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N° d’ordre 2006-ISAL-0011 Année 2006

Thèse

Aide au choix des produits de construction sur la base


de leurs performances environnementales et sanitaires

présentée devant

L’Institut National des Sciences Appliquées de Lyon

pour obtenir

le grade de docteur

Ecole doctorale : Mécanique, Energétique, Génie civil, Acoustique

Spécialité : Génie Civil

Par

Sabrina LEMAIRE

Soutenue le 26 janvier 2006 devant la Commission d’examen

Jury

MIRAMOND Marcel Professeur Président


GUARRACINO Gérard Professeur Directeur
CHEVALIER Jacques Docteur Encadrant CSTB
BOISSIER Daniel Professeur Rapporteur
ROUSSEAUX Patrick Professeur Rapporteur

Membre invité :
TROADEC Pierre Président de la Commission Environnement de l’AIMCC

Cette thèse a été préparée au Laboratoire des Sciences de l’Habitat de l’Ecole Nationale des Travaux
Publics de l’Etat et au Centre Scientifique et Technique du Bâtiment, département Développement
Durable, division Environnement / Durabilité.
ECOLES DOCTORALES
2005
SIGLE ECOLE DOCTORALE NOM ET COORDONNEES DU RESPONSABLE

CHIMIE DE LYON M. Denis SINOU


Université Claude Bernard Lyon 1
Lab Synthèse Asymétrique UMR UCB/CNRS 5622
Responsable : M. Denis SINOU Bât 308
2ème étage
43 bd du 11 novembre 1918
69622 VILLEURBANNE Cedex
Tél : 04.72.44.81.83 Fax : 04 78 89 89 14
sinou@univ-lyon1.fr
ECONOMIE, ESPACE ET MODELISATION M. Alain BONNAFOUS
E2MC DES COMPORTEMENTS Université Lyon 2
14 avenue Berthelot
MRASH
Responsable : M. Alain BONNAFOUS Laboratoire d’Economie des Transports
69363 LYON Cedex 07
Tél : 04.78.69.72.76
Alain.bonnafous@let.ish-lyon.cnrs.fr
ELECTRONIQUE, ELECTROTECHNIQUE, M. Daniel BARBIER
E.E.A. AUTOMATIQUE INSA DE LYON
Laboratoire Physique de la Matière
Bâtiment Blaise Pascal
Responsable : M. Daniel BARBIER 69621 VILLEURBANNE Cedex
Tél : 04.72.43.64.43 Fax : 04 72 43 60 82
Daniel.Barbier@insa-lyon.fr
EVOLUTION, ECOSYSTEME, M. Jean-Pierre FLANDROIS
E2M2 MICROBIOLOGIE, MODELISATION UMR 5558 Biométrie et Biologie Evolutive
http://www.biomserv.univ-lyon1.fr/E2M2 Equipe Dynamique des Populations Bactériennes
Faculté de Médecine Lyon-Sud Laboratoire de Bactériologie BP
Responsable : M. Jean-Pierre FLANDROIS 1269600 OULLINS
Tél : 04.78.86.31.50 Fax : 04 72 43 13 88
E2m2@biomserv.univ-lyon1.fr
INFORMATIQUE ET INFORMATION M. Lionel BRUNIE
EDIIS POUR LA SOCIETE INSA DE LYON
http://www.insa-lyon.fr/ediis EDIIS
Bâtiment Blaise Pascal
Responsable : M. Lionel BRUNIE 69621 VILLEURBANNE Cedex
Tél : 04.72.43.60.55 Fax : 04 72 43 60 71
ediis@insa-lyon.fr
INTERDISCIPLINAIRE SCIENCES-SANTE M. Alain Jean COZZONE
EDISS http://www.ibcp.fr/ediss IBCP (UCBL1)
7 passage du Vercors
Responsable : M. Alain Jean COZZONE 69367 LYON Cedex 07
Tél : 04.72.72.26.75 Fax : 04 72 72 26 01
cozzone@ibcp.fr
MATERIAUX DE LYON M. Jacques JOSEPH
http://www.ec-lyon.fr/sites/edml Ecole Centrale de Lyon
Bât F7 Lab. Sciences et Techniques des Matériaux et des
Responsable : M. Jacques JOSEPH Surfaces
36 Avenue Guy de Collongue BP 163
69131 ECULLY Cedex
Tél : 04.72.18.62.51 Fax : 04 72 18 60 90
Jacques.Joseph@ec-lyon.fr
MATHEMATIQUES ET INFORMATIQUE M. Franck WAGNER
Math IF FONDAMENTALE Université Claude Bernard Lyon1
http://www.ens-lyon.fr/MathIF Institut Girard Desargues
UMR 5028 MATHEMATIQUES
Responsable : M. Franck WAGNER Bâtiment Doyen Jean Braconnier
Bureau 101 Bis, 1er étage
69622 VILLEURBANNE Cedex
Tél : 04.72.43.27.86 Fax : 04 72 43 16 87
wagner@desargues.univ-lyon1.fr
MECANIQUE, ENERGETIQUE, GENIE M. François SIDOROFF
MEGA CIVIL, ACOUSTIQUE Ecole Centrale de Lyon
http://www.lmfa.ec-lyon.fr/autres/MEGA/index.html Lab. Tribologie et Dynamique des Systêmes Bât G8
36 avenue Guy de Collongue BP 163
Responsable : M. François SIDOROFF 69131 ECULLY Cedex
Tél : 04.72.18.62.14 Fax : 04 72 18 65 37
Francois.Sidoroff@ec-lyon.fr
Avant-propos

AVANT-PROPOS
Cette thèse a été réalisée au Laboratoire des Sciences de l’Habitat (LASH) de l’Ecole
Nationale des Travaux Publics de l’Etat (ENTPE), et au Centre Scientifique et Technique
du Bâtiment (CSTB) de Grenoble, dans le département Développement Durable, division
Environnement/Durabilité.
Je remercie vivement Monsieur Gérard Guarracino, directeur du Département Génie Civil et
Bâtiment (DGCB) de l’ENTPE, ancien directeur du LASH, et Monsieur Jean-Luc Chevalier,
chef de la division Environnement/Durabilité, de m’avoir accueillie pour réaliser mes travaux
de thèse au sein de leur laboratoire et de leur division respectivement.

Que Monsieur Gérard Guarracino soit également remercié pour la direction de mes
recherches, pour ses remarques et suggestions, ainsi que pour le temps qu’il m’a consacré
durant la réalisation de cette thèse.
Mille mercis à Monsieur Jacques Chevalier, docteur au CSTB, et co-directeur de ma thèse,
pour son encadrement au quotidien, son attention et sa disponibilité bienveillantes, son
soutien et les nombreux conseils et encouragements qu’il m’a prodigués tout au long de mes
travaux de recherche.

J’exprime toute ma gratitude à Monsieur Daniel Boissier, directeur du Laboratoire de Génie


Civil de l’Université Blaise Pascal de Clermont Ferrand, et à Monsieur Patrick Rousseaux,
directeur du Département Gestion des Risques de l’Université de Poitiers, pour avoir accepté
d’être les rapporteurs de mes travaux. Que Monsieur Marcel Miramond, directeur du Centre
des Humanités de l’INSA de Lyon, reçoive aussi mes remerciements pour avoir accepté de
présider le jury. Je remercie également Monsieur Pierre Troadec, président de la Commission
Environnement de l’AIMCC, d’avoir accepté de participer au jury en tant que membre invité.

Un remerciement particulier à Monsieur Nicolas Bus, informaticien au département


Technologie de l’Information et Diffusion du Savoir (TIDS) du CSTB, et principal
développeur de l’outil RAMSES, pour sa patience, sa motivation, ses idées et les travaux que
nous avons réalisés ensemble.
Merci également à Monsieur Richard Cantin, enseignant chercheur au LASH de l’ENTPE,
pour son implication et ses explications concernant les métaphores biologiques.

Que tous les professionnels du bâtiment et de la construction qui ont accepté de répondre au
questionnaire que j’ai développé pendant ma thèse, ou qui ont bien voulu m’accorder un
entretien, soient également remerciés ; leurs réponses et leur intérêt pour mes travaux m’ont
beaucoup aidée.

J’exprime ma sincère sympathie à tous ceux que j’ai eu l’occasion de côtoyer au CSTB, et au
LASH, et en particulier (en plus des personnes déjà citées précédemment) Danielle Bonnet,
Emmanuel Jayr, Gaël Mendoza, Nathalie Leyssieux, Sophie Cuenot, Marcel Rubaud, Jean-
Charles Maréchal, Gérard Révirand, Michèle Ghaleb, Nicolas Rossignol, Julien Hans, Pierre
Verri, Bruno Chevalier, Hébert Sallée, Christiane Pezzetti, Monique Prat, Jérôme Laurent,
Daniel Quénard, Claude Pompéo, François Olive, Daniel Giraud, François-Dominique
Menneteau, Jérôme Lair, Audrey Havez, Josée Laplante, Claude Martin, Elisabeth
Fourneaux, Jean-François Buisson, Vincent Galiano, Jean-Claude Pavier, José Cournet,
Emmanuel Durand, Stéphane Lebourg, Pierre Michel, et Monique Darnand, personnes qui,
grâce à leur gentillesse et leurs compétences diverses, ont permis que cette thèse se déroule
dans les meilleures conditions possibles.

-3-
Avant-propos

Madame Claude Durrieu, Madame Cécile Delolme, enseignants chercheurs au Laboratoire


des Sciences de l’Environnement (LSE), à l’ENTPE, ainsi que Monsieur Yves Perrodin,
directeur du LSE, ont toute ma reconnaissance car sans eux il y a quatre ans, mes projets ne se
seraient pas concrétisés.

Je pense chaleureusement à tous les doctorants (docteurs maintenant pour la plupart d’entre
eux) et stagiaires que j’ai eu le plaisir de rencontrer au CSTB : Maha, Claudia, François,
Nicoleta, Patrick, Marine, Claire, Emmanuelle, Mélanie, Karine, Rémi, Naris, Guillaume
Co., Anne, Guillaume Ca., Marceline, Hélène, Charlotte, Céline, avec une mention spéciale
pour Aurélie, ma voisine de bureau pendant ces trois années.

Enormes mercis à ma Maman, avec plein d’amour, pour tous ses conseils, sa présence, son
soutien, son dévouement, ses relectures, explications et suggestions tout au long de ma
scolarité, et ces derniers mois en particulier. Je pense aussi beaucoup à mes deux sœurs que
j’adore, Sandrine et Gwennaëlle, et à leurs amis respectifs, Vincent et Nicolas, qui me
permettent de passer des moments de détente inoubliables. Je souhaite également adresser une
pensée affectueuse à toutes les personnes que j’apprécie, famille, belle-famille, et amis, à qui
j’aimerais pouvoir consacrer plus de temps. Je pense beaucoup aussi à ceux qui ne sont plus là
et qui me manquent.

Special thanks to Nero and Monique too, they know why.

Ma dernière pensée est pour Ludovic. Merci infiniment pour ce que tu es, pour tout ce que tu
fais, pour ton aide, ton soutien et pour tout le bonheur que tu m’apportes depuis que nous
nous connaissons.

-4-
Résumé

RESUME

Cette thèse est consacrée à la réalisation d’un outil d’aide au choix des produits de
construction en fonction de leurs caractéristiques environnementales et sanitaires.
Cet outil, destiné aux professionnels du bâtiment, est fondé sur le principe et les méthodes
d’analyse multicritère. L’échelle de l’étude est celle du composant du bâtiment, afin que la
comparaison soit effectuée sur la base de performances techniques similaires. L’outil réalisé
utilise les données environnementales et sanitaires des produits de construction issues des
FDES au format de la norme NF P01-010. Il a été appliqué au composant « mur », ainsi qu’à
la comparaison de six revêtements de sol. Les résultats obtenus montrent qu’il est possible
d’aboutir à un classement des solutions constructives d’un composant. Ce classement peut
dépendre des pondérations et des méthodes d’agrégation choisies, il doit donc être complété
par des analyses de sensibilité. L’outil nécessite à présent d’être testé par les acteurs du
bâtiment.

Mots clés : composants du bâtiment, produits de construction, FDES, aide à la décision,


agrégation multicritère.

-5-
Summary

SUMMARY

This thesis aims at developing a decision-aid tool that compares building products according
to their environmental and health characteristics.
This tool is intended for building actors. It is based on the methodology and methods of multi-
criteria analysis. The scale of the study is the one of the building component in order that the
comparison is achieved using the same technical functions. The developed tool uses data from
the EPDs in the French standard NF P01-010 format. It was applied to the “wall” component
and to the comparison of six floorings. The obtained results have shown that it is possible to
produce a ranking of building options of a component. This ranking may depend on the
weighting and aggregation methods used. It has also to be completed by some sensitivity
analyses. The tool now requires to be tested by the building actors.

Keywords: building components, building products, EPDs, decision-aid, multi-criteria


aggregation.

-6-
Sommaire

SOMMAIRE

Glossaire 11

Principaux sigles et notations 14

Introduction générale 15

Chapitre 1. Le choix des produits de construction en fonction de leurs


caractéristiques environnementales et sanitaires : Etat de l’art et apports de
l’analyse multicritère 17

1 Introduction _____________________________________________________________ 17

2 Environnement, santé, bâtiment et produits de construction _________________________ 18


2.1 Environnement et santé _______________________________________________________ 18
2.2 Bâtiment et produits de construction ____________________________________________ 23
2.3 Conclusions________________________________________________________________ 27

3 Réglementations, recommandations et réponses existantes __________________________ 28


3.1 Obligations et/ou recommandations relatives à l’environnement et la santé ______________ 28
3.2 Démarches des acteurs de la construction ________________________________________ 32
3.3 Principaux outils opérationnels existants _________________________________________ 39
3.4 Conclusions________________________________________________________________ 43

4 Apports de l’analyse multicritère _____________________________________________ 44


4.1 Contexte et cadre de l’analyse multicritère _______________________________________ 44
4.2 Définitions supplémentaires ___________________________________________________ 45
4.3 Méthodes d’analyse multicritère________________________________________________ 54
4.4 Elaboration d’un arbre de décision permettant de choisir une méthode d’agrégation ______ 59
4.5 Conclusions________________________________________________________________ 65

5 Premières propriétés du cahier des charges de l’outil d’aide au choix __________________ 66


5.1 Objectifs de notre outil _______________________________________________________ 66
5.2 Choix de l’échelle ___________________________________________________________ 66
5.3 Choix de la phase opérationnelle _______________________________________________ 67
5.4 Choix des critères d’évaluation ________________________________________________ 67
5.5 Sélection des méthodes d’agrégation ____________________________________________ 68
5.6 Premières caractéristiques logicielles pratiques ___________________________________ 71

-7-
Sommaire

Chapitre 2. Modélisation de l’outil d’aide au choix 73

1 Introduction _____________________________________________________________ 73

2 Détermination des actions : les solutions constructives d’un composant ________________ 74


2.1 Hypothèses préliminaires _____________________________________________________ 74
2.2 Composant du bâtiment et unité fonctionnelle _____________________________________ 74
2.3 Solutions constructives associées à un composant du bâtiment ________________________ 75
2.4 Produits ou éléments intervenant dans une solution constructive ______________________ 75

3 Construction des familles cohérentes de critères environnementaux et sanitaires _________ 76


3.1 Hypothèses préliminaires _____________________________________________________ 76
3.2 Construction des critères et choix de leur indicateur ________________________________ 76
3.3 Analyse critique de la famille cohérente de critères construite ________________________ 83
3.4 Simplification de la famille cohérente de critères___________________________________ 84

4 Evaluation des solutions constructives par chaque critère ___________________________ 89


4.1 Hypothèses préliminaires _____________________________________________________ 90
4.2 Ebauche de la compilation des performances techniques des éléments __________________ 90
4.3 Obtention du profil E&S pour chaque élément, par UF définie pour l’élément____________ 95
4.4 Conversion du profil E&S de chaque élément, pour la DVP et la quantité du composant____ 96
4.5 Obtention du profil E&S de chaque solution, pour la DVP et la quantité du composant_____ 99
4.6 Obtention du profil E&S complet de chaque solution, pour UF composant _____________ 101
4.7 Calcul du profil environnemental et sanitaire simplifié de chacune des solutions_________ 102
4.8 Conclusions_______________________________________________________________ 104

5 Pondération des critères environnementaux et sanitaires __________________________ 105


5.1 Hypothèses préliminaires ____________________________________________________ 105
5.2 Jeux de pondération classique ________________________________________________ 106
5.3 Jeux de pondération dits « HQE » _____________________________________________ 107
5.4 Jeux de pondération de l’utilisateur ____________________________________________ 110
5.5 Option « aucune pondération » _______________________________________________ 111

6 Agrégation des évaluations et résultats ________________________________________ 112


6.1 Hypothèses préliminaires ____________________________________________________ 112
6.2 Application des méthodes d’agrégation sélectionnées ______________________________ 112
6.3 Résultats de l’agrégation ____________________________________________________ 122

7 Analyse de robustesse et recommandations _____________________________________ 124


7.1 Définitions préliminaires ____________________________________________________ 124
7.2 Variation des paramètres ____________________________________________________ 124
7.3 Comparaison des méthodes et des profils________________________________________ 125
7.4 Règles expertes ____________________________________________________________ 126

8 Conclusions _____________________________________________________________ 127

-8-
Sommaire

Chapitre 3. De la modélisation à la réalisation 129

1 Introduction ____________________________________________________________ 129

2 Hypothèses non valides ____________________________________________________ 130


2.1 Disponibilité des inventaires du cycle de vie des produits de construction ______________ 130
2.2 Réalisation d’essais sanitaires et accessibilité des résultats _________________________ 130

3 Choix pratiques essentiels __________________________________________________ 131


3.1 Liste des composants susceptibles d’être étudiés __________________________________ 131
3.2 Obtention des éléments constitutifs des solutions constructives _______________________ 131
3.3 Familles de critères environnementaux et sanitaires _______________________________ 132
3.4 Règles de conversion et de compilation, pondérations et agrégations __________________ 136
3.5 Traitement des données manquantes ___________________________________________ 136
3.6 Conclusions_______________________________________________________________ 137

4 Eléments complémentaires du cahier des charges de l’outil_________________________ 138


4.1 Schéma fonctionnel détaillé de l’outil___________________________________________ 138
4.2 Bases de données utilisées par l’outil ___________________________________________ 141
4.3 Rappel des calculs effectués par l’outil _________________________________________ 141
4.4 Description des écrans de l’outil ______________________________________________ 142
4.5 Caractéristiques pratiques de l’interface de l’outil ________________________________ 144
4.6 Navigation dans l’outil ______________________________________________________ 145

5 Conclusions _____________________________________________________________ 146

Chapitre 4. Applications, discussions et perspectives 147

1 Introduction ____________________________________________________________ 147

2 Description de l’outil informatique ___________________________________________ 148


2.1 Version Excel de l’outil______________________________________________________ 148
2.2 Outil RAMSES à destination des acteurs du bâtiment ______________________________ 149

3 Application : comparaison de solutions constructives du composant « mur » ___________ 151


3.1 Choix de l’application et description succincte du composant________________________ 151
3.2 Unité fonctionnelle _________________________________________________________ 151
3.3 Description des solutions constructives _________________________________________ 151
3.4 Profils environnementaux et sanitaires des solutions constructives ____________________ 152
3.5 Analyses comparatives ______________________________________________________ 154
3.6 Résultats et conclusions _____________________________________________________ 155

-9-
Sommaire

4 Application : comparaison de revêtements de sol ________________________________ 157


4.1 Présentation de l’application _________________________________________________ 157
4.2 Profils environnementaux et sanitaires des six solutions constructives _________________ 158
4.3 Comparaison des six solutions constructives _____________________________________ 159
4.4 Conclusions_______________________________________________________________ 159

5 Application : évaluation de produits ou de solutions constructives ___________________ 162

6 Premières règles expertes pour les recommandations _____________________________ 163


6.1 Liste de données « conditions » _______________________________________________ 163
6.2 Liste de données « résultats » _________________________________________________ 163
6.3 Règles entre les listes de données ______________________________________________ 164

7 Discussions méthodologiques et perspectives ____________________________________ 165


7.1 Aide au choix utilisant les données de la base INIES _______________________________ 166
7.2 Echelle de comparaison _____________________________________________________ 167
7.3 Intégration des performances techniques ________________________________________ 167
7.4 Compilation des données E&S du produit au composant____________________________ 167
7.5 Principe des méthodes d’analyse multicritère ____________________________________ 168
7.6 Choix des méthodes d’aide à la décision ________________________________________ 168
7.7 Méthodes de pondération des critères __________________________________________ 169
7.8 Traitement des données manquantes ___________________________________________ 170
7.9 Simplification de la famille de critères __________________________________________ 171
7.10 Intégration de données manuellement _________________________________________ 172

8 Conclusions _____________________________________________________________ 173

Conclusion générale 175

Bibliographie 177

Index des tableaux et figures 195

Annexes 199

Annexe 1 : Propriétés des principales méthodes d’agrégation multicritère 200


Annexe 2 : Questionnaire 203
Annexe 3 : Résultats obtenus par le questionnaire 217
Annexe 4 : Justification des pondérations internes des critères globaux 219
Annexe 5 : Pondérations dites « HQE » 221
Annexe 6 : Algorithmes des méthodes d’agrégation 223
Annexe 7 : Résultats de l’application au composant « mur » 239
Annexe 8 : Résultats de l’application aux revêtements de sol 243

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Glossaire

GLOSSAIRE
Tous les mots soulignés dans les définitions sont également définis dans le glossaire.

• Action
Politique, programme, projet ou candidat faisant l’objet de l’analyse multicritère [Maystre et al.,
1994].

• Action potentielle
Action provisoirement jugée possible par un des intervenants au moins ou présumée comme telle par
l’homme d’étude, en vue de l’aide à la décision [Maystre et al., 1994].
Exemple : le choix d’une solution constructive particulière peut être considéré comme une action
potentielle.

