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L'INSCRIPTION DES ASSOCIATIONS DANS LES POLITIQUES

SOCIALES DU LOGEMENT : UN RISQUE D'INSTRUMENTALISATION

Loïc Aubrée

De Boeck Université | Pensée plurielle

2004/1 - no 7
pages 75 à 88

ISSN 1376-0963

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Pour citer cet article :


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Aubrée Loïc , « L'inscription des associations dans les politiques sociales du logement : un risque
d'instrumentalisation » ,
Pensée plurielle, 2004/1 no 7, p. 75-88. DOI : 10.3917/pp.007.0075
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L'inscription des associations


dans les politiques sociales du logement :
un risque d'instrumentalisation
Loïc AUBRÉE 1

L'auteur analyse l'implication des associations dans la mise en œuvre des poli-
tiques du logement. Il s'intéresse plus particulièrement aux changements qui en
ont découlé, dans les réponses apportées aux besoins. Il essaie de définir les
relations entre les associations et les pouvoirs publics et évoque les risques liés
aux évolutions récentes, en particulier le risque d'instrumentalisation du rôle des
associations.

Mots clefs : Économie mixte, protection sociale, besoins de logement, action


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sociale, assistantiel, promotionnel, solidarité, accompagnement social, immo-
bilier, partenariat, action publique, typologie, commande publique, instru-
mentalisation.

Les politiques du logement ont eu depuis longtemps, en France, une dimen-


sion sociale importante qui s'est renforcée au cours des quinze dernières
années. Ces politiques, portées par l'État, impliquent fortement les départements
et à un degré moindre les collectivités locales, et s'appuient pour leur mise en
œuvre sur divers opérateurs : les organismes d'HLM, mais également le milieu
associatif (BALLAIN, 2001).
Dans les années cinquante, les PACT (Protéger, Améliorer, Construire,
Travailler) ont été créés pour lutter contre les taudis et apporter une aide aux
sans-logis et aux mal logés. À la même époque, et plus récemment, des asso-
ciations ont ouvert des centres pour héberger des personnes sans domicile fixe.
Mais l'engagement des associations a pris une ampleur nouvelle dans les
années quatre-vingt a un moment où se sont développées de nouvelles situa-
tions de pauvreté, pauvreté qui s'est manifestée notamment par l'absence de
logement ou l'existence de mauvaises conditions de logements. Plusieurs expli-
cations peuvent être évoquées : le souci d'apporter des réponses aux besoins
observés, la sollicitation des dispositifs publics et la reconnaissance de leur
compétence dans un domaine d'action exigeant la recherche de réponses
nouvelles.
Après avoir analysé l'implication des associations dans la mise en œuvre des
politiques du logement, nous nous intéresserons aux changements qui en ont
découlé, dans les réponses apportées aux besoins. Dans une troisième partie,
nous chercherons à caractériser les relations entre les associations et les
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1
Docteur en Géographie, directeur d'études et directeur du CRESGE.

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pouvoirs publics et évoquerons les risques liés aux évolutions récentes, en parti-
culier le risque d'instrumentalisation du rôle des associations.

1. L'implication croissante des associations dans la mise


en œuvre des politiques sociales du logement.

Les diverses modalités de participation à la construction et à la mise en


œuvre du versant le plus social des politiques du logement impliquent ou
induisent des formes de solidarité ; celles ci renvoient aux valeurs et motivations
des associations et de leurs membres et aux conceptions de la solidarité qui y
sont véhiculées ou finalisées. Ces modalités impliquent des types de relations
formelles (contractualisation, relations financières, participation à des lieux de
concertation ou d'évaluation...) ou informelles (relations interpersonnelles, parti-
cipation des fonctionnaires à la vie des associations, jeux d'influence dans les
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décisions, dimension politique...) qui modifient l'activité des associations, leurs

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conditions de fonctionnement et leur situation économique comme la contribution
et le poids respectif des bénévoles et des professionnels.
Ce qui caractérise les associations dans le champ qui nous intéresse, c'est le
principe d'une coopération volontaire dans le but de mettre en place des solu-
tions en réponse à des besoins observés. Les associations se distinguent aussi
par leur capacité à détecter les besoins des personnes, une sensibilité immédiate
aux carences et leur faculté d'expérimentation et d'innovation. Il se développe
ainsi un savoir-faire sur lequel les associations fondent leur légitimité.
L'attachement aux relations interpersonnelles, l'utilisation de celles-ci comme
ressources pour la production de solidarités et la restauration du lien social, la
prise en compte de l'individu dans sa globalité, constituent autant de points forts
du modèle associatif, même si l'on peut retrouver l'un ou l'autre de ces aspects
dans des organisations publiques.

1.1 Les associations et le triangle de la protection sociale, le cas du


logement.

Un retrait de l'État ou une économie mixte de la protection sociale.


