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Chapitre 7 - La politique de change

Séance 7. La politique de change

1. Introduction
La politique de change est au centre des débats de politique économique dans les pays industriels
comme dans les pays émergents. De multiples exemples attestent de son importance :
• en France, le choix de participer au système monétaire européen (SME) en 1979, de s’y maintenir
en 1982-83, de renoncer aux dévaluations à partir de 1987, de défendre la parité du franc face au
mark en dépit d’attaques spéculatives en 1992-93, et enfin d’entrer dans l’euro en 1999, a
fortement structuré la stratégie économique. On peut notamment y relier la politique de
« désinflation compétitive » initiée au milieu des années quatre-vingt, et l’ajustement budgétaire de
la seconde moitié des années quatre-vingt dix. L’impact de ces choix sur la croissance, l’emploi,
l’inflation a été considérable. Ils ont fait l’objet de débats très vifs.
• au Royaume-Uni, la stratégie a été différente : entrée tardive dans le mécanisme de change du
SME (en 1990), sortie précoce sous la pression des marchés (en 1992). Cela a amplifié la
divergence des cycles économiques à l’égard du continent. La question de la participation à l’euro
a structuré le débat de politique macro-économique britannique, et le débat politique tout court,
durant les années 2000 à 2003. L’année 2003 a été marquée par les refus britannique (par échec
aux « cinq tests » proposés par le Chancelier de l’Échiquier, Gordon Brown) et suédois (par
referendum) ;
• aux Etats-Unis, la politique du « dollar fort » initiée par le secrétaire au Trésor, Robert Rubin, en
1995 a contribué à l’expansion des dernières années en attirant les capitaux étrangers nécessaires
au financement de l’investissement. Depuis le printemps 2002, le dollar s’est fortement déprécié
sans que le solde extérieur américain ne se redresse. Les Etats-Unis ont alors accusé les
économies asiatiques, et notamment la Chine et le Japon, de ne pas jouer le jeu de la flexibilité. Ces
pressions politiques reflètent des demandes protectionnistes croissantes de la part des secteurs
industriels ;
• L’adoption d’un régime de changes fixes a été la pièce centrale des stratégies de stabilisation
macro-économique de nombreux pays émergents (Argentine, Brésil, Israël, etc..) dans les années
quatre-vingt et les premières années quatre-vingt dix. De même, beaucoup de pays en transition
(Pologne, Russie, etc..) ont adopté cette même stratégie pour garantir la stabilité monétaire dans
les premières années de la transition vers l’économie de marché. Certains (Estonie, Bulgarie,
Argentine jusqu’en janvier 2002) sont allés jusqu’à se priver volontairement de l’autonomie
monétaire en mettant en place des caisses d’émissions (currency board) voire à abandonner leur
monnaie (Equateur).
• Ces mêmes régimes de changes fixes sont en partie à l’origine des crises financières des années
1997-1999, notamment parce qu’ils ont encouragé les résidents à emprunter en devises (en
négligeant le risque de change) alors que leurs actifs étaient libellés en monnaie locale (currency
mismatch), rendant leurs bilans très fragiles en cas de dévaluation. Les pays émergents d’Asie, qui
avaient généralement adopté des régimes de change fixes mais ajustables, ont subi des crises
violentes et extrêmement coûteuses. La Russie a subi une débâcle financière. L’exemple le plus
récent est l’Argentine, privée par son currency board de tout instrument de réaction au
ralentissement économique, et qui a du l’abandonner au début 2002.

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2. La politique de change en pratique


Le taux de change est le prix relatif des monnaie de deux pays. Ce prix relatif est constaté lors de tout
échange entre des biens ou entre des actifs nationaux et étranger. Dans les pays où le système
financier est peu développé, il peut exister autant de taux de change que de transactions (on parle alors
de taux de change informels). Dans la plupart des pays, cependant, il existe un marché spécifique pour
les échanges de devises, appelé marché des changes. Les opérations se traduisent par des jeux
d’écriture entre comptes bancaires : le « bien » échangé est donc de la monnaie (M1). Si le marché est
suffisamment liquide, les arbitrages assurent à chaque instant l’unicité du taux de change entre deux
pays et la transitivité entre taux de change croisés (si un euro vaut 0,9 dollar et un dollar vaut 130 yens,
alors un euro vaut 0,9x130 = 117 yens).

a) Le fonctionnement du marché des changes


Le marché des changes est un marché « de gros » ou n’interviennent que des intermédiaires financiers,
parfois des trésoriers d’entreprise : pour le client final (entreprises, particuliers), l’unicité du taux de
change et les relations d’arbitrage ne sont en général pas vérifiées du fait des commissions perçues.

Le marché des changes a connu un développement considérable au cours des années 1990 du fait de
trois facteurs : (i) le développement du commerce international ; (ii) la libéralisation des mouvements de
capitaux (une opération de change n’est plus nécessairement justifiée par une transaction « réelle ») ;
la sophistication des techniques financières de gestion des risques, qui se traduit par des transferts
successifs du risque de change (mécanisme dit de la « patate chaude » décrit par Davanne, 1998) et
par le développement des marchés dérivés (marchés à terme et des options). Le montant des
transactions sur le marché des changes a atteint jusqu’à 1490 milliards de dollars par jour en 1998 (dont
568 milliards pour les transactions au comptant) mais s’est replié à 1210 milliards en 2001 (dont 387
milliards pour les transactions au comptant -enquête triennale de la Banque des règlements
internationaux). Ce repli est dû à la disparition des monnaies de la zone euro, des regroupements dans
le secteur bancaire et du développement du trading électronique. Le volume quotidien des transactions
de change représente tout de même environ 10 fois la production mondiale quotidienne, et 60 fois le
commerce international.

Les principaux couples de devises échangés sont l’euro-dollar (30% des transactions), le dollar-yen
(20%) et le dollar-sterling (20%). Le rôle véhiculaire de la monnaie américaine se manifeste par le fait
que seulement 10% des transactions de change ne font pas intervenir le dollar. Cependant les
transactions sont réalisées principalement à Londres (31%) New-York (16%), et Tokyo (9%).

Le marché des changes a longtemps fonctionné de manière complètement décentralisée, la négociation


étant menée par téléphone entre les deux parties sur la base des derniers prix offreur (bid) et
demandeur (ask) affichés sur les écrans. A la différence du marché boursier, il n’y a donc aucune
transparence sur les transactions non réalisées (carnets d’ordre), c’est à dire sur les formes des courbe
d’offre et de demande. Ceci contribue à expliquer que le marché des changes soit un des plus volatils à
très court terme (on peut observer des variations de prix brutales en un temps très court après une
nouvelle macroéconomique ou quand une transaction « révèle » de l’information précédemment
cachée). Le développement des transactions électroniques pourrait apporter plus de transparence au
fonctionnement du marché.

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b) Régime de change et convertibilité

Le premier élément d’une politique de change est le choix d’un régime de change, qui spécifie d’une
part la réglementation du marché des changes, d’autre part la manière dont les autorités souhaitent (ou
ne souhaitent pas) influencer les cours. Le régime de change suppose un engagement durable sur des
règles de politique économique car il faut se donner les moyens de le faire respecter et il doit être
cohérent avec les politiques monétaire et budgétaire. C’est pourquoi il fait l’objet d’une déclaration au
Fonds monétaire international (FMI), institution dont le rôle statutaire est de surveiller l’équilibre des
paiements mondiaux et d’aider les pays qui éprouvent des difficultés temporaires à défendre leur
régime de change. Il peut évidemment être modifié, mais ces changements ne peuvent être trop
fréquents.

Convertibilité des transactions courantes


Une méthode archaïque consiste à fixer le prix (ou les prix, dans le cas de taux de change multiples
différents à l’exportation et à l’importation ou selon le type de produits) par voie administrative, et à
réguler ensuite les quantités en soumettant toute transaction avec l’extérieur à des autorisations
(licences d’exportations et d’importations, par exemple). Il s’agit de systèmes dans lesquels la monnaie
est dite non convertible, c’est-à-dire que l’on ne peut librement effectuer des transactions contre
d’autres monnaies. C’était par exemple le cas avant 1990 des monnaies des pays du bloc soviétique,
mais aussi de celles des pays ouest-européens avant 1958 et de celles de nombreux pays en
développement jusqu’à une date récente.
Dans les autres cas, on dit que la monnaie est convertible, et on distingue :
• la convertibilité du compte courant, qui ne porte que sur les transactions courantes : exportations et
importations de biens et services, transferts courants, revenus du travail et des investissements.
C’est encore la cas de certains pays en développement, notamment la Chine ;
• la convertibilité du compte financier (anciennement appelé « compte de capital »), qui autorise
toutes les transactions sans justification (c’est la même chose que la liberté des mouvements de
capitaux). C’est le cas de tous les pays développés. La proportion de pays à monnaie convertible
dans un sens ou dans l’autre a considérablement augmenté au cours des dernières décennies.

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Graphique 7.1 : Proportion de pays en développement à monnaie convertible

Source : Mussa and al. (2000).

Typologie des régimes de change

Dès lors que la monnaie est convertible, le taux de change s’ajuste en principe librement en fonction de
l’offre et de la demande. Les autorités peuvent cependant choisir de restreindre cette liberté. En effet,
le taux de change est un prix relatif spécial, en ce qu’il affecte tous les prix d’un pays relativement aux
autres pays. Tous les gouvernants attachent donc un intérêt particulier à l’évolution du taux de change
et cherchent parfois à en stabiliser les mouvements. On distingue (1) des régimes de change fixe par
rapport à une grande monnaie ou (plus rarement) un panier de grandes monnaies, (2) des régimes de
flottement encadré, dits régimes « intermédiaires » et (3) un régime de flottement pur (voir encadré 7.1
pour une typologie plus fine).

Encadré 7.1 - Typologie des régimes de change, du plus flexible au plus contraignant

Régime Exemple
(1) Changes fixes
1 Union monétaire UEM ; Zone franc
1’ Dollarisation, euroïsation Panama, Equateur / Monténégro, Kosovo, Monaco …
1’’ Caisse d’émission Hong Kong, Estonie, Lituanie, Argentine (jusqu’à fin 2001)
(currency board)
(2) Régimes intermédiaires
2. Fixe mais ajustable, Mécanisme de change européen

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avec ou sans bande de fluctuation


2’ Idem avec bande très étroite Chine, Autriche, Pays-Bas jusqu’en 1999
2’’ Ancrage glissant Chili, Mexique, Pologne, Israël dans les années 1990
(crawling peg)
(3) Changes flottants
3 Flottement administré Pays de l’ASEAN, Mexique, Brésil contre dollar
(managed float) (interventions fréquentes)
3’ Flottement pur dollar/euro/yen/livre sterling/franc suisse/dollar canadien
(free float) (interventions possibles mais rares)

Répartition en décembre 2002


Selon le FMI, sur 56 pays développés et émergents (i.e. hors pays les moins avancés), la répartition était :
Ø 41 pays sans monnaie nationale : UEM (12 pays) + UEMOA (8 pays) + CEMAC (6 pays) + zone Caraïbe (6
pays) + Équateur, El Salvador, Kiribati, Îles Marshall, Micronésie, Palau, Panama , San Marino, Timor
oriental).
Ø 7 pays avec une Caisse d’émission : Bosnie Herzégovine, Brunei Darussalam, Bulgarie, Hong Kong, Djibouti,
Estonie, Lituanie.
Ø 42 pays avec ancrage fixe dont 32 par rapport à une seule monnaie.
Ø 5 pays avec bandes de fluctuation horizontales : Danemark (+/-2,25%), Chypre (+/-15%), Egypte (+/-3%),
Hongrie (+/-15%), Tonga (+/-5%).
Ø 5 pays avec ancrage glissant : Bolivie, Costa Rica, Nicaragua, Îles Salomon, Tunisie.
Ø 5 pays avec ancrage glissant + bandes de fluctuation : Biélorussie, Honduras, israël, Roumanie, Slovénie.
Ø 45 pays en flottement administré, dont Indonésie, Thaïlande, Vietnam, Inde, Singapour, Argentine,
République tchèque, Slovaquie, Croatie.
Ø 37 pays en flottement libre, dont Australie, Brésil, Canada, Chili, Corée, Mexique, Nouvelle Zélande, Norvège,
Philippines, Pologne, Afrique du sud, Suède, Turquie, Royaume-Uni, Suisse, Etats-Unis.

