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BIBLIOTHECA EPHEMERIDUM THEOLOGICARUM LOVANIENSIUM

CCIL

RESURRECTION OF THE DEAD


BIBLICAL TRADITIONS IN DIALOGUE

EDITED BY

GEERT VAN OYEN – TOM SHEPHERD

UITGEVERIJ PEETERS
LEUVEN – PARIS – WALPOLE, MA
2012
TABLE OF CONTENTS

PREFACE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VII

ABBREVIATIONS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . XIII

I. THE HEBREW BIBLE

André WÉNIN (Université catholique de Louvain [Louvain-la-


Neuve], Belgium)
Enracinement vétérotestamentaire du discours sur la résurrec-
tion de Jésus dans le Nouveau Testament . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
Erik EYNIKEL (Radboud Universiteit Nijmegen, The Netherlands)
La résurrection comme passerelle entre les sacrifices d’animaux
dans l’Ancien Testament et le sacrifice de Jésus dans le
Nouveau Testament . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
Kristin DE TROYER (University of St Andrews, United Kingdom)
The Garden: A Crucial Element or a Later Addition to the
Resurrection Stories? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
Hans AUSLOOS (Université catholique de Louvain [Louvain-la-Neuve],
Belgium)
Selon les Écritures…? Job 14,12 comme racine vétérotestamen-
taire de Jean 11 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55
Hans DEBEL (KU Leuven, Belgium)
Once More, with Feeling: Qoh 11,7–12,7 as the Ultimate
Expression of Qohelet’s Alternative to Life-Beyond-Death . . . 73
Jacques B. DOUKHAN (Andrews University, Berrien Springs MI,
USA)
From Dust to Stars: The Vision of Resurrection(s) in Daniel
12,1-3 and Its Resonance in the Book of Daniel . . . . . . . . . . . . 85
Jean-Sébastien REY (Université de Lorraine, Metz, France)
L’espérance post-mortem dans la littérature de Sagesse du
IIe siècle avant notre ère: Ben Sira et 4QInstruction . . . . . . . . . 99
X TABLE OF CONTENTS

II. THE NEW TESTAMENT

Odette MAINVILLE (Université de Montréal, Canada)


Le rôle des récits résurrectionnels en Matthieu 28: Une relecture
rédactionnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119
Geert VAN OYEN (Université catholique de Louvain [Louvain-la-
Neuve], Belgium)
The Empty Tomb Story in the Gospel of Mark and Michel
Foucault’s Concept of Heterotopia . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137
Tom SHEPHERD (Andrews University, Berrien Springs, MI, USA)
Promise and Power: A Narrative Analysis of the Resurrection
Story in Mark 16 in Codex Vaticanus and Codex Washing-
tonianus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 159
Daniel MARGUERAT (Université de Lausanne, Suisse)
Quand la résurrection se fait clef de lecture de l’histoire (Luc-
Actes) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183
Frederick S. TAPPENDEN (University of Manchester, United King-
dom)
Luke and Paul in Dialogue: Ritual Meals and Risen Bodies as
Instances of Embodied Cognition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 203
Martijn STEEGEN (Research Foundation – Flanders [FWO] /
KU Leuven, Belgium)
Raising the Dead in John 5,19-30: Questioning Equality or
Subordination in the Relationship between the Father and the Son 229
Gilbert VAN BELLE (KU Leuven, Belgium)
The Resurrection Stories as Signs in the Fourth Gospel: R. Bult-
mann’s Interpretation of the Resurrection Revisited . . . . . . . . . 249
Edward PILLAR (Evesham Baptist Church, Worcestershire, United
Kingdom)
“Whom He Raised from the Dead”: Exploring the Anti-
Imperial Context of Paul’s First Statement of Resurrection . . . 265
Matthew R. MALCOLM (Trinity Theological College, Perth, Western
Australia)
The Resurrection of the Dead in 1 Corinthians . . . . . . . . . . . . . 275
Joel R. WHITE (Freie Theologische Hochschule Giessen, Germany)
Christ’s Resurrection Is the Spirit’s Firstfruits (Romans 8,23) . 289
TABLE OF CONTENTS XI

Julian WAWRO (Université catholique de Louvain [Louvain-la-


Neuve], Belgium)
Légiférer ou croire en la Résurrection: Un dilemme des phari-
siens? Le Christ ressuscité comme «pierre d’achoppement» en
Rm 9,32 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 305
Michael LABAHN (Martin-Luther-Universität, Halle-Wittenberg,
Halle, Germany / Northwest University Potchefstroom, South Africa)
The Resurrection of the Followers of the Lamb: Between Heav-
enly “Reality” and Hope for the Future. The Concept of Resur-
rection within the Imagery of Death and Life in the Book of
Revelation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 319

III. THE BIBLICAL CANON IN DIALOGUE

Constantin POGOR (Université catholique de Louvain [Louvain-la-


Neuve], Belgium)
Deux expressions portant sur la résurrection des morts: Étude
de cas sur 4Q521 2 ii 5-8; 12-13 et Mt 11,5 par. Lc 7,22 . . . . 345
Heikki RÄISÄNEN (University of Helsinki, Finland)
Resurrection for Punishment? The Fate of the Unrighteous in
Early Christianity and in “New Testament Theology” . . . . . . . 361
Jonathan A. DRAPER (University of KwaZulu-Natal, South Africa)
Walking the Way of Life or the Way of Death in the Present
Existence as the Beginning of Eschatological Life or Death in the
Renewed Earthly Kingdom: The Rationale for the Limitation of
the Resurrection to the Righteous Departed in Didache 16,6-8 . 383
Mark R.C. GRUNDEKEN (Research Foundation – Flanders [FWO] /
KU Leuven, Belgium)
Resurrection of the Dead in the Shepherd of Hermas: A Matter
of Dispute . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 403
Gie VLEUGELS (Evangelische Theologische Faculteit, Heverlee,
Belgium)
Prospect of an afterlife in the Odes of Solomon . . . . . . . . . . . . 417
José COSTA (Université de Paris III – Sorbonne Nouvelle, France)
«Immortalité de l’âme ou résurrection des morts?»: La ques-
tion d’Oscar Cullmann et le témoignage des sources rabbiniques
anciennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 429
XII TABLE OF CONTENTS

Stephen J. BEDARD (Acadia Divinity College, Wolfville, NS,


Canada)
A Nation of Heroes: From Apotheosis to Resurrection . . . . . . 453
Tobias NICKLAS (Universität Regensburg, Germany)
Resurrection – Judgment – Punishment: Apocalypse of Peter 4 461
Ryann Elizabeth CRAIG (The Catholic University of America,
Washington, DC, USA)
Anastasis in the Treatise on the Resurrection: How Jesus’
Example Informs Valentinian Resurrection Doctrine and Chris-
tology . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 475
Paul B. DECOCK (University of KwaZulu-Natal, South Africa)
The Resurrection According to Origen of Alexandria . . . . . . . . 497

IV. HISTORY, THEOLOGY AND HERMENEUTICS

Gergely JUHÁSZ (Liverpool Hope University, United Kingdom)


Resurrection or Immortality of the Soul? A Dilemma of Refor-
mation Exegesis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 517
Gerd LÜDEMANN (Göttingen, Germany)
The Resurrection of Jesus: Fifteen Years Later . . . . . . . . . . . . 535
Claire CLIVAZ (University of Lausanne, Switzerland)
Why Were the Resurrection Stories Read and Believed? And
What Are We Making of Them Today? . . . . . . . . . . . . . . . . . . 559

INDICES

INDEX OF AUTHORS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 585

INDEX OF BIBLICAL REFERENCES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 599

INDEX OF OTHER REFERENCES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 621


ENRACINEMENT VÉTÉROTESTAMENTAIRE
DU DISCOURS SUR LA RÉSURRECTION DE JÉSUS
DANS LE NOUVEAU TESTAMENT

Puis [Jésus] leur dit: ‘Il faut que s’accomplisse tout ce qui a été écrit de moi
dans la Loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes’. Alors, il leur ouvrit
l’intelligence pour comprendre les Écritures, et il leur dit: ‘C’est comme il
a été écrit: le Christ souffrira et ressuscitera des morts le troisième jour’.

