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Introduction

La Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD)


a été créée le 1er juillet 1944, lors de la conférence de Bretton Woods, qui a réuni les
gouvernements de 44 pays. Elle forme le noyau d’une galaxie d'organisations connue
sous le nom de Banque mondiale. Son objet était initialement (comme son nom
l'indique) de soutenir le processus de reconstruction et de développement d'après-
guerre. C'est d’ailleurs la France qui a reçu le premier prêt en mai 1947. Comme la
plupart des institutions, la Banque mondiale a subtilement réorienté ses missions de
façon à survivre à la fin de la reconstruction en Europe. De nos jours, son objet
principal est d'« œuvrer pour un monde sans pauvreté ». Pour atteindre ses objectifs,
elle accorde aux pays en développement des prêts assortis de faibles taux d'intérêt et
des dons.

I- HISTOIRE DE LA BANQUE MONDIALE


La Banque mondiale est, avec le FMI, l’une des principales institutions
financières internationales. Elle a pour mission première delutter contre la pauvreté
en apportant des aides, des financements et des conseils aux pays en voie de
développement. La Banque mondiale a été créée en juillet 1944 lors de la conférence
monétaire et financière de Bretton woods sous le nom de BIRD "Banque
internationale pour la reconstruction et le développement". 
A l’origine, elle était principalement destinée à aider l'Europe et le Japon dans
leur reconstruction, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Elle a accordé son
premier prêt à la France, le 9 mai 1947, pour un montant de 250 millions de dollars. 
Aujourd’hui, elle a pour objectif d'encourager la croissance économique des pays en
voie de développement.

II- FILLIALES DE LA BANQUE MONDIALE


Alors que la BIRD était à sa création une seule et même institution, elle a été
progressivement complétée par 4 autres institutions :
 la Société financière internationale (SFI) créée en 1956 (prête et conseille les
institutions et entreprise privés dans les pays en voie de développement).
 l'Association internationale de développement (IDA), en 1960 (prête à très
long terme et a taux d’intérêt nuls ou très faibles aux pays les moins avancés
mais avec une gestion administrative bancaire)
 le Centre international de règlement des différends (CIRDI) créé en 1966
 l'Agence multilatérale de garantie des investissements fondée en 1988. (a été
créé pour encourager l’investissement dans les pays émergents en offrant une
assurance aux opérateurs économiques privés qui ne veulent pas être
confrontés aux risques politique).
Ces cinq institutions forment désormais le groupe de la Banque mondiale. Par
ailleurs, la Banque mondiale, initialement composée de 44 pays membres, en compte
désormais 186.
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III- ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT
La Banque Mondiale est dirigée comme une société dont les pays membres sont
les actionnaires. Les Etats-Unis détiennent 16,41 % des « actions » (appelés quotes-
parts), le Japon 7,8 %, l'Allemagne 4,49 %, le Royaume-Uni et la France chacun
4,31 % ; comme pour le FMI, cette répartition se fait donc approximativement au
prorata des PIB et les Européens pourraient donc aisément dominer s'ils parlaient
d'une seule voix. Les gouvernements sont représentés dans le Conseil des
gouverneurs. Les gouverneurs (généralement des ministres) décident des politiques
de la BM, ils délèguent certains aspects de leur mandat à des administrateurs qui
travaillent au siège mais ils gardent la haute main sur les orientations stratégiques.
La France, l'Allemagne, le Japon, le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont chacun un
administrateur. Les autres pays membres (soit 179 pays) sont répartis dans 19
groupes. Chaque groupe dispose d'un administrateur, qui doit dès lors représenter
plusieurs pays en même temps. Le président de la BM est traditionnellement un
citoyen des Etats-Unis. Il est élu pour 5 ans renouvelables par le conseil
d'administration. Il assure la présidence des réunions du Conseil des administrateurs
et est responsable de la gestion de la BM. Ses pouvoirs sont importants.
Le 23 mars 2012, Jim Yong Kim est désigné président de la Banque mondiale et
prend ses fonctions le 1er juillet suivant. Il annonce publiquement sa démission le 7
janvier 2019. Son départ est jugé par certains comme mettant en péril le leadership
financier de la banque pour le climat mondial. Le 9 avril suivant, David Malpass,
membre de l'administration Trump, lui succède.