(1) Les changes fixes. Comment assurer un taux de change fixe dès lors que les transactions sont
libres ? Deux grandes options sont possibles :
- la banque centrale s’engage à assurer la conversion en devise de manière illimitée au taux fixé. La
crédibilité de cet engagement dépend essentiellement du niveau des réserves en devises de la
banque centrale. Dans le cas où cet engagement ne s’accompagne pas de contraintes sur la
politique monétaire, il est vulnérable à une attaque spéculative qui épuise les réserves en devises
(cf. les modèles de crise de balance des paiements, cours d’économie internationale de Patrick
Artus). C’est ce qui s’est passé en Asie en 1997/98. Mais en principe, l’engagement est
parfaitement crédible dès lors que la banque centrale n’a pas le droit d’émettre la monnaie
nationale au delà du niveau des réserves en devises : on parle alors de « caisse d’émission » ou
currency board (litt. directoire monétaire). C’est le cas de Hong Kong (contre dollar), de
l’Estonie (contre euro) ou de la Lituanie (contre euro à partir de 2002) ;
- la monnaie nationale est supprimée. On distingue alors l’adoption de la monnaie d’un autre pays
(dollarisation, euroisation, cf. Monaco, Andorre, Panama ou l’Équateur) ou la fusion des monnaies
en une monnaie unique (zone euro). La différence principale entre ces deux cas est le mode de
décision de la politique monétaire commune (il n’y a pas de représentant équatorien au FOMC).

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(2) Un régime de change intermédiaire est caractérisé par un mécanisme de stabilisation explicite,
qui comprend un objectif (ancrage constant ou « glissant » de régulièrement au cours du temps) et
éventuellement des bandes de fluctuation maximale tolérées de part et d’autre de cet objectif.

(3) Enfin, même les régimes de taux de change flottants sont sujets à des interventions
discrétionnaires des autorités en cas de dérive ou de volatilité considérée comme excessive. Suivant
que ces interventions sont fréquentes ou non, on parlera de flottement « géré » ou de flottement
« pur ».

Les crises des pays émergents de 1997/99 ont conduit la plupart des pays émergents à abandonner leur
régime de change intermédiaire (régime 2), au profit d’un taux de change fixe et protégé par des
mécanismes institutionnels (régime1) ou flottant (régime 3) : on parle d’une « disparition du centre »
(hollowing out) ou encore d’une mouvement vers des « solutions de coin ». Le graphique ci-dessous,
tiré d’un article de Stanley Fischer, illustre ce phénomène sur la base de la classification officielle du
FMI (qui peut être discutée car de nombreux pays qui déclarent un taux de change « flottant »
cherchent en fait à le stabiliser contre dollar, voir Bénassy-Quéré et Coeuré, 2000). On reviendra plus
loin sur les raisons de cette évolution.

Graphique 7.2 - Évolution des régimes de change, 1991-1999

Source : Fischer (2001)

c) Les intervention sur le taux de change

Un système de taux de change parfaitement flottants est entièrement régi par les marchés. En
revanche, un système de taux de change fixes suppose des actions spécifiques de la part des autorités
monétaires. Ces dernières sont de trois types :
- des achats ou ventes de devises contre monnaie nationale, qui affectent le niveau des réserves de
change en devises : on parlera d’interventions directes sur le marché des changes ;
- des décisions de politique monétaire, afin d’agir sur l’absorption interne (un ralentissement de
l’économie par le biais de taux d’intérêt plus élevés, par exemple, se traduira par un redressement

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de la balance des paiements courants et une diminution du besoin de financement extérieur), ou, en
cas de mobilité des capitaux, afin d’encourager ou décourager les entrées de capitaux ;
- des déclarations destinées à influencer les anticipations (par exemple, les communiqués publiés
trois fois par an par les ministres des finances et les gouverneurs du G-7).

Encadré 7.2 - Les interventions stérilisées sont-elles efficaces ?


(voir Dominguez et Frankel, 1993)

Suivant une opinion largement répandue, l’efficacité des interventions stérilisées sur le marché des changes est
très faible lorsque les capitaux sont très mobiles. Imaginons, par exemple, que les conditions prévalant sur les
marchés monétaires conduisent à la hausse de la monnaie nationale par rapport à la monnaie étrangère. Si la
banque centrale nationale intervient pour acheter des devises afin de contrer ce mouvement de hausse, mais
stérilise en même temps cette acquisition de devises, les conditions monétaires intérieures ne changeront pas. Les
investisseurs étrangers n’ont alors aucune raison de modifier leur comportement vis-à-vis de la monnaie
nationale. A l’inverse, si l’intervention n’est pas stérilisée, l’acquisition de devises accroît la base monétaire
interne, conduit à une baisse des taux d’intérêt et modifie l’attrait relatif de la monnaie nationale.

Il y a cependant deux canaux par lesquels les interventions, même stérilisées, peuvent être efficaces :

- par un effet de portefeuille lorsque les actifs libellés dans différentes monnaies sont des substituts imparfaits,
les variations de l’offre relative d’actifs nationaux et étrangers vont modifier leur prix relatif, c’est à dire le taux
de change. Reprenons l’exemple d’une banque centrale cherchant à s’opposer à l’appréciation de sa
monnaie. Elle acquiert pour cela des devises, ce qui gonfle la base monétaire. La stérilisation consiste dans ce
cas à vendre des titres pour compenser l’accroissement de la base monétaire qui résulte de l’accumulation de
devises. Au total, par cette intervention stérilisée, la banque centrale accroît l’offre relative d’actifs libellés en
monnaie nationale et en fait baisser le prix relatif, à savoir le taux de change. Les études empiriques,
cependant, tendent à minimiser l’impact de cet effet et son importance pratique.
- de façon plus importante, l’intervention stérilisée peut avoir un effet de signal. En effet, la modification de la
structure de l’actif qu’implique l’intervention, même stérilisée, « mouille » la banque centrale. Par exemple, si
elle vend des devises pour soutenir sa monnaie, elle signale son propre intérêt à ce que la monnaie nationale
ne se déprécie pas (sinon, elle y perd) et peut ainsi contribuer à la crédibilité du taux de change qu’elle pense
approprié. On peut penser que cet effet est particulièrement important lorsque les intervenants sur les
marchés n’ont pas d’idée précise des valeurs d’équilibre raisonnables pour les taux de change et sont
d’autant plus sensibles à ce type de signal.

Pour conduire leurs interventions, les banques centrales ont besoin d’un stock de devises étrangères
(les “ réserves ”), parfois complété par des accords de swaps (échanges croisés de monnaies) entre
elles afin de disposer d’un volume plus important de ressources disponibles en cas de spéculation sur
les devises. En achetant ou en vendant des devises, la banque centrale modifie la “ base monétaire ”,
c’est à dire la quantité de monnaie de banque centrale. Les banques centrales, cependant, notamment
celles qui ont pour objectif premier la stabilité des prix, hésitent en général à laisser leur politique
monétaire varier de façon endogène au gré d’interventions sur les marchés des changes. Ces banques
centrales auront recours à la stérilisation des interventions : elles annuleront l’effet de l’intervention
sur la base monétaire par une opération inverse d’open market. Par exemple, une banque centrale qui
achète des devises pour empêcher sa monnaie de s’apprécier pourra éviter l’impact monétaire
expansionniste en vendant en même temps des titres publics sur le marché. Lorsqu’un pays ne dispose
plus de suffisamment de réserves pour tenir son engagement de fixité du change, il faut ou bien
dévaluer, ou bien changer de régime de change (en passant au flottement), ou bien changer de politique
économique, s’il n’est pas trop tard pour le faire. Les systèmes de taux de change fixe se heurtent de
façon récurrente à un problème de crédibilité concernant la portée de l’engagement à défendre la
monnaie et sur les moyens de le mettre en œuvre.

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Qui est responsable de la politique de change ? Il existe plusieurs modèles en la matière. Aux Etats-
Unis, au Japon, au Royaume-Uni et jusqu’en 1999 en France, c’est le gouvernement qui est seul
responsable de la politique de change. En cas d’interventions sur le marché, la banque centrale ne fait
qu’agir pour le compte du gouvernement. En Allemagne, la Bundesbank avait acquis une large
autonomie en matière de politique de change, compte tenu de la priorité absolue donnée à la stabilité
des prix et de l’interaction entre politique monétaire et politique de change (ainsi, la Bundesbank a
refusé d’intervenir en 1992 pour soutenir la livre sterling et la lire italienne dans le mécanisme de
change européen). Le dispositif retenu pour la zone euro représente un compromis entre ces deux
visions, plus proche cependant de la tradition allemande, ne serait-ce que parce que l’autorité politique
en charge des questions financières, le conseil des ministres des finances, est nécessairement moins
réactive que ne l’est le ministre des finances dans un État souverain.

Encadré 7.3 - La politique de change de l’euro

« Le Traité de Maastricht est ambigu sur la politique de change. Alors qu’elle est distincte de la politique
monétaire, toutes deux ont pour objectif principal la stabilité des prix (article 4). Une politique de change
volontariste, par exemple un euro délibérément faible pour soutenir la compétitivité des entreprises, est donc
exclue. Ensuite, la responsabilité de la politique de change de la zone euro est partagée entre le Conseil des
ministres des finances et la BCE. A la BCE la gestion des réserves de change et la conduite des opérations de
marché, par exemple en vendant des titres en dollars contre des euros pour soutenir la valeur de l'euro. Au
Conseil, la définition éventuelle, sur proposition de la Commission ou de la BCE, d’« orientations générales de la
politique de change » mais à la condition que celles-ci ne mettent pas en danger la stabilité des prix ; au Conseil
également la négociation d'accords monétaires formels avec des pays tiers. La BCE n’a pas fait mystère de son
opposition à tout système de « zones cibles » par lequel les banques centrales s’engageraient à intervenir pour
maintenir le taux de change à l’intérieur d’une bande de fluctuation. En 1987, les accords du Louvre prévoyaient
un système de ce type pour les monnaies du G7 : le respect de cet engagement s’est progressivement révélé
incompatible avec les objectifs de politique économique internes de chaque pays. Cette disposition du Traité n’a
donc été utilisée que pour conclure des accords de change avec de petits pays, par exemple pour l’adoption de
l’euro à San Marin. Ce partage des rôles est différent de celui qui prévaut dans les autres grandes économies : aux
États-Unis et au Japon, la politique de change est la responsabilité exclusive du gouvernement. Comme pour la
politique monétaire, l’influence du modèle allemand est perceptible : la gestion de la parité du mark était
traditionnellement assurée par la seule Bundesbank.

