Vous êtes sur la page 1sur 184

UNIVERSITÉ CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR

ECOLE DOCTORALE DES SCIENCES JURIDIQUES, POLITIQUES,


ECONOMIQUES ET DE GESTION

FACULTE DES SCIENCES ECONOMIQUES ET DE GESTION

THÈSE DE DOCTORAT

Formation doctorale : finance pour le développement


Année : 2021 N° d’ordre :

Présentée par : Oumar Fodé DEMBELE


TITRE : PERSPECTIVES D’UNE UNIFICATION MONETAIRE ET DE MISE
EN ŒUVRE D’UNE STRATEGIE DE CIBLAGE DE L’INFLATION DANS LA
COMMUNUNAUTE ECONOMIQUE DES ETATS DE L’AFRIQUE DE L’OUEST

Date et lieu de soutenance : 18 / 12 / 2021 à l’UCAD


Jury

Président : M. Mbaye DIÈNE : Professeur Titulaire des Universités, agrégé


en Science Économique de l’Université Cheikh Anta Diop

Rapporteurs :
- M. Seydi Ababacar DIENG : Maître de Conférences, agrégé en Science
Économique de l’Université Cheikh Anta Diop

- M. Pierre MENDY : Maître de Conférences, agrégé en Science Économique


de l’Université Cheikh Anta Diop

- M. Michel RUIMY : Professeur Sciences-Po, Paris,

Examinateur : Feue Fatou GUEYE : Maître de Conférences, agrégé en Science


Économique de l’Université Cheikh Anta Diop

Directeur de thèse : M. Babacar SENE : Professeur Titulaire des Universités,


agrégé en Science Économique de l’Université Cheikh Anta Diop
DÉCHARGE

L'Université Cheikh Anta Diop de DAKAR n'entend donner aucune approbation ou


improbation aux opinions émises dans cette thèse.
Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur.
DEDICACE

Je dédie cette thèse :

À la mémoire de mon père, Fodé DEMBELE, arraché à notre


affection trop tôt, dont les conseils m’ont guidé vers la quête de
l’accomplissement de soi. Paix à son âme.

Également à titre posthume, à Monsieur le Premier ministre


Mandé SIDIBE, un homme dont la rencontre, tant pour
l’affection qu’il me portait et réciproquement, mais aussi par sa
vision toujours plus éloignée, a fait de moi le perpétuel étudiant
que je suis.

Mandé SIDIBE
Premier Ministre du Mali du 15 février 2000 au 18 mars 2002.

Rappelé à Dieu (swt), le 25 août 2009.

I
REMERCIEMENTS
Au terme de ce travail, je tiens à exprimer ma profonde gratitude à mon directeur de
thèse, Pr. Babacar SENE pour les conseils précieux, l’assistance morale et l’encadrement
sans faille qu’il a assurés tout au long de mes années de formation et de recherche. Sans
lui, cette aventure n’aurait, certainement jamais été possible.

Mes remerciements vont également aux rapporteurs de cette thèse, ci-dessous, qui ont
accepté de lire le résultat de mes recherches et dont les observations pertinentes ont
permis de relever la qualité du livrable : Pr. Ababacar SEYDI DIENG, Pr. Pierre
MENDY et Dr. Michel RUIMY.

Je souhaite aussi témoigner ma reconnaissance envers le Professeur Mbaye DIENE,


président du jury qui a fait de ma thèse une de ses priorités en trouvant du temps à me
consacrer.

Je tiens également à remercier nommément les autres membres de mon jury de thèse, qui
ont manifesté leur intérêt pour mon travail. Parmi eux, l'examinateur de ma thèse à
savoir le professeur Fatou GUEYE. Leurs commentaires et suggestions très utiles
ont permis d’accroitre la qualité de ma thèse

Je souhaite aussi témoigner ma reconnaissance envers Dr Abdoulaye TRAORE, Dr


Philippe BALESTRO et Dr Youssouf DEMBELE, qui ont fait de ma thèse une de leurs
priorités en trouvant toujours du temps à me consacrer. Ce travail a su bénéficier de leur
expertise et de leurs nombreux mais ô combien précieux conseils. Je n’ai jamais osé
compter le nombre de relectures, de commentaires et d’échanges durant ces trois années.
Cependant, une chose est sûre : Dr Abdoulaye TRAORE a été d’une disponibilité et d’un
soutien indispensables. Sa contribution au travail a été essentielle à chaque fois.

Je souhaite remercier tous les chercheurs du Laboratoire de Finances pour le


Développement – LAFIDEV.

Je tiens à exprimer particulièrement ma reconnaissance à ma famille, mon épouse Fatim,


ma fille Nabou, mes parents et mes amis dont Dr Soumana SAKO, l’une de mes sources
d’inspiration.

II
Je remercie notamment Dr Abdrahamane BERTE, Claude Yao BEUGRE, Assitan
Kouyaté SISSOKO et ma fille Nabou, qui ont généreusement participé à la relecture de
cette thèse.

Je remercie également Mr Siriki KONE, Directeur de Cabinet du Gouverneur de la


BCEAO, et Sidiki TRAORE pour l’intérêt qu’ils ont pu accorder à mes recherches ainsi
que pour le soutien et les conseils.

Je remercie, à titre posthume, le Premier ministre Mandé SIDIBE, un homme dont la


rencontre, tant pour l’affection qu’il me portait et réciproquement, mais aussi par sa
vision toujours plus éloignée, ont fait de moi le perpétuel étudiant que je suis; Mr Siré
SY, le premier Chef d''arrondissement du Bafing, ma commune de naissance, qui m'a
offert mon premier jour d'école.

Enfin à Dickel Diallo TALL, ma belle-mère. Ta disparition nous rappelle comme une
évidence que nous sommes finalement bien peu de choses et qu'il faut profiter de chaque
seconde de chaque minute ici-bas… J’ai été très heureux que tu m’en accordes quelques-
unes. Toi, qui savais faire beaucoup avec si peu, toi qui savais cultiver l'amour et la
maternité… tu rendais ces moments rares... Comment les oublier ?

Mes plus sincères remerciements à vous et à tous ceux que je n’ai pas mentionnés.

III
LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS
AMAO : Agence monétaire de l’Afrique de l’Ouest
AOF : Afrique Occidentale Française
ASEAN: Association of South East Asian Nations
BAD : Banque africaine de Développement
BCE : Banque centrale européenne
BCEAO : Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest
CAE : Communauté d'Afrique de l'Est
CCAO : Chambre de Compensation de l’Afrique de l’Ouest
CEAO : Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest
CEDEAO : Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest
CEMAC : Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale
CFA : Communauté Financière Africaine
CNUCED : Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement
COMESA : Marché Commun de l’Afrique de l’Est et Australe
CPM : Comité de politique monétaire
CREPMF : Conseil Régional de l’Epargne Publique et des Marchés Financiers
Fed : Federal Reserve
FMI : Fonds Monétaire International
IPC : Indice des Prix à la Consommation
IHPC : Indice Harmonisé des Prix à la Consommation
MCO : Moindres carrés ordinaires
OCDE : Organisation pour la Coopération et le Développement Economique
ONUDI : Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel
PCMC : Programme de Coopération monétaire de la CEDEAO
PCSCS : Pacte de Convergence, de Stabilité, de Croissance et de Solidarité
PIB : Produit Intérieur Brut
PSC : Pacte de Stabilité et de Croissance
PSTR: Panel Smooth Threshold Regression model
PTR : Panel Threshold Regression model
SADC : Southern African Development Community (Communauté de
développement de l'Afrique australe)
SETAR: Self-Exciting Threshold Auto Regressive model

IV
SMI: Système Monétaire International
STAR: Smooth Threshold Auto Regressive model
TAR: Threshold Autoregressive Regression model
TAR: Threshold Auto-Regressive model
UEM : Union économique et monétaire
UEMOA : Union économique et monétaire ouest africaine
UMOA: Union Monétaire Ouest Africaine
WDI: World Development Indicators
WEO : World Economic Outlook
ZMAO : Zone monétaire de l’Afrique de l’Ouest
ZMO : Zones monétaires optimales

V
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1. Résultats de la démonstration Barro-Gordon dans le cadre d’un jeu non
coopératif entre décideur public et agents privés rationnels ........................................19
Tableau 2. Taux de remplissage des critères de convergence en CEDEAO (2005-2010)
..................................................................................................................................68
Tableau 3. Taux de remplissage des critères de convergence en CEDEAO (2011-2016)
..................................................................................................................................69
Tableau 4. Monnaies nationales en Afrique de l’Ouest. .............................................76
Tableau 5. Volatilité de la production dans la CEDEAO ............................................91
Tableau 6. Caractéristiques principales des cadres de politique monétaire dans onze
pays ...........................................................................................................................98
Tableau 7. Cadre de politique monétaire des banques centrales en Afrique de l’Ouest
et dans les pays africains cibleurs d'inflation............................................................ 100
Tableau 8. Taux de croissance des pays de la CEDEAO (1980-2018) ...................... 129
Tableau 9: Tests de stationnarité des variables ......................................................... 150
Tableau 10. Test de linéarité du modèle ................................................................... 152
Tableau 11.Test de détection d’autres seuils ............................................................ 152
Tableau 12. Résultats des estimations des autres paramètres .................................... 154

VI
TABLE DES FIGURES
Figure 1. Nombre de pays ayant adopté le ciblage d’inflation dans les pays avancés et
émergents ..................................................................................................................33
Figure 2. Ampleur des divergences dans la CEDEAO (2000-2014) ...........................72
Figure 3. Ampleur des divergences dans la CEDEAO (2000-2014), mesurée par
l'écart-type.................................................................................................................74
Figure 4. Evolution des avoirs extérieurs nets de la BCEAO (1991-2017) .................81
Figure 5: Evolution du taux de couverture et ses composantes ...................................81
Figure 6. Evolution des taux d’intérêt directeurs de la BCE .......................................83
Figure 7. Niveau d'inflation des deux zones monétaires la CEDEAO (2000-2017).....87
Figure 8. Taux d’inflation annuel par pays (2000-2017) ...........................................87
Figure 9. Evolution des taux de croissance dans la CEDEAO (2000-2017) ................89
Figure 10. Taux de change effectifs réels par pays (2000-201)...................................91
Figure 11. Evolution des taux de change effectifs réels dans la CEDEAO (2000-2017)
..................................................................................................................................92
Figure 12. Afrique subsaharienne: évolution de l’inflation (1980–2012) ....................96
Figure 13. Nombre de conditions remplies par les pays cibleurs d'inflation.............. 110
Figure 14. Taux d'inflation des pays cibleurs au moment de l'adoption de la politique
................................................................................................................................ 112
Figure 15.Courbe de Phillips selon Friedman .......................................................... 119
Figure 16. Evolutions des taux de croissance régionaux (avec et sans le Nigeria)..... 128
Figure 17.Evolutions des taux d’inflation des pays de l’UEMOA et du Cap-Vert .... 130
Figure 18. Evolutions des taux d’inflation des pays de la ZMAO ............................. 131
Figure 19. Performances régionales de l’inflation et de la croissance ....................... 131
Figure 20 : Panorama des relations inflation-croissance dans les pays de la CEDEAO
................................................................................................................................ 134
Figure 21.Intervalles de confiance pour les deux seuils ............................................ 153

VII
SOMMAIRE

DEDICACE .................................................................................................................... I

REMERCIEMENTS........................................................................................................ II

LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS ........................................................................... IV

LISTE DES TABLEAUX .................................................................................................. VI

TABLE DES FIGURES .................................................................................................. VII

RESUME ..................................................................................................................... 1

INTRODUCTION GENERALE ......................................................................................... 2

CHAPITRE I : LA POLITIQUE MONETAIRE A LA RECHERCHE DE LA CREDIBILITE ET DE


L’OPTIMALITE : DU DEBAT REGLE VS DISCRETION A L’EMERGENCE DU CIBLAGE DE
L’INFLATION ............................................................................................................... 9

I.1. Le renouvellement de la politique monétaire et du cadre constitutionnel : quelle place pour la


crédibilité de la banque centrale ? 10
I.1.1. Le clivage binaire règles/discrétion de la politique économique ............................................. 11
I.1.2. Fondements théoriques de la crédibilité................................................................................ 14

I.2. Les règles monétaires opératoires : les règles activistes 22


I.2.1. Les règles d’instrument ........................................................................................................ 23
I.2.2. Les règles d’objectif.............................................................................................................. 26
I.2.3. Règles instrument versus Règles d’objectif .......................................................................... 28

I.3. Adoption de la stratégie de ciblage d’inflation comme réponse adéquate à la crédibilité et à


l’efficacité : mode opératoire et performances macroéconomiques 31
I.3.1. Le ciblage d’inflation : une analyse conceptuelle controversée.............................................. 33
I.3.2. Modalités pratiques du ciblage d’inflation : questions en débat ............................................ 37
I.3.3. Performances des régimes de ciblage d’inflation .................................................................. 45

CHAPITRE II : CREDIBILITE DU PROCESSUS D’INTEGRATION MONETAIRE ET


PERSPECTIVES D’UNE STRATEGIE UNIFIEE DE CIBLAGE D’INFLATION EN AFRIQUE DE
L’OUEST .................................................................................................................... 53

II.1. Le passage à la monnaie unique dans la zone CEDEAO à la lumière du débat théorique et de la
convergence des économies 55
II.1.1. La théorie de la zone monétaire optimale (ZMO) : une approche favorable aux perspectives
d’unification monétaire en Afrique de l’Ouest ? ............................................................................ 56
II.1.2. Coopération monétaire régionale en Afrique de l’Ouest ...................................................... 61
II.1.3. Point sur la convergence macroéconomique........................................................................ 67

VIII
II.2. Régimes de change en Afrique de l’Ouest : expériences et enseignements 74
II.2.1. Statut des monnaies ............................................................................................................ 75
II.2.2. Quelques aspects de politiques de change en Afrique de l’Ouest ......................................... 78
II.2.3. Bilan macroéconomique des pays selon le régime de change adopté ................................... 86

II.3. Vers un ciblage d’inflation dans la zone CEDEAO : enjeux et défis 92


II.3.1. Panorama des cadres institutionnels des banques centrales ................................................ 93
II.3.2. Préconditions économiques et institutionnelles du ciblage d'inflation................................ 105
II.3.3. Expériences des pays en développement en matière de ciblage d’inflation : Quelles leçons
pour la CEDEAO ?........................................................................................................................ 111

CHAPITRE III : DETERMINATION D’UN SEUIL D’INFLATION OPTIMAL DANS LA CEDEAO


............................................................................................................................... 114

III.1. Quel niveau d’inflation nuit à la croissance économique ? 116


III.1.1. La relation inflation-croissance dans la théorie macroéconomique.................................... 117
III.1.2. Travaux empiriques récents sur les non-linéarités dans la relation inflation-croissance ..... 122

III.2. Dynamique de l’inflation et de la croissance dans la CEDEAO : Quelques faits stylisés 127
III.2.1. Les évolutions de la croissance économique en Afrique de l’Ouest.................................... 127
III.2.2. Evolution de l’inflation en relation avec la croissance........................................................ 129

III.3. Estimation du taux optimal d’inflation à l’aide d’un modèle à seuils 139
III.3.1 La modélisation à effet de seuil en tant qu’outil d’approfondissement de l’étude de la
dynamique non-linéaire d’un processus ...................................................................................... 139
III.3.2. Représentation du modèle PTR de Hansen (1999) et méthodologie d’estimation .............. 141
III.3.3. Spécification du modèle empirique et données................................................................. 148
III.3.4. Présentation des résultats ................................................................................................ 151

CONCLUSION GENERALE ......................................................................................... 156

IX
RESUME
Depuis le début des années 2000, suivant une approche et un calendrier maintes fois remaniés, les Etats
de la CEDEAO ont exprimé leur volonté d’accélérer le processus d’intégration monétaire dans la région.
Malgré la complexité des enjeux liés à la diversité linguistique et culturelle, ainsi que celle relative aux
conditions d’adhésion à une union monétaire, le projet de monnaie unique ouest-africaine dont la portée
est jugée emblématique pour les Etats concernés suscite un enthousiasme politique. Alors, lors du
sommet de la CEDEAO de juin 2019 à Abuja (Nigeria), les Chefs d’État sont convenus sur les modalités
pratiques de la nouvelle monnaie : sur le nom (ECO) ; sur le modèle de banque centrale (fédéral et non
unique) ; sur le régime de change (flexible), assorti d’un cadre de politique monétaire s’appuyant sur le
ciblage d’inflation ; sur le respect de critères de convergence à atteindre et sur le calendrier progressif,
à partir de 2020. Sur ces entrefaites, la thèse s’est proposé d’étudier l’applicabilité du ciblage de
l’inflation à la zone en se basant sur des expériences internationales ainsi que les implications de sa mise
en œuvre en termes d’objectif d’inflation. Prenant en compte les enseignements de la pratique du ciblage
d’inflation au plan international, les résultats suggèrent un niveau d’inflation cible de 6,6% dans la
CEDEAO. Ainsi, à des taux d’inflation inférieurs à ce niveau, toute montée de l’inflation est favorable
à la croissance économique. Toutefois, l’effet marginal de l’inflation sur la croissance économique des
pays de la CEDEAO est très faible dans les différents régimes. En effet, dans la limite du taux optimal
de 6,6%, une hausse du taux d’inflation de 1% induirait une augmentation de la croissance seulement
de 0,007%. Au demeurant et eu égard aux performances des pays en termes de respect des critères de
convergence, les résultats militent en faveur d’un passage graduel à la monnaie unique, en privilégiant
le démarrage avec les États membres qui respectent certains critères, comme celui de l’inflation.
Clairement, l’adhésion à l’ECO pourrait d’abord être limitée aux pays ayant une inflation structurelle
proche de 6,6%.
Mots clés : CEDEAO, intégration monétaire, ciblage d’inflation, modèle à effets de seuil, inflation cible

ABSTRACT
Since the beginning of the 2000s, the ECOWAS states have expressed their desire to accelerate the
process of monetary integration in the region, following a time-consuming redesign and timetable.
Despite the complexity of the issues related to linguistic and cultural diversity, as well as that relating
to the conditions for joining a monetary union, the West African single currency project, whose scope
is considered emblematic for the States concerned, arouses political enthusiasm. At the June 2019
ECOWAS summit in Abuja, Nigeria, the Heads of State agreed on the practical modalities of the new
currency: Name (ECO) the central bank model (federal and non-single); the (flexible) exchange rate
regime, with a monetary policy framework based on inflation targeting; on the fulfillment of the
convergence criteria to be achieved and on the progressive timetable, from 2020 onwards. On these
premises, the thesis proposed to study the applicability of inflation targeting to the zone on the basis of
international experience and the implications of its implementation in terms of inflation target. Taking
into account lessons learned from international inflation targeting practice, the results suggest a target
inflation level of 6.6% in ECOWAS. Thus, at inflation rates below this level, any rise in inflation is
conducive to economic growth. However, the marginal effect of inflation on the economic growth of
ECOWAS countries is very weak under the different regimes. Indeed, within the limit of the optimal
rate of 6.6%, an increase in the inflation rate of 1% would induce an increase in growth of only 0.007%.
Moreover, and in view of the performance of countries in terms of meeting the convergence criteria, the
results advocate a gradual transition to the single currency, giving priority to starting up with Member
States that meet certain criteria, such as that of inflation. Clearly, accession to the ECO could first be
limited to countries with structural inflation close to 6.6%.
Keywords: ECOWAS, monetary integration, inflation targeting, threshold effects model, target inflation

1
INTRODUCTION GENERALE
Dès sa création en 1975, la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest
(CEDEAO) a inscrit dans sa vision l’idée de mettre en place une monnaie commune. En 1987,
les autorités des pays constitutifs ont exprimé leur volonté de mettre en œuvre ce projet en
créant le Programme de Coopération monétaire de la CEDEAO (PCMC) dont l’objectif ultime
est la création d’une zone monétaire unique gérée par une banque centrale commune. Mais les
véritables initiatives n’ont été prises qu’en 1996, à la suite de la transformation de la Chambre
de Compensation de l’Afrique de l’Ouest (CCAO), qui avait été créée en 1976 en tant que
mécanisme multilatéral des paiements, en une agence autonome - l’Agence Monétaire de
l’Afrique de l’Ouest (AMAO). Chargée de piloter la conception et la mise en œuvre
opérationnelle du projet, l’AMAO est restée inactive pendant les trois premières années de son
existence.

C’est dans ce contexte qu’en 1999, lors d’un sommet à Lomé, les Chefs d’Etat des pays
membres ont défini une stratégie dite « approche accélérée de l’intégration » visant à donner un
coup de pouce au projet. Avec l’adoption de cette nouvelle stratégie, la feuille de route définie
planifiait deux étapes. Les pays hors zone Franc (CFA) de la CEDEAO doivent d’abord créer
une zone monétaire unique qui fusionnera par la suite avec la zone UEMOA. Conséquemment,
la Gambie, le Ghana, la Guinée, le Libéria, le Nigeria et la Sierra Leone ont défini en 2000, les
bases du projet de la Zone monétaire d’Afrique de l’Ouest (ZMAO).

En Afrique de l’Ouest, l’intégration monétaire est caractérisée par une dualité économique entre
« pays africains de la zone Franc (PAZF » et « pays hors zone Franc », compte tenu de la
diversité linguistique et culturelle marquée dans les deux zones (francophone, anglophone).
Cette dualité demande des efforts considérables de coordination, d’harmonisation et de
convergence. Aussi, les spécificités nationales qui en découlent en matière de salaire, de
fiscalité et d’habitudes sociales sont-elles de nature à limiter les conditions d’optimalité de la
zone monétaire et une gestion efficace de la monnaie commune.

Par ailleurs, en termes de spécialisation, les économies de la CEDEAO sont réparties en


plusieurs sous-groupes de pays homogènes distincts. Le Nigeria, leader économique de la zone,
avec une production représentant 66% du PIB de la région en 2018, se singularise par la
structure de ses exportations atypiques en raison du poids du pétrole. Le Ghana, la Côte d’Ivoire

2
et le Sénégal pesant respectivement 10,3%, 6,7% et 3,7% du PIB de la région constituent un
sous-groupe de pays dont le secteur industriel émerge relativement, tandis que la prédominance
des activités d’import-export constitue le dénominateur commun du Togo et du Bénin.1 Le
positionnement géographique de certains pays sahéliens comme le Burkina Faso, le Mali et le
Niger fait d’eux des économies agricoles naturellement dépendantes des aléas climatiques. En
plus, les pays de l’UEMOA sont des importateurs nets de pétrole à la différence du Nigeria qui
en est exportateur.

Dans cette situation marquée par une forte hétérogénéité structurelle, la réponse des économies
à un choc commun de façon différenciée serait sans équivoque (Traoré, 2017). De même,
l’impact homogène d’une politique monétaire unique serait hypothétique. De ce point de vue,
le principal enjeu de l’intégration monétaire dans la CEDEAO réside dans la convergence
macroéconomique considérée par les autorités comme une condition préalable nécessaire. En
effet, la mise en œuvre de politiques macroéconomiques convergentes est fondamentale dans
les pays candidats. Si les taux d’inflation, les taux de change, les rapports entre la dette et le
PIB, le taux de croissance monétaire et d’autres variables macroéconomiques vitales ne sont
pas alignés de façon durable, aucune intégration régionale profonde ne pourrait être réalisée.

Depuis 2001, des politiques nationales et monétaires sont mises en œuvre dans ce sens par la
CEDEAO à travers un dispositif de convergence, qui vise simultanément la stabilité monétaire
et la soutenabilité budgétaire. Dans l’UEMOA, un dispositif de convergence existait déjà depuis
le milieu des années 1990 dans le cadre de la zone franc et donne des résultats satisfaisants,
contrairement aux pays de la ZMAO, qui peinent à produire les mêmes effets avec des mesures
similaires. Or, le succès du processus d’intégration monétaire au sein de la région en dépend
fortement. Des études ayant évalué la soutenabilité du projet de monnaie unique, en
s’interrogeant sur l’optimalité de la zone (voir notamment Benassy - Quéré et Coupet (2005),
Tapsoba (2009a), Ekong et Onye (2012)), s’accordent sur la conclusion que la CEDEAO ne
constitue pas une zone monétaire optimale (ZMO) et évoquent un certain nombre de facteurs
susceptibles de bloquer le processus (dissemblances des chocs, différences de termes de
l’échange et de fiscalité, absence de coordination budgétaire).

1
Les chiffres avancés sont fournis par les statistiques de la CNUCED.

3
Malgré cette situation, la vision stratégique 2020 de la communauté a réaffirmé le maintien du
projet d’unicité monétaire suivant une « approche graduelle » qui prévoit que seuls les pays qui
respecteront les critères de 1er rang passeront à l’horizon 2020 à la monnaie unique. Toutefois,
même si la volonté politique est essentielle dans la réalisation d’un tel projet, il convient de
noter que l’introduction d’une monnaie unique conduira à la définition, par une banque centrale
commune, d’un cadre de politique monétaire adapté aux circonstances et aux besoins
particuliers des pays de la CEDEAO. C’est dans cette perspective que les Chefs d’Etat ont
envisagé de mettre en place un régime de change flexible assorti d’une politique de ciblage
d’inflation.

Le contexte historique de l’émergence du ciblage d'inflation dans les grands pays industrialisés
à la fin des années 80 est éloquent à ce sujet. En effet, avec la libéralisation financière du début
des années 80, qui s’est manifestée à travers l’instabilité de la demande de monnaie (suivant la
modification considérable constatée sur la vitesse de circulation de la monnaie), le
développement de l’innovation financière, la désintermédiation bancaire et la déréglementation
des marchés financiers, la relation entre les agrégats monétaires et l’inflation a commencé à
s’affaiblir et, partant, le ciblage monétaire apparut de moins en moins satisfaisant en tant que
point d’ancrage nominal de la politique monétaire. Ces évolutions suivies de l’effondrement
des différents régimes de parité fixe des pays industrialisés ont contribué à l’adoption par
certains pays européens, comme la Nouvelle-Zélande en 1989, du ciblage d’inflation, qui s’est
avéré être aussi une réponse pragmatique des banques centrales dans leur mission de
stabilisation des prix. A la fin des années 1990, lorsque les taux d’inflation ont atteint leur plus
bas niveau, de nombreux pays voulaient se doter d’un cadre permettant d’ancrer plus
efficacement les progrès réalisés sur le front de l’inflation (Mahadeve et Sterne, 2000). En fin
de compte, en raison des difficultés pratiques pour assurer le suivi des agrégats monétaires et
des instabilités de la demande de monnaie, bon nombre de pays avancés et émergents ont dû
renoncer à l’ancrage des taux de change pour adopter le ciblage de l’inflation.

Même si sa définition est en partie controversée, le ciblage de l’inflation est décrit comme un
cadre d’application de la politique monétaire en liberté surveillée qui astreint la banque centrale
à assurer une faible inflation (Croce et Khan, 2000). Brand (2008) l’assimile ainsi à une formule
qui permet de conjuguer l’engagement de long terme sur la stabilité des prix et la mise en
pratique quotidienne par des actions discrétionnaires. En s’appuyant sur des règles, cette

4
politique permet à la banque centrale de choisir librement la manière dont elle utilise ses
instruments. Ce qui lui donne une certaine marge de manœuvre pour réagir aux éventuels chocs
(qu’ils soient endogènes ou exogènes). Ainsi, le ciblage de l’inflation se présente comme une
stratégie parvenant à un arbitrage satisfaisant entre l’objectif de court terme de stabilisation de
la production et l’objectif de long terme de stabilisation de l’inflation.

Dans un cas typique de ciblage de l’inflation, la banque centrale règle ses instruments, à une
date donnée, à un niveau qui ramènera l’inflation prévisionnelle à un taux proche de la cible à
atteindre. L’inflation prévisionnelle sert ainsi d’objectif intermédiaire ; l’écart à combler entre
le taux prévisionnel et le taux cible à atteindre guide le choix de l’action à mener [(Bernanke et
Mishkin (1997) ; Svensson (1997) ; Batini et Nelson (2001) ; Ball et Sheridan (2003) ; Batini
et Laxton (2006)]. Dans un cadre de « discrétion contrainte », selon l’expression de Bernanke
et Mishkin (1997), il incombe à la banque centrale adepte de cette approche d’utiliser toute
information jugée pertinente pour atteindre l’objectif fixé. Cependant, elle est tenue de publier
des relevés d’inflation et d’expliquer sa politique, puisque la stratégie suggère un degré élevé
de transparence de la politique monétaire et de responsabilité des autorités. A partir de diverses
expériences nationales, Kuttner (2004) regroupe les principaux attributs du ciblage de
l’inflation en quatre points :

- un engagement institutionnel sur la stabilité des prix comme principal objectif de la


politique monétaire, avec une large autonomie opérationnelle de la banque centrale. Dans
ce cadre, les autres objectifs comme la stabilisation du PIB, la limitation de la volatilité du
taux de change ou le maintien de la stabilité financière ne sont recherchés que dans la
mesure où ils sont compatibles avec la stabilité des prix ;
- l’annonce publique d’un objectif quantitatif d’inflation (cible) ainsi qu’un calendrier pour
l’atteindre. Les valeurs se présentent soit sous forme d’une cible ponctuelle soit sous forme
de fourchette étroite. Les indices de prix choisis comme référence sont spécifiés et
annoncés. Le délai de réalisation habituellement retenu est le moyen terme (d’une durée
inférieure à deux ans) ;
- le devoir de transparence dans la formulation de la politique monétaire à travers la
communication avec le public et les marchés sur la réalisation de l’objectif (cela concerne
le plan d'action, les objectifs et les décisions des autorités monétaires). Cette exigence de
transparence contribue à renforcer la responsabilité de la banque centrale et à réduire

5
l’incertitude quant aux orientations futures de la politique monétaire. Dans ce cadre, des
rapports trimestriels sur les conditions économiques et sur l’inflation sont publiés
régulièrement. Dans une certaine mesure, ces rapports fournissent aussi des prévisions
concernant les indicateurs stratégiques les plus importants ;
- enfin, l'augmentation du degré de responsabilité de la banque centrale vis-à-vis de ses
objectifs en matière d'inflation. Les banques centrales, étant considérées comme
responsables des résultats obtenus, doivent se soumettre à des procédures d’évaluation
parfois suivies de conséquences néfastes en cas de non-respect de l’objectif annoncé
(démission du gouverneur ou obligation de justifier les écarts et d’annoncer un calendrier
de retour à la normale).

Plusieurs revues [(Masson et al (1997), Debelle (1997), Eichengreen et al. (1999), Mishkin
(2000 et 2001), Mishkin et Schmidt-Hebbel (2001), Heenan et al. (2006), Roger (2010),
Hammond (2012), Grostal et al. (2014)] ont contribué à saisir les éléments essentiels à la mise
en œuvre du ciblage de l'inflation et à promouvoir les pratiques couramment utilisées par les
banques centrales suivant déjà cette stratégie ou ne faisant que préparer son adoption. Ces
revues mettent en avant que l’adoption d’un tel régime monétaire implique qu’un certain
nombre de conditions indispensables soient réunies: il faut notamment améliorer le
fonctionnement des marchés monétaires et des changes pour que les signaux de la politique
monétaire soient transmis aux marchés avec plus d’efficacité, comprendre le fonctionnement
du mécanisme de transmission de la politique monétaire dans les pays, promouvoir de façon
accrue la discipline budgétaire. Ces exigences sont envisagées pour aider à garantir la crédibilité
de la politique monétaire et, à terme, avoir la capacité d'atteindre ses objectifs stratégiques.

Dans la mesure où certains pays de la CEDEAO ont soit adopté le ciblage de l’inflation (cas
du Ghana) ou mis en place la presque totalité de ses attributs (cas des pays de l’UEMOA) mais
aussi du fait que ce type de stratégie soit un cadre d’application de la politique monétaire
envisagée pour la future Banque Centrale, il semble important de mener une réflexion sur cette
question qui apparaît comme un axe de recherche d’actualité. Plus précisément les travaux de
la thèse prospectent le ciblage de l’inflation en tant qu’outil de stabilisation macroéconomique
pour les pays de la CEDEAO. Dans cette circonstance, la définition d’objectif quantitatif
d’inflation étant fondamentale pour la réussite ou l’échec de la politique monétaire ainsi qu’aux
besoins d’évaluation d’une stratégie de ciblage d’inflation, cela amène à la question de
recherche principale suivante : en cas d’adoption d’un régime de ciblage d’inflation dans le

6
cadre de la future union monétaire régionale, quelle cible retenir pour les pays candidats ?
Autrement dit, quel est le niveau d’inflation susceptible de maximiser la croissance économique
de ces pays ?

L’objectif principal de cette thèse est d’analyser l’applicabilité du ciblage de l’inflation à la


zone CEDEAO comme cadre de politique monétaire, en se basant sur des expériences
internationales ainsi que les implications de sa mise en œuvre en termes d’objectif numérique.
De façon spécifique, il s’agira :

- de procéder à une évaluation critique des principaux travaux sur la conduite de la politique
monétaire en mettant l’accent, d’une part, sur les analyses ayant influencé le
renouvellement de la théorie de la politique monétaire et, d’autre part, en examinant les
fondements du ciblage de l’inflation et ses effets sur les indicateurs macroéconomiques ;

- d’étudier les avancées des pays dans le processus d’intégration monétaire et les conditions
d’application du ciblage de l’inflation en se basant sur les expériences internationales et les
enseignements des politiques antérieures d’ancrage nominal ;

- de déterminer un niveau d’inflation optimal dans la zone CEDEAO, à partir des données
des pays candidats.

Nous formulons les hypothèses suivantes :

- l’ancrage des écarts durables de disparités régionales dans la CEDEAO constitue un frein
au projet d’unification monétaire ;
- il existe des effets de non-linéarité dans la relation inflation-croissance permettant la
définition d’une cible d’inflation unique au sein de la CEDEAO ;
- l’application d’une stratégie de ciblage d’inflation est envisageable dans la région.

Cette thèse s’inscrit dans une double lignée : la première concerne les travaux sur l’intégration
monétaire/financière en Afrique de l’Ouest et la seconde sur le renouvellement de la théorie de
la politique monétaire impulsé par les travaux sur les règles monétaires. Les objectifs formulés
seront poursuivis à la fois dans un cadre théorique et dans un cadre empirique à travers trois
chapitres.

Le chapitre 1 s’attache à reproduire les grandes étapes du débat « Règle versus Discrétion »,
dont le dénouement a favorisé l’émergence du ciblage de l’inflation. Dans ce chapitre, nous

7
allons analyser les traits caractéristiques de la refondation de la théorie de la politique monétaire
en faveur de la crédibilité de la banque centrale et de l’optimalité. A ce niveau, un vaste courant
de littérature sera d’abord consacré au débat règle (de politique monétaire) versus discrétion
qui a rythmé les années 1970-1980. La question de la règle la mieux appropriée pour optimiser
les effets escomptés de la politique menée par les banques centrales sera débattue dans un
second temps. Le fait que le ciblage d’inflation soit un cadre de politique monétaire suivi par
un nombre de plus en plus important de banques centrales justifie qu’une dernière partie du
chapitre s’y arrête pour clarifier les raisons qui ont poussé les pays à adopter un tel cadre, ses
propriétés et son contenu. Un survol rapide des résultats macroéconomiques consécutifs à son
adoption par certains pays complétera cette partie.

Dans le chapitre 2, nous nous intéressons au processus d’intégration monétaire engagé en


Afrique de l’Ouest et aux perspectives d’une stratégie unifiée de ciblage d’inflation. Nous
examinerons d’abord les progrès enregistrés vers l’intégration monétaire au sein de la CEDEAO
à la lumière des théories des ZMO et des efforts des pays candidats à réaliser la convergence
macroéconomique et l'intégration monétaire. Ensuite, nous présenterons les performances
macroéconomiques des pays selon leur régime de change à partir d’un certain nombre
d’indicateurs résultant de la conduite de la politique monétaire. Enfin, pour montrer les voies
d’une plus grande efficacité d’une politique de ciblage d’inflation dans la CEDEAO, nous
étudierons, à partir diverses expériences internationales, les préconditions économiques et
institutionnelles qu’elle implique et leur applicabilité.

La connaissance d’une cible d’inflation étant utile à la mise en œuvre ainsi qu’aux besoins
d’évaluation d’une politique monétaire, nous allons nous essayer, dans le chapitre 3, à la
détermination d’un taux d’inflation optimal dans la zone CEDEAO et ses effets sur la croissance
des pays candidats. Dans ce cadre, nous allons clarifier d’abord les effets de l’inflation sur la
croissance à partir d’un certain nombre de recherches théoriques s’y rapportant, puis les
résultats des travaux tentant d’apporter des preuves empiriques de l’existence d’effets de non-
linéarité dans la relation inflation-croissance seront présentés en substance. Dans un second
temps nous effectuerons une analyse de la dynamique de l’inflation et de la croissance dans les
pays de la CEDEAO à partir des données récentes. Enfin, une dernière partie sera consacrée à
l’estimation d’un taux optimal d’inflation dans la CEDEAO à l’aide d’un modèle à seuils.

8
CHAPITRE I : LA POLITIQUE MONETAIRE A LA RECHERCHE DE LA
CREDIBILITE ET DE L’OPTIMALITE : DU DEBAT REGLE VS DISCRETION A
L’EMERGENCE DU CIBLAGE DE L’INFLATION
La théorie monétaire a longtemps été marquée par les querelles entre économistes classiques,
keynésiens et monétaristes, au point de fournir des explications alternatives aux mécanismes
institutionnels destinés à assurer une inflation tendancielle faible. Mais, depuis les années 1980,
dans un contexte de développement et de libéralisation des marchés financiers internationaux
et des innovations financières, de désinflation, les théories monétaires ont fortement évolué.
Elles ont été dominées, en effet, par de nouvelles analyses sur des thèmes comme la crédibilité
et la transparence de la politique monétaire (notamment, avec les travaux de Kydland et Prescott
(1977), suivie de la théorie de Barro et Gordon (1983), de Rogof (1985) et de Walsh (1995)],
les règles de conduite (avec la publication des travaux fondateurs de McCallum (1987) et de
Taylor (1993), la réduction des asymétries d’information (Stiglitz et Weiss, 1992),
l'identification des canaux de transmission de la politique monétaire (Taylor (1995), Bernanke
et Gertler (1995), Mishkin (1996)).

L’aspect central de cette mutation correspond à une réévaluation des concepts traditionnels par
le courant monétariste ainsi qu’à la prise en compte des anticipations rationnelles des agents
privés dans les modèles prédictifs grâce à l’apport de Lucas (1976). Ces analyses ont fortement
influencé aussi bien la conduite de la politique monétaire que ses supports théoriques, au point
que l'on puisse parler aujourd’hui d'une véritable refondation. L’expérience de plusieurs
banques centrales a effectivement prouvé que pour réguler l’économie, la pratique des
méthodes traditionnelles du contrôle optimal ne résiste plus à la conception des anticipations
rationnelles.

Ce chapitre offre un survol ainsi qu’une évaluation critique des principaux travaux sur la
conduite de la politique monétaire. La première section aborde les traits caractéristiques du
renouvellement de la théorie de la politique monétaire. Un vaste courant de littérature est
consacré au débat « règles versus discrétion. Avant de présenter les analyses théoriques sur
l’importance de la crédibilité dans la conduite de la politique monétaire, nous considérons
d’abord ce débat. Si un consensus semble se dégager en faveur des règles, la question de la
règle la mieux appropriée pour optimiser les effets escomptés de la politique monétaire menée

9
par les banques centrales est débattue dans la seconde section. Egalement, le fait que le ciblage
d’inflation soit un cadre de politique monétaire suivi par un nombre de plus en plus important
de banques centrales vaut qu’on s’y arrête dans une troisième section pour clarifier les contours
et faire le point sur le contenu et les performances de cette nouvelle politique.

I.1. Le renouvellement de la politique monétaire et du cadre constitutionnel :


quelle place pour la crédibilité de la banque centrale ?

Derrière chacune des questions de politique économique en général, et de politique monétaire


en particulier, se retrouve le débat doctrinal entre les monétaristes et les keynésiens. Si pour
les premiers, l’activité économique est susceptible de tourner harmonieusement seule, les
seconds considèrent, au contraire, que son bon fonctionnement nécessite une régulation
macroéconomique par l’État. Le débat « règle contre discrétion » qui constitue depuis le milieu
du 19ème siècle, le point crucial des réflexions des banques centrales est typique à cet égard.
Dans la théorie, tout comme dans la pratique des banques centrales, une grande polémique s’est
longtemps manifestée autour du comportement des autorités dans la conduite de la politique
monétaire.

En effet, lorsqu’une banque centrale définit sa politique, deux alternatives sont susceptibles de
se présenter à elle :
- soit elle s’adonne à des pratiques discrétionnaires consistant à définir et à mettre en œuvre
une politique qui s’adapte en fonction de la conjoncture (actions au cas par cas) ;
- soit elle opte pour des mesures indépendantes de la volonté du décideur politique, ce qui
s’apparente à une règle fixant a priori le niveau de l’outil monétaire en fonction de
paramètres connus à moyen terme. La réussite de ces mesures suppose cependant que la
règle soit connue des agents économiques. Ces derniers formulent leurs plans et choisissent
leurs actions compte tenu de ladite règle.

Toutefois, le débat « règles ou discrétion » qui a animé tant de controverses semble aujourd’hui
avoir trouvé une réponse consensuelle en faveur des règles. Dans la mesure où ce débat éclaire
même la notion de « règle monétaire » et certaines questions sous-jacentes, il mérite d’être
rappelé, de même que les circonstances de son dénouement.

10
I.1.1. Le clivage binaire règles/discrétion de la politique économique

I.1.1.1. Les fondements du débat

L’idée de fixer des règles est un débat ancien ; en est à l'origine, l'antagonisme entre la
banking school (l’Ecole de la banque) avec Thomas Tooke et la currency school (l'Ecole de la
circulation) avec Robert Torrens et les successeurs de David Ricardo, qui se solda, en 1844, en
Grande-Bretagne, par la victoire de ces derniers avec le vote de l'Act de Peel 2 (ou Bank Charter
Act). Une règle stricte et automatique de politique monétaire est alors mise en œuvre et le rôle
de la banque centrale est renforcé grâce à cette fameuse loi qui imposait à la Banque
d’Angleterre une couverture intégrale de ses émissions par ses réserves métalliques : une
création de monnaie doit respecter les variations du stock d’or de la banque.3 Ce fonctionnement
de l’étalon or, correspondant à une règle de conduite monétaire, est fondé sur l’idée d’émettre
de la monnaie d’un montant égal au stock d’or détenu. Le fait que la banque centrale s’engage
à convertir à un prix fixé à l’avance tout or amené auprès d’elle est une autre façon de présenter
la même règle.

Selon les partisans de la banking school, opposés à l'Act de Peel, il est possible d'assurer la
stabilité de la valeur de la monnaie en référence à l'étalon or, en maintenant la convertibilité
mais en permettant une certaine flexibilité de l'offre de monnaie. La monnaie doit être émise en
fonction de la demande de crédit des agents économiques et des besoins du commerce, et non
en fonction des réserves préalables des banques. La banque centrale doit pouvoir mener une
politique discrétionnaire qui s'adapte en fonction des besoins de liquidité du système bancaire ;
le seul moyen de réguler la demande de crédit est alors le maniement du taux d'escompte. Les
principes de l'Act de 1844 furent assouplis, mais non supprimés jusqu'en 1914, grâce à des prêts
de banques centrales étrangères, des escomptes de bons du Trésor, etc. Dans les autres pays, en
France notamment, les principes de l'école de la banque seront mis en pratique.

2 Cette loi divise la Banque d'Angleterre en deux départements : un département de banque et un département
d'émission.
3 Les variations de stock d’or se produisaient en fonction des résultats du commerce extérieur, l’or quittant le pays
en cas de déficits et y affluant en cas d’excédents.

11
Après la Seconde Guerre mondiale, l'opposition entre règles et discrétion prendra de l'ampleur
au cœur du débat entre les monétaristes et keynésiens en ce qui concerne l’origine des
fluctuations et aux moyens d’y faire face.

I.1.1.2. Les débats doctrinaux entre monétaristes et keynésiens

Si les keynésiens préconisent des actions de peaufinage conjoncturel " fine turning " à travers
la mise en œuvre de politiques discrétionnaires actives qui réagissent au « coup par coup », les
thèses monétaristes, popularisées notamment par Friedman (1968), défendent les politiques de
règles à moyen terme (par exemple, une croissance soutenue de la masse monétaire de 5%, tous
les ans, pendant dix ans) et à s’y tenir, pour assurer la régulation macroéconomique. Pour les
monétaristes : « il suffit de fixer des règles du jeu et le reste est donné de surcroît. Les individus
vont interagir entre eux et les marchés vont s’ajuster jusqu’à ce que l’équilibre soit réalisé.»

Les keynésiens utilisent l’argument du caractère imprévisible des chocs pour défendre l’attrait
d’une décision politique en fonction du type de chocs qui affecte l’économie. Leur propos est
donc celui d’une régulation macroéconomique fine à court terme à travers la mobilisation
d’informations et d’outils déjà disponibles pour tenter d’infléchir l’équilibre économique dans
un sens favorable à la maximisation de l’utilité sociale. Toute action monétaire doit, à ce titre,
être définie en fonction de la nature même de l’événement qui affecte la demande. Selon les
Keynésiens, la meilleure politique est par conséquent celle qui permet des actions
discrétionnaires. Cette démarche aussi réactive qu’elle puisse paraître, d’un point de vue
conjoncturel, est contraire à celle empruntée par les monétaristes. En effet, la politique
monétaire a vu ses supports renouvelés en profondeur à la fin des années 70 et dans le courant
des années 80, grâce à la réévaluation des concepts traditionnels par le courant monétariste.

Cette période paraît pourtant placée sous le signe d’une contradiction :

- d’une part, sur le plan pratique, la politique monétaire a été reconnue comme l’outil
privilégié par rapport à la politique budgétaire. En effet, cette dernière, soumise à
l’agrément des parlements, présente une certaine lourdeur alors que la première correspond
à une mise en œuvre souple et rapide ;

12
- d’autre part, sur le plan empirique, l’efficacité des politiques monétaires, fondée sur
l’exploitation de modèles traditionnels du type IS-LM, a été profondément remise en cause
par l’approche monétariste.

A cette contradiction apparente, s’est ajoutée une ambiguïté relative à la priorité entre deux
objectifs de politique monétaire :
- le plein-emploi : les modèles IS-LM permettaient de rendre compte de l’impact d’une
politique monétaire sur la croissance et l’emploi ;
- la stabilité des prix : le recours aux anticipations rationnelles par les travaux de Lucas
(1976) a permis de mettre en évidence l’inefficacité croissante des politiques monétaires
actives et leurs conséquences en termes d’inflation.

L’arbitrage entre croissance et inflation a été finalement rendu en faveur d’une priorité accordée
à la maîtrise de l’inflation, avec le vœu que cette politique ait un impact limité sur la croissance.
Selon les monétaristes, la réduction du chômage en deçà d'un niveau appelé taux naturel est
impossible. Les politiques monétaires expansionnistes ne peuvent qu'accélérer l'inflation. Selon
eux, l’instabilité découle d’une mauvaise politique monétaire notamment par l’instabilité de
l’offre de monnaie, les banques centrales s’avérant au pire incompétentes et au mieux
désarmées par l’importance de l’incertitude des délais de propagation. Les monétaristes sont,
pour cette raison, partisans d’une règle stricte proposée par Milton Friedman qui impose un
taux de croissance fixe de l’offre de monnaie pour lutter contre l’inflation et l’instabilité
économique.

Farouchement opposé à la pensée keynésienne, Friedman indique que les interventions de la


Banque centrale ne peuvent se faire qu’à contretemps parce que l’impulsion monétaire se donne
sur la base d’informations passées. De ce fait, la politique monétaire en agissant avec décalage
sur une conjoncture par nature cyclique, risque d’amplifier le cycle au lieu de le réduire. Ce
propos se justifie, pour Friedman, par le fait que s’il y a un retard dans l’observation ; il y aura
aussi un retard dans la mise en œuvre de la politique monétaire et un autre dans l’impact de la
politique monétaire sur l’économie. Le caractère difficilement maîtrisable des événements de
même que l’instabilité des relations entre les variables ont servi d’arguments aux partisans des
règles en faveur de la prévisibilité de la politique monétaire. Dans la mesure où le système est
soumis aux aléas de tous ordres, il faut éviter que l’imprévisibilité de la politique n’augmente
les incertitudes.

13
Grâce aux nouveaux apports théoriques du courant monétariste, la théorie monétaire moderne
a pu établir qu’il peut être préférable de renoncer à exercer une politique monétaire
discrétionnaire en adoptant une règle permanente. Milton Friedman qui fut le premier à avoir
proposé une règle consistant à fixer, en fonction des besoins de l’économie et de l’évolution
des prix, un taux de croissance à long terme de la masse monétaire, croit davantage en une
régulation naturelle des cycles.

Jusqu’à la deuxième moitié des années 70, en dépit des arguments solides des monétaristes en
faveur des règles, l’idée d’une politique discrétionnaire l’emportait encore dans la pratique,
notamment parce que la banque centrale peut toujours bénéficier des avantages d’une règle
implicite dans les temps ordinaires et se réserver d’intervenir de façon discrétionnaire quand
les conditions l’exigent. Le débat « règle versus discrétion »4 s’est toutefois conclu vers le début
des années 1980 par un avantage très net en faveur de l’adoption des règles et par leur mise en
œuvre par plusieurs banques centrales en Europe. Parallèlement, une tendance claire vers une
indépendance accrue des banques centrales s’est développée comme solution alternative pour
accroître la crédibilité de leurs actions et éviter l’emploi de règles trop rigides.

I.1.2. Fondements théoriques de la crédibilité

Au début des années 1980, dans un contexte de développement et de libéralisation des marchés
financiers internationaux, d’innovations financières et de désinflation, la politique monétaire a
recherché une certaine «crédibilité » qui a coïncidé avec les idées des « nouveaux classiques ».5
La critique néoclassique, dominante à cette époque, se fonde sur l’hypothèse des anticipations
rationnelles et indique que les politiques monétaires expansionnistes n’ont aucun effet sur la
production réelle en présence d’agents économiques qui en comprennent parfaitement les
mécanismes et les effets. Ce qui indique que les anticipations des agents économiques étaient
déterminantes dans la réussite des politiques économiques, comme l’avaient déjà remarqué
Friedman (1968) et Phelps (1968). L’article de Kydland et Prescott (1977) - Rules rather than
discretion : the inconsistency of optimal plans- en s’inscrivant dans la lignée des travaux de

4
Ce débat se trouve relancé par la difficulté pour nombre de banques centrales de mettre en pratique de façon
efficace et crédible une règle de croissance de la masse monétaire en raison de l’instabilité des comportements de
demande de monnaie et des innovations financières mises en œuvre un peu partout dans le monde dès les années
1970. Néanmoins, les « cibles » monétaires gardent des partisans notamment en Europe où se perpétue une
tradition mise à honneur par la banque centrale d’Allemagne (Bundesbank) et reprise au moins par la BCE.
5
Voir à ce sujet l’article de Robert Lucas (1972).

14
Friedman et de Lucas constitue une étape supplémentaire dans la réfutation de la politique de
stabilisation keynésienne. Dans cet article, les auteurs évoquent les problèmes de crédibilité liés
à l’incohérence temporelle de la politique monétaire discrétionnaire, à savoir le biais d’inflation
et le biais de stabilisation.