Ainsi le Ressuscité s’adresse-t-il aux Onze au soir du premier jour de


la semaine (Lc 24,44-46). Certes, ce que Luc suggère ainsi, c’est que
l’événement de la passion et de la résurrection de Jésus constitue la clé
de lecture chrétienne par excellence du Testament de la première alliance.
Mais cela serait-il possible si, dans ces Écritures, il n’y avait des pages
qui, sans doute, ont pu inspirer à Jésus une façon d’appréhender la fin
qui se dessinait, des pages qui, en tout cas, ont permis aux disciples de
comprendre la nouveauté de l’expérience que la résurrection a constitué
pour eux, suite à l’échec apparent de leur maître? C’est là, plus que
vraisemblablement, l’origine de la tradition que Paul dit avoir reçue, et
qui proclame que «Christ est ressuscité le troisième jour, selon les Écri-
tures» (1 Co 15,4).
Cela dit, il faut bien avouer que, au contraire des récits de la passion,
les textes parlant de la résurrection de Jésus ne font vraiment guère allu-
sion aux écrits du premier Testament, à l’exception notoire des citations
des psaumes en lien avec l’évocation de la résurrection dans les discours
des apôtres de la première partie des Actes des Apôtres. C’est donc de là
que je partirai, pour explorer l’interprétation que la résurrection de Jésus
reçoit à partir de ces textes. Dans un second temps, de nouveau à partir
des Actes mais aussi de l’hymne de la lettre aux Philippiens, j’envisage-
rai la thématique de l’élévation du Serviteur de Dieu, probablement ins-
pirée par le Deutéro-Isaïe. Enfin, après les Psaumes et les Prophètes – en
me basant sur ce que dit le Ressuscité en Lc 24 –, je me tournerai vers
la Torah de Moïse, à la recherche de la matrice narrative de ce que le
Nouveau Testament dit de la «résurrection» des disciples du Christ. Ma
démarche partira ainsi de ce que le Nouveau Testament retient explicite-
ment, mais qui, paradoxalement, est assez peu directement lisible dans
l’Ancien comme annonce de la résurrection; j’irai ensuite vers ce qui, au
contraire, n’est guère explicite dans le Nouveau Testament, mais qui, à
mes yeux, constitue une préparation plus profonde, parce que plus struc-
turelle, du discours néotestamentaire sur le sujet.
4 A. WÉNIN

I. LES PSAUMES ET LA RÉSURRECTION DE JÉSUS


DANS LES ACTES

Lorsqu’il s’agit de la résurrection proprement dite, les psaumes sont


les premiers à être convoqués comme textes scripturaires «annonçant»
le relèvement de Jésus d’entre les morts. Ainsi, à la fois le premier dis-
cours de Pierre à la Pentecôte et le premier discours de Paul à la syna-
gogue d’Antioche de Pisidie parlent de la résurrection de Jésus à des
juifs, des prosélytes et des craignant Dieu, en citant explicitement des
psaumes comme annonçant la nouveauté qu’ils proclament1.
Le discours de Pierre à la Pentecôte peut être divisé en deux parties.
La première, basée sur une prophétie de Joël (Jl 3,1-5), explique pourquoi
les Douze ont l’air enivré (Ac 2,14-21). La seconde annonce essentielle-
ment la résurrection de Jésus et le don de l’Esprit (Ac 2,23-36) à partir
de citations bibliques empruntées au Psautier. Après avoir brièvement
rappelé l’essentiel de la vie de Jésus «le Nazoréen, homme accrédité par
Dieu», Pierre évoque tout aussi brièvement la passion de laquelle il tient
les juifs pour responsables, mais qui n’en correspond pas moins au des-
sein divin (Ac 2,22-23). Il ajoute aussitôt:
24
Mais Dieu l’a ressuscité, le délivrant des douleurs de la mort. Aussi bien
n’était-il pas possible qu’il fût retenu en son pouvoir; 25 car David dit à
son sujet:
Je voyais sans cesse le Seigneur devant moi,
car il est à ma droite, pour que je ne vacille pas.
26
Aussi mon cœur s’est-il réjoui
et ma langue a-t-elle jubilé;
ma chair elle-même reposera dans l’espérance
27
que tu n’abandonneras pas mon âme à l’Hadès
et ne laisseras pas ton Saint voir la décomposition.
28
Tu m’as fait connaître des chemins de vie,
tu me rempliras de joie en ta présence.

L’expression qui, en Ac 2,24, précise l’action de Dieu en disant «le


délivrant des douleurs de la mort» (de l’Hadès, dit le texte occidental)
constitue déjà une réminiscence du Ps 18,4-6 évoquant la délivrance de
David, le serviteur de Dieu, arraché au Shéol2. Cette allusion donne
1. Deux ouvrages généraux sont à citer dans le cadre de cette partie: K. VON ZEDTWITZ,
Die Auferstehung Jesu in der christologischen Interpretation von Apg 2,24-31 und 13,32-
37, Diss. Albert-Ludwigs-Universität, Freiburg-im-Breisgau, 1980 (dir. A. Vögtle), et
G.J. STEYN, Septuagint Quotations in the Context of the Petrine and Pauline Speeches of
the Acta Apostolorum, Kampen, 1995.
2. À ce sujet, voir les intéressantes considérations de D. MARGUERAT, Les Actes des
Apôtres (1–12) (CNT, 5a), Genève, 2007, p. 91: il montre que le choix de traduction de
la LXX, retenu en Ac 2,24, permet de rapprocher la résurrection d’un enfantement (les
ENRACINEMENT VÉTÉROTESTAMENTAIRE DE LA RÉSURRECTION 5

d’emblée le ton de ce que la suite du discours déploie à partir de la cita-


tion du Ps 16,8-11 selon le grec (15,8-11LXX)3. Attribué à David par son
titre, ce psaume se présente dans l’hébreu comme la prière confiante d’un
juste qui s’appuie sur le Dieu auquel il s’attache en refusant toute idolâ-
trie4. Ce juste n’est d’ailleurs pas persécuté, encore moins mis à mort. Il
exprime simplement sa confiance en Adonaï qui le protège de tout péril
et le gardera du Shéol en le conduisant sur des chemins de vie où il
connaîtra la joie.
Inséré après le rappel de la crucifixion et de la résurrection de Jésus,
l’extrait du psaume justifie la dernière affirmation de Pierre: «Il n’était
pas possible qu’il fût retenu en son pouvoir (de la mort)». Le texte
cité reçoit ainsi à l’avance une clé qui en oriente la lecture. Après une
telle entrée en matière, en effet, le psaume ne présente pas seulement
Jésus comme le juste confiant en Dieu jusque dans la souffrance où il
reste inébranlable. Le lecteur comprend aussi – au-delà de la lettre du
psaume – que ce juste est mort, et que, dans la mort, sa chair reposait
dans l’espérance qu’il n’y serait pas abandonné et ne connaîtrait pas la
décomposition. Il faut souligner que la LXX – selon laquelle Ac 2 cite
le psaume – facilite une telle lecture5. En effet, au verset 10 du psaume
(cité en Ac 2,27), elle traduit le terme hébreu hc ΋Î, la «fosse» ou la
«tombe», par diaf‡orá, «décomposition». Ainsi, alors que l’hébreu
laisse entendre que Dieu ne laissera pas périr le juste, le grec suggère
qu’une fois mort, il ne sera pas abandonné au processus ainsi amorcé. De
plus, au verset 11 du psaume (cité en Ac 2,28), la LXX rend par un
aoriste (êgnÉrisáv moi) le Yiqtol du TM (inæ¢ yidævH), l’hébreu «tu me feras
connaître un sentier de vie» devenant «tu m’as fait connaître des che-
mins de vie». On voit tout de suite ce que ces changements dans la
version grecque du psaume ont d’intéressant dans la perspective d’une
évocation de la résurrection comme fait déjà accompli.
Par ailleurs, en introduisant la citation par les mots: «David dit à son
sujet», Pierre prépare le commentaire où il interprète le psaume immé-

«douleurs», Öd⁄nev), ce que ne permet pas le texte hébreu qui parle des liens (lb ∆c
∆) du
Shéol.
3. Sur l’utilisation du Ps 16 dans le contexte des Actes, voir en particulier A. SCHMITT,
Ps 16,8-11 als Zeugnis der Auferstehung in der Apg, in BZ 17 (1973) 229-248; W.C. KAISER,
The Promise to David in Psalm 16 and Its Application in Acts 2:25-33 and 13:32-37, in
JETS 23 (1980) 219-229, et K.D. LITWAK, Echoes of Scripture in Luke-Acts: Telling the
History of God’s People Intertextually (JSNT.SS, 282), London, 2005, pp. 175-179.
4. Voir en ce sens par exemple H.-J. KRAUS, Psalmen I. Teilband (BK AT, 15/1),
Neukirchen, 21961, p. 119.
5. Dans la LXX, l’hébreu ct Î∆bï
l («dans la confiance») est rendu par êpˆ êlpídi («dans
l’espérance»).
6 A. WÉNIN

diatement en lien avec le personnage de David. Constatant que celui-ci


est mort, et définitivement, Pierre conclut que le psaume ne concerne pas
en personne l’ancien roi d’Israël, et que, donc, c’est sa descendance qu’il
visait. Est ainsi amorcée, dans le cadre d’une conception prophétique des
psaumes, une relecture messianique de la citation du Ps 16, à l’aide d’une
allusion à peine voilée au serment d’Adonaï à David, serment cité au
Ps 132,116: «David était prophète et savait que Dieu lui avait juré par
serment de faire asseoir sur son trône un descendant de son sang»
(Ac 2,30). Cette interprétation messianique devient limpide lorsque
Pierre revient sur la citation du Ps 16,10 et l’applique directement à la
résurrection du Christ, en mettant à l’aoriste les verbes qui, même dans
la version grecque du psaume, sont au futur; soulignant implicitement
que la prophétie du psaume est à présent accomplie, il prolonge la trans-
formation amorcée au verset 11 de la LXX: «Voyant à l’avance, il a
parlé de la résurrection du Christ, car il n’a pas été abandonné à l’Hadès
et sa chair n’a pas vu la décomposition» (Ac 2,31)7.
Après avoir ainsi, de part et d’autre de la reprise du Ps 16,10, affirmé
par deux fois la résurrection (Ac 2,24 et 32: ânístjmi; v. 31: ânásta-
siv), Pierre poursuit en évoquant l’élévation du ressuscité à la droite de
Dieu et le don de l’Esprit (2,33). Mais, alors que la seconde thématique
devrait logiquement retenir l’attention puisque c’est l’objet même du dis-
cours de la Pentecôte, c’est l’exaltation qui est plutôt soulignée, à nou-
veau au moyen d’un psaume messianique (Ac 2,34-35 citant Ps 110,1
selon le grec):
Car David, lui, n’est pas monté aux cieux; or il dit lui-même:
Le Seigneur a dit à mon Seigneur:
Siège à ma droite, jusqu’à ce que j’aie fait de tes ennemis
un escabeau pour tes pieds.