Le « copilotage » du taux de change par les ministres et par la BCE serait rapidement source de frictions si la zone
euro menait une politique de change active, comme le Japon qui pilote au jour le jour l’évolution du yen. Mais un
consensus est rapidement apparu pour considérer que les interventions sur le marché n’étaient souhaitables que
dans des circonstances exceptionnelles, en cas de désajustement manifeste de la parité de l’euro ou d’une
volatilité particulièrement élevée. L’instrument des « orientations générales », trop lourd à mettre en œuvre, n’a
jamais été utilisé. Cette doctrine est proche de celle des États-Unis, qui sont attentifs aux évolutions du dollar
mais interviennent très rarement. Dans les situations de désajustement ou de volatilité, qui sont des situations de
crise, un consensus entre les ministres et la BCE est de toute façon nécessaire. La communication publique des
ministres et des membres du conseil des gouverneurs (l’Eurogroupe a ainsi publié des communiqués en mai et en
septembre 2000 pour regretter la baisse de l’euro) doit être soigneusement préparée, faute de quoi elle perd toute
crédibilité. Après un certain flottement initial, cette nécessité est progressivement mieux comprise. Mais on ne
peut exclure en principe le risque d’un conflit entre les deux institutions, par exemple si des tensions
inflationnistes se développaient dans un contexte de taux de change élevé : conformément à son mandat, la BCE
augmenterait les taux d’intérêt pour lutter contre l’inflation, mais elle aggraverait la surévaluation de l’euro. »

Source : Bénassy-Quéré et Cœuré (2002)

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d) La mesure du taux de change

On distingue plusieurs “ taux de change ”1. Celui que l’on observe sur les marchés est le taux de
change nominal bilatéral, à savoir le prix d’une monnaie par rapport à une autre. Il peut être utile
d’avoir recours à un indicateur plus synthétique sous forme d’un indice des variations du prix de la
monnaie d’un pays par rapport à un panier d’autres monnaies, par exemple le panier constitué par les
monnaies de ses partenaires commerciaux, pondéré par la part de chacun dans le commerce extérieur
du pays considéré. On parlera alors de taux de change effectif nominal.

Graphique 7.3 : Taux de change effectif nominal et réel de l’euro

Taux de change effectif nominal et réel Taux de change nominal effectif et bilatéral
105 105 1,2

1,15
100 100
1,1

Nombre de dollars dans 1 euro


Base 100 en janvier 1999
base 100 en janvier 1999

1,05
95 95

taux effectif réel taux 1


euro/dollar
90 90
0,95
taux effectif taux effectif

0,9
85 85
0,85

80 80 0,8
janv-99 juil-99 janv-00 juil-00 janv-01 juil-01 janv-02 juil-02 janv-03 juil-03 janv-99 juil-99 janv-00 juil-00 janv-01 juil-01 janv-02 juil-02 janv-03 juil-03

Note : une hausse représente une appréciation de l’euro. Le taux de change réel est calculé à l’aide d’indices de
prix à la consommation.
Source : BCE

Le taux de change réel est le prix relatif des biens produits dans deux pays. Si E désigne la valeur en
monnaie locale d’une unité de monnaie étrangère, si P et P* représentent respectivement le niveau des
prix dans le pays considéré et à l’étranger, on appellera taux de change réel le rapport Q = EP*/P. S’il
se réfère au prix des biens et des services, le taux de change réel est une mesure de différence de
pouvoir d’achat ; s’il se réfère aux coûts de production, il devient une mesure de compétitivité, la
principale utilisée au niveau macroéconomique. Il y a donc autant de taux de change réels que d’indices
de prix retenus. Ainsi, selon l’objectif visé, on peut mesurer le taux de change réel par le prix relatif des
exportations, les coûts unitaires relatifs de main d’œuvre, le déflateur relatif implicite du PIB, les prix
relatifs à la consommation, etc. Dans une zone à faible inflation comme la zone euro, le taux de change
réel évolue presque comme le taux de change nominal (graphique 7.3).

Les deux concepts peuvent être combinés pour le taux de change effectif réel, qui mesure, dans la
même unité monétaire, le prix relatif entre un pays et une moyenne pondérée de ses principaux
partenaires commerciaux.

1
Sans mentionner les taux de change à terme (c’est-à-dire la cotation au comptant, sur un marché dit « marché à
terme », du taux de change utilisé dans une transaction décidée aujourd’hui et réalisée à terme de 3, 6, 12 mois ou
plus).

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3. Les modèles de détermination du taux de change


Une littérature économique abondante s’efforce de comprendre et d’expliquer les évolutions des taux
de change. On y trouve deux grandes écoles : la première met l’accent sur l’équilibre des flux
d’échange de biens et services ; la seconde sur l’équilibre des stocks d’actifs financiers. Au premier
rang des premières, on trouve les raisonnements fondés sur la parité de pouvoir d’achat (PPA),
l’école des élasticités, et celle de l’absorption. Une synthèse est constituée par les modèles dits de
« taux de change d’équilibre ». Dans les secondes, le taux de change est appréhendé comme un prix
d’actif, dans le cadre des stratégies de diversification de portefeuilles. Enfin, une littérature plus récente
et fondée explicitement sur des modèles d’optimisation microéconomique mais l’accent sur le rôle du
taux de change dans l’équilibre intertemporel des transactions courantes.

a) Les modèles fondés sur les flux de biens et services

La PPA

A niveau le plus élémentaire, la PPA traduit la loi du prix unique (arbitrage spatial) sur un grand
marché intégré. Pour un bien donné i, échangeable à faible coût et pouvant donc faire l’objet d’un
arbitrage international, celle-ci s’écrit P=
i EPi * où l’astérisque désigne le reste du monde. A taux de

change donné, pour un petit pays, cette équation détermine le prix du bien i. Cette approche est par
exemple celle de l’hebdomadaire The Economist, qui calcule régulièrement une référence de taux de
change dite « Big Mac » en comparant les prix des hamburgers.

La PPA généralise cette relation au niveau macroéconomique. Si E désigne le prix en monnaie


nationale d’une unité de monnaie étrangère, P le prix national d’un panier de bien échangeables, P* le
prix étranger ce même panier de biens, on aura : P=EP* . Si l’on définit maintenant P et P* comme
des indices de prix nationaux, interne et étranger, la version dite « forte » ou « absolue » de la PPA
postule la relation ci-dessus. On voit cependant immédiatement que ce postulat s’écarte d’une simple
application de la loi du prix unique, dans la mesure où les indices de prix des différents pays ne
s’appliquent pas en général à des paniers de biens identiques. La spécialisation internationale (la France
ne produit pas de T-shirts, la Thaïlande ne produit pas d’Airbus) et la différenciation des produits (la
France et l’Allemagne produisent toutes deux des automobiles, mais pas les mêmes) jouent contre la
PPA calculée à partir d’indice de prix de production, tandis que la composition différente des paniers
de consommation joue contre la PPA calculée à partir d’indices de prix à la consommation.

En dehors de ces effets de composition, le marché n’est pas parfaitement intégré, notamment parce
qu’existent des coûts de transport et de transaction, parce que certains bien ou services ne sont pas
échangeables internationalement, mais aussi parce que subsistent des barrières protectionnistes. P va
donc pouvoir s’écarter de EP*, mais on peut supposer que cet écart est à peu près constant. Le
postulat de la PPA s’assouplit, et on parle lors de PPA « faible » ou « relative » : P=kEP*
ou, puisque k est supposé constant,
dE = dP*− dP
E P* P
La parité de pouvoirs d’achat relative prédit donc que les variations de taux de change compensent
les différentiels d’inflation, de sorte que le taux de change réel est constant. A partir de cette relation,
on peut déterminer le taux de change dit de parité de pouvoir d’achat, en calculant le taux de change
qui, depuis une année prise comme année de base, « rattrape » le différentiel d’inflation.

Empiriquement, on peut faire une régression log-linéaire du type suivant :

et = α + β ( p − p *) + ε t

154
Chapitre 7 - La politique de change

Cette régression donne de très mauvais résultats sur courte période : à court terme, on ne peut pas bien
expliquer les mouvements de taux de change par les différentiels d’inflation entre pays. Plusieurs
facteurs expliquent les écarts des taux de change à la PPA : coûts de transaction, comportement de
pricing to market (i.e. d’alignement sur les prix locaux), mouvements liés aux déséquilibres
macroéconomiques internes et externes (voir ci-dessous), volatilité des changes à court terme.

Dans le long terme, cependant, un certain nombre de travaux ont montré que la PPA constitue bien une
force de rappel. Ils montrent en particulier que le taux de change réel est stationnaire, c’est-à-dire, que
ρ est significativement négatif dans l’estimation suivante :
p
∆qt =ρqt−1+∑∆qt− k +ε t
k =1
Toutefois, les valeurs de r estimée sont très faibles en valeur absolue, de sorte que l’ajustement est très
lent : 15% à 20% de l’écart est résorbé en un an, la demi-vie étant de 3 à 5 ans (Rogoff, 1996). Ces
résultats sont confirmés sur très longue période, par exemple par Froot, Kim et Rogoff (1995) qui
étudient la loi du prix unique pour des produits de base (œufs, beurre, farine …) depuis le XIIIème siècle
entre l’Angleterre et les Pays-Bas : les écarts à la PPA sont très persistants mais leur ampleur et leur
durée sont relativement stable sur très longue période (graphique 7.4). Donc des écarts à la PPA
subsistent au delà de ce que peuvent expliquer les rigidités nominales.

Graphique 7.4 – La loi du prix unique sur très longue période

Source : Froot, Kim et Rogoff (1995)

155
Chapitre 7 - La politique de change

L’effet Balassa-Samuelson

Une des raisons pour lesquelles la PPA n’est pas vérifiée est l’existence d’hétérogénéités sectorielles :
les prix ne sont pas égaux au sein même d’une économie. Une source importante d’écarts de prix est
l’existence d’écarts de productivité entre secteurs. On montre que les pays où la productivité est plus
forte ont des niveaux de prix plus élevés mesurés en monnaie commune : à l’inverse, ceci signifie que
les pays en rattrapage, dont la productivité croît plus rapidement (penser aux pays émergents, ou aux
pays d’Europe du Sud comparés à la France et à l’Allemagne) ont un taux de change réel qui
s’apprécie au cours du temps. C’est l’effet Balassa-Samuelson.