1.1.2.1. De l’hypothèse des anticipations rationnelles à l’introduction du problème de


l’incohérence dynamique sur les politiques monétaires
Le concept d'anticipation rationnelle, avancé par Muth (1961), constituait assurément une
innovation théorique importante. Elle réside dans l'affirmation que l'anticipation formée à une
date t concernant le niveau à la date ultérieure T d'une variable X n'est autre que l'espérance
conditionnelle de cette variable, calculée sur la base de l'information I disponible à cette date :
!(#$ /&' ).

Dans cette formulation, les agents sont supposés connaître le processus stochastique suivi par
la variable à prévoir. Cette hypothèse d'anticipations rationnelles fut rapidement appliquée aux
marchés financiers où elle aboutit à l'idée que les valeurs de marché des actifs suivent une
marche aléatoire : toute l'information disponible est déjà intégrée dans les valeurs courantes et
les erreurs de prévision ne peuvent être que purement aléatoires. En particulier, aucun agent
individuel ne peut battre un marché efficient formé d'agents aux anticipations rationnelles.

L'hypothèse fut ensuite introduite dans la théorie macroéconomique pour aboutir à des
conclusions aussi radicales : face à des agents rationnels, la politique économique est en général
inefficace. Ainsi, est née l'école de pensée des Nouveaux Classiques, modernes successeurs des
Classiques et des Monétaristes. Dans ce contexte, Lucas (1972) et certains auteurs comme
Sargent et Wallace (1975) vont montrer, sous l’hypothèse d’anticipations rationnelles des
agents (qui supposent que ces derniers prennent leurs décisions en se basant sur toute
l’information disponible et connaissent les « lois » traduisant le fonctionnement de l’économie)
et de parfaite flexibilité des prix, qu’une politique monétaire expansionniste n’est jamais
efficace. En effet, les agents anticipent parfaitement l’annonce des gouvernements et adaptent
instantanément leurs comportements. Pour Sargent et Wallace, seule une politique
discrétionnaire visant à surprendre les agents économiques pourrait être efficace à court terme.
Mais ce type de politique ne fonctionnerait qu’une seule fois, les agents « sanctionnant » le
gouvernement en élevant définitivement leurs anticipations d’inflation. On se retrouve alors

15
face au problème d’incohérence temporelle des décisions de politique économique mis en avant
par Kydland et Prescott (1977) : dans ce cas, la politique économique qui maximise le bien-être
social à court terme ne serait plus celle socialement optimale à long terme.

L’incohérence dynamique apparaît quand une décision de politique économique pour une
période future, faisant partie d’un plan optimal exprimé au début d’une période, ne reste plus
optimale à une date ultérieure même si aucune information nouvelle n’a été transmise entre
temps. La question porte alors sur la capacité des agents privés à anticiper ou non ces déviations.
A ce sujet, les auteurs soutiennent que ces derniers connaissent les principes régissant le
comportement de l'autorité publique (c'est-à-dire ses objectifs, ses contraintes et ses moyens
d'action) et, conformément à l'hypothèse d'anticipations rationnelles, ils utilisent toute cette
information pour prendre les meilleures décisions en tenant compte, le cas échéant, des
déviations attendues. Face à cette situation, Kydland et Prescott montrent que le recours à une
règle ou à l’engagement peut être une source d’efficacité dès lors que les agents privés adaptent
leurs comportements en fonction des décisions futures du gouvernement. En d’autre terme, les
politiques discrétionnaires sont inefficaces du fait qu’elles ne tiennent pas compte du
mécanisme d'influence de la politique économique sur les comportements des agents privés.
L’application de ces principes généraux à la politique monétaire a été faite une première fois
par Barro et Gordon (1983).

1.1.2.2. La crédibilité au sens de Barro-Gordon (1983) avec la prise en compte du phénomène


de réputation
Tous les travaux du début des années 80 utilisent le nouveau cadre analytique proposé par Barro
et Gordon (1983a et 1983b). Ces deux articles s’inscrivent dans le cadre des théories du taux de
chômage naturel avec anticipations rationnelles selon lesquelles la politique monétaire n’a pas,
en longue période, d’effet sur le secteur réel. Il convient de souligner que conformément aux
enseignements de la théorie des anticipations rationnelles, la politique monétaire n’influe sur
l’emploi que si elle surprend les agents privés ; si ces derniers anticipent parfaitement
l’inflation, ils neutralisent par cette action l’effet expansif de la politique monétaire.
Barro-Gordon (1983) suggèrent ainsi que les banques centrales peuvent asseoir leur crédibilité
sur la base d’un capital réputationnel acquis au cours du temps. Les modèles reposent sur deux
types d’équations.

16
La première est la courbe de Phillips (ou courbe d'offre à la Lucas) représentant le lien entre la
production et l’inflation ; elle s’énonce comme suit :

- + /(0+ − 02+ )
*+ = * (4. 4)

⃐7 la production moyenne (ou naturelle), 8$ le taux d’inflation effectif


Où 5$ est la production, 5
et 8$9 l’inflation anticipée par les agents privés. Le niveau de la production varie avec l’écart
qui s’établit entre l’inflation véritable et l’inflation anticipée.

A partir de l’équation (1.1), Barro et Gordon indiquent que l’effet de la politique monétaire sur
l’emploi (ou la production) dépend de l’écart qui s’établit entre l’inflation véritable et l’inflation
attendue par les agents, soit (0+ − 02+ ). La seconde équation décrit la fonction de préférence
des autorités, elle s’écrit :

: = *+ − ;0<+ (4. <)

Où = est une pondération du degré de répugnance à l’égard de l’inflation à comparer au poids


unitaire affecté à la production 5$ dans la fonction de préférence.

Sur ces bases, deux options peuvent être comparées :

1. Une politique monétaire définie par une règle à laquelle doivent se plier de façon
impérative les autorités. Tout engagement pris contraint étroitement la poursuite des
décisions futures et ce de façon suffisamment crédible ;
2. Une politique discrétionnaire selon laquelle les autorités prennent à chaque moment la
décision qui leur paraît optimale. Elles peuvent optimiser sans tenir compte d’éventuels
engagements pris précédemment.

Lorsque la politique monétaire est fondée sur une règle qui fixe directement ou indirectement
le taux d’inflation, les agents privés connaissent cette règle et placent leurs anticipations
d’inflations à ce niveau. La règle définit ainsi les anticipations du fait que les prévisions
d’inflation future des agents se réfèrent à la norme. Ils ne soupçonnent pas les autorités
monétaires de vouloir tricher ou savent qu’elles en sont incapables. De ce fait, 8$ = 8$9 , et
⃐7 (voir stratégie A du tableau
selon l’équation 1.1, la production 5 s’établit à son taux naturel 5
1). Avec une telle règle, les autorités monétaires doivent afficher un objectif de zéro inflation
pour que leur utilité soit maximale. En effet, si dans ces conditions, si le paramètre = de la

17
fonction de préférence n’est pas nul, avec un taux d’inflation fixé à 0, il est facile de voir que
U est maximal.

Dans le cas d’une politique discrétionnaire, on analyse le fonctionnement de l’économie en trois


propositions :

1. D’abord, les agents privés forment leurs anticipations d’inflation. L’hypothèse


d’anticipation rationnelle dans ce contexte consiste à supposer que les agents privés
intériorisent le raisonnement simpliste suivant : les autorités monétaires affichent un
objectif de zéro inflation ; les agents privés le croient et anticipent une inflation nulle ;
2. Ensuite, les autorités définissent un objectif d’inflation ;
3. En conséquence, le niveau de production est déterminé.

S’agissant de la deuxième étape, les autorités monétaires renoncent à leur objectif de zéro
inflation et fixent un niveau d’inflation qui maximise leur utilité U sous la contrainte imposée
par l’équation 1.1 :

? = @AB (CD + E> − F>< )


> (4. G)
>

HIJ+ : 0
? = //<; (4. L)

D’après ce calcul :

- les agents privés anticipent la tricherie des autorités monétaires et le taux d’inflation >
?
(stratégie B).
- Si les autorités monétaires maintiennent malgré tout leur stratégie simpliste, on a : CM =
CD NM > = >
? + (OPQRPéTUV W).
/<
- Si elles redeviennent vertueuses, alors > = X NM CM = CD − <F : l’économie connait une

récession (stratégie C).

La résolution s’énonce donc comme celle d’un jeu donné sous forme stratégique (voir tableau
ci-dessous).

18
Tableau 1. Résultats de la démonstration Barro-Gordon dans le cadre d’un jeu non
coopératif entre décideur public et agents privés rationnels

Agents privés

>AM = X >2M = >


? = <F
E

/<
- Croissance naturelle 5$ = 5D -−
Récession YM = Y
<F
- Inflation nulle Inflation nulle
>M = X - Autorités crédibles A Manque de crédibilité
C
- Optimum de Pareto
Autorités Croissance naturelle 5$ = 5D
monétaires - Croissance accélérée
Inflation anticipée
- Inflation non anticipée
Equilibre de Nash D
E - Tricherie des autorités B
>
?M = - Perte de crédibilité
<F

Source : Servigny et Zelenko (1999)

De la confiance qui émerge entre autorités et agents privés se dégage une résolution
insatisfaisante : seul l’équilibre de Nash (croissance normale malgré une inflation parce que
celle-ci a été anticipée) est atteint. L’issue Pareto optimale ne constitue pas un équilibre car les
autorités monétaires ont alors intérêt à tricher. Il en résulte que le taux d’inflation zéro est un
taux optimal, mais pas un taux d’équilibre. Le public ne peut pas former une anticipation zéro
inflation puisqu’il sait que le décideur peut le berner.

Pour trouver une issue, Barro et Gordon prolongent le jeu en un jeu répété (le même jeu se
reproduit à chaque période de temps), à horizon indéfini, dans lequel la coopération entre
joueurs devient possible.

A chaque période, les stratégies de l’optimum de Pareto deviennent alors des stratégies
d’équilibre. Seules les autorités monétaires ont en effet intérêt à dévier de cet équilibre pour
augmenter leur gain. Cependant, les agents privés disposent d’une menace consistant à
annoncer que dans ce cas ils ne coopéreront plus durant un certain nombre de périodes. La
dissuasion qui repose sur la menace d’une annulation des gains pour plusieurs périodes
ultérieures confère donc au choix d’inflation nulle le statut d’une stratégie d’équilibre pour les
décideurs de politique économique.

19
Si la solution de Kydland-Prescott qui consiste à adopter une politique fondée sur une règle est
pertinente sous des hypothèses très restrictives, elle montre très vite ses limites lorsque
l'économie est soumise à des chocs d'offre. Des solutions alternatives (cf. Rogoff [1985a],
Walsh [1995]) ont donc été proposées.

1.1.2.3. La crédibilité au sens de Rogoff (1985) : la délégation

Pour Rogoff (1985), une règle est susceptible d’apparaître démodée ou inadéquate surtout
lorsqu’on est confronté à un changement d’environnement ou de circonstances économiques.
La faire subir une modification risque de faire naître des soupçons de manipulation et d’entamer
la réputation des autorités. Il préconise alors, pour conserver un minimum de souplesse,
d’ancrer la confiance sur autre chose, en l’espèce la nomination d’un banquier central
conservateur désapprouvant relativement plus l’inflation que les agents et le gouvernement,
mais au prix d'une moins bonne stabilisation de l'activité. Dans la pratique, cette solution n’a
pas été perçue comme étant substituable mais plutôt complémentaire à l’indépendance de
l’Institut d’émission. L’indépendance repose sur la délégation qui impose à la fois un objectif
à atteindre par la banque centrale chargée de maintenir la stabilité des prix et une autonomie
tant qu’elle s’acquitte de son mandat. Sur le plan empirique, il est généralement admis que
l’inflation est plus faible en moyenne dans les pays où la banque centrale est indépendante du
gouvernement (Parkin et Bade, 1985).

Mais la notion d’indépendance peut être nuancée ; elle recouvre à la fois une dimension
politique et une dimension économique. L’indépendance politique traduit l’absence
d’interférence du pouvoir politique sur les décisions prises par la banque centrale mais aussi
l’absence d’influence de celui-ci sur l’organisation institutionnelle de la banque centrale,
notamment sur la nomination et la révocation des dirigeants, sur les statuts de la banque
centrale, etc. De plus, la longueur du mandat du gouverneur de la banque centrale ainsi que la
nature des responsabilités qui lui sont confiées sont un indice de cette indépendance politique.
Elle reste donc conditionnelle. Ce degré d’indépendance réel est donc difficile à évaluer,
davantage encore à anticiper.

Quant à elle, l’indépendance économique traduit à la fois le libre choix des objectifs fixés
(quantifiés ou non) et des instruments utilisés par la banque centrale mais aussi l’impossibilité
de financer le déficit budgétaire des gouvernements par la création monétaire.

20
1.1.2.4. La crédibilité au sens de Walsh (1995) : les contrats incitatifs

Walsh (1995) fait appel à la notion de contrats incitatifs pour permettre de rendre crédibles, aux
yeux de la société, les annonces de politique monétaire faites par le banquier central. Pour ce
faire, il faut s’assurer qu’il est dans l’intérêt de celui-ci de ne pas revenir sur sa parole.

Un moyen d’y parvenir consiste à lier par contrat le budget de la banque centrale aux
performances réalisées en matière d’inflation. Les autorités reçoivent mission de défendre la
stabilité des prix et voient leur sort dépendre de leurs performances effectives dans ce domaine.
Selon Walsh, il suffit de pénaliser le banquier central, si l’inflation est supérieure à l’objectif
fixé par le gouvernement. Ce mécanisme contractuel est supposé inciter le banquier central à
respecter ses objectifs et à en tenir parole.

Sa mise en œuvre est cependant quasiment impossible : l’incertitude portant sur la mesure de
l’inflation, sur les mécanismes et les délais de transmission de la politique monétaire vers
l’inflation, ainsi que sur les chocs pouvant frapper les économies est telle qu’on ne peut
prétendre juger le banquier central comme seul responsable des écarts à l’objectif.

1.1.2.3. Le problème de la crédibilité de la délégation

Comme le souligne McCallum (1995), la délégation telle qu'elle est préconisée par la solution
du gouverneur conservateur de Rogoff ou du contrat à la Walsh, ne permet pas de résoudre le
problème de l'incohérence temporelle ; elle ne fait que le transposer à un autre niveau. En effet,
si un gouvernement n'est pas assez crédible pour mener une politique monétaire efficace,
pourquoi la délégation de pouvoir qu'il confère à la banque centrale serait-elle crédible auprès
du public ?

Jensen (1996) montre en particulier que, s'il n'existe pas de « coût de rupture de contrat », la
délégation n'apporte aucun gain de crédibilité, car elle fait elle-même l'objet d'un choix
stratégique discrétionnaire. S'il existe, en revanche, des coûts positifs, la délégation se traduira
par une amélioration par rapport à la situation où le gouvernement ne peut pas s'engager, mais
le problème de l'incohérence temporelle ne sera totalement résolu que dans le cas extrême où
les coûts de rupture de contrat sont infinis.

21
Néanmoins, la solution à l’incohérence temporelle fournie par l’analyse de la littérature
associée à la question de l’indépendance de la banque centrale et du rôle que cette indépendance
joue en faveur de la stabilité des prix, reste sujette à discussion. La politique discrétionnaire est
parfaitement crédible dès lors qu’elle est clairement affichée et présentée sous forme de règle.
A cet effet, il n’est pas besoin d’embaucher un banquier conservateur ou d’imaginer des contrats
« à la Walsh » pour éliminer le biais inflationniste (Pollin, 2005).

D’un point de vue fonctionnel, l’indépendance requiert la collégialité dans le processus de prise
de décision et l’homogénéité de la communication institutionnelle en regard de l’extérieur. Cela
implique un devoir de communication6, la transparence des résultats et le respect du mandat
confié. In fine, transparence et responsabilité deviennent les conditions de la crédibilité des
politiques menées et constituent les contreparties de l’indépendance accordée par le pouvoir
politique.

Cependant, certains auteurs en sont venus à se demander si la transparence de la politique


monétaire ne comportait pas des aspects négatifs. Amato, Morris et Shin (2003) ont fait valoir
que la publication des prévisions de la banque centrale peut avoir pour effet d’homogénéiser
les anticipations des agents économiques et de réduire à l’excès leur diversité. Mais, dans la
mesure où les prévisions des autorités monétaires ne sont pas totalement fiables, cela fait courir
un risque d’instabilité. La communication de la banque centrale améliore la coordination, mais
en contrepartie elle est susceptible d’écarter l’économie de sa trajectoire optimale. Par contre,
les travaux Kohn (2005) montrent que l’intensification de la communication de la banque
centrale n’affecterait pas la réaction des marchés aux news macroéconomiques.

I.2. Les règles monétaires opératoires : les règles activistes

Sous l’impulsion des travaux de Kydland et Prescott (1977), puis de Barro et Gordon (1983),
on a pu démontrer comment une politique discrétionnaire, à la poursuite simultanée d’un
objectif de stabilité des prix et de croissance, conduisait toujours à un biais inflationniste sans
avantage pour l’emploi (ou la croissance réelle) et à une perte de crédibilité de la banque
centrale. La définition de règles pour la conduite de la politique monétaire, de préférence à une

6
La communication peut se faire au moyen de conférences de presse, par la publication de diagnostics complets
dans les bulletins périodiques, par des auditions parlementaires régulières, ou encore par des interviews.

22
action discrétionnaire, est ainsi présentée comme le meilleur moyen d’éviter ce biais
inflationniste tout en améliorant la crédibilité de la banque centrale.

L’objectif de la politique monétaire est alors recentré sur la stabilité des prix, devenue objectif
explicite. Pour atteindre cet objectif, plusieurs stratégies fondées sur des règles sont
concevables. Elles peuvent être :
- soit non activistes, par exemple imposer un taux de croissance constant de la masse
monétaire supposé compatible avec la stabilité des prix (Friedman, 1959) ;
- soit activistes (ou encore contingentes) en ajustant la valeur de la variable instrument vis-à-
vis de l’écart entre objectif cible et la valeur effective de cette variable.

Dans ce dernier cas, plusieurs règles alternatives sont envisageables selon l’objectif retenu.
Dans les années quatre-vingt-dix, la question du choix d’une règle appropriée pour guider la
conduite de la politique monétaire s’est donc posée de façon plus ouverte. La littérature à ce
propos se partage au sujet de la forme que doit prendre la règle monétaire. L’objectif recherché
étant d’accroître les performances de celle-ci et d’offrir un cadre de description réaliste de
l’activisme monétaire de la banque centrale. Or, l’efficacité de la politique se définit par
référence à la crédibilité de cette dernière.

Selon certains travaux [Svensson (1997); Rudebusch et Svensson (1998)], il existe deux
catégories de règles actives : les règles d'instrument (instrument rules) et les règles d'objectif
(targeting rules). Si pour les premières, l’essentiel de la régulation monétaire réside dans la
manipulation des taux d’intérêt ; les secondes, elles, considèrent la prévision de l’inflation
comme cible intermédiaire qui devient la variable de contrôle de la banque centrale.

I.2.1. Les règles d’instrument

La régulation monétaire par les instruments repose sur l’idée que les autorités contrôlent
l’évolution de l’économie en réagissant précisément aux variations d’un certain nombre de
variables perçues comme indicateurs rapprochés de l’évolution d’agrégats macroéconomiques
dont la stabilisation constitue l’objectif ultime de la politique monétaire. Les principales règles
d’instrument sont :

- la règle de PIB nominal, formulée par McCallum (1987), avec la base monétaire comme
instrument de régulation ;

23
- et la règle de Taylor (1993), fondée sur le taux d’intérêt de court terme.
I.2.1.1. La règle de McCallum (1987) : éléments analytiques

Avec la remise en cause, dans les années 1980, de l’efficacité d’une politique monétaire basée
uniquement sur le contrôle passif d’une définition de la masse monétaire, un premier
amendement apporté à la règle de Friedman a consisté à introduire une certaine flexibilité dans
la lutte contre l’inflation. C’est dans ce cadre que McCallum a préconisé une règle de PIB
nominal reposant sur l’utilisation d’un instrument que les autorités peuvent contrôler, de
préférence la base monétaire. Il définit alors une règle selon laquelle la croissance trimestrielle
de la base monétaire devrait obéir à la formule suivante :
4
∆/ = /+ − /+[4 = \ − ]4^_ `a+ [4 − a+ [4b c + d`#D+[4 − e+ [4 c (1.5)
- , le logarithme de la valeur tendancielle du PIB nominal ; # = le logarithme du PIB
avec #
nominal ; b, le logarithme de la base monétaire ;f, le coefficient de réactivité à l’activité ; g, la
vitesse de circulation de la monnaie.
La règle de McCallum fonctionne de la manière suivante :
§ Si l’économie se trouve sur une trajectoire d’équilibre correspondant à une inflation faible
et une vitesse de circulation de la monnaie constante sur les 16 derniers trimestres (4 ans),
alors l’augmentation de la base se fait au taux constant de Friedman (c).
§ Si à la suite d’un choc, la production réelle venait à fluctuer durablement de manière à
creuser l’écart entre le PIB nominal (#) et sa cible ( #̇ ) et/ou en cas de variation permanente
de la vitesse de circulation de la monnaie, l’autorité monétaire restaure l’équilibre en prenant
les mesures nécessaires à la réduction ou à l’augmentation de la croissance de la base
monétaire.

Cependant, plusieurs critiques se référant à la praticabilité de ce modèle ont été formulées, en


dépit de la vertu de sa flexibilité. On estime, en général, que la règle de McCallum n’est pas
adaptée à la configuration financière actuelle. En effet, pour instrumentaliser la base monétaire,
il faut avoir un contrôle direct sur elle. Cela suppose l’emploi de mesures administratives dans
le cadre de la gestion du crédit. Or actuellement, dans la plupart des pays, les banques centrales
ont abandonné la gestion administrative pour se tourner vers les mesures indirectes de gestion.
Globalement, l’absence de consensus dans la littérature sur un tel modèle représente une réelle
difficulté qui conduit à recourir à d’autres formulations comme celle de Taylor (1993).

24
I.2.1.2. La règle de Taylor

Taylor (1993) a formulé une règle qui se veut à la fois descriptive de la politique suivie par la
Fed sous la Présidence d'A.Greenspan7 et normative sur la base de simulations stochastiques.
En fait, il s’agit d’une règle réactive, d’un engagement que prendrait la banque centrale pour
atteindre ses deux objectifs finaux, à savoir la stabilité des prix et la croissance économique. La
formule de Taylor doit sa popularité par son aptitude d’asseoir une réelle crédibilité et d’éviter
le risque d’incohérence temporelle évoqué par Kydland-Prescott (1977) et Barro-Gordon
(1983). Le principal mérite, contrairement à la règle de McCallum, a été de décrire, de manière
précise entre 1987 et 1992, le comportement de la Réserve Fédérale. Son expression est la
suivante :

pc + q(>M − 0
iM = i° + kM (πmno ) + F`YM − Y ? ) (1.6)

Avec iM , le taux d’intérêt nominal de court terme des fonds fédéraux des Etats-Unis que
manipule la Réserve Fédérale dans ses opérations d’open-market; 0+ , le taux d’inflation des
p ), l’écart en pourcentage entre le PIB réel et son niveau
quatre derniers trimestres ;(* − *
potentiel ou tendanciel. Il fixe de manière ad hoc la cible d’inflation au même niveau que le
taux d’intérêt réel Q° qu’il considère proche du taux de croissance de long terme.
Les coefficients de réaction (toujours positifs) du taux d’intérêt aux écarts d’activité F et
d’inflation q sont fixés à 0,5. On a ainsi au total une réactivité du taux d’intérêt à l’inflation
égale à 1,5. On réécrit la règle originelle sous la forme :
p c + X, t (>M − <) (1.7)
s+ = < + >M + X, t `*+ − *
Soit : p c + 4, t >M (1.8)
s+ = 4 + X, t `*+ − *

La règle fonctionne selon le principe suivant : au cas où l’inflation excède sa cible et /ou le PIB
réel excède son niveau potentiel, l’autorité monétaire augmente les taux d’intérêt pour limiter
l’emballement. Dans le cas contraire, elle devra agir à contre-courant en baissant les taux pour
encourager l’investissement. Si les écarts d’activité et d’inflation sont nuls et si les anticipations
d’inflation sont négligeables (c’est-à-dire 5$ = 5u, 8$ = 8v = 2, kM (πmno ) = 0), l’autorité devra
fixer le taux d’intérêt nominal au niveau du taux d’intérêt réel ou taux neutre (2%).

7
Greenspan, économiste américain, fut président de la Réserve fédérale, la banque centrale des États-Unis, du 11
août 1987 au 31 janvier 2006.

25
La règle de Taylor remet en avant la banque centrale dans la gestion de la conjoncture. Une fois
la règle affichée par la banque centrale, il est facile de vérifier son respect : les règles à la Taylor
sont contrôlables, ce qui est de nature à accroître l’adhésion des agents à la politique monétaire.
Cependant, l’équation de Taylor ne prétend pas fournir une norme délivrant une référence du
taux d’intérêt fondé en théorie mais plutôt de décrire de façon synthétique comment la banque
centrale réagit aux fluctuations de certaines variables économiques clés au cours d’une période
donnée.

Par la suite, certaines critiques ont principalement porté sur le choix des coefficients de
pondération du gap de production et du gap d’inflation pris égaux chacun à un demi-point, sur
l’absence du phénomène d’anticipation, sur l’absence de fixation graduelle du taux d’intérêt.
C’est ainsi que plusieurs études se sont intéressées à la détermination des fonctions de réaction
« de type Taylor » en incluant d’autres variables (pertinentes) qui fournissent des informations
additionnelles.8

I.2.2. Les règles d’objectif

Les règles d’objectif ont pour fondement le respect d’un objectif fixé par les autorités
monétaires. Une règle d'objectif vise à minimiser, dans une fonction de perte de la banque
centrale, l'écart entre le niveau objectif de la variable cible et son niveau anticipé. L’objectif ici
peut être soit un objectif final, soit un objectif intermédiaire. La littérature retient trois « règles
basées sur un objectif » :
- contrôler le taux d'inflation futur anticipé (inflation prévue) ;
- contrôler la production réelle future anticipée ;
- contrôler la production nominale future anticipée.

L’une des règles d’objectif qui a suscité une abondante littérature, ces dernières années, est celle
que Svensson dénomme ciblage du taux d’inflation. Cette dernière peut être définie comme
celle parvenant à un arbitrage satisfaisant entre l’objectif de court terme de stabilisation de la
production et l’objectif de long terme de stabilisation de l’inflation. Sa principale caractéristique
est le degré élevé de transparence de la politique monétaire et de responsabilité des autorités.

8
De telles fonctions intègrent une dynamique d’ajustement des prix et des salaires, des phénomènes de
persistance des comportements, des délais de transmission des décisions monétaires mais aussi tiennent compte
du processus de formation des anticipations.

26
Les banques centrales ayant adopté un objectif d’inflation sont tenues de publier des relevés
d’inflation et d’expliquer leur politique.

La définition de la règle d’objectif d’inflation se résume aux conditions suivantes (Rudebusch


et Svensson, 1998) :
- la cible de l’inflation doit être quantifiée. C’est soit un point bien déterminé (comme dans
la règle de Taylor), soit un intervalle de points (ou une fourchette) ;
- les autorités monétaires doivent pouvoir estimer le niveau futur du taux d’inflation sur la
base d’informations internes et conditionnelles. Ce niveau prévisionnel du taux d’inflation
représente la cible intermédiaire.

Mishkin et Schimidt-Hebbel (2007) considèrent qu’une politique de ciblage d’inflation doit


aussi réunir trois conditions précises :
- la banque centrale doit être libre dans le choix de ses instruments ;
- elle ne s’associe pas aux soucis budgétaires du ou des Etats associés ;
- elle ne doit se fixer aucune autre cible que l’inflation, en particulier le taux de change.

Depuis le début des années 1990, plusieurs banques centrales 9 ont explicitement opté pour le
ciblage d’inflation, qui apparaît avant tout comme une réponse pragmatique à leur mission de
stabilité des prix. Dans un cadre de « discrétion contrainte », selon l’expression de Bernanke et
Mishkin (1997), les autorités monétaires peuvent utiliser toute l’information jugée pertinente
pour guider leur action. Cette formule permet de conjuguer l’engagement de long terme sur la
stabilité des prix et la mise en pratique quotidienne par des actions discrétionnaires (Brand,
2008). L’une des conséquences majeures est d’accroître la transparence et la responsabilité des
autorités monétaires. Donc voir le ciblage d’inflation comme une « discrétion contrainte » ne
signifie pas que sa présentation comme règle d’objectif soit erronée.

Derrière l’opposition apparente des termes, se profile une manière unique de mener la politique
monétaire à savoir : prendre un engagement clair sur un objectif d’inflation à moyen terme,
asseoir les anticipations ; en même temps utiliser les instruments, avec souplesse, afin
d’atteindre l’ensemble des objectifs : stabilité nominale et stabilité réelle.

9
Il s’agit de la Banque du Canada, Banque d’Angleterre, Banque de Réserve de la Nouvelle Zélande, Banque de
Suède, Banque de Pologne, Banque de Finlande et Banque d’Australie.

27
I.2.3. Règles instrument versus Règles d’objectif

Les efforts mobilisés pour caractériser le ciblage d’inflation ont parfois pris un tour de
controverse entre auteurs défendant les « règles d’objectif » et les partisans des règles
d’instrument simples et robustes. Cette opposition peut s’illustrer à travers le débat entre
Svensson (2003) et McCallum et Nelson (2004).

1.2.3.1. Arguments en faveur des règles d’objectif

De son point de vue, Svensson (2003) évoque la réalisation d’une « bonne » politique monétaire
qu’il identifie à un ciblage d’inflation flexible et propose d’examiner dans quelle mesure elle
peut être mise en œuvre de façon concrète.

La première solution qu’il indique est celle d’une règle simple d’instrument de type Taylor où
des responsables réagissent automatiquement et souvent de façon linéaire à des variations de
l’inflation et à l’écart de production. Svensson conteste que cette voie soit celle suivie par les
meilleures banques centrales adhérentes au ciblage, puisque celles-ci s’engagent sur des
objectifs et mettent en œuvre prévisions, jugements et communication, d’une façon qui
contraste avec l’adoption d’une règle automatique de type Taylor.

Il émet quatre critiques à l’endroit des règles d’instrument simples :


ü elles tiennent compte un trop petit nombre de variables, laissant de côté par exemple le
change réel, les termes de l’échange, les taux d’intérêt étrangers ou la production
étrangère, toutes variables importantes notamment lorsque la politique monétaire est
menée par la banque centrale d’un petit pays ouvert ;
ü elles ne laissent pas de place au jugement et ne tirent pas parti de toute l’information
disponible. Si l’on peut admettre que les règles de type Taylor ne sont pas suivies de
façon totalement mécanique, aucune indication n’est donnée sur la façon dont on peut
ou doit s’écarter du chemin rigide qu’elles tracent ni sur le moment où on peut le faire;
ü elles sont difficilement soumises à une modification ou une amélioration surtout lorsque
les banques centrales apprennent de nouvelles choses sur le mécanisme de transmission,
la variabilité des chocs affectant l’économie ou la façon dont ces chocs se produisent ;
ü elles peuvent impliquer dans certains cas une forte instabilité de l’instrument.

28
La deuxième solution est celle de règles d’objectif optimales, élargissant la notion de règle à
des procédures comme le ciblage de l’inflation prévue. L’auteur indique que l’engagement sur
des règles d’objectif confère aux autorités monétaires un avantage de tirer parti d’un ensemble
large d’informations pertinentes, d’exercer leur jugement pour aboutir à des décisions
meilleures.

Svensson présente ce dispositif comme une renonciation à des réactions ad hoc et conçoit
l’action menée comme le résultat d’une optimisation avec prévision. Il indique que sous un
régime de règle d’objectif, la fixation appropriée de l’instrument est définie implicitement
comme solution d’un problème d’optimisation auquel la banque centrale est confrontée. De
façon générale, s’engager sur une règle générale d’objectif c’est déclarer tout mettre en œuvre
pour minimiser une fonction de perte annoncée qui ressemble à celle-ci 10 :

<
x = y∑ {J |`0+ nJ − 0∗ c + ;e<+nJ ~ (1.9)

Où # est l’écart de production, π et π* respectivement le taux d’inflation et l’objectif d’inflation


est la période actuelle et i représente l’horizon de t à l’infini ; = est la pondération accordée à
l’écart de production et Ä le paramètre d’actualisation.

La fonction de perte figure dans un système comprenant les équations de comportement de


l’économie (courbe de Phillips et courbe IS) incluant des chocs aléatoires d’offre et de
demande. Si cette fonction est quadratique, les conditions d’Euler du premier ordre impliquent
une alternative marginale linéaire entre l’inflation et l’écart de production. Ainsi, par exemple
une règle spécifique pourrait être :

d
0+ nJ,+ − 0∗ = Å (e+ nJ,+ − e+ nJ[4,+ ) (1.10)
Ç

Les grandeurs représentent les prévisions de l’inflation et de l’écart de production faites en t


pour un horizon de PÉnÉ ou PnÉ[o ; ÑÖ est la pente de la courbe de Phillips de court terme et f,
représente le poids de l’écart de production. Dans cet exemple, la règle d’objectif optimale peut
être exprimée comme : « trouver un sentier pour l’instrument de façon à ce que l’écart des

10
Un ciblage strict d’inflation correspond à une fonction de perte avec l’inflation pour seul argument soit ==0

29
Ü
prévisions d’inflation par rapport à l’objectif 8 ∗ soit fois le changement dans les prévisions
áà

d’écart de production ». Le jugement des responsables de la banque centrale n’intervient pas


dans le calcul de la règle mais seulement dans l’établissement des diverses prévisions.

1.2.3.2. Défense des règles d’instrument

McCallum et Nelson (2005) contestent que les pratiques effectives des banques centrales soient
contraires à l’utilisation des règles d’instrument. Les règles simples d’instrument leur paraissent
tout à fait supérieures à cet égard, puisqu’elles sont souvent choisies pour être robustes et éviter
des catastrophes en présence d’un grand nombre de modèles économiques différents. Ils
donnent des exemples de banques centrales adeptes du ciblage d’inflation (Banque du Canada,
Banque d’Angleterre) qui ne répugnent pas à discuter de l’application de règles d’instrument
particulières. Ils mettent aussi en évidence le fait que contrairement à ce que supposerait
l’application de règles d’objectif « à la Svensson », aucune de ces banques centrales en régime
ciblage d’inflation ne publie de fonction de perte (expression d’une règle générale d’objectif)
ou n’indique implicitement quelles sont ses préférences marginales. On ne peut donc affirmer
que les banques centrales adhérentes au dispositif de ciblage d’inflation pratiquent
effectivement des règles d’objectif.

Mc Callum et Nelson réfutent les critiques présentées par Svensson (2003) :


§ l’addition de variables supplémentaires dans les règles d’instrument (par exemple pour les
petites économies ouvertes) ne semble pas nécessaire soit parce que les variables classiques
(inflation, écart de production et parfois taux d’intérêt retardé) peuvent prendre en charge
les autres aspects, soit parce que le défaut n’a pas de répercussion pratique très importante ;
§ ils pensent que les banques centrales peuvent moduler leur règle d’instrument et placer leur
taux d’intérêt au-dessus ou au-dessous des valeurs mécaniques données par les formules
chaque fois qu’elles perçoivent des raisons de le faire (chocs imprévus, conditions
particulières). Il y a donc place pour une utilisation des informations diverses et l’exercice
du jugement des autorités monétaires ;
§ les règles d’instrument peuvent être modifiées autant que les autres formes de dispositif, à
condition de respecter la procédure préconisée par Woodford et présentée plus haut sous le
nom de « règle atemporelle » ;

30
§ par une analyse technique, Mc Callum et Nelson réfutent l’instabilité supposée de
l’instrument en cas de règle d’instrument à fort coefficient de réaction.

La critique la plus nette concerne le manque de transparence réelle du système ; tant ses
détracteurs comme Benjamin Friedman que ses partisans les plus exigeants comme Svensson
ou Woodford soulignent qu’à côté de l’objectif d’inflation toujours mis en avant, les autres buts
réels des autorités monétaires sont passés sous silence. Cet excès de publicité pour l’un et
l’absence de communication pour les autres risqueraient de faire dégénérer le ciblage d’inflation
de sa forme flexible à une forme stricte (priorité absolue). La question peut néanmoins se poser
de savoir si la communication ouverte des intentions et pratiques des banques centrales
concernant plusieurs objectifs garderait au système sa simplicité et son efficacité pour ancrer
las anticipations.

I.3. Adoption de la stratégie de ciblage d’inflation comme réponse adéquate à la


crédibilité et à l’efficacité : mode opératoire et performances macroéconomiques

Au-delà des clivages théoriques mis en avant dans le débat « règle versus discrétion », il
convient de souligner que la stratégie de ciblage d’inflation suscite un intérêt particulier.
Introduit sans aucune recherche académique spécifique préalable, l’émergence du ciblage de
l’inflation a été l’œuvre de praticiens de banque centrale. En effet, au cours de la première
moitié des années 1990, le ciblage d’inflation a été une réalité sur le terrain avant d’être codifié
théoriquement. Son adoption étant subordonnée à un changement des lois ou des arrangements
administratifs relatifs à la banque centrale comme l’ont fait remarquer Bernanke et Mishkin
(1997), la Nouvelle-Zélande a été le premier pays à l’avoir appliqué à l’issue de l'adoption de
la loi du 20 décembre 1989 sur la Banque de Réserve de Nouvelle-Zélande, qui reconnaissait
la stabilité des prix comme l’objectif principal de la politique monétaire. En cela, le ciblage
d’inflation est apparu comme un cadre de politique monétaire reposant notamment sur une
architecture institutionnelle adaptée.

Pour la Nouvelle-Zélande, ce cadre de politique était censé être une solution pragmatique au
problème d’inflation persistante du pays11, et malgré - ou peut-être à cause de - sa simplicité, il
s’est avéré très efficace. C’est ainsi qu’elle a très vite été suivie par d’autres pays industrialisés

11
Dans les années 80, l’inflation en Nouvelle-Zélande a dépassé 10%, ce qui correspondait à des taux d’inflation
les plus élevés des pays de l’OCDE à cette époque.

31
comme le Canada en 1991, le Royaume-Uni en 1992, la Suède et l’Australie, en 1993, qui ont
réussi à ramener leur taux à des niveaux très faibles. Peu de temps après, il a été adopté par
certaines économies de marché émergentes d'Asie du Sud-Est et d'Amérique latine (Corée,
Brésil, Chili, Colombie), ainsi que par des pays en transition d'Europe centrale et orientale
(République tchèque, Pologne). Depuis lors, de nombreuses autres économies de marché
avancées et émergentes ont également adopté le ciblage d’inflation et leur nombre n’a cessé
d’augmenter. En Afrique, l’Afrique du Sud (2000) et le Ghana (2007) sont les premiers à
expérimenter cette stratégie.

À l'heure actuelle, la majorité des banques centrales (plus de 40 banques centrales) suivent cette
stratégie et d'autres se préparent à les rejoindre. Sur la base d'informations provenant des sites
Web des banques centrales et d'un aperçu des cadres de politique monétaire publiés par le FMI
(FMI, 2018), cette stratégie est utilisée par 14 économies avancées et 28 économies de marché
émergentes (figure 1). Le gouverneur de la Banque de Réserve de la Nouvelle-Zélande, Alan
Bollard, déclare à ce propos que « le ciblage de l’inflation est l’une des exportations les plus
performantes de la Nouvelle-Zélande » (Bollard, 2008).

Le fait que le ciblage d’inflation soit aujourd'hui un cadre suivi par de plus en plus de banques
centrales retient l’attention particulière d’un nombre croissant de pays en développement. Cette
situation vaut qu’on s’y arrête dans cette section pour clarifier les contours (ses principales
propriétés) et faire le point sur le contenu (modalités pratiques) et les performances de cette
forme de politique. Avant d’entamer ces questions, il convient, dans un premier temps de
rappeler les raisons qui ont poussé les pays à adopter un tel cadre dans les années 1990.

32
Figure 1. Nombre de pays ayant adopté le ciblage d’inflation dans les pays avancés et
émergents

Source : Niedźwiedzińska (2018)

I.3.1. Le ciblage d’inflation : une analyse conceptuelle controversée

La définition du ciblage de l'inflation est en partie controversée. Nous discutons des définitions
de Svensson (2002), de la BCE (2004), de Bofinger (2001), de Bernanke et al. (1999) de
Mervyn King (2005) et de Kuttner (2004).

Svensson (2002) propose une définition qui s’appuie sur celles retenues lors de ses publications
antérieures de (1997, 1998, 1999) et qui s’inspirent des expériences nationales. Sa proposition
confère trois points principaux au régime de ciblage d’inflation :
ü on admet l’inflation comme unique point d’ancre en spécifiant l’indice des prix, le niveau
de la cible avec ou sans intervalle de tolérance et l’horizon. La réalisation de la cible
d'inflation constitue l’objectif principal de la politique monétaire (il peut également y avoir
des objectifs secondaires).
ü la prévision d’inflation de la banque centrale a un rôle prépondérant dans la définition des
instruments, de sorte que cette prévision (conditionnée par la définition des instruments)
soit compatible avec l’objectif. Mais les prévisions de production et d'écart de production
peuvent également influer sur les politiques.
ü la politique monétaire est mise en œuvre avec un haut degré de transparence et de
responsabilité. La banque centrale est responsable de la réalisation de l'objectif d'inflation

33
et fournit des rapports de politique monétaire explicites et transparents présentant les
prévisions et expliquant la politique.

Svensson (2002) évoque, par la suite, sous forme d’engagement institutionnel, trois conditions
qu’implique ce cadre de politique monétaire :
1. Un mandat clair de la politique monétaire pour viser une faible inflation ;
2. Une indépendance de la banque centrale - du moins en termes d’instrument. La banque
centrale pourrait également définir ce que signifie une faible inflation ;
3. Une responsabilité de la banque centrale pour la réalisation du mandat.

La définition du ciblage de l'inflation adoptée par Bernanke et al. (1999) ne mentionne pas par
contre les prévisions, mais présente plus de détails. Selon eux, le ciblage d'inflation est un cadre
de politique monétaire caractérisé par l'annonce publique d'objectifs quantitatifs officiels (ou
fourchettes cibles) pour le taux d'inflation sur un ou plusieurs horizons et par la reconnaissance
explicite qu’une inflation faible et stable est le principal objectif à long terme de la politique
monétaire. L’une des principales caractéristiques du ciblage de l’inflation est que les efforts
importants de communication avec le public sur les plans et objectifs des autorités monétaires
renforcent la responsabilité de la banque centrale d’atteindre ces objectifs. Bernanke et al.
conçoivent ainsi le ciblage de l'inflation non pas comme une règle monétaire, mais comme un
cadre de politique monétaire. En cela, ils jugent que la distinction entre règles et discrétion est
trop nette pour rendre compte de la réalité de l'élaboration des politiques monétaires dans la
pratique. Ils estiment que le ciblage de l'inflation fournit un cadre «clairement articulé» et «dans
lequel les objectifs généraux et la tactique des décideurs sont communiqués d’avance. Ils
soutiennent que ce cadre incarne une certaine discrétion : « en imposant une structure
conceptuelle et la discipline inhérente à la banque centrale, mais sans éliminer toute flexibilité,
le ciblage de l'inflation combine certains des avantages traditionnellement attribués aux règles
à ceux attribués au pouvoir discrétionnaire ». Ils rajoutent que sur le plan technique, le ciblage
de l'inflation ne fournit pas d'instructions simples et mécaniques à la banque centrale ; il oblige
plutôt la banque centrale à utiliser des modèles économiques structurels et discrétionnaires,
ainsi que toute information jugée pertinente, pour poursuivre son objectif de stabilité des prix.
En d’autres termes, le ciblage de l’inflation est essentiellement une stratégie consistant à
«regarder tout», même si elle vise un objectif précis.

34
Dans une publication parue en 200412, la BCE indique à propos du ciblage de l'inflation qu’il
s’agit d’« une stratégie de politique monétaire visant à maintenir la stabilité des prix en mettant
l'accent sur les écarts dans les prévisions d'inflation publiées par rapport à un objectif d'inflation
annoncé». Elle considère que, dans un régime de ciblage de l'inflation, la prévision d'inflation
est au cœur de l'élaboration et de la présentation des politiques : la banque centrale «
communique ses décisions de politique monétaire en termes de réaction plus ou moins
mécanique aux écarts par rapport aux prévisions d'une mesure d'inflation donnée cible
d’inflation spécifique à un horizon donné ». La BCE estime que la présentation d'une politique
de ciblage de l'inflation serait relativement simple.

Bofinger (2001) par contre diffère de la BCE dans son appréciation de la simplicité de ce
régime. Ses motifs de croire que le ciblage de l’inflation ne doit pas être qualifié de règle simple,
mais plutôt de cadre, sont très similaires à ceux de Bernanke et al. (1999), mais il distingue
deux types de régimes de ciblage d’inflation. Le premier régime est un régime à règle explicite
qui consiste à maintenir la prévision d’inflation conditionnelle proche de l’inflation cible pour
un horizon de deux ans. Le second régime fait référence à une règle implicite qui consiste à
augmenter (diminuer) le taux d’intérêt si la prévision conditionnelle d’inflation dépasse la cible.

King (2005) souligne, pour sa part, l’importance des attentes, de l’incorporation d’un certain
degré de discrétion, et de la transparence dans le ciblage d’inflation, après avoir énoncé les
principales caractéristiques de ce cadre qui se résument en deux points :
ü l’annonce d’un objectif numérique précis pour l'inflation à moyen terme ;
ü une réponse aux chocs économiques à court terme.
Concernant l'importance des attentes pour cibler l’inflation, King fait remarquer que « la cible
d'inflation fournit un cadre normatif sur lequel le secteur privé peut fonder ses attentes en
matière d'inflation future». Dans cette voie, l’expliquant de l’importance de l’implication d’une
certaine discrétion s’appuie sur l’idée selon laquelle « le pouvoir discrétionnaire de réagir aux
chocs induits par le ciblage de l'inflation permet à la banque centrale d'adapter sa stratégie à de
nouvelles informations [...]. La grande attraction du ciblage d’inflation est qu’elle est une
politique qui n’a pas besoin de changer chaque fois que l’on apprend que certains aspects de
l’économie ont changé tels que la vitesse de circulation de la monnaie ou le taux sous-jacent

12
Voir Banque centrale européenne (2004, 2e éd.), La politique monétaire de la BCE, BCE, p.113.

35
de croissance de la productivité. » Pour mettre en évidence l'importance de la transparence
pour cibler l'inflation, King définit l'objectif de l'inflation comme un « cadre pour la prise et la
communication de décisions ».
Mais au-delà de la diversité des propositions de définition, il existe des points communs aux
diverses expériences nationales qui ont permis de définir le ciblage d’inflation. Kuttner (2004)
les regroupe en quatre points :
- la mise en place d’un engagement institutionnel de la stabilité des prix comme principal
objectif de la politique monétaire, la banque centrale étant dotée à cette fin d’une large
autonomie opérationnelle. Dans ce cadre, les autres objectifs comme la stabilisation du
PIB, la limitation de la volatilité du taux de change ou le maintien de la stabilité financière
ne sont recherchés que dans la mesure où ils sont compatibles avec la stabilité des prix ;
- l’annonce publique d’un objectif quantitatif (ou cible numérique) d’inflation ainsi qu’un
calendrier pour atteindre cette cible. Les valeurs les plus fréquentes sont aux alentours de
2 % et se présentent, soit sous forme d’une cible ponctuelle, soit sous forme de fourchette
étroite. Les indices de prix choisis comme référence sont spécifiés et annoncés. Le délai de
réalisation habituellement retenu est le moyen terme (d’une durée inférieure à deux ans) ;
- l’accroissement de la transparence dans la formulation de la politique monétaire à travers
la communication avec le public et les marchés sur la réalisation de l’objectif (cela
concerne le plan d'action, les objectifs et les décisions des autorités monétaires). Dans ce
cadre, des rapports sur les conditions économiques et sur l’inflation sont publiés
régulièrement, typiquement une fois par trimestre. Dans une certaine mesure, ces rapports
fournissent aussi des prévisions concernant les indicateurs stratégiques les plus importants ;
- enfin, l'augmentation du degré de responsabilité de la banque centrale vis-à-vis de ses
objectifs en matière d'inflation. Les banques centrales étant considérées comme
responsables des résultats obtenus, doivent se soumettre à des procédures d’évaluation
parfois suivies de conséquences pratiques en cas de non-respect de l’objectif annoncé
(démission du gouverneur ou obligation de justifier les écarts et d’annoncer un calendrier
de retour à la normale).

Sa différence par rapport à la politique monétaire «conventionnelle» se situe sur deux aspects :
un engagement institutionnel des autorités en faveur de la stabilité des prix en tant que premier
objectif de la politique monétaire et une démarche décisionnelle différente qui repose sur une
définition d’une cible de l’inflation à atteindre et la prévision de l’inflation en tant qu’objectif

36
intermédiaire [Bernanke et Mishkin (1997) ; Svensson (1997) ; Batini et Nelson (2001) ; Ball
et Sheridan (2003) ; Batini et Laxton (2006)].

I.3.2. Modalités pratiques du ciblage d’inflation : questions en débat

Au cours de ces 30 dernières années, plusieurs travaux ont passé en revue divers aspects du
régime de ciblage d’inflation tels que mis en œuvre par les pays l’ayant adopté. Ces revues
incluent, entre autres, Debelle (1997), Mishkin (2001), Heenan et al. (2006), Roger (2010),
Hammond (2012), Grostal et al. (2014) et Naudon et Pérez (2017).

Ces travaux notamment contribué à une compréhension générale de ce qui constitue des
éléments essentiels du ciblage de l'inflation et à la promotion de pratiques communément
utilisées par les banques centrales qui suivaient déjà cette stratégie ou se préparaient
uniquement à son adoption. Sur la base de ces analyses, il semble que les éléments clés d’une
stratégie de ciblage d’inflation, comme indiqué également dans Mishkin (2001), incluent quatre
points essentiels :

ü la reconnaissance de la stabilité des prix comme objectif principal de la politique monétaire ;


ü l’annonce publique d’un objectif numérique en matière d’inflation ;
ü la formulation de la politique monétaire sur la base d’un très large éventail d’informations ;
ü et l’application des normes élevées de transparence et de responsabilité aux politiques des
banques centrales.

Toutes ces caractéristiques contribuent à conférer à la politique monétaire une certaine


crédibilité indispensable à son efficacité. Afin d’éviter une dégradation auto-entretenue de cette
crédibilité, le respect d’un certain nombre de prérequis institutionnels et macroéconomiques est
jugé nécessaire avant qu’un pays puisse adopter le ciblage d’inflation. Le respect de ces
prérequis est censé garantir l’efficacité et la viabilité d’un tel régime de politique monétaire.

Les points énumérés ci-dessus sont discutés en détail dans les lignes qui suivent en présentant
quelques arguments théoriques

I.3.2.1. Reconnaître la stabilité des prix comme principal objectif de la politique monétaire

Malgré l’existence de plusieurs courants de pensée économique, il est largement admis parmi
les banquiers centraux que la politique monétaire devrait être tenue responsable du maintien de

37
la stabilité des prix, afin de créer un environnement économique prévisible et de réduire les
incertitudes découlant des variations de prix. En particulier, le modèle néo-keynésien, qui, dans
sa version de référence, montrait que l'inflation constante était la solution optimale aboutissant
à un écart de production nul, appuyait cette affirmation (Blanchard et al. 2010).