• Agrégation
Opération permettant d’obtenir des informations sur la préférence globale entre les actions
potentielles, à partir d’informations sur les préférences par critère [Maystre et al., 1994].
Exemple : la somme pondérée est une méthode d’agrégation.

• Aide à la décision
Activité de celui [l’homme d’étude] qui, prenant appui sur des modèles clairement explicités mais non
nécessairement complètement formalisés, aide à obtenir des éléments de réponses aux questions que se
pose un intervenant dans un processus de décision, éléments concourant à éclairer la décision et
normalement à prescrire, ou simplement à favoriser, un comportement de nature à accroître la
cohérence entre l’évolution du processus d’une part, les objectifs et le système de valeurs au service
desquels cet intervenant se trouve placé d’autre part [Roy, 1985].

• Analyse du cycle de vie


Etude des impacts potentiels sur l’environnement d’un système (produits, matériaux, bâtiment) tout au
long des différentes étapes qui constituent son cycle de vie, pour une unité fonctionnelle donnée,
d’après [ISO 14040, 1997].

• Analyse multicritère
Analyse ayant pour but d’expliciter une famille cohérente de critères permettant d’appréhender les
différentes conséquences d’une action [Maystre et al., 1994].

• Catégorie d’impact
Classe représentant les points environnementaux étudiés dans laquelle les résultats de l’analyse de
l’inventaire du cycle de vie peuvent être affectés [ISO 14042, 2000].
Exemple : changement climatique [ISO/TR 14047, 2003].

• Composants du bâtiment
Nous définissons un composant du bâtiment comme une partie de ce bâtiment à laquelle sont associées
une ou plusieurs performances ; c’est un assemblage de matériaux et produits de construction.
Exemples : un mur, une toiture, une dalle, etc.

• Critère
Expression qualitative ou quantitative de points de vue, objectifs, aptitudes ou contraintes relatives au
contexte réel, permettant de juger des actions potentielles [Maystre et al., 1994]. Un critère est doté
d’un indicateur permettant de le calculer, d’une unité, d’une échelle (ordinale ou cardinale), d’une
structure et d’un sens de préférence, d’après [Pictet et Bollinger, 1999].
Exemple : une catégorie d’impact, munie d’un indicateur de catégorie d’impact, et de facteurs de
caractérisation peut représenter un critère, lorsqu’il s’agit de comparer et choisir des solutions
constructives en fonction de leurs impacts environnementaux.

- 11 -
Glossaire

• Cycle de vie
Phases consécutives et liées d’un système (produits, matériaux, bâtiment) de l’acquisition des matières
premières ou de la génération des ressources naturelles à l’élimination finale [ISO 14040, 1997].

• Danger
Menace susceptible d’engendrer des nuisances plus ou moins graves pour l’homme et/ou
l’environnement (d’après [EPE, 1998]). Pour les produits de construction, le danger peut provenir de
leurs propriétés physico-chimiques, ou de celles de leurs éléments constitutifs, d’après [EPE, 1998].
Exemple : la présence de plomb dans une peinture est un danger potentiel pour la santé humaine.

• Environnement
La norme ISO 14050 [ISO 14050, 1998] définit l’environnement comme le milieu dans lequel un
organisme fonctionne, incluant l’air, l’eau, la terre, les ressources naturelles, la faune, la flore, les êtres
humains et leurs interactions. Dans cette norme, le milieu inclut également l’intérieur du bâtiment et le
mot organisme peut aussi se comprendre comme « ouvrage ou bâtiment ou produit de bâtiment ».

• Exposition
Il s’agit du contact entre l’homme et/ou l’environnement et le vecteur de danger (contact pouvant avoir
lieu dans certaines conditions d’usage ou dans certaines circonstances), d’après [EPE, 1998].
Exemple : une peinture qui s’écaille dans un logement peut engendrer une exposition par ingestion des
jeunes enfants.

• Facteur de caractérisation
Facteur établi à partir d’un modèle de caractérisation qui est utilisé pour convertir les résultats de
l’analyse de l’inventaire du cycle de vie en unité commune d’indicateur de catégorie d’impact [ISO
14042, 2000].
Exemple : Potentiel de réchauffement planétaire pour chaque gaz à effet de serre (kg d’équivalents
CO2/kg de gaz) [ISO/TR 14047, 2003].

• Impact environnemental
Toute modification de l’environnement, négative ou bénéfique, résultant totalement ou partiellement
des activités, produits ou service d’un organisme [ISO 14050, 2002].
Exemple : émissions de CO2 dans l’atmosphère liées au chauffage.

• Indicateur de catégorie d’impact


Représentation quantifiable d’une catégorie d’impact [ISO 14042, 2000].
Exemple : forçage radiatif de rayonnement infrarouge (W/m²) [ISO/TR 14047, 2003].

• Inventaire du cycle de vie (ou analyse de l’inventaire de cycle de vie)


Recueils et calculs des flux de matières et d’énergies entrants et sortants à chaque étape du cycle de
vie d’un système (produits, matériaux, bâtiment), d’après [ISO 14040, 1997].
Exemples : CO2 en kg/unité fonctionnelle, CH4 en kg/unité fonctionnelle.

• Matériau de construction
Elément provenant d’un site naturel ou d’une installation de transformation, et qui sert in situ à la
fabrication de parties d’ouvrages, d’après [Le Teno, 1995].
Exemples : granulat, ciment, sable, etc.

• Modèle
Schéma qui, pour un champ de questions, est pris comme représentation d’une classe de phénomènes,
plus ou moins habilement dégagés de leur contexte par un observateur pour servir de support à
l’investigation et/ou à la communication [Roy, 1985].

- 12 -
Glossaire

• Normation
Opération qui consiste à rapporter des résultats d’analyse du cycle de vie à une échelle normée en vue
d’en faciliter la compréhension.
Généralement, l’échelle retenue est l’équivalent habitant européen ou français. Cependant, selon
l’échelle de l’étude, la normation peut être faite par rapport à toute échelle pertinente, d’après
[ADEME, 2005] et [ISO 14042, 2000].
Par extension, nous appellerons normation toute opération qui consiste à rapporter les profils
environnementaux et sanitaires à une échelle commune, ou à les rendre adimensionnels.

• Nuisance
Préjudice pour la santé d’un organisme ou l’environnement, d’après [Recyconsult, 2003].

• Processus de décision
Succession d’étapes au cours de laquelle les multiples options, qui vont conditionner la décision
globale, sont définies [Maystre et al., 1994].

• Produit de construction
Elément fabriqué en usine et incorporé dans un bâtiment sans subir de transformation importante,
d’après [Le Teno, 1995].
Exemples : plaque de plâtre, fenêtre, tuyau, isolant, etc.

• Profil (multicritère) environnemental et sanitaire


Ensemble (le plus exhaustif possible) des résultats d’indicateurs de catégorie d’impact
environnementaux et des évaluations des risques sanitaires, pour un système donné, d’après
[Chevalier, 2003].

• Résultat d’indicateur de catégorie d’impact


Valeur globale du système pour la catégorie d’impact étudiée, d’après [ISO 14042, 2000]. C’est
l’évaluation du système selon le critère considéré.
Exemple : Potentiel de réchauffement planétaire en kg d’équivalents CO2 [ISO/TR 14047, 2003].

• Risque
Un risque (sanitaire ou environnemental) correspond au croisement, c'est-à-dire à la mise en relation,
des données relatives aux dangers (propriétés intrinsèques) d’un élément et à l’exposition (contact)
d’un organisme à cet élément. L’évaluation d’un risque sanitaire correspond à la détermination des
effets sur la santé d’une exposition d’individus à des matériaux ou à des situations dangereuses
(d’après [EPE, 1998]).
Exemple : une peinture au plomb qui s’écaille dans un logement correspond à un risque sanitaire de
saturnisme pour les jeunes enfants.

• Solution constructive
Nous définissons une solution constructive comme une réalisation possible d’un composant du
bâtiment, pour une unité fonctionnelle donnée, c'est-à-dire une association particulière de matériaux et
produits de construction.
Exemple : pour le composant « mur », une solution constructive peut correspondre à un mur en béton,
ou à un mur en terre cuite.

• Unité fonctionnelle
Performance quantifiée d’un système (produits, matériaux, bâtiment) destinée à être utilisée comme
unité de référence dans une analyse de cycle de vie [ISO 14040, 1997] et [ISO 14041, 1998]. En
général, une unité fonctionnelle comporte une unité de quantité, une unité de temps, et une unité de
performance, d’après [ISO/TR 14049, 2000].
Exemple : pour une peinture, coloration de 20 m² pendant 5 ans d’un mur, avec une opacité de 98%
[ISO/TR 14049, 2000].

- 13 -
Sigles et notations

PRINCIPAUX SIGLES ET NOTATIONS

• Organismes

ADEME Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie


AIMCC Association des Industriels fabricants de Matériaux et Composants
pour la Construction
CSTB Centre Scientifique et Technique du Bâtiment
DGUHC Direction Générale de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Construction
ENTPE Ecole Nationale des Travaux Publics de l’Etat
IFEN Institut Français de l’ENvironnement

• Champ environnemental et sanitaire

DPC Directive Produits de Construction


EPD Environmental Product Declaration
FDES Fiche de Déclaration Environnementale et Sanitaire (traduction
française d’EPD)
FDS Fiche de Données de Sécurité
HQE® (Démarche de) Haute Qualité Environnementale
INIES INformation sur l’Impact Environnemental et Sanitaire, base de
données française de référence regroupant les FDES des produits de
construction
PIP Politique Intégrée de Produits

• Analyse de cycle de vie et analyse multicritère

ACV Analyse du Cycle de Vie


ICV Inventaire du Cycle de Vie
UF Unité fonctionnelle
DVT Durée de vie typique
DVP Durée de vie prescrite (par l’utilisateur de l’outil d’aide au choix des
produits)
A Ensemble des actions potentielles
ai Action potentielle
F Famille cohérente de critères
j Nom d’un critère
gj(ai) Evaluation de l’action ai par le critère j
Pj Poids du critère j

• Outil d’aide au choix des produits de construction développé

RAMSES Rangement par l’Analyse Multicritère des Systèmes constructifs en


fonction de l’Environnement et de la Santé, outil d’aide au choix des
produits de construction

Note : les exemples seront présentés en italique et encadrés dans le corps de ce mémoire.

- 14 -
Introduction générale
Introduction générale

A la fin des années soixante-dix, lors de la médiatisation de grandes catastrophes écologiques,


dues aux activités anthropiques, l’homme prend progressivement conscience de la fragilité
croissante de son environnement, dont il est le principal responsable. Les ressources naturelles
ne sont pas infinies, l’eau, l’air et la terre sont des milieux très sensibles, qu’il faut préserver.
Ces trente dernières années ont alors été marquées par la mise en œuvre mondiale de mesures
diverses pour tenter de sauvegarder cet environnement, tout en poursuivant un développement
économique et social satisfaisant. Conférences sur l’environnement (1972 : Conférence des
Nations Unies sur l’Environnement Humain ; 1992 : Sommet de la Terre à Rio ; 2002 :
Sommet Mondial sur le Développement Durable), accords internationaux de protection de
l’environnement (dont les Agendas 21 en 1992 et le protocole de Kyoto en 1997), et
commissions (1983 : Commission Brundtland) se multiplient : il s’agit dorénavant pour
l’homme de consommer moins et de respecter plus [Boiteux, 2003].

Actuellement, le Développement Durable est le maître mot, qui se veut intervenir dans bon
nombre de décisions nationales et internationales, soucieuses de préserver l’environnement.
Expression employée pour la première fois en 1980 par l’UICN (Union Internationale pour la
Conservation de la Nature), cette notion a ensuite été reprise par de nombreuses personnes et
instances, acteurs de l’environnement ou non [Jollivet, 2001]. Le rapport Brundtland, en 1987,
définit le développement durable comme « un développement qui répond aux besoins du
présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres
besoins ». La Commission des Communautés Européennes a par la suite précisé l’expression :
le développement durable est « une politique et une stratégie visant à assurer la continuité
dans le temps du développement économique et social, dans le respect de l’environnement, et
sans compromettre les ressources naturelles indispensables à l’activité humaine » [Brodhag et
al., 2004].
La politique actuelle qui tend à promouvoir un développement durable dans de nombreux
domaines [IFEN, 2003], entraîne et encourage les professionnels du bâtiment à réfléchir sur la
qualité environnementale et sanitaire des produits, ouvrages et services qu’ils gèrent, comme
en témoignent les travaux récents sur la réglementation thermique, l’éclairage, le confort, la
gestion des déchets du bâtiment. Le bâtiment, notamment pendant ses phases de vie en œuvre
et de fin de vie, est en effet responsable de nombreux impacts (consommation d’eau,
d’énergie, production de déchets, qualité de l’air intérieur).

Un bâtiment est un système complexe, dépendant de son environnement. Il ne s’agit pas d’un
simple assemblage de matériaux et produits de construction, mais d’une construction
raisonnée dont tous les éléments – intérieurs et extérieurs – sont en interaction. La qualité
environnementale et sanitaire d’un bâtiment nécessite par conséquent de prendre en compte
de nombreuses données, souvent indisponibles, quantitatives mais aussi qualitatives,
imprécises, et incertaines, et ceci, dans un contexte multi-acteurs et multi-objectifs. Cette
qualité environnementale et sanitaire se traduit par une réduction de ses « pressions » sur
l’environnement (besoins en matières premières et énergies, rejets de matières polluantes),
tout en offrant à ses utilisateurs un intérieur sain et confortable, et en respectant certaines
contraintes économiques. C’est ainsi que le concept de Haute Qualité Environnementale
(HQE®) du cadre bâti s’est développé et se généralise, de la conception à la déconstruction,
en passant par la construction, la réhabilitation, la maintenance. Il s’agit de « règles »
environnementales et sanitaires de conception et de construction, déclinées en 14 cibles, ayant
pour objectifs de réduire les charges du bâtiment sur son environnement extérieur, et
d’améliorer son environnement intérieur [Association HQE, 2005a].
En croisant les différentes cibles de la démarche HQE®, le choix des matériaux et produits
de construction apparaît comme crucial pour atteindre ces objectifs.

- 15 -
Introduction générale

En effet, directement ou indirectement, les matériaux et produits de construction influencent


notablement l’utilisation des ressources, les choix énergétiques, la production de déchets, etc.,
autant d’impacts potentiels du bâtiment sur l’environnement et la santé.
Le choix des matériaux et produits de construction ne peut plus être uniquement un choix
technico-économique comme c’est encore trop souvent le cas actuellement. En témoignent les
nouvelles recommandations et exigences européennes qui se développent sur les produits de
construction (Politique Intégrée de Produit, mise en œuvre de la Directive Produits de
Construction et son Exigence Essentielle n°3). Il semble nécessaire d’intégrer les
caractéristiques environnementales et sanitaires dans le choix des produits pour permettre au
bâtiment d’être plus respectueux d’un point de vue environnemental et sanitaire. Des normes
portant sur la détermination de profils environnementaux et sanitaires des produits de
construction, telle que la norme française NF P01-010, permettent de mettre à disposition
des acteurs du bâtiment l’information multicritère nécessaire à ce choix, mais pas suffisante.
En effet, cette information multicritère ne peut être utilisée telle quelle pour comparer, et donc
choisir les produits de construction. En effet, d’une part, elle concerne des éléments non
directement comparables (puisqu’ils n’ont pas les mêmes fonctions techniques), et d’autre
part, elle nécessite d’être simplifiée pour apporter une réponse synthétique et plus facilement
interprétable. Les principes et les méthodes de l’analyse multicritère nous ont alors semblé
bien adaptés pour réaliser l’étude et le traitement de cette information.

L’objectif de nos travaux de recherche consiste ainsi à proposer aux professionnels de la


construction, un outil multicritère d’aide au choix des produits et matériaux de
construction, intégrant leurs caractéristiques environnementales et sanitaires.

Dans un premier chapitre bibliographique, nous proposons un panorama des différentes


recommandations environnementales et sanitaires pour le choix des produits et matériaux de
construction, que ce soit au niveau national ou international, et des réponses existantes. Une
information environnementale et sanitaire multicritère concernant les produits de construction
peut être disponible. Mais l’analyse des divers outils opérationnels permettant d’étudier les
caractéristiques environnementales et sanitaires des bâtiments et des produits montre que les
informations susceptibles d’être disponibles sur les produits ne sont pas bien intégrées. Nous
étudions alors les apports de la méthodologie et des méthodes d’analyse multicritère pour
pouvoir choisir les produits de construction en fonction de leurs profils multicritères.
Dans un deuxième chapitre, fort des informations bibliographiques précédentes, nous
réalisons la modélisation théorique de notre outil d’aide au choix des produits de construction.
Cette modélisation est fondée sur la méthodologie de l’analyse multicritère – détermination
des éléments à comparer, construction des critères de comparaison, évaluation des éléments
par les critères, agrégation des évaluations, résultats et recommandations – et s’appuie sur
différentes hypothèses.
Compte tenu de la non-validité de certaines hypothèses, nous présentons les compromis
pratiques que nous proposons pour réaliser notre outil, puis nous dressons le cahier des
charges complet nécessaire à sa réalisation dans un troisième chapitre.
Dans un quatrième et dernier chapitre, nous appliquons notre outil d’aide au choix des
produits de construction à différents cas, afin d’une part, de le tester et de valider ses
fonctionnalités, et d’autre part, de mettre en évidence ses limites. Nous analysons alors les
qualités et les défauts de notre outil et de l’aide au choix qu’il apporte, en proposant des
perspectives d’amélioration, le cas échéant.

- 16 -
Chapitre 1
Le choix des produits de construction en fonction de leurs
caractéristiques environnementales et sanitaires :
Etat de l’art et apports de l’analyse multicritère
Partie 1 Introduction

1 Introduction
Ce chapitre bibliographique est, dans un premier temps, consacré à l’état de l’art du choix des
produits de construction en fonction de leurs caractéristiques environnementales et sanitaires.
Une première partie définit alors les domaines abordés par cet état de l’art, c’est-à-dire
l’environnement, la santé, le bâtiment et les produits de construction, afin d’une part, de bien
présenter ces différents domaines et d’autre part, d’analyser leur possible conciliation. Une
deuxième partie aborde les obligations et recommandations environnementales et sanitaires
relatives aux bâtiments et aux produits de construction, puis expose les démarches existantes
ainsi que les outils opérationnels susceptibles de permettre aux acteurs de la construction de
prendre en compte ces obligations et recommandations. L’analyse de l’existant montre que
l’intégration de l’environnement et de la santé dans le choix des produits de construction
nécessite une approche multicritère des impacts environnementaux et sanitaires des produits
de construction, approche qui est par ailleurs disponible, notamment dans la norme française
NF P01-010. Cependant, cette analyse met également en évidence la difficile utilisation et
appropriation de cette approche.
Ce constat nous conduit ainsi, dans un second temps, à l’apport possible des démarches et des
méthodes d’analyse multicritère pour intégrer dans le choix des produits de construction leurs
caractéristiques environnementales et sanitaires. La troisième partie de ce chapitre expose
alors les principes théoriques de l’analyse multicritère, leur application possible dans le choix
des produits de construction, et dresse finalement un arbre de choix des méthodes d’analyse
multicritères existantes.
La réunion des trois premières parties de ce chapitre nous permet, dans un dernier temps,
d’établir les premières propriétés du cahier des charges de l’outil d’aide au choix des produits
de construction que nous souhaitons développer.

Remarque :
Le corps de ce premier chapitre est particulièrement important. Nous avons en effet choisi de
présenter, avec la précision qui s’impose, l’ensemble des domaines concernés par notre étude,
afin de l’éclairer.

- 17 -
Chapitre 1

2 Environnement, santé, bâtiment et produits de construction


Intégrer l’environnement et la santé au bâtiment est une demande complexe. Elle nécessite en
effet de concilier deux grands domaines : l’environnement et la santé d’un côté, et le bâtiment
de l’autre, avec toutes leurs spécificités et incompatibilités apparentes.

2.1 Environnement et santé


L’environnement et la santé sont des disciplines complexes. Ce sont d’autre part des
disciplines relativement récentes, où de nombreuses connaissances demeurent encore
incertaines.

2.1.1 Impacts environnementaux et risques sanitaires


Cette partie précise ce que nous entendons par problèmes environnementaux et sanitaires, afin
de mieux cadrer les objectifs de notre travail.

2.1.1.1 Impacts environnementaux


Impact environnemental, aspect environnemental, catégories d’impact environnemental, effet
sur l’environnement, indicateur d’impact environnemental sont souvent des termes confondus
dans la littérature, alors qu’ils ont en théorie des sens bien différents. Différents organismes
ou associations, tels que l’ADEME, EPE, l’ATEQUE, ou le CML ont dressé des listes des
principaux « impacts environnementaux » [ADEME, 2002], [EPE, 1996], [Le Teno, 1996],
[Chatagnon, 1999], [Guinée, 2002]. L’analyse de ces listes nous a conduits aux conclusions
suivantes : ces impacts sont nombreux et complexes, ils mêlent à la fois l’environnement et la
santé (d’après le sens que nous avons choisi de leur donner) et il n’est pas aisé d’en dresser
une liste claire, exhaustive et non redondante. Les impacts environnementaux sont en effet
souvent interdépendants les uns des autres, et peuvent être à la fois causes et conséquences les
uns des autres ; ils ne sont d’autre part pas toujours clairement identifiés.
Pour résoudre le manque de clarté des listes proposées, nous choisissons de définir un impact
environnemental comme une modification de l’environnement, en raison de l’intervention
avérée ou supposée de l’homme (prélèvement ou rejet dans l’environnement), directe ou
indirecte (cas des accidents industriels par exemple), pouvant avoir un effet potentiellement
néfaste (de la simple nuisance à la destruction) sur la pérennité du milieu naturel et des
écosystèmes, et, a priori, par voie de conséquence, sur la santé humaine. Cette définition est
très proche de la définition formulée par [ISO 14050, 1998].