Encadré 7.4 : l’effet Balassa-Samuelson

Soit un petit pays à deux secteurs, abrité (a), par exemple agricole, et exposé (e), par exemple manufacturier. La
PPA est vérifiée dans le secteur exposé à la concurrence internationale mais pas nécessairement dans le secteur
abrité :
Pe = EPe *

Où E est le taux de change nominal. Supposons que ce pays est en « rattrapage », c’est à dire que la productivité
du secteur exposé πe est plus faible qu’ailleurs dans le monde tandis que la productivité du secteur abrité πa est
comparable dans tous les pays :
πe < πe * πa = πa*

La productivité est elle-même égale au salaire réel dans chaque secteur:


πa =Wa/Pa πa* =Wa*/Pa* πe =We /Pe πe* =We*/Pe*
donc :
We /(EWe *) = πe /πe *

Mais supposons maintenant que les salaires nominaux s’égalisent au sein de chaque pays dans le secteur abrité
et dans le secteur exposé, du fait de la mobilité du travail : We =Wa et We *=Wa*. En définissant l’indice des
prix comme une moyenne des prix dans les deux secteurs :

P = (Pe ) α(Pa) 1−α P* = (Pe*) α(Pa*) 1−α 0<α<1

et en combinant ces équations, on arrive à :


EP*/P = (πe*/πe ) 1−α

On voit que le taux de change réel dépend directement de l’écart des niveaux de productivité dans les secteurs
exposés. Un pays dont la productivité croît plus vite que celle de ses partenaires commerciaux voit son taux de
change réel s’apprécier ; noter que cette appréciation peut passer, selon le régime de change, par une appréciation
du taux de change nominal ou par une inflation plus forte. Empiriquement, on observe qu’effectivement, les pays
les plus avancés ont les prix relatifs les plus élevés (graphique 7.5).

156
Chapitre 7 - La politique de change

Graphique 7.5 : PIB par tête et taux de change réel en 2001

140

Japon Norvège
120 Libye
Taux de change réel (Etats-Unis = 100)

Suisse
Danemark
100 Congo
Etats-Unis

Islande Luxembourg
80

60

40

20 y = 0,0025x + 25,917
R2 = 0,5694

Myanmar

0
0 5000 10000 15000 20000 25000 30000 35000 40000 45000
PIB PPA par habitant (en dollars US)

Source : CEPII-CHELEM.

L’approche des élasticités et de l’absorption

Les économistes des années trente et de l’après-guerre ont étudié la relation entre les taux de change
et les balances des paiements, et mis en avant la faiblesse du taux de change comme variable
d’ajustement.

♦ La première théorie est l’approche dite des élasticités (Joan Robinson, 1949). Elle repose sur
l’équation d’équilibre de la balance des paiements : B = ∆Κ, où B désigne le solde extérieur
courant et ∆Κ les sorties nettes de capitaux. On suppose ici que le solde courant dépend
positivement de la compétitivité-prix, représentée par le taux de change réel Q, ainsi que de
facteurs exogènes B0 : B =B0 + εQ). On suppose aussi que les flux de capitaux ∆Κ sont
exogènes. Le taux de change réel se fixe alors à un niveau tel que la balance des paiements soit
équilibrée, soit :

Q= ∆K −B0
ε

Selon cette théorie, la monnaie domestique se déprécie en termes réels (Q augmente) en cas de
choc négatif sur le solde commercial, ou en cas d’augmentation des sorties nettes de capitaux. La
forte instabilité du taux de change réel s’explique alors par son faible impact sur le solde extérieur
courant (faiblesse de ε), liée à la faiblesse des élasticités-prix des exportations et des importations
(voir l’encadré 4.5). On a parlé de « pessimisme des élasticités » pour décrire cette interprétation.

Notons que cette approche peut être combinée avec l’effet Balassa-Samuelson. Il suffit de dire que
l’équation ci-dessus décrit le prix relatif des biens échangeables (Epe* /P e), tandis que le rapport des
prix entre secteur exposé et abrité d’un même pays dépend du rapport des productivités (encadré
4.4). Le taux de change peut alors s’écrire :

(
Q = ∆K − B0 π e*
ε
)(π ) e*
1−α

157
Chapitre 7 - La politique de change

Encadré 7.5 - La condition de Marshall Lerner et la courbe en J

Prenant le revenu du reste du monde comme exogène, nous considérerons les exportations X en volume comme
une fonction croissante du taux de change réel Q (défini comme le prix relatif des biens étrangers), tandis que les
importations sont une fonction décroissante de Q. On note εX et -εM (εX, εM > 0) respectivement l’élasticité des
exportations et des importations au taux de change réel.

Les exportations X sont exprimées en unités de production nationale, tandis que les importations M sont
exprimées en unités de production étrangère. Pour exprimer tous les flux en unités de production nationale, il
faudra multiplier les importations par le taux de change réel, puisque ce dernier est par définition le prix des biens
étrangers en termes de biens nationaux. On peut alors écrire la balance commerciale en unités de biens nationaux :

B=X–QM

Une hausse de la compétitivité-prix des entreprises nationales (hausse de Q) conduit à une hausse de X et une
baisse de M (effets, volume, positifs sur B) et à une revalorisation des produits importés (effet valeur, négatif sur
B). Le solde commercial s’améliore si les effets volumes excèdent les effets valeur. Nous allons voir que l'effet
valeur domine s iles élasticités-prix des demandes d'exportations et d'importations ne sont pas suffisamment
grandes. Il s'agit de la condition de Marshall-Lerner, encore appelée théorème des élasticités critiques.

Pour voir cela, on différencie le solde commercial :

dB = dX – Q dM - MdQ

Appelons r le taux de couverture initial des importations par les exportations, avant la variation de θ. (r = X/QM),
et divisons les deux membres de cette équation par X ou, ce qui est équivalent, par r QM :
dB = dX −1 dM −1 dQ
X X r M rQ
Il ne reste plus qu’à remplacer la variation relative des exportations et des importations par leur fonction de Q :

( )
dB = ε X + ε M −1 dQ
X r r Q

Enonçons le résultat ci-dessus (condition de Marshall-Lerner) : une hausse de la compétitivité-prix (par exemple
une dévaluation (dE/E) lorsque les prix sont fixes) n'améliorera la balance commerciale, lorsqu'elle est
initialement à l'équilibre (r = 1), que si la somme des valeurs absolues des élasticités-prix des exportations et
des importations excède l'unité. Intuitivement, cette condition requiert que l'effet quantité induit par la variation
du prix relatif soit suffisante pour plus que compenser l'effet prix sur la balance commerciale. Ce résultat appelle
les remarques suivantes :
- il concerne les effets sur la balance des biens et services d'une dépréciation réelle de la monnaie. Lorsque
l'on étudie les effets d'une dévaluation (nominale), c'est à dire une hausse de E tel que nous l'avons défini, il
faut être attentif aux mouvements des prix. Lorsque les prix sont fixes, la dévaluation nominale est aussi une
dévaluation réelle. Mais si la dévaluation est accompagnée d'un accroissement identique du prix intérieur (par
exemple, fans une économie très ouverte ou partiellement dollarisée), il n'y aura aucune variation de
compétitivité, et la dévaluation n'aura aucun effet réel.
- la condition pour qu'une dévaluation réelle améliore la balance commerciale est d'autant plus restrictive que
cette dernière est en déficit (r < 1).
- dans la plupart des cas, la condition de Marshall-Lerner est vérifiée. Mais il faut rester conscient de la
difficulté de mesurer des élasticités. Il est fondamental à ce titre d'opérer une distinction entre le court terme
et le long terme. Dans le court terme, les circuits commerciaux ont rarement la possibilité de s'ajuster
rapidement à des modifications de prix relatifs, donc dans un premier temps, à la suite d'une dévaluation
(réelle), l'effet prix domine et l'on obtient une détérioration de la balance de biens et services. Par la suite, une
fois les contrats préexistants parvenus à échéance, une fois les anticipations de prix corrigées, les quantités
demandées s'ajustent, induisant parfois des changements sensibles de comportement (voir par exemple l'effet
des chocs pétroliers, sur une demande de pétrole très inélastique dans le court terme), et corrigeant l'effet

158
Chapitre 7 - La politique de change

négatif initial sur la balance des biens et services. Ce mécanisme d'ajustement de cette balance dans le temps
à la suite d'une dévaluation est connu sous le nom de courbe en J.
- Les comportements de tarification au marché (pricing-to-market, voir Krugman, 1987) réduisent l’impact
d’une variation du taux de change réel sur les volumes échangés. Supposons, par exemple, que les
exportateurs fixent leurs prix à l’exportation PX comme une moyenne des prix nationaux P et des prix des
concurrents étrangers EP* :
PX = P1-η (EP*) η 0≤η≤1
Les exportations sont alors fonction du taux de change réel QX = EP*/PX = Q1-η. En appliquant le même
raisonnement que ci-dessus, on obtient :
(
dB = (1−η)ε X + ε M −1 dQ
X r r Q
)
En présence d’une tarification au marché importante (η proche de 1), une dépréciation du taux de change réel est
peu efficace pour relancer les exportation car les exportateurs élèvent leur prix exprimés dans la monnaie nationale
et engrangent ainsi une hausse de leurs taux de marge. Ce phénomène est très fréquent. Il explique, en particulier,
le faible lien observé entre le solde commercial américain et les variations du dollar.

♦ La seconde théorie est l’approche dite de l’absorption. Elle repose sur l’identité nationale qui
égalise la balance commerciale à la différence entre le revenu et la dépense des résidents :

Y = C+I+G+X-M donc X-M = Y- (C+I+G)

Un déficit commercial s’interprète comme un excès de la dépense par rapport au revenu. La


dévaluation, si elle n’est pas accompagnée de politiques suffisamment restrictives, ne pourra pas à
elle seule rétablir l’équilibre commercial. Elle alimentera des pressions inflationnistes qui effaceront
le gain espéré en termes de compétitivité-prix.

Les taux de change d’équilibre

Le pouvoir explicatif des approches par les élasticités et par l’absorption est, en pratique, relativement
faible, notamment parce que les flux de capitaux sont considérés comme exogènes alors que les motifs
financiers (par opposition aux besoins du commerce international) représentent l’essentiel du marché
des changes. C’est pourquoi ces approches sont utilisées aujourd’hui essentiellement de manière
normative : cette relation de manière normative : quelle est l’appréciation ou la dépréciation du taux de
change qui permet de ramener le solde des transactions courantes à un niveau donné, considéré
comme soutenable ? Cette approche est celle des taux de change réels d’équilibre. On construit un
modèle décrivant à la fois l’équilibre interne (par exemple avec courbe d’offre basée sur une courbe de
Phillips) et externe (à partir de relations de type Marshall-Lerner) de l’économie, et le taux de change
« d’équilibre » sera celui qui rétablit à la fois l’équilibre interne (plein emploi) et externe (équilibre des
paiements courants) de l’économie.

Graphique 7.6 – Le taux de change réel d’équilibre


Q équilibre
interne
équilibre
externe

QE

YE Y

159
Chapitre 7 - La politique de change

On procède alors comme suit :


- si la courbe d’offre est verticale (car le NAIRU est indépendant du taux de change réel), le modèle
se ramène à une équation du type : B = f(Y,Y*,Q) où B est le compte courant, Q est le taux de
change réel et Z un ensemble de variables exogènes, qui peut être raffiné pour prendre en compte
des effets d’offre du taux de change (voir Joly, Prigent et Sobzak, 1996, pour une discussion
détaillée) ;
~ ~ ~ ~ ~
- le taux de change réel d’équilibre Q est déterminé de manière à vérifier : B = f( Y , Y *, Q ) où
~ ~ ~
Y et Y * sont les niveaux de production potentielles et B est la valeur « soutenable » du compte
courant, déterminée par exemple par les besoins de capitaux à long terme.