Liste des présidents

Nom Période Notes


Eugene Meyer juin - décembre 1946
John J. McCloy mars 1947 – juin 1949
Eugene R. Black, Sr.  1949 – 1963
George D. Woods  janvier 1963 – mars 1968
Robert McNamara avril 1968 – juin 1981
Alden W. Clausen  juillet 1981 – juin 1986
Barber Conable  juillet 1986 – août 1991
Lewis T. Preston septembre 1991 – mai 1995
James Wolfensohn juin 1995 – mai 2005
Paul Wolfowitz 1er juin 2005 – 30 juin 2007
Robert Zoellick 1er juillet 2007 – 30 juin 2012
Jim Yong Kim 1er juillet 2012 - 31 janvier 2019 Démissionnaire
Kristalina Gueorguieva 1er février - 9 avril 2019 Intérim

David Malpass Depuis le 9 avril 2019

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IV- ROLE ET MISSIONS
Après la reconstruction de l'Europe et du Japon, son action s'est progressivement
orientée vers les pays en voie de développement (PVD), et en particulier les pays les
moins avancés (PMA), sur des axes comme l'éducation, l'agriculture, l'industrie, la
santé… et plus récemment vers le climat et l'environnement.
La BM a pour mission de soutenir des projets innovant ou risqués que des
investisseurs classiques n’oseraient pas financer, tels que des actions de
reconstruction de zones dévastées par des conflits ou des catastrophes, ou encore la
protection du climat et l’adaptation au dérèglement climatique (ex irrigation au
goutte à goutte alimentée par des modules photovoltaïques aidés au Niger). Rien
qu’en 2018, la SFI a aidé à hauteur d’environ 23 milliards de dollars des pays en
développement2.
En plus des prêts accordés, elle finance également (directement ou
indirectement) des projets d'ONG, et conduit de nombreuses recherches en rapport
avec le développement de chaque pays. Ainsi, c'est la Banque mondiale qui mesure
l'Indicateur de développement humain (IDH) dans différents pays et zones
géographiques, ou qui conduit avec l'Unicef des études thématiques sur l'eau et
l'assainissement.

1- Actions pour le climat et l'environnement


En 2018, la BM a dépensé 67 milliards de dollars US dans le monde, dont
pour l'atténuation des changements climatiques, la conservation des forêts, la santé
publique et les universités. Fin 2018, elle a décidé de doubler ses prêts pour la lutte
contre le changement climatique, les portant à 200 milliards de dollars entre 2021 et
2025, conformément aux accords de Paris sur le climat2

V- BILAN
1- Les actions de la Banque Mondiale
La Banque mondiale cherche à réduire le fossé qui existe entre les pays riches
et les pays pauvres en utilisant les ressources des premiers pour assurer la croissance
des seconds.
Souvent, les pays à faible revenu ne peuvent pas emprunter sur les marchés
internationaux ou ne peuvent emprunter qu'à des taux d'intérêt élevés. Outre les
contributions directes et les prêts des pays développés, ces pays reçoivent des dons,
des prêts ne portant pas intérêt et une assistance technique de la Banque mondiale
pour leur permettre de fournir des services de base aux populations. Ils disposent de
30 à 40 ans pour rembourser les prêts, avec un délai additionnel de 10 ans ; dans les
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faits, de nombreux prêts bénéficient d'un moratoire et sont annulés avant d'être
complètement remboursés.
En 2004, l'IDA a fourni neuf milliards de dollars de financement pour 158
projets dans 62 pays à faible revenu. Des ressources supplémentaires seraient
probablement superflues car ce qui manque ce n'est pas tant l'argent que de bons
projets c'est-à-dire des projets montés avec professionnalisme, socialement utiles et
susceptibles de ne pas être détournés à des fins de corruption. Les pays en
développement ayant un revenu plus élevé sont admis à emprunter à la BIRD.
Certains d'entre eux peuvent emprunter auprès de banques commerciales, mais
généralement à des taux d'intérêt élevés compte tenu du risque politique, de leurs
performances passées.
De plus, les prêts de la BIRD ont des échéances plus longues que ceux des
banques commerciales. Les emprunteurs disposent d'un délai de carence de trois à
cinq ans avant de commencer à rembourser sur des périodes allant jusqu'à 15 et 20
ans. Les gouvernements des PVD empruntent au titre de programmes déterminés qui
visent théoriquement à améliorer les conditions de vie des populations : réduire la
pauvreté, fournir des services sociaux de base comme l'éducation et la santé,
protéger l'environnement, construire des infrastructures de transport…. Au cours de
l'exercice 2002, la BIRD a consenti des prêts d'un montant total de 11,5 milliards de
dollars pour appuyer 96 projets dans 40 pays.