Les coûts fréquemment attribués à une inflation élevée et volatile incluent les éléments
suivants :
ü Il introduit une incertitude et peut en particulier émettre des signaux trompeurs si les
variations de prix sont interprétées à tort comme reflétant les fluctuations de la demande
(Lucas, 1973).
ü Comme les contrats sont généralement spécifiés en termes nominaux, en influant sur la
valeur réelle des actifs et des passifs nominaux, une inflation élevée signifie le transfert de
la richesse des créanciers aux débiteurs, et sa volatilité accrue empêche considérablement
d’éviter ces effets de redistribution.
ü Une inflation élevée et volatile peut influer sur les décisions des agents économiques (par
exemple, sur l’investissement et la consommation), ce qui peut perturber l’allocation
correcte des ressources (Grostal et al. 2014).
ü Une inflation plus élevée augmente également la valeur réelle des obligations fiscales et
impose des coûts liés à la détention d'actifs liquides, tels que des devises.

Par conséquent, la préservation de la stabilité des prix devrait constituer une contribution
précieuse de la politique monétaire à une croissance économique durable.

À la suite de la crise financière de 2007-2008 , il était toutefois controversé de savoir s'il suffisait
de veiller à la stabilité des prix en gardant un œil sur la croissance économique ou si les banques
centrales devraient avoir des mandats plus larges, incluant également des questions de stabilité
financière. Ce qui a été critiqué à l’époque, c’est que les banques centrales ont mis trop l’accent
sur le maintien d’une inflation basse, mais pas sur le maintien de la stabilité des prix. L’autre
question est liée à la règle de Tinbergen (1952) : « un objectif, pour au moins un instrument ».
Cette règle affirme que si la politique monétaire devait s’efforcer d’atteindre plus d’un objectif,
elle devrait disposer de plus d’instruments.

Dans le passé, c’est-à-dire avant que les questions de stabilité financière ne dominent le débat,
on discutait dans ce contexte du rôle des taux de change dans les régimes de ciblage d’inflation

38
et de la peur de flottement (Mohanty, 2013). L'argument avancé était que les pays - en
particulier les économies de marché émergentes - préféraient des mouvements de taux de
change plus fluides que les variations de taux de change sous un régime flottant. Et si les taux
de change flexibles peuvent amortir les chocs et atténuer la volatilité de la production, une
volatilité excessive des taux de change peut en fait accroître la volatilité de la production et
devenir elle-même une source de vulnérabilité. Ainsi, malgré le flottement officiel de leurs
monnaies, les pays peuvent être réticents à laisser les taux de change fluctuer librement en
réponse à des chocs macroéconomiques (Calvo et Reinhart, 2000).

D'un point de vue pratique, toutefois, tout objectif de taux de change peut réduire la crédibilité
de l'objectif d'inflation, les deux objectifs pouvant parfois être contradictoires. Par conséquent,
bien que cela ne soit pas une condition préalable à une stratégie de ciblage d’inflation, il est
généralement accepté de mener le ciblage d’inflation sous un régime de taux de change flottant
et de veiller à ce que toute intervention sur les taux de change soit conforme à la politique
monétaire axée sur la réalisation de l’objectif d’inflation.

Suivant des arguments d'incohérence dynamique, ce qui est également largement soutenu est la
nécessité d'accorder au moins l'indépendance des instruments aux banques centrales
(Cukierman et al. 1992). Le raisonnement est qu'une politique monétaire très discrétionnaire –
qui ne tiendrait pas compte des promesses antérieures - tendrait généralement à soutenir une
activité économique accrue au détriment d'une inflation plus élevée, conduisant à long terme à
une inflation plus élevée sans effets bénéfiques sur la croissance économique (Kydland et
Prescott, 1977). En assignant à une banque centrale un objectif principal en matière d'inflation
et en donnant aux autorités monétaires le choix de la manière dont elles le réalisent, le biais
inflationniste peut être minimisé.

Il convient de mentionner que l’indépendance des instruments des banques centrales est
postulée comme une condition nécessaire de l’efficacité de la politique monétaire et pas
seulement dans le cadre d’une stratégie de ciblage de l’inflation (Bernanke et Mishkin, 1997).
Dans le même temps, l'indépendance des objectifs n'est pas fortement préconisée, les
gouvernements étant également incités à choisir la stabilité des prix comme objectif principal

39
de la politique monétaire. L'indépendance des instruments peut revêtir de nombreux aspects, y
compris l'indépendance fonctionnelle, institutionnelle, personnelle et financière (BCE, 2016).13

I.3.2.2. Annonce publique d'un objectif numérique d'inflation

L’annonce d’un objectif chiffré d’inflation a pour objectif de fournir une ancre nominale claire.
L'utilisation de l'inflation - une variable communément connue, fréquemment mesurée et
généralement comprise - devrait renforcer l'effet d'ancrage (Bernanke et Mishkin, 1997). De
cette manière, la politique monétaire influe sur les anticipations d’inflation. Cependant,
plusieurs facteurs limitent la capacité des banques centrales à maintenir l'inflation à la cible.
L’évolution de l’inflation résulte de nombreux processus dont certains échappent à tout contrôle
de la politique monétaire (par exemple, les conditions climatiques) et d’autres, dans une
moindre ou plus grande mesure, affectés par la politique monétaire (par exemple, la situation
du marché du travail). Ainsi, ajuster correctement les instruments de politique monétaire
apparaît difficile. Tous les instruments ont leurs limites et les délais de transmission sont longs
et variables entre les décisions de politique monétaire et leur impact sur l’économie. Ce qui
devrait aider, c’est d’axer la politique monétaire sur l’inflation prévue dans l’horizon temporel
de la transmission de la politique monétaire, ce qui plaide en faveur d’une attention soutenue
aux prévisions. Mais le problème avec les prévisions est qu’elles sont - par définition -
incertaines. En plus de cela, les économies subissent fréquemment des chocs imprévus qui
pourraient avoir des effets importants sur l'inflation, mais ne peuvent être prédits.

D'un point de vue pratique, les banques centrales tentent de surmonter les difficultés en
formulant leurs objectifs d'inflation de manière à minimiser les pertes de crédibilité potentielles.
En particulier, on peut distinguer des objectifs spécifiés en tant que cible ponctuelle ou en tant
que fourchette, et entre des objectifs spécifiés pour l'inflation globale ou pour l'inflation de base
(Banque du Canada, 2011).

13
L’indépendance fonctionnelle peut être décrite comme fournissant à une banque centrale un objectif clair, énoncé
d’une manière juridiquement certaine. L'indépendance institutionnelle comprend l'interdiction de donner des
instructions et d'approuver, de suspendre ou même d'invalider les décisions de politique monétaire prises par le
gouvernement. L’indépendance personnelle, à son tour, devrait prévenir les conflits d’intérêts et exiger des
mandats fixes et relativement longs pour les gouverneurs et les autres membres des organes de décision des
banques centrales, assortis de motifs restreints permettant leur révocation. L'indépendance financière signifie
qu'une banque centrale dispose de ressources financières suffisantes pour remplir son mandat et n'est pas tenue de
financer un déficit budgétaire (financement monétaire).

40
En ce qui concerne le premier choix, la cible peut être définie comme cible ponctuelle ou une
fourchette. L'argument principal en faveur d'un objectif ponctuel est qu'il devrait ancrer plus
fortement les anticipations d'inflation sur un niveau d'inflation spécifique. Le principal
argument contre un objectif ponctuel est qu'il est presque impossible pour une banque centrale
de l'atteindre, dans le sens de maintenir l'inflation au niveau annoncé. À son tour, le gros
avantage d’une cible définie dans une fourchette est qu’il est plus facile de contrôler l’inflation
entre la limite inférieure et supérieure de la fourchette et qu’il devrait donc être plus facile
d’atteindre la cible. L'inconvénient de cette cible est qu'elle ne permet pas au public de
comprendre le niveau d'inflation recherché par la banque centrale. Ainsi, le compromis consiste
ici entre la crédibilité de la banque centrale découlant de sa capacité à atteindre l'objectif et son
engagement anti-inflation découlant de la moindre acceptation d'un écart par rapport à l'objectif
étroitement défini [Schaechter et al. (2000) et Debelle (1997)].

Aussi, l’objectif peut être fixé pour l’inflation globale ou pour l’inflation sous-jacente (c’est-à-
dire l’inflation excluant une catégorie de prix - généralement plus volatile et / ou largement
influencée par des facteurs indépendants de la volonté de la politique monétaire). L’avantage
important de l’utilisation de l’inflation globale est qu’elle est communément comprise et que,
en principe, elle devrait refléter les modifications du niveau général des prix tel que le ressentent
les citoyens. L’inconvénient de l’inflation globale est qu’elle est potentiellement fortement
influencée par des facteurs indépendants de la volonté de la banque centrale. À son tour,
l’inflation sous-jacente présente une caractéristique intéressante : elle est davantage influencée
par les instruments de la politique monétaire, car elle exclut généralement les prix dictés par
d’autres facteurs (tels que les prix des produits alimentaires, les prix administrés). L’inflation
sous-jacente a pour inconvénient de se détacher de l’inflation globale et de ne pas être intuitive
pour le public. Ainsi, le choix se situe ici entre la crédibilité de la banque centrale découlant de
sa capacité à atteindre la cible et sa responsabilité découlant de la compréhension de la cible
par le public [Mishkin (2001) et Heenan et al. (2006)].

Indépendamment du type d'objectif, ce qui est également important pour chaque banque
centrale est l'horizon temporel pour l'atteindre. Il peut s'agir d'objectifs de fin d'année ou
d'objectifs continus, valables non seulement pour décembre d'une année donnée, mais à tout
moment. L’objectif permanent est plutôt de s’efforcer de stabiliser l’inflation constamment
autour du niveau cible à moyen terme. Très souvent, le terme «moyen terme» n’est pas défini,

41
ce qui laisse aux banques centrales le choix de ramener rapidement ou lentement l’inflation à
la cible, en fonction de la nature du choc. En effet, on peut distinguer deux types ciblage
d’inflation : un ciblage strict de l’inflation et un ciblage flexible de l’inflation. La première
option signifie que la banque centrale se concentre entièrement sur la réalisation de l'objectif
d'inflation, quels que soient les coûts que cela peut entraîner en termes de niveau de production
ou de volatilité. Ainsi, dans le cadre d'un ciblage strict de l'inflation, chaque fois que l'inflation
s'écarte de l'objectif, la banque centrale réagit en ajustant les instruments de politique monétaire
afin de ramener l'inflation sur l'objectif le plus rapidement possible. La seconde option implique
à son tour que la banque centrale prête attention à la fois à l'inflation et à la production
[Svensson (2002) et Ingves (2011)].

Par conséquent, dans le cadre d’un ciblage flexible de l’inflation, chaque fois que l’inflation
s'écarte de la cible, la banque centrale décide dans quel horizon temporel elle doit être ramenée
à la cible, tout en minimisant les coûts pour l’économie réelle. Il y a des cas (par exemple, des
chocs d'offre) où l'élargissement de l'horizon limite le déclin des variables réelles (par exemple,
la production et l'emploi) et permet d'atténuer la volatilité des variables réelles, du taux de
change et des taux d'intérêt [Svensson (2009) et Walsh (2009)]. Selon l'approche flexible, la
crédibilité des banques centrales peut être menacée si l'horizon est trop long, mais la solution à
ce problème est une communication claire sur les intentions des autorités monétaires plutôt que
de passer au ciblage strict de l'inflation.

Une autre façon d’atténuer la perte de crédibilité est d’annoncer explicitement une liste de
conditions dans lesquelles la banque centrale accepte des écarts temporaires de l’inflation par
rapport à l’objectif visé, dans la mesure où la réalisation de cet objectif entraînerait une volatilité
indésirable de la production et de l’emploi. Une telle liste est généralement appelée «clause de
sauvegarde» et inclut, par exemple, les catastrophes naturelles, les conditions agricoles, les
modifications des impôts indirects (Heenan et al. 2006).

Enfin, en parlant d’objectifs chiffrés d’inflation, leur niveau est d’une importance capitale.
Certains arguments plaident en faveur d'un niveau d'inflation ciblé bas, mais pas trop bas.
L’objectif devrait permettre, d’une part, de préserver la valeur de la monnaie et d’atténuer les
distorsions de l’économie causées par la fluctuation des prix. Plus l'inflation est basse, plus le
taux d'intérêt nominal « d'équilibre » est bas et plus le risque qu'une banque centrale atteigne la

42
limite de réduction de son taux directeur augmente si l'économie subit un choc majeur. Aussi,
cela limite la capacité de la banque centrale à stimuler l’économie avec son instrument standard
et peut contraindre l’autorité monétaire à utiliser des mesures non standard (Banque du Canada,
2011).

I.3.2.3. Formuler la politique monétaire sur la base d'un très large éventail d'informations

Un ciblage d’inflation n’utilise pas d’objectifs intermédiaires, c’est-à-dire des variables qu’une
banque centrale peut influencer plus directement que l’inflation, pour lesquelles des valeurs de
référence seraient définies afin de faciliter la réalisation de l’objectif final d’inflation. Dans le
même temps, pour déterminer quelle orientation de politique monétaire conviendrait, ce cadre
de politique monétaire doit prendre en compte de nombreux développements
macroéconomiques pouvant influer sur l'inflation.

La formulation de la politique monétaire sur la base d’un ensemble très large d’informations
devrait contribuer à renforcer sa flexibilité. Cela est nécessaire car les réactions des banques
centrales face aux chocs qui frappent une économie devraient dépendre, entre autres, de leurs
sources, de leur persistance et de leur force. Tous les écarts d’inflation par rapport à l’objectif
visé ne nécessitent pas la même réponse politique, et en particulier, les chocs de la demande
liés à l’économie devraient être traités différemment des chocs de l’offre. L'évaluation de ces
aspects devrait aboutir à de meilleures décisions, qui ne sont en aucun cas mécaniques, et
devraient aboutir à une politique monétaire tournée vers l'avenir14.

Les prévisions peuvent être considérées comme des objectifs intermédiaires, car, en raison des
retards de transmission, les banques centrales devraient essayer de cibler l'inflation au cours des
prochains trimestres. Les décideurs ne peuvent pas influer directement sur l’évolution actuelle
des prix et si, dans leurs décisions, ils accordaient également une importance particulière à la
stabilisation de la production - ce qui, comme on l’a déjà indiqué, était une règle plutôt qu’une
exception - l’horizon pertinent pour eux pourrait être encore plus long. C’est pourquoi il est très

14
Une orientation prospective signifie que, outre l’inflation elle-même, ses déterminants et les facteurs qui influent
sur le mécanisme de transmission monétaire, les prévisions d’inflation doivent être prises en compte lors de la
définition de la politique monétaire. Pour souligner leur importance, une stratégie de ciblage de l'inflation a même
parfois été appelée stratégie de ciblage des prévisions [Svensson (1997) et Woodford (2007)].

43
utile d’avoir des projections d’inflation à moyen terme, ce qui en pratique signifie des
prévisions pour les deux ou trois prochaines années.

Les projections peuvent également être considérées comme résumant éventuellement toutes les
informations pertinentes sur les développements macroéconomiques actuels et attendus ayant
une influence sur l'inflation. Cependant, elles reposent toujours sur de nombreuses hypothèses
et s'appuient sur les régularités passées du modèle utilisé pour les préparer. De plus, rien ne
garantit que le modèle utilisé pour établir les prévisions soit le bon modèle. Les projections ont
donc leurs limites et doivent être traitées avec prudence, en particulier en période d'incertitude
accrue ou de changement structurel. Elles offrent un point de référence utile, auquel le jugement
d’expert doit toujours être appliqué. Pour cette raison, un ensemble complet d'informations, y
compris les prévisions, doit être traité par un décideur compétent. Cependant, on ne sait pas qui
serait le mieux à même de définir une politique monétaire - un seul décideur politique ou un
comité, un comité statuant à la majorité ou un comité décidant par consensus, un comité
individualiste ou un comité collégial, un comité composé uniquement d'économistes, ou un
comité comprenant également d’autres membres (Blinder, 2007).

I.3.2.4. Appliquer des normes de transparence et de responsabilité élevées

Le ciblage de l'inflation ne repose pas sur une règle simple, il est plutôt décrit comme un cadre
de pouvoir discrétionnaire contraint (Bernanke et Mishkin, 1997). Cela signifie que la stratégie
offre un degré considérable de flexibilité pour décider de la manière de réagir aux chocs, mais
ce pouvoir discrétionnaire est limité par un ferme engagement à atteindre l'objectif d'inflation,
renforçant ainsi la crédibilité de la banque centrale. Ce n'est que si l'engagement est convaincant
et que la banque centrale est crédible que les anticipations d'inflation deviennent mieux ancrées
(Orphanides et Williams, 2003).

La crédibilité des banques centrales devrait en premier lieu découler de la réalisation de


l’objectif d’inflation, mais étant donné que tous les pays ciblant l’inflation accordent également
une certaine pondération à la stabilisation de la production, c’est-à-dire qu’ils adoptent une
approche de ciblage d’inflation flexible, des périodes d’inflation s'écartant de l’objectif sont
inévitables. Une bonne communication dans ces cas est essentielle pour influencer les attentes
et les ancrer au niveau de la cible, ce qui devrait réduire le besoin d'action de la banque centrale
et limiter ainsi son coût social. Pour que ces éléments fonctionnent, les décideurs politiques

44
devraient non seulement prendre des décisions fondées sur un très large éventail d'informations,
mais également expliquer comment ces décisions devraient contribuer à maintenir la stabilité
des prix. La transparence et la responsabilité sont donc utiles pour renforcer la crédibilité.

La nécessité d’expliquer les décisions de politique monétaire est également liée à la question
déjà débattue de l’octroi d’un degré d’indépendance considérable aux banques centrales.
L’indépendance doit s’accompagner d’obligations, prévoyant la publication périodique des
rapports et auditions parlementaires régulières. Dans le cas du ciblage de l'inflation, il peut
également être nécessaire que la banque centrale rédige une lettre ouverte expliquant les raisons
de tout écart important de l'inflation par rapport à la cible annoncée, ainsi que les mesures prises
pour la ramener à la cible. Les lettres ouvertes devraient démontrer l’engagement de la banque
centrale à maintenir la stabilité des prix.

Bien qu'un degré élevé de transparence semble incontestable de nos jours, il s'agit d'une
approche relativement nouvelle de la politique monétaire. Sa popularité s'est répandue à peu
près au même moment que le ciblage d’inflation, mais l'accent mis sur la communication n'est
pas uniquement imputable aux cibles de l'inflation. Cela dit, depuis le début, les cibles de
l’inflation occupaient les premières places du classement de la transparence des banques
centrales, ce qui est la meilleure preuve du rôle important que joue la communication dans le
cadre du ciblage d’inflation (Dincer et Eichengreen, 2013).

Outre l’annonce de la stratégie de politique monétaire elle-même, un ensemble standard


d’informations que les banques centrales sont censées partager afin de permettre l’évaluation
de leurs politiques inclut une analyse des évolutions macroéconomiques, des perspectives
d’inflation et du raisonnement qui sous-tend les décisions prises (Jeanneau, 2009). Les rapports
sur l’inflation, accompagnés de projections et de communiqués de presse postérieurs aux
réunions de prise de décision, souvent accompagnés de conférences de presse, sont donc
essentiels pour la transparence et la responsabilité des banques centrales.

I.3.3. Performances des régimes de ciblage d’inflation

I.3.3.1.Pourquoi en est-on venu au ciblage d’Inflation dans les années 1990 ?

D’un point de vue théorique, deux arguments ont joué un rôle important en faisant du ciblage
d’inflation un cadre de politique monétaire pertinent. Il s’agit, d’une part, de l’argument de

45
neutralité de la monnaie pour lequel la politique monétaire ne peut impacter la sphère réelle (et
donc la croissance économique) que sur le court terme, et non de manière permanente comme
c’est le cas pour les prix. Autrement dit, à long terme la politique monétaire peut influer sur les
variables nominales, mais pas réelles (corrigées de l’inflation). D’autre part, il y a la
reconnaissance des conséquences néfastes de l’incohérence dynamique de la politique
monétaire (Kydland et Prescott, 1977) à laquelle un engagement crédible des autorités à cibler
un niveau d'inflation apporterait une solution.

Dans les faits, le ciblage de l’inflation s’est popularisé, en raison de la recherche d’un nouveau
point d’ancrage nominal suite à l’échec des tentatives de cibler la masse monétaire ainsi que du
déclin des régimes de change fixes dû aux crises de change intervenues à la fin des années 1990.

En effet, l’histoire des faits évoque l'instabilité de la demande de monnaie et l'affaiblissement


des relations entre agrégats monétaires et inflation comme facteurs ayant joué un rôle important
dans la décision d’adopter le ciblage d’inflation parmi les pays développés. En effet, beaucoup
de pays ciblaient auparavant, avant les années 90, la masse monétaire avec l'idée que celle-ci
impactait de manière stable les variables économiques comme le niveau des prix. Autrement
dit, les évolutions monétaires incorporaient toute l'information utile pour anticiper l'inflation,
et donc cibler la masse monétaire suffisait à contrôler l'inflation. Mais au début des années 80,
cette relation entre la monnaie et l’inflation s'est révélée instable, notamment avec les
innovations technologiques (créant des substituts proches à la monnaie), ce qui donnait moins
de sens à un ciblage monétaire et plus de sens à un ciblage des éléments sur lesquels la monnaie
avait un impact significatif, à savoir l'inflation. Cette situation aurait essentiellement joué pour
des pays comme le Canada (Bernanke et Mishkin, 1997).

De même, des études visant à déterminer empiriquement les probabilités d’adoption du système
de ciblage d’inflation montrent que beaucoup des pays concernés sortaient d’une crise des
changes. Face aux difficultés rencontrées par ces pays souhaitant ancrer leur taux de change à
une valeur nominale, il a fallu trouver des alternatives capables de convaincre des acteurs
habitués à une cible nominale. Devant renoncer à l’ancrage du taux de change, les pays peuvent
choisir, soit une politique de ciblage monétaire, soit une politique de ciblage d’inflation. Cette
deuxième solution a été préférée par beaucoup en raison des difficultés pratiques pour assurer
le suivi des agrégats monétaires et des instabilités de la demande de monnaie. Le cas du

46
Royaume-Uni au début des années 1990 en est une parfaite illustration. Pour d’autres pays, la
transition a souvent été brutale, à la suite de l'abandon forcé d'un régime de taux de change fixe
ou ajustable (le Brésil, par exemple, en 1999). Pour d’autres encore, comme la Thaïlande, les
Philippines ou la Turquie, cette transition s’est opérée de manière relativement plus graduelle,
ces pays optant dans un premier temps pour une stratégie d’ancrage nominal “hybride” reposant
en partie sur le ciblage des agrégats monétaires, n’adoptant le ciblage d’inflation que dans un
second temps.

Gerlach (1999) fait allusion à la théorie des Zones monétaires optimales pour justifier les
problèmes rencontrés par certains pays cherchant à maintenir des parités fixes face à des chocs
asymétriques. Les crises de change nées de ces problèmes se résolvent par le flottement des
monnaies ; se pose alors la question d’un ancrage nominal de substitution, débouchant souvent
sur l’adoption d’un ciblage d’inflation. Certains pays où la banque centrale n’était pas
indépendante ont connu des inflations plus fortes et se sont retrouvés rapidement face à ce
choix.

Lucotte (2012) révèle que l’adoption du ciblage d’inflation s’est faite pour des Pays d’Europe
Centrale et Orientale, dans l’optique d’intégrer à plus ou moins court terme l’Union Européenne
et la zone euro. Toutefois, la BCE, devant mettre en place une monnaie unique sans ancrage de
change avec le dollar, a préféré déployer une stratégie mixte pour fixer sa crédibilité.

Alors que la stratégie du ciblage apparaissait comme une réponse aux problèmes spécifiques
rencontrés par certaines banques centrales dans les années 90, elle a évolué au fil du temps pour
faire face aux nouveaux défis auxquels les décideurs ont été confrontés au cours des 30
dernières années. Cette stratégie de politique a fait l’objet de plusieurs études empiriques par
des universitaires et des responsables de politique économique à partir de la deuxième moitié
des années 1990. Des universitaires comme Bernanke, Mishkin, Woodford, Mc Cullum, Nelson
et Svensson ont, à cet effet, procédé à la publication de résultats de leurs recherches sur cette
stratégie. Au fil des réflexions, il a été reconnu ses points forts, et a fortement été recommandé
par les institutions internationales en l’occurrence le FMI qui n’a pas cessé d’encourager les
pays émergents à adopter ce système malgré l’absence des conditions nécessaires à sa réussite.

47
I.3.3.2.Quelques résultats macroéconomiques

L'efficacité et les coûts liés à aux régimes de ciblage s’avérant pratiquement difficiles à évaluer,
une approche d’évaluation de performance utilisée dans la littérature consiste à comparer les
résultats macroéconomiques consécutifs à l’adoption du ciblage d’inflation à ceux d’un groupe
de contrôle composé de pays non cibleurs. Cette littérature a principalement porté sur la
question de savoir si l’adoption du ciblage d’inflation a contribué à une baisse significative de
l’inflation moyenne, à une volatilité moindre de l’inflation, à une volatilité réduite des
anticipations d'inflation et à la stabilité macroéconomique en général par rapport aux pays qui
ont maintenu un régime de politique monétaire différent. Outre le niveau et la volatilité de
l'inflation (réelle et anticipée), certaines études ont également examiné les implications de
ciblage d’inflation pour la moyenne et la volatilité de la production, l'ampleur de la transmission
du taux de change, la volatilité des taux de change nominal et réel, l'ampleur des déséquilibres
budgétaires et de la discipline budgétaire en général.

I.3.3.2.1 Niveau et volatilité de l'inflation

Les récentes études portant sur l’effet du ciblage d’inflation sur le niveau et la volatilité de
l’inflation incluent, entre autres, les travaux de Gonçalves et Salles (2008), Lin et Ye (2009),
Broto (2011), Abo-Zaid et Tuzemen (2012), Ferreira de Mendonça et de Guimarães e Souza
(2012), Gerlach et Tillmann (2012), Yamada (2013) et Canarella et Miller (2017).

L’étude de Gonçalves et Salles (2008) concernant les données de 36 pays en développement


(dont 13 pays dotés de régimes de ciblage d’inflation ) pour la période 1980-2005 a montré que
les pays dotés d’un régime de ciblage d’inflation ont connu une baisse plus importante de
l'inflation en moyenne.

En utilisant des données de pays développés et en développement sur la période 1980-2007,


Abo-Zaid et Tuzemen (2012) constatent que les pays en développement cibleurs d’inflation
étaient en mesure de réaliser une inflation plus faible et plus stable. Dans le même esprit,
Ferreira de Mendonça et de Guimarães e Souza (2012), utilisant un échantillon de 180 pays sur
la période 1990-2007, remarquent que l'adoption d’un tel régime aurait entraîné une réduction
du niveau de l'inflation et de la volatilité dans les pays en développement. Les résultats sont
moins robustes pour les pays développés.

48
Yamada (2013) constate que, dans la plupart des cas, les régimes de ciblage d’inflation associés
à des taux de change flexibles, ont produit dans les pays en développement une inflation
inférieure à celle des autres régimes de taux de change sur la période 2000-2007. Dans d’autres
cas, il a au moins le même effet qu’un régime de change fixe en termes de maintien de taux
d’inflation stables.

Broto (2011), qui s'est intéressée plus particulièrement au cas des pays de l'Amérique latine,
étudie la performance en matière d'inflation de cinq pays dotés du régime de ciblage (Brésil,
Chili, Colombie, Mexique et Pérou) et de trois pays qui en sont dépourvus (Argentine, Équateur
et Uruguay). Elle constate que l'adoption du ciblage d’inflation aurait contribué à réduire le
niveau d'inflation et la volatilité de l'inflation au Chili, en Colombie, au Mexique et au Pérou,
mais les résultats ne sont pas aussi concluants pour le Brésil. Néanmoins, elle identifie
également une réduction de la persistance de la volatilité de l'inflation au Brésil après l'adoption
du ciblage d’inflation. La persistance de l’incertitude liée à l’inflation a également diminué dans
tous les pays au cours des périodes qui ont suivi l’adoption du ciblage d’inflation, à l’exception
de la Colombie, où les résultats ne sont pas concluants.

Dans le même ordre d'idées, Gerlach et Tillmann (2012) ont également constaté que la
persistance de l'inflation avait considérablement diminué suite à l'adoption du ciblage
d’inflation par plusieurs pays asiatiques (Indonésie, Corée, Philippines et Thaïlande).

Enfin, Canarella et Miller (2017) fournissent des preuves indirectes de la performance des
régimes de ciblage d’inflation. Ils enquêtent sur la persistance de l’inflation dans un échantillon
comprenant deux pays cibleurs d’inflation (Chili et Mexique) et constatent que la faible
inflation mondiale ne semble pas avoir joué un rôle important dans la baisse de l’inflation dans
les pays en développement.

Les différences importantes entre les diverses études rapportées ci-dessus en termes de période
d'échantillonnage, de méthodologie empirique, de traitement des facteurs spécifiques à un pays
et de groupe témoin utilisé à des fins de comparaison font qu’il est difficile de tirer des
conclusions définitives concernant l’impact des régimes de ciblage d’inflation sur les résultats
macroéconomiques. Face à cette question, Balima et al. (2017) a utilisé une méta-régression
basée sur 8059 coefficients estimés à partir de 113 études empiriques relatifs aux effets
macroéconomiques du ciblage d’inflation. Ils trouvent ainsi des effets significatifs des régimes

49
de ciblage d’inflation sur le niveau de l'inflation mais aucun effet robuste sur la volatilité de
l'inflation.

I.3.3.2.2. Niveau et volatilité des anticipations d'inflation

Les études portant sur l'impact du ciblage d’inflation sur les anticipations d'inflation incluent
les travaux suivants : Cerisola et Gelos (2009), Nahon et Meurer (2009), Ferreira de Mendonça
et Siqueira Galveas (2013) et Montes (2013) et Kose et al (2019).

Cerisola et Gelos (2009) examinent les déterminants macroéconomiques des anticipations


d'inflation à l’aide de données d’enquête au Brésil depuis l'adoption du ciblage d’inflation en
1999. Ils constatent que le ciblage d’inflation a permis d'ancrer les anticipations. Ils constatent
également que, mise à part l'inflation cible, l’orientation de la politique budgétaire, mesurée à
partir du ratio excédent primaire consolidé rapporté au PIB, a eu un impact important sur les
anticipations d’inflation. Nahon et Meurer (2009) étudient la relation entre cinq indices de
crédibilité de la politique monétaire au Brésil, les modifications des taux d'intérêt directeurs et
la possibilité que la crédibilité réduise les coûts de la désinflation dans le cadre du ciblage
d’inflation. Ces mesures de crédibilité sont calculées à l'aide de données d'enquête sur l'inflation
anticipée et de la cible d'inflation officielle. Ils ont constaté que le taux d'intérêt directeur était
un facteur déterminant des indices de crédibilité et qu'une crédibilité accrue était associée à une
réduction du coût de désinflation. Montes (2013) obtient un résultat similaire puisqu’il constate
que l'amélioration de la crédibilité de la cible d'inflation au Brésil s'est accompagnée d'une
réduction de la variabilité des taux d'intérêt. Ferreira de Mendonça et de Siqueira Galveas
(2013) révèlent aussi que la transparence, à travers un effet positif sur le degré de crédibilité de
la politique monétaire, a contribué à réduire la volatilité des anticipations d'inflation au Brésil
au cours des années qui ont suivi l’adoption du régime de ciblage d’inflation en 1999.
Conformément à ces études, les régressions de données de panel de Kose et al (2019) montrent
que la présence d'un régime de ciblage est associée à un ancrage plus fort des anticipations
d'inflation.

50
I.3.3.2.3. Impacts sur d'autres variables macroéconomiques
a. Niveau et volatilité de la production

Les études portant sur l'impact des régimes de ciblage d’inflation sur le niveau et la volatilité
de la production comprennent, entre autres, les travaux de Gonçalves et Salles (2008), Mollick
et al. (2011), Abo-Zaid et Tuzemen (2012), Hartmann et Roestel (2013) et Balima et al. (2017).

Gonçalves et Salles (2008) constatent que la volatilité des taux de croissance des pays ayant
adopté le ciblage d’inflation a davantage reculé que celle des pays non membres du groupe.
Dans le même ordre d'idées, Abo-Zaid et Tuzemen (2012) remarquent que les pays en
développement impliqués dans ce régime étaient en mesure de réaliser une croissance du PIB
supérieure et stable, par rapport aux pays autres qui n’en disposaient pas. Les travaux de
Mollick et al. (2011) ont également mis en évidence un effet positif du ciblage d’inflation sur
la croissance de la production, mais leurs résultats sont plus faibles. En utilisant un échantillon
de 34 économies développées et en développement sur la période 1990-2010, Hartmann et
Roestel (2013) ont constaté que la forte inflation et l'incertitude liée à l'inflation réduisaient
considérablement la croissance de la production. Ainsi, dans la mesure où le régime de ciblage
d’inflation contribue à réduire l'inflation et sa variabilité, il peut avoir un impact considérable
sur la croissance et la stabilité de la production. Cependant, il n’est pas clair dans quelle mesure
cette forme de politique elle-même a contribué à ces résultats en raison du fait qu’il n'y a pas
de distinction «avant-après» dans leur échantillon et il n'y a pas de ventilation entre pays
cibleurs d’inflation et non cibleurs. Enfin, dans leur analyse de méta-régression, Balima et al
(2017) constatent un effet significatif du ciblage d’inflation sur la volatilité de la croissance
économique. Cependant, ils ne trouvent pas un effet robuste sur le niveau de la croissance.

b. Volatilité du taux de change

Les études portant sur l'impact des régimes de ciblage d’inflation sur la volatilité des taux de
change nominal et réel incluent les publications de Pontines (2011) et d’Ouyang et al (2016).

En s’appuyant sur un échantillon de 22 pays développés et de 52 pays en développement sur la


période 1985-2005, Pontines (2011) constate que les pays en développement dotés d’un cadre
de ciblage d’inflation présentaient une volatilité des taux de change nominale et réelle inférieure
à celle des pays en développement n’ayant pas adopté ce régime, alors que l'inverse était vrai

51
pour les pays développés. Ouyang et al. (2016) étudient l'impact des régimes de ciblage
d’inflation sur la volatilité des taux de change réels pour un groupe de 62 pays en
développement sur la période 2006-2012. Ils le font en décomposant les variations des taux de
change réels en leurs deux composantes; c'est-à-dire des changements dans les prix relatifs des
biens échangeables d'un pays à l'autre et des changements sectoriels des prix des biens
échangeables et non échangeables à l'intérieur des pays. Leurs résultats suggèrent que, dans les
pays développés, les régimes de ciblage d’inflation semblent avoir été associés à une plus
grande volatilité du taux de change réel, largement motivée par des chocs de prix externes. Pour
les pays en développement, en revanche, les régimes de ciblage d’inflation ne montrent aucune
différence dans la volatilité du taux de change réel.

c. Déficits budgétaires et discipline budgétaire

Les effets des régimes de ciblage d’inflation sur les déficits budgétaires et la discipline
budgétaire ont été évalués par Abo-Zaid et Tuzemen (2012), Minea et Tapsoba (2014), Alpanda
et Honig (2014) et Ardakani et al (2018).

Selon Alpanda et Honig (2014), le ciblage d’inflation est associé à une réduction des
déséquilibres budgétaires et à une inflation moindre, même dans les pays où la banque centrale
est peu indépendante. L’une des explications de ces résultats est que la mise en œuvre du ciblage
d’inflation a pour effet de réduire les anticipations d’inflation, ce qui tend à réduire les taux
d’intérêt et affaiblit les effets négatifs du service de la dette sur le budget.

Les travaux de Abo-Zaid et Tuzemen (2012), Minea et Tapsoba (2014) et Ardakani et al (2018)
ont tous indiqué que le ciblage d’inflation renforçait la discipline budgétaire, représentée par le
ratio déficits publics / PIB dans le premier cas, le budget primaire ajusté du cycle dans la
seconde et le ratio dette publique / PIB dans la troisième.

52
CHAPITRE II : CREDIBILITE DU PROCESSUS D’INTEGRATION MONETAIRE
ET PERSPECTIVES D’UNE STRATEGIE UNIFIEE DE CIBLAGE D’INFLATION
EN AFRIQUE DE L’OUEST
Pour participer activement à la mondialisation, les pays africains ont engagé un processus
d’intégration dynamique à l’échelle du continent. Afin d’accélérer le rythme de l’intégration,
un cadre préconisant l’établissement de la Communauté économique africaine (CEA)15 est mis
en place et prévoit la création d’une union monétaire à l’échelle du continent (Traité d’Abuja,
1991). Dans ce cadre, les communautés économiques régionales d’Afrique (CER)16, pierres
angulaires de la CEA, ont entrepris l’instauration d’union monétaire dans l’optique de créer en
leur sein un marché commun. Une vision intégrationniste soutient que la mise en place d’un
marché commun favorise une croissance et un développement économiques durables et la
réduction du niveau de pauvreté qui frappe le continent. De même, les expériences d’intégration
ont montré qu’il s’agit d’une voie incontournable pour l’élargissement des opportunités
économiques dans la mesure où l’accroissement de la taille des marchés permet la réalisation
d’économies d’échelle.

A l’heure actuelle, la CEDEAO, créée en 1975 dans une perspective de mettre en place une
zone monétaire commune, possède l’un des cadres d'intégration le plus complet (Commission
économique des Nations Unies pour l'Afrique, 2017). Mais à y voir de plus près, l’intégration
engagée dans cette région remonte aux années soixante. Les colonies françaises d’alors créent
l’Union monétaire Ouest Africaine (UMOA) dans le cadre de la Zone Franc, en 1962 ; elles y
partagent une monnaie, le franc CFA, émise une banque centrale commune, la BCEAO. Après
la dévaluation en 1994 du franc CFA, les pays de l’UMOA décident d’aller au-delà de l’union
monétaire en créant l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA). A ce jour,

15
Instituée par le Traité d’Abuja, qui a été signé en 1991, puis entré en vigueur en 1994, la Communauté
économique africaine doit passer par les six étapes ci-après : 1. Création de nouvelles CER là où il n’en n’existe
pas (échéance 1999) ; 2. Renforcement de l’intégration au sein des CER et de l’harmonisation entre elles
(échéance 2007) ; 3. Création d’une zone de libre-échange et d’une union douanière dans chaque bloc
régional (échéance 2017) ; 4. Mise en place d’une union douanière à l’échelle du continent (échéance 2019) ; 5.
Création d’un marché commun africain (échéance 2023) ; 6. Mise en place d’une union économique et
monétaire (et partant, d’une monnaie unique) et d’un parlement panafricains (échéance 2028) ; 7. Fin de toutes
les périodes de transition en 2034, au plus tard.
16
Il existe huit Communautés économiques régionales (CER) : l'Union du Maghreb arabe (UMA), la Communauté
économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), la Communauté d'Afrique de l'Est (CAE), l'Autorité
intergouvernementale pour le développement (IGAD), la Communauté de développement de l'Afrique australe
(SADC), le Marché commun de l'Afrique de l'Est et de l'Afrique australe (COMESA), la Communauté économique
des États de l'Afrique centrale (CEEAC) et la Communauté des États sahélo-sahariens (CEN-SAD).

53
sept pays essentiellement francophones (Bénin, Burkina-Faso, Côte d’Ivoire, Mali, Niger et
Togo), plus la Guinée-Bissau, depuis 1997, se regroupent au sein de cette zone.

Quelques années après, en 2000, les anciennes colonies britanniques (Gambie, Ghana, Nigeria,
Liberia et Sierra Leone) ainsi que la Guinée Conakry décident de créer une seconde zone
monétaire : la Zone monétaire de l’Afrique de l’ouest (ZMAO). Cette décision entre dans le
cadre d’un plan directeur de l’intégration économique, adopté en 1987, dénommé Programme
de coopération monétaire de la CEDEAO (PCMC) qui, entre autres mesures, appelle au respect
d’un certain nombre de mesures nécessaires à la formation d’une zone monétaire unique dans
la zone CEDEAO et à la soutenabilité de la future monnaie. En conséquence, les monnaies
nationales sont appelées à disparaître pour laisser place à la circulation d’une monnaie unique.
Le cadre de politique monétaire prévu à cet effet correspond à un régime de change flexible
avec un ciblage d’inflation, afin de le rendre plus prospectif et souple.

Afin de garantir la crédibilité du processus de création de la monnaie, il est souhaitable qu’un


certain nombre de conditions en matière d’intégration monétaire et financière soient réunies.
En fait plusieurs obstacles, en l’occurrence la vulnérabilité des économies de la région exposées
aux chocs extérieurs se dressent devant un tel projet. Dans la mesure où chaque pays abandonne
sa souveraineté monétaire au profit d’une monnaie commune, il convient de savoir si les pays
candidats ont un risque important d’être affectés par des chocs différenciés, de s’assurer que les
gains issus d’une telle coopération monétaire puissent compenser les inconvénients qu’elle
engendre.

Pour s’acheminer vers un cadre prospectif, le renforcement du cadre institutionnel des banques
centrales de la CEDEAO devient indispensable. Parallèlement à cette disposition, cela suggère
un bon fonctionnement des marchés monétaires et de change, une meilleure compréhension du
mécanisme de transmission des signaux monétaires et une discipline budgétaire. Or, selon les
observations, certains facteurs comme le sous-développement du système financier, la
prééminence de la politique budgétaire ou le manque de capacités institutionnelles caractérisent
les économies (FMI, 2014 : Perspectives économiques en Afrique de l’Ouest). Toutefois, un
objectif de stabilité macroéconomique est poursuivi, à travers une convergence
macroéconomique, qui conditionnera la création d’une monnaie unique crédible.

Ce chapitre aborde, d’une part, la pertinence du processus d’intégration monétaire engagé en


Afrique de l’Ouest, à lumière des théories des ZMO et les efforts des pays candidats à réaliser

54
la convergence macroéconomique et, d’autre part, l’applicabilité du ciblage de l’inflation dans
les économies des pays candidats en se basant sur des expériences étrangères dans le but de
tirer des enseignements pour la CEDEAO. La première section présente, à partir d’un certain
nombre de critères relatifs à la théorie des ZMO et à la convergence macroéconomique, un état
des lieux des progrès récemment enregistrés pour passer à la monnaie unique. La seconde met
en évidence les performances macroéconomiques des pays selon leur régime de change à partir
d’un certain nombre d’indicateurs résultant de la conduite de la politique monétaire. La
troisième section examine les préconditions économiques et institutionnelles du ciblage de
l'inflation puis, à partir d’expériences de pays en régime de ciblage d’inflation, des
enseignements seront tirés pour les pays de la CEDEAO.

II.1. Le passage à la monnaie unique dans la zone CEDEAO à la lumière du débat


théorique et de la convergence des économies

La configuration de l’économie mondiale, caractérisée par la globalisation des économies, a


imposé aux États de se concerter pour garantir l’efficacité de leurs politiques. Dans ce sens, une
tendance en faveur de la mise en place de pôles sous régionaux et régionaux d’intégration
économique s’est développée partout dans le monde au point de susciter un débat d’optimalité.
D’après la littérature sur la formation des zones monétaires, l’apparition de cette question
remonte aux années quarante, avec les accords monétaires de Bretton Woods (en 1944) et
l’influence des travaux de Friedman (1953) lors de la publication de son article The Case for
Flexible Exchange Rates. La paternité du débat revient toutefois à Mundell (1961) suite à son
étude pionnière menée dans un contexte de fragilité du système monétaire international, qui
posait la question du choix d’un régime de change optimal. Les études, les recherches et les
débats, qui se poursuivent, ont servi à éclaircir le fondement théorique et les conséquences de
nature structurelles découlant d’une unification monétaire.

Des initiatives d’intégration économique ont vu le jour sur le continent africain avec
l’émergence tous azimuts d’institutions régionales. A ce jour, huit Communautés économiques
régionales (CER) existent, avec pour chacune un projet de mise en place d’une union monétaire.
Parmi ces dernières, la CEDEAO possède l’un des cadres d'intégration le plus complet
(Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique, 2017).

Cette section étudie les performances des différents Etats de la CEDEAO. Elle fait un état des
lieux du processus d’intégration monétaire en Afrique de l’Ouest dans une perspective triple.

55
D’abord, les différents arguments théoriques en faveur de la création d’une union monétaire
seront passés en revue et confrontés à la situation de la région en termes d’optimalité. Ensuite,
la démarche suivie par les pays pour le passage à la monnaie unique depuis les origines de la
CEDEAO sera abordée en mettant l’accent sur les principales initiatives prises en matière de
coopération monétaire. Enfin, la convergence macroéconomique sera réexaminée à la lumière
des critères retenus dans le cadre du Pacte de convergence ; elle sera complétée par une analyse
empirique faisant appel à des outils statistiques simples capables d’apprécier l’ampleur des
disparités entre les économies de la zone.

II.1.1. La théorie de la zone monétaire optimale (ZMO) : une approche favorable aux
perspectives d’unification monétaire en Afrique de l’Ouest ?

Le cadre classique de l’évaluation des conditions de création d’une union monétaire fait
référence à celui présenté par Mundell (1961) dans son article « A Theory of Optimum Currency
Areas » dans lequel il examine les circonstances dans lesquelles un groupe de pays a intérêt à
former une union monétaire. Ainsi, l’approche en termes de ZMO a trait avant tout à une
analyse des coûts et des bénéfices de l’intégration monétaire. Le renoncement à la souveraineté
monétaire présentant à la fois des coûts (perte simultanée de l’autonomie de la politique
monétaire et de la possibilité d’absorption d’un choc externe par le canal du change) et des
avantages (suppression des coûts de transaction associés aux opérations de change, effet
catalyseur de l’intensification de la concurrence en matière de gains de productivité, …). Si les
avantages l’emportent sur les inconvénients, les pays ont intérêt à se rassembler pour former
une union monétaire.

À la suite des travaux de Mundell, de nombreuses contributions ont émergé pour actualiser les
critères à prendre en compte dans l’appréciation de l’intérêt du passage à l’union monétaire :
l’homogénéité des structures (Kenen, 1969), l’ouverture commerciale forte (McKinnon, 1963),
l’homogénéité de l’inflation (Fleming, 1972), des préférences de politiques économiques
(Kindleberger, 1986), l’existence d’un budget commun (Oates, 1972). Ces critères peuvent être
regroupés en trois catégories : les critères de convergence préalable qui minimisent le risque de
choc asymétrique et accroissent les gains ; les critères concernant l’existence de mécanismes se
substituant au change pour absorber un choc spécifique ; enfin une approche en termes
d’endogénéisation des critères.

56
II.1.1.1. La vision traditionnelle de Mundell

En introduisant le concept de ZMO, Mundell l’associe à l’idée que le choix entre système de
change fixe et système de change flexible dépend des caractéristiques économiques des pays
désirant former une union monétaire. Il mobilise trois critères de base pour les unions
monétaires en cas de choc :

Les pays appartenant à cette zone doivent être dotés de structures économiques comparables.
Ce critère vise à assurer que les pays sont également vulnérables aux chocs asymétriques. Par
exemple, si un pays est un gros producteur de pétrole (comme le Nigeria) et un autre en est un
importateur net (comme c’est le cas de n’importe quel pays de l’UEMOA), les fluctuations des
prix du pétrole pourraient se traduire par des conséquences aux effets opposés sur les économies
des deux pays et même compromettre leur intégration régionale mutuelle.

La flexibilité des salaires entre les pays doit être suffisante pour corriger les déséquilibres
provoqués par un choc asymétrique. Sur ce point, l’organisation des marchés nationaux du
travail en Afrique de l’Ouest ne permet pas d’avoir les données nécessaires pour vérifier si cette
condition est remplie. Mais selon Boughton (1991), « la flexibilité des prix et des salaires est,
par la nature même des choses, limitée dans toutes les parties de l’économie mondiale ». Ses
observations menées dans le contexte des pays de la zone franc CFA ont révélé que pendant les
périodes de déflation, certains pays avaient tenté de faire baisser les salaires nominaux dans le
secteur public mais avaient fini par y renoncer face à la résistance rencontrée. Ce qui prouve
que l’hypothèse de rigidité à la baisse des salaires et des prix est tout à fait concevable dans cet
espace.

La mobilité du travail entre les différents pays doit être largement assurée. Sur ce point, Onda
Ossa (2000) indique qu’en Afrique, il n’y a davantage de mobilité de la main-d’œuvre que vis-
à-vis de l’extérieur. Contrairement aux États-Unis, l’apparition de chocs spécifiques à certaines
régions se traduit plus par de rapides déplacements de population que par un ajustement des
prix et des salaires. Au sein de l’Union européenne, la main-d’œuvre paraît également
relativement peu mobile.

II.1.1.2. Les critères de convergence préalable

McKinnon (1963) établit le degré d’ouverture, mesuré par le rapport entre biens échangeables
et biens non échangeables, comme critère de décision entre régime de change fixe ou régime

57
de change flexible. Plus une économie produit des biens échangeables, plus elle est ouverte.
Plus les pays ont un degré d’ouverture élevé et échangent entre eux de façon importante, plus
ils ont intérêt à participer à un régime de changes fixes. Les coûts liés à l’abandon du taux de
change comme instrument de politique économique diminueraient avec le degré d’ouverture
sur l’extérieur. Au sens de McKinnon, des économies très ouvertes auront intérêt à constituer
une zone monétaire, ce qui n’est pas le cas de la CEDEAO. L’analyse du degré d’ouverture
dans ces pays (mesuré à partir du ratio des exportations intracommunautaires/PIB) suffit à le
démontrer (cf divers Rapports de surveillance commerciale dans l’espace UEMOA).

D’un autre côté, Kenen (1969) estime que des économies diversifiées et relativement
semblables les unes aux autres sont moins soumises au risque d’un choc asymétrique. Les pays
dont les structures économiques sont diversifiées n’ont pas besoin de recourir au canal du taux
de change pour absorber leurs chocs externes. Par contre, ceux ayant des économies peu ou pas
diversifiées devraient conserver leur souveraineté monétaire afin de pouvoir utiliser le taux de
change comme outil d’ajustement. En substance, plus les économies ont des structures de
production diversifiées, moins elles sont sensibles aux chocs asymétriques et moins le coût du
passage à la monnaie unique est élevé car elles disposent d’un correcteur automatique. Par
exemple, une forte dépendance vis-à-vis des matières premières, notamment agricoles, rend une
économie vulnérable aux chocs climatiques. En outre, la proximité structurelle des économies
permet aussi de réduire le risque d’apparition de ce type de choc. A la lumière des observations
menées par Diallo (2008) sur des données des pays de la CEDEAO, les structures de production
des pays ouest africains ne sont ni suffisamment diversifiées (en raison de la prédominance du
secteur primaire), ni similaires (diversité des ressources minières et agricoles). En conséquence,
ces pays ne sont pas des bons candidats à l’unification monétaire au sens de Kenen.

La prise en compte de l’« homogénéité des préférences » du point de vue du bon fonctionnement
de l’union monétaire est un argument qui a fait l’objet de plusieurs contributions comme
Kindleberger (1986) pour les préférences de politiques économiques voisines, Fleming (1972)
pour l’homogénéité des taux d’inflation et Cooper (1977) concernant les préférences identiques
pour les biens collectifs. Le premier élément de convergence soutenu par Kindleberger renvoie
à l’idée que les pays membres doivent avoir des objectifs communs de politique économique.
De même, pour que le système fonctionne correctement (et que certains pays ne jouent pas les
« passagers clandestins »), il faut que les objectifs des uns et des autres convergent, notamment

58
en matière de tolérance à l’inflation. Cette convergence dans les choix des décideurs publics est
ainsi qualifiée d’homogénéité des préférences. Ces auteurs montrent que, si les structures des
économies d’une même zone ne sont pas assez homogènes pour les mettre à l’abri de chocs
spécifiques, il se peut que leurs mécanismes avancés se substituent au change pour absorber ces
chocs ; dans ce cas l’union monétaire peut toujours être réalisée. De ce point de vue, la
conclusion pratique ne constitue pas vraiment un feu vert pour l’intégration monétaire entre les
pays en développement en général, et les pays ouest africains, en particulier.