La relation entre les pouvoirs publics et les associations, ou le rôle de celles-
ci dans le champ du social, font l'objet d'analyses parfois contrastées. Un premier
contraste porte sur l'observation de l'évolution de l'intervention des pouvoirs
publics et du rôle des associations. De nombreux auteurs (MENARD, 1997)
évoquent le plus souvent le retrait de l'État ou la fin de l'État-Providence. Dans
cette hypothèse, les associations se substituent au moins partiellement à l'État
en apportant des services ou des aides que celui-ci ne peut plus apporter.
D'autres (LEWIS, 1997) analysent le fonctionnement de la protection sociale
comme un système d'économie mixte qui se caractérise de longue date par une
combinaison de l'intervention des pouvoirs publics et des associations. Les poids
respectifs de l'un et de l'autre et les formes de régulation évoluent au cours du
temps, l'épisode actuel n'étant qu'un parmi d'autres.

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Une autre manière d'aborder la question du positionnement respectif des


pouvoirs publics et des associations est de se référer au triangle de la protection
sociale, avec comme pôles l'État, le marché et la famille, chacun d'eux ayant leur
propre logique de fonctionnement (la redistribution, la recherche de profit et la
réciprocité). La question qui se pose est alors le positionnement les associations
dans cette configuration. S'agit il d'un quatrième pôle ? Doit on les rechercher
quelque part au centre du triangle, considérant qu'elles contribuent, à la fois, à la
redistribution, qu'elles intègrent sinon une logique de profit, au moins des
exigences de rentabilité - si on se centre sur les associations engagées dans la
mise en œuvre des politiques - et qu'elles tentent de conforter ou de rétablir des
liens sociaux ?
Quel que soit le modèle de référence, la difficulté est de saisir la complexité
de la réalité. Si on se centre sur le pôle État, il faut pouvoir appréhender l'évolu-
tion de ses modalités d'intervention au cours du temps. On devrait d'ailleurs
plutôt parler des pouvoirs publics afin d'évoquer les différents échelons de
pouvoir et de décision : l'échelon central de l'État et les échelons locaux avec les
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collectivités territoriales. S'il est possible de dégager des traits communs aux

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pouvoirs publics, comme la préoccupation de l'intérêt général ou la vocation de
service public, les associations se distinguent par de nombreux aspects, notam-
ment les compétences et les fonctions dans l'organisation de la solidarité. On ne
peut plus alors associer aux pouvoirs publics ni même à l'État (pris comme
échelon de décision) la seule fonction de redistribution mais d'autres fonctions
qu'il faut chercher à caractériser.

La politique du logement des démunis, un nouveau champ de l'intervention


sociale.
La loi sur le droit au logement adoptée en 1990 remet en cohérence et
complète un ensemble de mesures mises en œuvre au cours des années quatre-
vingt, mesures qui s'organisent autour de trois champs complémentaires : le
développement d'une offre nouvelle ou l'ouverture d'une offre existante à des
populations exclues de fait, la solvabilisation accrue, l'accompagnement et la
dynamisation des personnes autour de démarches d'accompagnement social
et/ou d'insertion.
Cette loi affirme clairement une orientation non exclusive d'autres objectifs
de la politique du logement en direction des populations défavorisées et un
rapprochement de celle ci avec la politique d'action sociale. Elle s'inscrit dans la
même logique que la loi sur le Revenu Minimum d'Insertion en instaurant des
aides et des garanties financières et des démarches devant déboucher sur la
réintégration sociale et économique. Comme pour le RMI, la loi Besson croise 2
les responsabilités de l'État (par la politique du logement) et du Département (par
la politique sociale).
Le renforcement du traitement de la pauvreté et l'intégration plus forte de la
réponse aux besoins de logement dans ce traitement s'opèrent à une période où

________
2
Loi sur le droit au logement du 31 mai 1990.

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la logique de l'action sociale est elle même réinterrogée. Sans caricaturer le


débat, on retrouve la tension toujours latente entre une pratique plus « assis-
tantielle » et une autre plus promotionnelle, mais aussi une appréhension indi-
viduelle et une autre davantage collective des problèmes et de la construction
des réponses. Les mêmes débats se retrouvent dans la conception et dans la
pratique des interventions axées sur le logement (CALCOEN, 1992).

Le triangle de la protection sociale appliqué au champ du logement des


démunis.
Si on considère l'ensemble du champ du logement avant de se centrer sur le
logement des démunis, on peut analyser le fonctionnement de ce secteur comme
la combinaison des interventions de trois groupes d'acteurs : l'État, le marché ou
plutôt les acteurs de l'offre, et les ménages. Pour caractériser l'intervention de
l'État, on identifie habituellement trois fonctions : la fonction tutélaire (satisfaction
des besoins en logement), la fonction de redistribution, et la fonction de soutien
à l'activité économique (en l'occurrence le secteur du bâtiment). Les acteurs de
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l'offre contribuent à la satisfaction des besoins dès lors que ceux ci sont solvables

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ou peuvent l'être grâce à l'intervention de l'État. Les ménages sont ici considérés
du côté de la demande, même si une fraction d'entre eux (investisseurs immo-
biliers) se situe du côté de l'offre.
Lorsque l'on s'intéresse au logement des démunis, apparaît une dimension
particulière et nouvelle de l'intervention publique : l'institution d'un droit au loge-
ment avec la loi Besson. Par ailleurs on peut considérer que la priorité aux plus
démunis accordée au sein de la politique du logement résulte de l'incapacité à
couvrir tous les besoins. L'interaction entre l'État, le marché et les ménages a
rencontré des limites.
On peut alors analyser le développement du rôle des associations en les
positionnant par rapport aux pouvoirs publics, mais aussi aux acteurs de l'offre
de logement et aux ménages eux-mêmes. On n'interpréterait alors pas seule-
ment le rôle des associations comme relais des pouvoirs publics se désen-
gageant, mais également comme une réponse à l'incapacité des acteurs du
marché, d'une part, et des ménages, d'autre part, à satisfaire tous les besoins.

