cheikh Sokhna. Sénégal : les risques sanitaires du plus grand rassemblement religieux de l’année.
The Conversation, February 10, 2020.

• Cheikh Sokhna. Sénégal : comment gérer les risques sanitaires du plus grand rassemblement
religieux en temps de Covid-19. The Conversation, October 1, 2020.

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