II.1.1.3. L’existence d’un substitut à l’ajustement par le change

Si pour Mundell le degré de mobilité des facteurs de production, notamment la main-d’œuvre,


apparaît comme un critère décisif, Ingram (1969), de son côté propose de définir la zone
monétaire optimale à partir d’un critère de mobilité des capitaux. Les flux financiers peuvent
aider un pays à corriger un problème de déficit courant. En cas de déséquilibre temporaire, un
financement à court terme (crédits bancaires ou aide d’un autre pays) peut constituer un
substitut à l’ajustement par le change. Si le déséquilibre est structurel, des mouvements de
capitaux à plus long terme peuvent intervenir. Toutefois, dans le contexte présent des pays
d’Afrique de l’Ouest, les marchés financiers insuffisamment développés sont responsables de
la faible mobilité des ressources intérieures.

Un autre substitut à l’ajustement par le change consiste à mettre en place un budget fédéral qui
sera un supplétif nécessaire pour corriger les effets des chocs asymétriques. Cette idée, issue
de la théorie du fédéralisme budgétaire s’est construite autour de l’ouvrage fondateur d’Oates
(1972), qui lui-même fait référence à la classification de Musgrave (1959) qui distingue, dans
tout budget, les fonctions d’allocation, de redistribution et de stabilisation. La thèse centrale
soutenue par cette approche est que dans un système fédéral, il est préférable que les fonctions
de redistribution et de stabilisation soient assurées au niveau central et que soit assurée la
fonction d’allocation au niveau régional. Cependant, cette théorie s’inscrit dans une perspective
différente des préoccupations politiques actuelles qui révèlent que les gouvernements nationaux
de la CEDEAO sont peu enclins à abandonner la totalité de leur souveraineté budgétaire à une
autorité supranationale.

59
II.1.1.4. Le passage à la monnaie unique par l’endogénéisation des critères des ZMO

En union monétaire, certains paramètres comme le degré d’ouverture et la symétrie des chocs
économiques ne sont pas définitivement fixes. L’argument a été testé empiriquement par
Frankel et Rose (1997, 1998), Fontagné et Freudenberg (1999), Imbs (2004), Baxter et
Kouparitsas (2005), Caldéron et al. (2007) et Inklaar et al. (2008).

Frankel et Rose ont nommé ce phénomène l’endogénéité des critères des ZMO. Selon ces
derniers, l’union monétaire entraînerait une intensification des échanges commerciaux et
tendrait ainsi à renforcer la symétrie des chocs. Les travaux de Caldéron et al. font toutefois
apparaître que l’ampleur de l’effet est moins importante entre les pays en développement
qu’entre les pays industrialisés. Globalement, ce courant de la littérature explique l’impact
positif de l’intensité commerciale sur la synchronisation des cycles par la nature des échanges
commerciaux d’une part (plus le commerce s’effectue entre des secteurs similaires, plus la
probabilité d’occurrence de chocs analogues est élevée et plus les cycles convergent) et par les
externalités des chocs agrégés d’autre part (plus les liens commerciaux sont importants, plus la
diffusion des chocs entre les pays est importante).

La thèse inverse a été défendue par Krugman (1993). Celui-ci estime qu’une intégration plus
poussée pourrait conduire les entreprises d’un secteur à se localiser dans une seule zone (région,
voire pays) pour y exploiter des synergies (réseau de sous-traitants, proximité de centres de
recherche,…). A son avis, l’accentuation d’agglomération sectorielle pourrait renforcer
l’occurrence des chocs spécifiques aux secteurs et accroître les coûts liés au passage à la
monnaie unique.

En ce qui concerne les unions monétaires africaines, il a été établi que la participation à une
union monétaire conduirait globalement à des résultats positifs [Carrère (2004) ; Masson et
Pattillo (2004) ; Tsangarides et al. (2006, 2008)]. Par exemple, Masson et Patillo estiment que
le volume du commerce est environ trois fois plus élevé dans les unions monétaires africaines
en général (UEMOA et CEMAC). Cet impact des unions monétaires sur le commerce pourrait
modifier les conclusions sur les coûts éventuels des chocs asymétriques dans les futures unions
monétaires africaines si l’argument de l’endogenéité de la symétrie des cycles vis-à-vis du
commerce est pris en compte (Tapsoba, 2009).

60
Au demeurant, en considérant qu’une zone monétaire n’est optimale que si les structures des
économies qui la composent sont assez semblables pour lui éviter des chocs asymétriques ou
si, à défaut, des mécanismes se substituent au cours de change (mobilité du facteur travail,
existence d’un budget fédéral,…) pour absorber ces chocs asymétriques, alors il sera difficile
de voir une union monétaire dans le monde. Sur ces bases, même la zone euro n’apparaît pas
comme une zone monétaire optimale puisque ses pays membres sont soumis à des chocs
spécifiques. Pour un État, le budget national constitue le seul outil en réponse à une chute
brutale de l’activité, en absence de budget communautaire.

Ainsi, seule l’endogénéisation des critères d’optimalité constitue une voie salutaire pour
justifier le passage à la monnaie unique. Mais, d’un point de vue pratique, le respect de la
convergence macroéconomique est perçu comme une condition nécessaire pour la crédibilité
de ce processus.

II.1.2. Coopération monétaire régionale en Afrique de l’Ouest

Depuis ses origines, la CEDEAO a vocation, entre autres, de promouvoir l'intégration monétaire
et financière, de favoriser les échanges intra-communautaires des biens et services et d'assurer
la création d'une Union Monétaire (Article 51 du Traité de la CEDEAO). Mais, dès sa création,
elle a dû faire face à un environnement hostile à l’intégration caractérisé par l’existence d’une
mosaïque de monnaies non convertibles et des politiques économiques indépendantes et
nationalistes. Les Etats ont eu pendant longtemps, recours à des accords bilatéraux de règlement
(Nigeria-Niger, Sénégalo-Gambien), ou bien ont été obligés de passer par les places financières
de Paris et de Londres pour faire face à leurs paiements intra régionaux, ce qui constituait une
entrave pour les échanges commerciaux à l'intérieur de la sous-région (voir Diouf, 1983).
Conscientes du rôle indispensable d’un système de paiement pour la promotion des échanges
intra régionaux, les autorités créent la Chambre de compensation de l’Afrique de l’Ouest
(CCAO) en 1976 en tant que facilité multilatérale de paiement, pour améliorer le commerce
sous régional. Les insuffisances du système de la chambre de compensation après dix-sept ans
d’activité ont conduit les dirigeants de la région à envisager, dans le traité révisé de la CEDEAO
de 1993, un programme de coopération monétaire. Cette section se propose d’établir les
principales initiatives prises pour passer à la monnaie unique ainsi que les conséquences qui en
découlent.

61
II.1.2.1. De la Chambre de compensation de l’Afrique de l’Ouest (CCAO) au Programme de
coopération monétaire de la CEDEAO (PCMC)

La première expérience des pays de la région en termes de coopération monétaire remonte aux
années soixante-dix avec la création de la CCAO ; mais à l’époque coloniale, des coopérations
monétaires existaient autour de deux blocs d’intégration :
- le bloc francophone administré par un gouvernement général dit « Gouvernement général
de l’Afrique occidentale française », créé en 1895 qui regroupait huit pays (Bénin, Burkina
Faso, Côte d’Ivoire, Guinée, Mali, Mauritanie, Niger et Sénégal) ;
- le bloc anglophone qui va connaître un Institut dénommé « Currency board », disposant des
prérogatives exclusives d’émettre et de gérer la monnaie en Gambie, au Ghana, au Nigeria
et en Sierra Leone.
Au lendemain de leur accession à l’indépendance, les blocs furent dissouts et la plupart des
pays optèrent pour la création de leur propre monnaie. Tandis que les pays francophones ont
décidé de poursuivre leur coopération monétaire17 en créant en 1962 l’Union monétaire de
l'Afrique de l'Ouest (UMOA) qui remplace le Gouvernement général de l’Afrique occidentale
française (AOF), les pays anglophones optèrent chacun de faire cavalier seul en gardant leur
souveraineté monétaire.

L’existence d’une pluralité de monnaies sur le continent va pousser les Chefs d'Etats africains
à prendre l'initiative d'intégrer le continent sur le plan monétaire. Ainsi dès 1962, ils donnaient
mission à l’économiste Robert Triffin de préparer un rapport sur les possibilités de mettre sur
pied une union de paiements en Afrique, dans une perspective d'unification monétaire du
continent. Le rapport Triffin va conduire à la création de l'Association des Banques centrales
africaines (ABCA) en mai 1968, et à une organisation monétaire structurée autour de cinq
régions (Afrique du nord, de l'est, de l'ouest, du centre et l'Afrique australe) appelées chacune
à instaurer un mécanisme multilatéral de paiements.

Comme il n'existait aucun pont entre les différentes monnaies d’une même sous-région, des
Chambres de compensation ont été mises en place afin de faciliter les règlements intra
régionaux. Au sein de chaque comité sous régional, la création d’une Association des banques
commerciales était encouragée. En 1975, la Chambre de compensation de l'Afrique de l'Ouest

17
Deux pays ont eu à renoncer à ce projet : Il s’agit du Mali qui a fait le chemin inverse en quittant la zone franc
le 1er juillet 1962 et en la réintégrant le 1er juin 1984 et de la Guinée-Bissau, qui a adhéré à l’UEMOA en 1997.

62
(CCAO) est créée. Pour pallier l’inconvertibilité des monnaies nationales entre elles dans les
transactions commerciales, l’Unité de Compte de l'Afrique de l'Ouest (UCAO) est créée
comme un étalon égal au DTS du FMI. Selon les dispositions prises, les transferts financiers ne
pouvaient transiter par la chambre (par mesure de prudence pour une définition minimale de
conversion) et chaque banque centrale pouvait fixer librement la parité de sa monnaie avec
l’UCAO mais disposait d’un délai de quinze jours pour la notifier à la CCAO.

Cependant, si la CCAO a été créée pour servir de facilité multilatérale de paiements, son
fonctionnement s’est heurté à bien des problèmes, de sorte qu’il n’y a pas eu, contrairement à
ce qu’on pouvait attendre, une véritable libération des échanges intra-communautaires (Diouf,
1983). Pour arriver à stimuler les échanges communautaires, plusieurs initiatives ont été prises
: projet de création d'un fonds de soutien aux balances des paiements en déficit, projet de mise
en place de chèques de voyage, étude de la CEDEAO sur la convertibilité des monnaies, étude
du Centre africain d'Etudes monétaires (CAEM) sur la réglementation des changes dans la sous-
région (rapport de CEA, 2002).

Ces initiatives ont fait germer l’idée de la création d’une zone monétaire unique lors du 5ème
Sommet des Chefs d’État et de Gouvernement de 1983 à Conakry. Un groupe de travail,
composé du Secrétariat de la CEDEAO et du Comité des Gouverneurs des Banques centrales,
après des analyses critiques sur l’inconvertibilité des monnaies, a fini par formuler des mesures
concrètes à prendre, en vue de la création de cette zone. Un projet de protocole, définissant le
cadre juridique et institutionnel du fonctionnement d’une zone monétaire unique, a été élaboré
dans ce sens.

En 1987, les pays vont marquer leur volonté de réaliser une zone monétaire unique en créant le
PCMC dont l’objectif ultime est la création d’une monnaie unique gérée par une banque
centrale commune. En 1996, dans un souci de rationalisation des institutions régionales, la
CCAO est transformée en une agence autonome, l’Agence Monétaire de l’Afrique de l’Ouest
(AMAO), qui est chargée du suivi, de la coordination et de la mise en œuvre du PCMC.

Le PCMC édicte des mesures que les pays doivent suivre afin d’assurer l’harmonisation des
systèmes monétaires et de créer un environnement macroéconomique stable. L’an 2004 était
retenu comme date butoir pour le lancement de cette monnaie. Mais en 1999, il a été admis que
le rythme de la mise en œuvre du PCMC ne correspondait pas aux espoirs. Les principaux freins
dans la mise en œuvre du programme étaient : le manque de volonté et d’engagement politiques,

63
le défaut d’uniformité dans l’adoption du cadre macroéconomique et enfin le manque de
coordination et d’harmonisation des politiques.

Une approche d’intégration accélérée est par la suite adoptée pour la concrétisation du PCMC.
Les Chefs d’État des six pays hors UEMOA de l’Afrique de l’Ouest18 ont décidé, en 2000, de
la création de la ZMAO. Sa fusion avec l’UEMOA pour constituer une seule zone monétaire
en Afrique de l’Ouest était initialement prévue en 2003, mais cette date a été reportée à 2005,
en raison principalement de l’incapacité de ses États à remplir, simultanément et de manière
durable, les principaux critères de convergence. Les retards notés dans la mise en œuvre des
objectifs du PCMC ont incité la Conférence des Chefs d'Etat de la CEDEAO qui s’est tenue en
2007 à Abuja, à demander à la Commission de la CEDEAO de revoir le processus de
l’intégration en vue de l’accélérer. C’est ainsi qu’une feuille de route visant le lancement de la
monnaie unique à l’horizon 2020 a été adoptée, en mai 2009 par le Conseil de convergence de
la CEDEAO (CEA, la CEDEAO à 40 ans, 2015). Les États membres ont ensuite été invités à
élaborer et à soumettre des programmes pluriannuels de convergence à la commission de la
CEDEAO et à l'AMAO.

Cette longue marche vers la création d’une monnaie unique témoigne de la volonté des Etats
membres de poursuivre un tel objectif jugé essentiel. Toutefois, puisque tout projet comporte à
la fois des avantages et des coûts, il convient de préciser que le passage à la monnaie unique
sera empreint d’enjeux relatifs à l’élimination du risque de change mais aussi à la perte de la
souveraineté monétaire.

II.1.2.2. Conséquences de la formation d’une union monétaire : les avantages et les coûts du
passage à la monnaie unique

Sous l’angle coût-bénéfice, les pays ont intérêt à se rassembler pour former une union
monétaire, si les avantages l’emportent sur les inconvénients.

18
Les pays membres (Gambie, Ghana, Guinée, Libéria, Nigeria, Sierra Leone) ont signé la «Déclaration d’Accra»
qui définissait les objectifs de la Zone ainsi qu’un plan d’action et des dispositions institutionnelles, destinés à
assurer la mise en application rapide de leur décision. Le Libéria qui participait à titre d’observateur pendant près
d’une décennie est devenu membre à part entière de la ZMAO en février 2010.

64
II.1.2.2.1. Les avantages de la monnaie unique

Selon les enseignements historiques et théoriques, certains seront acquis à court terme et
d’autres, correspondants à des ambitions majeures, se réaliseront dans le temps. Parmi les
avantages à court terme, il y a :

i. La disparition des coûts de transaction. En effet, le passage vers une monnaie unique fera
par définition disparaître certains coûts de transaction, en l’occurrence des commissions de
change, entre les pays de l’UEMOA et ceux de la ZMAO. Pour les agents économiques qui
achètent, vendent, travaillent ou investissent dans un autre pays membre, ces coûts ne sont
pas négligeables. D’autres coûts qui rendent difficiles la fluidité des échanges seront
également supprimés. Une monnaie unique favorisera aussi la baisse du coût et de la durée
des paiements transfrontaliers ; elle facilitera les opérations des entreprises implantées dans
plusieurs pays en leur offrant des avantages de la comptabilité de gestion et de la trésorerie.
ii. L’élimination du risque de change intra-zone. Par définition, les taux de change fixes
éliminent l’incertitude induite par la variabilité des changes. Donc le passage à des taux de
change fixes puis ensuite à la monnaie unique va par hypothèse faire disparaître le risque de
change19 et partant la prime associée à ce risque, qui pénalise le commerce et
l’investissement.
iii. Des effets modérateurs sur les taux d’intérêt. L’unification des taux d’intérêt auxquels les
gouvernements vont emprunter pour le financement de leur déficit est un avantage majeur
de la monnaie unique. L’augmentation de la taille des marchés financiers et l’environnement
stable dans lequel vont s’inscrire les politiques économiques sont de nature à augmenter la
capacité d’épargne et à exercer un effet modérateur permanent sur les taux d’intérêt, qui à
son tour participera à l’assainissement budgétaire. Aussi, comme les taux d’intérêt varient
selon la qualité de la signature de l’Etat émetteur et le risque de change sur la monnaie dans
laquelle l’émission est libellée, la construction monétaire favorisera la réduction de la
différence entre les qualités de signature puisque tout Etat concerné est soumis à une certaine
rigueur financière de son budget.

19
L’existence du risque de change induit certains coûts pour l’entreprise. D’une part, les entreprises désirant se
couvrir contre ce risque supportent les coûts liés à cette couverture. D’autre part, le risque de change pèse sur le
niveau du taux d’intérêt : toute anticipation par les investisseurs de la dépréciation de la monnaie pays risque
d’orienter les placements de ceux-ci vers d’autres pays poussant ainsi les taux à long terme à la hausse et conduit
en outre les pouvoirs publics à fixer les taux d’intérêt à court terme à un niveau suffisamment haut pour maintenir
attractifs les placements des investisseurs internationaux de ce pays.

65
iv. Une concurrence accrue par les prix. La monnaie unique agit comme un accélérateur de la
concurrence par les prix puisque les comparaisons de prix et les arbitrages seront facilités.
L’efficacité du processus productif sera améliorée, grâce à des comparaisons faciles de prix
et de valeurs pour les entreprises, les ménages et l’Etat. Les prix, les salaires ainsi que les
charges fiscales et sociales étant exprimés dans la même unité monétaire, les décisions des
entreprises se feront à l’échelle régionale. Les salariés pourront de même comparer les
éléments de rémunération plus facilement, ce qui devrait permettre une plus grande mobilité
de certains d’entre eux.
v. Un renforcement de la croissance. L’Union monétaire devrait fournir les gains associés à
la stabilité macro-économique (réduction des déficits budgétaires, faible inflation) de nature
à accroître sur le long terme le taux de croissance économique. La monnaie unique repose
sur un processus qui devrait favoriser la baisse des taux d’intérêt, condition nécessaire d’une
relance de l’investissement et d’une croissance durable.

Ce survol rapide des avantages généraux les plus couramment attendus du passage à la monnaie
unique ne doit cependant pas conduire à ignorer ses coûts réels.

II.1.2.2.2. Les coûts du passage à la monnaie unique

Ils peuvent être regroupés en deux catégories distinctes. En premier lieu, l’obligation de
convergence est susceptible d’engendrer des coûts économiques et sociaux. Les critères de
convergence, notamment budgétaires, impliquent des ajustements rapides et rigoureux. Mais
la poursuite des efforts de convergence pose aux Etats membres un problème de compatibilité
entre certaines variables retenues (taux d’inflation, taux d’intérêt réel, déficits publics) et
l’objectif de croissance économique. Aussi, même si la probabilité qu’un choc pouvant affecter
un seul Etat diminue avec une plus grande intégration, il demeure qu’elle n’est pas nulle et dans
ce cadre la perte de l’instrument de change peut constituer une entrave pour un Etat appelé à
rétablir ses équilibres suite à un choc asymétrique. Faute de pouvoir agir avec l’arme monétaire,
il faudra recourir aux ajustements des facteurs réels de production. De même, les spécificités
nationales en matière de salaire, de fiscalité, de langue, d’habitudes sociales et culturelles
pourraient constituer un autre frein à la mobilité entre pays, à l’exception de certaines
professions très qualifiées.

En second lieu, un défaut ou une absence de coordination des politiques économiques, pouvant
être source d’hétérogénéité, peut mettre en péril la soutenabilité de la monnaie unique.

66
L’ancrage des écarts durables de disparités économiques entre États membres limiterait les
bénéfices attendus d’une politique monétaire unique par rapport à ses coûts, notamment la
disparition de l’instrument des taux de change par les États. D’ailleurs, le principal enjeu pour
les pays de la CEDEAO reste la convergence de leurs politiques et des résultats
macroéconomiques, une condition nécessaire à la création de la monnaie unique. Pour les pays
de l’UEMOA, un dispositif de convergence existe depuis le milieu des années 1990 dans le
cadre de la zone franc et donne des résultats relativement satisfaisants. Cependant, des mesures
similaires peinent à produire les mêmes effets pour l’ensemble des pays de la CEDEAO, or le
succès du processus d’intégration en dépend fortement.

II.1.3. Point sur la convergence macroéconomique

La convergence gagne de plus en plus en popularité parmi de nombreux économistes des


régions en développement, y compris celles d’Afrique parce qu’elle offre à ces pays une plate-
forme leur permettant de réduire leurs disparités.

Elle apparaît, à cet égard, comme l’un des instruments essentiels pour la réalisation d’une
intégration régionale et la croissance économique. En effet, la mise en œuvre de politiques
macroéconomiques convergentes est fondamentale dans les pays intégrateurs car, si les taux
d’inflation, les taux de change, les taux d’endettement, le taux de croissance monétaire et
d’autres variables macroéconomiques essentielles ne sont pas alignés de façon durable, une
intégration régionale profonde ne peut être réalisée.

La CEDEAO a alors fixé des objectifs de convergence de politiques macroéconomiques et


monétaires visant à harmoniser les indicateurs économiques. Toutefois, les pays membres ne
sont pas parvenus à converger suffisamment vers ces indicateurs.

II.1.3.1. Quelques faits sur les efforts de la CEDEAO pour réaliser la convergence
macroéconomique et l'intégration monétaire / financière

Plusieurs réaménagements ont été effectués sur les critères du Pacte de la CEDEAO jugés trop
ambitieux. Le non-respect de ces objectifs a poussé les Chefs d’État et de gouvernement à
reporter au cours de la décennie 2010, les dates prévues pour la constitution de la zone
monétaire (2013, 2015), malgré de multiples reports au cours de la décennie précédente. Une
réévaluation des critères sur une période récente permet de mettre en évidence la problématique
du passage à la monnaie unique en termes de convergence macroéconomique.

67
L’analyse des critères contenus dans les dispositions de l’Acte Additionnel A/DEC.17/12/01
(portant modification de l’Acte Additionnel A/DEC.17/12/99 du Pacte) présente les difficultés
des pays à remplir les critères (voir tableau 2). Ce dispositif définit huit critères de convergence,
dont quatre de premier rang (déficit budgétaire hors dons sur le PIB ≤ 4% ; taux d’inflation ≤
5% ; financement du déficit budgétaire par la banque centrale ≤ 10% des recettes fiscales de
l’année antérieure ; réserves brutes ≥ 6 mois d’importation) et quatre de second rang ( cumul
des arriérés ≤0 ; recettes fiscales sur le PIB ≥ 20% ; masse salariale sur les recettes fiscales ≤
35% ; investissements publics financés par les ressources intérieurs sur les Recettes fiscales ≥
20% ; stabilité du taux de change réel et taux d’intérêt réel positifs).

Tableau 2. Taux de remplissage des critères de convergence en CEDEAO (2005-2010)

Taux de
remplissa
Norme 2005 2006 2007 2008 2009 2010 ge
Critères de 1er rang
1. Déficit budg. ≤ 4% PIB 4 6 8 8 4 5 39%
2. Inflation ≤ 5% 9 9 7 1 10 9 50%
3. Fin. Banque
15 13 15 13 13 12 90%
centrale ≤ 10% RF n-1

≥ 6 mois
jusqu’en 2008, et 1 1 1 1 10 10 27%
4. Rés. de change à 3 mois après
Critères de 2nd rang
5. Arriérés de
5 6 6 7 8 10 47%
paiements
6. Recettes fiscales
2 2 2 2 2 2 13%
(RF) ≥ 20% PIB
7. Masse salariale ≤ 35% RF 7 8 9 7 6 4 46%
8.Investissements
6 5 6 7 8 8 44%
Res inter/RF ≥ 20% RF
9. Taux d’intérêt
7 6 6 0 11 6 40%
réel >0
10. Stabilité du
taux de change 11 12 13 6 12 10 71%
réel ± 5%
Source : Propre compilation basé sur les Rapports semestriels d’exécution de la surveillance multilatérale de 2005
à 2011

Conformément au taux de remplissage des critères, des efforts ont été notés au niveau du
financement du déficit par la Banque Centrale, puis la stabilité du taux de change réel. Le niveau
de performance des pays par rapport au financement de la banque centrale prouve la volonté

68
des gouvernements de la CEDEAO d’éviter la monétisation de leur déficit, mais aussi un effort
de réduction des déficits budgétaires. Le respect de ce critère de premier rang est important
puisqu’il peut influer sur celui des autres à savoir, le niveau de l’inflation et le ratio déficit
fiscal/PIB. Le respect des autres critères restent un défi pour la plupart des pays, surtout pour
ceux de la ZMAO.

Un réalignement des critères de convergence a eu lieu en 2014. Les nouveaux objectifs exigent
que les déficits budgétaires des pays ne dépassent pas 3% du PIB ; l’inflation ne dépasse pas
5% et les réserves brutes ne dépassent pas trois mois d’importations. Les critères secondaires
exigent que le ratio dette publique / PIB soit inférieur 70% ; le financement des déficits
budgétaires par la banque centrale inférieur à 10% des recettes fiscales de l’année précédente
et la variation du taux de change nominal soit comprise entre +/- 10%. Sur cette base, le tableau
3 fournit la réalisation des critères par les membres de la CEDEAO.

Tableau 3. Taux de remplissage des critères de convergence en CEDEAO (2011-2016)


Taux de
remplis
Norme 2011 2012 2013 2014 2015 2016 sage
Critères de 1er rang
Déficit budgétaire ≤ 3% PIB 9 7 9 6 6 3 44%
Inflation ≤ 5% 9 8 9 9 14 12 68%
Réserves de
change ≤ 3 mois 10 10 10 11 11 12 71%
Critères de 2nd rang
Dette
publique/PIB ≤70% 13 13 13 12 11 11 81%
Taux de change
nominal ±10% 13 13 15 13 13 12 88%
Financement ≤10% RF n-
Banque centrale 1 15 14 14 13 12 13 90%
Source : Propre compilation basé sur les Rapports semestriels d’exécution de la surveillance multilatérale de 2012
à 2017
Le nombre de pays de la CEDEAO ayant atteint le taux d’inflation moyen et les réserves
extérieures brutes a nettement augmenté tandis que le nombre de pays satisfaisant le déficit
budgétaire reste encore faible. Le taux de remplissage des critères secondaires montre
également des signes d’amélioration du respect de ces critères. Globalement des efforts
importants sont poursuivis par les pays même si la situation de la zone laisse présager une
contrainte d’optimalité due particulièrement à l’exposition des structures des économies aux

69
chocs asymétriques, responsables de la divergence entre les pays. De ce point de vue, si les
dirigeants de la CEDEAO font du respect des critères de convergence un préalable à la monnaie
unique, son lancement tardera indubitablement à voir le jour. Cet avis est partagé par beaucoup
d’économistes. Selon la BAD, pour qui la convergence « doit être vue comme un objectif
permanent et non comme une condition préalable à l’adhésion à une union monétaire »,
l’argument de convergence ne résiste pas à une analyse rigoureuse. Mais la question qui subsiste
encore est de savoir si l’ampleur des disparités de la zone est raisonnable ou pas.

II.1.3.2. Ampleur des disparités régionales

Un moyen sûr de rendre viable une union monétaire, en absence de mobilité des facteurs de
production et de transfert budgétaire, est d’éviter de fortes divergences régionales. Le défaut de
convergence entre les économies de la CEDEAO appelle à évaluer l’ampleur des disparités
existant en son sein. L’application d’outils statistiques simples permettant de caractériser la
dispersion dans la distribution d’une variable est mise à contribution pour mener l’analyse. Il
s’agit de l’étendue, de l’écart absolu moyen, mesurant l’écart de variation absolue par rapport
à la moyenne et de l’écart-type. Pour ce faire, nous mobilisons un certain nombre de grandeurs
caractéristiques de la stabilité macroéconomique et capables de fournir des informations
essentielles pour la conduite des politiques macroéconomiques. Il s’agit principalement de cinq
indicateurs à savoir : l’inflation décrit par l’indice harmonisé des prix, la performance de
l’activité économique apprécié par le taux de croissance du PIB réel, le développement financier
basé sur le ratio M2/PIB, la performance du commerce extérieur basée sur le ratio solde courant/
PIB et un indicateur budgétaire apprécié par le ratio solde budgétaire/PIB. L’évolution de la
volatilité des séries à travers les caractéristiques de dispersion permet d’illustrer l’ampleur des
disparités régionales.

II.1.3.2.1. Ampleur des divergences mesurée à partir de l’étendue et de l’écart absolu moyen

Les graphiques de la figure 2 retracent chacun à la fois les évolutions de l’étendue 20 et l’écart
absolu moyen d’une grandeur. L’étendue, représentée par les valeurs extrêmes, est portée sur
le premier axe vertical situé à gauche (corridor bleu), quant à l’écart absolu moyen, il est porté
sur l’axe secondaire situé à droite (en jaune). De façon générale, aucune des évolutions ne
permet pas de dégager de façon claire une tendance de convergence au sein de la zone.

20
L’étendue est définie comme étant le différentiel entre les valeurs d’une grandeur maximum et minimum.

70
Même si les différentiels des taux d’inflation, des taux croissance, des ratios du solde budgétaire
sont élevés dans les pays de la CEDEAO (graphiques 2 a, b, c), les évolutions respectives de
leur écart absolu moyen montrent une tendance à la diminution de l’indicateur de dispersion.
Sur la même période d’analyse, de grandes divergences subsistent sur l’indicateur de
performance du commerce extérieur avec, à son travers, une accentuation des disparités entre
les pays, mais aussi sur celui du niveau de développement financier dont l’ampleur des
dispersions est en 2014 dans une situation semblable à ce qu'elle était dans les années 2000.

71
Figure 2. Ampleur des divergences dans la CEDEAO (2000-2014)

40 5 50 8
Graph 2a : Evolution Etendue Graph 2b : Evolution Etendue et
7
et EAM du taux de croissance 40 EAM du taux d'inflation
6
20 30
5
20 4
3
0 10
Max
2
Min
Ecart asolu moyen 0
1
Linéaire (Ecart asolu moyen)
-20 0 -10 0
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014

2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
Graph 2c : Evolution Etendue Graph 2e : Evolution Etendue et
15 6
et EAM du Solde budg/PIB 50
EAM du Solde. Com/PIB 25
10
5
5 0 20

0
4
-50 15
-5 3
-10 -100 10
2
-15
-150 5
-20
1

-25 0 -200 0
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014

Graph 2e : Evolution Etendue


100 et EAM de M2/ PIB 14
12
80
10
60 8
40 6
4
20
2
0 0
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014

Source : Calcul de l’auteur à partir des données fournies par la base de l’AMAO, 2018

II.1.3.2.2. Ampleur des divergences mesurée à partir de l’évolution de l’écart-type

L’analyse des indicateurs à partir de l’écart-type confirme les observations précédentes sur
l’absence de tendance de convergence généralisée. Les évolutions montrent les efforts des pays

72
à mettre en œuvre des politiques de réduction d’inflation et des déficits budgétaires, qui ont
sans doute influé sur la tendance de convergence des taux de croissance des pays.

Cependant, la persistance des divergences des pays dans leurs performances commerciales et
financières permet de mettre en évidence l’ampleur des inégalités structurelles. Ces inégalités,
qui ne sont pas de nature à disparaître dans la zone CEDEAO, si aucun mécanisme de rattrapage
des économies n’existe, constituent un frein pour la convergence nominale. Cette situation n’est
pas sans conséquence dans le cadre d’une union monétaire. Soit, par exemple, le cas des
divergences dans l’évolution des prix : un pays avec une inflation inférieure à la moyenne se
retrouve systématiquement pénalisé par la politique monétaire, car il subit des taux d’intérêt
réels relativement plus élevés au sein de l’Union. Pire encore, une hausse de l'inflation
moyenne, qui a pour corolaire une hausse du taux d'intérêt de la banque centrale, provoque une
aggravation de la situation du pays par un effet récessif sur son activité économique, toute chose
égale par ailleurs. Ces écarts entre les taux d'inflation induisent des performances différenciées
en matière de compétitivité et dans le système financier. Une analyse comparable pourrait
s’appliquer au différentiel de croissance. En effet, un pays qui se retrouve avec un taux de
croissance régulièrement faible par rapport à la moyenne sera pénalisé par des taux d’intérêt
systématiquement trop élevés.

73
Figure 3. Ampleur des divergences dans la CEDEAO (2000-2014), mesurée par l'écart-type
8 15
Ecart-type croissance Ecart-type de l'inflation
6
10
4
5
2

0 0
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014

2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
8 60

Ecart-type Solde budg /PIB Ecart-type Solde com


6 40
4
20
2

0 0
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014

15
Ecart-type M2/PIB
10

0
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014

Source : AMAO, 2018

II.2. Régimes de change en Afrique de l’Ouest : expériences et enseignements

Le régime de change d’un pays comporte deux aspects : l’un concerne les conditions
réglementaires dans lesquels s’effectuent les opérations financières avec l’extérieur ; l’autre est
relatif aux modalités de détermination du prix auquel s’opèrent les échanges en devises. Le
choix d'un régime de change dépend de la taille de l’économie, de son exposition externe, de sa
crédibilité vis-à-vis des marchés financiers. Les caractéristiques spécifiques des pays en
développement introduisent des dimensions supplémentaires dans ce choix stratégique :
concentration géographique des échanges, engagements libellés en devises étrangères, taux
d’inflation parfois élevé et faible crédibilité monétaire, marché domestique des capitaux
souvent embryonnaire.

L’efficacité d’un régime de change se mesure généralement à partir de deux critères : le degré
de stabilité et la capacité d’ajustement. Le choix renvoie à un arbitrage entre capacité

74
d’ajustement versus stabilité. Pour la stabilité, il s’agit de déterminer la capacité d’un système
de change à absorber les chocs nominaux (différentiel d’inflation) et les chocs réels (chocs de
demande ou d’offre). Pour la capacité d’ajustement, il s’agit de s’interroger sur les
conséquences du choix stratégique en termes de volatilité du taux de change, étant entendu
qu’une variabilité excessive est jugée comme perturbatrice pour une économie très ouverte
(commerce et mouvements de capitaux). Le but est donc de rechercher à stabiliser le taux de
change réel ou, en tout cas, d’éviter une appréciation trop importante, synonyme de perte de
compétitivité-prix pour les producteurs nationaux.

Toutefois, la diversité des situations structurelles et macroéconomiques implique qu’il n’y a pas
de régime de change optimal pour l’ensemble des pays en développement. Il faut même
considérer que le processus de développement nécessite une adaptation régulière du régime de
change en fonction de l’étape qui est atteinte par chaque économie. C’est dans cette perspective
que cette section se propose d’analyser l’évolution des politiques et régimes de changes suivis
par les pays de la CEDEAO en mettant l’accent sur les facteurs ayant motivés certaines
transitions. Cette analyse sera complétée par l’examen des performances macroéconomiques
qui en découlent. En particulier, nous étudierons les performances, en termes d’inflation, de
croissance et de compétitivité des économies, réalisées selon le régime choisi par les pays. Mais
d’abord, il convient de rappeler le statut de la monnaie de chaque pays puisque les options
ouvertes à un pays en matière de réglementation des changes comme de détermination du taux
de change en dépendent.

II.2.1. Statut des monnaies

Il existe trois types de statut monétaire : monnaies nationales, monnaies multinationales ou


monnaie commune, monnaies étrangères ou dollarisation. Ces options comportent des
implications importantes quant au choix du régime de change.

II.2.1.1. Le cas traditionnel des monnaies nationales

Ce statut correspond à l’existence d’une monnaie nationale. C’est la situation la plus courante
dans le monde en raison du caractère symbolique de la monnaie en tant que maillon de la
souveraineté nationale. En effet, en raison de l’évolution de la monnaie dont la valeur repose
désormais sur une appréciation de la solidité de l’économie plutôt que sur une valeur
intrinsèque, le souverain monétaire cherche à imposer la force de sa monnaie par la santé de

75
son économie. Ce statut implique toutefois un échange de monnaies lors des transactions
internationales puisque les contractants ne possèdent pas la même monnaie. Cela les expose au
risque de change. Pour un investisseur national, par exemple, une baisse des cours de change21
peut entraîner une perte de valeur d’actifs libellés en devises étrangères. Une telle situation
explique que les Etats aient cherché à contourner les difficultés liées à la multiplicité des
monnaies par la création d’unions monétaires. L’influence des progrès de la science
économique a d’ailleurs montré les inconvénients liés à la balkanisation des monnaies et les
avantages, notamment commerciaux, liés à l’absence d’obstacles monétaires entre les pays.

Dans la CEDEAO, hormis les pays de l’UEMOA, chacun des sept autres pays a sa propre
monnaie : l'escudo pour le Cap-Vert, le dalasi pour la Gambie, le cedi pour le Ghana, le franc
guinéen pour la Guinée, le dollar libérien pour le Liberia, le naira pour le Nigeria et le Leone
pour la Sierra Leone (Tableau 4). Ces monnaies ne sont pas convertibles entre elles, ce qui est
de nature à ne facilite pas les échanges dans la zone.22

Tableau 4. Monnaies nationales en Afrique de l’Ouest.


Pays Monnaie Symbole monétaire/Régime de Institut d’émission
change
Cap-Vert Escudo Escudo / Parité fixe avec l’euro Banque centrale du Cap-vert
Gambie Dalasi Dalasi / Change flexible Banque centrale de la Gambie
Ghana Cedi ₵, cedi / Change flexible Banque du Ghana
Guinée Franc F, Franc / Change flexible Banque centrale de la
guinéen République de Guinée
Liberia Dollar Dollar / Change flexible Banque centrale du Libéria
libérien
Nigeria Naira N, naira / Change flexible Banque centrale du Nigeria
Sierra Leone Leone/ Change flexible Banque de Sierra Léone
Leone
Source : Propre compilation basée sur des informations provenant des sites web des banques centrales

A l’exception de l’escudo cap-verdien qui, grâce à l’accord passé par le Cap-Vert avec le
Portugal (en 1998), est rattachée à l’euro (1 Euro = 110,270 CVE), les taux de change de toutes
les autres monnaies sont axés sur le marché. Le cours du dalasi est déterminé par le marché

21
Le cours de change désigne le prix relatif de la monnaie nationale et d’une devise, prix d’achat ou de vente.
22 La convertibilité se définit par la possibilité d’échanger librement la monnaie du pays contre des devises
étrangères.

76
interbancaire. La valeur du cédi du Ghana est aussi obtenue à partir du marché interbancaire,
tandis que celle du Leone est axée sur le marché monétaire. Pour les transactions officielles, la
Banque de Sierra Leone détermine le taux du Léone sur la base des taux moyens pondérés des
transactions des banques commerciales et des bureaux de change au cours de la semaine
précédente. Elle mène une politique de change flexible sous-tendue dans ses achats et ventes
de devises par ses objectifs en matière de réserves internationales. Quant au dollar libérien,
depuis sa rupture avec le dollar américain en 1998, il suit un régime flottant. Le taux de change
du Naira, en flottement, est également dicté par le marché. Le franc guinéen suit également un
régime flottant. Jusqu’en août 1999, son cours était déterminé par le marché interbancaire des
devises. Depuis, il est déterminé par le marché des enchères des devises (OMC, 2005).

II.2.1.2. Les monnaies multinationales (ou unions monétaires)

Ce statut se traduit par l’émission d’une monnaie unique dont la gestion incombe à un Institut
d’émission commun à plusieurs Etats souverains. Le régime de change des différents Etats
constitutifs d’une union monétaire est nécessairement identique, tant en ce qui concerne la
réglementation des changes qu’en ce qui concerne les modalités de détermination du taux de
change. Il existe dans le monde quatre unions monétaires23, chacune disposant d’un mode de
gouvernance particulier. L’UEMOA et la CEMAC sont les unions les plus anciennes
participant aux accords de la zone Franc bâtis sur des rapports historiquement coloniaux avec
la France.

II.2.1.3. La dollarisation

Le mécanisme monétaire de la dollarisation consiste en la disparition d’une monnaie nationale


au profit d'une monnaie étrangère dans les transactions économiques locales. Les agents
économiques ont de multiples raisons de détenir des devises, notamment la diversification de
leurs encaisses pour des motifs de transaction, de précaution contre le risque de change et des
fois de spéculation. Si l’usage de monnaies étrangères s’avère marginale dans les pays
industrialisés, dans certains pays en développement, la concurrence des monnaies est un fait
majeur. Le plus souvent la monnaie étrangère concurrence fortement la monnaie nationale au
point d’être un instrument de réserve de valeur ou parfois d’instrument de paiements. Dans

23
A côté des unions monétaires africaines, il y a l’Union des Caraïbes orientales créées en 1983 qui a pris la
suite de l’Autorité monétaire des Caraïbes établie en 1965, et l’Union monétaire européenne, dernière-née des
unions monétaires si l’on considère les unions existantes.

77
d’autres pays, la monnaie étrangère devient la seule monnaie légale (dollarisation intégrale). La
dollarisation s’annonce comme un moyen d’éviter les crises liées à la monnaie ou à la balance
des paiements. Sans monnaie nationale, il ne peut y avoir de forte dévaluation (ni de brusque
dépréciation dans un régime de taux flottants), et la menace de sorties soudaines de capitaux
motivées par la crainte d’une dévaluation va disparaître.

Avec ce statut monétaire, la disparition de la prime de risque-pays associée au taux de change


(le risque souverain de non-transfert demeure) doit entraîner une baisse sensible des conditions
d’endettement extérieur. D’autres avantages peuvent se présenter également dans le cas d’une
intégration plus étroite avec l’économie américaine et les économies du monde entier avec la
baisse des coûts de transaction et l’assurance de la stabilité des prix exprimés en dollars. Depuis
la déclaration d’indépendance de l’Etat du Libéria, la dollarisation y est relativement élevée et
ses liens historiques avec les Etats-Unis constituent un déterminant de l’orientation de sa
politique de change (cf. Erasmus et al, 2009). Le problème majeur c’est qu’une économie qui
adopte une monnaie étrangère se prive de toute possibilité d’avoir une politique monétaire et
de change autonome. A cela s’ajoutent des pertes de recettes de seigneuriage en renonçant au
droit de battre monnaie.

II.2.2. Quelques aspects de politiques de change en Afrique de l’Ouest

Depuis toujours, la politique monétaire s’est servie d’un point d’ancrage nominal. En effet, au
début du siècle dernier, l'étalon-or servait de point d'ancrage nominal au système monétaire.
Ensuite, avec le régime de Bretton Woods, l’or fut indirectement remplacé par le dollar ancré
aussi à l’or (l’étalon de change-or).

Mais après la chute du régime de Bretton Woods, le système monétaire international (SMI)
s’est fragmenté : d’un côté, les pays développés abandonnèrent l’ancrage du taux de change,
celui-ci étant devenu flexible, au profit d’une politique de « règle monétaire » ; de l’autre, les
pays en développement optèrent dans leur majorité pour le ciblage du taux de change en
arrimant leur monnaie à une devise. L'application de ce dernier implique des opérations d’achats
et de ventes de devises, à des taux donnés, afin de maintenir le taux de change à un niveau
prédéterminé ou dans une fourchette donnée. Le taux de change sert de base d'ancrage nominal
ou d'objectif intermédiaire à la politique monétaire. Ce cadre de la politique monétaire est
appliqué par les régimes de change des pays n'ayant pas de monnaie officielle ou distincte, les

78
régimes de caisse d'émission, les régimes de change de parité fixe et de parité mobile avec ou
sans bandes de fluctuations.

De ce point de vue, si tous les pays de la CEDEAO disposent d’un cadre d’ancrage de change,
il semble que la nature des interventions des autorités sur le marché des changes diffère selon
le régime adopté par le pays, ce qui est sans conséquence sur les performances
macroéconomiques. Mais, quel que soit l’option envisageable, la politique de change s’appuie
sur la taille des réserves de change (les avoirs extérieurs nets), le contrôle des changes (limiter
la convertibilité de la monnaie émise par la banque centrale) et le recours aux taux d'intérêt
(l’élévation du taux d'intérêt permet de maintenir un taux de change fort).

II.2.2.1. Politique d’ancrage de change des pays de l’UEMOA : historique et mécanisme de


fonctionnement de la fixité du FCFA à l’Euro

La zone Franc est ancienne. Sa naissance remonte à la fin des années 1930, officiellement à la
veille de la seconde guerre mondiale (décrets d'août et septembre 1939 pour le territoire
métropolitain), pour traduire la volonté d’institutionnaliser un strict contrôle des changes entre
la France et ses colonies, d’une part, et le reste du monde, d’autre part ; ce, afin de se protéger
des déséquilibres structurels en économie de guerre. La zone Franc a été marquée en décembre
1945 par la création, à la fois, du franc CFA (franc des colonies françaises d’Afrique) et du
franc CFP (franc des colonies françaises du Pacifique), après les accords de Bretton Woods24.
En 1958, le franc CFA devient le « franc de la Communauté Française d’Afrique ».

Après leur accession à l’indépendance, la zone franc a été maintenue par décision contractuelle
entre la France et ses anciennes colonies, mais le FCFA deviendra le « franc de la Communauté
Financière d’Afrique » en Afrique de l’Ouest et le « franc de la Coopération Financière en
Afrique centrale ». Dans ce cadre, trois sous-zones monétaires ont été constituées dans la zone
Franc : l'UMOA25, l'UMAC et les Comores, chacune disposant d’une monnaie commune26,
d’une politique monétaire centralisée et d’un système de parité fixe avec l’euro.

24
La France procède de ce fait à la première déclaration de parité de sa monnaie au FMI. Un franc CFA vaut alors
1,7 franc français ou 1 franc français = 0,588 franc CFA.
25
L’UMOA intervient dès 1962, et réunit alors la Côte d’Ivoire, le Dahomey (actuel Bénin), la Haute-Volta (actuel
Burkina Faso), la Mauritanie, le Niger et le Sénégal. L’UMOA est renforcée par la signature d’un traité rénové le
14 novembre 1973, lequel traité est modifié en 2007 et entré en vigueur le 1er avril 2010.
26
FCFA émis par la BCEAO « XOF » ; FCFA émis par la BEAC « XAF » ; franc comorien émis par la BCC «
KMF »

79
En Afrique de l’Ouest, tout comme en Afrique centrale et aux Comores, les accords monétaires
conclus avec la France en décembre 1973 définissent les mécanismes de fonctionnement
concernant la convertibilité externe illimitée du Franc CFA, la centralisation des réserves sur le
compte d'opérations ouvert auprès du Trésor de la France.

II.2.2.1.1. La convertibilité externe illimitée du Franc CFA à travers un système de parité fixe.

L’Etat français garantit la convertibilité du FCFA émis par la BCEAO, en lui consentant
un droit de tirage illimité sur un compte d’opérations ouvert auprès du Trésor français
qui doit pouvoir apprécier l’évolution des réserves de change et mesurer les risques éventuels
que la garantie de convertibilité soit appelée. Cette garantie de convertibilité est amenée à jouer
lorsque ces comptes deviennent débiteurs : en cas de choc sur la situation des comptes
extérieurs de l’UMOA qui se traduirait, par exemple, par l’impossibilité pour les États membres
d’assurer en devises le paiement de leurs importations, le Trésor français s’engage à apporter
les sommes nécessaires en euros. C’est dans ce cadre que le taux de couverture des engagements
à vue par les avoirs officiels de la BCEAO (rapport entre le montant moyen des avoirs extérieurs
bruts de la Banque centrale et le montant moyen de ses engagements à vue) a été retenu comme
une mesure préventive devant permettre d’éviter qu’une telle situation ne se produise ou de
servir à garantir le taux de change CFA/Euro.

80
Figure 4. Evolution des avoirs extérieurs nets de la BCEAO (1991-2017)

6000

5000

4000

3000

2000

1000

0
19 1
19 2
19 3
19 4
19 5
19 6
19 7
19 8
20 9
20 0
20 1
20 2
20 3
20 4
20 5
20 6
20 7
20 8
20 9
20 0
20 1
20 2
20 3
20 4
20 5
16
-1000
9
9
9
9
9
9
9
9
9
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
1
1
1
1
1
1
19

Source : BCEAO, 2017


L’article 76 des statuts de la BCEAO précise en effet que sur trois mois consécutifs, le taux de
couverture des engagements à vue doit être supérieur de 20. Cette disposition semble indiquer
que le taux de change sert de base d'ancrage nominal ou d'objectif intermédiaire à la politique
monétaire. Le taux de couverture des engagements à vue était tombé, en 1993, à 17%, soit un
niveau inférieur au plancher de 20% prévu par les statuts de la BCEAO (Rapport, 2013 de la
Banque de France). Alors que les effets de la dévaluation du franc CFA sur la situation
monétaire extérieure l’avaient porté à 81,4 % fin 1994 - les avoirs extérieurs bruts ou nets
doivent être préférés pour examiner la situation monétaire extérieure (voir figure ci-dessus), il
se maintient nettement au-dessus de 100 % depuis 1997 % (BCEAO, Histoire de l’UMOA,
Tome III), atteignant 117 en 2015, soit environ six fois le minimum statutaire (figure 5).

Figure 5: Evolution du taux de couverture et ses composantes


8000000 140%
7000000 120%
6000000 100%
5000000
80%
4000000
60%
3000000
2000000 40%

1000000 20%
0 0%
2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015

AVOIRS EXTERIEURS BRUTS(en millions) Engagements à vue (en millions)


taux de couverture Taux plancher

81
Source : BCEAO, 2017

Par ailleurs, conformément à l’article VIII des statuts du FMI, les pays de la zone franc sont
soumis à un régime de convertibilité limité aux opérations courantes. Ainsi, contrairement aux
principes initiaux de la Zone franc, tel que le principe de libre transférabilité adopté depuis
199327, il est établi des restrictions aux opérations de change pour les mouvements de capitaux
vis-à-vis de tous les pays (hors ceux appartenant à la même union). En outre, la convertibilité
entre les billets en FCFA « XOF » émis par la BCEAO et ceux de la BEAC « XAF » est
supprimée par décisions spécifiques des deux banques centrales de ne plus racheter des billets
de leur émission détenus en dehors de leurs zones d'émission respectives 28 ; ce, afin de donner
une certaine marge de manœuvre à la politique monétaire et éviter de brutales sorties de
capitaux.

II.2.2.1.2. La centralisation des réserves de la BCEAO sur le compte d'opérations

En contrepartie du droit de tirage illimité, les États centralisent leurs réserves de change (avoirs
extérieurs nets) auprès de la BCEAO qui, à son tour, doit conventionnellement en déposer une
fraction sur le compte d’opérations ouvert auprès du Trésor français. L’obligation de
centralisation des réserves extérieures a subi une évolution en 2005 avec notamment
l’abaissement de 65 % à 50 % de la fraction des avoirs en devises que la BCEAO doit déposer
sur le compte d’opérations (au-delà de ce seuil, des dépôts facultatifs sont possibles sur un «
compte spécial de nivellement »).