Politique du logement : quelles solidarités ?


Avec ces réorientations de la politique du logement, se développent de
nouvelles solidarités, mettant en jeu de nouveaux acteurs. Depuis plusieurs
décennies, la politique du logement a exprimé une solidarité générale dans un
cadre national, reposant sur la redistribution monétaire (par les aides person-
nelles notamment) et sur le développement de l'offre et donc de services (avec
l'aide à la pierre et les organismes d'HLM), mais a aussi tenté d'orienter le
marché. Avec les inflexions plus récentes, ces solidarités, par la redistribution
monétaire et par l'offre de services sont complétées par des solidarités de pro-
ximité plus ciblées et construites autour de réponses plus proches pour des
familles ou groupes identifiés. L'affirmation du droit au logement, et non la défi-
nition d'objectifs et de moyens, met bien en évidence ces nouvelles solidarités.
Elle le fait en mobilisant et en s'appuyant sur des acteurs peu impliqués
jusqu'alors, à savoir les associations.

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1.2 Un contexte législatif et réglementaire.


Au cours des années quatre-vingt, des fonds locaux ont été créés, en complé-
ment du système d'aides au logement existant, pour favoriser l'accès ou le main-
tien dans le logement des personnes aux ressources modestes. En 1990,
conscient que les difficultés rencontrées par certaines catégories de population
nécessitaient une politique d'ensemble, et dans le but de généraliser des disposi-
tifs ponctuels déjà existants, le gouvernement a envisagé une politique spéci-
fique en direction des personnes démunies. La loi Besson prévoit la mise en
place de plans départementaux copilotés par l'État et les Conseils généraux et la
création de Fonds Solidarité Logement (FSL) pour l'octroi d'aides financières aux
personnes (accès ou maintien) et le financement d'interventions d'accompagne-
ment social. Cette loi appelle à une large mobilisation les services de l'État et des
collectivités territoriales, les organismes d'HLM et les associations.
Après quelques années de fonctionnement de ces dispositifs, le développe-
ment et l'ampleur des phénomènes d'exclusion imposent aux pouvoirs publics la
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nécessité d'inscrire l'action dans la durée. Le nombre de demandeurs à faibles
revenus augmente alors que l'offre à bas loyer a tendance à diminuer à la fois
dans le parc social et le parc privé
La loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions de juillet 1998 a
constitué une nouvelle étape. Le volet logement de cette loi, élaboré à partir
d'une évaluation de la loi Besson, a comporté une série de mesures venant
compléter les dispositifs mis en place depuis 1990 et offrir des moyens d'action
supplémentaires. Le rôle des associations est renforcé : leur participation aux
instances de fonctionnement des plans départementaux est confirmée, la média-
tion locative est financée de manière spécifique et le statut de la sous-location
est clarifié.
Ainsi, depuis la fin des années quatre-vingt, l'intervention des associations
dans le champ des politiques du logement s'est considérablement développée,
tant par le poids global de cette intervention que par l'arrivée d'associations qui
n'œuvraient pas dans ce champ, et par la diversification des modalités d'action
ou des partenariats, notamment avec les bailleurs sociaux.

1.3 La réponse aux besoins observés.


La mise en évidence au cours des années quatre-vingt de difficultés de loge-
ment rencontrées par les personnes ayant des faibles ressources ou confrontées
à des problèmes sociaux, a entraîné la mobilisation des différents acteurs au
premier rang desquels se sont trouvées les associations. La présence de bon
nombre d'entre elles auprès des populations concernées par ces difficultés de
logement les a conduites à étendre ou à faire évoluer l'action qu'elles menaient.
Ce sont les difficultés qu'éprouvent les populations avec lesquelles les associa-
tions sont en relation qui ont été à l'origine de leur intervention. Les initiatives
portées par le secteur associatif trouvent leur origine dans la prise de conscience
d'un dysfonctionnement du rapport entre l'offre et la demande.
Des associations implantées de longue date comme les PACT apportaient
déjà des réponses aux personnes confrontées à des difficultés de logement. À