Le raisonnement est le même que pour le Ps 16: puisque David n’a


pas été exalté à la droite de Dieu, c’est de son descendant qu’il parlait,
de Jésus. Mais si celui-ci est installé sur le trône royal, c’est par son
exaltation à la résurrection. C’est à ce moment-là qu’il est élevé comme
«Seigneur», ainsi que le proclame David au Ps 110,18. C’est dès lors ce

6. Voir aussi Ps 89,4-5 et surtout 2 S 7,12-13. En ce sens, MARGUERAT, Les Actes


(n. 2), p. 92.
7. L’hébreu fH¢h
Æ-Al …bzÒy ∏h
Î-Al, rendu en grec par oûk êgkataleíceiv… oûdè
dÉseiv, devient en Ac 2, o∆te êgkateleíf‡j… o∆te… e˝den diaf‡orán. Voir Ibid.
8. Sur ce point, voir par exemple Ch. DIONNE, La Bonne Nouvelle de Dieu dans les
Actes des Apôtres (LD, 195), Paris, 2004, pp. 87-90. Concernant l’usage du Ps 110 dans
ce contexte, voir D.M. HAY, Glory at the Right Hand: Psalm 110 in Early Christianity
(SBL.MS, 18), Nashville, TN, 1973, en particulier pp. 70-72.
ENRACINEMENT VÉTÉROTESTAMENTAIRE DE LA RÉSURRECTION 7

passage précis qui inspire à Pierre sa conclusion à l’adresse de ceux qui


lisent les Psaumes de David comme Écriture: «Que toute la maison
d’Israël le sache donc avec certitude: Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce
Jésus que vous, vous avez crucifié» (Ac 2,36).

Le premier discours de Paul à Antioche de Pisidie s’adresse à des juifs


et à des craignant Dieu (Ac 13,16). Il commence par une évocation très
succincte de l’histoire d’Israël des pères jusqu’à David: élection, séjour
en Égypte, exode, traversée du désert, don de la terre et gouvernement
des juges, Samuel puis Saül, qui sera remplacé par l’homme selon le
cœur de Dieu, David. De la descendance de ce dernier, Dieu a suscité
Jésus, le «sauveur d’Israël» annoncé par le Baptiste. Les gens de Jéru-
salem et leurs autorités l’ont rejeté et fait condamner par Pilate: il est
mort et on l’a mis au tombeau; mais Dieu l’a relevé et il s’est montré
aux disciples qui sont devenus ses témoins (Ac 13,16-31). Après avoir
ainsi résumé le passé, Paul en vient à sa propre confession de foi
(Ac 13,32-33)9:
Nous aussi, nous vous annonçons la bonne nouvelle que la promesse faite
aux pères, Dieu l’a accomplie pour leurs enfants, pour nous, en ressuscitant
Jésus, selon ce qui est écrit au psaume 2:
‘Tu es mon fils. Moi, aujourd’hui, je t’ai engendré’.

On le sait, le Ps 2,7b fait écho à l’oracle qui proclame le décret par


lequel Adonaï confère la dignité royale à un homme en faisant de lui
son fils adoptif. En y voyant une annonce de la résurrection, le Paul des
Actes présente celle-ci comme l’engendrement de Jésus à sa qualité
messianique, rejoignant en cela la conclusion du discours de Pierre à la
Pentecôte (2,36)10. Il prolonge aussi la réinterprétation du psaume 2 à
la lumière des événements de la passion qu’on lit en Ac 4,25-27. Là,
réunie dans la prière, la communauté de Jérusalem mentionne, comme
annonce de la passion, les deux premiers versets du psaume où il est
question de la rébellion des nations et de leurs rois contre le Seigneur
et son messie11. On notera toutefois la tension interne. Ici, Jésus est
messie dès avant sa résurrection (voir 4,27); dans le discours de Paul,

9. À ce sujet, voir par exemple M.L. SOARDS, The Speeches in Acts: Their Content,
Context and Concerns, Louisville, KY, 1994, pp. 86-87.
10. Il rejoint aussi l’allusion à la résurrection comme nouvel enfantement présente dans
la citation en Ac 2,24 du Ps 17,6LXX: Dieu a délivré Jésus des «douleurs de l’Hadès»
(Öd⁄nev †çdou). Voir supra n. 2.
11. C’est l’unique citation de cette partie du Ps 2 dans le Nouveau Testament. Voir par
exemple MARGUERAT, Les Actes (n. 2), p. 154, qui parle d’appropriation de la citation de
David.
8 A. WÉNIN

c’est au moment de la résurrection qu’il est engendré à sa qualité de fils


de Dieu.
La relecture de la résurrection en clé davidique se poursuit au-delà de
la citation du Ps 2,7 et elle est appuyée sur deux autres citations
(Ac 13,34-35):
Qu’il [Dieu] l’ait ressuscité des morts sans qu’il doive retourner à la cor-
ruption, ainsi l’avait-il dit:
Je vous donnerai les choses saintes de David, les véritables
[voir Is 55,3LXX].
C’est pourquoi il dit aussi dans un autre (passage):
Tu ne laisseras pas ton saint voir la décomposition
[voir Ps 15,10LXX].

En insistant ainsi, Paul complète sa lecture de la résurrection: elle n’est


pas seulement le moment où Dieu fait de Jésus son fils. À l’aide de la
citation du prophète auquel il confère un contenu nouveau, il affirme en
effet qu’avec Jésus, on n’est plus dans le provisoire qui caractérisait
David, mais dans le temps de l’accomplissement des promesses que
contenait l’alliance avec David12. Quant à la citation du Ps 16 (15LXX),
déjà utilisée par Pierre, elle est à nouveau exploitée en clé davidique ou
messianique pour insister sur cet aspect particulier par lequel la résurrec-
tion introduit dans le définitif13: la vie nouvelle donnée au Saint de Dieu
est désormais à l’abri de l’œuvre de la mort, ce en quoi il diffère de
David qui «s’est endormi, a été déposé auprès de ses pères et a vu la
décomposition» (Ac 13,36).

On le voit: les deux témoins principaux de la résurrection que le récit


des Actes met en scène tiennent des discours largement convergents sur
la question qui nous retient. L’un et l’autre s’appuient sur des psaumes
qu’ils interprètent en clé messianique pour souligner que la résurrection
accomplit ce que ces textes annonçaient de David, et cela en un double
sens: Dieu a triomphé définitivement de la mort et celui qu’il a ainsi

12. À ce titre, le «vous» de la citation d’Isaïe est significatif de l’accomplissement:


voir J. DUPONT, Études sur les Actes des Apôtres (LD, 45), Paris, 1967, pp. 351-352. Sur
tout ceci, voir en particulier O. FLICHY, La figure de Paul dans les Actes des Apôtres: Un
phénomène de réception de la tradition paulinienne à la fin du Ier siècle (LD, 214), Paris,
2007, pp. 202-207.
13. «En citant ce verset du psaume 15 (16) à la suite de celui de Is 55, Paul apporte
… une double preuve à ce qu’il vient de proclamer. Les mots mêmes de Dieu … confir-
ment que l’accomplissement de la promesse divine se manifeste bien, comme il l’a affirmé,
dans l’événement de la résurrection de Jésus. Ils confirment également que celui à qui est
promise cette incorruptibilité est donné à Israël au titre de son ascendance davidique et
qu’en sa résurrection se concrétise définitivement le don des “choses saintes” promises»
(FLICHY, La figure de Paul [n. 12], p. 205).
ENRACINEMENT VÉTÉROTESTAMENTAIRE DE LA RÉSURRECTION 9

ressuscité a été élevé, de sorte qu’il est désormais le Seigneur. Ce second


aspect est, du reste, souligné par une autre citation psalmique dans le
discours de Pierre devant le Sanhédrin. En Ac 4,10-11, en effet, après
avoir affirmé que Jésus Christ «que vous avez crucifié», «Dieu l’a res-
suscité des morts», Pierre ajoute, citant le Grand Hallel, tout en le trans-
formant en attaque ad hominem: «C’est lui qui est la pierre que vous, les
bâtisseurs, avez rejetée, qui est devenue la pierre angulaire» (Ps 118,22)14.
Pour conclure brièvement, on notera que les textes du premier Testa-
ment invoqués comme annonces de la résurrection de Jésus ne sont pas
explicites par eux-mêmes: ils ne le sont qu’au prix d’une exégèse inter-
prétant les psaumes en clé messianique, une tendance très présente dans
la tradition juive ancienne et parfois amorcée par la LXX, on l’a vu. Mais
pour pouvoir faire le lien entre cette première interprétation et la résur-
rection de Jésus, un surcroît d’exégèse était nécessaire, que Luc place
sous l’autorité des deux grands annonciateurs de la bonne nouvelle de la
résurrection que sont Pierre et Paul.