Les avoirs extérieurs déposés sur les comptes d’opérations sont rémunérés au taux de facilité
de prêt marginal de la BCE29 - ce taux est d’un niveau très bas aujourd’hui : 0,25 % depuis mars

27
Ce principe préconise que les transferts courants et les transferts de capitaux sont libres au sein des unions
monétaires et à l’intérieur de la Zone franc.
28
Le 2 août 1993 la BCEAO décide de suspendre le rachat des billets de son émission exportés hors du territoire
des pays africains membres de la Zone franc. Le 17 septembre 1993 marque l’entrée en vigueur de la décision des
de la BEAC de suspendre le rachat des billets de leur émission exportés en Zone UMOA. Le 20 décembre 1993,
la BCEAO officialise à son tour la suppression de rachat des billets de son émission détenus en Zone UMAC.
29
C’est le taux auquel la BCE fournit automatiquement des liquidités à 24 heures aux banques qui en font la
demande, sans autre limitation que le montant des actifs que ces dernières sont en mesure de lui apporter en
garantie. Il s'agit là d'une facilité permanente, à la discrétion des banques, contrairement au taux de refinancement
qui est appliqué à des opérations qui sont à l'initiative de la banque centrale. Cependant il est plus élevé que le taux
de refinancement, puisque les banques peuvent accéder à cette facilité sans restriction et donc sans maîtrise
instantanée du volume de refinancement par la banque centrale. L'excédent est habituellement d'un point (soit 1%,
ou 100 points de base).

82
2016 (voir graphique gauche de la figure 6) - pour la quotité obligatoire des dépôts, et au taux
minimum des opérations principales de refinancement de la BCE – ce taux est nul depuis mars
2016 ( graphique droite ) - pour les avoirs déposés au-delà de la quotité obligatoire si la BCEAO
souhaite centraliser ses avoirs extérieurs auprès du Trésor français au-delà de ce qui est prévu
par les textes. Par ailleurs, depuis 1975, les avoirs en euro bénéficient d’une garantie de non
dépréciation de l’euro par rapport au DTS afin de garantir leur valeur.

Figure 6. Evolution des taux d’intérêt directeurs de la BCE

7 Facilité de prêt marginal 4,5 Principales opérations de refinancement

6 4
3,5
5
3
4 2,5
3 2
1,5
2
1
1
0,5
0 0
févr-06

déc-08

oct-11
janv-99
juin-00
nov-01

juin-17
nov-18
avr-03
sept-04

juil-07

mai-10

mars-13

janv-16
août-14

janv-99

nov-01

févr-06

déc-08
mai-10
oct-11

janv-16

nov-18
juin-00

avr-03
sept-04

juil-07

mars-13

juin-17
août-14
Source des données : BCE, 2019

La détention de réserves excessives peut toutefois induire des coûts importants : un coût
d’opportunité (l’excédent des réserves pourraient être utilisées pour financer des dépenses
d’équipement ou rembourser une partie de la dette extérieure et réduire ainsi les paiements
d’intérêts) et un coût de revalorisation (si un pays voit sa monnaie s’apprécier par rapport aux
monnaies qu’il détient en réserve, il subit des pertes quasi budgétaires).

II.2.2.1.3. La politique monétaire et de change

Quatre principes régissent la politique monétaire et de change de la BCEAO, à savoir :


- la discipline monétaire commune : puisque l’ancrage de la monnaie doit aller de pair avec la
discipline monétaire, un ensemble de règles visant à mettre les Etats membres à l'abri de
l'inflation a été défini, comme la définition d’une limite statutaire des avances de la BCEAO
et l’engagement des Etats de durcir la politique monétaire en cas d'insuffisance des réserves

83
extérieures (derniers statuts de la BCEAO30). Cet engagement de discipline monétaire est
renforcé par le Pacte de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité ;
- la solidarité financière entre Etats : cela se traduit notamment par la mise en commun des
réserves de change et du libre mouvement des capitaux entre les pays de la zone. Ce principe
de solidarité se manifeste également à travers l'utilisation d'une monnaie commune qui
suppose l'application des mêmes règles relatives à la gestion de la monnaie dans chacun des
Etats membres ;
- le caractère individuel des Etats : il se matérialise par le fait que chaque Etat est doté d'une
personnalité monétaire internationale dans la mesure où il adhère individuellement au FMI.
De plus, la Banque centrale enregistre de manière distincte les opérations concernant chaque
Etat. Enfin, un CPM est mis en place dans le souci de définir une politique monétaire qui
tiendrait compte de la conjoncture individuelle des pays ;
- le rôle de la France dans le mécanisme monétaire : en raison de l’octroi de sa garantie de
convertibilité du FCFA, la France participe à la définition des règles de gestion monétaire.
Elle participe aux instances de décision des Banques centrales (Conseil d’Administration et
Conseil de la Politique Monétaire) pour s'assurer que les règles qui ont été édictées par tous
sont respectées et que la création monétaire dans la zone ne comporte pas de danger.

II.2.2.2. Caractéristiques des Politiques d’ancrage de change dans les pays de la ZMAO

Pendant la période coloniale, la Gambie, le Nigeria, le Ghana et la Sierra Leone, en tant


qu’anciennes colonies britanniques, appartenaient à la zone sterling avec la création de caisses
d’émission ancrées à la Livre Sterling. Seule une monnaie, la livre sterling ouest-africaine,
circulait entre ces pays. Après leur accession à l’indépendance, ces pays, sauf la Sierra Leone
et la Guinée qui appartenait à la zone franc CFA, ont créé leurs propres monnaies nationales
tout en restant membres à part entière de la zone monétaire qu’ils formaient avec leur ancienne
puissance colonisatrice.

30
Conformément à ses derniers statuts, la BCEAO n’apporte plus maintenant de concours directs aux États : la
monétisation des déficits budgétaires est prohibée. Initialement les statuts de la Banque centrale limitaient à 10%
des recettes budgétaires de l’année écoulée les avances aux Etats de l’union. Cette limite a été progressivement
élargie à 15%, puis à 20% des recettes fiscales. En 1994, la dévaluation du FCFA imposée par l’ampleur des
déficits budgétaires a créé une vague d’opinion en faveur d’une une certaine discipline en matière de politique
budgétaire. La Banque centrale décide alors de geler les avances statutaires aux États qui devaient les rembourser
progressivement.

84
L’application des politiques d’ajustement structurel dans les années 1980 et 1990 les contraint
à adopter des mesures de libéralisation économique, ce qui a provoqué le changement de change
fixe à un flottement plus ou moins administré. La monnaie gambienne est alors cotée par rapport
à la livre sterling, tandis que celles du Ghana, de la Guinée, du Libéria, du Nigeria et de la Sierra
Léone ont adopté un régime de change flexible par rapport au dollar US. Par conséquent, leur
taux de change est déterminé par le jeu de l’offre et de la demande avec la monnaie américaine.
Aussi, en raison de leur dépendance au financement extérieur, l’ensemble des pays adhère aux
recommandations du FMI, notamment à l’article VIII de ses statuts, préconisant la convertibilité
des opérations courantes et des mouvements de capitaux.

Cependant, s’ils ont tous respecté les obligations de convertibilité du compte courant, certains
d’entre eux (le Ghana, le Nigeria et la Sierra Leone) n’ont que partiellement libéralisés les
transactions relatives aux transferts de capitaux. Avec la libéralisation des transactions de
change, des actions significatives sont entreprises par les pays pour réduire le degré
d’inconvertibilité de leurs monnaies respectives. En Gambie, la libéralisation a abouti à un
accroissement du degré de convertibilité qui a, à terme, hissé le dalasi à une convertibilité
internationale. Le compte de capital du pays étant ouvert et sans restriction, l’exportation et
l’importation du dalasi se réalisent sans restriction. Contrairement à celui du Ghana, qui est
partiellement libéralisé, un maximum de 5.000 cedis est autorisé aux résidents ghanéens en
voyage à l’étranger et une interdiction est imposée à l’importation ou l’exportation de la
monnaie nationale. Aucune restriction n’est prévue sur les importations de devise étrangère.
Pour le Libéria qui s’est assigné un régime monétaire dualiste – avec la circulation du dollar
US, comme monnaie ayant cours légal représentant environ 90% de la masse monétaire (IMAO,
2012) – les résidents y sont autorisés à ouvrir des comptes bancaires en dollar libérien ou en
dollar US, ainsi qu’en toute autre monnaie convertible. De même, le Nigeria a permis aux
personnes résidentes et non résidentes d’ouvrir et de détenir des comptes en devises étrangères
convertibles ; par contre, l’exportation et l’importation du Naira y sont interdites. Le taux de
change du Naira est déterminé par le jeu de l’offre et de la demande à travers un système des
enchères hollandaises. Pour la Sierra Leone, c’est avec un système où les banques sont
autorisées à traiter et à approuver les demandes de transfert et les encaissements de devises
étrangères relatifs aux transactions courantes sans recours à la banque centrale que les résidents
y sont autorisés à détenir des comptes en devises étrangères. Ce système impose toutefois une
restriction sur l’exportation et l’importation de la monnaie locale pour des montants qui

85
excédent 50.000 Leone. En Guinée, les mesures de libéralisation du change impliquent une
restriction sur l’exportation et l’importation du franc guinéen pour des transactions dépassant
100.000 GNF. D’autres mesures ont trait à la liberté d’ouverture de compte en devises
étrangères aux résidents et non-résidents, la liberté de faire rentrer des devises étrangères dans
le pays et ce, sans restriction et la liberté d’échanger des devises étrangères auprès des
opérateurs agréés sans recours à la banque centrale.

Pour la gestion monétaire, l’ouverture des pays de la CEDEAO au libéralisme économique a


permis à la politique monétaire de retrouver les objectifs qui lui sont traditionnellement
assignés, à savoir contenir l’inflation et soutenir l’activité économique moyennant des taux
d’intérêts réels appropriés et une stratégie d’ancrage de change. La question qui se pose dès lors
est de savoir si les performances des pays ont atteint des niveaux convenables.

II.2.3. Bilan macroéconomique des pays selon le régime de change adopté

Au regard de ce qui précède, la géographie monétaire de la CEDEAO se particularise par la


coexistence d’un régime de change fixe pour les pays de l’UEMOA et le Cap-Vert, qui
entretiennent respectivement avec la France et le Portugal des accords instituant un ancrage fixe
de leurs monnaies à l’euro, et un régime de flottement plus ou moins administré pour les autres
pays.

Bien que la politique de change ne soit qu’une des facettes des politiques macroéconomiques,
un bon régime de change peut aider à atteindre certains objectifs macroéconomiques, même si,
d’un point de vue empirique, il n’y a pas encore de consensus sur l’effet des régimes de change
sur les résultats économiques (Levy-Yeyati et Sturzenegger (2003) ; Reinhart et Rogoff, 2004).
Sans prétendre à une analyse approfondie, cette section dresse un bilan de chaque régime de
change conformément au statut des monnaies des pays, en suivant le comportement d’un certain
nombre d’indicateurs. Il s’agit de faire le point sur les évolutions de l’inflation, de la croissance,
et d’autres canaux par lesquels le régime de change affecte cette dernière, à savoir le canal de
la volatilité de la production et celui de la stabilité du taux de change réel.

II.2.3.1. Performance de l’inflation

Les conséquences les plus importantes sur l’effet des régimes de change concernent le
comportement des variables nominales comme le niveau des prix. D’après les modèles de
crédibilité des politiques économiques de Kydland et Prescott (1977) et de Barro et Gordon

86
(1983), un régime de change fixe devrait être associé à une inflation moindre, puisqu’il impose
aux autorités une discipline budgétaire et favorise la confiance dans la monnaie. Ces modèles
révèlent, en outre, que l’arrimage du taux de change constitue une sorte de pré-engagement qui
permet à la banque centrale d’importer la crédibilité de la monnaie d’ancrage. En suivant cette
logique, la BCEAO et la Banque centrale du Cap-Vert semblent bénéficier du transfert de
crédibilité de la BCE, au regard de leur performance en terme de maîtrise de l’inflation :
l’inflation moyenne des pays de l’UEMOA et du Cap-Vert est relativement plus faible
comparée à celle des autres pays (voir figures ci-après).

Figure 7. Niveau d'inflation des deux zones monétaires la CEDEAO (2000-2017)


14 14
ZMAO UEMOA Ecart
12 12,12 12

10 10,43 10,15
10
9,59 9,39
8 9,03

7,69
8,04 8
7,39 7,67
6 6,92
6,18 6,28 6
4 5,55
4,92 4,91
4
2 3,45
3,06

0 2
2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017
-2 0

Source : CNUCED, 2019

Sur l’ensemble de la période considérée, un pays moyen de l’UEMOA en régime de change


fixe subit moins d’inflation qu’un pays de la ZMAO à régime flexible, avec un écart d’inflation
d’environ 3,5 à 12 points. Le taux d’inflation apparaît ainsi 4 fois plus important en ZMAO.

Figure 8. Taux d’inflation annuel par pays (2000-2017)

87
40 Cabo Verde The Gambia
15 Benin Burkina Faso
Ghana Guinea
Côte d'Ivoire Guinea-Bissau
Liberia Nigeria
Mali Niger 30
Sierra Leone
10 Senegal Togo

20

5
10

0
0
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017

2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
-5 -10

Source : CNUCED, 2019


L’analyse du point de vue individuel des pays (voir figure ci-dessus) fait ressortir un certain
nombre de remarques :

- les disparités sont relativement importantes entre les pays de la ZMAO ; hormis le Cap-Vert
qui a réussi à maintenir l’inflation en deçà de 5%, des variations explosives sont enregistrées
presque partout, comme au Nigeria, au Ghana et en Guinée. Ces pays ont respectivement
enregistré une inflation cumulée de 275 %, 254 % et 218 %. Les performances du Cap-Vert
qui a bénéficié d’un gain modéré (29,8% d’inflation cumulée) pourraient être attribuées à la
fixité de sa monnaie ;

- dans les pays de l’UEMOA, les taux d’inflation sont contenus en dessous de 5 %, sauf dans
des cas exceptionnels comme celui de la crise alimentaire de 2008. Le Sénégal s’illustre
comme le pays le moins inflationniste avec un gain modéré au regard du cumul de 28,4%
entre 2000 et 2017. Les pays ayant connu des taux plus forts sont la Côte d’Ivoire et la
Guinée Bissau avec un cumul ayant dépassé 40%.

II.2.3.2. Performance de la croissance de la production

Dans la zone CEDEAO, les taux de croissance des pays ont largement varié dans chaque sous-
zone. Entre 2000 et 2009, la croissance médiane des pays de la ZMAO a été largement
supérieure avec un taux de 5,6% contre 3,8% pour les pays de l’UEMOA ; mais cette tendance
s’est renversée au cours de la période suivante. Cette fois, la croissance médiane est établie à
5,5% dans l’UEMOA, tandis qu’elle est de 5,3% dans la ZMAO. Dans une moindre mesure, le
rythme de progression de la production est remarquablement plus important dans la ZMAO

88
lorsque la conjoncture apparaît favorable. Toutefois, depuis 2012, chaque pays moyen de
l’UEMOA est parvenu à maintenir un taux de croissance de plus de 5%, tandis que ceux de la
ZMAO peinent à franchir ce niveau, en moyenne, depuis 2014 (voir figure ci-dessous).

Figure 9. Evolution des taux de croissance dans la CEDEAO (2000-2017)


9
8 8,2
7,7 7,6
7 7,0
6,3 6,4 5,9 5,8 6,0
6 6,2 5,4
5,7 5,4 5,2
5,0 5,1 5,6
5 4,6 5,0 4,7
4,3 5,0
4,43,9
4 3,3
2,8 2,9 3,6
3 3,8 3,1
2,6 2,5
2 1,5 1,5
1
0,6
0
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015-0,7
2016 2017
-1
UEMOA ZMAO
-2

Source : CNUCED, 2019

Au regard des évolutions, il est légitime de se demander si ces performances trouvent leur
explication dans la configuration des pays selon leur régime. C’est une question difficile à
répondre car les résultats des régimes de change en matière de croissance font toujours débat.
La raison est que, la mesure de l’impact des régimes de change sur la croissance est difficile
car les canaux par lesquels le régime de change agit sur la croissance sont extrêmement variés.

II.2.3.3. Résultats au niveau d’autres canaux par lesquels le régime de change affecte la
croissance économique

Bien que peu de travaux empiriques aient pu établir une relation entre le régime de change et la
croissance à long terme, il est important d’examiner certains canaux envisageables par lesquels
le régime de change peut influencer la croissance, à savoir :

- l’ouverture commerciale : en effet, le régime de change peut influer sur celle-ci et abaisser
le niveau d’inflation, deux aspects généralement associés à une croissance plus forte ;
- la volatilité de la croissance : au-delà de la croissance moyenne elle-même, il peut être
intéressant d’étudier la volatilité de la croissance réelle de la production par habitant. Même
si aucun consensus ne se dégage sur les relations entre le système de change et la volatilité

89
de la croissance, l’idée qu’une plus forte volatilité peut entacher la croissance peut être
admise ;
- la compétitivité-prix mesurée à partir des variations du taux de change effectifs réels : le
régime de change peut influencer la volatilité du taux de change nominal ou réel ; si cette
volatilité est néfaste pour la croissance, alors les régimes flexibles peuvent être associés à
une croissance plus faible. Aussi, un taux de change réel moins compétitif (correspondant à
un renchérissement des prix relatifs) nuit à la compétitivité, et donc la croissance, une
inflation et une volatilité des taux de change réels plus faibles sont favorables à la croissance.
En outre, si des taux de change fixes sont plus susceptibles d’être surévalués, cela peut nuire
à la compétitivité et amoindrir la croissance. Tout cela suggère d’avoir un taux de change
réel compétitif pour stimuler la croissance.
Nous examinons les deux derniers canaux cités, à savoir : la volatilité de la croissance et la
compétitivité-prix, pour montrer qu’elles diffèrent systématiquement selon le régime.

II.2.3.3.1. Volatilité des taux de croissance

L’analyse de la volatilité de la production mesurée à partir de l’indicateur de dispersion qu’est


l’écart-type fait ressortir des déférences entre les économies des deux zones. Sur la période
d’analyse, la production est moins instable dans l’UEMOA, et l’ampleur de la volatilité a
relativement baissé au cours de la seconde sous-période (à partir de 2010). A contrario, dans la
ZMAO, le niveau de volatilité se montre plus important suivant une tendance également
haussière ; ce qui, sans doute, aurait influé sur la croissance de la zone pendant la seconde
période puisque les performances y sont bien moindres (voir tableau 5).

90
Tableau 5. Volatilité de la production dans la CEDEAO
2000-2009 2010-2017
UEMOA ZMAO UEMOA ZMAO
Croissance Moyenne 3,53 5,11 5,21 4,48
Croissance Médiane 3,85 5,62 5,39 5,28

Ecart-type de la croissance 1,09 2,32 0,81 2,54


Coefficient de variation 0,31 0,46 0,16 0,57
Source : Calcul de l’auteur. Note : la volatilité est mesurée par l’écart-type de la croissance par rapport à sa
tendance à long terme; le coefficient de variation est également pertinent pour capter le degré de volatilité.

II.2.3.3.2. Volatilité des taux de change effectifs réels (TCER)

En examinant d’abord l’évolution du taux de change effectif nominal (TCEN) des pays
(graphique de gauche de la figure 10), il ressort qu’une forte dépréciation ait affectée les
économies de la ZMAO, tandis que pour celles de l’UEMOA une tendance à l’appréciation se
dessine. Mais, les faibles taux d’inflation des pays de l’UEMOA ont permis d’atténuer cette
appréciation dans cette zone, au regard de l’évolution du taux de change effectif réel (graphique
de droite de la figure 10). Par contre, en raison des proportions élevées de l’inflation des pays
de la ZMAO, il en résulte une appréciation du TCER. Cette situation, en renchérissant le prix
des produits à l’exportation, rend les pays de la région entière moins compétitifs et affecte
négativement leurs performances économiques (balance commerciale déficitaire, baisse des
réserves, endettement, perte de croissance économique,…).

Figure 10. Taux de change effectifs réels par pays (2000-201)


200 140
Evolution des TCEN 120
Evolution des TCER
150 100

80
100
60

40
50
TCEN_UMOA TCEN_ZMAO 20
TCER_UEMOA TCER_ZMAO
0 0
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017

Source : CNUCED, 2019

Il convient de noter que l’évolution du TCER des pays de l’UEMOA dépend fortement du
comportement de l’euro par rapport aux autres devises fortes, notamment le dollar US. De ce

91
fait, une appréciation (respectivement dépréciation) de l’euro par rapport au dollar US peut
expliquer une part importante de l’appréciation (respectivement dépréciation) des TCER.
Toutefois, l’appréciation de l’euro n’a pas que des effets néfastes ; elle permet aux pays de
l’UEMOA, en réduisant le prix des produits importés ou en atténuant leur hausse, d’assurer la
stabilité de leur niveau d’inflation. Par exemple, la facture pétrolière, libellée en dollar US, est
d’autant plus allégée que l’euro s’apprécie par rapport au dollar US.

Un autre fait marquant est que, les variations de taux de change dans les Etats de la ZMAO ne
sont pas uniformes en raison des différences observables dans les structures économiques
fondamentales. Par exemple, au moment où une monnaie nationale s’apprécie par rapport au
dollar US suite à des conditions favorables du secteur extérieur, une autre monnaie est affectée
de dépréciation compte tenu des développements défavorables du secteur extérieur du pays.

Figure 11. Evolution des taux de change effectifs réels dans la CEDEAO (2000-2017)
120 200

100
150
80

60 100

40 Burkina-Faso Cote d'ivoire


Benin Guinée Bissau 50 Cap-vert Gambie
20 Mali Niger Guinée Libéria
Sénégal Togo Sierra Léonne Ghana
Nigéria
0 0
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017

2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017

Source : CNUCED, 2019

II.3. Vers un ciblage d’inflation dans la zone CEDEAO : enjeux et défis

Cette section étudie la capacité de la CEDEAO à mettre en place un cadre de ciblage de


l'inflation en se basant sur des expériences de pays cibleurs d’inflation afin d’en tirer des leçons.
Il s’agira d’exposer de manière formelle les circonstances dans lesquelles il est souhaitable
d’adopter un tel régime et les défis qui se posent lors de sa mise en œuvre. L'une des questions
est de savoir si l'adoption du ciblage de l'inflation exige de façon catégorique qu'un ensemble
de conditions préalables soit remplies. L’autre question est de savoir comment un régime de
ciblage d'inflation pourrait être adapté aux circonstances et aux besoins particuliers des pays de

92
la CEDEAO. Mais avant de répondre à ces questions, une analyse des cadres institutionnels des
banques centrales s’impose dans la mesure où elle permet de mettre en évidence la diversité des
pratiques monétaires mais aussi de justifier certaines évolutions ayant marqué l’histoire des
régimes monétaires dans le monde en général, et en particulier dans la CEDEAO.

II.3.1. Panorama des cadres institutionnels des banques centrales

II.3.1.1. Evolution des cadres de politique monétaire dans les économies avancées

C’est à la suite de l’écroulement du système de Bretton Woods construit autour des taux de
change fixes au début des années 70, et une flambée généralisée de l’inflation que de nombreux
pays ont adopté le ciblage monétaire au milieu des années 70. À la fin de cette décennie et dans
les années 80, bon nombre de banques centrales ont articulé leur cadre de politique monétaire
autour du ciblage monétaire (Goodhart, 1989). La Banque nationale suisse et la Bundesbank
(Banque centrale de l’Allemagne), reconnues pour leur maîtrise de l’inflation, ont été
rapidement promues meilleures élèves de l’école monétariste (Thomas Brand, 2008). Le ciblage
d’objectifs monétaires était intéressant, car il était possible de disposer d’informations
rapidement ; c’était aussi un outil utile pour discipliner la politique budgétaire.

Les fondements monétaristes de cette politique reposent sur l’hypothèse d’un lien étroit entre
la masse monétaire et l’inflation. Le postulat selon lequel l’inflation est un phénomène
essentiellement monétaire étant alors largement accepté. Le ciblage monétaire utilise ainsi les
agrégats monétaires comme cible intermédiaire afin d’atteindre l’objectif de stabilité des prix.
Toutefois, selon les faits, le ciblage monétaire diffère du cadre de référence de Milton Friedman
selon lequel la masse monétaire doit croître à un taux constant pour ancrer durablement des
anticipations de faible inflation. En effet, des études menées au milieu des années 1990 portant
sur le comportement de la Bundesbank lors des vingt années antérieures montrent que cette
dernière ne suivait pas un ciblage de la masse monétaire selon une règle stricte. D’autres
indicateurs guident son action, comme la variation du PIB par rapport au PIB potentiel.

Au début des années 80, avec la libéralisation financière qui prend son essor, le ciblage
monétaire est apparu comme de moins en moins satisfaisant en tant que point d’ancrage nominal
de la politique monétaire. De grands pays industrialisés ont alors progressivement abandonné
cette stratégie monétaire. En effet, à l’origine, avec la libéralisation financière qui s’est
manifestée à travers l’instabilité de la demande de monnaie (avec la modification considérable

93
constatée sur la vitesse de circulation de la monnaie), le développement de l’innovation
financière, la désintermédiation bancaire et la déréglementation des marchés financiers, la
relation entre les agrégats monétaires et l’inflation a commencé à s’affaiblir.

Ces évolutions ont été suivies par l’effondrement des différents régimes de parité fixe des pays
industrialisés, qui selon le FMI représentaient les deux tiers des cadres de politique monétaire
en 1989, avec, en point culminant, la crise du Système monétaire européen en 1992. Cela a
contribué à l’adoption par certains pays européens, comme la Nouvelle-Zélande en 1989, d’une
nouvelle stratégie, le ciblage d’inflation, qui s’est avéré être aussi une réponse pragmatique des
banques centrales à leur mission de stabilité des prix. Avec ce nouveau cadre, la banque centrale
ne dispose pour l’essentiel que de la maîtrise de la manipulation du niveau du taux directeur
pour orienter l’ensemble de la courbe des taux d’intérêt. Pour y parvenir, la communication
devient un puissant instrument pour ancrer les anticipations des agents.

A la fin des années 1990, avec des taux d’inflation ayant atteint leur niveau le plus bas, de
nombreux pays voulaient se doter d’un cadre permettant d’ancrer plus efficacement les progrès
réalisés sur le front de l’inflation (Mahadeve et Sterne, 2000). Devant renoncer à l’ancrage du
taux de change et en raison des difficultés pratiques pour assurer le suivi des agrégats
monétaires et des instabilités de la demande de monnaie, bon nombre de pays avancés et
émergents ont adopté le ciblage de l’inflation. Néanmoins certains ont intégré dans leurs cadres
de politique monétaire des éléments clés du ciblage monétaire ayant fait leurs preuves. La BCE,
devant mettre en place une monnaie unique sans ancrage de change avec le dollar, a déployé
une stratégie présentant de grandes ressemblances avec le ciblage d’inflation.

Toutefois, la crédibilité des régimes de ciblage de l’inflation a été mise à l’épreuve par la
flambée des cours des matières premières de 2006 à 2008 et par la nécessité d’intégrer la
stabilité financière dans le cadre du ciblage de l’inflation au lendemain de la crise financière
mondiale de 2007-2008. La plupart des pays émergents qui avaient un régime de ciblage de
l’inflation ont dépassé leurs cibles, mais l’inflation a moins augmenté dans les pays qui s’étaient
fixé des cibles que dans les autres (Roger, 2010). Face à la montée des cours des matières
premières en 2007, les pays ciblant l’inflation ont mieux réussi que les autres à limiter l’effet
inflationniste selon Habermeier et al (2009). Ces auteurs soulignent aussi que l’appréciation de
la monnaie dans les régimes de change flexible et l’indépendance accrue des banques centrales
ont contribué à la maîtrise de l’inflation. Brana et Prat (2014) soutiennent que ce type de

94
politique monétaire a permis aux pays qui l’ont adopté de mieux résister à la crise financière de
2007-2008 et de maintenir des taux de croissance comparativement plus élevés.

II.3.1.2. Une tendance vers l’amélioration des cadres de conduite de la politique monétaire en
Afrique subsaharienne : quelques points de repères descriptifs

Dans les années 90, les taux d’inflation moyens étaient encore à deux chiffres et très volatils
dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne, à l’exception de ceux de la zone franc, et la
maîtrise stricte de la masse monétaire était un argument pour abaisser l’inflation. Suivant une
approche monétariste, l'existence de tensions inflationnistes (hors zone Franc) et des déficits
des paiements courants ou de sorties de capitaux (zone Franc) suggèrent que la demande soit
inférieure à l'offre de monnaie dans la région pendant ces années. L‘instabilité de l’inflation est
l’autre facteur affectant les anticipations de rémunération des encaisses monétaires, donc la
demande de monnaie. Plus les prix sont volatils, moins les prévisions des agents sont bonnes.

Dans ce contexte, les pays ont conservé des régimes de politique monétaire axés sur des
agrégats monétaires - les indicateurs suivis sont les ratios M1/PIB, M2/PIB, M1/prix à la
consommation, M1/base monétaire et M2/base monétaire - ou sur le taux de change. Outre le
lien étroit avec l’inflation, le choix de la plupart des pays d’ancrer leur politique monétaire à un
agrégat monétaire se justifiait par la possibilité d’avoir facilement accès aux données
monétaires et d’imposer une certaine discipline budgétaire. Cependant, au cours de la décennie
suivante, une tendance au recul de l’inflation – à des niveaux inférieurs à 10% - et de sa
variabilité a été observée dans la région (figure ci-dessous). Aussi, les autorités monétaires
d’Afrique subsaharienne ont-elles accordé moins d’importance aux variations de la masse
monétaire.

95
Figure 12. Afrique subsaharienne: évolution de l’inflation (1980–2012)

Comme dans les pays avancés, le relâchement de certaines des hypothèses sous-tendant les
cadres de ciblage monétaire (notamment, l’affaiblissement de la relation entre la monnaie et
l’inflation et l’instabilité de la demande de monnaie), ainsi que l’évolution du paysage financier,
ont contraint les banques centrales à adopter des démarches plus éclectiques (Perspectives
économiques régionales : Afrique subsaharienne, 2016). La transition vers des politiques
monétaires plus efficaces est facilitée, conformément aux recommandations du FMI, par la
révision des statuts régissant le fonctionnement et les missions des banques centrales afin de
conférer à ces dernières une plus grande autonomie 31 et une plus grande flexibilité des taux de
change.

Ainsi, si la tendance à un assouplissement des régimes de change a élargi la marge de manœuvre


pour la conduite de la politique monétaire, elle s’est traduite par un recours plus intensif aux
instruments monétaires utilisant les mécanismes du marché (opérations d’open-market, par
exemple)32. L’adoption de régimes de change plus flexibles, combinée à l’incorporation
d’éléments prospectifs dans leurs cadres de politique monétaire dans de nombreux pays, dont

31
Cela est à l’origine d’un recours moins fréquent aux banques centrales pour le financement des budgets.
32
Selon le rapport du FMI, 2016 (Perspectives économiques et régionales : Afrique subsaharienne), la banque
centrale vend directement des titres d’État pour les besoins de la politique monétaire ; 16 pays déclarent recourir
aux prises en pension. En revanche, seulement 5 pays (Comores, Érythrée, Namibie, Swaziland et Zambie)
déclarent continuer d’utiliser une forme ou une autre d’instrument direct.

96
le Ghana, le Kenya et l’Ouganda par exemple, ont conféré aux taux d’intérêt un rôle plus
important dans la conduite de la politique monétaire.

Selon le rapport 2016 du FMI (Perspectives économiques régionales : Afrique subsaharienne),


l’évolution vers des cadres de politique monétaire plus flexibles en Afrique subsaharienne
s’effectue à un rythme variable selon les pays. En étudiant les caractéristiques des cadres de
politique monétaire de onze pays formant un échantillon varié en termes de régimes monétaires
et de change, de revenu par habitant, de dépendance vis-à-vis des ressources naturelles et de
dispositifs institutionnels de banque centrale en 2013, il est apparu que tous les pays font recours
à une forme de taux directeur, à l’exception du Mozambique dont les autorités indiquent ne pas
s’intéresser au taux interbancaire comme cible opérationnelle. La majorité se réfère toutefois à
la masse monétaire comme cible intermédiaire, et la plupart aussi utilise un régime de change
flottant. Le tableau 6 permet de récapituler les principales caractéristiques.

97
Tableau 6. Caractéristiques principales des cadres de politique monétaire dans onze pays

98
Ce tableau appelle d’autres commentaires spécifiques :
ü maintenir un taux d’inflation bas est l’objectif premier des cadres de politique monétaire
dans la plupart des pays et, le plus souvent, le niveau et l’échéance à tenir ne sont pas fixés
précisément ;
ü certains pays pratiquant le ciblage monétaire utilisent un taux directeur à titre de
complément (Kenya, Nigeria) ;
ü tous les cadres de politique monétaire s’appuient sur une série comparable d’instruments
de politique monétaire, même si le recours à chacun de ces instruments varie selon les pays.
ü les CPM deviennent partie intégrante des dispositifs institutionnels.

II.3.1.3. Panorama des tendances de politiques monétaires dans la CEDEAO

Au fil des ans, les banques centrales en Afrique de l’Ouest ont tenté d’adapter leur cadre de
politique monétaire aux nouveaux défis. L’examen des sites en ligne des banques centrales
révèlent qu’elles ont engagé toutes des réformes institutionnelles ou opérationnelles ces
dernières années. Un tel engagement inscrit leurs politiques monétaires respectives, dans la
mouvance des nouvelles orientations des grandes banques centrales, qui procèdent
principalement de l'accélération du processus de libéralisation financière et de la globalisation
croissante de l'économie mondiale. Les réformes entreprises ont d’abord visé à libéraliser le
marché monétaire des pays dans le cadre des programmes d’ajustement structurel, puis à
accroître l’autonomie des banques centrales vis-à-vis des trésors publics dans les choix des
objectifs de politique et des instruments de gestion de la monnaie.

Aujourd’hui, la plupart d’entre elles ont pour principal objectif la stabilité des prix ; dans
certains cas, l’objectif de stabilité du secteur financier et/ou de croissance économique vient s’y
greffer. Mais bien que les objectifs soient recentrés autour de l’inflation, les approches des
banques centrales diffèrent les unes des autres. Si pour les Banques Centrales de la Gambie, de
la Guinée, du Liberia et de la Sierra Leone, le cadre de politique monétaire repose sur le ciblage
des agrégats monétaires, la Banque du Ghana pratique quant à elle le ciblage d’inflation tandis
que la BCEAO et la Banque Centrale du Nigeria ont un système hybride reposant sur la
combinaison des deux (voir tableau 7).

99
Tableau 7. Cadre de politique monétaire des banques centrales en Afrique de l’Ouest et dans
les pays africains cibleurs d'inflation
Pays Régime de Objectifs de la politique monétaire Cible intermédiaire Cadre de politique
change monétaire

Objectif principal de Objectif de stabilité


stabilité des prix et de la valeur de la
objectifs macro- monnaie
économiques
annexes
Afrique du Flottement x Prévision d'inflation Ciblage d’inflation
Sud géré
Cap -Vert Change fixe x Ancrage à l'euro
Gambie Flottement X Agrégat monétaire Ciblage monétaire
géré
Ghana Flottement X Prévision d'inflation Ciblage d’inflation
géré (cible d’inflation 8
+/– 2 %)
Kenya Flottement X Agrégat monétaire Régime hybride
géré (cible d’inflation 5
% +/– 2,5 %)
Libéria Flottement X Agrégat monétaire Ciblage monétaire
géré
Nigeria Autre X X Agrégat monétaire Ciblage monétaire
régime géré
Ouganda Flottement X Prévision d'inflation Ciblage d’inflation
géré allégé (cible
d’inflation à moyen
terme 5 %)
République Flottement X Agrégat monétaire Ciblage monétaire
de Guinée géré
Sierra Leone flottement X Agrégat monétaire Ciblage monétaire
géré
UEMOA Change fixe X X Agrégat monétaire Ancrage à l'euro

Source : Propre compilation à partir les sites Web des banques centrales

Après le projet de création de la monnaie unique, un dispositif prévoit une harmonisation des
règles, des pratiques et des procédures de politique monétaire en vue de parvenir à un cadre
commun de politique monétaire pour les banques centrales de la CEDEAO. Autrement dit, la
transition vers un cadre unifié doit précéder la monnaie unique. Cependant, lors de la tenue en
2017 d’un mini-sommet sur le programme de la monnaie unique, le président de la Commission
de la CEDEAO d’alors Marcel De SOUZA n’a pas manqué de souligner l’absence
d'harmonisation des politiques monétaires dans la communauté. Pour corroborer cette situation,
il convient de faire un aperçu des cadres de formulation des économies de la région.

II.3.1.3.1. Aperçu du cadre de politique monétaire dans l’UMOA

Les dispositions relatives à la conduite de la politique monétaire sont définies par les statuts de
la BCEAO et le traité de l’UMOA, qui ont été révisés dans le cadre de la réforme institutionnelle
adoptée en 2007. Lors des dernières réformes de 2010, les autorités ont défini un cadre

100
institutionnel rapprochant les statuts de la BCEAO des principes directeurs de l'action de la
BCE. C’est ainsi que la Banque centrale s’est vue assignée une approche explicite de ciblage
de l’inflation et un objectif d’indépendance politique. La définition et la mise en œuvre de la
politique monétaire, jadis partagées avec le Conseil des ministres de l’UMOA, restent sous la
responsabilité de la BCEAO (article 9 des statuts de la BCEAO). Un CPM est chargé de la
définition de la politique monétaire commune ainsi que de ses instruments. Un objectif explicite
de « stabilité des prix » est défini avec une cible d’inflation de 2 ± 1%. L’article 8 des statuts
de la BCEAO met un accent particulier sur l’importance de cet objectif puisqu’il précise que la
Banque centrale peut apporter son soutien aux politiques économiques des Etats membres
l’UEMOA si cela ne porte pas préjudice à la stabilité des prix. Pour atteindre cet objectif, le
CPM fixe le niveau des taux directeurs : i) le taux d’intérêt minimal de soumission aux
opérations d’appels d’offres d’injections de liquidité (opérations d’open-market) et ii) le taux
d’intérêt applicable sur le guichet de prêt marginal.

Il faut reconnaître que c’est sous l’impulsion des innovations financières que le cadre de
politique monétaire a connu une forte évolution. En effet, à la fin des années 1980 il y’ a eu les
réformes de 1989, suivies par celles de 1993, puis 1996, qui ont consacré la mise en place du
nouveau dispositif de gestion de la monnaie et du crédit ainsi que des mécanismes de marché
et des instruments indirects de régulation de la liquidité, notamment les taux d’intérêt et les
réserves obligatoires.

II.3.1.3.2. Cadre de politique monétaire de la Banque de Ghana

Depuis 2001, la politique monétaire de la Banque de Ghana met l'accent sur la stabilité des prix
et des taux de change comme facteur essentiel pour la création d'un environnement propice à
une croissance économique durable. Aussi, en vue d’améliorer la formulation de la politique
monétaire, un nouveau cadre réglementaire est-il entré en vigueur en 2002, réaffirmant la
mission principale de la banque centrale qui est de promouvoir la stabilité des prix. Celui-ci
accorde, de surcroit, une autonomie à la Banque du Ghana pour fixer les taux d’intérêt ; elle est
responsable devant le Parlement et le grand public. Ce nouveau cadre réglementaire a également
prévu la mise en place d’un CPM chargé d’élaborer la politique monétaire. La création du CPM
a progressivement conduit à l’adoption formelle du cadre de politique monétaire fondé sur une
cible d’inflation en mai 2007. La cible d'inflation à moyen terme (8 ± 2%) est fixée
conjointement par les autorités fiscales et monétaires et exprimée en termes de taux annuel

101
d'inflation mesuré par l’IPC. Bien que la loi n'oblige pas la Banque centrale à s’expliquer si
l'objectif n'est pas atteint, le gouverneur de la Banque peut être convoqué devant la Commission
des finances du Parlement pour expliquer l'évolution de l'économie. Un objectif de 8 ± 2%, par
exemple, ne signifie pas que l’inflation sera maintenue dans cette bande de façon constante.
L'économie est sujette à des chocs qui peuvent engendrer une incertitude et une volatilité
inutiles. Lorsque l’inflation reste au-dessus de la cible pour des raisons évidentes, le CPM se
fixera pour objectif de contrôler les taux d’intérêt de manière à ce que l’inflation puisse être
ramenée à la cible dans un délai raisonnable sans créer d’instabilité indue dans l’économie. Le
CPM se réunit sur une base bimensuelle pour analyser une série de statistiques économiques
sur l’ensemble des secteurs ; ce qui sert de base pour la fixation du niveau des taux directeurs
et du taux de base qui déterminent l’orientation de la politique monétaire. Les décisions sont
prises par un vote du Comité, chaque membre indiquant clairement, arguments à l’appui, les
raisons pour lesquelles une décision particulière a été privilégiée ou non. La décision finale est
prise par consensus.

II.3.1.3.3. Tendances générales caractérisant l’évolution du cadre de la politique monétaire de


la Banque centrale du Nigeria (CBN)

Bien que les objectifs de la politique monétaire de la CBN soient restés essentiellement les
mêmes (équilibre de la balance des paiements) et que les agrégats monétaires soient restés
l'objectif intermédiaire, des modifications ont été apportées aux stratégies et instruments au fil
des ans, en réponse à l'évolution des conditions macroéconomiques. La conduite de la politique
monétaire a comporté deux phases principales, à savoir avant et après 1986. La première phase
mettait l'accent sur les contrôles monétaires directs, tandis que la seconde repose sur la gestion
monétaire indirecte (fondée sur les mécanismes du marché).

II.3.1.3.3.1. La politique monétaire avant 1986 (ère du contrôle direct)

La méthode directe de politique monétaire a duré de 1959 à 1985.

- Entre 1960 et 1962, la CBN appliquait un régime de politique monétaire passive axé sur le
développement et le maintien d'une monnaie nationale saine. En 1962, l'accent a été mis sur
les problèmes de développement et sur la nécessité d'assurer un crédit suffisant à l'économie
avec des pressions inflationnistes minimes.

102
- Durant les années 1964 et 1965, l'objectif principal de la politique monétaire consistait à
atteindre l'équilibre de la balance des paiements et l'instrument politique consistait à
rationner le crédit sous la forme de directives fixant des plafonds au taux d'expansion des
avances des banques commerciales.
- La restriction de crédit a été levée en novembre 1966 afin de fournir au gouvernement assez
d'argent pour poursuivre la guerre civile. Le résultat fut les pressions inflationnistes d'après-
guerre, la détérioration de la balance des paiements et l'augmentation rapide du financement
monétaire du déficit. Les politiques subséquentes visaient à réduire les pressions
inflationnistes, à rétablir les conditions économiques normales, à atténuer les pressions sur
la position extérieure globale, à accroître les recettes publiques et à réduire la dépendance
du gouvernement à l’égard du système bancaire.
- Des restrictions monétaires ont suivi, en particulier entre avril 1972 et mars 1976. À cette
époque, le double objectif consistant à accroître la production intérieure et à réduire
l'inflation restait le principal axe de la politique monétaire. Par ailleurs, au cours de la même
période, les finances publiques et les réserves de change se sont améliorées grâce à
l’augmentation des recettes pétrolières. Cela a entraîné une augmentation de la demande
globale et de la masse monétaire. La tâche de la gestion monétaire s’est compliquée du fait
de l’excès de liquidité. En conséquence, la politique de contrôle sélectif du crédit a été
maintenue, consolidée par une politique de taux d’intérêt et de taux de change vers la fin de
la période. Des garanties de stabilisation ont également été introduites dans le but de réduire
le niveau de liquidité des banques commerciales.
- La CBN a poursuivi sa politique monétaire restrictive entre avril 1976 et décembre 1981 en
raison de la persistance d'un excès de liquidité dans le système.
- Entre 1982 et 1985, les instruments de politique monétaire étaient globalement les mêmes
qu’au cours de la période précédente (1970-1981). Les instruments ont été affinés en
fonction des défis à relever. Le cadre de politique monétaire s’appuie essentiellement sur les
plafonds d’escompte, l’allocation sectorielle des crédits et avances aux banques, les
contrôles de crédit sélectifs visant à encourager les entreprises, les petites entreprises et les
zones rurales locales, ainsi que la fixation administrative des taux d'intérêt et de change.
Cependant, la politique monétaire restrictive a visé la conservation des réserves de change
et le maintien de la stabilité des prix. En outre, les taux d’intérêt ont été augmentés pour
encourager l’épargne et réduire la demande de devises.

103
II.3.1.3.3.2. Le cadre de politique monétaire après 86 (période d'approche indirecte)

Alors que la situation économique se détériorait, des efforts concertés ont été déployés pour
éliminer les contrôles économiques superflus à compter de 1986. Ceci a conduit à l'introduction
du programme d'ajustement structurel en juillet 1986. L’objectif était finalement de mettre en
place un système de marché plus efficace pour l’allocation des ressources, ce qui impliquerait
que les contrôles excessifs des deux décennies précédentes soient progressivement éliminés ou
réduits à des niveaux ne freinant pas le développement. L’abandon du contrôle des changes,
l’adoption de politiques de prix pertinentes dans tous les secteurs de l’économie et la poursuite
de la rationalisation et de la restructuration des dépenses publiques et des tarifs douaniers ont
été les trois axes principaux permettant d’atteindre cet objectif général.

Ainsi, la politique monétaire devait jouer un rôle important dans le nouveau processus de
gestion économique. Certes, ses objectifs ultimes sont restés inchangés avant 1986, mais dans
le contexte particulier de la libéralisation financière et économique, elle visait également à
stabiliser l'économie à court terme et à favoriser l'émergence d'un secteur financier axé sur le
marché. Plusieurs mesures ont également été ajoutées pour endiguer l’excès de liquidité suite à
l’explosion des réserves de change (recettes pétrolières). Il y a eu l'abolition de l'utilisation de
cautionnements étrangers (dépôts en devises en garantie de prêts naira), ce qui impliquait que
les banques de dépôts ne devaient plus octroyer de prêts nationaux libellés en naira pour la
garantie de cautionnements étrangers ou de dépôts détenus à l'étranger et en comptes domiciliés
auprès des banques. En mai 1989, le gouvernement fédéral a ordonné que tous les comptes du
secteur public soient retirés des banques. Son impact immédiat a été la réduction de la liquidité
du système bancaire.

Conformément à la politique de libéralisation, le paradigme est passé d'une méthode de contrôle


monétaire direct jusqu'alors répressive à une approche indirecte fondée sur l'utilisation
d'instruments de marché dans la gestion monétaire. Cela tenait à la volonté d'éliminer les
distorsions et les inefficiences du système financier causées par le recours prolongé aux
contrôles administratifs et par la nécessité de créer une concurrence entre les banques et les
autres opérateurs du système financier. Deux régimes politiques majeurs à court et moyen terme
peuvent être identifiés :

104
- L’horizon de la politique monétaire à court terme (1986-2001) : à la suite de la libéralisation
de l’économie en 1986, la politique monétaire a été recentrée sur une base annuelle jusqu’en
2001. Conformément à l'objectif général de la politique monétaire, un certain nombre
d'objectifs et d'instruments monétaires annuels ont été adoptés au cours de la période. Les
opérations d’open-market, réalisées entièrement à l'aide des bons du Trésor nigérians, ont
continué d'être le principal instrument de la politique monétaire.
- L’horizon de la politique monétaire à moyen terme (2002-2005) : en 2002, la CBN a lancé
un programme monétaire à moyen terme d'une durée de deux ans visant à libérer la politique
monétaire du problème d'incohérence dans le temps et à minimiser les réactions excessives
dues à des chocs temporaires. Les opérations d’open-market constituent toujours le principal
outil de la politique monétaire. Elles sont complétées par des réserves obligatoires, des
opérations de guichet d'escompte, des interventions sur les marchés des changes.
Aujourd’hui, la mission de la politique monétaire est de développer un système financier
conforme aux lois du marché afin de contribuer à une mobilisation performante de l’épargne
financière et à une allocation efficiente des ressources. Pour y parvenir, la banque centrale
intervient sur le marché en ciblant les agrégats monétaires par le biais d’opérations d’open-
market destinées à garantir la stabilité des prix et la stabilité monétaire à moyen terme. Parmi
les autres instruments figurent les réserves obligatoires, le guichet de l’escompte, les
interventions sur le marché des changes et le contrôle du flux des dépôts/retraits du secteur
public auprès des banques. La CBN a également pour mission de préserver la compétitivité
extérieure du naira, de superviser le système financier, de jouer le rôle de prêteur en dernier
ressort pour le secteur bancaire et de conseiller auprès du gouvernement.

II.3.2. Préconditions économiques et institutionnelles du ciblage d'inflation

En tant que régime monétaire, le ciblage de l'inflation peut prendre de nombreuses formes et
celles-ci se distinguent par les divers degrés auxquels une banque centrale agit conformément
à la cible d'inflation. Mais malgré la diversité des formes de régime de ciblage de l'inflation
dans le monde, il existe un certain nombre d’exigences institutionnelles pour que le ciblage de
l'inflation ait une chance de réussir. Plusieurs revues [Masson et al (1997), Debelle (1997),
Eichengreen et al. (1999), Mishkin (2000 et 2001), Mishkin et Schmidt-Hebbel (2001), Heenan
et al. (2006), Roger (2010), Hammond (2012), Grostal et al. (2014)] ont aidé à acquérir une
compréhension générale des éléments essentiels du ciblage de l'inflation et à promouvoir les

105
pratiques couramment utilisées par les banques centrales suivant déjà cette stratégie ou ne
faisant que préparer son adoption. Ces revues mettent un accent sur quatre conditions
essentielles, à savoir : i) un degré élevé d’autonomie de la banque centrale (non pas
nécessairement en se fixant l’objectif d’inflation, mais en choisissant et en manipulant des
instruments de politique librement), ii) l’absence de ciblage de facto du taux de change nominal,
iii) une transparence et une responsabilité accrues et iv) un système financier sain. Ces
exigences sont envisagées pour aider à garantir la crédibilité de la politique monétaire et, à
terme, avoir la capacité d'atteindre ses objectifs stratégiques.

II.3.2.1. Autonomie de la banque centrale

Les régimes de ciblage d’inflation exigent que la banque centrale soit investie d’un mandat clair
pour poursuivre l'objectif de stabilité des prix et, surtout, qu’elle soit pourvue d'un degré élevé
d'indépendance dans la conduite de sa politique, à savoir dans le choix des instruments
essentiels à la réalisation du taux cible d’inflation. Garriga (2010) explique pourquoi cela est
nécessaire en observant que « l’indépendance de la banque centrale est censée réduire
l’inflation, augmenter la crédibilité de la politique monétaire et réduire l’incertitude parmi les
agents économiques parce que les acteurs privés peuvent avoir la certitude que la politique
monétaire sera stable et indépendante des changements de la situation politique. L’autonomie
de la banque centrale implique ainsi la capacité de résister aux pressions politiques visant à
33
stimuler l'économie à court terme et l'absence de dominance budgétaire pour reprendre les
termes de Sargent et Wallace (1981). Par conséquent, la mise en place de mesures et de
dispositions réglementaires visant à renforcer la discipline budgétaire s’impose comme un
préalable primordial à l’adoption d’une stratégie de ciblage d’inflation.34

II.3.2.2. Absence de ciblage du taux de change de facto

La flexibilité du taux de change est un préalable au succès du ciblage d’inflation, puisque la


banque centrale ne peut s’engager à cibler à la fois l’inflation et le taux de change. Cette idée
rejoint la règle de Tinbergen (Tinbergen, 1952) selon laquelle il faut disposer d’autant
d’instruments que d’objectifs, chaque instrument devant être affecté à l’objectif qu’il sert le
mieux. Ceci dit, la gestion du taux de change à l’aide du taux d’intérêt est contreproductive.

33
La dominance budgétaire est une situation dans laquelle les considérations de politique budgétaire jouent un rôle
prépondérant dans les décisions de politique monétaire.
34
Voir, par exemple, Amato et Gerlach (2002), Mishkin (2004).

