Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
2
IV- ROLE ET MISSIONS
Après la reconstruction de l'Europe et du Japon, son action s'est progressivement
orientée vers les pays en voie de développement (PVD), et en particulier les pays les
moins avancés (PMA), sur des axes comme l'éducation, l'agriculture, l'industrie, la
santé… et plus récemment vers le climat et l'environnement.
La BM a pour mission de soutenir des projets innovant ou risqués que des
investisseurs classiques n’oseraient pas financer, tels que des actions de
reconstruction de zones dévastées par des conflits ou des catastrophes, ou encore la
protection du climat et l’adaptation au dérèglement climatique (ex irrigation au
goutte à goutte alimentée par des modules photovoltaïques aidés au Niger). Rien
qu’en 2018, la SFI a aidé à hauteur d’environ 23 milliards de dollars des pays en
développement2.
En plus des prêts accordés, elle finance également (directement ou
indirectement) des projets d'ONG, et conduit de nombreuses recherches en rapport
avec le développement de chaque pays. Ainsi, c'est la Banque mondiale qui mesure
l'Indicateur de développement humain (IDH) dans différents pays et zones
géographiques, ou qui conduit avec l'Unicef des études thématiques sur l'eau et
l'assainissement.
V- BILAN
1- Les actions de la Banque Mondiale
La Banque mondiale cherche à réduire le fossé qui existe entre les pays riches
et les pays pauvres en utilisant les ressources des premiers pour assurer la croissance
des seconds.
Souvent, les pays à faible revenu ne peuvent pas emprunter sur les marchés
internationaux ou ne peuvent emprunter qu'à des taux d'intérêt élevés. Outre les
contributions directes et les prêts des pays développés, ces pays reçoivent des dons,
des prêts ne portant pas intérêt et une assistance technique de la Banque mondiale
pour leur permettre de fournir des services de base aux populations. Ils disposent de
30 à 40 ans pour rembourser les prêts, avec un délai additionnel de 10 ans ; dans les
3
faits, de nombreux prêts bénéficient d'un moratoire et sont annulés avant d'être
complètement remboursés.
En 2004, l'IDA a fourni neuf milliards de dollars de financement pour 158
projets dans 62 pays à faible revenu. Des ressources supplémentaires seraient
probablement superflues car ce qui manque ce n'est pas tant l'argent que de bons
projets c'est-à-dire des projets montés avec professionnalisme, socialement utiles et
susceptibles de ne pas être détournés à des fins de corruption. Les pays en
développement ayant un revenu plus élevé sont admis à emprunter à la BIRD.
Certains d'entre eux peuvent emprunter auprès de banques commerciales, mais
généralement à des taux d'intérêt élevés compte tenu du risque politique, de leurs
performances passées.
De plus, les prêts de la BIRD ont des échéances plus longues que ceux des
banques commerciales. Les emprunteurs disposent d'un délai de carence de trois à
cinq ans avant de commencer à rembourser sur des périodes allant jusqu'à 15 et 20
ans. Les gouvernements des PVD empruntent au titre de programmes déterminés qui
visent théoriquement à améliorer les conditions de vie des populations : réduire la
pauvreté, fournir des services sociaux de base comme l'éducation et la santé,
protéger l'environnement, construire des infrastructures de transport…. Au cours de
l'exercice 2002, la BIRD a consenti des prêts d'un montant total de 11,5 milliards de
dollars pour appuyer 96 projets dans 40 pays.
4
Là encore, il ne fallait pas être un expert en histoire longue pour connaître la
causalité entre la scolarisation et le développement dans les pays occidentaux.
5
ne s'appuyaient pas sur un marché local fort et le marché extérieur n'était pas assuré
(faible qualité des produits…). Souvent, ils ont souvent contribué à dégrader
l'environnement et au final ils n'ont laissé que des dettes. L'argument était que
l'investissement en capital physique introduirait du progrès technique, mais sans
qualification du travail et sans environnement adapté (institutions…) cette
transmission ne se fait pas. Selon William Easterly, le modèle Harrod-Domar, ou
plus exactement son application aveugle par la BM, a fait beaucoup de mal aux
PVD.
Depuis les années 1980, le capital humain est considéré comme un des piliers
de la croissance économique chez les macro-économistes (cf. les modèles de
croissance endogène). La BM a soutenu cette idée dans les PVD, qui ont investi
massivement dans l'éducation depuis 1960. Hélas, le retour sur investissement a été
assez décevant : l'amélioration des niveaux de vie par l'éducation a été nulle ou faible
dans la plupart des PVD, sauf en Asie de l'Est. Les pays aux plus forts taux de
croissance dans les dépenses d'éducation ont enregistré des taux de croissance du
PIB par tête très faibles. Dans les « bonnes circonstances », l'éducation demeure le
meilleur moyen d'élever les niveaux de vie : c'est ce qu'on a constaté en Asie de
l'Est ; mais il se trouve justement que ces circonstances ne sont pas bonnes, à la fois
politiquement et économiquement, dans nombre de PVD (cf. l'étude sur la pauvreté
dans le monde, disponible sur ce site).
2- Suggestions d'amélioration
Pour améliorer la situation, Vijaya Ramachandran fait dans la revue Nature en
mars 2019 quatre suggestions :
1. la SFI doit mieux consulter les acteurs touchés par ses projets, et donner au
CAO un mandat qui ne soit plus simplement consultatif.
2. les litiges ne devraient pas simplement donner lieu à des rapports. Des ONG
dont le Accountability Counsel de San Francisco (Californie) estiment que le
Panel d’inspection de la Banque mondiale (mécanisme indépendant recevant
les plaintes d’acteurs se jugeant lésés par les projets financés) devrait aussi
avoir un rôle de suivi.
3. un fonds spécial devrait pouvoir pour aider la partie lésée quand les projets
échouent. Pour l’ancien avocat de la Banque mondiale, Vivek Maru, qui
préside aussi Namati (ONG prônant l’autonomisation juridique), les grands
organismes internationaux devraient financer un soutien juridique indépendant
afin que les communautés touchées par leurs actes puissent faire valoir leurs
droits.
4. la BM et toutes les Agences de développement internationales doivent tirer
des leçons de leurs erreurs, dont en investissant dans la collecte de données
d’évaluation sociale et environnementale des projets financés, (à mutualiste et
mettre à disposition dans une base de référence).
Enfin, tout plaignant reconnu victime doit recevoir une indemnisation dans les
meilleurs délais (« après huit ans, la SFI a peu agi pour aider les milliers de pêcheurs
et d’agriculteurs qui ont perdu leur gagne-pain et n’a fait aucun autre commentaire à
ce sujet »). Certains pourraient craindre que la SFI aient alors plus d’aversion à
financer le risque, ou quitte des projets où son capital est nécessaire, note Vijaya
Ramachandran, mais son mandat exige qu’elle ne nuise pas à ceux qu’elle est censée
servir.
Conclusion
Aujourd'hui, la Banque mondiale doit faire face à la concurrence d'autres
9
organisations (FMI à sa droite, PNUD à sa gauche), mais elle a dû adapter son
discours et ses méthodes, s'ouvrir au dialogue avec les ONG et les communautés sur
le terrain. Elle est en première ligne dans le vaste chantier des objectifs de
développement du millénaire et dans l'annulation de la dette des pays pauvres très
endettés. C'est une institution caméléon qui peut assez facilement faire face à des
critiques souvent contradictoires ("la Banque mondiale en fait trop" / "elle n'en fait
pas assez"…).
10