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côté de celles-ci, de nouvelles associations se sont créées parfois suite à des


initiatives spontanées et peu structurées à l'origine. On peut citer par exemple le
cas d'une association créée à partir de la mobilisation informelle de bénévoles,
lors de l'hiver 1986, auprès de personnes sans domicile fixe errant dans le
quartier de la gare de Lille. Des bénévoles ont créé une association, ont organisé
un accueil des personnes à la rue, puis ont mis en place progressivement une
série d'actions visant la réinsertion des personnes accueillies dans le domaine de
l'emploi, de la santé et aussi du logement.
On peut citer aussi des associations du type CHRS (centre d'hébergement et
de réadaptation sociale) qui se sont engagées progressivement dans le champ
du logement parce qu'elles se trouvaient confrontées à la difficulté de trouver des
solutions pour les personnes sortant de leurs centres. En fait, l'inscription du
secteur associatif dans le champ du logement s'est traduite soit par la création
d'associations nouvelles, soit par l'élargissement du champ d'intervention d'as-
sociations existantes, soit par la mise en œuvre d'actions expérimentales.
Les associations ont une fonction particulière dans la lisibilité des besoins et
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des phénomènes sociaux. Sans prétendre qu'elles connaissent l'ensemble des
besoins, on observe que certaines d'entre elles se trouvent en contact de situa-
tions d'exclusion importante pas toujours repérées des services sociaux. Leur
action dans le domaine de l'accueil et de l'hébergement des personnes sans abri
les met en situation de connaître les cas de marginalité importante, celles des
personnes qui se trouvent à la rue. Ainsi la création, dans l'agglomération lilloise,
de la Coordination Mobile d'Accueil et d'Orientation par la plupart des ces CHRS
de ce secteur constitue un pôle d'observation privilégié.
La connaissance qu'ont les associations des difficultés de logement des
personnes démunies les conduisent également à être force de proposition. Elles
expriment les besoins, mettent en exergue la demande, pointent les lacunes des
politiques du logement ou d'action sociale et formulent des propositions d'ac-
tions. Parallèlement à ces démarches dirigées vers les pouvoirs publics, les
associations s'engagent dans des actions nouvelles afin de ne pas laisser sans
réponse les situations dont elles sont témoins.
Ces expérimentations ont concerné tout aussi bien les médiations entre
bailleurs et occupants (sous-location et bail glissant), la création de nouvelles
réponses (hôtellerie sociale, pensions de familles, logements meublés, réponses
à l'urgence), et la mise en place de nouvelles modalités de mobilisation des
logements (agences immobilières à vocation sociale).

1.4 La compétence et l'expertise reconnue par les différents acteurs.


La loi sur le RMI puis la loi Besson ont marqué la volonté des pouvoirs publics
d'apporter des réponses aux situations des plus démunis en assurant un
minimum de ressources puis en introduisant le droit au logement. L'accès au
logement passe par un chaînage d'actions qu'un même acteur est rarement
capable de couvrir de façon satisfaisante. Personne ne possédant toutes les
clés, on découvre l'importance de recourir à une large panoplie d'acteurs appor-
tant une complémentarité de savoir-faire, parmi lesquels on trouve les asso-
ciations.

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Les ouvertures manifestes de la loi Besson en direction des associations et


la volonté du législateur de les promouvoir dans le nouveau champ des politiques
très sociales du logement pour en assouplir les rigidités laissent espérer aux
associations elles-mêmes une reconnaissance accrue et une consolidation finan-
cière. Les principaux acteurs manifestent à l'égard du secteur associatif une
attente raisonnée, l'estimant en mesure de développer une capacité de réponse,
soit sous forme de prestations de services, soit sous forme de cadre de référence
(MAUREL, 1992).
Les attentes que formulent les pouvoirs publics à l'égard des associations
sont fondées sur l'ancrage de celles-ci dans le champ de l'action sociale, leur
proximité avec les populations en difficulté, la connaissance qu'elles ont de leurs
besoins et leur capacité à développer des missions d'accompagnement. Elles ont
acquis de longue date une compétence dans plusieurs domaines : montage
d'opérations d'amélioration de l'habitat pour les PACT, accompagnement social
pour les associations en contact avec des populations particulières. Dans ce
second domaine, le RMI a suscité ou permis le développement de nouvelles
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initiatives dans bon nombre de départements. L'accompagnement social lié au

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logement a occupé une place particulière dans la région du Nord-Pas de Calais,
les PACT s'étant fortement engagés dans cette voie, mobilisant près de la moitié
des financements que le Ministère des Affaires Sociales versaient pour
l'ensemble du territoire français.

1.5 La participation à la définition des orientations d'actions.


La participation des associations à la définition des orientations d'actions fait
l'objet d'interprétations variables. Les travaux qui ont porté sur la mise en œuvre
des plans départementaux et leur évaluation ont souvent fait ressortir le fait que
les associations étaient peu mises à contribution dans la phase de conception
des plans départementaux. Des discussions qui ont eu lieu sur le thème de la
représentation des associations lors des journées d'étude qu'a tenues la FNARS
(fédération nationale des associations de réinsertions sociale) à Lille en 2000,
émerge le même constat. Bien que les associations soient, dans la plupart des
départements, représentées dans les instances de pilotage du plan, elles ne
peuvent empêcher des négociations conduites entre les services de l'État et du
Conseil général en dehors de ces instances. On cite également l'exemple dans
un département de la création d'un bureau permanent, instance non prévue dans
la loi, dans lequel les associations ne sont pas représentées.

2. Les changements introduits par cette implication des


associations.