106
L’adoption d’un taux d’inflation faible et stable comme objectif principal de la politique
monétaire requiert, en principe, l’absence de tout engagement en faveur d’une valeur
particulière du taux de change. Ce principe est mis en évidence chez Amato et Gerlach (2002)
qui indiquent que le ciblage du taux de change par une autorité monétaire poursuivant une
stratégie de ciblage d’inflation peut, de façon indirecte, affecter la réussite d’une telle stratégie.
Par exemple, une augmentation brutale du taux d’intérêt par la banque centrale suite à une
dépréciation du taux de change de la monnaie nationale risque d’impacter négativement la
profitabilité des banques commerciales ; la fragilité du secteur bancaire qui s’ensuit peut alors
devenir un obstacle à l’atteinte de la cible d’inflation annoncée.

Le régime de taux flottant offre d’après la théorie de la finance internationale l’avantage de


pérenniser une politique monétaire indépendante (voir aussi le triangle d’incompatibilité de
Mundell). Dans les pays qui l’appliquent, le marché des changes et les autres marchés financiers
doivent être assez développés pour absorber des chocs sans variation majeure du taux de
change. De plus, des instruments financiers doivent être disponibles pour parer aux risques liés
à la fluctuation du taux de change. Toutefois, la banque centrale peut s’intéresser aux
fluctuations des taux de change nominaux pour diverses raisons, même si elle jouit d’un degré
élevé d’indépendance et ne peut donc s’engager que sur la voie de la stabilité des prix. En
particulier, le taux de change a un impact direct sur l'inflation et joue un rôle clé dans la
transmission des chocs de politique monétaire aux prix. Si l'effet de transmission est important,
la banque centrale peut être tentée d'intervenir sur le marché des changes pour limiter les
fluctuations de change. Une forte instabilité du taux de change nominal peut également
préoccuper les décideurs politiques dans la mesure où elle se traduit par une forte variabilité du
taux de change réel et des signaux de prix relatifs faussés pour les producteurs nationaux, ce
qui peut conduire à une mauvaise affectation des coûts.

II.3.2.3. Transparence et responsabilité

La transparence et la responsabilité dans la conduite de la politique monétaire sont les deux


piliers de l’ancrage nominal dans le cadre d’une stratégie de ciblage de l’inflation (Friedman et
Laxton, 2009). Le fait de rendre la banque centrale publiquement responsable de ses décisions
renforce l’incitation à atteindre l’objectif d’inflation et renforce donc la confiance du public
dans la capacité des autorités monétaires à le faire. Cela pourrait, selon ces auteurs, améliorer
également la prise de décision de la banque centrale en exposant à l'examen du public le

107
processus selon lequel les décisions de politique monétaire sont prises. Par exemple, le fait que
les autorités monétaires doivent annoncer des changements de politique et expliquer la raison
de ces changements au public peut aider à stabiliser les anticipations d'inflation et à accroître
l'efficacité de la politique monétaire dans le cadre du ciblage d’inflation.

Un problème potentiel de responsabilité dans un cadre de ciblage d’inflation est lié à la difficulté
d'évaluer les performances sur la base des résultats d'inflation uniquement. Le décalage entre
les mesures prises et leur impact sur l’économie peut pousser la banque centrale de reprocher à
des événements imprévus ou totalement imprévisibles des performances insuffisantes, au lieu
d’assumer la responsabilité de ses erreurs. Pour atténuer ce risque, la banque centrale est
généralement tenue de justifier ses décisions politiques et d’expliquer publiquement les
différences entre les résultats réels et les objectifs en matière d’inflation.

II.3.2.4. Système financier sain

Il est clair que la stabilité financière conditionne l’efficacité de la politique monétaire. Cette
stabilité renforce la crédibilité de la politique monétaire et contribue à ancrer les attentes et les
anticipations des agents sur l’objectif visé. Un marché financier doit être suffisamment
développé pour que la mise en œuvre de la politique monétaire repose sur des instruments
obéissant aux règles du marché. Il est aussi concevable qu’une banque centrale confrontée à un
système bancaire et financier peu développé et fragilisé hésite à relever ses taux d’intérêt
directeurs dans le but d’atteindre l’objectif d’inflation qui lui a été assigné, de peur d’un
effondrement brutal de ce marché (Mishkin, 2004)). A l’inverse, un marché financier développé
peut permettre au Trésor public de diversifier ses sources de financement, ce qui limite la
tentation du gouvernement de recourir au levier du financement monétaire (Woo, 2003). Autant
d’arguments avancés pour mettre en avant l’importance de disposer d’un système financier sain.

En outre, comme indiqué précédemment, dans les pays où les entreprises et les banques
détiennent d'importants passifs en devises, une dépréciation du taux de change peut avoir des
effets défavorables importants sur leurs bilans. Cela peut amener la banque centrale à se
préoccuper des fluctuations des taux de change nominaux et à adopter un objectif implicite de
taux de change - qui pourrait de manière évidente être en conflit avec l'objectif d'inflation.
Cependant, un système financier faible n'est pas un argument pour rejeter le ciblage d’inflation
en tant que régime de politique monétaire ; au contraire, il appelle à une restructuration du
secteur financier ainsi qu’à un renforcement de la réglementation et de la supervision bancaires

108
avant ou en même temps que l'adoption ou la mise en œuvre du ciblage d’inflation (Agénor et
Pereira da Silva, 2019).

II.3.2.5. Quelques vérifications empiriques de la pertinence des conditions précitées

La Banque de réserve de Nouvelle-Zélande a été la première banque centrale à adopter une


stratégie de « ciblage de l'inflation » en 1989. Dans les années 90, cette stratégie s'est étendue
à d'autres économies avancées (Canada, en 1991 ; Israël, en 1992 ; Royaume-Uni, en 1992 ;
Australie, en 1993 ; Suède, en 1993). Peu de temps après, elle a également été adoptée par
certaines économies émergentes d’Asie du Sud-Est et d’Amérique latine (Corée, en 1998 ;
Brésil, en 1999 ; Chili, en 1999 ; Colombie, en 1999), ainsi que de pays en transition d’Europe
centrale et orientale (Pologne (en 1998), République tchèque (en 1998)). Au début des années
2000, les proportions des pays en régime de ciblage d’inflation dans les économies avancées et
émergentes étaient égales. Et aujourd’hui, la majorité des pays cibleurs se trouvent dans ce
dernier groupe de pays. Sur la base d’informations tirées des sites des banques centrales et un
aperçu des cadres de politique monétaire publiés par le FMI, Niedźwiedzińska (2018) révèle
qu’une stratégie de ciblage d’inflation, qu’elle soit partielle ou pas, est déjà utilisée par 14
économies avancées et 28 économies de marché émergentes.

Dans de nombreux cas, l’adoption d’une politique de ciblage d’inflation, en particulier dans les
années 90, était une décision prise dans des conditions de crise - comme la crise du système de
gestion des risques de 1992, la crise asiatique de 1997-1998, la crise de la monnaie tchèque de
1997, la crise financière de l’Amérique latine de 1998. Mais cette stratégie a évolué au fil du
temps pour faire face aux nouveaux défis auxquels les décideurs ont été confrontés au cours des
30 dernières années. Plus précisément, le lancement d'une stratégie de ciblage d’inflation est
souvent la dernière étape d'un processus de préparation plus long qu'une solution de crise
(Niedźwiedzińska, 2018).

Cependant, selon certaines observations, les pays ayant affiché leur ciblage d’inflation n’ont
pas toujours adopté les mêmes façons de faire. Certains pays, dont la plupart des pays
émergents, ont adopté un régime de ciblage d’inflation à un stade précoce, c’est-à-dire à un
moment où ils ne remplissaient pas complètement les conditions annoncées plus haut. Par
exemple, le Chili (en 1991), la Colombie (en 1999) et Israël (en 1991) ont d’abord adopté un
système de ciblage partiel sans renoncer à leur ancrage de taux de change. Pendant plusieurs
années, jusqu'à la fin des années 90 ou au début des années 2000, ces pays avaient mis en place

109
des objectifs d'inflation et des fourchettes de taux de change. Confrontés à de fréquentes
tensions politiques liées à des objectifs incohérents en matière d’inflation et de taux de change
ainsi qu’à une insuffisance d’indépendance monétaire, ils ont finalement adopté un régime de
change flottant, condition clé à part entière du ciblage d’inflation. D’autres banques centrales,
comme celles du Brésil (jusqu'à aujourd'hui) et du Royaume-Uni (jusqu'à 1998), n’ont pas
immédiatement consenti à leur banque une complète indépendance dans le choix des
instruments ou ne jouissent pas d'une indépendance juridique totale, ce qui peut affecter leur
performance opérationnelle et leur indépendance opérationnelle.

A partir de quatre conditions de succès - très proches de celles exposées plus haut -, à savoir
une indépendance institutionnelle de la banque centrale, une infrastructure bien développée de
la banque centrale, une structure économique développée et un système financier sain, Batini
et Laxton (2007) identifient des variables spécifiques pour chaque catégorie et fournissent des
mesures annuelles pour 21 pays en régime de ciblage d’inflation, avant et après leur adoption.
Les résultats révèlent qu’aucun pays ciblant l'inflation et sa banque centrale correspondante
n'ont satisfait de manière significative aux quatre conditions précitées au moment de l'adoption
du ciblage d'inflation. Sur un maximum de 4 points (lorsque toutes les conditions préalables
sont remplies), les pays économiquement avancés ont marqué 2,3 points en moyenne et les pays
émergents 1,6 point (figures ci-dessous).

Figure 13. Nombre de conditions remplies par les pays cibleurs d'inflation

Source : D’après Batini et Laxton (2007)

Les scores par pays au moment de l'adoption du ciblage d'inflation se situaient entre 1,2 point
(Philippines) et 2,6 points (Suisse). En règle générale, plus longtemps est la durée d’adoption
du ciblage de l'inflation, mieux les conditions préalables sont remplies, ce qui indique que les

110
banques centrales ciblant l'inflation tirent des enseignements en important des cadres de
politique monétaire adoptés précédemment par les pays dotés du régime ciblage. En outre, les
résultats montrent que tous les pays ont continué d'améliorer leurs conditions préalables
plusieurs années après avoir adopté le ciblage d’inflation, ce qui implique que les pays
pourraient commencer à cibler l'inflation bien avant de satisfaire aux conditions préalables
théoriques.

Ainsi, il apparaît que la non-satisfaction des conditions préalables n’ait pas empêché le succès
des mesures des autorités. Toutefois, selon Schmidt-Hebbel et Carrasco (2016), les efforts
déployés par une banque centrale pour améliorer de manière significative son cadre
institutionnel et politique après l’adoption du ciblage de l’inflation sont déterminants pour le
succès de sa politique à long terme. Par conséquent, les conditions préalables théoriques au
ciblage de l'inflation peuvent être considérées comme des conditions de facto nécessaires au
renforcement progressif du cadre de ciblage de l'inflation.

II.3.3. Expériences des pays en développement en matière de ciblage d’inflation : Quelles leçons
pour la CEDEAO ?

D’après les observations, les pays en développement, en général, et les pays à faible revenu en
particulier, affichent des niveaux de développement institutionnel et de stabilité
macroéconomique plus faibles que ceux des pays économiquement avancés, ce qui explique
leur faible capacité d’adhésion à un régime de ciblage d'inflation. Toutefois, les résultats de
Batini et Laxton (2007) permettent de se ressaisir de l’idée selon laquelle il faut strictement
satisfaire à des conditions préalables pour adopter le ciblage d’inflation. Ces auteurs ont mis un
terme à cette conviction en montrant que les conditions préalables ne sont que partiellement
satisfaites par tous les pays au moment de l’adoption d’un dispositif de ciblage d’inflation. Le
fait que les 21 pays étudiés par les auteurs aient continué de renforcer progressivement leurs
conditions institutionnelles et macroéconomiques après l'adoption dudit dispositif, peut être une
source de motivation pour d’autres pays, comme ceux à revenu faible, ayant envisagé d'adopter
le ciblage d’inflation avant ou pendant qu'ils renforcent leurs banques centrales, la conduite de
leur politique monétaire et leurs performances macroéconomiques. D’ailleurs, comme le
montre la figure ci-dessous, depuis 2001, la moitié des nouveaux adhérents à ce dispositif
appartiennent au groupe des pays à revenu faible et intermédiaire comme l’Arménie, la Géorgie,

111
le Ghana, le Guatemala, l’Inde, l’Indonésie, la Moldavie, les Philippines, et l’Ouganda (selon
la classification de la Banque mondiale 2016).

Figure 14. Taux d'inflation des pays cibleurs au moment de l'adoption de la politique

Source : Agénor et Silva (2019)

La figure montre également qu’au moment de l’adoption d’un régime de ciblage, l’inflation
était en moyenne nettement supérieure dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, par
rapport aux pays économiquement avancés. Mais aussi dans ce groupe de pays, d'importantes
différences d'inflation initiale prévalaient au moment de la mise en place du régime. Ce qui
permet d’admettre que dans une union monétaire caractérisée par une certaine dispersion des
taux, rien n’empêche la mise en place du ciblage d’inflation.

Pour Hebbel et Carrasco (2016), les pays en développement ayant adopté le ciblage d’inflation
malgré un taux d'inflation initial modéré supérieur à 3% l’ont utilisé en tant qu'outil de
stabilisation de l'inflation car il représente un dispositif d'engagement pour leurs banques
centrales et un point d'ancrage nominal pour influencer les anticipations d'inflation. Un grand
nombre d’études, et en particulier celles du FMI, ont montré que le ciblage d’inflation dans les
pays en développement est associé à de meilleures performances que les résultats obtenus par
des économies comparables dotées d’un cadre de politique monétaire différent. Après la mise
en place d’une politique de ciblage d’inflation dans ces pays (qui pour la plus part présentaient
manifestement des taux d’inflation importants), les taux d’inflation à long terme enregistrés par
ces pays avaient baissé de manière significative, faisant de ce régime un outil de stabilisation
efficace pour les pays à taux d'inflation plus élevé.

112
Il convient de noter qu’aujourd’hui trois pays d’Afrique subsaharienne, sur le front de
l’inflation, ont adhéré au régime de ciblage. L’Afrique du Sud, en 2000, puis le Ghana, en 2007,
ont officiellement adopté un cadre de ciblage de l’inflation. L’Ouganda, qui recourt de manière
systématique aux instruments de marché depuis 2011, est passé à un système de ciblage
d’inflation dit « allégé ». La même année, le Kenya a modifié son cadre de politique monétaire,
accordant une place prépondérante aux variations du taux directeur pour gérer la liquidité, et
évolué vers un régime hybride de ciblage d’inflation compte tenu du maintien de la définition
d’objectifs intermédiaires monétaires. Les résultats apparaissent globalement satisfaisants pour
l’Afrique du Sud et le Ghana. En Afrique du Sud, l’inflation est passée d’environ 12 % sur la
période allant de 1980 à 1999 à environ 6 %, en moyenne, après l’adoption d’une cible
d’inflation. Au Ghana, l’inflation s’est également inscrite en baisse, passant de plus de 33 % en
moyenne de 1980 à 2006 à environ 16 % sur la période suivante. Ces deux pays ont néanmoins
manqué à plusieurs reprises la cible d’inflation annoncée.

Selon un rapport du FMI (2007)35, plusieurs autres pays d’Afrique subsaharienne jouissant
d’une certaine flexibilité du taux de change ont adopté des cadres de politique monétaire
prospectifs pour ancrer l’inflation et favoriser la stabilité macroéconomique et financière. Ces
pays ont commencé à s’appuyer sur les taux directeurs pour indiquer l’orientation de leur
politique monétaire et font jouer un plus grand rôle aux taux d’intérêt à court terme dans sa
mise en œuvre. Les trois pays poursuivant des objectifs d’inflation explicites (Afrique du Sud,
2000 ; Ghana, 2007 et Ouganda, 2011), le Kenya (en régime hybride) et la Zambie (pays ayant
envisagé d’adopter le ciblage d’inflation) sont considérés comme des pays ayant de facto, des
cadres monétaires reposant sur les taux d’intérêt. Cela a permis selon le FMI à ces pays
d’enregistrer des taux d’inflation plus faibles et plus stables sans réduire la croissance de leur
production ou augmenter sa variabilité. En plus, dans ces pays il existe un lien étroit entre les
taux interbancaires et le taux directeur, mais pour d’autres le lien ne semble pas assez fort pour
que les signaux de politique monétaire soient transmis de manière efficace.

Cependant, ces expériences de ciblage de l’inflation ne doivent pas systématiquement être


transposées dans l’ensemble des pays d’Afrique subsaharienne car tout changement de cadre
de politique monétaire est à envisager de manière graduelle.

35
FMI (2007) : Perspectives économiques régionales : Afrique subsaharienne, une région en enquête de reprise,
2017).

113
CHAPITRE III : DETERMINATION D’UN SEUIL D’INFLATION OPTIMAL
DANS LA CEDEAO
Selon l’histoire de la pensée économique, toutes les écoles sont unanimement défavorables à
une inflation extrême, en raison de ses effets indésirables pour l’économie. Keynes, en
particulier, en a fait une déclaration éloquente : « Alors que l'inflation progresse et que la valeur
réelle de la monnaie fluctue énormément d'un mois à l'autre, toutes les relations permanentes
entre débiteurs et créanciers, qui constituent le fondement ultime du capitalisme, deviennent si
complètement désordonnées qu'elles sont presque dénuées de sens ; et le processus d'obtention
de richesse dégénère en un pari et une loterie.36» Suivant cette logique, plusieurs travaux
empiriques approuvent l’impact négatif de l'inflation sur la croissance à moyen et long terme,
et suggèrent que la maîtrise de l'inflation est nécessaire pour favoriser le développement de
l'économie [Fischer (1993) ; Sarel (1996) ; Bruno et Easterly (1996,1998); Khan et Senhadji
(2001) ; López-Villavicencio et Mignon (2011)].

L’opinion étant devenue sensible à l’idée qu’une plus forte inflation s’accompagne d’une
détérioration générale des résultats économiques, les politiques macroéconomiques se sont
assignées la mission fondamentale de soutenir l’activité économique (la consommation et
l’investissement, plus particulièrement), en mettant au premier plan l’objectif de stabilité des
prix. Dans cette circonstance, la plupart des banques centrales se sont vues confier la stabilité
des prix comme objectif principal. Mais, comme la politique monétaire n’agit sur la croissance
et sur l’inflation qu’après un long délai et comme le mécanisme de sa transmission n’est
qu’imparfaitement connu, les autorités monétaires adoptent de plus en plus une stratégie
prospective en s’appuyant sur de multiples indicateurs pour évaluer les perspectives de
l’inflation dans l’économie. Ces indicateurs comprennent le plus souvent les agrégats
monétaires, la courbe des taux de rendement, les fluctuations des prix des actifs, la valeur passée
et/ou anticipée de l’inflation, les prévisions de l’écart de production, les indicateurs de
l’orientation de la politique budgétaire, les prévisions relatives au taux de change, les salaires
nominaux [Rapport du FMI sur les perspectives de l’économie mondiale (1996) ; Atkeson et
Ohanion (2001) ; Ghosh (2014 )]. De ce point de vue, la stratégie de ciblage de l'inflation37
apparaît comme un cadre prospectif approprié à la politique monétaire pour contrôler l'inflation

36
Keynes (1920), p. 220.
37
Cette stratégie a été adoptée après que le ciblage des agrégats monétaire ou l’ancrage du taux de change,
conjointement ou de manière individuelle, se furent révélés infructueux.

114
[Cerisola et Gelos (2009), Nahon et Meurer (2009), Ferreira de Mendonça et Siqueira Galveas
(2013) et Montes (2013) et Kose et al (2019)].

Les adeptes du ciblage de l’inflation soutiennent qu’en fixant l’attention sur la stabilité des prix
généralement définie comme des taux d’inflation suffisamment bas, les objectifs officiels
d’inflation fournissent un cadre plus transparent pour la politique économique que ceux qui sont
fondés sur des objectifs monétaires ou de taux de change. Cependant, quelques questions restent
encore sans réponse : à quel niveau le taux d'inflation est-il bas ? À quel point l'inflation est-
elle préjudiciable à la croissance économique à long terme ? Pour répondre à ces questions,
plusieurs publications ont été faites au cours des trois dernières décennies [ Ghosh et Phillips
(1988) ; Sarel (1996) ; Khan et Senhadji, (2001); Bick (2010) ; Baglan et Yoldas (2014) ; Eggoh
et Khan (2014)].

S'il existe un seuil d'inflation, point d'inflexion où les effets de l'inflation sur la croissance sont
positifs lorsque le taux d'inflation est faible et négatifs lorsque celui-ci devient élevé, la relation
entre l'inflation et la croissance est alors non-linéaire. Le niveau seuil variant en fonction des
caractéristiques spécifiques des pays, certains auteurs soulignent qu’il est plus élevé pour les
économies en développement que pour les économies développées [Khan et Senhadji (2001) et
Eggoh et Khan (2014)]. Pour les responsables publics, une cible d’inflation comprise entre 2 et
5 % paraît adaptée à des pays développés mais pour les pays à faible revenu un taux légèrement
plus élevé serait un objectif raisonnable, à long terme (FMI, 2008)38.

Dans la CEDEAO, bien que l’objectif de stabilité des prix tende à guider l’orientation de la
politique monétaire menée par chaque banque centrale, les approches diffèrent. Si pour les
banques centrales de la Gambie (CBG), de la Guinée (BCG), du Liberia (CBL) et de la Sierra
Leone (BSL), la politique monétaire, fondée sur le ciblage monétaire, a pour priorité de ramener
(ou de maintenir) l’inflation en dessous de 10% (cas de la BCG, de la CBL et de la BSL) ou à
5% (pour la CBG), celle du Ghana (BoG), en régime de ciblage d’inflation, se fixe un objectif
à moyen terme de 8±2%. Dans l’UEMOA et au Nigeria, suivant un régime hybride reposant à
la fois sur le ciblage monétaire et le ciblage d’inflation, les objectifs d’inflation se traduisent
respectivement par une cible de 2% et une fourchette de 6% à 9%. Parallèlement, la commission
de l’UEMOA a fixé un taux d’inflation de 3 % comme plafond de convergence dans le cadre

38
Voir FMI (2008). Perspectives économiques régionales : Afrique subsaharienne. Avril

115
de la surveillance multilatérale, tandis qu’un taux plus élevé de 5% est défini dans le cadre du
PCMC. Sur ces entrefaites, la question qui se pose est de savoir quel est le taux optimal
d’inflation dans la zone CEDEAO.

La connaissance d’une cible d’inflation étant utile à la mise en œuvre ainsi qu’aux besoins
d’évaluation d’une politique de ciblage d’inflation, il paraît important de déterminer un niveau
d’inflation optimal dans la zone et d’étudier ses effets sur la croissance des pays. Tel est l’objet
de ce chapitre. Dans ce cadre, une première section clarifiera les effets de l’inflation sur la
croissance à partir d’un certain nombre de travaux théoriques, puis les résultats de quelques
travaux empiriques apportant des preuves de l’existence d’effets de non-linéarité dans la
relation inflation-croissance seront présentés en substance. La deuxième section se proposera
d’analyser la dynamique de l’inflation et de la croissance dans la zone. La troisième section
sera consacrée à la détermination d’un taux optimal d’inflation dans la CEDEAO.

III.1. Quel niveau d’inflation nuit à la croissance économique ?

Le phénomène de l'inflation et sa relation avec la croissance ont longtemps fait l’objet de


discussions controversées dans la théorie économique. Si certains éléments ont été
implicitement évoqués dans les modèles néoclassiques de la croissance, le prolongement de ces
modèles et quelques développements qui ont suivi font état de l’existence d’une relation tantôt
positive, tantôt négative ou encore neutre entre l’inflation et la croissance. Plutôt que de
s’attarder sur les détails des théories elles-mêmes, nous nous focaliserons sur les modèles ayant
mis un accent sur les explications de l'inflation et ses effets sur la croissance. Les discussions
porteront successivement sur :

Ø le modèle de l'offre et de la demande agrégées (AD-AS) qui décrit le rapport entre le niveau
des prix et le produit global avec une lecture keynésienne des déplacements de la Courbe de
demande agrégée montrant l’existence d’un compromis, mais uniquement à court terme
entre la production et l'inflation ;

Ø la courbe de Phillips (1958) qui met en évidence les sources salariales de l’inflation, à partir
de la relation inverse entre le taux de progression des salaires nominaux et le taux de
chômage observé au Royaume-Uni sur près d’un siècle (1861-1957). Les réinterprétations
majeures qu’elle a suscitées à la seconde moitié du 20e siècle ont débouché sur deux types
d’analyse : d’un côté, la courbe de Phillips keynésienne de Lipsey (1960) et Samuelson et

116
Solow (1960) qui propose une généralisation de l’analyse de Phillips à la relation inflation -
chômage ; de l’autre, la courbe de Phillips monétariste (Friedmand et Phelps), , qui s’appuie
sur la théorie quantitative de la monnaie « l’inflation est partout et toujours un phénomène
monétaire » pour justifier la neutralité de la monnaie ;

Ø les théories néoclassiques et endogènes de la croissance qui expliquent les effets de l'inflation
sur la croissance par son impact sur l'investissement et l'accumulation de capital ;

Ø les modèles récents à effet de seuils, qui à partir de l’article fondateur de Fischer (1993),
suggère la non-linéarité entre l’inflation et la croissance. Sur ce point, il existe une grande
variété d'approches de modélisation des effets de l'inflation sur le taux de croissance et donc
des résultats empiriques différents.

III.1.1. La relation inflation-croissance dans la théorie macroéconomique

Le modèle AD - AS est l’une des premières approches ayant permis de comprendre comment
se déterminent les niveaux de la production et des prix. Il considère les chocs de demande –
telles que les variations de l’offre de monnaie ; les mesures de politique budgétaire ; le solde
commercial ou bien encore les anticipations des consommateurs et des entreprises (les esprits
animaux) – et les chocs d’offre – comme les anticipations d’inflation, tensions sur le marché du
travail 39, les revendications salariales réelles des travailleurs ou d’autres chocs pouvant affecter
les coûts de production non salariaux – comme les principaux responsables des déplacements
de la courbe de demande agrégée et de la courbe d’offre agrégée.

L’analyse du modèle AD-AS dans une perspective keynésienne suggère qu’à court terme la
courbe d’offre agrégée est affectée d’une pente croissante plutôt que verticale, de sorte que les
modifications du côté de la demande agrégée affecte à la fois les prix et la production
[Blanchard et Kitoyaki (1987) ; Dornbusch, Fischer et Kearney (1996) ; Romer (2001)]. Par ce
mécanisme, une relation positive entre l'inflation et la production à court à terme est ainsi mise
en évidence. Mais dans ce cadre, l'inflation ne doit être perçue comme un facteur qui stimule la
croissance ; ce qu’il en est c’est que si l'augmentation de la demande globale entraîne une
croissance accrue, certaines pressions inflationnistes sont susceptibles d'émerger comme un
produit relativement bénin (Rutayisire, 2015). En outre, la courbe d’offre globale étant une
verticale à long terme, les modifications du côté de la demande n'affectent que les prix (soit par

39
Les tensions sont mesurées par l’écart entre le taux effectif de chômage et son taux d’équilibre de long terme.

117
une augmentation des prix en cas d’un choc de demande positif, soit par une baisse des prix en
cas de choc négatif). Toutefois, la relation positive entre l'inflation et la croissance mis en
évidence à court terme dans ce modèle n'est pas viable à long terme et devient négative avec un
taux d'inflation plus élevé. Selon les keynésiens, lorsque le produit global et le chômage se
situent à leurs taux naturels, le marché du travail n’exerce aucune pression sur les salaires, et
l’inflation reste stable ; mais quand le produit global et le chômage diffèrent de leurs taux
naturels, la courbe AS ne reste pas stationnaire, ce qui affecte de manière évidente la stabilité
des prix. En période d’expansion de l’économie et de tension sur le marché du travail, c’est à
dire lorsque la production est au-dessus de son niveau naturel d’équilibre à long terme, les coûts
de production augmentent et il en résulte une inflation. Pour que l'inflation baisse, il faut que la
contrainte sur le marché du travail se relâche (dans le cas où le produit global est au-dessous du
taux naturel), poussant les coûts de production à la baisse. Cette convergence vers l’équilibre
de long terme nécessite cependant beaucoup de temps et peut rencontrer beaucoup d’obstacles.
Dans le modèle keynésien, cette lenteur du mécanisme d’auto-ajustement s’explique par la
présence de rigidités des salaires, particulièrement à la baisse en cas de chômage élevé.

Lipsey (1960) propose une interprétation de l’analyse de Phillips en termes de déséquilibres sur
le marché du travail pour apporter sa contribution à l’analyse keynésienne. Son propos est que
la variation du niveau général des prix est déterminée sur le marché du travail. Dans la même
année, Samuelson et Solow propose une généralisation de la Courbe de Phillips à la relation
inflation-chômage, qui a permis d’établir dans les années 1960 le consensus keynésien : la
situation du marché du travail détermine le taux l’inflation. Le taux de chômage cause le taux
d’inflation et les deux déséquilibres sont alternatifs, il convient par conséquent de sacrifier l’un
pour obtenir l’autre.

Cependant, les monétaristes dont Friedman est le chef de file, rejettent le consensus keynésien
en partant de l’hypothèse d’une flexibilité des salaires suffisante pour assurer un processus
raisonnablement rapide d’ajustement. Friedman inverse le sens de la causalité de la courbe de
Phillips en évoquant les effets inflationnistes qu’implique une politique monétaire
expansionniste et, partant, influe sur l’équilibre du marché du travail. Pour mieux étayer son
propos, il considère deux hypothèses :

l’existence d’asymétrie d’information dans le marché du travail, les salariés sont victimes
de l’illusion monétaire à court terme, pas les entrepreneurs ;

118
l’existence d’anticipations adaptatives sur les bases de l’équation suivante :

πêm = πm[o + b(πm[o − πêm[o )


Avec πêm : taux d’inflation anticipé à la période t ;
πm[o : taux d’inflation à la période t– 1
πm[o − πêm[o : erreur d’anticipation.
Ainsi selon Friedman, à la suite d’une politique monétaire expansionniste, l’équilibre du marché
du travail est modifié par la baisse du salaire réel, le salaire réel étant surestimé par les salariés,
les entrepreneurs constatant sa baisse, la quantité demandée devient plus grande (le taux de
chômage plus faible). Mais un arbitrage est possible à court terme : une hausse de l’inflation
est associée à une baisse du taux de chômage (point A sur le figure 15). Ceci correspond à un
déplacement le long d’une courbe de Phillips associée à un niveau d’inflation anticipée.

Figure 15.Courbe de Phillips selon Friedman

Friedman soutient que les anticipations vont cependant s’adapter et poussent le salaire réel à
revenir à son équilibre initial et le taux de chômage vers le NAIRU - non accelerating inflation
rate of unemployment- (point B du graphique). À long terme par conséquent, la courbe de
Phillips est verticale et coupe l’axe des abscisses au NAIRU, à ce niveau l’inflation est sans
effet sur les facteurs réels et correctement anticipée par les salariés.

Chez les néoclassiques, les travaux sur le sujet, notamment dans le modèle de croissance de
Solow (1956) pour lequel le progrès aurait pour origine des facteurs extérieurs à la production,
n'aboutissent à aucune conclusion analytique claire : le taux de croissance étant exogène, il ne
peut donc être affecté par le taux d'inflation. L’intégration dans le modèle néoclassique
d’aspects monétaires par Mundell (1963) et Tobin (1965) a permis d’établir une relation

119
positive entre le taux d'inflation et le taux d'accroissement du capital, lui-même positivement
corrélé à la production. Dans le modèle de plein-emploi de Mundell (1963), une inflation plus
élevée fait augmenter le taux d'intérêt nominal et réduit la richesse des individus (via une baisse
de la demande d’encaisse monétaire réelle) ; l'épargne augmente et le taux d'intérêt réel doit
baisser pour rétablir l'équilibre du marché des biens. A partir d’un modèle de croissance
augmenté de Solow, Tobin (1965) montre qu’une augmentation permanente de l'inflation
conduit les individus à substituer des avoirs en capital aux encaisses monétaires réelles dans
leurs portefeuilles. Cette réallocation augmente le stock de capital permanent et le niveau de
production réel et abaisse le rendement réel à long terme du capital, qui est égal au taux d'intérêt
réel en équilibre. La réaction négative à long terme des taux d'intérêt réels et la réaction positive
à long terme de la production réelle à une augmentation permanente de l'inflation sont connues
sous le nom d'effet Mundell-Tobin. De manière générale, Tobin et Mundell suggèrent un effet
positif sur la croissance d'une hausse de l'inflation : lorsque l'inflation était élevée, la richesse
était réaffectée loin de l'argent et vers le capital physique.
A la première génération des travaux initiés par Tobin (1965), des analyses fondées sur des
comportements micro-économiques explicites se sont succédées; il s’agit notamment de celles
de Sidrauski (1967) et Stockman (1981). Dans son analyse, Sidrauski développe un modèle
néoclassique intégrant des facteurs monétaires avec l'hypothèse de neutralité de la monnaie et
aboutit au fameux résultat de super neutralité de la monnaie, ce qui signifie que le taux de
croissance de la monnaie n'a aucun effet réel sur l'état stationnaire (l'inflation n'aura aucun lien
avec le taux de croissance de la production à long terme). L’analyse de Stockman démontre la
possibilité d'un effet inverse de Mundell-Tobin pour lequel l’investissement et les encaisses
monétaires réelles sont des substituts. Selon Stockman, ces deux facteurs sont complémentaires
dans la mesure où les individus devront percevoir à l'avenir sous forme d'argent leur retour sur
investissement. Ainsi à partir d’un modèle de « taxe inflationniste » suivant l'hypothèse d'une
« contrainte de paiement (ou de trésorerie) à l’avance », il montre qu’une augmentation
permanente de l'inflation entraîne une baisse du stock de capital stable et du niveau de
production réelle et un taux d'intérêt réel à long terme plus élevé en raison de la contrainte de
trésorerie à l'avance sur les dépenses d'investissement.

Afin de rechercher les différents types d'effets de l'inflation sur l'économie réelle, Ahmed et
Rogers (2000) utilisent des données américaines avec lesquelles ils confrontent quatre modèles
de croissance exogène, à savoir un modèle Sidrauski, un modèle avec une contrainte de

120
paiement à l'avance sur la consommation, un modèle avec contrainte de paiement à l'avance sur
la consommation et l'investissement et un modèle Tobin. Les résultats indiquent qu'une
augmentation permanente et imprévue de l'inflation est associée à une augmentation de la part
de l'investissement dans le PIB à long terme et a également des effets positifs à long terme sur
les niveaux de production, de consommation et d'investissement. Ils suggèrent ainsi qu'une
baisse du taux d'intérêt réel à mesure que le taux d'inflation augmente, comme dans un modèle
de type Tobin, est cohérente avec leurs résultats puisqu'un investissement en capital plus élevé
devrait faire baisser le taux d'intérêt réel. Par contre, les modèles qui génèrent « un effet Tobin
inversé », y compris les modèles du cycle économique réel et les modèles de croissance
endogène avec monnaie, semblent en contradiction avec les données.

Aussi, la nouvelle littérature sur la croissance endogène n'est pas concluante sur la relation
inflation-croissance. A partir d’une diversité de modèles basés sur la croissance endogène avec
monnaie, certaines études ont trouvé des effets insignifiants de l'inflation, tandis que d’autres
ont abouti à des effets négatifs. Dans leur conception, le taux d'inflation affecte le taux de
croissance à travers la productivité marginale du capital, soit physique comme dans les
« modèles Ak », soit humain comme dans les « modèles Ah », ou les deux à la fois comme dans
les modèles de croissance avec capital physique et humain. Les « modèles Ak » d'Irlande (1994)
et Dotsey et Sarte (2000) et les « modèles Ah » de Chari, Jones et Manuelli (1996) ont produit
des effets de croissance de l'inflation à long terme insignifiants. Alors que d'autres tout aussi
variés, comme le « modèle Ak » de Haslag (1998), le « modèle Ah » de Gillman, Kejak et
Valentinyi (1999), le modèle de Gylfason et Herbertsson (2001), le modèle de capital humain
physique de Gomme (1993) et l'extension de Gomme (1993) par Gillman et Kejak (2002) ont
produit des effets de croissance de l'inflation significatifs et négatifs.

Depuis le début des années 1990, une nouvelle voie de recherche s’est engagée avec les résultats
de Fischer (1993) montrant des effets de non-linéarité dans la relation inflation-croissance.
Autrement dit, il existe un point d'inflexion où les effets de l'inflation sur la croissance sont
positifs en situation de faibles taux d'inflation et négatifs dans le cas contraire. Les premiers
tests de Fischer (1993) révèlent des niveaux d’inflation, arbitrairement choisis de 15 et 40%, à
partir desquels la relation devient significativement négative. A des taux d'inflation importants,
soutient-il, l’association entre l’inflation et la croissance s’affaiblit en moyenne : l'effet négatif
de l'inflation sur la croissance diminue à des taux d'inflation excessivement élevés.

121
Globalement, ces résultats indiquent que la relation entre l’inflation et la croissance et
l’accumulation de capital est plus forte à des niveaux d’inflation faibles et modérés qu’à des
niveaux élevés. À la suite de ces résultats, plusieurs études empiriques ont tenté d’explorer ce
nouvel aspect de la relation entre l’inflation et la croissance économique.

III.1.2. Travaux empiriques récents sur les non-linéarités dans la relation inflation-croissance

Les résultats de Fischer (1993) ont déclenché une piste de recherche importante sur les non-
linéarités dans la relation inflation-croissance. Plusieurs vérifications menées sur des données
des économies de pays avancés et celles de pays en développement ont permis d’alimenter
abondamment la littérature empirique sur le sujet. En utilisant des données de panel (87 pays
développés et en développement) couvrant la période 1970-1990, Sarel (1996) apportent des
preuves de l’existence d’un point de rupture structurel qui se situe à 8%. En dessous de ce taux,
l'inflation est sans effet ou peut avoir un effet légèrement positif sur la croissance, et au-delà
l'effet de l'inflation devient significativement négatif et extrêmement fort. Les résultats de
Bruno et Easterly [avec les résultats présentés dans Bruno 1995 et Bruno et Easterly (1996,
1998)] paraissent aussi remarquables puisqu’ils ont été établis en absence de modèle
économétrique formel. Leur démarche a consisté à déterminer de manière exogène un taux
d’inflation de 40% (à partir de la littérature sur l’inflation et un examen descriptif des données),
comme un point de rupture sur des données transversales concernant 26 pays sur la période
1961-1992. Ils découvrent qu’à des taux d'inflation annuels inférieurs à 40%, considéré comme
niveau d’inflation élevé ou optimal, il n’existe aucune preuve de relation entre l'inflation et la
croissance. Le seuil de 40% choisi, expliquent-ils, est motivé par la littérature sur le niveau
d’inflation modérée qui aurait renseigné que des taux de 15 à 30% peuvent être maintenus
pendant de longues périodes sans catastrophe. En étudiant la situation des 26 pays au cours de
32 crises, Bruno et Easterly trouvent qu’une inflation moyenne à trois chiffres s’est produite
pendant les périodes de crises et de 20% environ pendant les périodes de non-crise. Selon eux,
les taux de croissance moyens ne diminuaient que légèrement alors que les taux d'inflation
montaient à 20-25%, mais pour des taux inférieurs à 20%, ils indiquent qu'« il n'y a aucune
preuve empirique évidente de coûts de croissance importants à long terme »40. Toutefois, les
auteurs soutiennent que des taux d'inflation qui atteignent les 20% ne sont pas souhaitables car

40
Voir Bruno 1995, p. 38.

122
l’inflation devient ainsi difficile à contenir. Une fois que l’inflation s'installe dans la région des
20%, les systèmes d'indexation des salaires et des actifs financiers, ainsi que les ajustements du
taux de change deviennent plus fréquents et risquent de créer un élan vers l'accélération de
l'inflation. Sur ces entrefaites, ils reconnaissent que « réduire l'inflation à un seul chiffre est
important même pour des raisons de croissance à plus long terme.»

A la suite des travaux de Bruno et Easterly, des économistes du FMI [Ghosh et Phillips (1998) ;
Khan et Senhadji (2001)] ont examiné la relation croissance-inflation à l'aide de méthodes plus
formelles mettant un accent particulier sur la recherche de non-linéarités potentielles. Le
modèle de Ghosh et Phillips (1998) combine des techniques de régression par panel avec un
traitement non-linéaire de la relation inflation-cro0issance et une technique d'arbre de décision
robuste par rapport aux valeurs aberrantes et aux non-linéarités comparativement à l'analyse de
régression standard. En appliquant leur méthode aux données de 145 pays membres du FMI
pendant la période 1960 – 1996, ils détectent un seuil d'inflation très faible, de l’ordre de 2,5
%. Jusqu’à ce taux, l’inflation et la croissance sont positivement corrélées. Aussi, à des seuils
de 5 ou 10%, ils obtiennent des résultats statistiques très similaires au seuil de 2,5% ; au-delà,
l’inflation et la croissance sont négativement corrélées, mais la relation est convexe de sorte
que la baisse de la croissance associée à une hausse de l’inflation de 10 à 20% est plus
importante que celle associée à une hausse de l’inflation allant de 40 à 50%. De tels résultats
semblent approuver un consensus dans la littérature d’études de cas de pays ayant connus une
inflation extrême. Ce consensus était que la stabilisation de l'hyperinflation (ou de forte
inflation) avait peu ou pas de coûts de production, alors que la stabilisation de simples inflations
élevées (ou de taux d’inflation faible) était en effet coûteuse (voir Bruno et Easterly, 1996)

Khan et Senhadji (2001) proposent, à leur tour, deux innovations majeures par rapport à Ghosh
et Phillips sur des données de 140 pays entre 1960 et 1998 : l’une consistant à utiliser un modèle
à seuils en données de panel (panel threshold regression model-PTR) développé par Hansen
(1999) ; l’autre, à diviser leur échantillon entre les pays industrialisés et les pays en
développement. Sur cette base, ils déterminent un seuil de 1 à 3% pour les pays industrialisés
et de 11 à 12% pour les pays en développement.

En utilisant une régression par splines, une variante de la procédure économétrique de Sarel
(1996), Burdekin et al. (2004) suggèrent, contrairement aux résultats de Khan et Senhadji
(2001), un taux d’inflation optimal de 8% pour les pays industrialisés sur la période 1965-1992

123
et de 3% pour les pays en développement entre 1967 et 1992. Toutefois, les auteurs précisent
l’existence d’autres seuils d’inflation dans chaque sous-échantillon de pays. Pour les pays
industrialisés (au nombre de 21), ils détectent un second seuil de 25% ; à cet effet, ils montrent
qu’à un niveau plus bas du seuil de 8%, l’effet de l’inflation sur la croissance serait négatif mais
non significatif, tandis qu’au-dessus de ce niveau jusqu’au second seuil, l’effet de l’inflation
serait significativement négatif. Pour les pays en développement (51), ils obtiennent un second
seuil de 50% et un troisième de 102% ; pour ces taux, ils indiquent qu’au-dessous de 3%, le
coefficient de l’inflation est positif et fortement significatif, tandis qu’il devient négatif et
fortement significatif entre 3% et 50%, et au-delà de 50% jusqu’au dernier seuil de 102%, le
coefficient est négatif mais non significatif.

Avec le modèle PTR de Hansen (1999) appliqué sur des données de panel concernant 138 pays
entre 1950-2000, Drukker et al (2005) trouvent un taux optimal d’inflation de 19,16% pour les
économies non industrialisées et deux points de rupture pour les pays industrialisés, à 2,57% et
à 12,61%. Suivant la même méthodologie, Kremer, Bick et Nautz (2013) trouvent des résultats
assez proches avec un seuil d'inflation d'environ 2,5% dans les pays industrialisés associé à un
effet de l'inflation significativement positif sur la croissance économique à long terme et un
seuil plus important de 17,2% mais pour lequel l’effet est non significatif dans les pays en
développement

Suivant la même logique, Sepehri et Moshiri (2004) mobilisent un échantillon de pays répartis
selon leur niveau de développement : un groupe de pays de l'OCDE (24 pays), un groupe de
pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure (14), un groupe de pays à revenu
intermédiaire de la tranche inférieure (26) et un groupe des pays à faible revenu (28)). En
étudiant les effets de non-linéarités de l’inflation sur la croissance dans chaque sous-échantillon
de pays sur la période 1960-1996, ils trouvent que les seuils variaient considérablement, allant
de 15% pour les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, à 11% pour les pays à
faible revenu, et à 5% pour les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure. Mais, pour
les pays de l’OCDE, aucune relation de long terme statistiquement significative entre l'inflation
et la croissance n’est apparue. Avec les mêmes groupes de pays, Pollin et Zhu (2005) trouvent
aussi des résultats divergents entre les pays sur la période 1961-2000. En s’appuyant sur quatre
techniques de données de panel différentes - « pooled OLS », « between effects », « fixed
effects », and « random effects » -, ils trouvent un seuil d'inflation d’environ 14 à 16% avec des

124
coefficients d’inflation positifs mais non significatifs pour les pays à revenu intermédiaire et un
seuil d’environ 15 à 23% avec des coefficients statistiquement significatifs pour les pays à faible
revenu. Pour les pays de l'OCDE, aucune tendance claire n’a pu se dégager, ni avec le
coefficient d'inflation, ni avec le seuil estimé. Toutefois, l’application des techniques à
l’échantillon complet des pays donne un seuil d'inflation d'environ 15 à 18% ; jusqu’à un tel
niveau seuil, une inflation plus élevée est associée à des gains modérés de la croissance du PIB
dans l’ensemble des pays.

Suivant une nouvelle variante de modélisation à effets de seuil, appelée modèle PSTR,
développée par González et al. (2005) et Fok et al. (2005), des études récentes, dont Espinoza
et al. (2010), Omay et Kan (2010), López-Villavicencio et Mignon (2011), Eggoh et Khan
(2014), Thanh (2015), Ibarra et Trupkin (2016) ont révélé de façon générale des taux optima
d’inflation d’un niveau relativement plus élevés dans les pays à revenu faible. L’étude de
López-Villavicencio et Mignon (2011) sur un échantillon de 44 économies révèle des seuils
d'inflation de 2,7% et de 17,5% dans les économies développées et dans les pays en
développement, respectivement. Omay et Kan (2010) trouvent un niveau seuil similaire de
2,5% dans 6 pays industrialisés. Sur des données de panel de 102 pays développés et en
développement couvrant la période 1960-2009, Eggoh et Khan (2014), à l’aide d’un modèle
PTSR et la méthode GMM, trouvent un seuil de 10,5% pour l’ensemble des pays, 3,4% pour
les pays à revenu élevé, 10% pour les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure,
12,9% pour les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et 19,5% pour les pays à
revenu faible. Ainsi, plus le niveau de développement est important, moins le niveau du seuil
est élevé. En s’inspirant de la démarche d’Eggoh et Khan (2014), Thanh (2015) trouve un seuil
de 7,8% pour les pays de l’ASEAN-541. Ibarra et Trupkin (2016) réexaminent les effets de seuil
pour 138 pays sur la période 1950-2009 et trouvent un seuil d'inflation de 4,5% pour les pays
industrialisés et de 19,1% pour les pays non industriels.

Grace aux travaux susmentionnés, une vaste littérature d’études de cas de pays africains s’est
développée sur la relation inflation-croissance. Les récentes études incluent, entre autres, les
travaux de Bikai et kamga (2012), Yabu et Kessy (2015), Van Eyden et al. (2015) Ndoricimpa
(2017) et Seleteng et al (2013).

41
L’ASEAN 5 est l’Association des nations de l'Asie du Sud-Est constituée de l’Indonésie, de la Malaisie, des
Philippines, de la Thaïlande et du Vietnam.

125
L’étude de Ndoricimpa (2017) utilise la méthodologie de Kremer et al. (2013) pour examiner
les effets de non-linéarités de l’inflation sur la croissance sur des données de 47 pays
africains pour la période 1960-2013. En estimant le seuil d'inflation pour l'échantillon complet
de pays, puis pour deux sous-échantillons de pays à faible revenu et à revenu intermédiaire
respectivement, ses résultats confirment l'existence de non-linéarités dans le lien inflation-
croissance. Pour l’ensemble des pays, il ressort un seuil d'inflation de 6,7% ; pour les pays à
faible revenu un seuil de 9% et un seuil de 6,5% pour ceux à revenu intermédiaire. Au-dessus
du seuil, l’inflation nuit systématiquement à la croissance dans chaque cas de figure. Toutefois,
pour l'ensemble de l'échantillon et pour les pays à faible revenu, une faible inflation n'affecte
pas la croissance, alors que pour les pays à revenu intermédiaire, l'inflation stimule la croissance
dans le régime de faible inflation.

Yabu et Kessy (2015), utilisant des données de panel concernant trois États de la Communauté
de l’Afrique de l’Est (le Kenya, la Tanzanie et l'Ouganda) sur la période 1970 à 2013, ont
constaté qu’un taux d'inflation au-delà de 8,5% a un impact négatif et significatif sur la
croissance dans les pays de la CAE.

En appliquant la méthodologie de Druker et al (2005) sur des données de panel des pays de la
CEMAC sur la période 1987-2008, Bikai et Kamga (2012) ont trouvé un seuil de 6% pour les
pays de la zone.

A partir de données de panel de pays de la Communauté de Développement de l’Afrique


Australe (SADC) couvrant la période 1980-2008, Seleteng et al. (2013) ont montré, avec un
modèle PSTR, qu’il existait dans ces économies des effets négatifs de l'inflation sur la
croissance à partir d’un seuil de 18,9%. En réexaminant ces effets de non-linéarités pour les
mêmes pays, Van Eyden et al. (2015) trouvent deux niveaux d'inflation à 9% et 30%.

Bref, la plupart des résultats corroborent la conclusion de Bruno selon laquelle les effets
négatifs de l'inflation se produiront quelque part au-dessus d'un seuil de 20%, et très
probablement dans une fourchette à un chiffre. Les effets de l'inflation sur la croissance sont
soumis à certaines conditions macroéconomiques (Eggoh et Khan, 2014) ou institutionnelles
(Ibarra et Trupkin (2016)) qui peuvent varier considérablement d'un pays à l'autre.

Avec la volonté des pays de la CEDEAO de mettre en œuvre un cadre de politique monétaire
axé sur le ciblage d’inflation, d’importantes questions restent en suspens en ce qui concerne la

126
cible d’inflation. En particulier, il s’agit de trouver une preuve solide, à l'appui d'un objectif
politique, de maintenir un objectif d'inflation dans une fourchette à un chiffre, comme le suggère
la littérature.

III.2. Dynamique de l’inflation et de la croissance dans la CEDEAO : Quelques faits


stylisés

Représentant respectivement 17% et 30% de la superficie42 et de la population de l'Afrique


(avec 350 millions d’habitants en 2018, soit près de 27% de la population totale de l'Afrique),
la CEDEAO est la zone la plus densément peuplée du continent (CNUCED, 2020). La
production du Nigeria en fait de loin la plus grande puissance économique de la région ; en
2018, elle représenterait près de 66% du PIB de la région, suivie du Ghana (10,3%), de la Côte
d'Ivoire (6,7%) et du Sénégal (3,7%). Le Cap-Vert, la Gambie, la Guinée Bissau et le Libéria
sont les plus petites économies (avec moins de 0,35 % chacune).

Cette section présentera un certain nombre de faits sur les dynamiques de la croissance et de
l’inflation en Afrique de l’Ouest pendant ces dernières décennies. Tout en permettant d’évaluer
de façon simple les performances selon les pays, elle offre la possibilité de mieux apprécier les
disparités qui existent au sein de la région et, parfois, la nature procyclique des tendances
régionales de la croissance économique vis-à-vis des fluctuations de l’économie du Nigeria.