2- Eléments d'analyse de l'action de la Banque mondiale


2.1- Les principes de la Banque mondiale ont connu une géométrie
variable
Il est remarquable que les recommandations de la Banque mondiale en
matière de développement ont connu des phases pour le moins contradictoires. Alors
que le chemin de la croissance dans les pays développés était passé par l'agriculture,
celle-ci a d'abord été délaissée au profit de l'industrialisation. Il a fallu attendre le
fameux discours de Nairobi, prononcé en 1974 par Robert S. McNamara pour se
souvenir que la majorité de la population vivait dans les campagnes et que la
révolution agricole pouvait contribuer au succès de la révolution industrielle autant
qu'à la résorption de la pauvreté rurale.
Avant d'arriver à cette révolution copernicienne, la Banque avait, en la
personne de P. Rosenstein-Rodan, directeur adjoint du Département économique,
conditionné les prêts à l'élaboration de plans nationaux de la part des pays en
développement demandeurs d'aide internationale. Ce modèle d'industries
industrialisante a donné des résultats pour le moins décevants, surtout lorsqu'il a été
couplé à des barrières douanières destinées à protéger les “industries naissantes”.
Plus tard, après les travaux de Theodore William Schultz (1902-1998), la Banque
mondiale est passée de la promotion du capital physique à celle du capital humain.

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Là encore, il ne fallait pas être un expert en histoire longue pour connaître la
causalité entre la scolarisation et le développement dans les pays occidentaux.

2.2- Des éléments d'appréciation hésitants


Ce flottement dans les grands principes du développement se retrouve dans
l'analyse de la pauvreté dont on ne sait pas, finalement, si elle s'aggrave ou si elle a
commencé à diminuer. Qu'on en juge :
• Le nombre de personnes vivant avec moins d'un dollar par jour est passé de 1,18
milliard en 1987 à 1,20 milliard en 1998, soit une augmentation de 20 millions
»(Rapport sur le développement dans le monde, Banque mondiale (2000/2001)).
• «Le nombre de personnes vivant avec moins d'un dollar par jour n'a pas changé
entre 1987 et 1998» (Banque mondiale (2001) Mondialisation, croissance et
pauvreté).
• «Au cours des 20 dernières années, le nombre de personnes vivant avec moins d'un
dollar par jour a diminué de 200 millions, alors même que la population mondiale a
augmenté de 1,6 milliard." (Banque mondiale (2002), Le rôle et l'efficacité de l'aide
au développement, Mars).
Au total, des auteurs comme Sala i Martin ou Bhalla (cf. l’étude de cas sur la
pauvreté dans le monde, disponible sur ce site) estiment que les fameux « Objectifs
du Millénaire » (ODM), qu'elle a contribué à fixer et dont elle assure le suivi,
pourraient être en réalité déjà remplis !

3- Les échecs de la banque mondiale


Les travaux de William Easterly, un ancien de la Banque, en rendent compte.
Les programmes sont souvent trop ambitieux ; ils ressemblent à des catalogues de
bonnes intentions qui oublient les incitations et ils sont rarement évalués. Les coûts
de gestion des bureaux de Washington sont élevés et on observe de nombreux
détournements de fonds. Trop souvent, les grands États font pression sur la Banque
Mondiale et sur le FMI pour qu'elles continuent de financer des États qui n'ont fait
aucune réforme et qui promettent d'en faire. Au total, la Banque mondiale a reconnu
que seulement un tiers des projets qu'elle a financé par ses prêts depuis un demi-
siècle (soit environ 500 milliards de dollars) avait donné des résultats « satisfaisants
» ; quand on sait par ailleurs que la barre est placée assez bas…
On peut identifier au moins deux grands exemples d'échecs.