Nous avons alors décidé de ne citer que les impacts environnementaux qui correspondent bien
à notre définition et nous les présentons ci-dessous, sous forme de liste descriptive, sans
notion hiérarchique.

• Le réchauffement global
Depuis un siècle, la température moyenne sur Terre aurait augmenté de 0,5°C et le niveau des
mers a monté de 1 à 3 millimètres par an (en raison notamment de la fonte des glaces et des
glaciers liée au réchauffement de la planète). Ces valeurs sont compatibles avec un
accroissement de l’effet de serre lié aux rejets de l’homme mais il n’est pas possible
d’affirmer que ceux-ci en soient la cause.
Mise à part la vapeur d’eau, responsable de 60% de l’effet de serre, les principaux gaz
responsables sont le gaz carbonique (CO2 : 30 % de l’effet), le méthane (CH4), le protoxyde
d’azote (N2O), les Chlorofluorocarbones (CFC) et Hydrochlorofluorocarbones (HCFC). La
concentration de ces gaz dans l’atmosphère ne cesse d’augmenter (excepté pour les CFC que
nous aborderons dans le paragraphe suivant), notamment depuis le début de l’ère industrielle.

- 18 -
Partie 2 Environnement, santé, bâtiment et produits de construction

Malgré la ratification par de nombreux pays du Protocole de Kyoto (1997), dont le principal
objectif est la réduction de ces gaz à effet de serre, il semblerait que la tendance demeure à la
hausse, notamment en raison du temps de séjour de ces gaz dans l’atmosphère, et de l’essor
industriel (en cours ou à venir) de nombreux pays en voie de développement.
Bien qu’aucune valeur précise ne soit affirmée dans les perspectives d’évolution du
réchauffement global, les spécialistes prévoient une augmentation de la température continue
d’ici la fin du siècle, qui s’accompagnera d’importants changements climatiques [Vernier,
2003], [EPE, 1996], [Bertrand, 2001], [IFEN, 2002], [Recyconsult, 2003].

• La réduction de la couche d’ozone


La couche d’ozone stratosphérique se situe entre 17 et 50 kilomètres d’altitude. Elle
comprend 90 % du contenu en ozone de l’atmosphère terrestre et participe à la filtration du
rayonnement solaire. Son état naturel résulte d’un équilibre entre une production
photochimique à partir de l’oxygène et des réactions catalytiques de destruction.
La majorité des chercheurs estiment que l’augmentation du « trou de l’ozone » constatée au-
dessus de l’Antarctique provient en grande partie de l’élévation de la concentration
atmosphérique de composés chlorés (CFC principalement) d’origine humaine, dont la
production est dorénavant interdite dans les pays industrialisés depuis le Protocole de
Montréal (1987).
La diminution de l’épaisseur de la couche d’ozone stratosphérique induit une augmentation du
rayonnement solaire sur la terre dans le domaine des ultraviolets. Un excès de ces rayons
UV.B pourrait être nocif pour la vie végétale et animale [EPE, 1996], [IFEN, 2002].

• La diminution de la biodiversité
La diversité du monde vivant s’exprime à tous les niveaux : diversité génétique, diversité des
espèces et de leur population, diversité des systèmes écologiques. La connaissance
scientifique fait de plus en plus apparaître la biodiversité comme une propriété fondamentale
du monde vivant qui lui permettrait d’évoluer de lui-même et de s’adapter aux variations de
son environnement. La disparition d’une espèce est irréversible, et entraîne souvent, en
cascade, celle des espèces qui en dépendent pour leur alimentation, leur protection ou leur
reproduction. Au contraire, elle peut parfois engendrer la prolifération d’une espèce qui se
retrouve ainsi privée de son prédateur, ce qui entraîne des déséquilibres et présente également
des risques pour les écosystèmes [Cotonat, 1996], [Recyconsult, 2003].

• L’épuisement des ressources


La consommation de ressources naturelles (matières, eau, énergies) pour et par les activités
humaines entraîne peu à peu l’appauvrissement, voire l’épuisement de certaines d’entre elles.
De nombreux qualificatifs sont associés aux ressources naturelles, tels que rares,
renouvelables, non renouvelables, énergétiques, non énergétiques, biotiques, abiotiques. Ils
impliquent souvent une notion de gravité plus ou moins importante de l’utilisation abondante
de la ressource considérée.

• La pollution de l’eau
La pollution de l’eau concerne à la fois les eaux océaniques et les eaux continentales. La
pollution des eaux provient d’éléments soit chimiques, soit biologiques, soit physiques.
Chaque forme de pollution induit des effets particuliers plus ou moins préjudiciables. La
communauté scientifique s’accorde à reconnaître aujourd’hui que la pollution chimique serait
la plus importante et la plus préoccupante. Elle a pour origine quatre facteurs de nature
distincte : les pesticides, les métaux lourds, les hydrocarbures et les fertilisants [EPE, 1996],
[Recyconsult, 2003].

- 19 -
Chapitre 1

L’eau est indispensable à la vie des hommes, des animaux et des végétaux. Sur les continents,
elle est apportée par la pluie qui s’alimente de l’évaporation à la surface des océans.
Globalement, 60% du volume des précipitations s’évaporent directement ou par transpiration
des végétaux, 11% s’infiltrent profondément dans le sol et nourrissent les eaux souterraines,
24% ruissellent et retournent rapidement à la mer par les rivières avec des crues plus ou moins
importantes [EPE, 1996].
L’homme fait un large usage de l’eau (mille fois plus que son besoin alimentaire) et qui porte
sur 5% du volume des précipitations : pour les besoins domestiques (12% du total des
besoins), pour les besoins industriels (22% des besoins) dont une part importante concerne le
refroidissement des centrales thermiques et nucléaires, pour les besoins agricoles (près de 70
% des consommations) avec des surfaces irriguées qui s’accroissent de 1% par an [De
Bartillat et Retallack, 2003].
Les rejets ainsi que l’exploitation de la ressource en eau altèrent sensiblement la qualité des
eaux de certaines rivières, voire de certains bassins et peuvent entraîner des nuisances
olfactives et visuelles. Plus globalement, on constate une détérioration lente et générale des
eaux naturelles. Jusque dans les années 1970, les eaux usées domestiques ou industrielles
étaient en général directement rejetées dans les rivières, sans traitement. Les rivières
traversant les grandes villes sont très vite devenues des égouts à ciel ouvert et les écosystèmes
aquatiques ont été fortement détériorés [EPE, 1996].

• La pollution de l’air
Nous entendons par pollution de l’air, la présence dans l’air de polluants, mais également les
nuisances sonores, qui peuvent être générés par toutes sortes d’activités humaines, et en
particulier la transformation et la consommation d’énergie (industrie, transports, construction,
etc.) [EPE, 1996], [Bertrand, 2001], [IFEN, 2002].
Outre les gaz à effet de serre que nous avons déjà traités, un certain nombre de composés sont
considérés comme polluants. Il s’agit plus particulièrement du monoxyde de carbone (CO),
des oxydes d’azote (NOx), du dioxyde de soufre (SO2), l’ozone photochimique (ou
troposphérique), mais également, dans des atmosphères plus confinées, des composés
organiques volatils (COV), du radon, des fibres minérales synthétiques, et des micro-
organismes. La réduction des émissions de certains de ces composés est l’objet du Protocole
de Göteborg (1999), ratifié par une trentaine de pays, dont la France, et qui est entré en
vigueur le 17 mai 2005.
L’effet des émissions est souvent circonscrit à l’échelle locale ou régionale. Cependant, leur
accumulation entraîne des répercussions au niveau global où l’on note par exemple une
augmentation sensible du monoxyde de carbone, des hydrocarbures et des oxydes d’azote.
Seul le dioxyde de soufre enregistre une diminution grâce aux efforts déjà engagés.

• La pollution des sols


La pollution des sols peut prendre différentes formes. Il peut s’agir de la présence de polluants
dans le sol (métaux lourds, hydrocarbures, produits chimiques, dioxines, pesticides, etc.) qui
peuvent migrer progressivement vers les rivières, les nappes phréatiques et les océans, mais
également d’une emprise au sol pour l’installation d’activités polluantes qui nécessitera la
décontamination ultérieure du site [EPE, 1996], [IFEN, 2002], ou encore de l’épuisement de
la terre par les pratiques agricoles (et industrielles) [De Bartillat et Retallack, 2003].

• La désertification
La désertification se définit comme la transformation d’une région en une zone sèche, aride et
inhabitée. Elle apparaît sous le double jeu de phénomènes climatiques et d’actions humaines.
La désertification induit la perte quasi-totale des potentialités du milieu naturel [EPE, 1996].

- 20 -
Partie 2 Environnement, santé, bâtiment et produits de construction

Nous n’avons pas abordé, volontairement, la production croissante des déchets, la


déforestation, ainsi que les pollutions engendrées par les transports et l’agriculture. Souvent
associés aux impacts environnementaux, nous préférons les considérer comme des causes
potentielles de ce que nous avons défini comme des problèmes environnementaux, ces causes
pouvant intervenir dans l’évaluation des impacts.

2.1.1.2 Risques sanitaires


Nous choisissons de définir un risque sanitaire comme le croisement d’un danger potentiel,
lié directement ou indirectement aux activités de l’homme, et d’une exposition de ce dernier,
pouvant représenter une nuisance pour sa propre santé. Il s’agit ici de toxicité humaine, c'est-
à-dire d’expositions possibles (absorption, ingestion, inhalation, etc.) à des polluants
(facteurs de risques ou dangers) susceptibles d’engendrer des allergies, des maladies, des
malformations, et des décès (nuisances plus ou moins graves). Dans nos régions, les facteurs
de risques sont des polluants de l’air (composés organiques volatils, radon, fibres, micro-
organismes, odeurs) ou de l’eau potable (micro-organismes, plomb, autres métaux lourds,
odeurs) en général, pouvant être inhalés ou avalés. Toutefois, des cas d’ingestion sont parfois
observés (polluants solides présents dans les peintures, colles, vernis, etc.) [Cotonat, 1996] et
[ADEME, 2004].
Il est évident que les impacts environnementaux présentés précédemment peuvent
correspondre à des risques sanitaires, et vice-versa, ce qui pourrait nous inciter à confondre
les notions de risques sanitaires et d’impacts environnementaux. Néanmoins, nous avons tenu
à distinguer les deux notions pour trois raisons. D’une part, les risques sanitaires sont très
souvent circonscrits à des échelles relativement locales, pour le moment, alors que les impacts
environnementaux peuvent être à la fois très localisés, mais également très diffus. D’autre
part, l’environnement possède des capacités régulatrices très efficaces lorsque les pollutions
sont très localisées, alors que les pollutions (dangers) susceptibles de représenter un risque sur
la santé humaine nécessitent souvent d’être « traitées » par l’homme. Enfin, lorsqu’il s’agit de
santé humaine, les réactions des services spécialisés, des politiques, des associations, ont
tendance à être beaucoup plus rapides et efficaces que lorsqu’il s’agit d’un impact supposé sur
le milieu naturel.

2.1.2 Complexité des phénomènes environnementaux et sanitaires


Les phénomènes qui entrent en jeu lorsque l’on aborde de tels sujets sont souvent
incertains, dans le temps, dans l’espace et en ce qui concerne leurs conséquences. Une
émission polluante dans l’eau, par exemple, ne reste pas concentrée à un endroit précis. Elle
se diffuse, peut migrer, peut également s’accumuler, et atteindre de nombreux écosystèmes,
en provoquant des réactions en chaîne sur la faune et la flore. Mais, selon les polluants
concernés, leur quantité et/ou leur nocivité, l’environnement, grâce à ces capacités
réparatrices et régulatrices, peut transformer cette pollution (par l’action de micro-organismes
par exemple), et la rendre quasiment imperceptible. Cependant, il est à noter qu’actuellement,
l’environnement ayant été beaucoup trop sollicité au cours des dernières décennies, il n’est
plus toujours capable de gérer les charges polluantes qu’il reçoit, c’est notamment le cas des
cours d’eau [Vernier, 2003], [IFEN, 2002]. D’autre part, lorsque certains polluants se
retrouvent ensemble, ils peuvent subir des transformations, c’est par exemple le cas de la
formation d’ozone photochimique, qui est obtenue en présence de composés organiques
volatils (COV) et de dioxyde d’azote (NO2), sous l’action du rayonnement ultraviolet. A
l’inverse, la présence de protoxyde d’azote (N2O) freine la formation d’ozone photochimique.

Les impacts environnementaux et sanitaires peuvent de plus posséder une grande


persistance dans les milieux naturels, et ils sont interdépendants les uns des autres.

- 21 -
Chapitre 1

A titre d’exemple, le temps de séjour dans l’atmosphère de certains polluants, comme le CO2
ou les CFC, est de plusieurs décennies, et par conséquent, il est impossible de connaître
précisément les quantités qui seront présentes dans l’atmosphère dans 50 ans, même si les
émissions sont contrôlées, voire supprimées (cas des CFC) [EPE, 1996], [De Bartillat et
Retallack, 2003]. D’autre part, certains polluants peuvent participer à plusieurs impacts
environnementaux, c’est notamment le cas des HCFC, qui sont à la fois responsables de la
destruction de la couche d’ozone et de l’augmentation de l’effet de serre [Bertrand, 2001].
Enfin, compte tenu du fonctionnement naturel « en chaîne » de l’environnement, les impacts
environnementaux et sanitaires peuvent rapidement s’engendrer les uns les autres. Par
exemple, les émissions de gaz acides peuvent engendrer des pluies acides, qui à leur tour vont
entraîner des déforestations. Or, la diminution du nombre d’arbres est associée à une
diminution de l’activité photosynthétique, et par conséquent, à une diminution du stockage de
gaz carbonique, et participe ainsi à l’augmentation de l’effet de serre. Par conséquent, il est
souvent difficile d’évaluer précisément les impacts environnementaux et sanitaires, et de
pouvoir identifier tous leurs effets [Vernier, 2003], [Cotonat, 1996]. Ces impacts demeurent
souvent des impacts « potentiels ». Tout comme il est difficile d’attribuer précisément ces
impacts aux activités humaines [EPE, 1996].
Malgré la complexité des phénomènes qui interviennent, de nombreux travaux sont engagés
pour définir des indicateurs d’impacts [SETAC, 1992], [ISO 14040, 1997], [SETAC, 2001],
[Guinée, 2002], [ISO/TR 14047, 2003], afin de pouvoir évaluer, au moins partiellement les
impacts environnementaux et sanitaires. Si de nombreux indicateurs représentatifs et
significatifs ont pu être définis pour l’environnement, de nombreux progrès restent encore à
faire pour les problèmes sanitaires. Parmi les principales catégories d’impacts
environnementaux munies d’indicateurs d’impacts, nous pouvons citer : l’épuisement des
ressources non renouvelables, les consommations d’énergie et d’eau, le potentiel de
réchauffement global, le potentiel d’acidification atmosphérique, la production de déchets.

2.1.3 Evaluation économique des impacts


Une autre difficulté se présente lorsqu’il s’agit des impacts environnementaux et sanitaires,
elle concerne la difficile évaluation économique de ces phénomènes. L’instauration de taxes
compensatrices que l’usager doit payer lorsqu’il détériore l’environnement n’est pas toujours
un moyen dissuasif efficace, notamment lorsque ces taxes ne sont pas suffisamment élevées.
Les pertes financières liées au paiement des taxes ne sont pas aussi importantes que les pertes
financières liées à un changement de technique de production par exemple. L’évaluation
économique des impacts environnementaux et sanitaires pourrait peut-être alors permettre de
mieux définir les taxes environnementales et sanitaires, afin de limiter ces impacts. Elle
pourrait peut-être également inciter les usagers à être plus respectueux de l’environnement et
de la santé, en développant des aides financières adaptées pour promouvoir l’installation
d’équipements plus respectueux de l’environnement et de la santé (panneaux solaires,
éoliennes, géothermie, etc.). Ces équipements sont en général coûteux et leur utilisation est
freinée par les surcoûts financiers à l’achat, ainsi que par le manque d’information disponible
pour calculer les retours sur investissements, notamment en ce qui concerne les gains pour
l’environnement et la santé. Certains auteurs considèrent qu’il est possible d’attribuer une
valeur économique à un impact environnemental ou sanitaire, et qu’il suffit de raisonner en
termes de pertes ou de gains d’un bien. Par exemple, la pollution d’un plan d’eau génère des
pertes financières puisque le plan d’eau ne peut plus être utilisé à des fins touristiques. La
pollution de ce plan d’eau pourrait donc être évaluée financièrement, en prenant pour valeur le
manque à gagner du fait de l’arrêt de l’exploitation touristique [Thiombiano, 2004],
[SEECREE, 1996]. Concernant les impacts sanitaires, des valeurs économiques sont déjà
attribuées depuis quelques années à la perte d’une vie humaine par exemple.

- 22 -
Partie 2 Environnement, santé, bâtiment et produits de construction

Nous pensons cependant qu’il est délicat et dangereux d’attribuer une valeur à
l’environnement, et encore plus à la santé. En effet, outre l’aspect peu éthique que peut revêtir
cette démarche, notamment dans les pays où une vie humaine ne représente presque rien, le
risque de voir se généraliser les permis de polluer (celui qui a les moyens de payer a le droit
de polluer) est grand et représente une réelle menace pour le respect de l’environnement et de
la santé.

2.1.4 Multiplicité des acteurs de l’environnement et la santé


Les acteurs du domaine de l’environnement et de la santé sont très nombreux, notamment
compte tenu des préoccupations politiques et médiatiques grandissantes pour ces thèmes.
Entre les spécialistes (toxicologues, médecins, écologues, éco-conseillers, biologistes, etc.),
les associations de défense de la nature, les associations de consommateurs, les associations
de riverains, et toutes les personnes qui se sentent plus ou moins concernées, en fonction des
circonstances et de leur confort, les problèmes environnementaux et sanitaires se trouvent au
cœur de nombreuses polémiques, concernant notamment des opérations immobilières ou des
investissements. La multiplicité des acteurs ne fait qu’accentuer la complexité des domaines,
car elle ne permet pas une meilleure compréhension des phénomènes, et engendre des
préjugés, et des contradictions.

2.2 Bâtiment et produits de construction


Le bâtiment est un système complexe, au sens de la systémique [Durand, 2002], [Le
Moigne, 1990]. Il est en effet constitué d’un certain nombre d’éléments solidaires les uns des
autres et qui interagissent entre eux (lieu d’implantation, matériaux et produits, acteurs).
La norme NF P01-020 [NF P01-020, 2005] considère le bâtiment comme étant à la fois :
- un assemblage de produits de construction,
- un processus actif qui génère des flux entrants et sortants, notamment en phase de vie
en œuvre,
- un lieu de vie pour les occupants.
A ces trois composantes, il nous semble important d’ajouter le lieu d’implantation, ainsi que
l’ensemble des acteurs responsables de la construction et de l’usage du bâtiment.
Pour mettre en évidence la complexité du système bâtiment, nous allons à présent le décrire
au moyen des phases opérationnelles et fonctionnelles de son cycle de vie, et des nombreux
acteurs qui y prennent part.

2.2.1 Phases opérationnelles du cycle de vie du bâtiment


La vie d’un bâtiment comporte six grandes phases que nous allons décrire succinctement par
ordre chronologique, en précisant les acteurs concernés par les différentes phases. Cette
description s’appuie sur [Chatagnon, 1999] et [ADEME, 2002].

• La phase « Préparation » :
La phase « Préparation » concerne le maître d’ouvrage (MO) en premier lieu. Il doit :
- établir la faisabilité de l’opération (contenu, opportunité),
- choisir l’implantation de l’opération (terrain, contraintes environnementales),
- choisir éventuellement une assistance technique (AMO),
- définir le programme : exigences techniques, environnementales et sanitaires, délais
d’exécution, estimation des coûts, définition des acteurs et leurs responsabilités,
principes de fonctionnement et d’utilisation du bâtiment, etc.,
- établir le concours de concepteurs : architectes et Bureaux d’Etudes (BE),
- choisir la maîtrise d’œuvre (MOe).

- 23 -
Chapitre 1

• La phase « Conception » :
La phase de conception est réalisée par l’équipe de conception (MOe, architectes, BE), et elle
se décompose souvent en quatre étapes :
- l’esquisse,
- l’avant-projet sommaire (APS),
- l’avant-projet définitif (APD),
- l’étude de projet (PRO), où la conception générale de l’ouvrage est définie et
approuvée par le MO.
La phase de conception est une phase pendant laquelle un grand nombre de choix sont définis,
en particulier le parti architectural, la thermique et l’acoustique du bâtiment, les matériaux et
produits de construction. Les futures performances du bâtiment sont en partie établies lors de
cette phase, notamment ses performances environnementales et sanitaires.

• La phase « Consultation des Entreprises » :


L’objectif final de cette phase est la passation des marchés de travaux de construction aux
entreprises choisies. Pour cela, le maître d’œuvre élabore le dossier de consultation des
entreprises (DCE), que le maître d’ouvrage valide.
Cette phase est une étape de transition importante pour la qualité environnementale et
sanitaire du bâtiment. En effet, c’est lors de cette phase que la problématique
environnementale et sanitaire va passer de l’équipe des concepteurs, dont les objectifs ont pu
être mûrement réfléchis lors de l’établissement du programme et la définition du projet, aux
entreprises qui ont à intégrer l’ensemble des caractéristiques techniques, architecturales,
économiques, environnementales et sanitaires de l’opération. Il est donc nécessaire que cette
« passation » soit réalisée de manière satisfaisante, pour permettre une prise en compte
suffisante des exigences environnementales et sanitaires.

• La phase « Chantier »
Lors de cette phase, tous les acteurs précédemment cités sont concernés. Elle se décline en
différentes étapes :
- la préparation du chantier,
- la gestion (technique, administrative et financière) du chantier, qui fait également
intervenir le coordinateur SPS (Sécurité et Protection de la Santé), préalablement
désigné par le Maître d’ouvrage,
- la réception des travaux.
Cette phase peut éventuellement être complétée par l’aménagement intérieur, qui fait
intervenir un architecte d’intérieur.

