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Extraction chez l’enfant : cet acte peut paraître a priori simple, voire banal. De son bon déroulement, au
même titre que les soins pédodontiques, va dépendre le comportement du futur patient devenu adulte.
Ainsi, le premier contact et l’abord de l’enfant sont essentiels ; le choix des termes dans la relation
praticien-patient revêt une grande importance. La denture lactéale présente des caractéristiques
morphologiques et physiologiques qui la différencient de la denture permanente ; en premier lieu, la
rhizalyse qui lui confère son caractère éphémère. La carie et ses complications infectieuses surtout, mais
aussi les traumatismes, constituent les causes principales d’extraction chez l’enfant. À celles-ci viennent
s’ajouter les extractions pilotées, pour des raisons orthodontiques, qu’elles soient de dents temporaires ou
de germes de dents permanentes. De l’indication à la réalisation de l’acte, l’anesthésie constitue une
étape intermédiaire qui peut parfois devenir un obstacle (peur de la piqûre). C’est pourquoi tout doit être
fait pour qu’elle soit la moins traumatisante possible. La technique opératoire doit obéir à des règles
précises et tenir compte de facteurs tels que la morphologie des dents, la présence des germes des dents
définitives sous-jacents et, durant un temps, la coexistence des deux dentures. Pour les actes plus
complexes tels que l’extraction des odontoïdes ou plus généralement des dents incluses, le choix de
l’anesthésie générale se discute.
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Mots clés : Enfant ; Extraction ; Dent de lait ; Dent permanente ; Rhizalyse ; Germe
Médecine buccale 1
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28-755-R-10 ¶ Extraction chez l’enfant
■ Indications d’extractions
Dents temporaires
Par définition, les dents temporaires ont une durée de vie
limitée et, en règle générale, leur chute est spontanée après la
rhizalyse physiologique, et ce en fonction de la dent et de l’âge.
Il arrive toutefois que la dent ne montre aucun signe de
chute et se « fixe », gênant ainsi l’éruption de son homologue
permanente : il faut donc procéder à son avulsion.
Carie et ses complications
La carie et ses complications représentent la cause la plus
fréquente d’extraction d’une dent lactéale. Les dents temporai-
res et les dents permanentes immatures présentent des caracté-
ristiques morphologiques et physiologiques qui vont influencer
les signes cliniques de la maladie carieuse [4].
Pour les dents temporaires, ces caractéristiques sont représen-
tées par :
• une couche d’émail et de dentine plus mince, entraînant une
déminéralisation plus rapide en cas d’atteinte carieuse ;
• une chambre pulpaire volumineuse expliquant la rapidité de
l’atteinte pulpaire ;
• l’existence de canaux pulpoparodontaux mettant en commu-
nication le plancher pulpaire, mince, des molaires avec la Figure 2. Odontoïdes multiples dans les régions prémolaires maxillaires
zone interradiculaire. Cette anatomie particulière explique la et mandibulaires.
fréquence de localisation des infections dans cette même
zone.
Les dents temporaires le plus fréquemment atteintes par la Il faut toutefois y ajouter :
carie sont représentées par les molaires ainsi que les incisives • les germectomies, qu’elles soient de prémolaires dans le cadre
maxillaires [4]. La première molaire mandibulaire est la première de traitements orthodontiques ou de dents de sagesse pour
dent permanente atteinte par la carie. dysharmonie dentomaxillaire postérieure généralement
Les dents permanentes ont une susceptibilité accrue à la carie admise en pratique clinique et confirmée bien sûr par la
durant les 2 années qui suivent leur éruption. radiologie, ou malposition, ou encore ectopie ;
• les dents surnuméraires.
Traumatismes et leurs complications La plus fréquente est le mésiodens dont le siège est la région
Les traumatismes et leurs complications, principalement incisive maxillaire (Fig. 1), entraînant une rétention des
infectieuses, sont l’autre grande cause d’extraction d’une dent incisives centrales ou la persistance d’un diastème important
temporaire. Les incisives maxillaires sont le plus fréquemment entre elles, ou des malpositions. Il peut être unique ou multiple.
concernées par ces traumatismes, étant les plus exposées. Les autres germes surnuméraires ou odontoïdes siègent dans les
Fracture coronaire ou coronoradiculaire, luxation, impaction régions prémolaires-molaires, tant mandibulaires que maxillaires
avec risque de lésion du germe de la dent définitive ou en cas (Fig. 2).
de complication infectieuse sont autant de causes d’avulsion.