III.2.1. Les évolutions de la croissance économique en Afrique de l’Ouest

La croissance réelle de la CEDEAO a été inférieure à 5% jusqu’en 2000 - exceptées les années
1985, 1988 et 1990 - avec un taux moyen de croissance de 1,6%, mais elle a connu un rebond
à partir de 2001, avec des taux supérieurs à ce niveau, tirés principalement par la dynamique de
l’activité économique du Nigeria (voir figure ci-dessous). Après plusieurs années de croissance
régulière, la croissance moyenne du PIB en Afrique de l’Ouest a stagné à 0,5 % en 2016, puis
grimpé à jusqu’à 3,2 % en 2018.

42
L'Afrique de l'Ouest a une superficie de 5 114 658 km²

127
Figure 16. Evolutions des taux de croissance régionaux (avec et sans le Nigeria)
15%

10%

5%

0%
1980

1982

1984

1986

1988

1990

1992

1994

1996

1998

2000

2002

2004

2006

2008

2010

2012

2014

2016

2018
-5%

Croisssance réel CEDEAO Croisssance réel CEDEAO hors Nigéria 5%

-10%

Source : FMI, 2019

La confrontation des évolutions des taux de croissance sans et avec le Nigeria de la région
montre le biais procyclique des tendances de la croissance qui reflète les fluctuations de
l’économie Nigériane. Les performances régionales enregistrées lors des phases de
ralentissement ou de récessions économiques (entre 1981 et 1984, de 1993 à 1999 et à partir de
2015) ont été détériorées par les mauvaises performances de la croissance du Nigeria au cours
des périodes sous revues (fig ci-dessus).

Le ralentissement sans précédent de la croissance de la région observé à partir de 2015 résulte


principalement de la baisse persistante des prix des matières premières, notamment du pétrole,
qui a perdu plus de la moitié de sa valeur depuis le dernier trimestre 2014. La chute brutale et
inattendue du prix du pétrole a mis en évidence les fondements fragiles de la croissance de
l'Afrique de l'Ouest, fortement dépendante des exportations de matières premières. Les
principaux pays exportateurs de pétrole tels que le Nigeria et, dans une moindre mesure, le
Ghana, ont été les plus durement touchés par les effets néfastes de la chute des prix. Les effets
cumulatifs négatifs de la forte baisse des prix du pétrole sur l'économie nigériane sont assez
critiques et se résument comme suit : forte baisse des recettes d'exportation, forte dépréciation
du naira, entraînant une baisse continue du PIB réel (cf. tableau 8)

128
Tableau 8. Taux de croissance des pays de la CEDEAO (1980-2018)
BEN BFA CPV CV GMB GH GUI GN LBR MLI NER NG SEN SLE TOG
A B A

1980- 4,7 4,3 6,0 1,5 3,7 3,2 3,6 1,7 1,5 7,2 0,6 1,4 2,9 -2,0 1,1
2000
2001- 3,9 6,0 4,8 1,4 2,8 6,7 3,4 2,6 6,5 9,3 5,3 7,4 3,9 9,4 3,0
2012
2013 6,9 5,8 0,8 9,3 2,9 7,3 3,9 3,3 4,6 7,0 5,3 6,7 3,9 20,7 6,1
2014 6,5 4,3 0,6 8,8 -1,4 2,9 3,7 1,0 5,2 7,8 7,5 6,3 4,1 4,6 5,9
2015 6,5 3,9 1,0 8,8 4,1 2,2 3,8 6,1 0,0 7,6 4,3 2,7 6,4 -20,5 5,7
2016 5,0 6,0 4,7 8,0 1,9 3,4 10,8 6,3 -1,6 8,8 5,7 -1,6 6,4 6,3 5,6
2017 5,8 6,2 3,7 7,7 4,8 8,1 13,4 5,9 2,5 6,8 5,0 0,8 7,1 3,8 3,8
2018 6,5 6,8 5,1 7,4 6,5 6,3 5,8 3,8 1,2 6,7 7,0 1,9 6,8 4,6 4,9

Source : FMI, 2019

Bien qu’ayant une forte influence significative pour la tendance générale de croissance
économique de la région, les faibles résultats du Nigeria notés à partir de 2015 semblent être un
cas isolé, puisque sans le Nigeria, la région a connu une dynamique positive (avec une
croissance de plus de 5%) liée à une croissance soutenue dans presque tous les États membres
jusqu’en 2018. Huit d'entre eux ont en effet permis de soutenir la croissance de la région avec
des taux de plus 5%. Il s’agit du Bénin (6%), du Burkina Faso (5,7%), de la Côte d'Ivoire (8%),
de la Guinée (8,4%), du Mali (7,5%), du Niger (5,5%) et du Sénégal (6,7%).

III.2.2. Evolution de l’inflation en relation avec la croissance

Etant donné son impact sur le niveau de vie et la croissance économique, la tendance de
l’inflation constitue l'un des indicateurs les plus suivis parmi les outils de convergence
macroéconomique dans la CEDEAO. L'objectif étant de maintenir un niveau d'inflation
acceptable dans tous les États, une inflation avec un niveau structurel inférieur à 5% a été
prescrite par les autorités. En d’autres termes, les taux d’inflation respectifs des Etats doivent
être poussés et maintenus en dessous de ce seuil afin d’admettre une convergence nominale.
Cependant, les résultats restent variés en termes de respect de l'objectif d'inflation, bien que les
évolutions au cours des deux dernières décennies soient assez encourageantes,
comparativement à celles des années 80 et 90 (voir figure 19). Hormis les pays de l'UEMOA et
le Cap-Vert, où l'inflation est structurellement inférieure à l'objectif fixé, la situation des autres
pays est assez volatile (figure 18)

129
Figure 17.Evolutions des taux d’inflation des pays de l’UEMOA et du Cap-Vert

15
Benin Burkina Faso Côte d'Ivoire Guinea-Bissau
Mali Niger Senegal Togo
Cabo Verde 5%
10

0
2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018
-5

Source : FMI, 2019

Dans les pays de l’UEMOA et au Cap-Vert, les taux moyens d’inflation et de croissance entre
2001-2018 ont été respectivement de 2,3% et de 4,7% au Bénin (contre 4,9 et 4,7%), de 2,2%
et de 5,9% au Burkina Faso (contre 4,5% et 4,3%), de 1,9% et de 4,1% au Cap-Vert (contre
8,5% et 6%) , de 2,3% et de 3,7% en Côte d’Ivoire (contre 5,9% et 1,5%) , de 2,1 et de 3,2%
en Guinée Bissau (contre 45,8% et 1,7%), 2,2% et de 8,7% au Mali (contre 4,8 et 7,2%), de
2,1% et de 4,5% au Niger (contre 3,9% et 0,6 ), de 1,6% et de 4,5% au Sénégal (contre 5,4% et
2,9) et, de 2,3% et 3,8% au Togo (contre 5,9% et 1,1%).43 Globalement, l’inflation moyenne
pendant la période sous revue est bien inférieure à l'objectif communautaire de 5% et certains
pays ont subi une désinflation.

43
Les valeurs entre parenthèses représentent les taux moyens d’inflation et de croissance respectivement sur la
période 1980-2000.

130
Figure 18. Evolutions des taux d’inflation des pays de la ZMAO
40 Gambia Ghana Guinea Liberia
35 Nigeria Sierra Leone 5%

30

25

20

15

10

0
2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018
Source : FMI, 2019

Pour les autres pays de la ZMAO, il s’agit respectivement, de 6,7% et de 2,9% en Gambie
(contre 10,9% et 3,7%), de 15% et de 3,2% au Ghana (contre 37,3% et 6,1%), de 14,3% et de
3,6% en Guinée (contre 8,5% et 4,6%), de 10,6% et de 1,5% au Libéria, de 12,3 et de 1,4% au
Nigeria (contre 24,9% et 5,9%), 8,6% et de -2% en Sierra Leone (contre 51,8% et 7,3%). Aucun
pays n’est parvenu à maintenir l’inflation en deçà du seuil.

Au niveau régional, les principales caractéristiques des performances macroéconomiques


depuis les années 1980 peuvent se résumer comme suit (voir fig. suivante) : une inflation à deux
chiffres caractérisée par une tendance significativement baissière autour d’un taux moyen de
15,3% et une croissance faible marquée par une tendance légèrement haussière autour d’un
trend de 3,5% par an.

Figure 19. Performances régionales de l’inflation et de la croissance (FMI, 2019)


55%
50% Croissance Inflation
45%
40% 5% 10%
35% Linéaire (Croissance) Linéaire (Inflation)
30%
25%
20%
15%
10%
5%
0%
-5%
1980

1982

1984

1986

1988

1990

1992

1994

1996

1998

2000

2002

2004

2006

2008

2010

2012

2014

2016

2018

-10%
-15%

131
Ces évolutions appellent à considérer deux situations. La première qui va de 1980 à 2000,
caractérisée par des taux d’inflation relativement élevés (19,4% en moyenne) et des taux de
croissance relativement faible (1,6% en moyenne). La seconde qui part de 2001 à 2018,
marquée par un renversement de tendance, avec une baisse significative des taux d’inflation
(10,5% en moyenne) associée à une croissance plus importante (6,5% en moyenne).

Selon les évolutions récentes observées au cours de cette décennie, l’inflation moyenne
régionale a grimpé de 7,8 % à 12,7 % entre 2013 et 2017 avant de s’établir à 9,6% en 2018. Ces
niveaux élevés reflètent des évolutions macroéconomiques défavorables dans des économies
clés comme le Nigeria, avec une inflation estimée en 2017 à 16,5 %, le Ghana avec un taux
d’inflation de 12,4 %, et la Sierra Leone de 18,2 % dans une moindre mesure. La pression
inflationniste vient de la dépréciation du taux de change et des déséquilibres intérieurs pendant
les baisses des prix des matières premières et de la demande mondiale et dans une moindre
mesure des déficits budgétaires en hausse (sauf au Togo et au Cap-Vert) en raison de la politique
budgétaire expansionniste (voir Rapport 2018 la BAD sur les perspectives économiques en
Afrique de l’Ouest). La plupart des pays d’Afrique de l’Ouest étant fortement dépendants des
importations, l’augmentation des prix à l’importation a « crevé » les coûts des facteurs de
production, se traduisant par un surenchérissement des prix à la consommation.

De même, l’évolution de la tendance de l’inflation simultanément avec celle de la croissance


montre une liaison inverse. La mesure de la corrélation sur les évolutions récentes permet en
effet de mettre en évidence une liaison négative et fortement significative entre les taux
d’inflation à deux chiffres et la faible croissance enregistrée au cours des périodes 2001-2005
et 2016-2017 avec respectivement un coefficient de corrélation de -0,80 et de - 0,7 ; la
corrélation est toutefois positive significativement entre les taux d’inflation à un chiffre et la
croissance entre 2007 et 2015 (coefficient de corrélation de 0,5). Dans l’ensemble, vu que
l’inflation à deux chiffres et la croissance de la région ont tendance à évoluer dans des directions
opposées, un taux d’inflation élevé pourrait ralentir la croissance en Afrique de l’Ouest ; à
l’inverse, une baisse de l’inflation jusqu’à des niveaux à un chiffre pourrait favoriser la
croissance.

L’analyse de la relation inflation-croissance dans les différents pays, à partir des graphiques de
la figure 20 représentant chacun ces deux variables dans un espace à deux dimensions, fait
ressortir un certain nombre d’observations sur la période 2001-2018, à savoir :

132
l’inexistence d’une relation linéaire entre l’inflation et la croissance, dans la plupart des cas,
au regard de la faible valeur du coefficient de détermination linéaire (sur les périodes 2001-
2003 et 2005-2015, et en 2017). Un ajustement linéaire s’est révélé incapable de prendre en
compte la majorité des points représentés par les pays ;
une relation linéaire positive entre la croissance et l’inflation en 2004 qui permet d’illustrer,
d’une part, une croissance forte associée à une inflation importante à deux chiffres dans les
pays comme le Nigeria, le Ghana, la Gambie et la Sierra Leone (vu leur proximité avec la
droite d’ajustement) et, d’autre part, une croissance molle dans les pays de l’UEMOA et au
Cap-Vert malgré une certaine maîtrise de l’inflation ;
une corrélation significativement négative en 2016 et en 2018. En 2016, une relation inverse
entre l’inflation et la croissance s’est établie dans les pays de l’UEMOA qui ont affiché une
croissance non inflationniste de plus 5%, sauf au Bénin) ; au Nigeria et au Ghana, les
performances ont été bien moindres avec une inflation forte et une croissance faible. Un
scénario similaire s’est produit en 2018 avec la plupart de ces pays.

133
Figure 20 : Panorama des relations inflation-croissance dans les pays de la CEDEAO

134
135
136
137
138
III.3. Estimation du taux optimal d’inflation à l’aide d’un modèle à seuils

Bien que plusieurs travaux cherchent à montrer et à confirmer les effets nuisibles d’une inflation
faible sur la croissance, le débat n’est pas clos. Pour les pays d’Afrique de l’Ouest, comme pour
beaucoup d’autres pays d’ailleurs, cet argument suscite encore de nombreuses discussions, car
l’impact réel de l’inflation est plus qu’ambigu. Effet, il suscite de nombreuses incertitudes, en
raison des relations de non-linéarités mise en évidence par les travaux empiriques récents. En
s’inscrivant dans la lignée des travaux sur les non-linéarités dans la relation entre l’inflation et
la croissance, cette section tente déterminer un taux d’inflation optimal dans la CEDEAO. Pour
ce faire, elle s’appuie sur le « Panel Threshold Regression » développé par Hansen (1999).
Ainsi, suivant l’hypothèse que les effets de l’inflation sur la croissance sont associés à des effets
de seuil, le modèle se proposera une procédure de tests pour mettre en évidence cette
caractéristique. La section est structurée de la manière suivante. En premier lieu, les motivations
quant à un recours à la modélisation à effet de seuil seront présentées. En second lieu, une classe
de modèle à seuil développé par Hansen (1999) ainsi que la procédure d’estimation des
paramètres sera présentée. En troisième lieu, le modèle empirique à estimer sera spécifié. Enfin,
seront présentés les résultats des estimations ainsi que les enjeux stratégiques qu’ils recouvrent.
III.3.1 La modélisation à effet de seuil en tant qu’outil d’approfondissement de l’étude de la
dynamique non-linéaire d’un processus

Tout comme la stationnarité, la non-linéarité des séries économiques est considérée comme une
des propriétés dominantes des séries temporelles. La propriété de non-linéarité peut être
justifiée par l’existence d’asymétries dans les données44 (Salem et Perraudin, 2001). La
nécessité de prendre en compte les asymétries a fortement contribué à la refondation des
approches de l’économétrie appliquée. Un aspect trivial de la non-linéarité réside dans
l’abandon de l’hypothèse de la stabilité du modèle linéaire, ce qui a permis d’explorer des
modèles économétriques capables de générer des processus aux dynamiques distinctes selon la
phase du cycle économique (ou de la situation conjoncturelle). A partir de là, Tong et Lim
(1980) établissent des modèles à changement de régimes qui ont l’avantage d’apporter une
explication économique de la non-linéarité. Cette classe de modèles s’est révélée
particulièrement adaptée pour étudier les dynamiques asymétriques exhibées par de multiples

44
La littérature empirique indique quelques exemples d’asymétries. Neftçi (1984) montre que le taux de chômage
augmente plus vite qu’il ne diminue. Sichel (1993) trouve que les creux du cycle réel sont plus marqués que les
pics mais aussi que les contractions du cycle réel (dépression, chômage) sont plus rapides et abruptes que les
expansions. Selon Beaudry et Koop (1993), les chocs favorables ont un effet plus important et plus persistant que
les chocs défavorables.
variables macroéconomiques (Rothman (1991) ; Neftçi (1993) ; Peel et Speight (1996)). Les
propriétés que recouvrent ces modèles permettent de concevoir qu’une série économique puisse
disposer d’un processus de propagation non-linéaire qui implique une dynamique différente
selon le régime dans lequel elle se trouve.
L’élément distinctif fondamental des modèles à changement de régimes est que le mécanisme
gouvernant le changement de régimes peut être, soit déterministe (c’est-à-dire se produisant à
une date connue à l’avance), soit stochastique. Le cas proposé par Franses et van Dijk (2000)
concernant le marché des actions permet d’illustrer le modèle avec changements de régimes
déterministes. A partir d’une observation empirique de l’évolution des marchés financiers, ils
découvrent qu’en fin de semaine l’activité y est plus intense, et permet ainsi à leur modèle de
tenir compte de ces effets de week-end.
Contrairement aux modèles à changements de régimes déterministes, dans les modèles à
changement de régimes stochastiques, la date n’est pas connue à priori mais est déterminée à
l’aide d’une variable de transition. Les modèles à effet de seuils introduits par Tong et Lim
(1980) et les modèles à changements de régime markoviens introduits par Goldfeld et Quandt
(1973) constituent deux classes de modèles à changements de régimes stochastiques très
présentes en économétrie des séries temporelles. Leur différence réside dans le mécanisme de
transition entre les différents régimes qui dépend soit d’une variable de transition inobservable
ou observable. Concernant les modèles markoviens, la transition est gouvernée par une variable
exogène inobservable qui est supposée suivre une chaîne de Markov. A chaque période de
temps, il existe une certaine probabilité d’appartenir à un régime donné.
Par contre, dans les modèles à seuils, la transition s’effectue à l’aide d’une variable observable,
d’un seuil et d’une fonction de transition.45 La modélisation des relations non-linéaires entre
variables s’effectue en termes de « linéarisation par morceaux », qui, selon Salem et Perraudin
(2001), peut être une approximation correcte de la dynamique non-linéaire d’un processus. Pour
cette classe de modèles, deux mécanismes de transition sont envisageables, ils dépendent de la
forme de la fonction de transition utilisée. D’une part, il est possible de considérer une fonction
indicatrice, la transition est alors dite brutale, le passage d’un régime à l’autre pouvant alors
s’effectuer en une période. Plus précisément, le changement de dynamiques s’opère selon le
signe de l’écart entre la variable de transition et la valeur du seuil, si cette dernière devient
supérieure ou inférieure à ce seuil, la transition se réalise alors instantanément.

45
La difficulté dans ce type de modèle repose donc sur le choix de cette variable observable. Le choix de la variable
de transition peut être guidé par la théorie économique, mais une solution athéorique est aussi envisageable. Cette
dernière peut s’établir à partir des méthodes statistiques, telles que les tests de linéarité.

140
En économétrie des séries temporelles, lorsque la variable de transition est soit une variable
exogène soit une valeur passée de la variable endogène, on est en présence d’un modèle
autorégressif à seuil – TAR 46 (threshold autoregressive regression) – introduit par Tong (1978).
Une représentation TAR où la variable de seuil appartient à l’ensemble des valeurs passées de
la variable endogène est le modèle SETAR (Self-Exciting Threshold AutoRegressive) proposé
par Tong(1983) et Tong et Lim (1980). Cette classe de modèles (TAR et SETAR) repose sur
une fonction indicatrice engendrant une transition brutale entre les régimes. Plus tard, Chan et
Tong (1986) et Luukkonen, Saikkonen et Teräsvirta (1988) proposent une fonction indicatrice
continue, en introduisant la modélisation à transition lisse avec les modèles STAR (Smooth
Threshold Auto Regressive), ce afin d’obtenir une transition lisse entre les régimes extrêmes.
Partant des avancées sur les séries temporelles, Hansen (1997) développe un modèle à seuil
adapté au panel en coupe transversale.47 Par la suite, en appliquant sur des données de panel
temporelles la démarche habituellement utilisée sur les modèles à seuils à transition brutale de
séries temporelles, il développe une classe de modèles à seuils en données de panel (panel
threshold regression model- PTR) - qui possède le même mécanisme de transition brutale qu’un
modèle TAR. Plus tard, inspirés par la démarche de Hansen (1999), González et al (2005)
proposent une modélisation à seuils reposant sur un mécanisme à transition lisse - PSTR (Panel
Smooth Threshold Regression model) et qui s’apparente donc à la classe des modèles STAR.

Pour les besoins de l’analyse du niveau optimal d’inflation dans la CEDEAO, nous retenons le
modèle PTR de Hassen (1999) en raison de sa simplicité. Les propriétés qu’il recouvre au plan
pratique (c’est-à-dire sa capacité à décrire une rupture structurelle dans la relation entre les
variables économiques) et économique (eu égard à ses implications évidentes pour la politique
économique) justifient pleinement le choix du modèle.

III.3.2. Représentation du modèle PTR de Hansen (1999) et méthodologie d’estimation

Après avoir défini la forme fonctionnelle d’un modèle de base à seuil, une généralisation de
celui-ci par Hansen (1999) sur des données de panel sera proposée ainsi que la méthodologie
d’estimation des paramètres.

46
Voir notamment Ben Salem et Perraudin (2000) ou Fouquau (2008) pour une représentation du modèle.
47
Hansen a également contribué de façon significative à l’analyse économétrique des séries économiques
caractérisées par une dynamique non-linéaire, notamment les modélisations à effets de seuil à transition brutale.
A titre illustratif, Hansen (1996) présente de nouveaux résultats sur la procédure d’estimation des modèles TAR.
Plus tard, Hansen (2000) développe de nouveaux tests pour les effets de seuils, estime la valeur du seuil et construit
un intervalle de confiance pour la valeur seuil.

141
III.3.2.1. Forme fonctionnelle d’un modèle à seuil

Un processus satisfait une représentation sous forme d’un modèle à seuil, si et seulement si :
!" =u+%& '" + %( '" )(+",-) + /" (1)

Où b0 et b1 désignent respectivement le vecteur des paramètres du modèle, 23 est un bruit blanc

[445 (0, 7 8 )] ; la fonction de transition est représentée par )(+",-) , - étant un vecteur de
paramètres de seuil.
Si la fonction de transition est une fonction binaire telle que :
1 <4 = ≥ @
)(+" ,-) = :0 <4 => < @ (2)
>

Alors le modèle est simplement défini par :


!" = B + %& '" + %( '" C(+"D-) + /" (3)
Où Ι(.) est la fonction indicatrice permettant de modéliser le mécanisme de transition ; elle
prend la valeur 1 si la contrainte entre parenthèse est respectée, et zéro sinon.

L’équation (3) peut se réécrire comme suit :

B + %& ' " + / " +" < -


!" = : (H)
B + (%& + %( )'" + /" +" ≥ -

Dans ce cas simple, nous avons deux régimes pour les paramètres de pente, à savoir I0 et I0 +
I1 . Le passage d’un régime à un autre s’effectue en comparant la position de la variable de
transition =3 par rapport à la valeur de seuil @ :

n si la variable de transition est inférieure à la variable de seuil (=3 < @) dans ce cas
nous avons un seul régime dont le processus est décrit par la première équation définie
à l’aide du coefficient de pente I0 .
n si la variable de transition devient supérieure au seuil et même très légèrement(=3 ≥
@), alors il y a deux régimes dont le processus est décrit par la seconde équation où les
coefficients de pentes sont (I0 +I1 ).

III.3.2.2. Application sur des données de panel : introduction du modèle PTR de Hansen

Le modèle Panel Threshold Regression (PTR) a été introduit par Hansen (1999) pour estimer
des modèles de panel non dynamiques avec des effets fixes individuels. Le modèle en lui-même
se présente de la façon suivante :

UV" = WV + %( 'V" X(+V"Y-) + %Z 'V" X(+V"[-) + /V" (5)

142
Où ]^ est le vecteur des effets fixes individuels, et 2^3 un bruit blanc [445 (0, 7 8 )] ; _^3 =
`_^31 , … , _^3b c la matrice des k variables explicatives ne contenant pas de variables endogènes
retardées ; b0 et b1 désignent respectivement le vecteur des paramètres du modèle linéaire et
du modèle non-linéaire ; =^3 est la variable de transition, @ le paramètre de transition qui divise
l’équation en deux régimes avec les coefficients I1 d> I8 et Ι(. )la fonction indicatrice.

Une présentation alternative du PTR est :

!V" = B^ + %& 'V" + %( '" C(+"Y-) + /V" (6)

Si la fonction indicatrice est binaire, l’équation (6) peut se réécrire :

Bl + %& 'V" + /V" +V" ≤ -


!V" = : (o)
Bl + (%& + %( )'V" + /V" +V" > -

Dans cette classe de modèle, la transition est brutale étant donné qu’un individu peut basculer
d’un régime à l’autre en une période. Aussi les individus composants un régime sont
susceptibles d’évoluer dans le temps, car la variable de transition dépend également de la
dimension temporelle.

Dans le cadre de l’équation (6) ou (7), il existe au maximum deux sous-groupes où les individus
peuvent suivre un processus différent, ce qui suggère que le nombre de régime est limité à deux.
Mais lorsque la dimension individuelle et temporelle augmente, la possibilité de se retrouver
avec plusieurs seuils ou plusieurs régimes s’établit, ce qui rend obsolète le modèle PTR de base
pour représenter la non-linéarité. C’est ainsi que Hansen (1999) propose un ajustement du
modèle PTR de manière séquentielle.

En ajoutant un second seuil au modèle, on obtient :

UV" = pV + q( 'V" X(+V"Y-( ) + %Z 'V" X(-(r+V" Y-Z ) + %s 'V" X(-Z r+V" ) + /V" (8)
Ici, @1 d> @8 sont les seuils qui divisent l'équation en trois régimes avec les
coefficients I1 , I8 d> It .

Lorsque le modèle comprend plusieurs régimes (ou p régimes), cette procédure conduit à une
spécification PTR à plusieurs seuils et se présente ainsi :

UV" = pV + %( 'V" X(+V"Y-() + %Z 'V" X(-( r+V" Y-Z ) + ⋯ + %v 'V" X(-vw(r+V" ) + /V" (9)

Où les seuils respectent l’inégalité suivante @1 < @8 < ⋯ < @yz1

143
Cependant, l’estimation d’un modèle où le nombre de régime { est important présente des
limites à cause des difficultés d’estimation et des ressources informatiques nécessaires (voir
notamment Fouquau (2008) ou Wang (2015), pour des explications détaillées à ce sujet) ; ainsi
le nombre de régime qu’il est possible de déterminer avec un modèle PTR est limité à quatre
selon la forme suivante :

UV" = pV + %( 'V" X(+V"Y-() + %Z 'V" X(-( r+V" Y-Z ) + %s 'V" X(-Zr+V" Y-s ) + %H 'V" X(-sr+V" ) + /V"

(10)

III.3.2.3. Procédure d’estimation des paramètres de l’équation

En raison de la présence du paramètre de nuisance (le seuil) dans les modèles, Hansen (1999)
a développé une procédure de spécification qui permet de tester la linéarité du processus,
d’estimer la valeur du seuil, de déterminer le nombre de seuil et de construire un intervalle de
confiance pour la valeur du seuil.

III.3.2.3.1. Estimation d’un seuil optimal

Le modèle PTR peut être considéré comme un modèle de données de panel de paramètres
hétérogènes et variant dans le temps :
W + %( 'V" + /V" |V +V" ≤ -
!V" = WV + %'V" (+V" , -) + /V" = : V (11)
WV + %Z 'V" + /V" |V +V" , > -

Où l'effet marginal (paramètres de pente) satisfait :


}!V" %( |V +V" ≤ -
= %~ = : (12)
}'V" %Z +V" ≤ -
Suivant la spécification (11), se posent, d’une part, le problème de l’estimation des effets
individuels qui sont communs aux différents régimes et, d’autre part, celui des coefficients de
pentes et du paramètre de seuil. Ces derniers rendent impossible l’estimation directe par les
MCO puisque les variables explicatives dépendent du paramètre de seuil. Sur ces entrefaites, la
démarche d’estimation s’effectue en deux étapes.

La première concerne l’élimination des différences permanentes qui existent entre les individus
sur la période et qui pourraient biaiser l’estimation (Bai (1997) et Hurlin et al. (2008). Pour
éliminer les effets fixes, il faut ôter les moyennes individuelles spécifiques, ce qui conduit au
modèle suivant :

U∗ V" = %'∗V" (+V" , -) + /∗ V" (13)

144
Avec U∗ V" = UV" − UÖÑ Ö = Üz( ∑àÜâ( UV"
U ;
ä∗ V" = äV" − ããã
'Ñ Ö = Üz( ∑àÜâ( 'V"
'

/ V" = /V" − /ÖÑ /ã = Üz( ∑àÜâ( /V"

Ce modèle s’écrit matriciellement :

UV( ∗ äV( ∗ (-)~ /V( ∗


U∗V = åUVZ ∗ ç äV∗ (-) = éäVZ ∗ (-)~è /∗V = å/VZ ∗ ç (14)
… … …
UV" ∗ äV" ∗ (-)~ /V" ∗

Apres avoir éliminé les effets individuels fixes, il est possible d’estimer les coefficients de
pente β en appliquant les moindres carrés séquentiels. Etant donné @, ë’estimateur des moindres
carrés de β d<> :

ì (î) = ['∗V" (î)~ '∗V" (-)]z( ∙ ['∗V" (-)~ U∗V" ]


% (15)

Le vecteur des résidus est ò/∗ (-) et la somme carré des résidus est ô1 (@)

ì (-)'∗V" (-)
Avec /ö∗ (-) = U∗ V" − % (16)

ú
õ( (-) = /ö∗ (-)/ö∗ (-) = ∑ù Ü
Vâ( ∑"â( /V"
Z

= ∑ù Ü ∗ ì ∗
Vâ( ∑"â((U V" − %(-)'V" (-))
Z (17)

Pour estimer la valeur du seuil et les paramètres de l'équation, Hansen (1999) propose un
algorithme qui retient comme estimateur le paramètre de seuil @ö qui minimise la somme des
carrés des résidus :

ò = arg min õ( (-)


- (18)

Une fois que @ö est calculé, il est possible d’obtenir à nouveau les coefficients de pentes Iü =
Iü (@) par la méthode des MCO. Cependant, il est très important de déterminer si l’effet de seuil
est statistiquement significatif à partir d’un test de linéarité.

III.3.2.3.2. Test de linéarité de Hansen

Le test de linéarité a pour objectif de prouver si l’effet de seuil est statistiquement significatif
et réciproquement de montrer que la relation liant les variables explicatives à la variable
expliquée peut être représentée à l’aide d’un modèle à changements de régimes. Il consiste à
tester l’égalité des coefficients des différents régimes. Plus précisément, il s’agit de construire
un test d’hypothèse nulle de linéarité H0 : β1 = β2 contre l’alternative d’un modèle à transition
brutale avec un unique seuil H1 : β1 ≠ β2 (hypothèse d’un effet de seuil).

145
Si nous considérons le modèle PTR suivant la spécification suivante :

UV" = WV + %( 'V" X(+V"Y-) + %Z 'V" X(+V"[-) + /V" (19)

Alors, l’absence d’effet de seuil est représentée par l’hypothèse suivante : H0 : I8 = 0 contre
H1 : I8 ≠ 0. Sous H0, le seuil n’est pas identifié de sorte que le test classique comporte des
distributions non standard. Le problème qui se pose dans l’administration de ce test est que sous
H0 le seuil n’est pas déterminé et cette difficulté est appelée dans la littérature « problème de
Davies » (voir Davies 1977, 1987). Le test de linéarité doit donc être construit en considérant
ce paramètre comme étant fixé à sa valeur estimée. Il est ainsi possible d’utiliser les statistiques
de tests usuels telles que le test de Fisher :

ò)
õ& zõ( (-
°( = (20)
òZ
¢

1
ò8 = •(¶z1) l’estimateur de la
Où ô0 est la somme des carrés des résidus du modèle linéaire ; σ

variance et ô1 (@ö) la somme des carrés des résidus du modèle à un seuil.

La distribution des statistiques de tests n’étant pas connue puisque l’estimateur du paramètre
de seuil @ö n’est pas indépendant des observations, une simulation par bootstrap de la distribution
du test de Fisher est effectuée afin de générer une p-value. Cette simulation est faite en utilisant
une fonction de distribution proposée par Hansen (1999), soit :
(
P-value = ( − (( − ßzZ °( ) (21)

La règle de décision est la suivante : si la p-value de F1 est plus petite que la valeur
critique retenue (1%, 5% ou 10%), alors on rejette l’hypothèse nulle de linéarité.

III.3.2.3.3.Test de détermination du nombre de régime

En présence d’un seuil, il convient de passer à l’étape suivante consistant à détecter un second
seuil optimal, à partir du modèle à trois régimes suivant :

UV" = pV + %( 'V" X(+V" Y-( ) + %Z 'V" X(-( r+V" Y-Z ) + %s 'V" X(-Z r+V" ) + /V" (22)

Dans ce cadre, la procédure de test est similaire à la précédente. Plus précisément, pour tester
si le modèle possède deux régimes (®0 : It = 0), ou au minimum trois régimes (®1 ∶ It ≠
0), le test de Fisher suivant est appliqué :

õ( (-
ò )zõZ (-
ò ( ,-
òZ )
°Z = òZ
¢
(23)

146
Où ô8 est la somme des carrés des résidus pour un modèle à trois régimes.

L'hypothèse ®0 de seuil unique est rejetée en faveur de deux seuils si la valeur de ™8 est
supérieure aux valeurs critiques simulées par boostrap pour un niveau de significativité de 5%.
En cas de rejet de l’hypothèse nulle d’un modèle à deux régimes, la démarche de détermination
du nombre de régimes se poursuit, en considérant le modèle à 4 régimes :

UV" = pV + %( 'V" X(+V"Y-() + %Z 'V" X(-( r+V" Y-Z ) + %s 'V" X(-Zr+V" ) + %H 'V" X(-s r+V" ) + /V"

(24)

Il convient dans ce cadre de tester l’hypothèse nulle de trois régimes (H0 : β3 = 0) contre un
modèle en contenant au minimum quatre (H1 : β3 ≠ 0). Le test de Fisher F3 correspondant est
le suivant:

õ( (-
´( ,-
´)zõ ò( ,-
Z (- òZ ,-
òs )
°s = Z
(25)
òZ
¢

Où ôt est la somme des carrés des résidus du modèle à quatre régimes.

En cas de rejet de l’hypothèse nulle, la spécification doit contenir au minimum quatre régimes,
et la démarche devrait être poursuivie jusqu’au non rejet de l’hypothèse nulle. Toutefois dans
la pratique, un modèle à quatre régimes ne permet pas à ce jour de prendre en compte des effets
non-linéaires complexes ou la forte hétérogénéité de nos données. C’est ainsi que les
modélisations à seuil à transition lisse PSTR de González et al. (2005) ont été envisagées pour
contourner cette situation qui se trouve être une limite majeure des modèles PTR de Hansen
(1999).

III.3.2.3.4. Intervalle de confiance sur le seuil

Lorsque l’effet de seuil se confirme et que le nombre de régimes est déterminé, Hansen (1999)
montre que les seuils obtenus sont des estimateurs convergents des vraies valeurs et que la
distribution asymptotique de ceux-ci est non standard. Pour estimer leur intervalle de confiance,
il propose de former une région de non rejet en se servant des tests de Fisher qui viennent d’être
présentés lors des tests de non-linéarité.

Dans un modèle à p régimes, le test de Fisher revient à tester H0 : @ = @0 contre H1 : @ ≠ @0


à partir de la statistique de test suivante :

õ(-Æ ⁄-( ,…,-Æw( ;-Æ∞( ,…,-± )zõ(-


ò Æ ⁄-( ,…,-Æw( ;-Æ∞( ,…,-± )
¨≠(-) = òZ
¢
(26)

147
Où @0 est la vraie valeur du seuil, @≥ représente le seuil sur lequel l’intervalle de confiance
est créé et ô(@¥) est la somme des carrés des résidus obtenus en @≥ conditionnellement aux
autres seuils. Sachant que l’hypothèse nulle est rejetée pour des fortes valeurs de LR1 (@0 ),
l’intervalle de confiance à (1 − µ)% est donc la zone de "non rejet", ou autrement dit
l’ensemble des valeurs de @j pour lesquels ∑∏1 (@) ≤ π(µ) où π(µ) représente les valeurs
critiques du test associées à un risque de première espèce de α%. Pour obtenir ces derniers,
Hansen (1999) considère les valeurs critiques suivantes :

∫(ª) = −ZºΩæ (( − √( − ª) (27)

Par exemple pour µ = 10, % 5%, 1% , les ∫(ª) sont respectivement de 5.93, 7.35 et 10,59.
L’hypothèse nulle H0 : @¥ = @0 est rejetée pour un risque α, si la valeur de ∑∏1 (@)
excède ∫(ª).

III.3.3. Spécification du modèle empirique et données

III.3.3.1. Représentation du modèle à estimer

De façon pratique, l’équation (16) augmentée d’un vecteur de variables de contrôles _¿¡ sera
d’abord confrontée au test de linéarité. Elle se formule donc comme suit :

!V" = WV + ¬( √V" X(√V"Y-) + ªZ √V" X(√V"[-) + q′'l≈ + /V" (28)

Où ]^ représente les effets fixes individuels et 2^3 le terme d’erreur [4. 4. 5 (0, 7 8 )].
La variable endogène «^3 est la croissance économique des pays mesurée en logarithme du PIB
réel (lnGDP). La variable »^3 représente le taux d’inflation mesurée par la variation de l’indice
des prix à la consommation (INF). Elle est utilisée comme variable de transition et représente
ainsi la variable d’intérêt. Ι (. ), la fonction indicatrice et @ le paramètre de transition qui divise
l’équation en deux régimes différents avec les paramètres ª( , ªZ mesurant chacun l’effet
marginal de l’inflation sur la croissance. Ainsi, pour un temps donné, on satisfait la condition :
}U }UÆ"
ª( = }√V" ß" ªZ = }√ …ß|vß∫"V ß±ßà" |V √V" ≤ - ß" - > √Æ"
V" Æ"

Les variables de contrôle sont représentées par le vecteur _¿¡ . β~ désigne un ensemble de

paramètres associé à _¿¡ et représente des effets linéaires mesurés, soit en termes d’élasticité
(si I ~ = Ãlog («^3 )⁄Ã, soit en termes de semi-élasticité (si I ~ = Ãlog («^3 )⁄à (_^3 ) ). Le vecteur
de variables de contrôle comprend quatre facteurs considérés comme des déterminants de la
croissance, à savoir :

148
ü le degré d’ouverture (TOUV) mesuré par le rapport de la valeur des échanges extérieurs au
PIB et indique la dépendance vis-à-vis de l'extérieur. Conformément à la théorie
économique, l’effet de l’ouverture sur la croissance est positif ;
ü le taux d’investissement (TINVEST) représentant la proportion des investissements totaux
dans le PIB. Le signe du coefficient associé est attendu positif ;
ü le taux de consommation publique (TCONSP) qui représente la part des
dépenses publiques totales dans le PIB. Le signe du coefficient est attendu positif ;
ü la croissance démographique, noté log(POP), qui correspond à la variation totale de la
population mesurée en logarithme de cette dernière ;

III.3.3.2. Description des données et tests de stationnarité

Les données utilisées sont celles des pays d’Afrique de l’Ouest engagés dans le processus
d’unification monétaire et l’analyse couvre une longue période allant de 1980 à 2018. Les
données proviennent des bases de données du World Development Indicator (WDI), du FMI et
de la CNUCED.

Le panel comporte douze pays de la CEDEAO, à savoir ceux pays de l’UEMOA et de la ZMAO,
exceptés le Libéria et la Guinée. Ces deux pays sont exclus de l’analyse en raison de problème
de disponibilité de données sur cette période et de la contrainte méthodologique qui veut que le
panel soit cylindré.
Il convient de noter d’un point de vue économétrique que la double dimension des données de
panel permet à la fois de capter les effets dynamiques dans le comportement des agents et de
contrôler l’hétérogénéité individuelle et/ou temporelle. La grande variabilité des données de
panel et l’importance les disparités interindividuelles jointes à leur double dimension
permettent d'éviter les problèmes de multicolinéarité (Hsiao, 1986). En outre, la richesse
considérable des données de panel en terme d’information tant en quantité qu’en variabilité
conduit aux conséquences suivantes :
§ la variabilité considérable des observations conduit à des R2 relativement faibles, comparés
à ceux que l'on peut obtenir lors de régressions sur séries temporelles ;
§ le nombre très important d'individus observés permet une grande précision des estimations.
Avant de passer à l’étape de l’estimation, l’existence de racine unitaire dans les données de
panel à l’aide des tests de stationnarité de Levin-Lin-Chu (2002) (LLC) et Im-Pesaran-Shin
(2003) (IPS) a été vérifiée (voir Tableau 9). Les résultats de ces tests ont montré que seuls les
taux d’inflation, d’ouverture et de consommation publique sont stationnaires en niveau. Ainsi,

149
pour plus de simplicité et de cohérence et pour ne pas être confronté à des résultats erronés,
toutes les autres variables ont été rendues stationnaires en tenant compte de leur différence
première.
Tableau 9 : Tests de stationnarité des variables

VARIABLES LLC IPS


Statistic Prob. Statistic Prob.*
€(ë‹›(fi€fl)) -10,171 0,000 -10,630 0,000
INF -8,120 0,000 -7,273 0,000
TOUV -1,083 0,140 -2,254 0,012
TCONSP -4,385 0,000 -4,288 0,000
D(TINV) -11,916 0,000 -14,884 0,000
€(ë‹›(fl‚fl)) -6,821 0,000 -8,326 0,000
Source : Calculs de l’auteur

III.3.3.3. Test de spécification du modèle à effets fixes

Puisque le modèle PTR repose sur l’hypothèse restrictive de l’existence d’effets fixes, la
question est alors de savoir si le modèle retenu est un modèle à effets aléatoires ou à effets fixes.
La confirmation de la présence d’effets individuels avec le test de Fischer nous conduit ainsi à
procéder au test d’Hausman (1978) qui constitue le test standard de spécification des effets
individuels. Ce test repose sur les hypothèses suivantes :
H0 : Présence d’effets aléatoires
H1 : Présence d’effets fixes
Lorsque la probabilité de ce test est inférieure au seuil de 5%, le modèle à effets fixes est
privilégié. Dans le cas contraire, le modèle à effets aléatoires est préféré et, dans ce cas, il sera
impossible de poursuivre les estimations. Le test de Hausman donne les résultats suivants :
Tableau 3 : Test de Hausman
---- Coefficients ----
| (b) (B) (b-B) sqrt(diag(V_b-V_B))
| fixed . Difference S.E.
-------------+----------------------------------------------------------------
D1.tinv | .0013603 .0013759 -.0000156 .0000217
cfp | .0000741 .0000327 .0000414 .0000908
trade | .0005359 .000392 .0001439 .0000588
D1.lnpop | 2.510856 2.204406 .3064499 .13381
ipc | -.0002014 -.0001756 -.0000258 .0000344
------------------------------------------------------------------------------

chi2(5) = (b-B)'[(V_b-V_B)^(-1)](b-B) = 12.12

Prob>chi2 = 0.0331

150
La p-value associée au test est inférieure au seuil de 5%, on rejette l’hypothèse nulle de présence
d’effets aléatoires, ce qui autorise la procédure d’estimation du modèle empirique.

III.3.4. Présentation des résultats

Les résultats des estimations effectuées à l’aide du logiciel Stata 16 proviennent d’une nouvelle
commande Stata (xthreg) développée par Wang (2015) pour implémenter un modèle PTR. Il
s’agit d’un programme permettant d’estimer de manière itérative le modèle retenu (équation
28) afin de tester l’existence de linéarité dans la relation entre l’inflation et la croissance,
d’estimer les dynamiques non-linéaires quand la linéarité est rejetée et de fournir des intervalles
de confiance.

Pour déterminer le nombre de seuils, le modèle est estimé de manière séquentielle pour n seuils
et les statistiques de test de Fisher de linéarité F1, F2, associés à leurs p-values du bootstrap
sont calculées. Afin de vérifier la sensibilité de(s) seuil(s) du modèle aux variables omises, ces
tests sont appliqués au modèle en retirant quelques variables de contrôle l’une après l’autre.
Cela se justifie par le fait que certaines variables telles que le taux de change effectif réel et la
qualité des institutions identifiées dans la littérature pour tester la sensibilité des seuils n’ont
pas été contrôlées en raison de données non disponibles sur la période considérée.

III.3.4.1. Estimation du taux optimal d’inflation et tests d’effets de seuil

D’abord concernant l’estimation du seuil d’inflation par les moindres carrés ordinaires à partir
de la valeur qui minimise la séquence du ratio de vraisemblance (LR), les résultats suggèrent
un seuil de 6,62% (voir tableau 10).

Le test de linéarité (F test) rejette l'existence de l'hypothèse nulle de linéarité en faveur


l’existence d’un effet de seuil. La p-value de bootstrap utilisée pour corriger le test confirme la
non-linéarité du modèle et la présence d’un seuil significatif à 5% (p-value = 0.01 < 5%).
L'intervalle de confiance indique qu'à un risque de première espèce de 5%, le seuil d'inflation
se situerait entre 5,78% et 6,69%.

Après avoir analysé les effets sur le seuil, les résultats du test de sensibilité indiquent que le
seuil de 6,62% est robuste par rapport aux effets des variables omises. En effet, dans les deux
autres modèles, l’effet d’un seul @ est statistiquement significatif avec une p -value inférieure
au risque de 5 %.

151
Tableau 10. Test de linéarité du modèle
Modèle Modèle 2 Modèle 3
empirique
retenu

Estimateur de seuil
Paramètre du seuil : - 6.62% 6.62% 6.62%
IC à 95%
[5.78 6.69] [5.78 6.69] [5.78 6.69]
Test d'effet de seuil de Fisher (bootstrap = 300)

F1 test 15.19 16.79 16.60


P-value du bootstrap 0.0100 0.0033 0.0100

Source : calculs de l’auteur. Note : Les p-values et les valeurs critiques sont estimés à partir d’un boostrap
comprenant 300 simulations, ™1 test correspond à la statistique de Fisher associée au test de l’hypothèse nulle
de linéarité contre l’alternative d’un modèle à transition brutale d’un seuil unique

L’application du test de détermination du nombre de seuil révèle la présence d’un second seuil
optimal de 34.09% avec p-value de 0.06%. L'intervalle de confiance indique que ce seuil se
situerait entre 27.96% et 35.99% avec un risque de première espèce de 5%. Toutefois, le
troisième seuil est rejeté avec une p-value de 0.73, ce qui suggère que le modèle est un modèle
à double seuil. Les résultats du test de sensibilité indiquent que le seuil de 34.09% est robuste
par rapport aux effets des variables omises.

Tableau 11.Test de détection d’autres seuils


Modèle Modèle 2 Modèle 3
empirique
retenu

Test de double seuils (boostrap=300)


nd
Estimateur du 2 seuil : -Z 34,09 34.09 34.09
IC à 95% [27.9635.98] [27.96 35.99] [27.96 35.99]
F2 test 9.66 11.97 12.14
P-value du bootstrap 0.06 0.0367 0.0333
Test de triple seuils (boostrap=300)
ème
Estimateur du 3 seuil : -s 1.32 6.62 6.62
IC à 95% [1.30 1.36] [6.52 6.69] [6.52 6.69]
F3 test 4.57 4.75 4.63
P-value du bootstrap 0,73 0.6867 0.6767

Source : Calculs de l’auteur

152
Dans la figure 21, chaque graphique permet de représenter l’intervalle de confiance associé au
risque de première espèce de 5 % qui correspond à l’ensemble des valeurs seuil pour lesquelles
le ratio de vraisemblance est inférieur à la valeur critique de 7.35.

Figure 21.Intervalles de confiance pour les deux seuils

Calculs de l’auteur. Note : La figure retrace les séquences de LR en fonction de toutes les valeurs possibles de
seuil d’inflation. Il convient de retenir que les valeurs seuils correspondent aux points de contact entre la courbe
du ratio de vraisemblance et l’axe des abscisses. La ligne rouge indique la valeur critique du test associée au seuil
de 5%.

En intégrant les valeurs du premier seuil (@1 = 6,62) et du second seuil (@8 = 34,1) dans le
modèle comme coefficients de la variable indicatrice, il en résulte la spécification suivante :

UV" = WV + ¬( √V" X(√V"Y„.„) + ªZ √V" X(„,„Zr√V"YsH.() + ¬s √V" X(√V" [sH,() + q′'l≈ + /V" (29)

Une fois les seuils déterminés, il reste à passer à l’étape suivante consistant à estimer les
paramètres dépendants (α1 et α8 αt ) et indépendants (le vecteur de paramètres β’) des trois
régimes du modèle.
III.3.4.2. Estimations des régresseurs

Les résultats des estimations des régresseurs du modèle (équation 29) sont reportés dans le
tableau 12.

153
Tableau 12. Résultats des estimations des autres paramètres
Modèle empirique Modèle 2 Modèle 3
retenu
Impact des régresseurs dépendants des régimes

ª( 0.007*** 0.0045*** 0.0078 ***


(0.0020) (0.0010) (.0021)
ªZ 0.0016 0.0015 0.0015
(0.0001) (0.0014) (0.0014)
ªs -0.0015*** -0.0016*** -0.0016***
(0.0003) (0.0004) (0.0004)

Impact des régresseurs indépendants des régimes


Taux d'investissement 0.0013** 0.0014** 0.0014 **
(0.00050) (0.00052) (0.00054)
Taux d'ouverture 0.0006*** 0.0006*** 0.0006 ***
(0.0001) (0.00015) (0 .00015)
Taux de consommation 0.00013 0.0002
publique (0.0003) (0.00033)
croissance démographique 2.265***
(0.4264)
Constante -0.0539*** 0.0068*** 0.008
(.0150) (0.0100) (0.0095)
Nombre d'observation 456 456 456
Nombre de pays 12 12 12
Calculs de l’auteur. Note : Les valeurs entre parenthèses représentent les erreurs standards de la valeur du dessus.
Les signes*** et ** indiquent respectivement la significativité des coefficients aux seuils de 1% et 5%.

a. Effets marginaux de l’inflation sur la croissance

L’existence de trois régimes d’inflation démontre à suffisance les enjeux de l’impact de de


l’inflation sur la croissance dans les pays de la CEDEAO. Les résultats appellent les
observations qui suivent.
Ø Dans le premier régime, quel que soit le modèle estimé le coefficient d’inflation apparaît
positif et significatif, ce qui suggère qu’à des taux d’inflation inférieurs à 6,6%, toute
montée de l’inflation est favorable à la croissance économique. De ce point de vue, toute
mesure expansionniste visant à favoriser la croissance serait profitable pourvu que les
taux d’inflation soient maintenus de façon durable à un niveau faible ou modéré de moins
de 6,6%.
Ø Au niveau du second régime, le paramètre de seuil n’est pas significatif. Pour cette raison,
on ne peut pas savoir avec précision quel serait l’effet d’une hausse des prix sur l’activité

154
économique lorsque les taux d’inflation se trouvent entre 6,6% et 34,1% ; d’après les trois
modèles, l’effet sur la croissance d’une accélération de l’inflation ne peut être déterminé
concrètement dans cette fourchette.
Ø Dans le troisième régime, les estimations montrent qu’une poussée de l’inflation au-delà
de 34,1% serait significativement nuisible à l’activité économique. Ainsi, toute mesure
de politique susceptible de ramener l’inflation à plus de 34,1 % pourrait favoriser une
baisse de la croissance dans les économies des pays étudiés.
Ø L'effet marginal de l’inflation sur la croissance économique des pays est très faible dans
les différents régimes. Si le taux d'inflation est en dessous de son niveau optimal de 6,6%,
une augmentation du niveau d'inflation de 1% induirait une augmentation de la croissance
seulement de 0,007%. Toute accélération de l’inflation jusqu’à ce seuil serait associée à
des gains très faible de croissance.
Ø Il se produit une forte similarité entre les résultats observés dans les trois modèles.

b. Effets des variables de contrôle

En ce qui concerne l'impact des variables de contrôle, les résultats sont assez concluants au
regard de la théorie économique. En effet, à l’exception des dépenses de consommation
publique dont le coefficient associé n’est pas apparu significatif, toutes les autres variables (le
niveau d’ouverture, le taux d’investissement et la démographie) permettent de stimuler la
croissance économique dans la CEDEAO.