• La phase « Utilisation / exploitation »


Lorsque le bâtiment est construit et réceptionné, il entre dans sa phase d’utilisation :
consommation d’énergie, d’eau, de produits, production de déchets. Cette phase est la plus
longue de toutes les phases, et elle ne fait plus intervenir les mêmes acteurs. Ce sont les
usagers, les gestionnaires du bâtiment et les entreprises d’entretien, de réparation et de
maintenance, ou prestataires de service, qui sont à présent concernés.
L’utilisation d’un bâtiment est conditionnée par les choix effectués dans les phases
précédentes, mais aussi par les comportements des usagers et la politique du gestionnaire, qui
peuvent être favorables ou aggravants pour l’environnement et la santé.
La phase d’utilisation d’un bâtiment peut également être soumise à des rénovations ou des
restructurations, qui peuvent modifier totalement l’usage du bâtiment. En fonction de leur
ampleur, ces travaux peuvent nécessiter la réalisation d’une procédure identique à celle
décrite précédemment (préparation, conception, consultation des entreprises, chantier).

- 24 -
Partie 2 Environnement, santé, bâtiment et produits de construction

• La phase « Fin de vie »


La fin de vie d’un bâtiment correspond en général à sa démolition. Le bâtiment est détruit, et
les matériaux et produits qui le composaient sont éliminés (décharge, incinération) ou
récupérés pour être recyclés ou réutilisés.

Nous avons décrit les phases opérationnelles d’un bâtiment de manière linéaire, mais tel n’est
pas souvent le cas. Il arrive très fréquemment que les phases, jusqu’à la phase « chantier », se
chevauchent, ce qui permet parfois d’affiner les exigences, mais ne simplifie pas le
déroulement de l’opération. Chacune de ces phases comporte des exigences, des contraintes et
ne fait pas toujours intervenir les mêmes acteurs, ce qui ne fait qu’augmenter la complexité du
système bâtiment.

2.2.2 Phases fonctionnelles du cycle de vie du bâtiment


Lorsqu’un bâtiment est considéré d’un point de vue environnemental et sanitaire, on lui
associe en général un cycle de vie fonctionnel qui comporte quatre à cinq étapes, d’après la
norme NF P01-020-1 [NF P01-020-1, 2005] :
- fabrication de ses éléments constitutifs,
- construction,
- vie en œuvre,
- adaptation, transformation éventuellement,
- fin de vie.
Ces quatre ou cinq phases ont lieu lors des phases opérationnelles « chantier », « utilisation »
et « fin de vie », et elles sont complétées par la fabrication des matériaux, produits et
équipements.
Chacune de ces phases est potentiellement responsable d’un certain nombre d’impacts
environnementaux et sanitaires [Kur, 2004]. La fabrication des éléments constitutifs et la
construction du bâtiment renvoient directement au cycle de vie des matériaux et produits de
construction, c'est-à-dire l’extraction des matières premières, les étapes de transport (entre le
site d’extraction et le site de fabrication, et entre le site de fabrication et le chantier), la mise
en œuvre sur chantier, comme la norme NF P01-010 le définit [NF P01-010, 2004].
La vie en œuvre du bâtiment est l’étape la plus complexe d’un point de vue environnemental
et sanitaire, puisqu’elle est liée d’une part, aux matériaux et produits de construction choisis
pour réaliser le bâtiment, et d’autre part, aux habitudes des occupants et du ou des
gestionnaire(s). L’étape d’adaptation ou de transformation n’a pas lieu pour tous les
bâtiments ; quoiqu’il en soit, lorsqu’elle existe, elle correspond à une succession d’étapes de
fabrication et de construction. Quant à la fin de vie, ses impacts sont liés essentiellement aux
matériaux et produits de construction, ainsi qu’aux techniques constructives, initiales ou
réalisées lors de la phase adaptation/transformation. Nous pouvons ainsi séparer les impacts
environnementaux et sanitaires du bâtiment en deux catégories [NF P01-020-1, 2005] : ceux
qui sont principalement liés aux matériaux et produits de construction, et ceux qui y sont plus
partiellement liés.

• Les impacts environnementaux et sanitaires principalement liés aux matériaux et produits de


construction sont les suivants, d’après la norme NF P01-020-1 (2005) :
- les consommations d’énergie et de matières premières, lors des phases fabrication,
adaptation/transformation et fin de vie du cycle de vie du bâtiment,
- les émissions de polluants dans l’air, l’eau et le sol pendant toutes les phases
fonctionnelles du cycle de vie du bâtiment,
- la production de déchets pour la fabrication, construction, adaptation/transformation et
fin de vie.

- 25 -
Chapitre 1

• Les impacts environnementaux et sanitaires plus partiellement liés aux matériaux et produits
de construction sont les suivants, d’après la norme NF P01-020-1 (2005) :
- les consommations d’énergie et les émissions de déchets pendant la phase construction
(ou mise en œuvre) du bâtiment, qui peut dépendre des habitudes et savoir-faire des
entreprises ou des artisans qui réalisent la construction,
- les consommations d’énergie et d’eau lors de la vie en œuvre du bâtiment,
- la production de déchets d’activité lors de la vie en œuvre du bâtiment,
- les émissions liées à l’utilisation d’appareils électroménagers lors de la vie en œuvre
du bâtiment.

Comme nous pouvons le constater, les choix effectués lors de la phase opérationnelle
« Conception » décrite précédemment, et notamment le choix des matériaux et produits de
construction, peuvent conditionner un certain nombre d’impacts environnementaux et
sanitaires du bâtiment. Il paraît donc logique de s’intéresser aux impacts environnementaux et
sanitaires générés par les produits de construction. Mais les choix thermiques et acoustiques
effectués pourront également influencer le comportement des usagers et par conséquent une
partie des impacts environnementaux et sanitaires du bâtiment pendant sa vie en œuvre.

En 2003 en France, d’après [ADEME, 2004], le secteur du bâtiment était responsable de 19%
des émissions de gaz à effet de serre (à savoir le CO2, le CH4, le N2O, les hydrofluorocarbures
– HFC – les perfluorocarbures – PFC – l’hexafluorure de soufre – SF6 – gaz pris en compte
par le protocole de Kyoto), et de 25% des émissions nationales de CO2, 28% des émissions de
monoxyde de carbone, 12% des émissions de SO2, 22% des émissions de composés
organiques volatils non méthaniques. En 1999, la production annuelle de déchets était de 31
millions de tonnes (dont 65% de déchets inertes, 30% de déchets non dangereux et 5% de
déchets dangereux), contre 215 millions, tous secteurs confondus (exceptés les déchets
agricoles qui représentent 400 millions de tonnes), soit une contribution du bâtiment de 15%,
d’après [ADEME, 2004], [http://www.senat.fr/rap/o98-415/o98-4151.html, consulté en 2005].

Outre ces aspects plutôt orientés « problèmes environnementaux », les problèmes sanitaires
liés au bâtiment ne sont pas à négliger. Depuis quelques années, le plomb, le monoxyde de
carbone, le radon, les légionelles et l’amiante sont des polluants qui sont de plus en plus
communément associés au bâtiment, notamment lors de sa vie en œuvre, et ont déjà fait des
victimes [www.sante.gouv.fr, consulté en 2005], [METL, 2002], [FFB, 2000]. Ce sont en
particulier les produits de construction et les équipements (peintures et canalisations au
plomb, chaudières, isolants) qui contiennent ces polluants et/ou les émettent dans l’air
intérieur et dans l’eau sanitaire, au cours de leur vie (lors de dégradations, ou de défauts
de fonctionnement), ou qui constituent un terrain propice au développement de ces
pollutions (canalisations favorisant la stagnation de l’eau, matériaux conservant l’humidité,
etc.) [Kur, 2004], [METL, 2002], [FFB, 2000], [EPE, 1998]. Certaines substances, telles que
l’amiante ou le plomb, sont dorénavant réglementées (Code de la santé publique)
[www.legifrance.gouv.fr, consulté en 2005]. Mais si ces réglementations peuvent aisément
s’appliquer aux constructions neuves, leur application pour les bâtiments existants demeurent
beaucoup plus complexe (accessibilité des locaux, traçabilité des substances, coûts des
travaux, etc.) [METL, 2001], [METL, 1999].

2.2.3 Multiplicité des acteurs du bâtiment


Le nombre d’acteurs présents sur la totalité ou sur une partie du cycle de vie d’un bâtiment est
très important, comme nous avons pu le constater lors de la description des phases
opérationnelles.

- 26 -
Partie 2 Environnement, santé, bâtiment et produits de construction

Parmi ces acteurs, on peut citer [Le Teno, 1995] : les maîtres d’ouvrage, les maîtres d’œuvre,
les architectes, les paysagistes, les bureaux d’étude, les fabricants de matériaux et produits de
construction, les entreprises, les artisans, les opérateurs de réseaux, les bureaux de contrôle,
les usagers ou maîtres d’usage comme on l’entend de plus en plus fréquemment, les sociétés
d’entretien et de maintenance, etc. On dénombre par exemple jusqu’à 150 acteurs sur un
projet de bâtiment d’habitation comportant une dizaine de logements.

Les conséquences de ce grand nombre d’intervenants sur les impacts environnementaux et


sanitaires générés par un bâtiment sont nombreuses [Le Teno, 1995], [Chevalier et al., 1999] :
- tous ces acteurs agissent sur le bâtiment, et en particulier sur ses éléments constitutifs, les
produits de construction, directement ou indirectement, et jouent donc un rôle dans les
consommations et les émissions du bâtiment ;
- tous ces acteurs ont une vision et des objectifs propres et non nécessairement concordants
en matière d’environnement et de santé. La conclusion du choix ou du rejet d’un produit
varie donc fortement en fonction de l’acteur responsable de ce choix ;
- tous ces acteurs ont des méthodes de travail (savoir-faire) et des habitudes qui leur sont
propres. Ces méthodes sont donc également différentes, même pour des acteurs qui
réalisent la même tâche : les problèmes environnementaux et sanitaires peuvent donc
énormément varier, même pour des constructions similaires (mêmes produits, mêmes
constructions, acteurs différents).

2.3 Conclusions
Nous avons présenté les domaines de l’environnement et de la santé d’une part, du bâtiment et
des produits de construction d’autre part, tout en essayant de mettre en exergue la difficulté de
concilier ces domaines. Compte tenu de leur complexité respective, ainsi que des nombreux
acteurs concernés, de leurs habitudes, de leurs volontés, de leurs idées reçues, la prise en
compte de l’environnement et de la santé dans la réalisation d’un bâtiment n’est pas évidente.
Elle nécessite que le maître d’ouvrage définisse, dès la phase préparation de l’ouvrage, et
surtout lors de la phase « Conception » ses objectifs en termes d’environnement et de santé
pour le bâtiment, et qu’il s’assure, tout au long des autres phases, de leur bonne application
par l’ensemble des acteurs de l’opération. Cette prise en compte nécessite donc que les
impacts environnementaux et sanitaires soient bien compris, intégrés et acceptés par
l’ensemble des acteurs de la construction, qui devront dans bien des situations, changer leurs
pratiques et habitudes pour pouvoir satisfaire les objectifs du maître d’ouvrage.

Cependant, dans une opération de construction, les contraintes environnementales et sanitaires


ne sont pas les seules dont doivent se soucier les acteurs, d’où les difficultés supplémentaires
associées à la demande. Les contraintes techniques, architecturales, et économiques sont,
depuis longtemps prépondérantes dans de nombreux domaines, et en particulier dans le
domaine du bâtiment, où le respect d’un certain nombre de règles constructives (définies par
les Documents Techniques Unifiés et les Eurocodes, [CETE, 2003]) est obligatoire avant
toute autre considération. L’intégration de nouvelles contraintes ne doit donc pas se substituer
aux règles constructives, mais apporter des performances analogues sinon supérieures.
Ces nouvelles contraintes, bien que difficiles à appréhender, ne doivent pas non plus se
retrouver totalement survolées car jugées, soit trop complexes, soit secondaires, par rapport
aux contraintes techniques ou économiques.
La complexité de l’intégration de l’environnement et de la santé dans les pratiques générales
du bâtiment ayant été démontrée, la partie suivante est consacrée à l’analyse des
recommandations / réglementations et outils existants qui tentent de prendre en compte et
satisfaire cette intégration.

- 27 -
Chapitre 1

3 Réglementations, recommandations et réponses existantes


L’Europe et la France se dotent peu à peu de dispositions législatives et réglementaires, leur
permettant de protéger l’environnement de manière générale, en réglementant un certain
nombre d’activités humaines. Par exemple, la loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de
l’énergie (Loi n°96-1236 du 30 décembre 1996), et la loi sur l’eau (Loi n°92-3 du 3 janvier
1992, et sa réforme de 2005), codifiées dans le Code de l’Environnement
[www.legifrance.gouv.fr, consulté en 2005] instaurent des droits et des devoirs aux citoyens
français quant à l’air qu’ils respirent et l’eau qu’ils utilisent. Il existe également des
obligations et/ou des recommandations environnementales et sanitaires plus spécifiques,
nationales et internationales, que les acteurs de la construction doivent et/ou peuvent
appliquer, que ce soit à l’échelle du bâtiment, ou à celle de ses éléments constitutifs, c'est-à-
dire les produits et les matériaux de construction.

3.1 Obligations et / ou recommandations relatives à l’environnement et la santé


Cette sous-partie est consacrée à la description succincte de ces principales obligations ou
recommandations : la Directive Produits de Construction, la Politique Intégrée de Produits, le
Plan National Santé / Environnement, la Charte de l’Environnement, ainsi que la (les)
réglementation(s) thermique(s). La nouvelle réglementation acoustique (NRA) ne sera pas
abordée, dans la mesure où elle concerne davantage le confort, que l’environnement et la
santé. Nous ne nous y intéresserons que pour des caractéristiques techniques à l’échelle des
produits de construction (cf. chapitre 2).

3.1.1 Directive Produits de Construction (1989)


Les informations qui suivent proviennent du site www.dpcnet.org, consulté depuis 2003 et
sont complétées par [CSTB, 1994].

3.1.1.1 Principe de la Directive Produits de Construction


La Directive Produits de Construction (DPC) permet d’assurer la conformité des produits
marqués CE avec un certain nombre de caractéristiques techniques, environnementales et
sanitaires, permettant à l’ouvrage réalisé avec ces produits de satisfaire aux six exigences
essentielles suivantes [CSTB, 1994] :
1. Résistance mécanique à la stabilité
2. Sécurité en cas d’incendie
3. Hygiène, santé et environnement
4. Sécurité d’utilisation
5. Protection contre le bruit
6. Economie d’énergie et isolation thermique.

Chacune de ces six exigences essentielles est accompagnée d’un document interprétatif (DI)
établi par la Commission européenne en collaboration avec des experts européens. Ces
documents interprétatifs établissent le lien entre les exigences formulées pour l’ouvrage et des
caractéristiques pertinentes des produits de construction.
Sur la base de ces documents interprétatifs, la Commission européenne mandate deux
organismes (le CEN – Comité Européen de Normalisation – et l’EOTA – European
Organisation for Technical Approval) d’élaborer des spécifications techniques harmonisées.
Le but ultime est le marquage CE [DGUHC, 2003] et ainsi, la libre circulation des produits
au sein de l’union européenne [www.dpcnet.org, consulté en 2005].

- 28 -
Partie 3 Règlementations, recommandations et réponses existantes

Parmi les spécifications techniques harmonisées, on distingue :


- les normes (de produits) harmonisées européennes (hEN) établies par le CEN et le
CENELEC (Comité Européen de Normalisation Electrotechnique) ;
- les agréments techniques européens (ATE), avec ou sans guide, établis par l’EOTA ;
- les normes nationales reconnues (dans la pratique, cette option n’a pas encore été
appliquée jusqu’à présent).

Cette directive nécessite donc le développement de normes internationales et nationales pour


être mise en œuvre, ce qui augmente ses délais d’application. Actuellement toutefois,
l’application de la DPC est entrée dans une phase très active, de nombreuses normes
européennes harmonisées ont été adoptées, plusieurs centaines sont en préparation, et une
vingtaine de guides de l’ATE ont déjà été publiés.

3.1.1.2 Exigence essentielle n°3


L’exigence essentielle n°3 montre que les préoccupations techniques et économiques doivent
être associées à d’autres préoccupations, telles que la santé, l’hygiène et l’environnement.
Cette exigence essentielle vise la protection de l’environnement extérieur, et la création d’un
environnement intérieur sain et confortable pour les usagers.

Le document interprétatif relatif à cette exigence essentielle insiste sur les aspects spécifiques
suivants :
- l’environnement intérieur (qualité de l’air, humidité),
- l’alimentation en eau,
- l’évacuation des eaux usées,
- l’évacuation des déchets solides,
- l’environnement extérieur.
Concernant la protection contre le bruit, qui peut parfois être associé à un véritable problème
sanitaire, le document interprétatif spécifique à l’exigence essentielle n°5 doit être consulté
[CSTB, 1994].
Pour chacun des aspects spécifiques susmentionnés, le document interprétatif précise la
provenance possible des risques susceptibles de se présenter, et impliquant le non respect de
l’exigence essentielle. Il indique par ailleurs les spécifications techniques qu’il est nécessaire
de connaître, à la fois pour l’ouvrage et les matériaux et produits de construction, afin de
maîtriser ces risques. A titre d’exemple, pour un environnement intérieur sain du point de vue
de la qualité de l’air, il est exigé de limiter l’utilisation de matériaux et produits de
construction à ceux qui satisfont des normes de performances acceptables en ce qui concerne
l’émission dans l’air de polluants, tels que les composés organiques volatils (COV), les
formaldéhydes, etc.
Ces différentes spécifications constituent une première base de réflexion pour les
caractéristiques environnementales et sanitaires des produits considérés, afin que le bâtiment
respecte l’environnement et la santé des usagers. Néanmoins, à l’heure actuelle, l’exigence
essentielle n°3 n’est pas encore prise en compte dans l’élaboration des spécifications
techniques harmonisées [AFNOR, 2005].

3.1.2 Politique Intégrée de Produits (2001)


La Politique Intégrée des Produits est une politique publique qui vise, ou est adaptée à,
l’amélioration continue de la performance environnementale de tous les produits et services
dans un contexte de cycle de vie. En agissant à la fois sur l’offre et la demande, il s’agit
d’encourager une réduction des impacts des produits sur l’environnement, depuis l’extraction
des matières premières jusqu’au traitement en fin de vie [CCE, 2001].

- 29 -
Chapitre 1

La stratégie de la politique intégrée des produits est axée sur les trois étapes du processus de
décision qui conditionnent l’impact environnemental du cycle de vie des produits, c'est-à-dire
[CCE, 2001] :
- l’application du principe pollueur-payeur dans la fixation des prix des produits,
qui peut se traduire par exemple par l’intégration des coûts environnementaux dans les
prix, abaissement du taux de TVA pour les produits plus respectueux de
l’environnement, application du principe de responsabilité du producteur ;
- le choix éclairé des consommateurs, qui implique tout d’abord une sensibilisation de
ces consommateurs au respect de l’environnement, une transparence et une
intelligibilité des informations disponibles sur les produits, le développement des
informations, des labels écologiques, des déclarations environnementales, etc. ;
- la conception écologique des produits, qui nécessite notamment le développement
des Analyses de Cycle de Vie (série de normes ISO 14040), l’intégration de
l’environnement dans les processus de conception (éco-conception), une participation
normative importante, etc.
La Politique Intégrée des Produits permet d’amorcer un changement de mentalité pour
la conception de tous les produits, et par conséquent, des produits de construction : la
réduction des impacts environnementaux générés par les produits tout au long de leur cycle de
vie doit être une priorité. Le souhait de mettre à contribution la recherche et le développement
pour trouver de nouvelles solutions permettant de satisfaire les besoins de l’être humain en
consommant moins de ressources et en produisant moins d’effets négatifs sur l’environnement
en est la preuve.
Cette politique nécessite la mise en place de normes nationales et internationales pour pouvoir
être développée, appliquée et généralisée, ce qui n’est pas le cas actuellement.

3.1.3 Plan National Santé Environnement (2004-2008)


Le PNSE, établi en 2004 par le gouvernement français, a pour objectif de rendre notre
environnement plus respectueux de notre santé en limitant les polluants et risques qu’il peut
générer. Le PNSE est un premier plan quinquennal qui définit les actions qui structureront la
politique du gouvernement en termes d’environnement et de santé au cours des cinq années à
venir. Le PNSE est structuré en trois objectifs majeurs :
- garantir un air et une eau de bonne qualité ;
- prévenir les pathologies d’origine environnementale et notamment les cancers ;
- mieux informer le public et protéger les populations sensibles [Ministère de la Santé et
des Solidarités, 2004a et b].
Pour répondre à ces trois objectifs, quarante-cinq actions ont été définies, et douze d’entre
elles sont considérées comme prioritaires. La mise en place d’un étiquetage « simple et
lisible » des caractéristiques sanitaires et environnementales des matériaux de
construction est l’une des actions prioritaires qui permettront d’atteindre le premier objectif
[Ministère de la Santé et des Solidarités, 2004a et b].
Cet étiquetage, associé aux fiches de déclaration environnementale et sanitaire des produits de
construction et à la base de données INIES (que nous présenterons au paragraphe 3.2.4) devra
notamment tenir compte des émissions chimiques (notamment les COV et le formaldéhyde),
et de l’aptitude à favoriser la croissance de micro-organismes des produits et matériaux de
construction. L’objectif à moyen terme (horizon 2010) est de parvenir à un taux de 50% des
produits de construction mis sur le marché étiquetés [Ministère de la Santé et des Solidarités,
2004a]. Outre cette mesure sur les produits de construction, une réflexion plus globale sur
l’habitat est menée, afin de limiter l’exposition des populations à un certain nombre de
« substances » présentant un risque pour la santé, telles que l’amiante, le radon, le plomb, les
légionelles, les fibres minérales artificielles, le monoxyde de carbone, etc.