3.1- Les années 1950 et 1960 : la grande période de l'aide à


l'Investissement
L'idée initiale de la BM, à l'époque, est que l'absence d'investissements empêche
la croissance des PVD. D'où le financement de grands projets industriels (usine
d'aluminium au Ghana, usines de chaussures en Tanzanie…). Démesurés, les projets

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ne s'appuyaient pas sur un marché local fort et le marché extérieur n'était pas assuré
(faible qualité des produits…). Souvent, ils ont souvent contribué à dégrader
l'environnement et au final ils n'ont laissé que des dettes. L'argument était que
l'investissement en capital physique introduirait du progrès technique, mais sans
qualification du travail et sans environnement adapté (institutions…) cette
transmission ne se fait pas. Selon William Easterly, le modèle Harrod-Domar, ou
plus exactement son application aveugle par la BM, a fait beaucoup de mal aux
PVD.

3.2- Depuis les années 1970: l'importance de l'éducation

Depuis les années 1980, le capital humain est considéré comme un des piliers
de la croissance économique chez les macro-économistes (cf. les modèles de
croissance endogène). La BM a soutenu cette idée dans les PVD, qui ont investi
massivement dans l'éducation depuis 1960. Hélas, le retour sur investissement a été
assez décevant : l'amélioration des niveaux de vie par l'éducation a été nulle ou faible
dans la plupart des PVD, sauf en Asie de l'Est. Les pays aux plus forts taux de
croissance dans les dépenses d'éducation ont enregistré des taux de croissance du
PIB par tête très faibles. Dans les « bonnes circonstances », l'éducation demeure le
meilleur moyen d'élever les niveaux de vie : c'est ce qu'on a constaté en Asie de
l'Est ; mais il se trouve justement que ces circonstances ne sont pas bonnes, à la fois
politiquement et économiquement, dans nombre de PVD (cf. l'étude sur la pauvreté
dans le monde, disponible sur ce site).

VI- CRITIQUES ET SUGGESTIONS


1- Les critiques
L'action de la Banque mondiale est souvent critiquée, cependant pour deux
raisons opposées. D'une part, les gouvernements en place renâclent à prendre des
mesures anti-corruption et à organiser de véritables élections. D'autre part, les
mouvements altermondialistes accusent la Banque mondiale de répondre davantage
aux exigences des multinationales qu'à celles des populations locales.
« Des crises de légitimité engendrent des projets de réforme, tant à l’ONU qu’au
Fonds monétaire international et à la Banque mondiale. Elles ont pour point commun
une demande de transparence et de démocratie, d’une part, et une remise en cause
des finalités et des modes d’intervention de ces organisations, d’autre part. »
1-1- Influence des États-Unis
Beaucoup considèrent la Banque mondiale comme étant sous l'influence politique
des États-Unis (compte tenu de leur capacité de blocage lié à leur poids important
dans l'actionnariat, lui-même résultat de leur poids dans l'économie mondiale).
Joseph Stiglitz a reproché aux pays européens de se satisfaire de cette répartition et
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donc d'être responsables indirectement de la mauvaise période traversée par la
Banque mondiale. En 2010, une réforme de l'actionnariat a été mise en place afin de
donner plus de poids et une meilleure représentativité aux pays en développement.
À partir de 1970 et l'élection de Salvador Allende à la présidence du Chili, la Banque
mondiale, dirigée par Robert McNamara (ex-secrétaire à la Défense des États-Unis),
refuse tout prêt à Santiago dans le cadre de la guerre économique menée par
l’administration Nixon.
Au début des années 1980, les États-Unis usent de leur influence pour bloquer les
prêts de la Banque mondiale à la Grenade, alors dirigée par un gouvernement
socialiste.