Cette approche, à finalité essentiellement empirique, est en pratique très utilisée (voir par exemple
Williamson et Wren Lewis, 1999, ou en France, Borowski et Couharde, 1999) ; elle présente cependant
l’inconvénient d’une part de ne donner d’indication que sur les valeurs réelles et non nominales (pour
en déduire des valeurs d’équilibre nominales, il faut donc des hypothèses arbitraires sur les ajustements
de prix), et surtout d’avoir un contenu normatif très fort.

b) Les modèles de portefeuille

Cette approche, initiée par différents auteurs et notamment Branson, Haltunen et Masson (1977)
considère aussi que le taux de change équilibre la balance des paiements, mais elle tient compte de
l’impact du taux de change sur les mouvements de capitaux ∆Κ au lieu de supposer ces derniers
exogènes.

On peut décomposer l’acquisition d’actifs extérieurs nets (∆K) entre sa composante privée (∆F) et sa
composante officielle (∆R), résultat de l’intervention de la banque centrale sur le marché des changes) :

B = ∆K = ∆F + ∆R

Dans un régime de change fixe, la banque centrale fait varier ses réserves de manière à maintenir
l’égalité ci-dessus, quelques soient le solde extérieur courant (égal à l’épargne nationale nette) et la
variation des actifs extérieurs nets que les agents privés souhaitent détenir (qui dépend du rendement
comparé des actifs extérieurs et domestiques). Dans un régime de change flottant, la banque centrale
n’intervient pas, mais le taux de change s’ajuste pour faire en sorte que les agents privés désirent
détenir le niveau adéquat de titres étrangers (correspondant à ce qui est nécessaire pour financer
l’excédent courant).

Le point essentiel est que le comportement des détenteurs de portefeuilles porte sur l’allocation du
stock de leur richesse. Ainsi, le taux de change équilibre la balance des paiements en stocks plutôt
qu’en flux :

ΣB = E (F + R)

où ΣB désigne le solde extérieur cumulé, c’est-à-dire la position extérieure nette qui doit être placée à
l’étranger (si elle est positive) ou financée de l’étranger (si elle est négative). F représente la richesse
nette que les agents désirent placer où faire financer à l’étranger. On suppose pour simplifier que les
avoirs ou les dettes vis-à-vis des non résidents sont tous libellés en devises étrangères, ce qui
correspond à la situation d’un petit pays dont la monnaie n’est pas une internationale. L’équilibre de la
balance des paiements est exprimé en monnaie domestique (au taux de change nominal E).

160
Chapitre 7 - La politique de change

On note W la richesse totale. Cette richesse est composée d’actifs nationaux (D) et d’actifs en devises
dont la valeur en monnaie nationale est EF :

W = D + EF

On note i le rendement nominal des actifs nationaux, et i* le rendement nominal des actifs en devises,
ces deux rendements étant supposés certains :

dD/D = i dt, et dF/F = i* dt

On suppose que le taux de change S est incertain ; il suit un mouvement brownien d’espérance ∆ea et
de variance σ² :

dS/S = ∆ea dt + σ dz

avec E(dz) = 0, Var(dz) = σ². L’approche de portefeuille se fonde alors sur les travaux de James
Tobin (1958), pour qui l’allocation des portefeuilles privés résulte d’un arbitrage entre rendement et
risque : l’agent représentatif fixe la part f de sa richesse en devises étrangères (f = EF/W) de manière
à maximiser son utilité qui dépend positivement de la variation espérée de sa richesse et négativement
du risque qui entoure cette variation espérée :

Max U = E (dW/W) – a V (dW/W),

où a≥0 désigne l’aversion pour le risque. La variation de la richesse s’écrit:

dW
= (1 − f )
dD
+f
dF
+f
dE
(
= idt + i * +∆e a − i fdt + f σdz )
W D F E

On a donc :

 dW 
E (
 = i + i * + ∆e − i f
a
)
 W 
et
 dW 
V = f σ
2 2

 W 
On dérive alors la fonction d’utilité par rapport à f, et l’on obtient :

i * +∆e a − i
f =
2 aσ 2

Si l’aversion pour le risque est infinie, l’agent représentatif ne prend pas le risque d’investir une partie
de sa richesse en devises étrangères, quelque soit l’écart de rendement attendu : f = 0. A l’inverse, si
l’aversion pour le risque est nulle, un écart de rendement attendu en faveur des devises étrangères
l’amène à désirer une part très élevée (infinie) de sa richesse en devises (ce qui est possible à condition
qu’il s’endette massivement en monnaie domestique (D < 0). L’équilibre de la balance des paiements
exclut une telle situation, de sorte qu’à l’équilibre, les rendements anticipés s’égalisent :

i = i* + ∆ea

161
Chapitre 7 - La politique de change

Cette condition est appelée parité des taux d’intérêt non couverts.

L’approche de portefeuille se place dans la situation intermédiaire où l’aversion pour le risque est
positive, mais finie : les titres étrangers et les titres nationaux sont d’imparfaits substituts. On peut un
peu compliquer le modèle en supposant que l’agent représentatif s’intéresse non pas à sa richesse
nominale, mais à sa richesse réelle. Si le prix des biens nationaux est positivement corrélé au taux de
change défini comme le prix des devises (ce qui se vérifie en général), on peut montrer que la part
optimale des devises dans la richesse est :

i * +∆e a − i
f = f0 +
2aσ 2

où f 0, appelé part de risque minimum, dépend de l’aversion pour le risque et de la covariance entre le
risque de change et le risque de prix : si cette covariance est forte, un agent ayant une aversion infinie
pour le risque placera une part de sa richesse en devises étrangères de manière à se couvrir contre le
risque de perte de pouvoir d’achat de son portefeuille lié à l’inflation. On revient alors à l’équilibre de la
balance des paiements, écrite en pourcentage de la richesse :

i * + ∆e a − i
b = f0 + +r
2aσ 2
que l’on peut renverser en :

(
i = i * +∆e a + 2aσ 2 f 0 + r − b )
On retrouve la parité des taux d’intérêt non couverts pour a = 0. Pour a > 0, cette parité est modifiée
par un terme appelé prime de risque. Cette prime rémunère l’agent qui accepte de s’écarter de
l’allocation de son portefeuille qui minimise le risque.

Selon cette théorie, un excédent courant conduit à une appréciation de la monnaie nationale, car il faut
amener les agents à détenir davantage d’actifs en devises. Si les taux d’intérêt sont fixes, le taux de
change courant va s’apprécier (E va baisser) jusqu’au niveau à partir duquel ils anticiperont une
dépréciation : ∆ea > 0. Une appréciation peut également survenir si les agents réduisent de manière
exogène leurs détentions en devises (baisse de f 0), ou si la banque centrale réduit ses réserves (baisse
de r). Notons que tous ces effets son absents si l’aversion pour le risque est nulle. Dans ce cas, seule
la politique monétaire influence le taux de change.

On arrive alors à la théorie monétariste du taux de change, qui est un cas particulier de l’approche de
portefeuille. Cette théorie a joué un grand rôle en particulier pour expliquer comment le taux de change
réagit aux anticipations de politique monétaire. Combinée au constat que la vitesse d’ajustement du
taux de change est très supérieur à celle des salaires et des prix, le modèle monétariste explique aussi
pourquoi les taux de change sont beaucoup plus volatils que les variables réelles : en cas de choc
monétaire, le taux de change surajuste par rapport à son niveau d’équilibre de long terme (Dornbusch,
1976). On peut donner à ce phénomène l’explication littéraire suivante : supposons que notre pays
conduise une politique monétaire expansionniste. Le modèle de base indique que le nouveau taux de
change d’équilibre implique une dépréciation de la monnaie nationale. Cependant, le taux d’intérêt
national baisse du fait de l’expansion monétaire. Dès lors, pour créer des anticipations d’appréciation
future (∆ea doit être négatif), le taux de change doit instantanément se déprécier d’un montant
supérieur à ce qui serait nécessaire pour atteindre le nouvel équilibre. Ensuite, à mesure que le niveau

162
Chapitre 7 - La politique de change

des prix s’élève, le taux d’intérêt remonte et le taux de change s’apprécie vers sa valeur de long terme
(voir le cours de Patrick Artus pour la présentation du modèle de Dornbusch).

c) La dimension intertemporelle

Des modèles récents ont fait franchir à la théorie du taux de change l’étape que Samuelson et
Friedman avaient fait franchir à celle de la consommation, c’est à dire la prise en compte explicite des
comportements d’optimisation des agents et de leurs contraintes inter-temporelles. Dans sa version la
plus simple, cette approche consiste à considérer le taux de change comme le prix relatif de la monnaie
nationale et étrangère et, dans un monde à deux pays, deux agents représentatifs (un dans chaque
pays) et quatre biens (monnaie et bien de consommation, dans chacun des pays, et éventuellement
actifs financiers), d’étudier la maximisation de l’utilité de chacun de ces agents en prenant en compte
leur contrainte de budget intertemporelle et l’impact du taux de change sur la répartition de la
consommation dans chacun des pays. Si les prix sont flexibles et si la PPA s’applique, les
comportements seront entièrement déterminés dans la sphère réelle et le taux de change non pertinent ;
en introduisant des rigidités nominales à court terme, le modèle peut « répliquer » les modèles
d’économie ouverte keynésienne traditionnels de type Mundell-Flemming.

La généralité de l’approche permet d’étudier de manière rigoureuse des questions aussi diverses que
l’influence des comportements de fixation des prix (concurrence monopolistique, pricing to market) et
des salaires, le rôle des effets de richesse, l’impact à court terme et à long terme des chocs de
productivité, etc. Ces modèles sont complexes et nécessitent le plus souvent des approximations
linéaires au voisinage d’une trajectoire d’équilibre. Ils sont encore très peu utilisés pour des applications
empiriques. On se rapportera au cours d’Obstfeld et Rogoff (1996), exhaustif mais assez peu digeste.

d) Synthèse : la performance des modèles de change

A partir du passage aux changes flottants en 1973, de nombreux travaux se sont attachés à modéliser
la formation des taux de change. Ces travaux ont été importants pour comprendre les différentes
influences sur les taux de change et pour fournir des intuitions sur les raisons de leur comportement. Ils
n’ont cependant pas convergé vers un modèle satisfaisant. Dans une série de papiers, Meese et Rogoff
(1983, 1988) ont montré qu’en dehors de leur période d’estimation, des formes réduites des modèles de
taux de change les plus courants étaient systématiquement de moins bons prédicteurs du taux de
change futur qu’une simple marche aléatoire :

e t + 1 = et + ε t + 1

C’est évidemment une piètre performance ! Cependant, l’approche de Meese et Rogoff peut être
critiquée, en ce qu’elle ne teste pas correctement l’existence d’une corrélation entre l’évolution des
écarts de taux d’intérêt à long terme entre pays et celles des taux de change réels (Davanne, 1990 ;
Davanne et Jacquet, 2000). L’un des problèmes réside notamment dans le calcul du taux d’intérêt réel
de long terme, qui devrait prendre en compte l’inflation anticipée, non observable. En prenant l’inflation
sur les douze derniers mois, on observe toutefois une bonne corrélation entre le taux de change réel
entre le dollar et le mark et l’écart de taux d’intérêt réel de long terme entre les deux pays (mais cela
marche moins bien avec le yen …).