2.1 L'émergence de nouvelles pratiques.


La question est de savoir si la mise en place des plans départementaux a
permis le développement d'initiatives nouvelles et le renouvellement des modes
d'intervention ou s'il a plutôt renforcé les actions existantes et les associations
établies. On observe, en tout état de cause, que la politique en faveur du loge-
ment des personnes défavorisées a entraîné un élargissement du position-

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nement des associations avec, en particulier, le passage de l'action sociale à l'in-


tervention immobilière. Les associations ont pris en charge des formes d'habitat
temporaire et également des interventions dans le champ du logement ordinaire.
Certaines associations avaient déjà une pratique de l'immobilier et ont élargi ou
conforté leur action : c'est le cas des PACT. D'autres se sont créées autour de
projets et se sont investies de façon plus spécifique dans ce nouveau domaine
d'action : c'est le cas par exemple d'agences immobilières à vocation sociale.
L'application de la loi Besson a permis l'émergence de pratiques innovantes dans
la région Nord - Pas-de-Calais comme ailleurs.
Pour être reconnues et agréées comme prestataires de l'accompagnement
social, les associations ont dû se doter de travailleurs sociaux spécialisés lorsque
ce n'était pas le cas, ce qui a entraîné un mouvement de professionnalisation. En
effet, des associations comme les PACT qui assuraient auparavant des missions
de gestion personnalisée employaient des personnes motivées par l'action
auprès des personnes démunies, ayant parfois un profil de militant, mais n'ayant
pas toujours la qualification dans le domaine du travail social qui est aujourd'hui
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requise. Il en va de même pour certaines associations accueillant des personnes

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à la rue qui ont, au moins dans un premier temps de leur existence, fonctionné
avec des bénévoles. Ce mouvement de professionnalisation a répondu à la fois
à une exigence des financeurs de l'accompagnement social et à une évolution
interne des associations encouragée tantôt par leurs équipes de direction, tantôt
par leurs conseils d'administration.

2.2 Des missions nouvelles encore peu reconnues.


La production et la gestion des logements très sociaux exigent l'organisation
de missions ou de services qui ne sont pas toujours clairement identifiés et en
tout cas peu reconnus par les autres acteurs.
C'est le cas notamment de la gestion locative adaptée, mission qui se situe
entre la gestion locative classique assurée par les organismes d'HLM et l'ac-
compagnement social lié au logement. Il s'agit avant tout d'activités de gestion
immobilière qui exigent des pratiques particulières du fait de la spécificité des
ménages logés et des logements à gérer. Dans la pratique, ces activités sont
fréquemment confondues avec les missions d'accompagnement social.
À défaut d'un affichage précis du contenu et des contraintes de la gestion
locative adaptée, les différents partenaires, tout en reconnaissant son utilité, n'en
mesurent pas tous les enjeux et toutes les implications, que ce soit sur le plan
social ou sur le plan des coûts et des risques. Le manque de vision partagée par
tous de l'objet et du contenu de la gestion locative adaptée est d'ailleurs à relier
aux différences d'appréciation quant aux objectifs sociaux des démarches
engagées.

2.3 Une évolution du positionnement des associations.


L'inscription des associations dans les politiques sociales du logement a
généralement permis de conforter leur action et de mieux répondre aux besoins
des populations avec lesquelles elles sont en contact. Mais ceci s'est produit au
prix d'une évolution des modalités de financement et de l'organisation des inter-
ventions. Des réflexions et des discussions ont eu lieu dans la plupart des asso-

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ciations à propos de ces évolutions et des choix qui en découlent. Ceci a


généralement été l'occasion d'affirmer certains principes ou de se déterminer
face à certaines modalités d'intervention.
Bien que les associations cherchent avant tout à agir en faveur des popula-
tions pour lesquelles elles ont été créées, leur inscription dans les dispositifs
issus de la loi Besson les a parfois conduites à adopter une démarche plus
gestionnaire. Il peut en résulter des contradictions et des conflits internes à
propos de situations délicates comme l'expulsion de ménages auxquels elles ont
mis à disposition un logement dans le cadre de location ou de sous-location. On
observe aussi un conflit entre la fonction gestionnaire, avec la nécessité d'une
professionnalisation, et le souhait de conserver une fonction d'interpellation.
Néanmoins, bon nombre d'associations continuent à manifester leur attachement
à des principes concernant le type d'actions à mener et le type de relations à
établir avec les personnes visées par les actions. On observe parfois un partage
des rôles entre les administrateurs qui s'expriment sur le mode de l'interpellation
et les professionnels salariés qui agissent dans le cadre défini avec les pouvoirs
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publics, intégrant de ce fait les contraintes qui y sont associées.

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À l'inverse, le fait que les associations prennent en charge des situations
complexes exigeant un investissement important leur donne une force et une
légitimité. Elles sont alors en mesure de pointer les dysfonctionnements et de
conserver une fonction d'interpellation. L'interpellation des pouvoirs publics est
souvent fondée sur une démarche de réflexion et d'analyse de l'action. Ainsi une
association lilloise, qui regroupe comme membres une cinquantaine de services
sociaux, équipements de quartier et associations, anime depuis sa création en
1986 une commission action recherche. De nombreux thèmes ont été traités : le
logement des jeunes, le logement adapté, les inégalités des aides au logement,
l'accompagnement social… Les conclusions de ces réflexions sont, dans
certains cas, adressées aux députés en particulier lorsque la réglementation
s'avère inadaptée. Ce type de démarche vient compléter le lobbying des fédéra-
tions avec parfois des circuits plus courts.