II. L’ÉLÉVATION DU SERVITEUR DE DIEU

Si les Actes présentent des citations explicites qui montrent comment


certains passages du Psautier peuvent être lus comme une anticipation de
la résurrection de Jésus ou plutôt ont fourni aux premières générations
chrétiennes des lieux privilégiés d’interprétation de la mort et du relève-
ment du Messie, d’autres textes – du corpus prophétique, cette fois –
constituent des pierres d’attente pour une relecture chrétienne dans le
cadre de la proclamation de la résurrection de Jésus, envisagée en parti-
culier sous l’angle de sa glorification ou de son exaltation, une théma-
tique qui, dans les Actes, on l’a vu, est déjà appuyée sur des textes
psalmiques.
Lorsque Pierre, accompagné de Jean, s’adresse au peuple suite au
miracle de la Belle Porte, il explique ce qui est arrivé en se référant
d’emblée à la résurrection et à ses effets salutaires. Il exprime la résur-
rection en recourant à deux registres différents (Ac 3,13-15).
13
Le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le Dieu de nos pères, a glorifié
son serviteur Jésus que vous, vous avez livré et que vous avez rejeté en
présence de Pilate qui avait décidé de le relâcher. 14 Vous, le saint et le
juste, vous l’avez rejeté, et vous avez réclamé que l’on vous gracie un

14. Cette référence au Ps 118,22 revient au terme de la parabole de la vigne en


Mt 21,42 // Mc 12,10 // Lc 20,17. Voir aussi 1 P 2,7. Sur la modification que Luc lui fait
subir ici, voir MARGUERAT, Les Actes (n. 2), p. 146.
10 A. WÉNIN

meurtrier. 15 Le Prince de la vie, vous l’avez fait mourir, lui que Dieu a
ressuscité des morts.

Ce bref passage où Pierre évoque la passion et la résurrection de Jésus


forme une petite unité encadrée, d’une part, par les questions concernant
la guérison de l’infirme (v. 12: «Pourquoi nous regarder comme si c’était
nous …?») et d’autre part, la réponse que Pierre leur apporte (v. 16:
«c’est la foi en Jésus qui a permis cela, qui a rendu la santé à cet
homme»). Ce passage lui-même commence et se termine par deux affir-
mations de la résurrection. Si la seconde est assez commune (v. 15:
«Dieu l’a ressuscité des morts», avec êgeírw), la première en revanche
est moins fréquente (v. 13). Elle parle de ce moment comme de la glori-
fication (dozáhw) du serviteur (pa⁄v) de Dieu, cet homme saint et juste
livré, rejeté et mis à mort. Les commentateurs reconnaissent en général
ici une allusion à Is 52,13 où Adonaï parle de son serviteur (pa⁄v) dont
il annonce l’exaltation (ücw‡ßsetai) et la glorification (dozas‡ß-
setai)15. On sait en effet que le poème dit «du Serviteur souffrant» est
une de ces pages qui a permis aux disciples de comprendre le mystère de
la passion du Seigneur16.
Plusieurs traits semblent corroborer cette lecture. Dans le poème
d’Isaïe, le serviteur est effectivement proclamé «juste» (qido, díkaiov,
Is 53,11), lui dont il est dit qu’il «n’a pas commis l’injustice», et que
«dans sa bouche il n’y a pas de mensonge» (Is 53,8b). Par ailleurs, le
prophète évoque clairement comment il a été l’objet de rejet et de mépris
de la part de son peuple quand il le décrit comme «méprisé et abandonné
des hommes, homme de douleur et connu de la maladie, comme un
devant qui on se cache la face – méprisé, et nous ne l’avons pas estimé»
(Is 53,3). Il a du reste été «retranché de la terre des vivants» et a partagé
son tombeau avec les méchants et les querelleurs (Is 53,8-9)17. Tous ces

15. Selon D.L. BOCK, Proclamation from Prophecy and Pattern (JSNT.SS, 12),
Sheffield, 1987, pp. 188-190, c’est la présence simultanée des termes pa⁄v et dozáhw qui
rend reconnaissable l’allusion à Is 52,13.
16. Voir Lc 22,37 où Jésus s’applique à lui-même la citation d’Is 53,12 («il a été
compté avec les criminels») et Ac 8,32-35 où la catéchèse de Philippe sur «la bonne
nouvelle de Jésus» part du texte d’Is 53,7-8 que l’eunuque est en train de lire. Voir encore
Mt 8,17 citant Is 53,4 à propos des guérisons de Jésus, l’allusion de Mc 10,45 sur la «vie
donnée en rançon pour la multitude» (écho à Is 53,11-12) et Jn 12,38 brillamment analysé
par P. BEAUCHAMP, Lecture et relectures du Quatrième Chant du Serviteur: D’Isaïe à
Jean, in J. VERMEYLEN (ed.), The Book of Isaiah (BETL, 81), Leuven, 1989, 325-355,
surtout pp. 346-353. Voir enfin 1 P 2,22-25 qui paraphrase Is 53,4-9.12 à propos de la
passion de Jésus (1 P 2,21.24).
17. Littéralement, selon l’hébreu, «et avec le riche dans ses morts», que Qumran cor-
rige en «et avec les riches son tombeau» (voir les traductions modernes). Ma proposition
de traduction s’appuie sur un autre découpage et une autre vocalisation des mots hébreux
ENRACINEMENT VÉTÉROTESTAMENTAIRE DE LA RÉSURRECTION 11

éléments du quatrième poème du Serviteur correspondent bien à ce qui


est dit par Pierre du rejet de Jésus par le peuple juif et des conséquences
mortifères de cette attitude. Enfin, le caractère salutaire de la mort du
serviteur, affirmé avec force par le poète quand il dit: «par ses blessures
nous sommes guéris» (Is 53,5, voir aussi v. 11), est tout à fait cohérent
avec le contexte dans lequel Pierre parle de la mort et de la résurrection
de Jésus, puisque c’est la foi en lui qui a rendu toute sa santé au paralysé
(Ac 3,16)18.
Du reste, dans la suite de son discours, Pierre parle des souffrances du
Messie comme d’une réalité annoncée par Dieu «par la bouche de tous
ses prophètes» (Ac 3,18), avant de conclure: «Pour vous en premier,
ayant (res)suscité (ânastßsav) son Serviteur (pa⁄v), il l’a envoyé vous
bénir si vous vous détournez chacun de vos méfaits» (Ac 3,26). Cette
finale rejoint à nouveau le poème du Serviteur souffrant, comme le sug-
gère le nouvel emploi du mot pa⁄v. En effet, la dynamique de ce poème
est bien celle-là: suite à la proclamation par Dieu de l’élévation du Ser-
viteur, un groupe de gens parlant en «nous» (Is 53,1-6) ouvre les yeux
et se détourne de son méfait, reconnaissant que c’est leur faute qui est la
cause de la mort du Serviteur. Alors qu’ils pensaient ce dernier frappé
par Dieu et humilié pour ses propres fautes, ils avouent: «Il était profané
à cause de nos révoltes, écrasé par nos fautes», avant d’ajouter immédia-
tement: «Le châtiment qui nous vaut la paix est sur lui et par ses bles-
sures, nous sommes guéris» (Is 53,4-5). Ils montrent ainsi que la mort
du Serviteur a eu pour eux un effet de salut, ou, pour parler comme
Pierre, de bénédiction (Ac 3,26)19.
Le même texte isaïen est à l’horizon d’un autre passage du Nouveau
Testament qui évoque la résurrection de Jésus comme l’élévation du ser-
viteur (doÕlov) devenant Seigneur. L’hymne de la lettre aux Philippiens
(Ph 2,6-11) développe en effet cette thématique même s’il ne contient
aucune citation explicite d’Isaïe20. C’est davantage le mouvement général

qui font difficulté: vih


ïmB∫ ri‹
Æyï-ha
∆vß serait à lire vih
ïm bræ iw
¢y-ha
∆vß. Proposée en son temps
par Michell Dahood, cette lecture offre un meilleur parallélisme entre les stiques.
18. On retrouve la mention du Serviteur dans un contexte semblable en Ac 4,27-30
dans la prière de la communauté suite à la libération de Pierre et Jean. Le Messie Serviteur
a été victime de la méchanceté de tous (v. 27), mais par son Nom se produisent des gué-
risons, des signes et des prodiges.
19. Je développe cette interprétation du texte dans Le Serviteur défiguré (Isaïe 52,13–
53,12) et la stratégie divine du salut, in P. VAYDAT (ed.), L’homme défiguré: L’imaginaire
de la corruption et de la défiguration (UL 3. Travaux et recherches), Lille, 2002, 15-25,
à la suite de BEAUCHAMP, Lecture (n. 16), pp. 326-338.
20. Cette interprétation est déjà proposée par E. LOHMEYER, Kyrios Jesus: Eine Unter-
suchung zu Phil. 2,5-11, Heidelberg, 21961, pp. 33-37; voir aussi R. BAUCKHAM, God
Crucified: Monotheism and Christology in the New Testament, Grand Rapids, MI, 1998,
12 A. WÉNIN

de l’hymne qui épouse celui de l’oracle, le rapprochement étant néan-


moins appuyé par l’usage d’expressions significatives.
Si le début du texte paulinien évoque Jésus Christ comme nouvel
Adam qui «n’a pas tenu pour une proie (à saisir) l’être à égalité avec
Dieu» (Ph 2,6), la suite évoque plutôt le Serviteur21 et son abaissement
(Ph 2,7-8).
Il s’est vidé lui-même prenant forme de serviteur;
devenu en ressemblance d’humains
et pour l’aspect étant trouvé comme un humain
il s’est abaissé lui-même, devenu obeisant
jusqu’à la mort et la mort en croix.