163
Chapitre 7 - La politique de change

Graphique 7.7 - Écart de taux d'intérêt réel et variation du taux de change réel euro/dollar

2,5 30

2
20
1,5

Glissement annuel du taux de


1
change réel euro/dollar 10
(échelle de droite)
0,5

0 0

-0,5
-10
-1

-1,5
Ecart de taux d'intérêt
-20
réel euro-dollar
-2 (échelle de gauche)

-2,5 -30
déc-95 déc-96 déc-97 déc-98 déc-99 déc-00 déc-01 déc-02

Source : BCE. Taux d’intérêt nominaux à 3 mois – glissement annuel des prix

e) Les modèles micro-structurels

Un courant récent de la littérature, lancé par Evans et Lyons (1999) et synthétisé dans le livre de
Richard Lyons consiste à compléter l’information fournie par les variables macroéconomiques (prix,
soldes courants, taux d’intérêt, etc) par une information de nature microéconomique. Il s’agit des flux
d’ordres, définis comme les volumes « signés » de transactions. Le signe du flux d’ordre correspond à
l’intention de l’agent qui prend l’initiative de la transaction. Il est positif en cas d’achat, négatif en cas
de vente. A l’équilibre, les achats sont égaux aux ventes, de sorte que la demande nette du marché est
nulle. Ce n’est pas le cas de la somme des flux d’ordre qui peut être positive (marché acheteur) ou
négative (marché vendeur). Ces flux d’ordres constituent une information privée dans un marché
décentralisé. L’information est progressivement transmise à l’ensemble du marché par les banques qui
cherchent à solder leurs positions de change. Evans et Lyons montrent que l’information sur les flux
d’ordres améliore significativement un modèle reliant les variations de taux de change aux écarts de
taux d’intérêt. Ce travail, réalisé sur données quotidiennes, complète utilement les modèles
macroéconomiques qui s’intéressent aux horizons mensuels, trimestriels et annuels.

4. Le choix d’un régime de change


Le choix d’un régime de change est un thème permanent de la littérature économique. Il y a eu débat :
• dans les années soixante (Milton Friedman s’élève contre le régime de changes fixes de Bretton
Woods),
• dans les années soixante-dix (faut-il conserver les changes fixes en Europe ?),
• dans les années quatre-vingt (faut-il des « zones cibles » pour stabiliser les taux de change entre
dollar, mark et yen ?),
• dans les années quatre-vingt-dix (faut-il faire l’union monétaire en Europe, faut-il des changes
fixes pour casser les hyperinflations, faut-il des changes flottants pour dissuader les entrées de
capitaux spéculatifs ?)

164
Chapitre 7 - La politique de change

Les années 2000 s’annoncent fécondes en nouveaux débats : faut-il une cohérence régionale des
régimes de change et, à terme, d’autres unions monétaires, par exemple en Asie ? faut-il jouer la
dollarisation des économies émergentes ou au contraire passer partout en changes flottants ?

Cette variété suggère que le choix d’un régime de change dépend d’un ensemble de facteurs et fait
intervenir divers types d’arguments :
• micro-économiques (via les effets positifs de la stabilité des changes sur les choix des agents et
l’intégration économique) ;
• macro-économiques (via le rôle du taux de change comme ancrage nominal externe / comme
instrument d’ajustement) ;
• d’économie politique (via les gains de crédibilité d’un régime de change fixe par rapport à une
autre technique de commitment, comme l’indépendance de la banque centrale) ;
• internationaux : (via le rôle de la fixité des changes comme un mode de coordination des
politiques économiques).

Encadré 7.6 Les surprises des changes flexibles

De l’après-guerre jusqu’au début des années soixante-dix, les taux de change fixes ont prévalu dans le cadre du
régime de Bretton Woods. Des ajustements étaient possibles, mais ils devaient être approuvés par le FMI. A
l’époque, de nombreux économistes plaidaient pour le flottement. Ils jugeaient en effet que les taux de change
fixes restreignaient excessivement l’autonomie des politiques monétaires, alors que les économies étaient
soumises à des chocs différents et que les choix nationaux (par exemple en matière d’inflation) pouvaient
également différer. En 1973, les changes flottants sont institués. Mais les taux de change ne se sont pas
comportés comme les économistes l’avaient attendu. Les deux citations ci-dessous illustrent le changement de
perspective.

“ The ultimate objective is a world in which exchange rates, while free to vary, are in fact highly stable. Instability
of exchange rates is a symptom of instability in the underlying structure. Elimination of this symptom by
administrative freezing of exchange rates cures none of the underlying difficulties and only makes adjustment to
them more painful. ” (Milton Friedman, 1950)

“ When the Bretton Woods system of fixed exchange rates broke up, most international economists were not
dismayed. Not only did they believe that greater flexibility of exchange rates was a good thing; they also believed
that they understood reasonably well how the new system would work. They were wrong. The last 20 years of the
international monetary system have involved one surprise after another, most of them unpleasant, all of them
forcing economists to scramble to keep up with new issues and unexpected turns in old ones. ” (Krugman, 1992)

a) Considérations micro-économiques

L’une des raisons pour lesquelles différents pays font différents choix en matière de politique de
change est que leurs structures d’échanges ne sont pas identiques. La variabilité des changes a deux
implications de base pour les agents micro-économiques : un coût de transaction spécifique lié à
l’opération de conversion, et l’incertitude sur le taux de change :

• Le coût de transaction a la nature d’une taxe payée par l’exportateur ou l’importateur sur les
transactions internationales. Il dépend des monnaies en jeu : il est sensiblement plus faible sur les
monnaies faisant l’objet de beaucoup de transactions ($/€), plus élevé sur celles qui sont peu
échangées (en ce cas, d’ailleurs, il est moins coûteux de passer par le dollar, qui joue le rôle de
monnaie véhiculaire). A l’intérieur de l’Europe, ces coûts de transaction ont été estimés aux
alentours de 0,25 à 0,5% du PIB. Ils peuvent être sensiblement plus élevés pour de petites
économies très ouvertes qui ne commercent pas dans leur propre monnaie.

165
Chapitre 7 - La politique de change

• L’incertitude affecte la profitabilité escomptée par un exportateur, lorsque celui fixe ses prix
dans la monnaie de son client, ou celle de l’importateur, lorsque c’est l’exportateur qui tarifie dans
sa propre monnaie, ou, enfin, celle de la firme multinationale. Compte tenu des délais (entre la
fixation du prix et l’opération de vente, entre la vente et le paiement), le risque peut être
considérable. Il est possible de l’éliminer en partie par une couverture, mais celle-ci est coûteuse et
n’existe de toute façon pas pour les placements de long terme. A noter que du fait de la rigidité des
prix à court terme, la volatilité des changes nominaux s’accompagne généralement d’une volatilité
des changes réels.

Coût de transaction et incertitude ont pour effet d’induire une segmentation des marchés : ils agissent
comme un frein à l’égalisation des prix des biens, même lorsque les obstacles réels à l’intégration
(droits de douane, formalités aux frontières, obstacles techniques) ont disparu. En témoignent la
situation européenne et celle de l’Amérique du Nord.

Encadré 7.7 Etats-Unis / Canada : l’effet de la frontière

L’intégration commerciale entre les Etats-Unis et le Canada est forte, et les deux pays ont récemment mis en place
un accord de libre-échange. Pourtant, l’effet de la frontière reste puissant :
• à distance et poids économique identique, une région canadienne échange dix à vingt fois moins avec une
région des Etats-Unis qu’avec une autre région canadienne ;
• les écarts de prix entre villes s’accroissent avec la distance, et avec le franchissement de la frontière ; le
franchissement de la frontière est équivalent à une distance de 2500 miles (soit la distance entre New York
et Los Angeles).

Ces travaux ne permettent pas de déterminer quel est le poids des facteurs monétaires dans cette forte
segmentation. Des travaux récents de Jeffrey Frankel et Andy Rose suggèrent que l’adoption de la même monnaie
pourrait multiplier par cinq le volume des échanges entre deux pays. La base empirique de ces travaux est
cependant fragile, car il y a peu d’exemples d’unions monétaires.

Sources : Charles Engel et Richard Rogers (1996), “How wide is the border ?”, American Economic Review, vol
86, n° 5., et Jeffrey Frankel et Anrew Rose (2002), « An estimate of the effect of common currencies on trade and
income », à paraître dans le Quarterly Journal of Economics, mai, voir également Mayer (2001), « Les frontières
nationales comptent…mais de moins en moins », La Lettre du CEPII n°207, décembre 2001.

b) Considérations macro-économiques

Une approche utile du choix d’un régime de change, quoique réductrice, est la problématique de
stabilisation macro-économique dans un environnement stochastique. Le point de départ est la règle
de Poole, et peut être décrit dans un cadre IS-LM standard. Supposons que l’économie soit soumise à
des chocs de demande qui se traduisent par des déplacements aléatoires de la courbe IS, et que la
préoccupation des autorités soit de minimiser les fluctuations de la production. Supposons de surcroît
que la mobilité des capitaux soit parfaite, en sorte que prévaut la parité des taux d’intérêt non couverte.

• en régime de changes fixes, le taux d’intérêt est celui du partenaire i*, les fluctuations de la
demande se traduisent par une forte variation de la production ;
• en régime de changes flexibles, le taux d’intérêt est donné par l’intersection de la courbe IS et de
la courbe LM (supposée stable), les fluctuations de la production sont moindres.

Supposons maintenant que c’est la demande de monnaie qui est instable, tandis que le marché des
biens n’est pas sujet à des chocs aléatoires. Dans ce cas, les fluctuations de la production sont

166
Chapitre 7 - La politique de change

moindres en changes fixes qu’en changes flexibles, parce que les changes fixes isolent la sphère réelle
des perturbations monétaires.

Le “ bon ” régime de change dépend donc des caractéristiques de l’économie . Ce sera un


régime de changes flexibles pour une économie soumise à des chocs de demandes spécifiques (ou
chocs asymétriques par rapport au pays partenaire), et un régime de changes fixes pour une
économie soumise à des chocs monétaires internes. Prenons quelques exemples.

1. Un pays très spécialisé (par exemple dans la production d’une matière première) a intérêt à
adopter une stratégie de changes flexibles, car les fluctuations de la demande ou du cours de son
produit d’exportation induisent des chocs asymétriques par rapport au reste du monde. C’est par
exemple la question qui se pose à la Finlande (traditionnellement producteur de bois) vis-à-vis de
l’union monétaire.
2. Au début de la transition en Europe centrale et orientale, la demande de monnaie était très instable
en raison du passage d’un régime où la monnaie n’était pas convertible en biens (rationnement) et
où les agents accumulaient des encaisses monétaires involontaires à un régime de convertibilité
interne. C’est une des raisons pour lesquelles beaucoup de pays en transition ont, dans un premier
temps, opté pour des stratégies de changes fixes (stratégie dite de l’ancrage nominal).