- 30 -
Partie 3 Règlementations, recommandations et réponses existantes

3.1.4 Charte de l’environnement (2003) et son projet de loi constitutionnelle (2005)


La Charte de l’environnement est constituée de dix articles qui instaurent de nouveaux droits
et de nouveaux devoirs relatifs à l’environnement [MEDD, 2005b].
Les droits sont, pour chaque personne, ceux de vivre dans un environnement qui répond à
certains critères qualitatifs, d’avoir accès aux informations relatives à l’environnement
détenues par les personnes publiques, et de participer à l’élaboration des décisions publiques
ayant une incidence sur l’environnement. Les devoirs sont, pour chaque personne, ceux de
prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement, de prévenir les
atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement, de réparer les dommages
causés à l’environnement, le cas échéant, de respecter le principe de précaution. Les
principes du développement durable, d’autre part, doivent être intégrés dans l’ensemble des
politiques publiques. Enfin, l’éducation et la formation, ainsi que la recherche et l’innovation
doivent apporter leur concours à la préservation de l’environnement et à sa mise en valeur.
Le texte de loi constitutionnelle relative à la Charte de l’environnement a été adopté le 28
février 2005 par le Parlement. Il est constitué de deux articles. Le premier a pour objet
d’inscrire dans le Préambule de la Constitution une référence à la Charte afin de lui donner
une solennité particulière, ce qui confère à la Charte un rôle de reconnaissance de droits et de
proclamation de devoirs. Le second article édicte la Charte de l’environnement.
Cette charte et son projet de loi constitutionnelle ont ainsi pour objectif de donner une place
majeure à l’environnement, notamment dans la vie publique [MEDD, 2005b]. Le domaine de
la construction se retrouve donc directement concerné par cette charte.

3.1.5 Réglementation thermique


Dans un souci d’amélioration des performances thermiques des bâtiments – et par
conséquent du confort des usagers de ces bâtiments – tout en limitant leurs consommations
d’énergie – conformément aux accords de Kyoto concernant la lutte contre la production de
gaz à effet de serre, renforcés à présent par le Plan Climat 2004 (national) [MEDD, 2004] –
une nouvelle réglementation thermique a été mise en place en France, depuis 2000. Prévue
pour les bâtiments neufs, cette nouvelle réglementation thermique, dite RT2000, doit
également permettre l’amélioration et l’optimisation des performances des produits destinés à
la réhabilitation des bâtiments anciens [CSTB, 2004c], [www.rt2000.net, consulté en 2005],
[DGUHC, 2000]. La RT2000 impose une limitation de la consommation globale de l’énergie
d’un bâtiment, en fixant notamment des seuils de performance minimaux d’isolation
thermique, ce qui concerne directement les produits de construction.
La RT2000 va être remplacée par la RT2005, qui entrera en vigueur en 2006. Elle renforce les
exigences, notamment sur certains équipements et certains postes (climatisation, éclairage,
chauffage électrique, ventilation), ainsi que sur le confort d’été, et insiste sur le
développement des énergies renouvelables (encouragé également par le Plan Soleil 2000-
2006) et la conception bioclimatique. L’énergie grise des produits de construction et des
équipements, c'est-à-dire l’énergie utilisée pour les fabriquer, devra également être prise en
compte progressivement, d’où l’intérêt de maîtriser leurs consommations énergétiques sur
tout leur cycle de vie. Un objectif de diminution d’au moins 10% de la consommation
énergétique moyenne d’une construction neuve d’ici 2010 est fixé.

3.1.6 Conclusions
Les principales actions menées, à l’échelle nationale ou internationale, pour intégrer les
dimensions environnementales et sanitaires du Développement Durable dans le domaine du
bâtiment ont été présentées. L’objectif poursuivi par ces réglementations ou recommandations
concerne la diminution des impacts environnementaux et sanitaires des bâtiments, et celui de
ses éléments constitutifs, les matériaux et produits de construction.

- 31 -
Chapitre 1

Quelles sont alors les démarches entreprises par les acteurs de la construction pour tenir
compte de ces réglementations ou recommandations ?

3.2 Démarches des acteurs de la construction


Pour répondre à la demande de prise en compte des impacts environnementaux et sanitaires
du bâtiment, un certain nombre de démarches sont développées : l’éco-conception, la
démarche de Haute Qualité Environnementale, les étiquetages environnementaux et sanitaires
des produits, la norme NF P01-010 et le CESAT.

3.2.1 Eco-conception
L’éco-conception (ou écodesign) est une démarche volontaire qui consiste à prendre en
compte l’environnement tout au long du cycle de vie de l’élément étudié, dès sa phase de
conception ; l’élément étant généralement un produit, mais il peut également être un bâtiment.
L’éco-conception a ainsi pour objectif d’ajouter aux composantes habituelles de la conception
d’un élément – faisabilité technique, maîtrise des coûts, attente des clients, sécurité
d’utilisation – la prise en compte des nuisances environnementales et sanitaires
potentiellement engendrées par cet élément [Peuportier, 2003], [Millet, 2003].
En repensant la démarche de conception des éléments, l’objectif prioritaire de la démarche est
de minimiser les impacts environnementaux de ces éléments, tout en assurant une qualité
égale. Très largement encouragée par la Politique Intégrée de Produits, l’éco-conception est
fondée sur trois principes [ADEME, 2003] :
- une prise en compte du cycle de vie entier de l’élément : il s’agit d’étudier tous les
impacts par étape du cycle de vie de l’élément (extraction des matières premières,
fabrication, transports, distribution – ou mise en œuvre –, consommation – ou vie en
œuvre – et gestion de fin de vie) ;
- une vision multi-composants de l’élément étudié : en plus de l’élément, il est
nécessaire de prendre en compte tous les co-produits, les emballages, et les pièces de
rechange associés à l’élément étudié ;
- une approche environnementale multicritère, qui consiste à considérer le maximum de
paramètres environnementaux susceptibles d’être modifiés par l’élément étudié.

3.2.2 Démarche HQE®


La démarche HQE® est une méthode qui vise à améliorer durablement la qualité de vie des
occupants du bâtiment en minimisant les impacts environnementaux et sanitaires qui résultent
de la conception, de la construction, de l’usage, de l’exploitation ou de la déconstruction du
bâtiment dans toutes les phases de son cycle de vie [Association HQE, 2005a].

3.2.2.1 Principes de la démarche HQE®


La première caractéristique de la démarche HQE® est de mettre l’usager, c'est-à-dire
l’homme, au centre des préoccupations et des analyses pour la réalisation des actions. « Le
principe de réalité est le premier principe à respecter en matière de bâtiment » [Hetzel, 2003].
La seconde caractéristique de la démarche HQE® a trait à sa transversalité et sa
pluridisciplinarité ; elle nécessite donc d’être comprise, et appliquée par l’ensemble des
acteurs dans chacune de leurs interventions concernant le projet pour lequel la démarche est
mise en œuvre.
La démarche HQE® est organisée autour de deux domaines, l’environnement extérieur et
l’environnement intérieur, et quatre sous-domaines, l’éco-construction, l’éco-gestion, le
confort et la santé. Elle se décline en 14 cibles (rappelées dans la partie 5 du chapitre 2), et
nous allons à présent détailler la cible n°2 qui concerne les procédés et produits de
construction, et qui, selon nous, est une cible « pilier » de la démarche.

- 32 -
Partie 3 Règlementations, recommandations et réponses existantes

3.2.2.2 Cible n°2 : « Choix intégré des procédés et produits de construction »


Cette cible s’attache à étudier les impacts environnementaux et sanitaires des procédés et
produits de construction (PPC). Elle se décompose en trois cibles élémentaires :
- adaptabilité et durabilité du bâtiment,
- choix des procédés de construction,
- choix des produits de construction.
La cible n°2 ajoute aux critères de qualité technique, architecturale et économique, les
dimensions environnementales et sanitaires [Hetzel, 2003].
Sur le plan des impacts environnementaux, plusieurs paramètres doivent être pris en compte :
- les ressources utilisées,
- les déchets produits,
- les émissions provoquées,
- les impacts potentiels générés.
Ils sont analysés au travers de toutes les phases du cycle de vie du produit.
Sur le plan sanitaire, il s’agit d’identifier les substances et de caractériser les vecteurs afin de
définir les risques potentiels pour la santé humaine en cas d’exposition. Il faut rappeler que le
risque sanitaire ne peut être apprécié qu’au travers des trois aspects suivants : substance,
vecteur et exposition.
L’association HQE® insiste sur la nécessité d’utiliser un référentiel commun pour étudier les
matériaux et produits de construction, et conseille l’emploi de fiches de déclaration
environnementale et sanitaire au format de la norme XP P01-010 (qui est devenue la norme
NF P01-010 depuis 2004, cf. le paragraphe 2.2.6 de ce chapitre) [Association HQE, 2005a].
Nous considérons que la plupart des cibles de la démarche HQE® sont des cibles
transversales, et qu’elles sont souvent liées entre elles. La mise en œuvre d’une cible nécessite
donc la mise en œuvre d’un certain nombre d’autres cibles pour être vraiment efficace. C’est
cependant la cible n°2 qui présente, selon nous, le plus d’interactions avec les autres cibles.
Nous avons ainsi relevé que les cibles 3, 4, 5, 7, 9, 11, 12, 13, et 14 pour être correctement
traitées, nécessitent déjà une bonne prise en compte de la cible n°2, d’où le qualificatif de
« pilier » que nous lui avons donné. Pourtant, cette cible a souvent été « négligée » dans les
opérations dites « HQE », puisqu’elle faisait rarement partie des cibles prioritaires du maître
d’ouvrage. Une meilleure appropriation des déclarations environnementales et sanitaires que
nous aborderons par la suite semble permettre de modifier ce fait [CSTB, 2005].

3.2.2.3 Mise en œuvre de la démarche HQE®


La mise en œuvre de la démarche HQE® contribue, en théorie, à réduire les impacts du
bâtiment sur l’environnement extérieur tout en offrant un environnement intérieur sain et
confortable à l’usager [Association HQE, 2005a].
C’est le maître d’ouvrage d’un projet qui est responsable de la mise en œuvre de la démarche
HQE® dans son projet, s’il souhaite volontairement réaliser un projet de Haute Qualité
Environnementale.
Compte tenu de la complexité et de la pluridisciplinarité de la démarche HQE®, [Hetzel,
2003] insiste sur l’importance de la mise en place d’une organisation pertinente pour conduire
la démarche HQE®. L’association HQE [Association HQE, 2005a] explique qu’une démarche
HQE® s’appuie sur deux référentiels : un Système de Management Environnemental (SME) et
des exigences environnementales (Définition Explicite de la Qualité Environnementale).
Le SME doit permettre au maître d’ouvrage d’établir une politique environnementale et un
programme environnemental, ce qui lui permet de mieux définir ses objectifs et leur phase
d’application, de traduire ses objectifs en cibles, de hiérarchiser ces dernières, et enfin,
d’évaluer leur mise en œuvre.

- 33 -
Chapitre 1

3.2.2.4 Certification HQE®


La certification HQE® pour les maisons individuelles est en train de se mettre en place ; elle
est gérée par l’organisme certificateur CEQUAMI. Pour les opérations tertiaires, la
certification « NF Bâtiments tertiaires – démarche HQE® » est en place depuis début 2005, et
l’organisme certificateur est le CSTB [Association HQE, 2005b], [CSTB, 2005].
Ces projets de certification représentent une sorte de garde-fou aux auto-proclamations, de
plus en plus fréquentes, d’un certain nombre d’opérations. Le fait de disposer d’une « règle du
jeu » devient nécessaire, afin de crédibiliser la démarche HQE® et de valoriser les bonnes
opérations.

Pour l’instant, la certification d’opérations « NF Bâtiments tertiaires – démarche HQE® »


concerne les bâtiments neufs, en se limitant à quatre catégories : bureaux, bâtiments
d’enseignements, hôtels et commerces. La certification porte à la fois sur le Système de
Mangement de l’Opération (SMO) et sur la Qualité Environnementale du Bâtiment (QEB). Il
s’intéresse donc à la fois au processus opérationnel et au résultat attendu puis obtenu, ce qui
constitue son originalité [www.ademe.fr/entreprises/hqe/, consulté en 2005].

3.2.2.5 Conclusions
La démarche HQE® est une approche « bâtiment ». La cible 2, qui concerne le choix intégré
des matériaux et produits de construction, est intimement liée à la majorité des autres cibles
de la démarche, selon nous. C’est grâce à un choix raisonné et judicieux des matériaux et
produits de construction qu’il sera possible de construire des bâtiments de Haute Qualité
Environnementale. D’autre part, la démarche HQE® est une démarche volontaire qui ne
possède pas encore un cadre réglementaire suffisamment strict, ce qui peut engendrer certains
« détournements » de la démarche, donnant lieu à des opérations HQE autoproclamées qui ne
respectent pas suffisamment l’environnement et la santé. Certes, comme le précise [Hetzel,
2003], compte tenu du caractère évolutif que représente la qualité environnementale et
sanitaire, une démarche réglementée, en figeant les concepts, risquerait de freiner les
améliorations possibles des référentiels, et par conséquent, de limiter à terme la démarche.
Toutefois, il peut être prévu une certification évolutive, c'est-à-dire qui serait révisée
régulièrement en fonction des progrès technologiques ou des avancées normatives.

3.2.3 Etiquetages environnementaux (et sanitaires) des produits


L’offre de produits plus respectueux de l’environnement s’exprime à travers « l’étiquetage
environnemental (et sanitaire) des produits ». C’est une notion très générale qui regroupe trois
types d’étiquetage (selon la terminologie de l’ISO) : étiquetage de type I, étiquetage de type
II, étiquetage de type III.

3.2.3.1 Différents types d’étiquetage


Afin de promouvoir une approche rigoureuse et encadrée de l’étiquetage environnemental de
produits, l’ISO a mis au point une série de normes qui ont pour objectifs de fournir :
- des principes généraux guidant les étiquetages environnementaux et les déclarations
environnementales (déclarations de fournisseurs concernant la qualité
environnementale de leurs produits ou auto-déclarations environnementales) : norme
internationale ISO 14020 [ISO 14020, 2000] ;
- des termes, des symboles et des méthodes de vérification à utiliser par les organismes
pour la déclaration des aspects environnementaux de produits et services (étiquetages
de type II ou auto-déclarations environnementales) : norme internationale ISO
14021 [ISO 14021, 1999] ;

- 34 -
Partie 3 Règlementations, recommandations et réponses existantes

- des principes et des procédures pour la certification de la qualité environnementale des


produits (étiquetages de type I ou écolabels officiels) : norme internationale ISO
14024 [ISO 14024, 2001] ;
- des recommandations pour la pratique des étiquetages informatifs. Les labels de cette
catégorie visent à fournir aux consommateurs des informations standardisées sur un
produit de construction (étiquetages de type III ou écoprofils) : norme internationale
ISO 14025 [ISO 14025, 2000] et norme française NF P01-010 [NF P01-010, 2004].

3.2.3.2 Ecolabels officiels


Un écolabel est un label environnemental. Il s’agit d’un label attribué à des produits ayant une
incidence moindre sur l’environnement. L’écolabel définit des critères et des niveaux
d’exigences. Un écolabel « officiel » est un label environnemental demandé volontairement
par les entreprises intéressées et attribué par un organisme certificateur, tel que l’AFNOR en
France [MINEFI, 2004]. Un écolabel peut être considéré comme un instrument économique
modéré, permettant aux consommateurs de prendre une décision d’achat en fonction de
certains critères environnementaux [MEDD, 2005a].
En ce qui concerne les fabricants, les écolabels peuvent représenter une incitation à fabriquer
des produits qui ménagent l’environnement et qui sont acceptables pour la société, afin de
gagner une clientèle soucieuse de protéger l’environnement, et de la garder.
Pour le secteur public, les critères qui président à l’attribution du label aux produits (tels que
la consommation d’énergie et l’utilisation de matières premières) peuvent être appliqués
également aux achats publics écologiques [MINEFI, 2004].
La marque NF Environnement (créée en 1991) et l’Ecolabel européen (créé en 1992) sont des
écolabels officiels [MINEFI, 2004].
La marque NF Environnement est la certification écologique officielle française pour les
produits. A performances d’usage égales, la marque NF Environnement distingue les produits
dont l’impact sur l’environnement est réduit. Pour obtenir la marque NF Environnement, le
produit doit être conforme à des critères écologiques et d’aptitude à l’usage, qui dépendent de
la famille de produits à laquelle il appartient, et il est soumis à une analyse (simplifiée) de
cycle de vie. Ces critères sont le résultat de négociations entre représentants d’industriels,
d’associations de consommateurs et de protection de l’environnement, de distributeurs et des
pouvoirs publics [www.marque-nf.com, consulté en 2005], [www.consodurable.org, consulté
en 2005]. Très peu de produits de construction (quelques peintures et vernis) sont écolabelisés
NF Environnement. La marque NF Environnement concerne en effet surtout des produits de
grande consommation [MEDD, 2005a].
L’Ecolabel européen est attribué à des produits qui sont relativement respectueux de
l’environnement durant leur cycle de vie, de la matière première à l’élimination des déchets.
Son objectif est de garantir au consommateur la qualité environnementale des produits
industriels : équipements électroménagers, ampoules électriques, papiers, textiles, détergents,
peintures, piles, habillement. Il ne concerne ni les produits alimentaires, ni les produits
pharmaceutiques. Très peu de produits de construction semblent faire l’objet de l’Ecolabel
européen (revêtements de sols durs, peintures intérieures et vernis) [www.consodurable.org,
consulté en 2005], [MEDD, 2005a].

Les écolabels, dont l’écolabel européen et la marque NF environnement, sont peu adaptés
pour fournir une information générale environnementale et sanitaire des produits de
construction.
D’une part, leurs critères de sélection dépendent de chaque famille de produits, ce qui ne
répond pas à une approche « produit » susceptible d’aboutir à l’évaluation globale des
bâtiments.

- 35 -
Chapitre 1

D’autre part, les écolabels, et notamment l’écolabel européen, ont pour vocation d’être très
sélectifs : 30 % au maximum des produits d’une famille présents sur le marché au moment de
la sélection des critères doivent pouvoir répondre aux exigences fixées pour l’attribution de
l’écolabel [Commission européenne, 2001]. Cette sélectivité risque par conséquent d’aboutir à
des listes noires de produits, qui ne permettront pas aux concepteurs des ouvrages d’effectuer
leur propre hiérarchisation de leurs priorités environnementales et sanitaires, et leur propre
choix des produits.

La marque NF Environnement ou l’Ecolabel européen ne sont donc pas les « formats »


retenus pour étudier et « certifier » les produits de construction sur le plan environnemental,
ce sont les déclarations environnementales (et sanitaires), approches multicritères qui
tiennent compte des différentes caractéristiques environnementales et sanitaires des produits
de construction en fonction d’indicateurs d’impacts clairement définis, qui correspondent au
format de référence, comme le soulignent le projet de norme ISO/DIS 21930 [ISO/DIS 21930,
2005] et la norme NF P01-010 [NF P01-010, 2005].

3.2.3.3 Déclarations environnementales (et sanitaires) des produits de construction


Que ce soit au niveau international ou français, des projets de normes ou des normes sont
développés afin de proposer un format de déclaration pour les caractéristiques
environnementales et sanitaires des produits de construction : les projets de normes ISO/DIS
21930 [ISO/DIS 21930, 2005], et NEN 8006 [NEN 8006, 2004], en cours de développement,
et la norme française NF P01-010 [NF P01-010, 2004].
Dorénavant, la norme NF P01-010 propose un format national de Déclaration
Environnementale et Sanitaire des produits de construction. La Déclaration, pour être validée,
nécessite d’être contrôlée par un vérificateur indépendant, tant au niveau de son contenu,
qu’au niveau de sa réalisation (respect des règles spécifiques contenues dans la norme NF
P01-010, contrôle des informations issues de l’Analyse de Cycle de Vie utilisée) [NF P01-
010, 2004] et [ISO 14040, 1997].

3.2.4 Norme NF P01-010


L’objet de cette norme est de mettre à disposition des bases communes d’information
objective (quantitative et qualitative) sur les caractéristiques environnementales et sanitaires
des produits de construction et de leur contribution à celles du bâtiment [NF P01-010, 2004].

3.2.4.1 Principe de la norme NF P01-010


Cette norme est la norme de référence française pour l’établissement des déclarations
environnementales et sanitaires des produits de construction (étiquetages de type III).
La production de l’information repose sur :
- les principes généraux définis dans la norme ISO 14020,
- les méthodes d’inventaire et d’analyse du cycle de vie décrites dans les normes ISO
14040 et ISO 14041 [ISO 14041, 1998], [ISO/TR 14049, 2000],
- le rapport technique ISO 14025 sur les étiquetages informatifs,
- les documents interprétatifs n°3, 5, et 6 de la directive 89/106.
Elle concerne toutes les étapes du cycle de vie des produits de construction (production,
transport, mise en œuvre, vie en œuvre, fin de vie).
Cette norme s’adresse au producteur de données, qui délivre des caractéristiques
environnementales et sanitaires du produit de construction et ses composantes descriptives :
nature, origine, unités, grandeurs, etc. Elle s’adresse également à l’utilisateur des données
(MO, MOe, architectes, etc.), qui doit pouvoir connaître comment l’information a été produite
pour pouvoir la lire, la comprendre et l’utiliser.