1.2- Affaire Wolfowitz


Hérault autoproclamé de la lutte anticorruption dans les pays en développement,
Paul Wolfowitz a été impliqué dans une affaire de favoritisme au sein de la Banque
mondiale concernant Shaha Riza, une collaboratrice avec qui il entretenait une
liaison, et a dû démissionner en juin 2007, deux ans après sa nomination.
1.3- Nomination de Robert Zoellick
Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie et ancien responsable de la Banque
mondiale, estime que la nomination de Robert Zoellick « est dans la continuité de
celle de Paul Wolfowitz, dont le mandat aurait été « une catastrophe » ». Pascal
Lamy souligne cependant « son talent d'artisan du consensus et sa capacité de tendre
la main aux pays en développement ». Zoellick est considéré comme plus terre à
terre que son prédécesseur, conservateur mais pas néo-conservateur, et un fervent
partisan de l'ouverture des marchés. Il demeure « la bête noire »des
altermondialistes.

1.4- Partis pris idéologiques


Dans une interview donnée au Wall Street Journal en janvier 2018, le chef
économiste du « Doing Business » (classement de la Banque mondiale du meilleur
au plus mauvais pays pour y faire des affaires) Paul Romer reconnait que
l'organisme oriente ses études suivant des partis pris idéologiques. Paul Romer cite
l’exemple du Chili qui aurait été défavorisé dans le classement car sa présidente
Michelle Bacheletétait socialiste. L'interview provoque une polémique qui le pousse
à la démission.
1.5- Bilan environnemental souvent jugé « mitigé »
Un reproche fréquent est que de nombreux projets soutenus par la Banque ont
plutôt soutenu de grandes multinationales que les besoins des populations locales, et
que beaucoup de ces projets ont été à forte intensité carbone (basés sur les énergies
fossiles) ou susceptibles de dégrader l’eau, l'air, les sols, la biodiversité, les
écosystèmes et la santé des populations, sans garanties suffisantes d’évitement, de
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réduction ou de juste compensation des impacts négatifs de ses actions.
Ainsi après 10 ans de tergiversation juridique, en février 2019 la Cour suprême des
Etats-Unis a jugé (décision 7–1 de la cour) que la banque mondiale pouvait être
poursuivie en justice pour dommages à l’environnement, réfutant une demande
d'immunité de poursuites faite par la Banque. Cette jurisprudence a été saluée par
divers groupes promouvant la justice sociale et/ou environnementale. Selon Vijaya
Ramachandran (qui a été employée par la Banque mondiale et qui est consultante
auprès de la SFI), plutôt que de de se plaindre d'un éventuel risques de salves de
poursuites, le Groupe de la Banque mondiale devrait accepter la responsabilité de ses
erreurs quand il finance des projets qui sapent sa raison d’être, c’est à dire éliminer
la pauvreté et à améliorer les conditions de vie dans plus de 170 pays.
L’origine de ce jugement est le financement par la Société financière internationale
(IFC) l’une des branches du secteur privé de la société. BM d’un prêt de 450
millions de dollars qui a permis en 2008 à la « Coastal Gujarat Power" de démarrer
une nouvelle centrale à charbon très polluante dans la ville indienne de Mundra.
Outre que cette usine pollue l’air et les eaux souterraines au point que beaucoup de
gens ont du déménager pour s’en éloigner, elle contribue au réchauffement
climatique, et son système de refroidissement a réchauffé l’eau et un estuaireen tuant
des poissons et dégradant des mangroves protégeant la côte contre la mer. Des
milliers d’agriculteurs, habitants et pêcheurs ont été lésés par cette dégradation de
leur environnement. Certains ont en 2011 décidé de porter plainte contre la SFI au
motif qu’elle n’a pas mis en œuvre les mesures de protection de l'environnement
qu'elle avait imposées à la compagnie d'électricité pour éviter, réduire ou compenser
les effets négatifs imprévus du projet.
Un arbitrage indépendant dédié aux litiges issus des financements de la SFI, a été
rendu par l'ombudsman conseiller en conformité (CAO), dans un rapport de 2013,
concluant d’une part que certains plaignants n'avaient pas été consultés ou pris en
compte, et d’autre part que le impacts sur le milieu aquatiques avaient été sous-
estimés; et qu’en outre la SFI n’avait pas ensuite correctement surveillé la
compagnie d’électricité. La SFI a publié un plan d’action, mais sans agir sur le fond.
En 2017, alors qu’une plainte groupée était déposée devant la justice américaine
avec l’aide de l’ONG Earth Rights International (basée à Washington DC), le CAO
s’est à nouveau inquiété de «la nécessité, non résolue, d'adopter une approche rapide,
participative et expressément corrective pour évaluer et gérer les impacts du projet».
La SFI a alors cherché à se réfugier derrière le droit pour les organisations
internationales basées aux États-Unis d’être protégées des poursuites pour « activité
commerciale ». Mais cette immunité est limitée, et la Cour suprême a dans ce cas
finalement renvoyé l’affaire devant les juridictions inférieures. Cette jurisprudence
ouvre la possibilité d’autres poursuites contre la SFI.
Vijaya Ramachandran témoigne dans la revue Nature que la BM a engagé des «
efforts sincères et efficaces pour lutter contre la pauvreté et les inégalités. Ces
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organisations font un travail essentiel. Il est décourageant de penser qu'une partie de
ces fonds pourrait devoir être affectée à des frais juridiques » mais elle se dit
également frustrée par le refus de la BM d’endosser une responsabilité quand « les
choses tournent mal ». Elle cite comme autre exemple de litige, traitée depuis 7 ans
par le CAO, l'affaire Dinant Corporation. Ce groupe agroalimentaire du Honduras
spécialisée dans l'huile de palme aurait selon les plaignants utilisé des forces de
sécurité privées pour expulser de force des agriculteurs dans et autour de ses
plantations ; ce que l’industriel nie.