On peut généraliser cette approche et procéder à des évaluations empiriques. On part d’une fonction
de perte de type :

L = L [(∆p - ∆p*), (y - y*)]

où les astérisques correspondent aux objectifs de politique économique. On considère que l’économie
est soumise à des chocs aléatoires sur les diverses variables (la production, les prix, la demande de
monnaie, etc..) dont le vecteur est :

ε = (ε y, ε p, ε m, ...)

et dont on connaît les propriétés statistiques (variance-covariance). La question est alors de trouver la
règle qui minimise L, compte tenu des propriétés statistiques des chocs. On peut par exemple comparer
: une règle monétaire en changes flexibles (contrôle d’un agrégat ou fonction de réaction de la banque
centrale) ; un régime de changes fixes ; un régime de changes fixes avec une règle de dévaluation
(type SME). Ces évaluations empiriques peuvent êtres faites en procédant à des simulations
stochastiques sur modèles macro-économiques. Le résultat général qu’elles fournissent est que la
réponse dépend de la nature des chocs et des caractéristiques de l'économie.

• si les chocs monétaires internes (instabilité de la demande de monnaie) dominent, les changes fixes
sont préférables ;
• si les chocs monétaires externes dominent (par exemple si la politique monétaire des partenaires
est instable) ou si l’économie est soumise à des chocs réels spécifiques -on dit souvent
asymétriques -, les changes flexibles sont préférables (il faut utiliser le taux de change pour s'isoler)
;
• toutes choses égales par ailleurs, les rigidités nominales accroissent les coûts de l’adhésion à un
système de changes fixes, car les changements de prix relatifs rendus nécessaires par les chocs
réels ne peuvent plus s’opérer par la variation du taux de change.

167
Chapitre 7 - La politique de change

Encadré 7.8 - La mesure des chocs asymétriques

On cherche à mesurer le degré d’asymétrie entre des participants potentiels à une union monétaire. Comme il
s’agit d’apprécier le coût de la perte du taux de change comme instrument d’ajustement, il ne s’agit pas
d’apprécier des asymétries structurelles, mais des perturbations aléatoires (les chocs). Seuls les chocs
asymétriques posent un problème en union monétaire (la banque centrale peut réagir aux chocs symétriques). Il
faut une référence quantitative : on choisit en général les régions des Etats-Unis ou d’autres pays fédéraux
(Canada, Allemagne).
• Méthodes descriptives :

- Mesure des fluctuations du change réel entre deux régions. Limite : les variations du change réel ne sont pas
nécessairement optimales car pour les régions en changes flexibles, on ne distingue pas entre ajustements
requis et volatilité nuisible du taux de change ; pour les régions en changes fixes, la rigidité du change
nominal peut handicaper les ajustements de change réel.
- Corrélations entre régions des variations du PIB ou de l’emploi. Limite : on ne distingue pas entre les
perturbations et la réponse de l’économie à ces perturbations.

2
 PIB i  n
- Mesure de la spécialisation. Par exemple I = ∑   , où PIBi est la production du secteur i et n le
i =1  PIB 
nombre de secteurs dans l’économie. L’indice de spécialisation vaut 1 si le pays est spécialisé dans un seul
secteur. A un niveau plus fin, on peut calculer un indice mesurant la part du commerce inter-branche (indice
 X + M i  Xi − M i
n
de Finger) : J = ∑ i  . Cet indice vaut 1 si tout le commerce est inter-branche, 0 s’il
i =1  X + M  X i + M i

est entièrement intra-branche.

• Méthode économétrique (Mélitz 1997)

On estime en régression empilée un modèle de type :

yit − yti−1 = α (i ) + β (t ) + εti

où i représente les régions et t le temps. Le terme α capte les écarts permanents de taux de croissance entre les
régions, β capte les chocs communs aux régions et ε les chocs spécifiques. Pour une région donnée, on peut
mesurer le degré d’asymétrie par var(εi)/var(β). Cette méthode ne permet pas de déterminer l’origine des chocs, et
ne distingue pas entre chocs et réponses dynamiques.

• Méthode VAR (Bayoumi & Eichengreen)

Le principe est issu des travaux de Blanchard et Quah sur la dynamique des chocs d’offre et de demande. Le point
de départ est que les chocs d’offre ont des effets permanents sur les prix et la production, tandis que les chocs de
demande n’ont un effet permanent que sur les prix si la courbe d’offre est verticale à long terme (dans le
graphique ci-dessous, un choc d’offre déplace l’équilibre de E en E1, un choc de demande de E en E2). Cette
distinction est importante parce qu’un choc d’offre requiert un ajustement permanent du taux de change réel,
tandis qu’un choc de demande peut être absorbé par une variation du taux de change nominal sans effet
permanent sur le taux de change réel. Pour identifier les chocs, on estime un modèle bivarié de type :

(1 − L ) y t  ∞ i  a11 a 12  ε t 
i i t

(1 − L ) p  = ∑ L  i i  s 
 t i= 0  a 21 a 22  ε t 


avec la restriction ∑a i
11 = 0 qui exprime le caractère non-permanent des chocs de demande.
i =0

168
Chapitre 7 - La politique de change

D’ S S’

E2
D

E
D’
E1
D

S S’ Y

L’inconvénient de cette méthode est qu’elle ne permet pas d’identifier l’origine des chocs. Par exemple, elle
confond chocs de politique économique et chocs résultant des comportements privés. En outre, il n’est pas
certain que les chocs ainsi mesurés soient réellement indépendants du régime de change.

• Méthode de décomposition de la variance ( Forni & Reichlin 1997)1

On décompose la variance du taux de croissance de la production des régions européennes en trois


composantes : une composante régionale, une composante nationale et une composante européenne, à partir
d’une équation de type :

yijt − ytij−1 = a ij xt + bij ztj + cij εtij

où i représente la région, et j le pays européen. On peut alors décomposer la variance de y ij en trois composantes
additives. Les variables x, z et ε sont non observées. Pour estimer le modèle, on procède successivement à
l’estimation des diverses composantes.

Pour évaluer concrètement les régimes de change, on peut effectuer des simulations stochastiques
avec des modèles macro-économétriques. Cela consiste à assimiler les équations estimées au vrai
modèle de l’économie et à considérer que les résidus de l’estimation de ces équations représentent les
chocs. On peut alors extraire des résidus observés les propriétés statistiques des chocs (matrice de
variance-covariance). Ceci permet d’effectuer des tirages aléatoires du vecteur des chocs et à simuler
leurs effets sur l’économie. En effectuant un grand nombre de tirages, on peut alors comparer les
propriétés de stabilisation de divers régimes de change (tableau). Ceci suppose évidemment que le
modèle soit invariant par rapport au régime de change, ce qui ne va pas de soi (critique de Lucas). Il
faut également spécifier une règle de politique monétaire pour chacun de ces régimes. En pratique, ces
évaluations sont rares et peu précises.

Tableau 7.1 - Évaluation de régimes de change par des simulations stochastiques


Ecart-type du logarithme de la variable
Allemagne France Italie UK
Variabilité de la production
• Changes flottants 3.8 2.8 2.3 2.6
• Union monétaire 3.2 2.4 2.2 2.7
Variabilité de l’inflation
• Changes flottants 2.2 1.9 1.9 3.1
• Union monétaire 1.6 2.1 2.3 2.8
Source : P. Masson et S. Symansky, “ Evaluating the EMS and EMU: Some Issues ”, in Macroeconomic Policy
Coordination in Europe: The ERM and Monetary Union, edited by R. Barrell and J. Whitley, SAGE 1992

169
Chapitre 7 - La politique de change

Empiriquement, la volatilité des changes s’explique bien par l’intensité des chocs asymétriques.
Bénassy-Quéré (1997) estime par exemple pour 40 pays (en Europe, Asie, Amérique latine) comment
la volatilité des taux de change nominaux et réels de la monnaie vis-à-vis du dollar, du mark et du yen
dépend de l’écart-type de l’écart du taux de croissance par rapport au pays de référence (USA,
Allemagne ou Japon), de la similarité de la structure sectorielle des exportations, et de la part des
échanges avec le pays de référence dans le PIB. Elle trouve que la volatilité des taux de change
nominaux et/ou réels dépend positivement de l’asymétrie des chocs sur le taux de croissance, et
négativement de l’intensité des échanges.

c) Entre le micro et le macro : les incitations perverses des régimes de change

Après les crises de 1997/98 en Asie, les explications des crises ont mis l’accent sur les incitations
négatives fournies par les régimes de taux de change fixes contre le dollar. Les pays émergents avaient
d’importants besoins de financement liés au rattrapage du stock de capital par rapport aux pays
développés. La stabilité du change et le faible développement des marchés financiers locaux a en effet
incité les agents économiques à s’endetter en dollars alors même que leurs flux de revenus étaient
libellés en monnaie locale. Les banques et les entreprises ont ainsi accumulé des bilans déséquilibrés à
la fois en termes de devises (actif en monnaie locale, passif en dollar) et en termes de maturité (actif à
long terme, passif à court terme), donc particulièrement fragiles en cas de retrait des capitaux
étrangers et/ou de baisse du taux de change. Une littérature théorique récente, de nature plutôt
microéconomique, examine :
• d’une part, l’interaction entre anticipations de taux de change, structure de financement de
l’économie, préférence pour la liquidité des investisseurs (voir Corsetti, 1998, pour une synthèse),
et les raisons pour lesquelles certains pays, même s’ils ont adopté en principe des changes
flottants, souhaitent maintenir la stabilité de leur monnaie face au dollar (Calvo et Reinhardt,
2000)
• d’autre part, la possibilité que les mouvements de taux de change ne « précipitent » l’économie
d’un équilibre à un autre, par exemple d’un équilibre avec change stable, investissement soutenu
et forte croissance vers un équilibre avec change instable, investissement et croissance plus
faible, et les conditions dans lesquelles ces changements d’équilibres peuvent-être auto-
réalisateurs (voir Masson, 1999, Krugman , 1998),

d) Approche par la crédibilité

Ce qui précède suppose que les autorités ont capacité à conduire une politique crédible. En pratique, ce
n’est pas toujours le cas. Les autorités peuvent souffrir d’un défaut de crédibilité en raison de
l’accumulation d’erreurs de politique économique dans le passé (hyperinflations latino-américaines des
années quatre-vingt) ou d’une absence d’expérience (pays en transition, en particulier les nouveaux
pays issus de l’ex-URSS). L’ancrage nominal externe est souvent considéré comme une réponse à la
crédibilité insuffisante des autorités monétaires nationales. L’argument se formalise de la manière
suivante. On considère une économie caractérisée par une courbe d'offre agrégée :
y = y + β( π − π a )
où y le niveau d'activité, y le niveau d'activité correspondant au taux de chômage d’équilibre (ou
"naturel"), π le taux d'inflation, π a le taux d'inflation anticipé [π a = E tt−1 (π ) ], et β un paramètre
positif. La courbe d’offre est donc verticale à long terme, mais à court terme elle a une pente positive.
On suppose que la politique monétaire revient au choix d’un point sur la courbe d’offre (on néglige la
question des instruments). Pour effectuer ce choix, le gouvernement cherche à minimiser une fonction
de perte (désutilité) sociale :
L = ωπ2 + ( y − ky ) 2 où ω > 0 et k > 1 sont deux paramètres.