- 36 -
Partie 3 Règlementations, recommandations et réponses existantes

3.2.4.2 Contenu de la norme NF P01-010


La norme fournit, d’une part, des listes non exhaustives de flux (munis de leurs unités) relatifs
à la consommation des ressources naturelles, aux émissions dans l’air, l’eau et le sol et à la
production de déchets, qui doivent être fournies sur l’ensemble du cycle de vie du produit.
D’autre part, elle précise les dix catégories d’impacts environnementaux qui sont
représentatives des produits de construction, avec leur indicateur d’évaluation, leur unité, le
moyen d’obtention des données nécessaires à leur détermination, ainsi que les méthodes
permettant de les calculer. Enfin, la norme présente des informations utiles à l’évaluation
des risques sanitaires du produit et à la contribution de ce dernier au confort.

Les dix catégories d’impacts environnementaux identifiées comme pertinentes et


indispensables pour évaluer la contribution de tous les produits de construction à la qualité
environnementale de l’ouvrage sont les suivantes :
- la consommation de ressources énergétiques,
- l’indicateur épuisement de ressources naturelles,
- la consommation d’eau
- la production de déchets solides,
- le changement de climat,
- l’acidification atmosphérique,
- la pollution de l’air,
- la pollution de l’eau,
- la destruction de la couche d’ozone stratosphérique,
- la formation d’ozone photochimique.
Concernant les informations utiles à l’évaluation des risques sanitaires dans l’air du produit,
les éléments suivants doivent être répertoriés : monoxyde de carbone (CO), ozone, fibres,
poussières, COV, rayonnements, particules viables et non viables, etc. La contribution à la
qualité de l’eau peut être appréciée par la résistance aux biocides, la résistance aux chocs
thermiques, les propriétés organoleptiques, l’aptitude au contact de l’eau potable, etc.
Le volet « santé » n’est pas abordé de façon précise et exhaustive par cette norme. D’autre
part, les catégories d’impacts environnementaux ne constituent pas, selon nous, une famille
cohérente de critères (non exhaustivité et redondance dans les catégories d’impact). Nous
reviendrons sur ce point au paragraphe 4.2.3.5 de ce chapitre.

3.2.4.3 Conclusions sur la norme NF P01-010


La norme NF P01-010 donne des indications sur les catégories d’impacts à considérer pour
les produits de construction, et sur la façon de déterminer ces impacts. Elle précise également
les données qu’il faut identifier pour s’assurer de la qualité sanitaire des produits et de leur
contribution au confort (information multicritère environnementale et sanitaire française).
Elle permet de mettre en œuvre des Déclarations Environnementales et Sanitaires des Produits
de construction, ce qui peut favoriser un développement de produits plus respectueux de
l’environnement et de la santé, ainsi qu’une meilleure transparence des informations
environnementales et sanitaires.
Des travaux d’harmonisation sont actuellement en cours entre la norme NF P01-010 et le
projet de norme ISO/DIS 21930.
Depuis le 6 décembre 2004, INIES (pour INformation sur les Impacts Environnementaux et
Sanitaires) est la base de données française de référence sur les caractéristiques
environnementales et sanitaires des produits de construction [INIES, 2005]. Elle regroupe des
fiches de Déclaration Environnementale (et Sanitaire) des produits de construction fournies
par les fabricants ou les syndicats professionnels. Les données fournies le sont sous leur
responsabilité.

- 37 -
Chapitre 1

3.2.5 CESAT
Le CESAT est le Comité Environnement-Santé de l’Avis Technique, instance transversale qui
alimente tous les groupes spécialisés de la commission chargée de délivrer les Avis
Techniques. Il a été créé pour fournir des éléments d’information sur les caractéristiques
environnementales et sanitaires des produits et systèmes de construction innovants.
Le CESAT développe actuellement une attestation environnementale et sanitaire pour les
produits déjà titulaires d’un avis technique [CSTB/DDD, 2003]. Cette attestation correspond à
un examen qui complète l’appréciation de l’aptitude à l’emploi d’un produit ou système
innovant (son Avis Technique), pour mettre en valeur ses caractéristiques environnementales
et sanitaires.
Cet examen, volontaire, porte sur la déclaration environnementale du produit ou système, au
format de la norme NF P01-010 pour les aspects environnementaux, et sur les évaluations des
émissions chimiques (COV et formaldéhyde), des émissions radioactives, des émissions
olfactives (facultatifs), et de l’aptitude des produits à favoriser ou non la croissance de micro-
organismes, résultant d’essais en laboratoire, pour les aspects sanitaires, le cas échéant en
fonction des informations fournies par la fiche de données de sécurité (FDS) du produit ou du
système [CSTB/DDD, 2003]. Pour obtenir une attestation par le CESAT, certaines
informations sanitaires doivent obligatoirement être fournies et/ou étudiées, contrairement aux
informations sanitaires demandées par la norme NF P01-010 pour réaliser une FDES. Nous
nous appuierons ainsi sur les recommandations du CESAT pour définir nos critères sanitaires,
ce que nous repréciserons au chapitre 2.

3.2.6 Analyse des démarches existantes


Ce panorama des démarches destinées à prendre en compte l’environnement et la santé dans
les opérations de construction, nous a permis de mettre en évidence un certain nombre d’outils
disponibles à l’échelle des produits de construction, qui proposent des formats multicritères
précis de déclaration des données environnementales et sanitaires. Ce sont uniquement des
démarches environnementales (et sanitaires), mais elles tiennent compte, a priori, des règles
techniques.
En France, le format de déclaration des caractéristiques environnementales et sanitaires des
produits de construction est la fiche de déclaration environnementale et sanitaire établie en
respectant la norme NF P01-010. Cette fiche présente, pour chaque produit de construction,
un profil environnemental (et sanitaire) multicritère.

Nous avons insisté précédemment sur le fait que c’est le maître d’ouvrage qui doit porter
l’intégration de l’environnement et de la santé dans les opérations qu’il mène. Mais il faut
qu’il puisse avoir accès rapidement aux informations dont il a besoin pour réaliser
efficacement cette intégration. Le développement d’une base de données sur les
caractéristiques environnementales et sanitaires des produits de construction (INIES) nous
semble être une première étape vers la simplification des démarches du maître d’ouvrage et
des concepteurs en ce qui concerne la prise en compte des impacts environnementaux et
sanitaires dans une opération de construction. Néanmoins, cette étape est nécessaire mais non
suffisante. En effet, le fait de rassembler des données permet de simplifier l’accès à ces
données, mais pas de rendre leur utilisation efficace et rigoureuse. C’est d’ailleurs ce constat
qui est à l’origine des interrogations des acteurs du bâtiment sur le choix des produits de
construction : il est important que la base de données INIES soit utilisée à bon escient, elle ne
constitue pas en elle-même une aide au choix des produits de construction. Qu’en est-il alors
des outils informatisés existants ?

- 38 -
Partie 3 Règlementations, recommandations et réponses existantes

3.3 Principaux outils informatisés existants


Nous présentons dans cette sous-partie les principaux outils informatisés existants (outil
d’analyse du cycle de vie, outil d’évaluation environnementale des bâtiments, outil d’aide au
choix des matériaux) qui apportent une réponse aux obligations et/ou recommandations
environnementales et sanitaires.

Nos informations proviennent de [Chatagnon, 1999], [Peuportier et al., 2005], [Chevalier,


2003] et ont parfois été complétées par les sites Internet ou les cédéroms des développeurs des
logiciels lorsque des informations et éventuellement des versions de démonstration étaient
disponibles (colonne « source » du tableau 1).

3.3.1 Présentation synthétique de ces outils


Il existe de nombreux outils opérationnels pour les bâtiments permettant de prendre en compte
leurs impacts environnementaux et sanitaires. Ces outils peuvent parfois être utilisés pour les
produits de construction. Très peu sont uniquement consacrés aux produits de construction.
Tous ces outils n’ont pas la même approche, ne considèrent pas les mêmes impacts,
n’agrègent pas les impacts de la même manière, etc.

Le tableau 1 présenté ci-après propose une synthèse – qui s’appuie sur la typologie définie par
Chatagnon (1999) – des principaux outils existants, dont le développement est achevé ou en
cours d’achèvement, en précisant leurs principales différences. Nous avons conservé les
termes employés par les outils en ce qui concerne les notions de critères, impacts, indicateurs,
etc., même si nous considérons qu’ils ne sont pas toujours appropriés (cf. paragraphe 1.1.1.1
de ce chapitre).

Concernant les éléments distinctifs des outils, nous avons proposé six rubriques qui nous ont
paru les plus significatives pour les analyser, à savoir :
- les fonctions principales : quelle est la vocation de l’outil ? Evaluation, comparaison,
aide au choix ?
- l’échelle : à quel système est destiné l’outil ? Bâtiment ou produit de construction ? ;
- les critères : quels sont les critères utilisés par l’outil pour répondre à la fonction ?
Critères environnementaux, critères économiques ?
- l’agrégation : les critères sont-ils totalement agrégés ou restent-ils inchangés ?
- les résultats : sous quelle forme analytique se présentent-ils ? Des notes, des valeurs
quantitatives ?

Nous n’avons pas gardé la rubrique « cadre humain et opérationnel » définie dans la typologie
proposée par Chatagnon (1999) car tous les outils cités sont des outils destinés aux maîtres
d’ouvrage et aux concepteurs en phase « conception » d’un ouvrage. La rubrique
« approche », utilisée dans la typologie proposée par Chatagnon (1999), et fondée sur les
travaux de Le Teno (1995, 1996), n’a pas été conservée non plus, car elle ne présente pas
d’intérêt pour l’étude des outils que nous réalisons.

- 39 -
Outils et pays Source Fonctions principales Echelle « Critères » Agrégation Résultats
[Chatagnon, 1999]
EQUER Evaluation de la qualité 12 indicateurs Valeurs quantitatives
[Peuportier, 2003] Bâtiment Aucune
(France) environnementale environnementaux des indicateurs
[Peuportier et al., 2005]
Nombreux impacts
TEAMTM Produit et Valeurs quantitatives
[Ecobilan, 2004] Analyse de cycle de vie environnementaux Aucune
(France) bâtiment des impacts
(variables)
EcoQuantum Evaluation de la qualité Bâtiment 4 indicateurs d’impacts
[Peuportier et al., 2005] Totale Note unique
(Pays-Bas) environnementale résidentiel environnementaux
Greencalc Evaluation de la qualité Bâtiment 4 indicateurs d’impacts
[Chevalier, 2003] Totale Note unique
(Pays-Bas) environnementale tertiaire environnementaux
12 indicateurs d’impacts
BEES Comparaison et aide au
[BFRL-NIST, 2004] Produit environnementaux et 2 Totale Note unique
(Etats-Unis) choix
critères économiques
Méthode
Comparaison et aide au 6 indicateurs d’impacts Valeurs quantitatives
« ATHENA » [Athena Institute, 2005] Bâtiment Aucune
(Canada)
choix environnementaux des indicateurs
Evaluation
PAPOOSE environnementale et Nombreuses cibles Valeurs quantitatives
[Chatagnon, 1999] Bâtiment Aucune
(France) économique, et environnementales et coûts des indicateurs
comparaison
Analyse de cycle de vie Valeurs quantitatives
BeCost Bâtiment et Critères environnementaux
[Peuportier et al., 2005] et évaluation Aucune des critères et des
(Finlande) produit et coûts
économique coûts
GBTool
4 thèmes environnementaux,
(Canada et [Chevalier, 2003] Evaluation Totale par
Bâtiment 3 thèmes techniques et Notes par thème
groupement de [GBTool, 2005] environnementale thème
pays) sociaux
Evaluation
ENVEST 12 indicateurs d’impacts Valeurs quantitatives
[Peuportier et al., 2005] environnementale et Bâtiment Aucune
(Royaume-Uni) environnementaux des indicateurs
économique
11 critères principaux Valeurs quantitatives
ESCALE [Chatagnon, 1999] Evaluation de la qualité
Bâtiment (environnementaux, Aucune ou qualitatives et
(France) [Peuportier et al., 2005] environnementale
énergétiques et sanitaires) points
BREEAM [Chatagnon, 1999] Evaluation Points et classes de
Bâtiment 9 critères environnementaux Totale
(Royaume-Uni) [BRE, 2005] environnementale certification
Outils et pays Source Fonctions principales Echelle « Critères » Agrégation Résultats
7 indicateurs
EcoSoft Valeurs quantitatives
[Peuportier et al., 2005] Analyse de cycle de vie Bâtiment environnementaux et Aucune
(Autriche) des indicateurs
énergétiques
Evaluation économique, 1 indicateur économique, 1
OGIP Bâtiment et Totale par
[Peuportier et al., 2005] énergétique et indicateur énergétique et 1 Notes par indicateur
(Suisse) produit indicateur
environnementale indicateur environnemental
Indicateurs économiques,
Evaluation économique, Bâtiment et
LEGEP énergétiques, Valeurs quantitatives
[Peuportier et al., 2005] énergétique et produit Aucune
(Allemagne) environnementaux, par étape des indicateurs
environnementale (neuf)
du cycle de vie
3 indicateurs de qualité Note unique
[JSBC, 2005a] Evaluation environnementale et sanitaire (score global
CASBEE
[JSBC, 2005b] environnementale Bâtiment du bâtiment, 3 indicateurs Totale d’efficience
(Japon)
[JSBC, 2004] (et sanitaire) d’impacts environnementaux environnementale du
du bâtiment bâtiment)
5 catégories
Evaluation
LEED© [U.S. Green Building Bâtiment environnementales et Totale par Certification
environnementale
(Etats-Unis) Council, 2005] (et son site) sanitaires, et 1 catégorie catégorie (à 4 niveaux)
(et sanitaire)
technique (bonus)
Tableau 1 : Synthèse des principaux outils opérationnels existants

Remarques relatives au tableau 1 :


Nous n’avons pas précisé les « impacts » (ou indicateurs, ou thèmes, ou critères) environnementaux des différents outils car d’une part, les
impacts sont souvent les mêmes (même s’ils sont évalués de manière différente), et d’autre part, nous ne pensons pas que cette précision apporte
un intérêt majeur dans la synthèse des outils que nous effectuons.
Globalement, les « impacts » environnementaux considérés sont les suivants :
- réchauffement global ;
- consommation (matières, eau, énergies) ;
- pollution de l’air ;
- pollution de l’eau ;
- pollution des sols.
Les « impacts » que nous avons assimilés aux impacts sanitaires concernent essentiellement la qualité de l’air intérieur et parfois le confort.
Enfin, les critères techniques sont majoritairement associés à l’innovation, la durabilité, et la modularité dans la construction.
Chapitre 1

3.3.2 Analyse des outils existants


L’intérêt grandissant porté à la qualité environnementale et sanitaire des ouvrages entraîne les
acteurs de la construction à effectuer de plus en plus systématiquement des bilans
environnementaux et sanitaires de leurs projets. A cette fin, ils disposent d’un certain nombre
d’outils d’évaluation environnementale qui leur donnent une vue d’ensemble des incidences
des bâtiments sur l’homme et le milieu naturel. Tous ces outils sont fondés sur une approche
multicritère puisqu’ils considèrent, au moins initialement, un certain nombre de critères
environnementaux (et sanitaires), voire économiques pour certains également.
Néanmoins, que ce soit pour des outils d’évaluation environnementale pour les produits de
construction ou pour les bâtiments, nous avons observé certaines lacunes et certains défauts.

D’un point de vue pratique, tout d’abord, nous trouvons que les outils ne sont pas toujours
adaptés aux acteurs de la construction, en ce qui concerne les facilités d’utilisation et la
compréhension des termes employés. Un acteur qui a peu de notions environnementales et
sanitaires peut vite se retrouver perdu en utilisant de tels outils, et par conséquent, mal
interpréter les résultats qu’il obtient.

D’un point de vue conceptuel, à présent, nous avons pu constater qu’aucun outil ne propose
une évaluation globale, c'est-à-dire une évaluation qui prend en compte l’ensemble des
contraintes techniques, architecturales, économiques, environnementales et sanitaires du
bâtiment lors de toutes les phases de son cycle de vie. Ce constat montre qu’une approche
multicritère globale automatisée à l’échelle du bâtiment est actuellement difficilement
réalisable.
Parmi tous les outils étudiés, aucun ne permet de comparer et par conséquent d’effectuer des
choix constructifs, que ce soit à l’échelle du bâtiment, ou à l’échelle des produits de
construction.
Par ailleurs, très peu d’outils s’intéressent aux produits et matériaux et construction
directement, que ce soit au niveau de l’échelle d’évaluation – qui est plutôt l’échelle du
bâtiment dans de nombreux cas – ou au niveau des impacts environnementaux et sanitaires
considérés – qui correspondent souvent aux impacts liés à la vie en œuvre du bâtiment – et
essentiellement donc aux consommations d’énergie et aux rejets de gaz à effet de serre
associés à cette phase.
Pourtant, l’évaluation environnementale et sanitaire des produits de construction nous semble
être une étape inhérente à toute évaluation environnementale et sanitaire satisfaisante d’un
bâtiment : les produits de construction correspondent en effet au contenu en impact du
bâtiment et ils influencent considérablement les émissions de celui-ci lors de sa vie en œuvre.
D’autre part, compte tenu des réglementations de plus en plus strictes concernant les
consommations énergétiques, et les émissions de gaz à effet de serre, qui sont l’un des
secteurs les plus pénalisants d’un point de vue environnemental pour les bâtiments
actuellement [ADEME, 2004], la contribution relative des produits de construction aux
impacts globaux des bâtiments risque de devenir plus importante (pouvant largement dépasser
15% des impacts totaux d’un bâtiment, d’après [Bartels et al., 2003]).
Considérer les impacts environnementaux et sanitaires des produits de construction sur tout
leur cycle de vie est ainsi préférable à une prise en compte des produits en tant que simple
consommation de ressources non énergétiques, c'est-à-dire en ignorant leur contribution aux
autres impacts environnementaux et sanitaires.
Nous avons également noté que certains outils considéraient peu d’impacts environnementaux
(ou critères d’évaluation), dans un souci de simplification sans doute.

- 42 -
Partie 3 Réglementations, recommandations et réponses existantes

L’évaluation environnementale du système (produit ou bâtiment) n’est peut-être pas


suffisamment complète dans ce cas, en témoigne la liste des impacts environnementaux et
sanitaires des bâtiments de la norme NF P01-020-1 [NF P01-020-1, 2005]. D’autre part, les
caractéristiques sanitaires sont souvent survolées, voire inexistantes pour la plupart des outils,
ce qui peut être critiquable compte tenu de l’importance croissante accordée aux risques
sanitaires actuellement.

D’un point de vue technique, pour finir, les méthodes d’agrégation des différents critères
sont, lorsqu’elles existent, des méthodes d’agrégation totale, donc très compensatoires – ce
qui est très discutable lorsqu’il s’agit d’environnement et de santé [Rousseaux, 1993],
[Chevalier, 1999], [Benetto, 2002], mais nous reviendrons sur ce point dans la partie 4 de ce
chapitre. D’autre part, les différents outils proposent rarement des pondérations, et
lorsqu’elles sont disponibles, elles ne sont pas toujours transparentes et compréhensibles.
Enfin, beaucoup d’outils ne proposent pas de méthode d’agrégation des différents critères
mais un profil environnemental multicritère (plus ou moins quantitatif) des systèmes étudiés,
ce qui ne permet pas non plus d’effectuer facilement des comparaisons des résultats obtenus
[Chevalier, 1999].

3.4 Conclusions
Les nombreuses démarches et outils opérationnels existants mettent en évidence, d’une part,
la nécessaire approche multicritère pour évaluer les produits de construction et les bâtiments
d’un point de vue environnemental et sanitaire, mais d’autre part, la difficile utilisation de
cette approche pour obtenir une vision globale de leurs performances environnementales et
sanitaires. De plus, bien que l’évaluation environnementale et sanitaire des produits sur tout
leur cycle de vie soit recommandée, et malgré l’existence de normes et de démarches
permettant de répondre à cette recommandation, les produits sont souvent considérés, dans les
outils opérationnels, comme des consommations de ressources non énergétiques (flux
matière) ce qui ne peut permettre, selon nous, de les choisir convenablement afin qu’ils
contribuent à l’amélioration des performances environnementales et sanitaires des bâtiments
dans leur globalité.
Une meilleure description ainsi qu’une meilleure utilisation des profils environnementaux et
sanitaires multicritères des produits de construction sont par conséquent nécessaires, que ce
soit à l’échelle même des produits de construction ou à l’échelle des bâtiments.

Nous avons par ailleurs précisé qu’il existe des normes, dont la norme française NF P01-010,
qui ont pour objectif de collecter et de fournir aux prescripteurs et utilisateurs des produits de
construction, des données de même format regroupant les caractéristiques environnementales
et sanitaires de ces produits. Des informations étant disponibles sur les produits, ces normes
pourraient inciter et faciliter un choix des produits de construction en fonction de leurs
caractéristiques environnementales et sanitaires.
Or, ce deuxième objectif ne peut être atteint qu’en mettant en place un outil d’aide au choix
susceptible de comparer de façon rigoureuse et efficace – en utilisant une agrégation
adéquate des données par exemple – les produits, ce que ne permettent actuellement pas les
normes et outils cités précédemment. En effet, pour l’instant, l’agrégation des différentes
données environnementales et sanitaires n’est pas satisfaisante, puisqu’elle est soit absente,
soit totale et par conséquent, peu adaptée aux caractéristiques environnementales et sanitaires.
Pour pallier cette difficulté, nous avons étudié les méthodes possibles d’agrégation des profils
multicritères environnementaux et sanitaires, à savoir les méthodes d’analyse multicritère.