Sous les expressions ëautòn êkénwsen et êtapeínwsen ëautòn…


méxri ‡anátou (Ph 2,7a.8), d’aucuns ont reconnu une allusion à l’hébreu
d’Is 53,12, voire une traduction libre de ce texte: v‹p∫nÌ hv∂M
ïlÎ erîy
·e∆, «il
s’est dépouillé lui-même pour la mort» . Le verbe hébreu ery recouvre
22

en effet les significations de «être nu, dépouillé, exposé» et même


«vidé» – au Hifil «dépouiller, exposer, vider» – le substantif avec
suffixe v‹p
∫nÌ étant en hébreu une expression du pronom réfléchi. Ainsi, la
liberté de celui qui s’est abaissé lui-même jusqu’à endosser la condition
de serviteur est soulignée à la fin du quatrième chant, comme au début
de l’hymne de Philippiens. Mais l’idée d’obéissance dans l’humiliation
(Ph 2,8) n’est pas absente non plus chez Isaïe: «opprimé, lui s’humilie
(eny Nifal)», dit Is 53,8a, au moment où le Serviteur accepte de porter la
faute de tous, qu’Adonaï a voulu faire tomber sur lui (Is 53,7.10). Cette
obéissance dans l’abaissement ira jusqu’à la mort, pour le Serviteur
comme pour le Christ Jésus de Ph 2,8: «Il a été retranché de la terre de
la vie» (Is 53,8TM), la LXX précisant même ≠x‡j eîv ‡ánaton, «il a été
conduit à la mort»23.
La seconde partie de l’hymne évoque la résurrection du Christ Jésus
comme exaltation: en contrepoint de l’abaissement jusqu’à la mort de

pp. 47-54, suivi, par exemple par S.E. FOWL, Philippians (The Two Horizons NT Com-
mentary), Grand Rapids, MI – Cambridge, UK, 2005, p. 117.
21. Dans la LXX, le terme traduisant l’hébreu dby dans les quatre «chants du Serviteur
d’Adonaï» est soit pa⁄v (Is 42,1 et 52,13), soit doÕlov (Is 49,3.5).
22. Voir par ex. J. JEREMIAS, Zu Phil. 2,7: EAUTON EKENWSEN, in NT 6 (1963)
182-188; et R.P. MARTIN, Carmen Christi: Philippians 2,5-11 in Recent Interpretation
and in the Setting of Early Christian Worship, Grand Rapids, MI, 21983, pp. 211-213, ou
G.F. HAWTHORNE, Philippians (WBC, 43), Waco, TX, 1983, pp. 86-87. Voir cependant
J.-F. COLLANGE, L’épître de Saint Paul aux Philippiens (CNT, 10a), Neuchâtel, 1973,
p. 91; et P.T. O’BRIEN, The Epistle to the Philippians, Grand Rapids, MI, 1991, p. 228.
23. La LXX traduit ainsi la fin du verset qui, en hébreu, dit: «le coup est pour lui».
ENRACINEMENT VÉTÉROTESTAMENTAIRE DE LA RÉSURRECTION 13

celui qui s’est fait serviteur, elle proclame en effet son élévation (Ph 2,9-
11).
C’est pourquoi (dió) Dieu l’a sur-élevé
et l’a gratifié du nom qui est au-dessus de tout nom
afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse
des [êtres] célestes et terrestres et souterrains
et que toute langue confesse que
le Seigneur, c’est Jésus Christ à la gloire du Dieu père.

On a souvent relevé le lien entre la phrase ö ‡eòv aûtòn üperúcwsen


(Ph 2,9) et le début du poème du Serviteur en Is 52,13: ö pa⁄v mou …
ücw‡ßsetai (héb. «il sera exalté et sera élevé et sera grandi, beau-
coup»: da ∑m∫ Eb Îgîvß aW
ïnæßv jVriî)24. Mais le mouvement du poème isaïen opère
le lien que Ph 2,9a établit aussi par la conjonction dió entre l’abaissement
du «serviteur» et son élévation. En effet, en Is 52, derrière les passifs des
verbes («il sera exalté», etc.), c’est l’action divine qui est dévoilée, ce
qui est explicité clairement par la fin du poème, puisque, après avoir
rappelé que le serviteur s’est chargé des fautes de la multitude, Adonaï
ajoute: «C’est pourquoi (fkl, dià toÕto) je lui donnerai en partage les
multitudes25 …, parce que (r‹a hch, ân‡ˆ ˜n) il s’est dépouillé de lui-
même (v‹p ∫nÌ, ™ cux® aûtoÕ) pour la mort …» (Is 53,12). «Je lui donne-
rai en partage les multitudes»: n’est-ce pas là une autre manière de dire
l’adoration de toute la terre qu’évoque la finale de l’hymne paulinienne?
Au demeurant, c’est en appliquant à Jésus ressuscité un autre texte de la
seconde partie d’Isaïe dans sa version grecque que l’hymne de Philip-
piens évoque cette adoration universelle: êmoì kámcei p¢n gónu kaì
êzomologßsetai p¢sa gl¬ssa t¬ç ‡e¬ç, «pour moi fléchira tout genou
et toute langue confessera pour Dieu» (Is 45,26b).
Je conclus brièvement. Cette seconde expression de la résurrection de
Jésus plonge sans doute ses racines dans la figure du Serviteur d’Adonaï
du Second Isaïe, plus particulièrement dans ce qu’il est convenu d’appe-
ler le quatrième chant. Pas de citation explicite, cependant, et même peu
d’appui textuel pour fonder le rapprochement – à peine quelque mots en
Ac 3,13. C’est plutôt une parenté en profondeur qui appuie ici un rappro-
chement soutenu en creux par les liens faits avec la figure du Serviteur
à propos de la passion de Jésus.

24. Le verbe üperuców n’est employé qu’une seule fois dans la LXX, au Ps 97,9LXX,
où il s’agit de Dieu «sur-élevé au-dessus de tous les dieux». Ce rapprochement est lui
aussi significatif pour le sens de Ph 2,9-11.
25. Ainsi le texte hébreu, jiB ÆrÌb
ï vl-qL
∆cÎ∏
a fk
¢l
ï. Le grec est moins clair puisque Dieu
n’y est pas sujet de l’action: dià toÕto aûtòv kljronomßsei polloúv.
14 A. WÉNIN

III. LE BAPTÊME DU CHRÉTIEN ET LE PASSAGE DE LA MER

À plusieurs reprises dans le corpus paulinien, la traversée pascale de


la mort par Jésus fournit le modèle de la nouvelle naissance du croyant.
Le baptême est ainsi présenté comme un événement qui associe le chré-
tien à la mort-résurrection de Jésus, un peu à l’instar des disciples des
récits de Luc et de Jean, qui racontent comment, après avoir été profon-
dément atteints par la mort de Jésus, ils sont sortis transformés de leur
rencontre avec le Ressuscité et ont été renouvelés par le don de l’Esprit
(Lc 24,13-25; Ac 2; Jn 20,19-23). L’expression la plus claire de cette
théologie du baptême se lit au chapitre 6 des Romains (Rm 6,3-11).
3
Ignorez-vous que, nous tous qui avons été baptisés dans le Christ Jésus,
c’est dans sa mort que nous avons été baptisés? 4 Nous avons donc été
ensevelis avec lui par le baptême dans la mort, afin que, de même que le
Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, ainsi nous marchions
nous aussi dans une vie nouvelle. 5 Car si nous avons été étroitement
associés avec le Christ par une assimilation à sa mort, nous le serons aussi
[par une assimilation] à sa résurrection; 6 nous le savons: notre vieil
homme a été crucifié avec lui, afin que soit réduit à l’impuissance le corps
de péché, pour que nous cessions d’être esclaves du péché. 7 Car celui qui
est mort est justifié du péché. 8 Mais si nous sommes morts avec le Christ,
nous croyons que nous vivons aussi avec lui, 9 sachant que, ressuscité des
morts, le Christ ne meurt plus, que la mort n’a plus de maîtrise sur lui. 10
Car il est mort, [et] c’est au péché qu’il est mort une fois pour toutes; mais
il vit, il vit pour Dieu. 11 Ainsi, vous aussi, considérez que vous êtes morts
pour le péché mais vivants pour Dieu dans le Christ Jésus.

Dans ce texte, Paul joue sans cesse sur l’opposition mort-vie. Selon
lui, le baptême est, pour le croyant, une plongée dans la mort semblable
à celle de Jésus mort en croix et mis au tombeau. Aussi le baptême
débouche-t-il dans la résurrection à une vie nouvelle sur laquelle la mort
n’a plus d’emprise. Car pour pouvoir vivre pour Dieu, il faut mourir à
l’esclavage du péché qui infecte le vieil homme. Tel un crucifié, celui-ci
doit donc être réduit à l’impuissance et disparaître, enseveli dans la mort,
pour que puisse vivre le neuf dont parle Col 3,1026 dans un contexte
semblable à celui de Rm 6, puisqu’il y est également question de baptême
(Col 2,12-13).
Ensevelis avec lui [Christ] dans le baptême, en lui aussi vous avez été res-
suscités par la foi en la force de Dieu qui l’a ressuscité des morts. Et vous
qui étiez morts à cause de vos fautes et de l’incirconcision de votre chair,
Dieu vous a donné la vie avec lui …

26. Voir aussi Ep 4,24 où le croyant revêt l’homme nouveau (kainòv ãn‡rwpov) à
l’image du Christ (Ep 2,15).
ENRACINEMENT VÉTÉROTESTAMENTAIRE DE LA RÉSURRECTION 15

La plus ancienne attestation chez Paul de cette théologie du baptême


se trouve sans doute dans un curieux passage du chapitre 10 de la pre-
mière épître aux Corinthiens. En un raccourci qui ne manque pas d’au-
dace, l’apôtre relit le passage de la mer par Israël sortant d’Égypte comme
un «baptême» (1 Co 10,1-2).
Je ne veux pas que vous l’ignoriez, frères. Nos pères étaient tous sous
la nuée et tous, à travers la mer ils passèrent et tous, en Moïse, ils furent
baptisés (êbaptís‡jsan) dans la nuée et dans la mer.