170
Chapitre 7 - La politique de change

k > 1 traduit le fait que le gouvernement voudrait réduire le chômage au-dessous de son niveau
d’équilibre, par exemple par ce que celui-ci implique un fort chômage structurel. On suppose que les
agents privés forment leurs anticipations d’inflation π a et que le gouvernement choisit ensuite le taux
d’inflation optimal π* qui minimise L :

β[(k − 1) y + βπ a ]
π* =
ω +β2
qui est une fonction croissante de π a. Le problème est que si les agents forment des anticipations
rationnelles, i.e. π a = π*(π a), on aboutit à :
β ( k − 1)
π= y
ω
Cet équilibre est inefficace, parce que l’inflation est élevée sans aucun gain en termes d’activité. Cela
ne résulte pas d’une quelconque perversité des autorités, mais au contraire de leur souci du bien-être
social. Le problème est qu’au lieu de “ jouer contre la nature ”, elles jouent contre des acteurs qui
anticipent et calculent.
On ne peut échapper à cette inefficacité si le gouvernement cherche à optimiser (à maximiser le bien-
être social) et que les agents le savent2. Il faut alors “ lier les mains ” des autorités monétaires.
Comment ? deux techniques sont envisageables :
• construire une crédibilité anti-inflationniste, qui peut être accélérée par l’indépendance de la
banque centrale ;
• adhérer à un système de changes fixes piloté par une banque centrale crédible, qui comporte une
pénalité fixe (politique) en cas de dévaluation.

L’adhésion à un système de changes fixe apparaît donc comme un substitut à l’acquisition de la


crédibilité interne. Noter qu’il faut évidemment que la banque centrale qui pilote ce système soit elle-
même crédible. Ce fut l’un des motifs d’adhésion au SME, et d’acceptation que celui-ci fonctionne de
manière asymétrique sous leadership de la Bundesbank (selon cette approche, l’asymétrie a
fonctionné au bénéfice des pays inflationniste, non à celui de l’Allemagne). Techniquement, il faut
modifier la fonction de perte en écrivant :
L = ωπ2 + ( y − ky ) 2 + γZ + (1 - Z)θπ 2
où Z est une variable qui vaut un en cas de dévaluation et zéro sinon, γ est un coût fixe politique associé
à la dévaluation, et θ le coût supplémentaire de l’inflation résultant de l’appréciation du change réel en
régime de change fixe. En l’absence de dévaluation, l’adhésion au système de change fixe a pour effet
d’accroître le coefficient d’aversion pour l’inflation qui passe de ω à ω + θ : tout se passe comme si la
banque centrale était devenue plus “ dure ”. On a :

π* = β [ ( k − 1 ) y + β π a
]
ω + θ + β 2
On voit cependant qu’il y aura dévaluation dès que θπ*2 > γ, i.e. si :
β [( k − 1) y + β π a
] γ

ω + θ + β 2 θ
Le régime de change fixe exerce un effet de discipline si le coût politique de la dévaluation γ est élevé,
et si l’appréciation du taux de change réel résultant du régime de change fixe est relativement peu
coûteuse (θ bas). Mais si l’incitation à faire de l’inflation est trop forte (en raison d’un chômage élevé,
2
Il peut en aller autrement dans le cadre de jeux répétés.

171
Chapitre 7 - La politique de change

par exemple, i.e. k nettement supérieur à 1), il ne suffit pas. On voit aussi qu’une crise de crédibilité
(hausse de l’inflation anticipée) peut faire basculer d’un équilibre change fixe à un équilibre de change
flexible : dans ce cas, la crise de change sera auto-réalisatrice. Pour réduire la vulnérabilité du régime
de change fixe aux anticipations des marchés, on peut utiliser le système de la caisse d’émission, ou
bien carrément abandonner la monnaie nationale par union monétaire ou dollarisation complète de
l’économie.
L’argument de la crédibilité pèse peu lorsque les autorités monétaires ont au fil des années acquis une
forte réputation de fermeté anti-inflationniste (Bundesbank). Il peut être important lorsque la crédibilité
est inexistante en raison de l’inflation passée (Argentine) ou d’un changement de régime (pays en
transition). Certains pays (Argentine, Estonie) ont ainsi adopté unilatéralement des régimes de
currency board qui les privent de toute autonomie en matière monétaire. Il est intéressant de noter
que l’attrait des régimes de changes fixes a diminué en même temps que l’inflation (graphique 7.8).

Graphique 7.8 : Inflation moyenne dans l’économie mondiale

60
50
% annuels

40
30
20
10
0
Pays avancés Pays en développement

1985-1994 1995-2004

Source : FMI, World Economic Outlook, septembre 2003

e) Approche par la coordination

Les changes flexibles posent un problème de coordination, puisque chaque pays est incité à pratiquer
une politique non-coopérative. Plaçons nous dans le cas de deux pays supposés strictement identiques
et soumis au mêmes chocs, entre lesquels la production, globalement donnée, se déplace en fonction
des coûts salariaux relatifs (interdépendance par l’offre)3. Face à un choc récessif, chaque pays va
tenter de déprécier sa monnaie en menant une politique monétaire expansionniste. Ce faisant, il
cherche à attirer une partie de la production de son voisin et donc à compenser les effets du choc.
Mais les deux pays étant identiques, ils mènent l’un et l’autre la même politique, et donc ne gagnent
rien ni l’un ni l’autre. En revanche, ils conduisent des politiques monétaires exagérément
expansionnistes, qui vont induire de l’inflation sans aucun gain en termes de production.

Cet exemple suggère qu’il faut coordonner les politiques économiques. Mais la coordination est
coûteuse : elle induit des coûts d’information, de négociation, etc … La solution des changes fixes, qui
s’analyse techniquement comme l’adoption d’une fonction de réaction particulièrement simple du type i
= i*, peut résoudre ce dilemme. En effet, face à des chocs symétriques l’équilibre en changes fixes est
identique à l’équilibre coopératif symétrique, même si l’un des pays est leader et que l’autre se borne à
suivre ses décisions.

3
En d’autres termes, la courbe de Phillips est verticale à court terme dans l’ensemble des deux pays pris comme
un tout, mais elle a une pente négative dans chacun des deux pays pris isolément. Cette représentation est reprise
de Martin (1996).

172
Chapitre 7 - La politique de change

Encadré 7.9 - Le caractère sous-optimal de politiques non coordonnées

Une conséquence des interdépendances entre les économies est que les politiques économiques engendrent des
externalités positives ou négatives. Si ces effets externes ne sont pas pris en compte par les politiques
économiques, celles-ci peuvent conduire à des résultats sous-optimaux. Les deux décideurs de politique
économique se trouvent en quelque sorte dans la situation du « dilemme du prisonnier ». Le problème général
peut être représenté de la manière suivante. La politique économique cherche à maximiser U = U(y) où y est un
vecteur de variables endogènes, sous la contrainte :
y = H(x, x*)
où x, x* sont les vecteurs d'instruments de politique économique des deux pays. On peut ramener le problème à :
Maxx V(x, x*) conditionnellement à x*. L'optimisation non-coordonnée conduit à :

∂V ∂V *
(i) ( x, x*) = 0 et (i’) ( x, x*) = 0
∂xi ∂ x *i
qui définissent des fonctions de réaction de type x = F(x*), x* = F(x). L'équilibre non-coordonné (dit équilibre de
Nash) sera donné par :
(ii) x = F(x*) (ii’) x* = F*(x)
Or cet équilibre n'est pas nécessairement un optimum de Pareto. Celui-ci est défini par :
Max V(x, x*) s.c. V*(x*, x) ≥ V0*

dont le Lagrangien s'écrit :


(iii) L = V(x, x*) + λ[V*(x*, x) - V0*] et dont la maximisation implique :

∂V ∂V * ∂V ∂V *
(iv) = −λ et = −λ ∀i
∂xi ∂x i ∂xi * ∂xi *
Ce problème est équivalent à la maximisation d'une fonction d'utilité agrégée :
(v) W = V + λV*
λ apparaît donc comme un coefficient de pondération des utilités des deux pays. Il est donc a priori préférable de
coordonner les deux politiques économiques lorsqu'existent des externalités positives ou négatives.

173
Chapitre 7 - La politique de change

4. Conclusions
Ce sont les implications encore insuffisamment analysées de la mobilité des capitaux qui ont nourri le
regain de débat sur le choix d’un régime de change, tant entre les grands pays que pour les pays en
développement. En fait, la mobilité des capitaux polarise les choix, en soumettant les taux de change
fixe au risque récurrent de crises spéculatives de grande ampleur. Deux types de réaction apparaissent
en réponse : soit un mouvement vers davantage de flexibilité, soit, au contraire, des mesures visant à
renforcer la crédibilité de l’ancrage du change (comme l’adoption d’un currency board,) ou à le
dépasser, soit de façon unilatérale (“ dollarisation ” de l’économie), soit par la coopération et la mise en
place d’une union monétaire. La difficulté, irréductible, est qu’aucun système n’est adapté à toutes les
circonstances. Comme nous l’avons vu, les qualités des différents régimes de change dépendent de la
nature des chocs et des caractéristiques des économies. Par ailleurs, la flexibilité des changes, en
l’absence de coordination, est susceptible de conduire à des fluctuations importantes et coûteuses du
taux de change.

Plus formellement, les modèles étudiés ci-dessus illustrent bien que le taux de change reflète à tout
instant l’interaction entre les politiques économiques nationales. C’est la raison pour laquelle un taux de
change fixe “ coordonne ” les politiques nationales. Mais, lorsque ces dernières sont élaborées de façon
autonome au niveau national, il y a tension et risque de conflit. Il y a en fait un “ quadrangle
impossible ” entre : (1) le libre échange ; (2) la mobilité parfaite des capitaux ; (3) la fixité des
changes et (4) l’autonomie des politiques économiques (surtout monétaires) nationales.

Si l’on prend le libre échange pour acquis, ce quadrangle devient un “ triangle d’incompatibilité ”,
traduction « graphique » de la relation de Fisher rappelée plus haut. On peut vivre dans l’incohérence et
l’incompatibilité, mais c’est coûteux. L’économiste Willem Buiter décrit ainsi un système de taux de
change fixes comme “ an accident waiting to happen ”. Les solutions plus satisfaisantes peuvent
aller dans trois directions : (1) introduire des imperfections dans la mobilité des capitaux (taxe à la
Tobin, dépôts obligatoires, obligation d’une option de ‘roll-over’, etc.. : (2) plus grande flexibilité du taux
de change (à savoir soit le flottement libre, soit diverses formules de « gestion de la flexibilité »,
notamment par l’usage du signaling par les autorités monétaires) ; ou (3) abandon définitif de
l’autonomie de la politique monétaire nationale (dollarisation ou union monétaire).

Les débats sur le système monétaire international butent sur la contradiction entre l’intégration
croissante des marchés de biens et de services, et la diversité des choix nationaux entre ces différentes
options. En Europe, par exemple, le Royaume-Uni a souhaité pour l’instant privilégier l’autonomie de sa
politique monétaire au prix de la flexibilité, au moins formelle, de la livre sterling. De même, en
Amérique Latine, le Brésil a fait le choix du flottement en 1998 alors que l’Argentine s’est, jusqu’à la
crise de 2001, cramponnée à son currency board. Une situation analogue prévaut en ce qui concerne
les relations monétaires transatlantiques. On en est donc réduit, en ce qui concerne le taux de change
entre l’euro et le dollar, à rechercher les conditions d’une meilleure gestion de la flexibilité (plutôt que la
mise en place d’un système formel), assortie d’une coopération ad hoc suffisamment bien organisée.
C’est l’un des enjeux des débats actuels sur la politique de change de la zone euro et de la coopération
au sein du G7.

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Chapitre 7 - La politique de change

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