- 43 -
Chapitre 1

4 Apports de l’analyse multicritère


Dans la mesure où l’évaluation des impacts environnementaux et sanitaires des produits de
construction est une approche multicritère, la partie suivante est consacrée à l’apport, pour
notre outil, des méthodes d’analyse multicritère. De nombreux auteurs ont en effet déjà
justifié l’emploi d’une méthode d’analyse multicritère pour « agréger » les indicateurs des
méthodes d’évaluation environnementale, et en particulier des analyses de cycle de vie
[Simos, 1990], [Pictet, 1996], [Chevalier, 1999], [Benetto, 2002], [Rousseaux et Benoit,
2003].
Dans une première sous-partie, nous dressons les raisons qui ont permis à l’analyse
multicritère de se développer, et en particulier, nous analysons l’incapacité des modèles
d’aide à la décision purement économiques à répondre correctement aux attentes,
difficilement évaluables financièrement, des décideurs dans le domaine de l’environnement et
de la santé. A la fin de cette partie, la terminologie de l’analyse multicritère sera définie pour
permettre une meilleure compréhension des paragraphes suivants. Dans une deuxième sous-
partie, nous effectuons une étude des différentes méthodes d’analyse multicritère. Enfin, dans
une troisième sous-partie, nous établissons, à partir d’une analyse des éléments distinctifs des
méthodes d’aide à la décision, un arbre de décision permettant de « choisir » la méthode
d’aide à la décision la plus adaptée en fonction de plusieurs contraintes.

4.1 Contexte et cadre de l’analyse multicritère


Jusqu’à récemment, nombre de décisions (dans les entreprises notamment) étaient menées
sous l’égide du paradigme de la recherche opérationnelle classique qui pose comme principe
« la recherche d’une décision optimale maximisant une fonction économique (par exemple :
analyses coûts-avantages, notées ACA, analyses coûts-efficacité, notées ACE, analyses coûts-
utilités, notées ACU, analyses de minimisation des coûts, notées AMC) » [DTLR, 2001]. La
recherche opérationnelle classique consiste ainsi à aboutir à un problème de maximisation
sous contraintes dont la solution optimale représente le meilleur choix [Pomerol et Barba-
Romero, 1993]. L’exercice qui consiste à traduire tous les éléments d’une décision en terme
de coûts dans la fonction de gain n’est, dans la grande majorité des cas, pas effectué, si bien
que seuls les coûts monétaires immédiats sont pris en compte. Certains aspects des choix sont
en effet très difficiles à évaluer en terme de coûts, et c’est notamment le cas de
l’environnement et de la santé. La recherche opérationnelle classique se réduit donc le
plus souvent à un problème monocritère.
Ben Mena, (2000) précise que cette approche a le mérite de déboucher sur des problèmes
mathématiquement bien posés mais qui ne sont pas toujours représentatifs de la réalité car :
- la comparaison de plusieurs actions possibles se fait rarement selon un seul critère ;
- les préférences sur un critère sont, dans bien des cas, difficilement modélisables par
une fonction ;
- lorsqu’il y a plusieurs objectifs, il est possible de les atteindre tous à la fois.

Désigner en toutes circonstances la meilleure décision, l’optimum, repose d’autre part, sur
trois hypothèses extrêmement lourdes [Roy et Bouyssou, 1993] :
- la globalité de l’ensemble des actions potentielles (terme défini dans le paragraphe
3.2.3 de ce chapitre), c'est-à-dire que toutes les actions potentielles comprennent tous
les aspects de la question et sont mutuellement exclusives ;
- la stabilité de l’ensemble des actions potentielles, ce qui signifie que l’ensemble des
actions potentielles n’est jamais remis en cause lors de l’étude ;
- la complète comparabilité transitive des actions, ce qui exclut l’incomparabilité des
actions, l’intransitivité de la préférence et de l’indifférence (termes définis au
paragraphe 4.2.3.3 de ce chapitre).

- 44 -
Partie 4 Apports de l’analyse multicritère

Or, dans la réalité, les actions peuvent être complémentaires, et partielles. De nouvelles idées
apparaissent souvent en cours d’étude, modifiant ainsi l’ensemble des actions potentielles. Et
enfin, la décision étant un processus humain, des préférences ne peuvent pas toujours être
énoncées, et de plus, l’indifférence et la préférence peuvent être intransitives (cas du paradoxe
de Condorcet) [Schärlig, 1985] et [Pomerol et Barba-Romero, 1993].
Les résultats obtenus par les méthodes classiques de la recherche opérationnelle ont ainsi déçu
dans bien des cas. [Schärlig, 1985] précise que le domaine de réussite de la recherche
opérationnelle classique est constitué de tous les problèmes qu’il est possible d’isoler du
système de gestion, tels que la recherche du mélange optimal pour des alliages, le choix de
l’itinéraire le plus efficace pour des tournées de ramassage d’ordures, etc.
Par analogie, le domaine dans lequel la recherche opérationnelle classique a échoué est alors
constitué de toutes les décisions de gestion qu’on ne peut pas isoler de leur contexte, comme
par exemple le choix d’une localisation d’implantation d’une usine d’incinération, le tracé
d’une autoroute, la prise en compte des caractéristiques environnementales et sanitaires d’une
décision.
Choisir d’optimiser, c’est implicitement se placer dans une approche à critère unique.
Or, toute la réalité humaine est « à points de vue multiples » ou encore multicritère. Chaque
acteur d’un processus de décision possède son propre système de valeurs, ses propres critères,
qui peuvent être contradictoires et non commensurables (le simple choix d’un nouveau
véhicule illustre toutes ses notions). Ainsi, toutes les décisions ne peuvent pas être prises
sur la base d’un critère unique, et ceci est d’autant plus vrai lorsque ces décisions font
intervenir plusieurs acteurs : ces décisions nécessitent d’être épaulées par l’analyse
multicritère. En définitive, comme l’indiquent Pomerol et Barba-Romero (1993), l’analyse
multicritère (dont la lente montée a commencé dans les années 1960) a pour elle le réalisme et
la lisibilité, ce sont des atouts importants dans les organisations à l’heure où la complexité des
décisions est reconnue par la plupart des intervenants, même s’ils ne font pas tous preuve de
la même sensibilité vis-à-vis des différents critères. L’analyse multicritère permet donc de
renouveler la recherche opérationnelle classique et d’apporter des réponses que cette dernière
ne pouvait auparavant pas donner de manière satisfaisante.

4.2 Définitions supplémentaires


Nous allons à présent définir les termes qui nous permettront d’appréhender clairement ce
qu’est l’analyse multicritère, également appelée aide multicritère à la décision.

4.2.1 Optimisation
L’optimisation, que l’on associe communément à la recherche opérationnelle classique,
correspond à la recherche d’un optimum (maximum ou minimum) d’une fonction,
économique généralement [Ben Mena, 2000].

4.2.2 Aide multicritère à la décision


Les premières méthodes de l’aide multicritère à la décision, dans les années 60, ont eu pour
but de pallier les insuffisances du calcul économique et de la recherche opérationnelle
classique et se sont donc surtout occupées des problèmes à décideur unique. Par la suite, elles
ont élargi leur champ d’application à des problèmes à décideurs multiples. Les méthodes
d’aide à la décision multicritère, ou méthodes d’analyse multicritère, recherchent une
solution réalisant la meilleure combinaison possible de critères multiples [Simos, 1990],
c'est-à-dire le meilleur compromis et non la meilleure solution (souvent inexistante), d’où
l’intérêt que représentent ces méthodes pour les évaluations environnementales et sanitaires.
Les définitions qui suivent proviennent de [Roy, 1985] et [Roy et Bouyssou, 1993] et sont
parfois complétées par d’autres sources lorsque cela est indiqué.

- 45 -
Chapitre 1

Plus précisément, l’analyse multicritère est une analyse ayant pour but d’expliciter une famille
cohérente de critères permettant d’appréhender les différentes conséquences d’une action.
Les termes en italique sont définis au paragraphe 4.2.3 qui suit.

4.2.3 Terminologie associée à l’aide multicritère à la décision


Cette sous-partie définit les vocables associés à l’analyse multicritère : actions, conséquences,
préférences, critères, matrice des performances, normalisation, pondération, acteurs,
problématique. Elle s’achève par l’établissement d’un parallèle entre le vocabulaire spécialisé
de l’analyse multicritère et les termes que nous emploierons régulièrement lors de
l’élaboration de l’outil d’aide au choix.

4.2.3.1 Actions
Compte tenu des définitions proposées par Roy (1985) et Vincke (1989), une action
correspond aux « solutions possibles » envisagées dans un processus de décision, c’est
l’élément qui va faire l’objet de la comparaison [Pictet et Bollinger, 1999]. On distingue
plusieurs types d’action [Vincke, 1989], dont :
- l’action potentielle :
Il s’agit d’une action provisoirement jugée possible par un des intervenants au moins ou
présumée comme telle par l’homme d’étude en vue de l’aide à la décision. Par la suite, une
action potentielle sera notée ai ou a, b … et l’ensemble des actions potentielles A ;
- l’action globale :
C’est une action potentielle dont la mise à exécution est exclusive de toute autre action
[Maystre et al, 1994] ;
- l’action partielle ou fragmentaire :
Il s’agit d’une action potentielle dont la mise à exécution n’est pas exclusive de toute autre
action [Maystre et al, 1994].
Lorsque les actions fragmentaires sont indépendantes les unes des autres, il est souvent
préférable de raisonner sur ces dernières plutôt que de raisonner sur leur combinaison en
actions globales, qui rend souvent le problème de décision très complexe [Roy et Bouyssou,
1993]. Par contre, lorsque les actions fragmentaires sont interdépendantes, elles ne peuvent
pas être comparées individuellement, et il est nécessaire de les associer en actions globales
pour comparer des actions vraiment comparables [Maystre et al., 1994], [Pictet, 1996].
Concernant les produits de construction, nous pouvons constater que le choix d’un produit de
construction ne peut représenter qu’une action fragmentaire non indépendante des autres
actions. Si chaque produit de construction peut être envisagé indépendamment par rapport à
ses caractéristiques environnementales et sanitaires (en supposant que l’association de
produits de construction ne puisse entraîner que des sommes d’impacts environnementaux et
sanitaires, et non une multiplication ou une annulation des impacts), il n’en est pas de même
si l’on considère ses performances techniques. En effet, le choix des produits de construction
ne peut pas intervenir indépendamment des performances techniques attendues (résistance
mécanique, propriétés thermiques et acoustiques, etc.) du bâtiment dans lequel ils
interviennent, puisque ces performances sont indispensables à la vie en œuvre de l’ouvrage, et
surtout à la sécurité et au confort des usagers. Les performances techniques d’un produit ne se
traduisent pas directement, dans la majorité des cas, par des performances techniques à
l’échelle du bâtiment. C’est l’association de produits qui permet cette transposition des
performances techniques. Chaque produit ne peut donc pas être comparé individuellement à
un autre produit, ou alors dans de très rares cas (mêmes conditions techniques de mises en
œuvre, mêmes performances techniques).
Il est donc nécessaire pour nous de définir des actions globales, comme le recommande Pictet
(1996) dans de pareilles circonstances.

- 46 -
Partie 4 Apports de l’analyse multicritère

Une association de produits de construction susceptible de représenter une action


globale est un composant du bâtiment – une partie d’ouvrage telle qu’un mur, une toiture,
un plancher, une fenêtre, etc. – ou plus exactement, une réalisation particulière d’un
composant du bâtiment, qui respecte une unité fonctionnelle donnée, au sens de la norme ISO
14040.
Cette réalisation particulière d’un composant sera appelée « solution constructive ». Chaque
solution constructive est indépendante des autres – puisque lorsqu’elle est choisie, elle ne
nécessite pas le choix d’une autre solution constructive – et sa mise à exécution est exclusive
de toute autre solution – puisque lorsqu’elle est mise en œuvre, une autre solution ne peut être
mise en œuvre en même temps. Il s’agit donc bien d’une action potentielle globale.

Une action potentielle (globale ou fragmentaire) est décrite sur la base de ses conséquences,
dont chacune permet d’appréhender une partie de cette action [Maystre et al., 1994].

4.2.3.2 Conséquences d’une action


Une conséquence correspond à l’effet ou l’attribut d’une action susceptible d’interférer avec
les objectifs ou avec le système de valeurs d’un acteur du processus de décision, à partir
duquel il élabore, justifie ou transforme ses préférences. Les conséquences sur le plan
environnemental et sanitaire du choix d’une solution constructive par rapport à une autre
peuvent être les impacts potentiels environnementaux et sanitaires générés en plus, ou en
moins, par cette solution constructive.

4.2.3.3 Préférences
Vincke (1989) rappelle que les préférences sont essentielles dans la vie des individus aussi
bien que des collectivités. Leur modélisation constitue une étape indispensable en aide à la
décision. Lorsqu’un individu (décideur) est confronté à la comparaison de deux actions a et b
(éléments de l’ensemble A), il aura alors l’une des trois réactions suivantes :
- préférence pour l’une des deux actions, nous notons aPb si a est préféré à b, et bPa si
c’est l’inverse ; cela signifie que l’une des deux actions est clairement meilleure que
l’autre (tableau 2a) ;
- indifférence entre les deux actions, que nous notons aIb ; cela signifie que les deux
actions sont tellement proches qu’il est difficile de dire que l’une est meilleure que
l’autre (tableau 2b) ;
- incomparabilité, lorsque l’individu refuse ou se trouve dans l’impossibilité de
comparer les deux actions, et que nous notons aRb ; cela signifie que les deux actions
sont tellement différentes l’une de l’autre qu’il est difficile de pouvoir les comparer
(tableau 2c).

En reprenant les exemples proposés par Pictet et Bollinger (1999), nous pouvons dresser les
tableaux suivants :
Critère 1 Critère 2 Critère 1 Critère 2
Action a 10 10 Action a 5 6
Action b 1 1 Action b 6 5
Tableau 2a : Préférence aPb Tableau 2b : Indifférence aIb

Critère 1 Critère 2
Action a 10 1
Action b 1 10
Tableau 2c : Incomparabilité aRb
Tableaux 2 : Relations de préférences élémentaires

- 47 -
Chapitre 1

Si pour deux critères, les situations semblent assez simples, il n’en est pas de même lorsque le
nombre de critères augmente, notamment pour les situations d’indifférence et
d’incomparabilité.
Pour que ces trois relations traduisent effectivement des situations de préférence,
d’indifférence et d’incomparabilité, elles doivent remplir les propriétés suivantes :
• P est asymétrique : si aPb alors on ne peut avoir bPa,
• I est réflexive, c'est-à-dire aIa, et symétrique, à savoir si aIb alors bIa,
• R est irréflexive, et symétrique.
Les trois relations {P, I, R} constituent une structure de préférence sur A si elles ont les
propriétés ci-dessus, et si, étant donné deux éléments quelconque a et b de A, une et une seule
des situations suivantes est vérifiée : aPb, bPa, aIb, aRb [Vincke, 1989].
Toute structure de préférence peut être entièrement caractérisée par la donnée de la relation
binaire S définie par S = P∪I. La relation S est parfois appelée « préférence au sens large »
par opposition avec P, relation de préférence stricte [Vincke, 1989].

Dans ce qui suit, a et b désignent des actions et g(a) et g(b) les évaluations respectives de ces
actions sur une échelle ordonnée. De manière générale, les préférences du décideur vérifient
le modèle suivant :
aPb ⇔ g(a) > g(b) + p
aQb ⇔ g(b) + p ≥ g(a) > g(b) + q
∀ a, b ∈ A
g(b) + q ≥ g(a)
aIb ⇔
g(a) + q ≥ g(b)

La relation Q, appelée « préférence faible », traduit une hésitation du décideur entre


l’indifférence et la préférence (et non une préférence d’intensité moindre comme son nom
pourrait le faire croire).
Les seuils p et q sont des fonctions positives, qui peuvent dépendre des valeurs de g en a et b,
où être constantes. Le seuil p est le seuil de préférence, au-dessus duquel le décideur montre
une préférence stricte entre les deux actions. Le seuil q est le seuil d’indifférence, en dessous
duquel le décideur marque une indifférence nette entre les deux actions.
Le modèle de préférence ainsi représenté s’intitule modèle à deux seuils variables.
Lorsque p = q = 0, alors la relation Q est vide et le modèle devient le modèle traditionnel de
la maximisation. Lorsque p ou q est nul, le modèle devient modèle à un seuil (variable ou
non).

4.2.3.4 Relations de préférence particulières


Selon le modèle de préférence retenu, la relation de préférence S peut être particularisée. Nous
retiendrons :
- le préordre partiel, lorsque la relation S est représentable par le modèle traditionnel,
admet les ex-æquos, est réflexive et transitive, et admet l’incomparabilité ;
- le préordre total ou complet, lorsque la relation S est représentable par le modèle
traditionnel, admet les ex-æquos, est réflexive et transitive, et exclut toute
incomparabilité ;
- l’ordre partiel, lorsque la relation S est représentable par le modèle traditionnel mais
exclut les ex-æquos, est réflexive et transitive, et admet l’incomparabilité, et la relation
I se limite aux couples identiques ;
- l’ordre total, lorsque la relation S est représentable par le modèle traditionnel mais
exclut les ex-æquos, est réflexive et transitive, et exclut l’incomparabilité, et la relation
I se limite aux couples identiques ;

- 48 -
Partie 4 Apports de l’analyse multicritère

- le quasi-ordre, lorsque la relation S est représentable par le modèle à un seuil ;


- le pseudo-ordre lorsque la relation S est représentable par le modèle à deux seuils ;
- la relation de surclassement : c’est une relation S dans laquelle il est possible
d’affirmer sans trop de risque d’erreur que le décideur préfère a à b [Maystre et al.,
1994]. Vincke (1989), citant Roy, indique qu’une relation de surclassement est une
relation binaire S définie dans A telle que aSb si, étant donné ce que l’on sait des
préférences du décideur et étant donné la qualité des évaluations des actions et la
nature du problème, il y a suffisamment d’arguments pour admettre que a est au moins
aussi bonne que b, sans qu’il y ait de raison importante de refuser cette affirmation.
Cette définition n’est pas une définition mathématique précise mais plutôt une idée
générale. Les méthodes de surclassement qui ont été proposées dans la littérature
diffèrent notamment par la façon de formaliser cette définition. Une relation de
surclassement n’a aucune raison d’être complète ni transitive. Elle ne permet pas, en
général, d’obtenir immédiatement un meilleur compromis ou un rangement des
actions. Une méthode de surclassement peut donc être scindée en deux étapes : la
construction de la relation de surclassement et son exploitation en vue de la
problématique choisie.

4.2.3.5 Critères
Schärlig (1985) propose la définition suivante, que nous retiendrons : un critère, c’est une
référence par rapport à laquelle on mesure les conséquences d’une action. Il se manifeste
par une échelle, continue ou discrète, sur laquelle on peut situer chaque action potentielle dans
un processus de décision. Les catégories d’impacts de la norme NF P01-010 représentent
par exemple des critères dans le choix des solutions constructives (elles sont munies
d’indicateurs de catégories d’impacts et de facteurs de caractérisation).
En d’autres termes, un critère exprime plus ou moins précisément les préférences du décideur
relativement à un attribut donné [Pomerol et Barba-Romero, 1993]. Un critère est donc une
fonction de mesure définie sur A, qualitative ou quantitative, dotée d’un nom, d’une échelle,
d’un sens et d’une structure de préférence, c’est la fonction g précédente. Ce sera :
• un vrai-critère si la structure de préférence sous-jacente est une structure de préordre total ;
• un quasi-critère si la structure de préférence sous-jacente est une structure de quasi-ordre ;
• un pseudo-critère si la structure de préférence sous-jacente est une structure de pseudo-
ordre.
A ces trois types de critères, on peut ajouter le pré-critère et le critère gaussien, qui sont
deux cas particuliers du pseudo-critère [Schärlig, 1985], et qui peuvent notamment servir dans
la méthode d’analyse multicritère PROMETHEE [Brans et al., 1986], [Brans et Mareschal,
2004] que nous aborderons par la suite.

L’analyse multicritère (cf. 4.2.2) fonctionne avec une famille cohérente de critères. Une telle
famille correspond à tout ensemble de critères conforme aux trois exigences suivantes :
- exigence d’exhaustivité : il ne faut pas qu’il y ait trop peu de critères (il ne faut pas
« oublier » de critères).
- exigence de cohésion [Schärlig, 1996] : il doit y avoir cohérence entre les préférences
locales de chaque critère et les préférences globales, c'est-à-dire qu’une action dont la
performance a été diminuée dans un critère ne doit pas se retrouver mieux classée
qu’avant (et réciproquement).
- exigence de non-redondance : il ne faut pas qu’il y ait des critères qui se dupliquent,
donc plus nombreux que nécessaire ; il faut que leur nombre soit tel que la suppression
d’un des critères laisserait une famille qui ne satisfait plus à une au moins des deux
exigences précédentes.

- 49 -
Chapitre 1

La famille cohérente de critères sera par la suite notée F, et un critère noté j.

En plus de ces trois exigences, l’indépendance des critères, bien qu’étant une propriété assez
complexe et plutôt difficile à obtenir [Roy et Bouyssou, 1993], [Pictet et Bollinger, 1999], est
également recommandée, notamment pour les méthodes d’agrégation totale (cf. paragraphe
4.3), ce qui revient à dire que la famille F doit être séparable, selon la terminologie de
l’analyse multicritère.

Nous souhaitons comparer des solutions constructives d’un composant du bâtiment sur la base
de leurs impacts environnementaux et sanitaires potentiels. Cependant, pour que ces impacts
deviennent des critères, il sera nécessaire de les analyser et de les munir d’indicateurs de
mesure, afin de former une famille cohérente de critères. Nous reviendrons sur ce point au
chapitre 2.

4.2.3.6 Matrice des performances


La matrice de décision, appelée également matrice des évaluations ou encore tableau des
performances, est un tableau constitué, en ligne, des actions de l’ensemble A, et en colonne,
des critères de la famille F.
Les valeurs qui remplissent ce tableau correspondent à l’évaluation de chaque action selon
chaque critère : ces évaluations peuvent être des rangs, des termes lexicographiques, ou des
valeurs cardinales. Les seuils, et les éventuels poids sont des informations complémentaires
contenues dans chaque colonne.
Par la suite, on notera gj(ai) l’évaluation de l’action ai selon le critère j.