Pilotage ou extractions pilotées ■ Anesthésie
Il consiste à pratiquer l’avulsion de certaines dents temporai- Elle peut être de contact, locale, locorégionale ou générale.
res (canines et premières molaires) avant leur date normale de Hormis la différence de taille de la cavité buccale par rapport
chute [5], ce qui a pour conséquence de corriger spontanément à l’adulte, et par là même la plus faible amplitude de l’ouverture
l’encombrement incisif ou encore d’accélérer l’éruption des buccale, et le degré moindre de minéralisation osseuse permet-
premières prémolaires. tant une meilleure diffusion de l’anesthésique, enfin en respec-
tant les doses maximales recommandées, les techniques
Anomalies de structure, de forme, de position d’anesthésie locale et locorégionale diffèrent peu de celles de
ou de nombre l’adulte. Deux étapes sont potentiellement douloureuses : le
Elles sont également des indications d’extraction. passage de l’aiguille à travers la muqueuse et les premiers temps
de l’injection intratissulaire [8].
Dents permanentes
Les indications d’extraction sont sensiblement les mêmes que Anesthésie muqueuse de contact
pour les dents déciduales (carie, traumatismes, orthopédie Elle consiste à appliquer une crème anesthésique : benzocaïne
dentofaciale [6, 7], malpositions). (Topex®) ou chlorhydrate de lidocaïne (Dynexan®) dans la zone
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Anesthésie générale
Elle est indiquée dans les cas suivants :
• extractions multiples ;
• complexité de l’acte (germectomies, dents réincluses, ankylo-
sées, impactions profondes, limitation de l’ouverture buc-
cale) ;
• très jeune âge de l’enfant ;
• handicap mental majeur (autisme, psychose) ;
Figure 3. Daviers pour dents lactéales.
• pathologies générales associées.
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Extractions spécifiques
Extraction des dents prétemporaires
Il s’agit en réalité le plus souvent de l’éruption prématurée de
dents temporaires [18]. On découvre lors de l’examen néonatal,
dans la région incisive centrale mandibulaire, un ou deux
bourgeons faisant issue sur la crête, faiblement minéralisés, de
consistance cartilagineuse, mobiles car dépourvus de racine.
Lorsque la mobilité est trop importante, l’extraction est rendue
nécessaire en raison du risque d’inhalation bronchique. Elle se
pratique sans anesthésie, la dent étant simplement sertie par la
muqueuse gingivale. En cas de mobilité moindre, une simple
surveillance hebdomadaire permet de constater, en règle Figure 11. Alvéoles après hémostase au laser CO2.
générale, une stabilisation progressive de la dent.
Extraction et kyste
saignement postopératoire inhabituellement abondant et
Quel que soit le volume du kyste, qu’il intéresse une (kyste
persistant. Mais notre propos est ici de traiter les extractions
péricoronaire) ou plusieurs dents, le problème est ici son
chez les patients présentant une pathologie connue de l’hémos-
énucléation avec ou sans extraction. Les dents incluses en partie
tase. Qu’il s’agisse de troubles congénitaux de l’hémostase
ou en totalité dans le kyste sont souvent des germes n’ayant pas
(Willebrand, hémophilie, thrombasthénie de Glanzmann),
terminé leur édification radiculaire.
d’hémopathies malignes, d’insuffisance hépatocellulaire ou
Concernant le kyste péricoronaire, comme son nom l’indi-
encore d’hypocoagulabilité thérapeutique ou induite (anticoa-
que, il sertit la jonction coronoradiculaire et il est difficile de
l’énucléer sans extraire la dent, quitte à le disséquer et à gulants, antiagrégants plaquettaires, chimiothérapie), l’avulsion
remettre la dent dans son alvéole avec les risques que cela se fait toujours en milieu hospitalier, en coordination avec le
induit (ankylose, mortification, arrêt de l’édification entre service d’hématologie ou le service spécialisé qui suit l’enfant.
autres). Concernant les grands kystes (Fig. 10), la ou les dents L’utilisation du laser CO2 a permis de compléter efficacement et
qui y sont incluses sont en règle emportées avec l’exérèse. de simplifier le protocole opératoire. L’idéal est de confection-
ner, en préopératoire, une gouttière thermoformée de compres-
Extraction et hypertrophie gingivale sion et de protection à partir d’un modèle en plâtre modifié en
Qu’elles soient constitutionnelles ou acquises (immunosup- fonction des extractions prévues, réalisant une compression
presseurs, diphénylhydantoïnes), les hypertrophies gingivales, douce. L’extraction, qu’elle soit réalisée sous anesthésie locale
parfois considérables, entraînent des migrations dentaires mais ou générale, est immédiatement suivie d’un tir laser CO2 de
aussi de très importants retards d’évolution, souvent dans les l’alvéole et des berges muqueuses, en défocalisant pour obtenir
régions postérieures, enchâssant profondément les dents. l’effet hémostatique [19, 20] (Fig. 11).