Ø Le coefficient associé au taux d’investissement est positif et statistiquement significatif (à


5%) conformément aux prédictions de la théorie selon lesquelles l’accumulation du capital
est censée favoriser la croissance. L’effet positif de l’ouverture commerciale, à travers le
développement des échanges, corrobore le consensus appuyant les effets bénéfiques de
l’ouverture commerciale pour les pays en développement. Il s’agit là donc de deux
potentiels canaux pouvant être utilisés pour accroître et soutenir la croissance économique
au sein de la région et au sein de la future union monétaire régionale.
Ø Aussi, le poids du coefficient associé à l’accroissement démographique montre son effet
important sur la croissance des pays.

155
CONCLUSION GENERALE
Au terme de ce travail, nous rappelons d’abord succinctement la problématique et la démarche
méthodologique, pour examiner ensuite les principaux résultats et les perspectives de recherche.

L’objectif de cette thèse était d’étudier l’applicabilité du ciblage de l’inflation dans les pays de
la CEDEAO, en se basant sur des expériences internationales, ainsi que les implications de sa
mise en œuvre en termes d’objectif numérique.

Pour ce faire, nous avons commencé, dans un premier chapitre, à examiner les traits
caractéristiques de renouvellement de la théorie de la politique monétaire en faveur de la
crédibilité de la banque centrale et de l’optimalité à travers un survol rapide des principaux
travaux sur la conduite de la politique monétaire. Dans un premier temps, nous avons passé au
crible le débat « règles versus discrétion » qui a rythmé les années 1970-1980 et qui semble
avoir trouvé une réponse consensuelle au début des années 1980 en faveur des règles, sous
l’impulsion des travaux de Kydland et Prescott (1977), puis de Barro et Gordon (1983). Ces
auteurs ont pu démontrer comment une politique discrétionnaire, à la poursuite simultanée d’un
objectif de stabilité des prix et de croissance, conduisait toujours à un biais inflationniste sans
avantage pour la croissance et à une perte de crédibilité de la banque centrale. La définition de
règles pour la conduite de la politique monétaire est ainsi présentée comme le meilleur moyen
d’éviter ce biais inflationniste tout en améliorant la crédibilité de la banque centrale. La mise
en œuvre par plusieurs banques centrales en Europe de politiques monétaires basées sur des
règles se trouve ainsi pleinement justifiée. Mais parallèlement, une tendance claire vers une
indépendance accrue des banques centrales s’est développée avec les travaux de Rogoff (1985)
et s’est présentée comme une solution alternative pour accroître la crédibilité de leurs actions
et d’éviter l’emploi de règles trop rigides.

Au-delà des clivages théoriques mis en avant dans le débat « règles versus discrétion, nous
avons souligné que la stratégie de ciblage d’inflation a suscité un intérêt particulier suite à
l’échec des tentatives de cibler la masse monétaire et face au déclin des régimes de change fixes
dû aux crises de changes intervenus à la fin des années 1990. Après avoir clarifié les contours
du régime de ciblage et ses modalités pratiques, nous avons souligné qu’il repose sur un certain
nombre de conditions institutionnelles et économiques (l’indépendance de la banque centrale,
des systèmes bancaire et financier solides, des infrastructures avancées et une structure
économique stable). En dernier lieu, nous avons établi diverses performances de pays suivant
cette stratégie grâce aux travaux empiriques menés par des universitaires et des responsables

156
de politique économique. Au fil des réflexions, il a été reconnu plusieurs points forts de la
stratégie de politique, ce qui en résulte une recommandation forte de celle-ci par le FMI à
l’endroit des pays émergents.

Dans un deuxième chapitre, nous avons analysé la crédibilité du processus d’intégration


monétaire engagé au sein de la CEDEAO à la lumière des théories des ZMO et aux efforts
poursuivis par les pays candidats pour réaliser la convergence macroéconomique ainsi que
l’applicabilité du ciblage d’inflation dans la région. Pour apprécier les progrès en matière
d’intégration monétaire, nous avons confronté les critères édictés par la théorie des ZMO à la
situation de la CEDEAO. Au regard des faits mais aussi des travaux empiriques
l’endogénéisation des critères d’optimalité constitue une voie salutaire pour justifier le passage
à la monnaie unique. De plus, les difficultés des pays à respecter les critères de convergence
tendent à conforter l’argument selon lequel la convergence macroéconomique doit être perçue
comme un objectif permanent et non comme une condition préalable à l’adhésion à une union
monétaire. Dans ce chapitre, nous avons également établi les expériences des pays en fonction
du régime de change adopté en étudiant les performances macroéconomiques sous régionales.
Même si les résultats ne sont pas assez concluants, ils sont permis d’établir que le taux
d’inflation apparaît ainsi 4 fois plus important dans les pays à régime de change flexible.
L’analyse de la volatilité de la production a révélé, pour sa part, que la croissance est moins
instable dans l’UEMOA.

En étudiant l’applicabilité du ciblage d’inflation, nous avons d’abord tenté d’examiner les
caractéristiques des cadres de politique monétaire. De ce point de vue, l’examen des sites web
des banques centrales nous a permis de montrer qu’au fil des ans celles des pays de la CEDEAO
ont cherché, à l’instar de celles pays développés, à adapter leur cadre de politique monétaire
aux nouveaux défis de l'économie mondiale, en engageant des réformes institutionnelles ou
opérationnelles. Ces réformes ont d’abord visé à libéraliser le marché monétaire des pays dans
le cadre des programmes d’ajustement structurel, puis à accroître l’autonomie des banques
centrales. Aujourd’hui, la plupart d’entre elles ont pour principal objectif la stabilité des prix
même si les approches diffèrent les unes des autres ; dans certains cas, l’objectif de stabilité du
secteur financier et/ou de croissance économique vient s’y greffer. Par ailleurs, l’exploitation
des résultats des travaux sur les pays ayant affiché leur stratégie de ciblage d’inflation nous a
permis de mettre en évidence que ces derniers n’ont pas toujours adopté les mêmes façons de
faire. En effet, la plupart des pays ont adopté ce type de régime à un stade précoce, sans donc
complètement remplir les conditions économiques et institutionnelles préalables.

157
Dans le troisième chapitre, nous nous sommes intéressés à la détermination du taux optimal
d’inflation dans la zone CEDEAO. Après avoir établi une revue empirique des travaux se
rapportant à la relation inflation-croissance, il est apparu que les effets négatifs de l'inflation sur
la croissance se produisent de manière générale quelque part en dessous d'un seuil de 20%, et
très probablement dans une fourchette à un chiffre. Dans ce cadre, nous avons mené une analyse
de la relation entre l’inflation et la croissance sur des données transversales des pays qui a fait
ressortir un certain nombre d’observations dont notamment l’inexistence d’une relation linéaire
entre elles. C’est ainsi que nous avons utilisé un modèle à seuils en données de panel pour
vérifier cette hypothèse de non-linéarité. Dans notre démarche méthodologique, nous avons
utilisé les procédures développées par Hansen (1999). La simplicité du modèle à seuils ainsi
que les propriétés qu’il recouvre au plan pratique (c’est-à-dire sa capacité à décrire une rupture
structurelle dans la relation entre les variables économiques) et économique (eu égard à ses
implications évidentes pour la politique économique) ont justifié pleinement son choix.

Pour les besoins de l’estimation de notre modèle, nous avons utilisé à l’aide du logiciel Stata
16 une commande Stata (xthreg) développée par Wang (2015) qui est un programme permettant
d’estimer de manière itérative un modèle PTR afin de tester l’existence de linéarité dans une
relation, d’estimer les dynamiques non-linéaires quand la linéarité est rejetée et de fournir des
intervalles de confiance. Les résultats de notre estimation ont mis en évidence deux seuils
d’inflation significatifs : un premier seuil de 6,6% avec un intervalle de confiance qui se
situerait entre 5,8% et 6,7% et un autre de 34,1% pour un intervalle compris entre 27,9% et
368%. Trois régimes d’inflation existent donc dans la CEDEAO. Dans le premier, jusqu’à un
niveau d’inflation de 6,6% une inflation plus élevée est associée à des gains de croissance du
PIB, mais de façon faible (au regard des coefficients) dans la zone CEDEAO. Pour des taux
d’inflation se trouvant dans la fourchette de 6,6 % à 34,1%, on ignore l’effet de l’inflation sur
la croissance puisque le coefficient est apparu non significatif. Cependant, au-delà du second
seuil de 34,1%, toute augmentation de l’inflation est susceptible de nuire significativement à
l’activité économique. Ainsi, toute mesure de politique susceptible de ramener l’inflation à plus
de 34,1 % pourrait favoriser une baisse de la croissance dans les économies des pays considérés.
Par ailleurs, nous avons trouvé que d’autres facteurs comme l’investissement, l’ouverture
commerciale, ou encore l’accroissement démographique permettent de stimuler la croissance
économique de la région. Il s’agit donc là de potentiels canaux pouvant être utilisés pour
accroître et soutenir la croissance économique au sein de la région et dans le cadre de la future
union monétaire régionale.

158
Toutefois, les résultats issus de notre estimation peuvent être étendus en étudiant séparément
l’échantillon suivant l’appartenance ou non des pays à une union monétaire ou selon une
répartition des pays en termes de spécialisation ou de niveau de développement, afin de les
comparer. Tirons-nous les mêmes conclusions, par exemple, pour les pays de l’UEMOA et ceux
des pays de la ZMAO ou encore pour le groupe de pays dont le secteur industriel émerge
relativement (le Nigeria, le Ghana, la Côte d’Ivoire et le Sénégal) et ceux des autres pays
(Burkina Faso, Gambie, Mali, Niger, etc.). Ensuite, nous pouvons comparer les résultats de
différents clusters de pays afin d’en tirer les enseignements utiles à la stratégie de ciblage
d’inflation dans la région. Aussi, pouvons-nous étendre les résultats en étudiant, toujours à des
fins de comparaison, les seuils de chaque pays à l’aide d’un modèle autorégressif à seuil – TAR
(threshold autoregressive regression).

Une autre extension possible est de recourir à une modélisation reposant sur un mécanisme à
transition lisse (PSTR : Panel Smooth Threshold Regression model) introduite par González et
al. (2005) afin de mieux étudier le degré de sensibilité des résultats au changement de modèle.

159
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Abo-Zaid, S and D Tuzemen (2012): “Inflation targeting: a three-decade perspective”, Journal
of Policy Modeling, vol 34, no 5, September, pp 621–45.
Abraham-F.G., Larbre F. (1998) : “La macroéconomie après Lucas”, «economie » Ed.
economica
Agénor P-R et L. Pereira da Silva (2019): « Integrated inflation targeting: another perspective
from the developing world » Bank for International Settlements, 2019, pp 135
Aiyagari S. Rao (1990), « Deflating the case for zero inflation », Quarterly Review, Federal
Reserve Bank of Minneapolis, vol. 14 (Somme), pages 2-11.
Alpanda, S and A Honig (2014): “The impact of central bank independence on the performance
of inflation targeting regimes”, Journal of International Money and Finance, vol 44, June, pp
118–35.
Ardakani, O, N Kishor and S Song (2018): “Re-evaluating the effectiveness of inflation
targeting”, Journal of Economic Dynamics and Control, vol 90, May, pp 76–97.
Ayres et al., (2014): Does inflation targeting lower inflation and spur growth? Journal of Policy
Modeling, 36 (2014), pp. 373-388
Baglan and Yoldas (2014): Non-linearity in the inflation-growth relationship in developing
economies: Evidence from a semiparametric panel model. Economics Letters, 125 (2014), pp.
93-96
Balima, H, E Kilama and R Tapsoba (2017): “Settling the inflation targeting debate: lights from
a metaregression analysis”, IMF Working Papers, no 17/213, September.
Barro (1991): « Economic growth in a cross-section of countries. » Quarterly Journal of
Economics, 106 (1991), pp. 407-443
Barro R., D. Gordon (1983): « A Positive Theory of Monetary Policy in a Natural Rate Model
», Journal of Political Economy, pp. 589-610.
Barro R., D. Gordon (1983): « Rules, discretion and reputation in a model of monetary policy»,
Journal of Political Economy, 12 (1983) pp 101-121.
Barro, R.J. (1995): Inflation and economic growth. No. w5326. National bureau of economic
research.
Bénassy-Quéré A. (2005) : « L'Afrique Apporte son Eco » : La Lettre du CEPII –N°243, mars.
Bénassy-Quéré A. and M. Coupet (2005): « On the Adequacy of monetarycarrangements in
Sub-Saharian Africa »; The World Economy, vol. 28, n° 3, mars.
Bernanke B. et Mishkin f. (1997): « Inflation Targeting: a New Framework forMonetary
Policy», Journal of Economics Perspectives, pp. 97-116.
Bernanke S., Laubach T., Mishkin F. et Posen A.S. (1999) Inflation Targeting: Lessons from
The International experience (Princeton University Press).
Bertrand Blancheton (2009) : Sciences économiques, édition Dunod, 2009
Bhattacharya (2014): Inflation dynamics and monetary policy transmission in Vietnam and
emerging Asia. Journal of Asian Economics, 34 (2014), pp. 16-26

160
Bick (2010): « Threshold effects of inflation on economic growth in developing countries. »
Economics Letters, 108 (2010), pp. 126-129
Bikai et Kamgna (2011) : “effets de seuils de l’inflation sur l’activité économique en CEMAC
: analyse par un modele de panel à seuil non dynamique”. Economie et société, 46(5).1017-
1038.
Bittencourt, M., M. Seleteng and R. van Eyden (2013): " Non-linearities in inflation-growth
nexus in the SADC region: A panel smooth transition regression approach ", Economic
Modelling 30, 149-156
Bourbonnais, R. (2000) : “Econométrie”, « Dunod», 3ème édition.
Broto, C (2011): “Inflation targeting in Latin America: empirical analysis using GARCH
models”, Economic Modelling, vol 28, no 3, May, pp 1424–34.
Bruno, M., & Easterly, W. (1998): Inflation crises and long-run growth. Journal of Monetary
Economics, 41(1), 3-26.
Bruno, Michael (1995): “Does Inflation Really Lower Growth?” Finance and Development,
September, pp. 35 – 38.
Burdekin, R. C., Denzau, A. T., Keil, M. W., Sitthiyot, T., & Willett, T. D. (2004): When
does inflation hurt economic growth? Different nonlinearities for different economies. Journal
of Macroeconomics, 26(3), 519-532.
Canarella, G and S Miller (2017): “Inflation targeting and inflation persistence: new evidence
from fractional integration and cointegration”, Journal of Economics and Business, vol 92, July,
pp 45–62.
Carré M. ET F. Collard (2003): “Monetary Union: A Welfare Based Approach”, European
Economic Review 47 (2003) 521–552.
Cerisola, M and G Gelos (2009): “What drives inflation expectations in Brazil? An empirical
analysis”, Applied Economics, vol 41, no 10, December, pp 1215–27.
Chari,V., Jones L., & Manuelli, R. (1996) : Inflation, Growth, and Financial Intermediation.
Federal Reserve Bank of St. Louis Economic Review.
Cheng, 1999] Cheng, M.Y. (1999): The transmission mechanisms of inflation: An empirical
study on the ASEAN economies. PhD. thesis, Universiti Pertanian Malaysia.
Choi, 2001] Unit root tests for panel data. Journal of International Money and Finance, 20
(2001), pp. 249-272
Combey, A. et K. Nubukpo (2011) : " Effets non linéaires de l'inflation sur la croissance dans
l'UEMOA ", Communication présentée au Colloque " Dynamiques de croissance au sein de
L'Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine(UEMOA) " Ouagadougou, Juillet
Cooley, T. and Hansen, G.D. (1991): The Welfare Cost of Moderate Inflation. Journal of
Money Credit and Banking, 23, 483-513.
De Servigny A. et Zelenko I. (1999): « Economie financière », Dunod, Paris
Dornbusch, R., S. Fischer and C. Kearney. (1996). Macroeconomics. The Mc-Graw-Hill
Companies, Inc., Sydney

161
Dotsey, M., & Sarte, P. D. (2000). Inflation uncertainty and growth in a cash-in-advance
economy. Journal of Monetary Economics, 45(3), 631-655.
Drukker, D., G. Pedro and H. Paula (2005), " Threshold effects in the relationship between
inflation and growth: a new panel-data approach ", MPRA Paper No. 38225
Eggoh and Khan, (2014)]: « On the non-linear relationship between inflation and economic
growth. » Research in Economics, 68 (2014), pp. 133-143
Espinoza, R., H. Leon and A. Prasad (2010): «Estimating the Inflation-Growth Nexus-A
Smooth Transition Model ", IMF Working Paper, WP/10/76, March
Ferreira de Mendonça, H and G de Guimarães e Souza (2012): “Is inflation targeting a good
remedy to control inflation?” Journal of Development Economics, vol 98, no 2, July, pp 178–
91.
Ferreira de Mendonça, H and K de Siqueira Galveas (2013): “Transparency and inflation: what
is the effect on the Brazilian economy?” Economic Systems, vol 37, no 1, March, pp 69–80.
Fischer, S. (1993). The role of macroeconomic factors in growth. Journal of Monetary
Economics, 32(3), 485-512.
Fok D., Van Dijk D. et Franses P. (2005): « A Multi-Level Panel STAR Model for US
Manufacturing Sectors ». Journal of Applied Econometrics Vol. 20, N° 6, p. 811-827.
Fok, D., van Dijk, D., Franses, and P., (2005): « A multi-level panel STAR model for US
manufacturing sectors ». J. Appl. Econom. 20 (6), 811–827.
Gerlach, S and P Tillmann (2012): “Inflation targeting and inflation persistence in Asia-
Pacific”, Journal of Asian Economics, vol 23, no 4, August, pp 360–73.
Ghosh and Phillips (1988): Warning: Inflation may be harmful to your growth. IMF, Staff
Papers, 45 (1988), pp. 672-710
Ghosh, (2014): How do openness and exchange-rate regimes affect inflation? International
Review of Economics et Finance, 34 (2014), pp. 190-202
Gillman, M., and M. Kejak (2002): “Modeling the Effect of Inflation: Growth, Levels, and
Tobin,” in Proceedings of the 2002 North American Summer Meetings of the Econometric
Society: Money, ed. by D. Levine.
Gokal, V. and Hanif, S. (2004): Relationship between Inflation and Economic Growth in Fiji.
Working Paper 2004/04.
Gomme, P. (1993): Money and growth revisited: Measuring the costs of inflation in an
endogenous growth model. Journal of Monetary economics, 32(1), 51-77.
González, A., Teräsvirta, T et Dijk, D. v. (2005): Panel Smooth Transition Regression Models.
Research Paper 165.
Granger and Teräsvirta (1993): « Modelling non-linear economic relationships. », Oxford
University Press,
Grimes, (2006): « A smooth ride: Terms of trade, volatility and GDP growth », Journal of Asian
Economics, 17 (2006), pp. 583-600

162
Gylfason, T., & Herbertsson, T. T. (2001): Does inflation matter for growth? Japan and the
World Economy, 13(4), 405-428.
Hansen (1999): « Threshold effects in non-dynamic panels: Estimation, testing and inference. »
Journal of Econometrics, 93 (1999), pp. 345-368
Hansen (2000): « Sample splitting and threshold estimation. » Econometrica, 68, pp. 575-603
Hansen, (1999): « Threshold effects in non-dynamic panels: Estimation, testing and inference.
Journal of Econometrics, 93 (1999), pp. 345-368
Hansen, (2000): « Sample splitting and threshold estimation ». Econometrica, 68 (2000), pp.
575-603
Hartmann, M and J Roestel (2013): “Inflation, output and uncertainty in the era of inflation
targeting – a multi-economy view on causal linkages”, Journal of International Money and
Finance, vol 37, October, pp 98–112.
Haslag, J. H. (1998): “Monetary Policy, Banking, and Growth,” Economic Inquiry, 36, 489-
500.
Ibarra, R. and D. Trupkin (2016): “Reexamining the relationship between inflation and growth:
Do institutions matter in developing countries?” Economic Modelling, 52, 332- 351
Im et al., (2003): Testing for unit roots in heterogeneous panels. Journal of Econometrics, 115
(2003), pp. 53-74
Jiranyakul and Opiela, 2010: Inflation and inflation uncertainty in the ASEAN-5 economies.
Journal of Asian Economics, 21 (2010), pp. 105-112
Kan, E. Ö and T. Omay (2010): " Re-examining the threshold effects in the inflation–growth
nexus with cross-sectionally dependent non-linear panel: Evidence from six industrialized
economies ", Economic Modelling 27: 996–1005
Keynes, John Maynard (1920): « The Economic Consequences of the Peace. » Harcourt, Brace
and Howe, 1920
Khan and Senhadji, 2001] Khan, M.S., et A. S. Senhadji, (2001): Threshold effects in the
relationship between inflation and growth. IMF Working Paper 48. Retrieved 20/1/2014, 2014.
Kose, M, H Matsuoka, U Panizza and D Vorisek (2019): “Inflation expectations: review and
evidence”, in J Ha, M Ayhan Kose and F Ohnsorge (eds), Inflation in emerging and developing
economies, World Bank Publications.
Kremer, S., A. Bick and D. Nautz (2013): “Inflation and Growth: New Evidence from a
Dynamic Panel Threshold Analysis”, Empirical Economics, 44(2), 861-878
Landais B. (2008). “« Leçons de politique monétaire »”, « de boeck »,1ère édition
Levin et al. (2002): Unit root tests in panel data: Asymptotic and finite-sample properties.
Journal of Econometrics, 108 (2002), pp. 1-24
Lin, S and H Ye (2009): “Does inflation targeting make a difference in developing countries?”
Journal of Development Economics, vol 89, no 1, May, pp 118–23.
López-Villavicencio, A. and V. Mignon (2011): " On the impact of inflation on output
growth: Does the level of inflation matter? « Journal of Macroeconomics 33 (3), 455–464

163
Luukkonen et al. (1998): Testing linearity against smooth transition autoregressive models.
Biometrika, 75 (1998), pp. 491-499
Mankiw N.G. (2003): “« Macroéconomie”, « de boeck », 3ème édition
Mc Callum, Bennett (1997): « The Allegeded Instability of Nominal Income Targeting »,
NBER Working Paper, n°6291.
Mc Callum, Bennett et Nelson, Edward (2004): “« Timeless Perspective vs. Discretionary
Monetary Policy in Forward looking Models »”, FRB Saint Louis Review, Vol.46, mars-avril.
Mc Kinnon R. I. (1973): « Money and capital in economic development, the Broking Institution
Washington D.C.
Mendoza (1996): « Terms-of-trade uncertainty and economic growth. » Journal of
Development Economics, 54 (1996), pp. 323-356
Minea, A and R Tapsoba (2014): “Does inflation targeting improve fiscal discipline?” Journal
of International Money and Finance, vol 40, pp 185–203.
Minea, A and R Tapsoba (2014): “Does inflation targeting improve fiscal discipline?” Journal
of International Money and Finance, vol 40, pp 185–203.
Mishkin, F. S. (2004): “Can Inflation Targeting Work in Emerging Market Countries?”
National Bureau of Economic Research, 10646.
Mollick, A, R Cabral and F Carneiro (2011): “Does inflation targeting matter for output growth?
Evidence from industrial and emerging economies”, Journal of Policy Modeling, vol 33, no 4,
July, pp 537–51.
Montes, G (2013): “Credibility and monetary transmission channels under inflation targeting:
an econometric analysis from a developing country”, Economic Modelling, vol 30, January, pp
670–84.
Moshiri, S., & Sepehri, A. (2004): Inflation-Growth Profiles across Countries: Evidence
fromDeveloping and Developed Countries. International Review of Applied Economics, 18,
191-207.
Mundell R (1961): A theory of optimum currency areas.” « American Economic Review 51
(novembre) »: 657–665
Mundell R (1961): A theory of optimum currency areas.” American Economic Review 51
(novembre):657–665
Mundell, R. (1963): « Inflation and real interest. » Journal of Political Economy, 71(3), 280-
283
Mundell, R., (1963): « Capital mobility and stabilization policy under fixed and flexible
exchange rates », Canadian Journal of Economics and Political Science 29, 475-485.
Munir et al., (2009): « Inflation and economic growth in Malaysia: A threshold regression
approach. ASEAN » Economic Bulletin, 26 (2009), pp. 180-193
Musgrave, R., (1959): « The Theory of Public Finance ». McGraw Hill, New York
Nahon, B and R Meurer (2009): « Measuring Brazilian central bank credibility under inflation
targeting », International Research Journal of Finance and Economics, no 27, May, pp 72–81.

164
Naz et al., (2012): ‘Exchange rate pass-through in to inflation: New insights in to the
cointegration relationship from Pakistan. » Economic Modelling, 29 (2012), pp. 2205-2221
Ndoricimpa A.., N. E. Osoro and A. Kidane (2016): " Threshold effects of inflation on
economic growth in selected African regional economic communities: Evidence from a
dynamic panel threshold modeling ", Applied Econometrics, 2016, v. 41, pp. 5–23
Ndoricimpa, A (2017): « Threshold Effects of Inflation on Economic Growth in Africa:
Evidence from a Dynamic Panel Threshold Regression », African Development Bank, Working
paper series 249.
Nelson, E. (2005): « Monetary Policy Neglect and the Great Inflation in Canada, Australia, and
New zeland. » International Journal of Central Banking, 1.
Nelson, Edward (2003): « The future of Monetary Aggregates in Monetary Policy Analysis »
Journal of Monetary Economics, n°50.
Oates, Wallace E (1972): « Fiscal Federalism. » New York: Harcourt Brace Jovanovich.
Omay and Öznur Kan (2010): « Re-examining the threshold effects in the inflation-growth
nexus with cross-sectionally dependent non-linear panel: Evidence from six industrialized
economies ». Economic Modelling, pp. 996-1005
Ouyang, A, R Rajan and J Li (2016): “Exchange rate regimes and real exchange rate volatility:
does inflation targeting help or hurt?” Japan and the World Economy, vol 39, September, pp
62–72.
Öztürk et al. (2014): The effects of inflation targeting strategy on the growing performance of
developed and developing countries: Evaluation of pre and post stages of global financial crisis.
Procedia - Social and Behavioral Sciences, 109 (2014), pp. 57-64
Pesaran, M. H., Shin, Y., & Smith, R. J. (2001): Bounds testing approaches to the analysis of
level relationships ». Journal of applied econometrics, 16(3), 289-326.
Phelps, E. S. (1968): « Money-Wage Dynamics and Labor-Market Equilibrium » Journal of
Political Economy 76 (4): 678-711.
Pollin, R. and A. Zhu. (2005): « Inflation and economic growth: A cross-country non-linear
analysis ». Working Paper Series No. 109. PERI, University of Massachusetts Amherst.
Pontines, V (2011): « The nexus between inflation targeting and exchange rate volatility »,
SEACEN Centre Staff Papers, no 84, August.
Rapach David E. (2003): « International Evidence on the Long-Run Impact of Inflation »
Journal of Money, Credit, and Banking, Volume 35, Number 1, February 2003, pp. 23-48
(Article)
Rogoff K. (1985a): “The Optimal degree of Commitment to a monetary Target”, Quarterly
Journal of Economics (100), pp. 1169-1190.
Sala-i-Martin, (1997): I just ran two million regressions. American Economic Review, 87
(1997), pp. 173-183
Sall A K. (2020) : quel objectif d’inflation pour l’Union monetaire ouest-africaine (UMOA),
Revue Economique et Monétaire, N27-Juin 2020 ?,

165
Samimi et al, (2011): The impact of the terms of trade volatility on economic growth: Evidence
fromoil exporting countries. International Journal of Economics Management Engineering
(IJEME), 1 (2011), pp. 50-53
Sarel, M. (1996). Non-linear effects of inflation on economic growth. Working Paper No.
95/56, Vol. 43, No. 1, (Washington, DC: International Monetary Fund).
Sargent, T J. et Wallace N. (1981) : « Some Unpleasant Monetarist Arithmetic », Federal
Reserve Bank of Minneapolis Quarterly Review, vol. 5, no 3, p. 1–17.
Seleteng et al. (2013): « Non-linearities in inflation-growth nexus in the SADC region: A panel
smooth transition regression approach. » Economic Modelling, 30 (2013), pp. 149-156
Seleteng, M., Bittencourt, M. and van Eyden, R. (2013), “Non-linearities in Inflation-Growth
Nexus in the SADC Region: Panel Smooth Transition Regression Approach”, Economic
Modelling, 30, 149-156
Sidrauski M. (1967): «Rational Choice and Patterns of Growth in a Monetary Economy »,
American Economic Review, Papers and Proceedings, 57 (2), mai, p. 534-544.
Sidrauski M. [1967]: «Rational Choice and Patterns of Growth in a Monetary Economy »,
American Economic Review, Papers and Proceedings, 57 (2), mai, p. 534-544.
Stockman A. C. (1981): «Anticipated Inflation and the Capital Stock in a Cash-inAdvance
Economy », Journal of Monetary Economics, 8 (3), novembre, p. 387-393.
Svensson, Lars (1997): « Inflation Forecast Targeting: Implementing and Monitoring Inflation
Targets », European Economic Review, n°41, juin.
Svensson, Lars (2003): “What is wrong with Taylor Rules? Using judgment in Monetary Policy
through Targeting Rules”, Journal of Economic Litterature, juin.
Svensson, Lars (2005): “Monetary Policy with Judgment: Forecast Targeting”, CEPR Working
Paper, n°5072.
Tapsoba S. J-A. (2009): « Trade Intensity and Business Cycle Synchronicity in Africa », Journal
of African Economies pp. 287-388; 2009a.
Tapsoba S.J.A. (2009) « Union monétaire en Afrique de l’Ouest : Quelles réponses à
l’hétérogénéité des chocs ? » Etudes et Documents E 2009. 12, CERDI, avril 2009, 34P
Taylor J., (1993), « Discretion versus policy rules in practice », Carnegie-Rochester Conference
series on public policy 39, 195-214.
Taylor, John (1993): « Discretion versus policy rules in practice », Carnegie Rochester
Conference Series on Public Policy, n°39.
Thanh S. D. (2015): " Threshold effects of inflation on growth in the ASEAN-5 countries: A
Panel Smooth Transition Regression approach ", Journal of Economics, Finance and
Administrative Science 20: 41-48
Tinbergen J. (1952): « On the Theory of Economic Policy. » Amsterdam: North-Holland
Publishing Company.
Tobin J. (1965): « Money and Economic Growth », Econometrica, 33 (4), October, p. 671- 684.
Tsangarides C. G; M. S. Qureshi (2008): « Monetary Union Membership in West Africa: A
Cluster Analysis, World Development Vol. 36, No. 7, pp.1261–1279;

166
Villieu P. (1992a) : « Inflation et accumulation du capital : le rôle de la substituabilité entre
consommation et monnaie », Annales d'économie et de statistique, 27 juillet, p. 73-89.
Villieu Patrick, Rajhi Taoufik (1993) : « Accélération monétaire et croissance endogène », In:
Revue économique, volume 44, n°2, 1993. pp. 257-286;
Vinayagathasan (2013): « Inflation and economic growth: A dynamic panel threshold analysis
for Asian economies. Journal of Asian Economics, 26 (2013), pp. 31-41
Walsh Carl E. (1995): « Optimal Contracts for Central Bankers », The American Economic
Review, Vol. 85, No. 1, pp. 150-167
Woodford, M. (2001): « ”The Taylor Rule and Optimal Monetary Policy” », American
Economic Review Papers Proceedings, 91:232-237.
Yamada, H (2013): “Does the exchange rate regime make a difference in inflation performance
in developing and emerging countries? The role of inflation targeting”, Journal of International
Money and Finance, vol 32, February, pp 968–89.
Zaman et al., (2011): « Inflation, unemployment and the NAIRU in Pakistan (1975-2009) »
International Journal of Economics and Finance, 3 (2011), pp. 245-254

167
TABLE DES MATIERES

DEDICACES .............................................................................................................................. I

REMERCIEMENTS.................................................................................................................... II

LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS .......................................................................................IV

LISTE DES TABLEAUX ..............................................................................................................VI

TABLE DES FIGURES .............................................................................................................. VII

INTRODUCTION GENERALE ..................................................................................................... 1

CHAPITRE I : LA POLITIQUE MONETAIRE A LA RECHERCHE DE LA CREDIBILITE ET DE


L’OPTIMALITE : DU DEBAT REGLE VS DISCRETION A L’EMERGENCE DU CIBLAGE DE
L’INFLATION ........................................................................................................................... 9

I.1. Le renouvellement de la politique monétaire et du cadre constitutionnel : quelle place pour la crédibilité
de la banque centrale ? 10
I.1.1. Le clivage binaire règles/discrétion de la politique économique .......................................................... 11
I.1.1.1. Les fondements du débat............................................................................................................ 11
I.1.1.2. Les débats doctrinaux entre monétaristes et keynésiens ............................................................. 12
I.1.2. Fondements théoriques de la crédibilité ............................................................................................. 14
1.1.2.1. De l’hypothèse des anticipations rationnelles à l’introduction du problème de l’incohérence
dynamique sur les politiques monétaires ................................................................................................. 15
1.1.2.2. La crédibilité au sens de Barro-Gordon (1983) avec la prise en compte du phénomène de réputation
.............................................................................................................................................................. 16
1.1.2.3. La crédibilité au sens de Rogoff (1985) : la délégation .................................................................. 20
1.1.2.4. La crédibilité au sens de Walsh (1995) : les contrats incitatifs ....................................................... 21
1.1.2.3. Le problème de la crédibilité de la délégation .............................................................................. 21

I.2. Les règles monétaires opératoires : les règles activistes 22


I.2.1. Les règles d’instrument ...................................................................................................................... 23
I.2.1.1. La règle de McCallum (1987) : éléments analytiques................................................................... 24
I.2.1.2. La règle de Taylor........................................................................................................................ 25
I.2.2. Les règles d’objectif............................................................................................................................ 26
I.2.3. Règles instrument versus Règles d’objectif ........................................................................................ 28
1.2.3.1. Arguments en faveur des règles d’objectif ................................................................................... 28
1.2.3.2. Défense des règles d’instrument.................................................................................................. 30

I.3. Adoption de la stratégie de ciblage d’inflation comme réponse adéquate à la crédibilité et à l’efficacité :
mode opératoire et performances macroéconomiques 31
I.3.1. Le ciblage d’inflation : une analyse conceptuelle controversée............................................................ 33
I.3.2. Modalités pratiques du ciblage d’inflation : questions en débat .......................................................... 37
I.3.2.1. Reconnaître la stabilité des prix comme principal objectif de la politique monétaire.................... 37
I.3.2.2. Annonce publique d'un objectif numérique d'inflation ................................................................ 40
I.3.2.3. Formuler la politique monétaire sur la base d'un très large éventail d'informations ..................... 43

168
I.3.2.4. Appliquer des normes de transparence et de responsabilité élevées ........................................... 44
I.3.3. Performances des régimes de ciblage d’inflation ................................................................................ 45
I.3.3.1.Pourquoi en est-on venu au ciblage d’Inflation dans les années 1990 ?........................................... 45
I.3.3.2.Quelques résultats macroéconomiques ....................................................................................... 48
I.3.3.2.1 Niveau et volatilité de l'inflation ........................................................................................... 48
I.3.3.2.2. Niveau et volatilité des anticipations d'inflation ................................................................... 50
I.3.3.2.3. Impacts sur d'autres variables macroéconomiques ............................................................... 51
a. Niveau et volatilité de la production............................................................................................ 51
b. Volatilité du taux de change ....................................................................................................... 51
c. Déficits budgétaires et discipline budgétaire................................................................................ 52

CHAPITRE II : CREDIBILITE DU PROCESSUS D’INTEGRATION MONETAIRE ET PERSPECTIVES


D’UNE STRATEGIE UNIFIEE DE CIBLAGE D’INFLATION EN AFRIQUE DE L’OUEST ..................... 53

II.1. Le passage à la monnaie unique dans la zone CEDEAO à la lumière du débat théorique et de la convergence
des économies 55
II.1.1. La théorie de la zone monétaire optimale (ZMO) : une approche favorable aux perspectives
d’unification monétaire en Afrique de l’Ouest ? .......................................................................................... 56
II.1.1.1. La vision traditionnelle de Mundell ............................................................................................ 57
II.1.1.2. Les critères de convergence préalable ........................................................................................ 57
II.1.1.3. L’existence d’un substitut à l’ajustement par le change .............................................................. 59
II.1.1.4. Le passage à la monnaie unique par l’endogénéisation des critères des ZMO ............................. 60
II.1.2. Coopération monétaire régionale en Afrique de l’Ouest .................................................................... 61
II.1.2.1. De la Chambre de compensation de l’Afrique de l’Ouest (CCAO) au Programme de coopération
monétaire de la CEDEAO (PCMC) ............................................................................................................ 62
II.1.2.2. Conséquences de la formation d’une union monétaire : les avantages et les coûts du passage à la
monnaie unique ..................................................................................................................................... 64
II.1.2.2.1. Les avantages de la monnaie unique ................................................................................... 65
II.1.2.2.2. Les coûts du passage à la monnaie unique .......................................................................... 66
II.1.3. Point sur la convergence macroéconomique...................................................................................... 67
II.1.3.1. Quelques faits sur les efforts de la CEDEAO pour réaliser la convergence macroéconomique et
l'intégration monétaire / financière ........................................................................................................ 67
II.1.3.2. Ampleur des disparités régionales .............................................................................................. 70
II.1.3.2.1. Ampleur des divergences mesurée à partir de l’étendue et de l’écart absolu moyen ........... 70
II.1.3.2.2. Ampleur des divergences mesurée à partir de l’évolution de l’écart-type ............................ 72

II.2. Régimes de change en Afrique de l’Ouest : expériences et enseignements 74


II.2.1. Statut des monnaies .......................................................................................................................... 75
II.2.1.1. Le cas traditionnel des monnaies nationales............................................................................... 75
II.2.1.2. Les monnaies multinationales (ou unions monétaires) ............................................................... 77
II.2.1.3. La dollarisation .......................................................................................................................... 77
II.2.2. Quelques aspects de politiques de change en Afrique de l’Ouest ....................................................... 78
II.2.2.1. Politique d’ancrage de change des pays de l’UEMOA: historique et mécanisme de
fonctionnement de la fixité du FCFA à l’Euro........................................................................................... 79
II.2.2.1.1. La convertibilité externe illimitée du Franc CFA à travers un système de parité fixe. ............ 80
II.2.2.1.2. La centralisation des réserves de la BCEAO sur le compte d'opérations ............................... 82
II.2.2.1.3. La politique monétaire et de change ................................................................................... 83
II.2.2.2. Caractéristiques des Politiques d’ancrage de change dans les pays de la ZMAO .......................... 84
II.2.3. Bilan macroéconomique des pays selon le régime de change adopté ................................................. 86
II.2.3.1. Performance de l’inflation.......................................................................................................... 86
II.2.3.2. Performance de la croissance de la production........................................................................... 88

169
II.2.3.3. Résultats au niveau d’autres canaux par lesquels le régime de change affecte la croissance
économique ........................................................................................................................................... 89
II.2.3.3.1. Volatilité des taux de croissance ......................................................................................... 90
II.2.3.3.2. Volatilité des taux de change effectifs réels (TCER).............................................................. 91

II.3. Vers un ciblage d’inflation dans la zone CEDEAO : enjeux et défis 92


II.3.1. Panorama des cadres institutionnels des banques centrales .............................................................. 93
II.3.1.1. Evolution des cadres de politique monétaire dans les économies avancées ................................ 93
II.3.1.2. Une tendance vers l’amélioration des cadres de conduite de la politique monétaire en Afrique
subsaharienne : quelques points de repères descriptifs .......................................................................... 95
II.3.1.3. Panorama des tendances de politiques monétaires dans la CEDEAO........................................... 99
II.3.1.3.1. Aperçu du cadre de politique monétaire dans l’UMOA...................................................... 100
II.3.1.3.2. Cadre de politique monétaire de la Banque de Ghana ....................................................... 101
II.3.1.3.3. Tendances générales caractérisant l’évolution du cadre de la politique monétaire de la
Banque centrale du Nigeria (CBN) .................................................................................................... 102
II.3.1.3.3.1. La politique monétaire avant 1986 (ère du contrôle direct) ....................................... 102
II.3.1.3.3.2. Le cadre de politique monétaire après 86 (période d'approche indirecte) .................. 104
II.3.2. Préconditions économiques et institutionnelles du ciblage d'inflation.............................................. 105
II.3.2.1. Autonomie de la banque centrale ............................................................................................ 106
II.3.2.2. Absence de ciblage du taux de change de facto ........................................................................ 106
II.3.2.3. Transparence et responsabilité ................................................................................................ 107
II.3.2.4. Système financier sain ............................................................................................................. 108
II.3.2.5. Quelques vérifications empiriques de la pertinence des conditions précitées ........................... 109
II.3.3. Expériences des pays en développement en matière de ciblage d’inflation : Quelles leçons pour la
CEDEAO ? ................................................................................................................................................. 111

CHAPITRE III : DETERMINATION D’UN SEUIL D’INFLATION OPTIMAL DANS LA CEDEAO ........ 114

III.1. Quel niveau d’inflation nuit à la croissance économique ? 116


III.1.1. La relation inflation-croissance dans la théorie macroéconomique.................................................. 117
III.1.2. Travaux empiriques récents sur les non-linéarités dans la relation inflation-croissance ................... 122

III.2. Dynamique de l’inflation et de la croissance dans la CEDEAO : Quelques faits stylisés 127
III.2.1. Les évolutions de la croissance économique en Afrique de l’Ouest.................................................. 127
III.2.2. Evolution de l’inflation en relation avec la croissance...................................................................... 129

III.3. Estimation du taux optimal d’inflation à l’aide d’un modèle à seuils 139
III.3.1 La modélisation à effet de seuil en tant qu’outil d’approfondissement de l’étude de la dynamique non-
linéaire d’un processus ............................................................................................................................. 139
III.3.2. Représentation du modèle PTR de Hansen (1999) et méthodologie d’estimation ............................ 141
III.3.2.1. Forme fonctionnelle d’un modèle à seuil ................................................................................. 142
III.3.2.2. Application sur des données de panel : introduction du modèle PTR de Hansen ...................... 142
III.3.2.3. Procédure d’estimation des paramètres de l’équation............................................................. 144
III.3.2.3.1. Estimation d’un seuil optimal........................................................................................... 144
III.3.2.3.2. Test de linéarité de Hansen.............................................................................................. 145
III.3.2.3.3.Test de détermination du nombre de régime .................................................................... 146
III.3.2.3.4. Intervalle de confiance sur le seuil ................................................................................... 147
III.3.3. Spécification du modèle empirique et données............................................................................... 148
III.3.3.1. Représentation du modèle à estimer....................................................................................... 148
III.3.3.2. Description des données et tests de stationnarité ................................................................... 149
III.3.3.3. Test de spécification du modèle à effets fixes .......................................................................... 150
III.3.4. Présentation des résultats .............................................................................................................. 151
III.3.4.1. Estimation du taux optimal d’inflation et tests d’effets de seuil ............................................... 151

170
III.3.4.2. Estimations des régresseurs .................................................................................................... 153
a. Effets marginaux de l’inflation sur la croissance ...................................................................... 154
b. Effets des variables de contrôle .............................................................................................. 155

CONCLUSION GENERALE ..................................................................................................... 156

171
PERSPECTIVES D’UNE UNIFICATION MONÉTAIRE ET DE MISE EN ŒUVRE D’UNE
STRATÉGIE DE CIBLAGE DE L’INFLATION DANS LA CEDEAO
Résumé
Depuis le début des années 2000, suivant une approche et un calendrier maintes fois remaniés, les Etats
de la CEDEAO ont exprimé leur volonté d’accélérer le processus d’intégration monétaire dans la région.
Malgré la complexité des enjeux liés à la diversité linguistique et culturelle, ainsi que celle relative aux
conditions d’adhésion à une union monétaire, le projet de monnaie unique ouest-africaine dont la portée
est jugée emblématique pour les Etats concernés suscite un enthousiasme politique. Alors, lors du
sommet de la CEDEAO de juin 2019 à Abuja (Nigeria), les Chefs d’État sont convenus sur les modalités
pratiques de la nouvelle monnaie : sur le nom (ECO) ; sur le modèle de banque centrale (fédéral et non
unique) ; sur le régime de change (flexible), assorti d’un cadre de politique monétaire s’appuyant sur le
ciblage d’inflation ; sur le respect de critères de convergence à atteindre et sur le calendrier progressif,
à partir de 2020. Sur ces entrefaites, la thèse s’est proposé d’étudier l’applicabilité du ciblage de
l’inflation à la zone en se basant sur des expériences internationales ainsi que les implications de sa mise
en œuvre en termes d’objectif d’inflation. Prenant en compte les enseignements de la pratique du ciblage
d’inflation au plan international, les résultats suggèrent un niveau d’inflation cible de 6,6% dans la
CEDEAO. Ainsi, à des taux d’inflation inférieurs à ce niveau, toute montée de l’inflation est favorable
à la croissance économique. Toutefois, l’effet marginal de l’inflation sur la croissance économique des
pays de la CEDEAO est très faible dans les différents régimes. En effet, dans la limite du taux optimal
de 6,6%, une hausse du taux d’inflation de 1% induirait une augmentation de la croissance seulement
de 0,007%. Au demeurant et eu égard aux performances des pays en termes de respect des critères de
convergence, les résultats militent en faveur d’un passage graduel à la monnaie unique, en privilégiant
le démarrage avec les États membres qui respectent certains critères, comme celui de l’inflation.
Clairement, l’adhésion à l’ECO pourrait d’abord être limitée aux pays ayant une inflation structurelle
proche de 6,6%.
Mots clés : CEDEAO, intégration monétaire, ciblage d’inflation, modèle à effets de seuil, inflation cible

PERSPECTIVES FOR MONETARY UNIFICATION AND THE IMPLEMENTATION OF A


STRATEGY FOR TARGETING INFLATION IN ECOWAS
Abstract
Since the beginning of the 2000s, the ECOWAS states have expressed their desire to accelerate the
process of monetary integration in the region, following a time-consuming redesign and timetable.
Despite the complexity of the issues related to linguistic and cultural diversity, as well as that relating
to the conditions for joining a monetary union, the West African single currency project, whose scope
is considered emblematic for the States concerned, arouses political enthusiasm. At the June 2019
ECOWAS summit in Abuja, Nigeria, the Heads of State agreed on the practical modalities of the new
currency: Name (ECO) the central bank model (federal and non-single); the (flexible) exchange rate
regime, with a monetary policy framework based on inflation targeting; on the fulfillment of the
convergence criteria to be achieved and on the progressive timetable, from 2020 onwards. On these
premises, the thesis proposed to study the applicability of inflation targeting to the zone on the basis of
international experience and the implications of its implementation in terms of inflation target. Taking
into account lessons learned from international inflation targeting practice, the results suggest a target
inflation level of 6.6% in ECOWAS. Thus, at inflation rates below this level, any rise in inflation is
conducive to economic growth. However, the marginal effect of inflation on the economic growth of
ECOWAS countries is very weak under the different regimes. Indeed, within the limit of the optimal
rate of 6.6%, an increase in the inflation rate of 1% would induce an increase in growth of only 0.007%.
Moreover, and in view of the performance of countries in terms of meeting the convergence criteria, the
results advocate a gradual transition to the single currency, giving priority to starting up with Member
States that meet certain criteria, such as that of inflation. Clearly, accession to the ECO could first be
limited to countries with structural inflation close to 6.6%.
Keywords: ECOWAS, monetary integration, inflation targeting, threshold effects model, target
inflation
RESUME
Depuis le début des années 2000, suivant une approche et un calendrier maintes fois remaniés, les Etats
de la CEDEAO ont exprimé leur volonté d’accélérer le processus d’intégration monétaire dans la région.
Malgré la complexité des enjeux liés à la diversité linguistique et culturelle, ainsi que celle relative aux
conditions d’adhésion à une union monétaire, le projet de monnaie unique ouest-africaine dont la portée
est jugée emblématique pour les Etats concernés suscite un enthousiasme politique. Alors, lors du
sommet de la CEDEAO de juin 2019 à Abuja (Nigeria), les Chefs d’État sont convenus sur les modalités
pratiques de la nouvelle monnaie : sur le nom (ECO) ; sur le modèle de banque centrale (fédéral et non
unique) ; sur le régime de change (flexible), assorti d’un cadre de politique monétaire s’appuyant sur le
ciblage d’inflation ; sur le respect de critères de convergence à atteindre et sur le calendrier progressif,
à partir de 2020. Sur ces entrefaites, la thèse s’est proposé d’étudier l’applicabilité du ciblage de
l’inflation à la zone en se basant sur des expériences internationales ainsi que les implications de sa mise
en œuvre en termes d’objectif d’inflation. Prenant en compte les enseignements de la pratique du ciblage
d’inflation au plan international, les résultats suggèrent un niveau d’inflation cible de 6,6% dans la
CEDEAO. Ainsi, à des taux d’inflation inférieurs à ce niveau, toute montée de l’inflation est favorable
à la croissance économique. Toutefois, l’effet marginal de l’inflation sur la croissance économique des
pays de la CEDEAO est très faible dans les différents régimes. En effet, dans la limite du taux optimal
de 6,6%, une hausse du taux d’inflation de 1% induirait une augmentation de la croissance seulement
de 0,007%. Au demeurant et eu égard aux performances des pays en termes de respect des critères de
convergence, les résultats militent en faveur d’un passage graduel à la monnaie unique, en privilégiant
le démarrage avec les États membres qui respectent certains critères, comme celui de l’inflation.
Clairement, l’adhésion à l’ECO pourrait d’abord être limitée aux pays ayant une inflation structurelle
proche de 6,6%.

Mots clés : CEDEAO, intégration monétaire, ciblage d’inflation, modèle à effets de seuil, inflation cible

ABSTRACT
Since the beginning of the 2000s, the ECOWAS states have expressed their desire to accelerate the
process of monetary integration in the region, following a time-consuming redesign and timetable.
Despite the complexity of the issues related to linguistic and cultural diversity, as well as that relating
to the conditions for joining a monetary union, the West African single currency project, whose scope
is considered emblematic for the States concerned, arouses political enthusiasm. At the June 2019
ECOWAS summit in Abuja, Nigeria, the Heads of State agreed on the practical modalities of the new
currency: Name (ECO) the central bank model (federal and non-single); the (flexible) exchange rate
regime, with a monetary policy framework based on inflation targeting; on the fulfillment of the
convergence criteria to be achieved and on the progressive timetable, from 2020 onwards. On these
premises, the thesis proposed to study the applicability of inflation targeting to the zone on the basis of
international experience and the implications of its implementation in terms of inflation target. Taking
into account lessons learned from international inflation targeting practice, the results suggest a target
inflation level of 6.6% in ECOWAS. Thus, at inflation rates below this level, any rise in inflation is
conducive to economic growth. However, the marginal effect of inflation on the economic growth of
ECOWAS countries is very weak under the different regimes. Indeed, within the limit of the optimal
rate of 6.6%, an increase in the inflation rate of 1% would induce an increase in growth of only 0.007%.
Moreover, and in view of the performance of countries in terms of meeting the convergence criteria, the
results advocate a gradual transition to the single currency, giving priority to starting up with Member
States that meet certain criteria, such as that of inflation. Clearly, accession to the ECO could first be
limited to countries with structural inflation close to 6.6%.
Keywords: ECOWAS, monetary integration, inflation targeting, threshold effects model, target
inflation

173

Vous aimerez peut-être aussi