Dans les deux versets qui suivent, Paul prolonge son midrash en qua-
lifiant de «spirituelles» la nourriture et la boisson du peuple au désert et
en précisant que le rocher qui suivait Israël pour l’abreuver à chacune de
ses étapes27 n’était autre que le Christ lui-même. C’est donc bien d’une
relecture du passage de la mer comme signe du baptême chrétien qu’il
est question en 1 Co 10,1-2. Au baptême, a lieu quelque chose d’ana-
logue à ce qui est raconté au chapitre 14 de l’Exode: une traversée de la
mer – ce lieu de mort par engloutissement – à l’ombre du Dieu présent
au peuple dans la nuée (Ex 13,21-22; 14,19.24). Quant à la clé christo-
logique appliquée au rocher abreuvant le peuple, elle reflue pour ainsi
dire sur ce qui est évoqué du baptême, cette traversée des eaux de la
mort avec le Christ à l’image d’Israël passant la mer à la suite de Moïse.
L’itinéraire du peuple avec Moïse en Ex 14, ce moment décisif de la
libération d’Égypte, pourrait donc être significatif de ce qu’est la nais-
sance du chrétien à une vie nouvelle avec le Christ. Un regard rapide sur
ce récit s’avère donc utile.
Quand ils apparaissent en position d’acteurs dans le récit d’Ex 14, aux
versets 8-9, les fils d’Israël se trouvent d’emblée dans une position déses-
pérée. Alors qu’ils sortaient du pays de leur esclavage «la main haute»,
c’est-à-dire libres28, voilà que Pharaon leur donne la chasse avec son
armée de chars, prêt à leur tomber dessus alors qu’ils campent au bord
de la mer, comme Adonaï leur en a donné l’ordre (Ex 14,2). Se voyant
pris en étau entre l’armée lancée à leur poursuite et la mer qui leur barre
toute possibilité de fuir, ils cèdent à une panique plus que compréhensible

27. Sur ce point, Paul s’inscrit dans une tradition rabbinique bien connue: voir par
exemple G. BIENAIMÉ, Moïse et le don de l’eau dans la tradition juive ancienne: Targum
et midrash (AnBib, 98), Rome, 1984, pp. 276-277.
28. Tel est probablement le sens de l’expression «la main haute» du verset 8: voir
J.-L. SKA, Le passage de la mer: Étude de la construction, du style et de la symbolique
d’Ex 14,1-31 (AnBib, 109), Rome, 1986, pp. 62-63 (n. 65). Selon C. HOUTMAN, Exodus.
Vol 2: 7:14–19:25, Kampen, 1996, l’expression connote aussi un esprit triomphant;
U. CASSUTO, A Commentary on the Book of Exodus, Jerusalem, 1967, p. 163, y ajoute la
confiance.
16 A. WÉNIN

(Ex 14,10). C’est qu’ils sont «faits comme des rats», coincés entre la
puissance mortifère de l’armée égyptienne d’une part et cette étendue
d’eau qui, dans la Bible hébraïque, est par excellence un lieu de mort,
d’autre part29? Ils sont pris au piège de la mort sans savoir de quoi il
retourne puisqu’ils n’ont pas entendu ce qu’Adonaï a dit à Moïse en lui
communiquant ses instructions pour la marche à suivre et en l’informant
de son intention de se glorifier aux dépens de Pharaon et de l’Égypte
(Ex 14,1-4).
Après un cri de panique appelant Dieu à la rescousse («les fils d’Israël
crièrent vers Adonaï», Ex 14,10b), le peuple adresse une longue plainte
à Moïse (Ex 14,11-12).
Est-ce par manque de tombes en Égypte que tu nous as pris pour mourir
dans le désert? Que nous as-tu fait là en nous faisant sortir d’Égypte?
N’est-ce pas ceci le discours que nous te tenions en Égypte: ‘Laisse-nous,
que nous servions l’Égypte! Car mieux vaut pour nous servir l’Égypte que
nous mourir dans le désert?’.

Le discours des fils d’Israël s’articule en trois questions rhétoriques


composant un réquisitoire plaintif contre Moïse qui les a fait sortir
d’Égypte parce qu’il n’a pas voulu écouter quand ils lui disaient «laisse-
nous être esclaves». Tout ce discours est en réalité focalisé sur «nous»
et «l’Égypte», celle-ci étant liée à la servitude (deux fois) et aux tombes
(une fois); quant à l’expression «mourir dans le désert», ses deux occur-
rences encadrent le discours. Ce réseau de répétitions met bien en évi-
dence le seul futur que le peuple envisage: ou bien la mort dans le désert
qu’ils voient comme inévitable, ou bien – ce qu’ils auraient voulu – une
tombe en Égypte, au terme d’une vie d’esclaves. Leur unique perspective
est donc la mort qui, parce qu’elle se fait imminente, leur fait regretter
avec nostalgie un passé de servitude. On perçoit ainsi combien les fils
d’Israël vivent une complicité intérieure profonde avec le Pharaon: lui
regrette ses esclaves qu’il cherche à reprendre; eux regrettent celui qui
les tyrannisait, ne leur laissant pour avenir qu’une tombe au pays de leur
esclavage. Dans ces conditions, si salut il y a, il devra avoir une double
dimension: non seulement arracher Israël à la mort, mais aussi, et peut-
être surtout, le libérer de sa complicité morbide avec celui qui le vouait
à la mort30 et dont il reste intérieurement l’esclave.

29. Voir à ce sujet le chapitre 5 de Ch. REYNIER, La Bible et la mer (Lire la Bible,
133), Paris, 2003, pp. 63-76. Voir également H. RINGGREN, ji yam, in TDOT 6 (1990)
87-98, surtout pp. 92-95 et le «Summary», pp. 97-98.
30. Pour rappel, Ex 1 présente Pharaon non seulement comme un esclavagiste (voir
aussi Ex 5), mais comme un tyran génocidaire qui ordonne l’extermination des garçons à
leur naissance (1,16.22).
ENRACINEMENT VÉTÉROTESTAMENTAIRE DE LA RÉSURRECTION 17

La libération de la mort commence par la réponse immédiate que


Moïse adresse au peuple (Ex 14,13-14). Mis dans le secret d’Adonaï (voir
Ex 14,2-4), il tente d’insuffler sa confiance à ceux qui lui reprochent de
les avoir conduits dans une impasse mortelle.
Ne craignez pas, tenez-vous debout et voyez le salut qu’Adonaï réalisera
pour vous aujourd’hui; car l’Égypte que vous voyez aujourd’hui, vous ne
les verrez plus jamais. C’est Adonaï qui combattra pour vous, et vous vous
resterez cois.

Alors que les Israélites restent repliés sur leur passé et paralysés par la
peur à la perspective d’une mort certaine, Moïse tourne leur regard vers
le futur: futur immédiat de l’aujourd’hui de la libération (jvie) et futur à
long terme, celui du «plus jamais» (jlvy-dy dvy …al). S’il peut le faire,
c’est parce qu’il tient compte d’un personnage que le peuple a oublié:
Adonaï. C’est lui qui va combattre pour accomplir la délivrance que le
peuple n’espère plus, au point que ce qui constituait selon le peuple
l’unique chance de sauver sa vie, l’Égypte, sera balayé à jamais de son
horizon. «Vous qui ne voyez que l’Égypte aujourd’hui, voyez le salut
d’Adonaï, et vous ne verrez plus jamais l’Égypte», ce pays d’esclavage
et de mort. Pour Moïse, si la vie est quelque part, c’est du côté d’Adonaï,
et nulle part ailleurs. En prenant le contre-pied de la plainte du peuple,
Moïse l’invite à cesser d’avoir peur, à se redresser et à faire confiance en
celui qui va agir.
Cette confiance n’aura cependant rien de passif: elle accompagnera au
contraire l’action d’Adonaï. On s’en souvient: ce qui provoque la panique
d’Israël, c’est que, dos à la mer, il voit s’approcher l’armée égyptienne.
Aussi, est-il urgent d’empêcher le contact: avec l’ange de Dieu, la
colonne de nuée qui était à l’avant du peuple vient donc se poster à
l’arrière pour séparer les deux camps, illuminant Israël et plongeant
l’Égypte dans l’obscurité, au point que toute tentative d’approche est
rendue impossible (Ex 14,19-20)31. Ensuite, une fois les eaux fendues en
deux après que Moïse a tendu son bâton, les Israélites s’avancent sur la
parole de leur guide (Ex 14,15-16) «au milieu de la mer» (jie çvhb,
Ex 14,22). Pour J.-L. Ska, qui étudie de près cette expression rare, Israël
«s’engage littéralement dans le monde de la mort», «la mort définitive
et sans retour, à moins d’une intervention extraordinaire de Dieu qui a