3. Les relations des associations avec les pouvoirs publics.


Après avoir introduit la notion de partenariat couramment évoquée, nous
observons les évolutions des relations entre les associations et les pouvoirs
publics. Nous élaborons ensuite une typologie au regard de ces relations. Puis,
à partir d'une observation du volet financier de ces relations, nous évoquons la
question de l'équilibre entre autonomie et dépendance.

3.1 Le partenariat : un nouveau mode de l'action publique ?


L'article 7 de la loi Besson fait explicitement référence à la notion de parte-
naire pour évoquer la diversité des acteurs invités à s'associer, les associations
apparaissant dans la liste des acteurs cités. Par partenariat, il faut entendre l'or-
ganisation d'une forme collective qui complète ou vient se substituer à l'action
isolée des acteurs y adhérant. Dans sa forme idéale, cette organisation se fonde
sur la poursuite d'objectifs précis, partagés, et sur lesquels s'est dégagé un

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consensus. Elle repose sur l'engagement volontaire des acteurs, sur la collabo-
ration, la recherche d'avantages mutuels et l'existence de formes de régulation
entre les acteurs.
Le compte-rendu d'ateliers entendus lors des journées d'étude de la FNARS
de novembre 2000 donne des indications sur la manière dont les associations
abordent le partenariat. Selon celles-ci, le partenariat suppose d'abord de se
connaître et de partager des valeurs - on ne parle pas nécessairement de valeurs
identiques, mais de valeurs compatibles - puis de définir des objectifs en
commun qui peuvent être ponctuels ou durables et de définir des moyens
combinés dans un respect des équilibres et des contraintes de chacun. On
considère que le partenariat doit être établi en amont des projets afin d'éviter l'in-
strumentalisation des associations, que celle-ci soit réelle ou supposée, et qu'il
doit intégrer d'entrée de jeu l'évaluation afin que celle-ci ne soit pas vécue
comme un contrôle.
À certains égards, le terme de partenariat semble abusif pour qualifier une
relation fortement marquée par l'inégalité des forces en présence. Cette inégalité
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repose sur une tradition française des pouvoirs publics face aux associations
ainsi que sur une fragilité inhérente à l'identité associative qui semble constam-
ment animée à la fois par une volonté de reconnaissance et par une peur de
dépendance qu'induit cette proximité de la sphère publique. Les associations
sont reconnues en tant que sous-traitants mais pas en tant qu'acteurs participant
à la définition des politiques. L'action des associations est souvent définie en
« creux » : elles interviennent là où les pouvoirs publics ne peuvent pas intervenir.

3.2 D'une implication dans la conception des politiques à un rôle de


prestataire.

Évolution des rapports entre les associations et les pouvoirs publics.


Les formes de relations qui s'établissent entre les associations et les pouvoirs
publics évoluent au cours du temps. Pendant la période d'expansion
économique, ont dominé des rapports de tutelle entraînant un contrôle des
pouvoirs publics et une standardisation des services. Depuis les années quatre-
vingt, on assiste à l'instrumentalisation du monde associatif en tant qu'outil du
traitement social du chômage. Ainsi, les associations ont-elles été de plus en plus
contraintes de se financer sur des mesures de type CES, relayées aujourd'hui
par les emplois-jeunes. Et, depuis quelques temps, apparaît une troisième
modalité, celle des appels d'offre et de la mise en concurrence dont l'effet est de
nier la réalité et la spécificité associatives (UNIOPSS, 1999). Peu concernées par
la première étape, les associations qui œuvrent dans le champ du logement des
personnes défavorisées le sont davantage par les deux autres modalités décrites
ici, instrumentalisation et mise en concurrence.
Le développement du rôle joué par les associations dans la mise en œuvre
des politiques publiques en général, et des politiques en faveur du logement des
personnes défavorisées en particulier, traduisent ainsi des transformations :
- le degré et la complexité de certaines difficultés et la nécessaire adaptation
des politiques exigent en réponse des solutions sans cesse renouvelées, faisant
appel à des compétences nouvelles et à un esprit d'innovation ;

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- dans un contexte de contrainte budgétaire, il est préférable pour les pouvoirs


publics de financer des actions de manière ponctuelle, ou même de manière
renouvelée, plutôt que d'assurer en permanence la charge du fonctionnement
d'un service ;
- la décentralisation a été l'occasion de reconsidérer les formes de prise en
charge et le choix des opérateurs, entraînant un redéploiement ou une réorga-
nisation des moyens et parfois une ouverture à de nouveaux opérateurs.