2- Suggestions d'amélioration
Pour améliorer la situation, Vijaya Ramachandran fait dans la revue Nature en
mars 2019 quatre suggestions :

1. la SFI doit mieux consulter les acteurs touchés par ses projets, et donner au
CAO un mandat qui ne soit plus simplement consultatif.
2. les litiges ne devraient pas simplement donner lieu à des rapports. Des ONG
dont le Accountability Counsel de San Francisco (Californie) estiment que le
Panel d’inspection de la Banque mondiale (mécanisme indépendant recevant
les plaintes d’acteurs se jugeant lésés par les projets financés) devrait aussi
avoir un rôle de suivi.
3. un fonds spécial devrait pouvoir pour aider la partie lésée quand les projets
échouent. Pour l’ancien avocat de la Banque mondiale, Vivek Maru, qui
préside aussi Namati (ONG prônant l’autonomisation juridique), les grands
organismes internationaux devraient financer un soutien juridique indépendant
afin que les communautés touchées par leurs actes puissent faire valoir leurs
droits.
4. la BM et toutes les Agences de développement internationales doivent tirer
des leçons de leurs erreurs, dont en investissant dans la collecte de données
d’évaluation sociale et environnementale des projets financés, (à mutualiste et
mettre à disposition dans une base de référence).
Enfin, tout plaignant reconnu victime doit recevoir une indemnisation dans les
meilleurs délais (« après huit ans, la SFI a peu agi pour aider les milliers de pêcheurs
et d’agriculteurs qui ont perdu leur gagne-pain et n’a fait aucun autre commentaire à
ce sujet »). Certains pourraient craindre que la SFI aient alors plus d’aversion à
financer le risque, ou quitte des projets où son capital est nécessaire, note Vijaya
Ramachandran, mais son mandat exige qu’elle ne nuise pas à ceux qu’elle est censée
servir.

Conclusion
Aujourd'hui, la Banque mondiale doit faire face à la concurrence d'autres
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organisations (FMI à sa droite, PNUD à sa gauche), mais elle a dû adapter son
discours et ses méthodes, s'ouvrir au dialogue avec les ONG et les communautés sur
le terrain. Elle est en première ligne dans le vaste chantier des objectifs de
développement du millénaire et dans l'annulation de la dette des pays pauvres très
endettés. C'est une institution caméléon qui peut assez facilement faire face à des
critiques souvent contradictoires ("la Banque mondiale en fait trop" / "elle n'en fait
pas assez"…).

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