31. La phrase hébraïque est difficile, mais le sens est sans doute celui-là: il est
déjà attesté dans les Targums, et repris par Rashi et Ibn Ezra. Voir le bref point de la
question chez B.S. CHILDS, Exodus: A Commentary (OTL), London, 1974, p. 218, et chez
W.H.C. PROPP, Exodus 1–18 (AB, 2), New York, 1999, pp. 469.480.498; en plus déve-
loppé, HOUTMAN, Exodus. Vol. 2 (n. 28), pp. 267-268, et sa position, p. 228.
18 A. WÉNIN

seul pouvoir sur la mer»32. Aussi, lorsqu’elle insistera sur l’indispensable


confiance que suppose une telle avancée33, l’exégèse juive mettra en
lumière un trait que le récit n’explicite pas comme tel, préférant le mon-
trer en acte: alors que l’ange et la nuée sont désormais sur leurs arrières,
«les fils d’Israël entrèrent au milieu de la mer sur la terre sèche et les
eaux étaient pour eux une muraille à leur droite et à leur gauche»
(Ex 14,22).
Cette phrase, le narrateur la répétera quasiment mot pour mot au verset
2934, comme pour souligner à nouveau ce moment incroyable où se
conjuguent, en vue du salut, l’action créatrice d’Adonaï qui sépare la mer
et la terre sèche, et l’audace confiante d’Israël qui s’aventure dans le lieu
où d’ordinaire règne la mort. Par cette attitude, le peuple refuse que la
mer soit le terme de son chemin, il nie la mort comme terme de son
histoire, manifestant qu’il croit Adonaï capable de donner vie au cœur
même de la mort à ceux qui osent s’y avancer avec confiance. N’y a-t-il
pas là une image saisissante de ce qu’est la résurrection comme victoire
sur la mort, cette œuvre (re)créatrice de Dieu en faveur de quiconque
prend le risque de la mort parce qu’il ose croire que Dieu est plus fort
qu’elle?
Dans la suite du récit, l’œuvre de libération relève d’Adonaï qui fait
en sorte qu’une puissance de mort détruise l’autre, les flots de la mer
recouvrant Pharaon et son armée au moment où ils cherchent à fuir
(Ex 14,24-28). Il ne reste à Israël qu’à voir «l’Égypte morte sur le bord
de la mer» et à constater ainsi «la grande main qu’Adonaï a déployée
contre l’Égypte» (Ex 14,30-31). Ce salut se traduit par un changement
radical d’attitude. Pris au piège de la mort entre la mer et l’armée, les
fils d’Israël étaient saisis d’épouvante (Ex 14,10b: dam ∫ VarßiIævÌ) et ils
criaient vers Adonaï. Une fois sauvés, ils «craignent Adonaï» (Ex 14,31:
evîeiß-ha
∆ …VarßiIæÌv), crainte faite de stupeur émerveillée qui conduit à la foi

32. SKA, Le passage de la mer (n. 28), p. 95.


33. Une tradition juive ancienne raconte que la mer ne se fend que lorsque les premiers
Israélites ont pénétré dans les eaux, «osant ainsi faire le premier pas vers l’incerti-
tude» – écrit M. BREUER, La Torah commentée. T. 1, Paris, 1954 (Exode, p. 20), cité par
F. MICHAELI, Le livre de l’Exode (CAT, 2), Neuchâtel, 1974, p. 128. Cette tradition est
attestée par Flavius Josèphe, Antiquités II, 16,2; voir d’autres attestations dans L. GINZ-
BERG, Les légendes des Juifs: 4. Moïse dans le désert (Patrimoines), Paris, p. 21 et n. 36,
p. 364. Dans le même sens, SKA, Le passage de la mer (n. 28), p. 133: «Pour Israël, Dieu
ouvre un passage au moment où il fait entrer son peuple dans le risque de la foi».
34. Seuls le verbe et la syntaxe de la première partie sont modifiés: «Et les fils d’Israël
étaient allés sur la terre sèche au milieu de la mer …»: le verbe avb («entrer», logique au
v. 22) est modifié en çle («aller»), le Wayyiqtol étant remplacé par un We-X-Qatal,
signalant l’analepse. Les expressions «au milieu de la mer» et «sur la (terre) sèche» sont
quant à elles inversées.
ENRACINEMENT VÉTÉROTESTAMENTAIRE DE LA RÉSURRECTION 19

(«le peuple craignit Adonaï et ils crurent en Adonaï», Ex 14,31) et qui


s’exprime dans un chant à la louange de celui qui s’est montré capable
de donner la vie à travers la mort («Moïse et les fils d’Israël chantèrent
ce chant pour Adonaï», Ex 15,1). Si l’itinéraire «géographique» d’Israël
est celui d’une naissance, puisqu’il sort d’un lieu fermé vers un espace
ouvert à travers un canal humide35, son itinéraire intérieur le conduit de
la peur à la foi, du cri à la louange, de l’esclavage à la liberté, de la rési-
gnation complice face à la mort à la confiance en une vie et un avenir
possibles au-delà de l’impasse36.
Il faut également dire un mot rapide de Moïse – en qui Israël est «bap-
tisé», selon Paul (1 Co 10,2). Il est en effet un artisan majeur du salut:
confiant en ce qu’Adonaï lui dit, il obéit à l’ordre insensé d’étendre sa
main pour que les eaux s’ouvrent devant Israël, lui frayant un chemin de
vie au cœur de la mort; puis il pose le geste, parallèle au premier, qui
donne mort à la mort en précipitant Pharaon dans la mer. Avant cela, en
annonçant le salut qu’Adonaï prépare, il force l’impasse de la frayeur des
fils d’Israël qui ne voient plus que la mort, les tombes d’Égypte ou la
mort au désert, manifestant leur regret de la servitude en Égypte
(Ex 14,11-14). Mais s’il appelle ainsi le peuple à la confiance, c’est que
lui-même croit la parole d’Adonaï qui lui a révélé sa volonté de se faire
connaître en manifestant sa gloire aux dépens de Pharaon et de ses
troupes (Ex 14,2-4); c’est qu’il est prêt à risquer sa crédibilité de leader
et jusqu’à son propre avenir sur cette parole divine. Ainsi, la libération
est permise par la foi du peuple en Moïse qui témoigne devant eux qu’il
croit Adonaï capable de sauver Israël de la mort. C’est bien ce que sou-
ligne la finale du récit: «le peuple mit sa foi en Adonaï et en Moïse son
serviteur» (Ex 14,31).

Sur la base de cette lecture trop rapide de ce récit, revenons au texte


de Rm 6, qui apparaît comme travaillé de l’intérieur par ce texte fonda-
mental de l’Exode37. Le baptême lui-même, dont Paul parle, est directe-
ment lié à la symbolique de l’eau, qui figure en Ex 14 le monde de la
mort. Être baptisé, en effet, c’est être immergé dans l’eau au péril de sa
vie – Marc et Luc n’évoquent-ils pas la passion et la mort de Jésus en
recourant à la métaphore du baptême (Mc 10,39 et Lc 12,5038)? Aussi

35. Je développe cette image dans L’Homme biblique: Lectures dans le premier
Testament, Paris, 22004, pp. 98-99.
36. Cet aspect du récit est bien développé par SKA, Le Passage de la mer (n. 28),
pp. 165-174.
37. Dans le texte ci-dessus (p. 14), les allusions repérables à Ex 14 sont en italique.
38. On pensera aussi à Lc 9,31 où Jésus transfiguré s’entretient avec Moïse et Élie de
20 A. WÉNIN

Paul peut-il voir le baptême comme une immersion dans la mort du


Christ, ressuscité ensuite «par la gloire du père» – une expression faisant
écho à un thème récurrent Ex 14, celui de la gloire que Dieu manifeste
dans sa victoire sur les forces de mort (vv. 4.17-18). Et de même que le
Christ est ressuscité des morts, les baptisés ne restent pas dans la mort,
mais ils «marchent dans une vie nouvelle» (Rm 6,4), à l’image d’Israël
qui, ayant passé la mer, marche au désert, libéré de la servitude de
Pharaon, mais surtout du «vieil homme» qui entretenait en lui sa com-
plicité avec l’esclavage. Pour Paul, il en va de même du baptisé: c’est
bien à un esclavage qu’il meurt, un esclavage intérieur qui l’enchaîne au
péché, donne pouvoir à la mort en lui, l’empêchant d’être un serviteur de
Dieu. En ce sens, le baptême est bien une mort – comme la traversée de
la mer en est une pour Israël qui y meurt à sa vie d’esclave. Mais cette
mort débouche sur une vie pour Dieu, à l’image d’Israël qui, au-delà de
la mort, vit pour son Dieu avec qui il fera bientôt alliance. Enfin, dans
ce processus, Moïse n’est-il pas en quelque sorte une figure du Christ,
comme le suggère 1 Co 10,239, ne serait-ce que dans la mesure où,
s’appuyant sur son lien privilégié avec Dieu, il entraîne le peuple dans
cette dynamique de passage de la mort à la vie?
Si le texte de Rm 6 entretient ainsi des liens subtils mais solides avec
le récit de l’Exode, à première vue, il n’en va pas de même pour les récits
de la résurrection de Jésus. Mais un autre texte évangélique pourrait bien
s’en inspirer en vue d’anticiper la Pâque de Jésus de manière à l’éclairer
à l’avance40. En ce sens, ce n’est sans doute pas un hasard si l’auteur du
quatrième évangile situe l’événement «un peu avant la Pâque qui est la
fête des Juifs» (Jn 6,4). Il s’agit de la séquence narrative qui ouvre le
chapitre 6 de l’évangile selon Jean – une séquence que l’on trouve en
Matthieu (Mt 14,13-34) et en Marc (Mc 6,33-53), fait quasiment unique
en dehors des récits de la passion – récits qui se trouvent comme anti-
cipés par cet enchaînement de trois scènes41. Une première scène (Jn 6,5-