Une typologie des associations en fonction de leurs rapports avec les


pouvoirs publics.
La nature et l'importance des liens établis avec les pouvoirs publics varient
d'une association à l'autre. On peut d'ailleurs dresser une typologie en fonction
de la nature de ces liens :
- les associations para-administratives. Certaines collectivités territoriales
créent une association pour la prise en charge d'un service ou d'actions qui s'ins-
crivent dans leurs orientations, l'avantage étant une plus grande souplesse de
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fonctionnement par rapport à une certaine rigidité administrative ;
- les associations gestionnaires. Cette catégorie d'associations est la plus
importante dans le champ qui nous intéresse, bon nombre d'associations mettant
en place des actions ou gérant des services qui relèvent d'une mission de service
public. L'association se situe alors comme opérateur privé d'une politique
publique. Mais il s'agit d'un opérateur privé qui ne recherche pas le profit et qui
est guidé par la recherche de l'intérêt général ;
- les associations militantes (ou revendicatrices). Il s'agit d'associations qui
défendent les intérêts collectifs d'un ensemble d'individus et qui ont une fonction
de représentation des citoyens auprès des services publics. Sans gérer des ser-
vices en tant que tel, ces associations sont conduites à prendre en charge une
fonction d'accueil des personnes en organisant des permanences dans le cadre
desquelles elles dispensent une information, juridique notamment, en réponse
aux situations présentées.
Une grande diversité de positionnements et de fonctions des associations.
Le caractère non figé et récent des évolutions relevées, comme le rapproche-
ment entre politique du logement et action sociale, induit une grande diversité de
positionnements et de fonctions pour les associations impliquées. Une première
typologie conduit à distinguer :
- la participation aux réflexions préalables ou/et au débat public sur les orien-
tations ;
- la participation à la définition des moyens et des modalités de contractuali-
sation ;
- la mise en œuvre par actions qui se répartissent tout au long de la chaîne
accueil/construction de réponses/proposition d'offre/gestion accompagnement
social, et selon aussi les types de réponses logements qui sont proposées ;
- la participation à la construction de la connaissance et à l'évaluation des
politiques, y compris dans le cadre de lieux officiels prévus à cet effet.
Ces fonctions assurées par les associations s'organisent aux niveaux national
et départemental et parfois local. Elles le sont directement par les associations

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ou par des réseaux ou des fédérations dans lesquels s'inscrivent les associa-
tions. Elles se fondent sur une légitimité qui s'analyse tant vis-à-vis des popula-
tions elles-mêmes (avec une fonction de représentation des « sans voix ») que
vis-à-vis des partenaires publics ou autres (avec les diverses dimensions de l'ex-
pertise).
Un marché de la commande publique.
Si l'on s'intéresse plus précisément à la mise en œuvre des politiques, les
évolutions que l'on peut observer depuis la décentralisation peuvent conduire à
considérer la commande publique comme un marché avec une offre et une
demande (MENARD, 1997). Ainsi dans le champ de la politique du logement des
démunis, les DDE et les Conseils Généraux recherchent des maîtres d'œuvre
pour l'accueil et l'orientation des personnes rencontrant des problèmes de loge-
ment, la production de logements d'urgence ou encore la mise en œuvre de l'ac-
compagnement social. Dans un tel schéma, les associations sont des acteurs de
l'offre soumis à un régime de concurrence (BOURGEOIS, 2001). Elles proposent
une palette de services, le choix des services offerts étant guidé par les attentes
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ou les besoins des populations destinataires, mais également pour une large part
par les caractéristiques des dispositifs publics. Ceux-ci forment des créneaux
dans lesquels les associations cherchent à s'inscrire afin de bénéficier de
financements et d'assurer la pérennité de leur activité.
Ce type d'évolution exige un savoir-faire et un investissement importants afin
d'élaborer des projets, de les présenter en respectant les critères administratifs
des institutions susceptibles de les financer, puis de produire des rapports d'ac-
tivité et des éléments d'évaluation afin de justifier l'utilisation des financements et
d'obtenir leur renouvellement. II soulève aussi la question des capacités de négo-
ciation (pour chaque association ou pour leurs réseaux) et des modalités et
conditions de contractualisation.

3.3 Le risque d'instrumentalisation


Le risque que l'on observe pour les associations d'insertion par le logement
tout comme pour celles agissant dans d'autres champs de l'action publique est
d'être instrumentalisé. Ces associations définissent leur action en fonction des
contraintes et des critères des pouvoirs publics, exécutent des missions sans
intervenir dans la conception des dispositifs publics et perdent, de ce fait, tout ou
partie de leur capacité d'interpellation. Cette analyse de la dépendance à l'égard
des pouvoirs publics permet de décrire une tendance générale mais ne rend pas
compte de la diversité du secteur associatif même si on se limite au champ de
l'insertion par le logement. On peut aussi s'interroger sur les relations entre les
associations et d'autres acteurs des politiques du logement comme les orga-
nismes d'HLM.
La préoccupation du secteur associatif est d'avoir un positionnement claire-
ment identifié et distinct des pouvoirs publics. Mais ce positionnement peut varier
entre une proximité importante (associations para-administratives) et un relatif
éloignement (associations revendicatrices). Ce positionnement est lié à l'objet
même de l'association et à la nature de son activité mais aussi à la nature des
relations financières qu'elle a avec les pouvoirs publics. Ce qui est en jeu, c'est
également la question de l'autonomie versus la dépendance, certaines associa-