L’extraction de ces dents est complexe et il semble difficile L’alvéole est comblée par des éponges ou des mèches résor-
d’envisager cet acte sans le traitement chirurgical préalable ou bables hémostatiques et la gouttière mise en place. Elle est
concomitant de l’hypertrophie. L’utilisation du laser à gaz gardée en permanence plusieurs jours de suite. La suture des
carbonique (CO2) prend ici tout son intérêt [19]. Une fois le berges est déconseillée.
volume de l’hypertrophie nettement diminué, il est plus aisé Dans les régions postérieures (germes des troisièmes molaires),
d’aborder la zone d’extraction. La dent à extraire est la plupart la gouttière est plus difficile à réaliser dans ses limites, et son
du temps sectionnée et morcelée du fait de son enfouissement port serait très inconfortable. C’est pourquoi on préfère à la
et de son ankylose fréquente. suture deux ou trois tirs laser rectilignes et perpendiculaires aux
berges de l’incision, en rapprochant celles-ci le plus possible et
Extraction et anomalies de l’hémostase en augmentant la puissance de tir.
Il n’est pas rare que l’anomalie de l’hémostase soit découverte Ce protocole ne remplace pas le traitement substitutif, il le
à l’occasion de l’extraction d’une dent lactéale devant un complète et permet souvent de le limiter.
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Extraction et pathologies générales [6] Beral N. Avulsions des dents permanentes en ODF : pourquoi, lesquel-
les? Rev Odontostomatol (Paris) 1998;27:99-108.
Certaines pathologies nécessitent des précautions particulières [7] Bassigny F. Manuel d’orthopédie dento-faciale. Paris: Masson; 1983
et en premier lieu l’antibioprophylaxie qui est systématique (p. 132-6).
dans les cas suivants : [8] Sixou JL, HuetA, Robert JC. L’anesthésie locale chez l’enfant. Fil Dent
• patients immunodéprimés (greffes, chimiothérapie, virus de 2009;45:24-6.
l’immunodéficience humaine, déficit congénital) ou ayant [9] Bennaceur S, Sagnet P, Ernewein D, Maudier C, Louafi S, Couly G.
subi une radiothérapie maxillofaciale ou encore diabétiques Anesthésies locale, locorégionale et générale en odontologie et
mal équilibrés [21] ; stomatologie pédiatriques. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
• patients présentant un risque d’endocardite infectieuse ; Odontologie, 23-400-G-10, 2001 : 16p.
patients atteints de cardiopathies congénitales cyanogènes, [10] Sixou JL, Marie-Cousin A. Anesthésies intra-osseuses chez l’enfant.
valvulopathies aortiques ou mitrales ; Fil Dent 2009;43:32-3.
• patients porteurs d’une valve de dérivation ventriculopérito- [11] Meymat Y, Dubreuil M. Quelle place donner à la prémédication chez
néale pour hydrocéphalie. l’enfant ? Petit guide d’anesthésie pédiatrique pratique 1994; Question
Dans les encéphalopathies convulsivantes, lorsque l’épilepsie no 7.
est bien contrôlée, et sauf avis contraire du neuropédiatre, [12] Andreoletti M, Bonnafous M, Carsin H, Claquin J, Coste C, Cousin MT,
l’anesthésie locale n’est pas contre-indiquée ; mais cela concerne et al. Protocoles d’anesthésie réanimation. Paris: Arnette-Blackwell;
essentiellement les extractions relativement simples. 2001 (p. 211-519).
Pour les enfants handicapés mentaux ou psychomoteurs, la [13] Todorova I. Orthopédie préventive et interceptive. EMC (Elsevier
difficulté réside dans le choix du protocole d’anesthésie : locale Masson SAS, Paris), Odontologie, 23-405-E-10, 1999 : 8p.
ou générale. En fonction du degré de handicap, des difficultés [14] Boileau MJ, Fricain JC, Marteau JM, Brunet S, Jeandot J. Prévention
techniques, du nombre d’extractions, enfin de la pratique de chirurgicale des dystopies dentaires. EMC (Elsevier Masson SAS,
l’opérateur concernant ces enfants, on s’oriente plus vers l’une Paris), Odontologie, 23-405-C-10, 1999 :10p.
ou l’autre. [15] Seigneuric JB, Denhez F, Andreani JF, Cantaloube D. Extraction des
dents incluses. Dents de sagesse. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Stomatologie, 22-095-A-10, 1999 : 10p.
[16] Denhez F, Seigneuric JB, Andreani JF, Cantaloube D. Extractions des
Cet article a fait l’objet d’une prépublication en ligne : l’année de copyright
peut donc être antérieure à celle de la mise à jour à laquelle il est intégré.
canines et autres dents incluses. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Stomatologie, 22-096-A-10, 1999 : 6p.
[17] Ginisty D, Maroteaux P. Aspects craniofaciaux des ostéo-chondro-
.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Mettoudi J.-D., Ginisty D. Extraction chez l’enfant. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Médecine buccale,
28-755-R-10, 2011.
Médecine buccale 7
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