son ∂zodov qui va s’accomplir à Jérusalem. Quoi qu’en pense CHILDS, Exodus (n. 31),
p. 233, cet «exode» pourrait ne pas être simplement la mort, mais bien le «départ» de
Jésus qui s’effectue dans sa mort, sa résurrection et son ascension.
39. En ce sens la note de la TOB à propos de 1 Co 10,2. Voir aussi Ch. SENFT, La
première épître de Saint Paul aux Corinthiens (CNT, 7), Neuchâtel, 1979, p. 128.
40. Pour les paragraphes qui suivent, je reprends en substance une analyse publiée
ailleurs: A. WÉNIN, Naissance, mort, résurrection, in J.-C. ESLIN – C. CORNU (eds.), La
Bible: 2000 ans de lectures, Paris, 2003, 442-451, pp. 449-450.
41. Parmi ceux qui lisent l’épisode de Jn 6,16-21 comme exploitant un symbolisme
pascal, voir R.E. BROWN, The Gospel According to John (i-xii) (AB, 29A), New York,
1966, pp. 255-256, ou encore récemment D. MARGUERAT, Le point de vue dans le récit:
Matthieu, Jean et les autres, in A. DETTWILER – U. POPLUTZ (eds.), Studien zu Matthäus
und Johannes / Études sur Matthieu et Jean. FS. J. Zumstein, Zürich, 2009, 91-107, p. 95.
ENRACINEMENT VÉTÉROTESTAMENTAIRE DE LA RÉSURRECTION 21

13) relate comment Jésus donne le pain à profusion, anticipant un repas


eucharistique auquel Jean ne fera que discrètement allusion au chapitre
13 (vv. 2.18.26). Ensuite, Jésus est pris pour «le Prophète qui doit venir
dans le monde», le nouveau Moïse42. Mais sachant que l’on veut le faire
roi, il se retire seul sur la montagne (Jn 6,15), comme il le sera sur la
hauteur du Golgotha, roi dérisoire et souverain (Jn 19,17-22). Vient
ensuite une scène où Jean exploite la symbolique d’Ex 14, pour évoquer
non seulement la mort et la résurrection de Jésus, mais aussi l’itinéraire
des disciples dans le cadre de ces événements (Jn 6,16-21).
16
Comme le soir venait, ses disciples descendirent sur la mer. 17 Et montant
en barque, ils allèrent de l’autre côté de la mer, vers Capharnaüm. Et les
ténèbres étaient déjà là et Jésus n’était pas encore venu près d’eux. 18 Et,
un grand vent soufflant, la mer se soulevait. 19 Ayant donc ramé environ
vingt-cinq ou trente stades, ils voient Jésus marchant sur la mer et se
faisant proche de la barque, et ils craignirent. 20 Mais il leur dit: ‘C’est
moi (êgÉ eîmi). Cessez de craindre!’. 21 Ils voulaient donc le prendre
dans la barque; et aussitôt la barque fut à terre, là où ils se rendaient.

Plusieurs traits importants de cette scène par ailleurs très sobre font
écho au récit du salut d’Israël à travers la mer. Le cadre cosmique est
analogue: on retrouve les ténèbres de la nuit, la mer menaçante, le grand
vent et la terre sèche43. De même, il s’agit de passer de l’autre côté de la
mer, dont les flots constituent un danger. Mais Jésus la traverse en mar-
chant44 alors qu’elle est soulevée par le vent: il montre ainsi sa maîtrise
sur les puissances du chaos, à l’instar du Dieu créateur qui maîtrise la
mer et dont il s’attribue le Nom révélé à Moïse, êgÉ eîmi, «Je suis» (voir
Ex 3,14). Ainsi, par-delà la mort maîtrisée, tel un nouveau Moïse, il se
fait proche des disciples apeurés les invitant à cesser de craindre (voir
Ex 14,13). Puis, assurant leur salut, il leur fait atteindre la terre, «là où
ils se rendaient», c’est-à-dire «de l’autre côté de la mer».
Dans ce bref récit, c’est bien Jésus qui traverse la mer et se montre
plus fort que la mort, et c’est en cela que cette scène est une prolepse
parabolique de la résurrection. Mais la victoire de Jésus sur la mer

42. Voir Dt 18,15, et X. LÉON-DUFOUR, Lecture de l’Évangile selon Jean. T. 2, Paris,


1990, p. 114.
43. Voir, en Ex 14: la nuit (vv. 20-21.24.27), la mer comme menace pour la vie
(vv. 9.21.26-30), le grand vent (v. 21) et la terre sèche (vv. 21.22.29). Certains auteurs
renvoient également à la thématique de Ex 14, comme par exemple G.R. BEASLEY-
MURRAY, John (WBC, 36), Nashville, TN, 21999, p. 89; il se base sur la lecture psalmique
de l’Exode, mais aussi sur l’usage de êgÉ eîmi, seule parole prononcée par Jésus dans le
récit.
44. On pourrait voir ici une allusion à ce qui est dit de Dieu au Ps 77,20 à propos de
la traversée de la mer par Israël: «Dans la mer tu as fait ton chemin, ton sentier dans les
grandes eaux».
22 A. WÉNIN

concerne aussi les disciples: elle leur donne de faire l’expérience d’une
présence qui invite à la confiance lorsque la peur va l’emporter; et,
lorsqu’ils se fient à la parole dite au point de vouloir prendre Jésus avec
eux, la traversée s’accomplit pour eux aussi. Tant il est vrai que, à en
croire le nouveau Testament, la résurrection ne concerne pas seulement
Jésus relevé d’entre les morts, mais tout autant les disciples arrachés à
leur peur, tirés de leur aveuglement et de leur désespérance45.
On le voit: si le récit du Passage de la mer n’est que rapidement évo-
qué par Paul en 1 Co 10, il se pourrait qu’il constitue pour Paul une
matrice pour penser la résurrection, notamment dans les effets qu’elle
produit chez les croyants à travers le baptême. Ce texte pourrait aussi
proposer une sorte de «réserve d’images» permettant d’évoquer d’une
manière plus poétique la traversée de la mort non seulement par Jésus
mais aussi par ses disciples.

OUVERTURE

Un autre récit du Nouveau Testament évoque les effets de la résurrec-


tion chez les disciples de Jésus. C’est le récit du don de l’Esprit le jour
de la Pentecôte en Actes 2, un don qui les transforme en témoins actifs
de la résurrection de leur Seigneur. Certes, les auteurs n’évoquent guère
la prophétie des ossements d’Éz 37 à ce propos. Mais est-il impossible
de voir un rapprochement significatif entre ce texte des Actes et le pas-
sage où le prophète annonce que Dieu fera à nouveau pour son peuple ce
qu’il a fait pour les fils d’Israël esclaves en Égypte, se faisant connaître
comme le Dieu qui donne la vie? Tirant pour ses contemporains déses-
pérés la leçon de la vision des ossements ressuscités, le prophète s’ex-
clame en effet (Éz 37,12-14):
Voici que je vais ouvrir vos tombeaux, et je vous ferai monter de vos tom-
beaux, mon peuple, et je vous ferai entrer sur le sol d’Israël. Et vous saurez
que je suis Adonaï, quand j’ouvrirai vos tombeaux et que je vous ferai
monter de vos tombeaux, mon peuple. Je mettrai mon esprit en vous et vous
vivrez, et je vous ferai reposer sur votre sol. Et vous saurez que moi,
Adonaï, j’ai parlé et j’ai fait, oracle d’Adonaï.

Sortant du lieu où ils se tiennent entre eux, les apôtres ne se mettent-ils


pas à vivre au moment où Dieu met sur eux son esprit? Ne parcourent-ils

45. Cette idée m’est inspirée par une remarque de LÉON-DUFOUR, Évangile selon Jean
2 (n. 42), p. 120: «Chez Jn, la situation nocturne des disciples évoque … l’esseulement
de la communauté après la mort de Jésus».
ENRACINEMENT VÉTÉROTESTAMENTAIRE DE LA RÉSURRECTION 23

pas ainsi l’itinéraire de leur maître sortant du tombeau pour une vie nou-
velle et faisant connaître qui est le vrai Dieu – celui qui parle et agit? Si
cette lecture peut sembler aventureuse et fondée sur un rapprochement
hasardeux, elle n’en rejoint pas moins l’affirmation de Paul qui écrit aux
Romains (Rm 8,11): «Si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre
les morts habite en vous, celui qui a ressuscité le Christ Jésus d’entre les
morts fera aussi vivre vos corps mortels par son Esprit qui habite en
vous». Jean lui fait écho lorsqu’il met sur les lèvres de Jésus cette affir-
mation: «Ne vous en étonnez pas; car l’heure vient où tous ceux qui sont
dans les tombeaux entendront sa voix. Ceux qui auront fait le bien en
sortiront pour la résurrection et la vie …» (Jn 5,28).

Université catholique de Louvain André WÉNIN


Faculté de théologie
Grand-Place 45, bte L3.01.01
1348 Louvain-la-Neuve
Belgique

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