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tions cherchant à structurer leur financement de façon à préserver une


autonomie. A l'inverse, d'autres associations - et c'est le cas le plus fréquent - se
trouvent de fait dans une situation de dépendance parce que l'essentiel de leur
financement provient des pouvoirs publics et que celui-ci n'est généralement pas
assuré dans la durée mais fait l'objet de décisions pouvant être remises en cause
d'une année sur l'autre.
Dans le champ des politiques du logement, les CHRS ont une position parti-
culière et comparable à un schéma répandu dans le champ de la santé. Le
financement provient pour la quasi-totalité du Ministère des Affaires Sociales
sous forme de budget annuel et son montant correspond à des ratios précis liés
au nombre de places d'hébergement : on est dans le cas d'une tutelle. Ceci ne
signifie pas pour autant que la dépendance est complète. En effet la plupart des
CHRS sont gérés par des associations et celles-ci ont toujours la possibilité d'af-
firmer des objectifs et d'élaborer un projet qui leur sont propres, dès lors que les
règles fixées par l'administration sont respectées. On peut même considérer que
l'agrément et l'assurance d'un financement dans la durée procurent aux asso-
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ciations gestionnaires de CHRS une stabilité et une certaine liberté dans la

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conduite de leur action, la recherche de l'équilibre financier ne nécessitant pas
autant d'énergies que pour les associations n'ayant pas un agrément de ce type.
Une marge de manœuvre existe également pour les associations vivant de
subventions. Même si la tentation des pouvoirs publics est souvent de chercher
à faire entrer les associations dans les « cases » des financements, celles-ci
essaient de conserver une certaine autonomie et de rester fidèles par rapport à
leurs orientations soit en négociant avec les pouvoirs publics, soit en présentant
leur action de façon à correspondre à leurs normes. L'écart qui peut exister entre
la mise en œuvre des actions et la façon dont elles sont présentées dans un
rapport d'activité ne traduit pas une volonté des associations de travestir la réalité
mais résulte de la rigidité de certaines règles de financement et est souvent
connu des financeurs eux-mêmes.
Au-delà de l'aspect financier, le degré d'autonomie est également lié à la
représentation des financeurs dans les conseils d'administration, représentation
qui est, soit imposée par ceux-ci, soit souhaitée par les associations. On est alors
en présence d'une relation formelle que l'on peut d'ailleurs interpréter de
différentes façons. Cette présence des financeurs dans les instances de décision
des associations peut être associée à la volonté d'exercer un contrôle ou au
minimum une certaine vigilance sur la gestion. Elle peut aussi traduire la volonté
des pouvoirs publics d'être impliqués dans la conduite des actions et de ne pas
laisser les associations seules dans la prise en charge de missions qui concer-
nent l'intérêt général.
Les associations revendicatrices recherchent généralement une autonomie
financière par rapport aux pouvoirs publics afin de conserver leur liberté de
parole. Ainsi dans sa charte, le DAL (Droit au logement) stipule de manière
explicite, que dans un souci d'indépendance, le comité local ne doit pas prendre
en charge des missions déléguées et financées par l'État ou des collectivités
territoriales comme par exemple des missions d'accompagnement social, de
maîtrise d'ouvrage, d'hébergement d'urgence qui auraient pour conséquence de
réduire les capacités d'interpellation.

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4. Conclusion.
Les associations considèrent que la mise en concurrence va à l'encontre d'un
certain nombre de prestations associatives où le service produit doit être acces-
sible à tous alors que les intervenants du marché pratiquent un écrémage de la
clientèle. (UNIOPSS, 1999). La satisfaction des besoins des populations défa-
vorisées n'est pas vraiment compatible avec une logique de sous-traitance. Elle
exige plutôt une logique de partage des responsabilités et des compétences afin
de pouvoir répondre à la diversité des situations. En fait, les pouvoirs publics -
État, collectivités territoriales - sollicitent les associations lorsque les autres
acteurs ne sont pas dans la capacité d'intervenir. On pourrait imaginer au
contraire que les associations aient une mission clairement identifiée et reconnue
par tous qui impliquerait un rôle - aux côtés des autres acteurs - aussi bien en
matière de conception des politiques et d'affectation des financements que de
mise en œuvre des actions.
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CRESGE (CNRS)
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Fax : 0033.3.20.13.40.70
Courriel : laubree@cresge.fr

Bibliographie.
AUBRÉE L., Un nouveau champ de l'action publique ? , in : BALLAIN R, BENGUIGUI F. Loger
les personnes défavorisées, une politique publique sous le regard des chercheurs, La
Documentation française, 1995, p. 211, 221.
BALLAIN R., Avec l'insertion par le logement, de nouvelles figures d'associations, in Le foison-
nement associatif, Les annales de la recherche urbaine, n° 89, 2001, p.120-128.
BOURGEOIS C., Les associations face aux nouvelles politiques du logement, in Le foison-
nement associatif, Les annales de la recherche urbaine, n° 89, 2001, p.120-128.
CALCOEN F., Le droit au logement : de l'affirmation à la concrétisation, « Ve conférence inter-
nationale de recherche sur le logement », Montréal, 1992.
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MAUREL E., MARRON P., Le droit au logement et les associations, GREFOSS, 1992, 99 p.
MENARD F., Transformations de l'État et recomposition de la vie associative, in Produire les
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UNIOPSS, Avec les plus fragiles, s'associer pour le développement de tous, Actes du 26e
Congrès de l'UNIOPSS, 1999,195 p.

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