Pomerol et Barba-Romero (1993) indiquent que la matrice de décision, conjointement avec le


vecteur poids, constitue toute l’information utile pour, en principe, « résoudre » le problème
du choix multicritère dans une optique de méthode sans information progressive (l’ensemble
A et la famille F n’évoluent par au cours du processus d’aide à la décision).
Une matrice des performances se présente ainsi comme le décrit le tableau 3 :

Critère 1 Critère 2 Critère j Critère m


Poids (facultatif) P1 P2 Pj Pm
Seuils (facultatif) p1, q1 p2, q2 pj, qj pm, qm
Action a1 g1(a1) g2(a1) gj(a1) gm(a1)
Action ai g1(ai) g2(ai) gj(ai) gm(ai)
Action an g1(an) g2(an) gj(an) gm(an)
Tableau 3 : Matrice des performances

4.2.3.7 Normation
Pomerol et Barba-Romero (1993) définissent ce que nous avons choisi d’appeler la
« normation » pour des profils environnementaux et sanitaires (afin d’employer le vocabulaire
de l’analyse de cycle de vie) comme une opération permettant de ramener toutes les valeurs
de ces profils (ou vecteurs) entre 0 et 1.
La normation des poids ou des évaluations environnementales et sanitaires des actions est une
étape parfois nécessaire selon la méthode d’agrégation des préférences choisie.

Soit u = (u1, …, un) le vecteur initial, c'est-à-dire l’ensemble de toutes les évaluations des
actions selon un critère donné, et v = (v1, …, vn) le vecteur normé, c'est-à-dire l’ensemble de
toutes les évaluations normées selon ce même critère, le tableau 4 (issu de [Pomerol et Barba-
Romero, 1993]) situé ci-après représente les quatre principales procédures de normation
possibles permettant de passer du vecteur u au vecteur v.

- 50 -
Partie 4 Apports de l’analyse multicritère

Procédures Procédure1 Procédure 2 Procédure 3 Procédure 4


ui ui − min ui ui ui
vi = vi = vi = vi =
Définitions max ui max ui − min ui ∑ ui
i
( ∑ ui2 )1 / 2
i
Vecteur normé 0 < vi ≤ 1 0 ≤ vi ≤ 1 0 < vi < 1 0 < vi < 1
Module de v variable variable variable 1
Conservation de la
oui non oui Oui
proportionnalité
ième
% du % de l’étendue i composante
Interprétation % du total ∑iui
maximum ui (max ui – min ui) du vecteur unitaire
Tableau 4 : Principales procédures de normation d’un vecteur

4.2.3.8 Pondération
D’après [Pomerol et Barba-Romero, 1993], il est assez courant en analyse multicritère, que le
décideur pense spontanément qu’un critère est plus important qu’un autre, pour des raisons
diverses, parmi lesquelles ses préférences personnelles (raisonnablement objectives ou
complètement subjectives).

Nous appelons poids cette mesure de l’importance relative entre les critères telle qu’elle
est vue par le décideur. Néanmoins, cette mesure n’est pas toujours déterminée facilement
par le décideur dans bien des situations, et des méthodes pour évaluer les poids des critères
[Pomerol et Barba-Romero, 1993], [Maystre et al., 1994] sont développées pour pallier cette
difficulté. Nous reviendrons sur ce point au chapitre 2.

Pictet et Bollinger (1999) insistent cependant sur le fait que, selon la méthode d’agrégation
employée, l’importance des critères peut représenter :
- des poids, au sens intuitif du terme, pour les méthodes d’agrégation partielle ;
- des constantes d’échelle, pour les méthodes d’agrégation totale, qui recouvrent en fait
deux notions : d’une part les poids et d’autre part, la relation entre les échelles des
critères, ce qui rajoute, en théorie, une difficulté supplémentaire à la définition des
pondérations dans ces méthodes.

4.2.3.9 Acteurs
Cette partie s’intéresse aux acteurs de l’aide à la décision d’une part, et aux acteurs potentiels
de l’outil, d’autre part.

Les acteurs de l’aide à la décision


Un individu ou un groupe d’individus est acteur d’un processus de décision si, par son
système de valeurs, que ce soit au premier degré du fait des intentions de cet individu ou
groupe d’individus ou au second degré par la manière dont il fait intervenir ceux d’autres
individus, il influence directement ou indirectement la décision. De plus, pour qu’un groupe
d’individus (corps constitué ou collectivité) soit identifié comme un seul et même acteur, il
faut que, relativement au processus, les systèmes de valeurs, systèmes informationnels et
réseaux relationnels des divers membres du groupe n’aient pas à être différenciés.
Chevalier, (1999) précise que l’acteur principal du processus d’aide à la décision est le ou les
décideurs. Les décideurs qui sont parfois difficiles à identifier, apprécient ce qui est possible
ainsi que les finalités du processus. Ils expriment leurs préférences et doivent les faire valoir
dans l’évolution du processus d’aide à la décision.
Le second acteur considéré par l’aide multicritère à la décision est le demandeur de l’étude.
Il joue un rôle important d’orchestration du processus d’aide à la décision. Il peut être
confondu avec le décideur.

- 51 -
Chapitre 1

Les intervenants sont des personnes qui cherchent à influencer les décideurs au cours du
processus d’aide à la décision en fonction de leurs systèmes de préférences. Les autres acteurs
sont les agis, ils subissent les conséquences de la décision sans pouvoir l’influencer.
Toutefois, leurs avis sont indirectement pris en compte par les acteurs précédents. D’autres
acteurs dits fantômes agissent comme intermédiaires et ne participent pas directement au
processus : les conseillers, les négociateurs, les informateurs et les juges-arbitres. L’homme
d’étude (celui qui réalise l’aide à la décision) et le demandeur (s’il est différent du décideur)
sont eux aussi des intermédiaires.

Les acteurs de notre outil d’aide au choix des produits de construction


Les acteurs de notre outil d’aide au choix des produits de construction sont à la fois des
acteurs d’un projet de construction, et des acteurs pour lesquels est réalisée l’aide à la
décision.
Or, les différents types d’acteurs définis dans le cadre de l’aide à la décision ne sont pas aussi
facilement identifiables lorsqu’il s’agit d’une opération de construction. En effet, chacun des
acteurs de la construction peut intervenir dans le processus d’aide au choix, à différents
niveaux et à différents moments.
Toutefois, comme nous l’avons souligné précédemment, les principaux acteurs de la
construction concernés par notre outil sont les concepteurs et les maîtres d’ouvrage.
Le décideur, dans le cas de notre outil d’aide au choix, se trouve être l’utilisateur de cet outil.
Il peut donc s’agir d’un maître d’ouvrage, mais aussi et surtout d’un concepteur. Toute
entreprise, gestionnaire, voire même usager peut également utiliser cet outil et par conséquent,
se retrouver décideur.
Le demandeur de l’étude correspond également au groupe précédent « acteurs de la
construction », mais également aux pouvoirs publics, qui, par les différentes règlementations
et politiques qu’ils mettent en œuvre, peuvent être à l’origine de la demande des acteurs de la
construction.
L’homme d’étude est également confondu avec le groupe précédent puisque c’est en utilisant
l’outil qu’un acteur de la construction apportera (à lui-même ou au décideur) une aide au
choix des produits de construction.
Face à l’outil d’aide au choix, les seules personnes susceptibles d’influencer le décideur, et
d’être par conséquent des intervenants au sens de l’analyse multicritère, sont les pouvoirs
publics, et éventuellement, les associations de protection de l’environnement, et les
associations de riverains.
Nous considérons enfin que tous les acteurs de la construction peuvent avoir une influence sur
la décision, et qu’il n’y a par conséquent pas d’agis.

4.2.3.10 Problématique
La problématique est la façon dont le problème est posé par l’homme d’étude [Simos, 1997].
Roy, (1985) a défini quatre types de problématiques :

- Problématique du choix P.α : aider à choisir une « meilleure » action ou à élaborer


une procédure de sélection.
Il s’agit de la problématique la plus classique, celle qui consiste à poser le problème en termes
du « meilleur choix ». C’est par rapport à cette problématique que se sont développées les
procédures d’optimisation. Cette problématique nécessite souvent de se plier à une conception
globalisée de A.

- Problématique du tri P.β : aider à trier les actions d’après des normes ou à élaborer
une procédure d’affectation.

- 52 -
Partie 4 Apports de l’analyse multicritère

D’une façon générale, il s’agit de caractériser les conditions d’appartenance à diverses


catégories définies dans la perspective de la prescription pour justifier en fin de compte une
partition de A sur la base de ces catégories (exemple : actions acceptées, actions refusées,
actions différées pour complément d’information). […] Le tri dont il est question dans la
problématique β consiste à affecter chaque action à une et une seule des catégories conçues
pour orienter la décision : chacune de ces catégories devant jouir d’une définition intrinsèque,
c'est-à-dire ne faisant pas fondamentalement référence aux autres catégories.

- Problématique du rangement P.γ : aider à ranger les actions selon un ordre de


préférence décroissant ou à élaborer une procédure de classement.
Le rangement dont il est question dans la problématique γ consiste à affecter un « rang de
classement » à chaque action d’un sous-ensemble A’ ⊂ A, deux actions ayant le même rang
lorsque les données ne permettent pas de les départager ; le rang des classes ainsi conçues
permet de les ordonner, complètement ou partiellement, en conformité avec les préférences.
Donc, contrairement aux catégories de P.β, les classes de P.γ ne relèvent pas d’une définition
a priori : la signification de chacune n’est que relative puisqu’elle dépend de sa position dans
le classement. Cette problématique semble être particulièrement adéquate lorsque les données
sont approximatives et A est révisable et/ou transitoire.

- Problématique de la description P.δ : aider à décrire les actions et/ou leurs


conséquences de façon systématique et formalisée ou à élaborer une procédure
cognitive.
Cette problématique correspond à une modélisation des conséquences des différentes actions.
D’une manière générale, cette problématique est incluse dans les trois précédentes. Il convient
toutefois de l’isoler car, en pratique, elle constitue fréquemment une problématique autonome
en ce sens qu’elle reflète l’essentiel de ce que le demandeur attend de l’homme d’étude.

4.2.3.11 Parallèle entre la terminologie de l’analyse multicritère et nos vocables


Compte tenu de la multiplicité des termes que nous avons définis précédemment et de
l’importance de leur signification dans l’usage des méthodes d’analyse multicritère, il nous
paraît important d’établir une correspondance entre ces termes et les vocables que nous
emploierons, a priori, pour la mise en place de notre outil d’aide au choix. Nous souhaitons
construire un outil d’aide à la décision offrant aux acteurs de la construction un choix, un
classement ou un tri des différentes solutions constructives d’une même partie d’ouvrage. Cet
outil permettra d’introduire les impacts environnementaux et sanitaires des produits parmi les
critères de décision. Nous proposons les correspondances suivantes présentées au tableau 5 :

Vocabulaire de l’analyse multicritère Nos vocables


Actions : Eléments potentiellement étudiés :
- partielles - produits de construction
- globales - solutions constructives associées à un composant
Les différents impacts potentiels sur l’environnement et la
Conséquences
santé, les aspects techniques éventuellement, …
Ce sont des fonctions qui traduisent les conséquences
Critères
munies des préférences du décideur et d’une échelle.
Pondérations Préférences du décideur entre les critères.
Acteurs : décideur, demandeur, homme Ce sont les utilisateurs de notre outil (MO, concepteurs,
d’étude, intervenants prescripteurs)
La sélection, le tri, le classement des différentes solutions
Problématique
constructives.
Tableau 5 : Correspondance lexicale entre notre outil et l’analyse multicritère

- 53 -
Chapitre 1

4.3 Méthodes d’analyse multicritère


Les différents vocables de l’analyse multicritère ayant été définis, nous allons présenter dans
cette partie le principe des méthodes d’analyse multicritère. Puis nous développerons les deux
principales « techniques » d’agrégation de ces méthodes : agrégation totale, et agrégation
partielle.

4.3.1 Principe général des méthodes d’analyse multicritère


Simos (1990) rappelle (d’après [Roy, 1985]) que le processus de décision, géré par l’homme
d’étude tant dans ses aspects d’analyse et de modélisation que dans ses aspects de procédures
d’acquisition de l’information et de résolution, peut être conçu selon les quatre niveaux
suivants :
- niveau I : objet de la décision et esprit de la prescription ou de la participation :
définition de l’ensemble des actions potentielles, option pour une problématique de
référence,
- niveau II : analyse des conséquences et élaboration de critères : définition d’une
famille cohérente de critères,
- niveau III : modélisation des préférences globales et approches opérationnelles pour
l’agrégation des performances,
- niveau IV : procédures d’investigation et élaboration de la prescription.

Une analyse multicritère (en vue d’une aide à la décision) est donc un problème qui comporte
en général quatre phases de résolution (itératives dans la plupart des cas) :
1) L’élaboration de la liste des actions potentielles (ensemble A)
Il s’agit, dans cette étape, de déterminer un ensemble A aussi complet que possible.
2) La définition de la famille cohérente de critères (ensemble F)
Cette définition peut nécessiter de munir les critères de seuils d’indifférence et de préférence,
et souvent, d’affecter des poids ou des coefficients d’importance ou encore des taux de
substitution aux différents critères.
3) L’établissement de la matrice des performances (ou tableau d’évaluation des actions ou
encore matrice de décision)
Cette matrice a été présentée au paragraphe 4.2.3.6 de ce chapitre.
4) L’agrégation des performances (ou procédure d’agrégation multicritère).
Cette dernière étape a pour objectif d’établir un modèle des préférences globales, c’est à dire
une représentation formalisée de telles préférences relativement à un ensemble A [Ben Mena,
2000]. Elle fait intervenir l’évaluation des actions selon chaque critère, mais également le sens
des préférences des critères. Cette étape est en général complétée par des analyses de
sensibilité et/ou de robustesse des résultats.
De manière générale, les trois premières étapes sont communes aux différentes méthodes
d’analyse multicritère. [Maystre et al., 1994] précise que le choix d’une méthode d’agrégation
peut être différé jusqu’au moment où la matrice des performances est remplie. A ce moment,
ce choix est nécessaire, ne serait-ce que pour permettre la détermination des valeurs des
paramètres propres à chaque méthode.
Pour la quatrième étape, trois approches opérationnelles peuvent être distinguées [Roy, 1985],
[Roy et Bouyssou, 1993] :
- approche du critère unique de synthèse évacuant toute incomparabilité (appelée
également agrégation complète transitive),
- approche du surclassement de synthèse acceptant l’incomparabilité (ou agrégation
partielle),
- approche du jugement local interactif avec itérations essai-erreur (ou agrégation locale
et itérative).

- 54 -
Partie 4 Apports de l’analyse multicritère

Schärlig, (1985) insiste sur la difficulté de cette quatrième étape, qu’il qualifie de
« dilemme ». En effet, elle nécessite d’une part de choisir une méthode parmi une multitude
de méthodes, sachant d’autre part, qu’aucune méthode ne respecte la totalité des exigences
qu’un utilisateur pourrait trouver « normales » dans l’idée multicritère.
Le choix d’une méthode nécessite donc de décider sur quelle exigence il faudra céder.
Nous reviendrons sur ce point au paragraphe 5.4 de ce chapitre.

L’analyse multicritère présente le double avantage de fournir un cadre théorique à la


modélisation d’un problème de décision multicritère [Pictet, 1996], ainsi que diverses
méthodes d’agrégation pour « résoudre » ce problème de décision multicritère [Simos, 1990],
[Pictet, 1996], [Chevalier, 1999], [Benetto, 2002], [Rousseaux et Benoit, 2003].
Les deux sous-parties suivantes se limiteront à détailler les deux premières approches. La
troisième approche s’impose en effet lorsque l’ensemble des actions potentielles est très
grand, et surtout lorsqu’il est continu – c'est-à-dire lorsque chacune des actions est décrite par
les valeurs qu’elle peut prendre sur un ensemble continu – ce qui n’est pas le cas de notre
ensemble d’actions potentielles, qui est un ensemble discret (différentes solutions
constructives associées à un même composant). Nous ne présenterons donc pas cette troisième
approche.

4.3.2 Méthodes d’agrégation complète transitive


Ces méthodes sont les plus classiques. Elles consistent à rechercher une solution au problème
de l’agrégation des performances en ayant recours aux seules situations d’indifférence et de
préférence stricte (à l’exclusion par conséquent de toute incomparabilité) [Roy, 1985].

4.3.2.1 Principe des méthodes d’agrégation complète transitive


Pour expliquer le principe des méthodes d’agrégation complète transitive, il nous est
nécessaire de nous intéresser à la notion de fonction d’utilité.

La notion de fonction d’utilité


Soit R un préodre total sur A (l’ensemble des actions potentielles), on dit qu’une fonction U de
A dans l’ensemble des réels est une fonction d’utilité représentant le préordre R si et
seulement si pour tout x et y appartenant à A, xRy ⇔ U(x)RU(y).
La fonction d’utilité n’est pas unique. Il existe toujours une fonction d’utilité représentant un
préordre total sur un ensemble A fini. Ce corollaire devient faux si l’ensemble de choix est
infini [Pomerol et Barba-Romero, 1993].

Les hypothèses des méthodes d’agrégation complète transitive


Ces méthodes sont fondées sur la théorie de l’utilité multiattribut, qui repose sur l’axiome
fondamental suivant : tout décideur essaye inconsciemment (ou implicitement) de maximiser
une fonction U = U(g1, …, gn) qui agrège tous les points de vue à prendre en compte.
Autrement dit, si on interroge le décideur sur ses préférences, ses réponses seront en accord
avec une certaine fonction U que l’on ne connaît pas. Le rôle du scientifique – de l’homme
d’étude précise Roy (1985) – est d’essayer d’estimer cette fonction en posant des questions
judicieuses au décideur [Vincke, 1989].

Les méthodes d’agrégation complète transitive reposent ainsi sur l’existence d’une fonction
d’utilité pour chaque préférence et sur des propriétés mathématiques particulières de ces
fonctions d’utilité (telles que la transitivité, l’additivité, …) leur permettant d’être
combinées (comme nous le verrons dans le paragraphe suivant).
Il est important d’insister sur les deux aspects suivants, précise Vincke [Vincke, 1989] :

- 55 -
Chapitre 1

- la théorie de l’utilité multiattribut a surtout été développée dans le cas incertain et fait
largement usage des probabilités pour représenter les phénomènes d’imprécision et
d’incertitude qui peuvent apparaître dans un problème de décision : cet aspect mérite
d’être approfondi car rien ne prouve que le concept de probabilité soit le plus adéquat
pour tous les cas (cf. le concept de logique floue) ;
- la théorie de l’utilité multiattribut concerne des fonctions gj qui sont des vrais-
critères.
La forme analytique la plus simple (et aussi la plus utilisée) est évidemment la forme additive
(somme, pondérée ou non), où les Uj sont strictement croissantes et à valeurs réelles (ces
fonctions servent uniquement à transformer les critères initiaux de manière à ce qu’ils
s’expriment tous suivant la même échelle : on évite ainsi les problèmes d’unités et la somme
est une opération qui a un sens). Outre le fait que les préférences selon chaque critère et la
préférence globale doivent constituer des structures de préordres totaux, le modèle additif
impose que tout sous-ensemble de critères soit préférentiellement indépendant dans F
[Vincke, 1989], ce qui signifie que la préférence selon chaque critère ne doit pas être
influencée par la préférence selon un autre critère. Or, cette propriété n’est pas toujours
vérifiée par la famille cohérente de critères [Roy et Bouyssou, 1993] et [Pictet et Bollinger,
1999].

La combinaison des utilités


Les méthodes d’agrégation complète transitive cherchent à mesurer l’utilité totale que
l’intéressé – personne ou organisme – peut tirer de chacune des actions potentielles. L’utilité
totale est obtenue en « combinant » les utilités élémentaires issues des évaluations ou
jugements du tableau des performances, éventuellement munis de poids. Une telle agrégation
nécessite de céder sur la non-commensurabilité des jugements et implique en outre que les
jugements soient transitifs. Les méthodes d’agrégation complète transitive se différencient par
leur fonction d’utilité.

4.3.2.2 Principales méthodes d’agrégation complète transitive


Les principales méthodes d’agrégation totale sont les suivantes, d’après [Jouany et al., 1983],
[Schärlig, 1985], [Vincke, 1989], [Pomerol et Barba-Romero, 1993], [Maystre et al., 1994],
[Guitouni et al., 1998], [Ben Mena, 2000] et [Benetto, 2002] :
- les modèles additifs et multiplicatifs (pondérés ou non), où les résultats d’évaluation
de chaque action sont sommés ou multipliés et donnent une note globale à l’action
(somme pondérée, moyenne pondérée, produit pondéré)
- le goal programming, qui consiste à résoudre un problème linéaire [Vallin et
Vanderpooten, 2002],
- la méthode Jouany-Vaillant, qui permet d’agréger des critères interactifs, dont le
développement se poursuit par la méthode SIRIS (System of Integration of Risk with
Interaction Scores) [Vaillant et al., 1995], [Guerbet et Jouany, 2002],
- la théorie de l’utilité multi attribut (MAUT, « Multi Attribute Utility Theory »),
- la méthode UTA (UTilités Additives),
- la méthode AHP (Analytic Hierarchy Process) [Saaty, 1990].

4.3.2.3 Résultats des méthodes d’agrégation complète transitive


Par l’explicitation d’une fonction d’agrégation unique, ces méthodes ont le mérite de fournir
au(x) décideur(s) une réponse claire, et en général, compréhensible. Elles nécessitent une
importante intervention du décideur dans l’élaboration de ses préférences et des utilités qui
leur sont associées. Ces méthodes sont très critiquées par les défenseurs de l’approche du
surclassement de synthèse [Maystre et al., 1994], [Pictet et Bollinger, 1999].

- 56 -
Partie 4 Apports de l’analyse multicritère

Les critiques adressées à ces méthodes concernent d’une part leur caractère monocritère –
au final, il s’agit d’une note unique – et d’autre part, leur caractère très compensatoire en
général, c'est-à-dire qu’une bonne évaluation d’une action par rapport à un critère peut
compenser une très mauvaise évaluation par rapport à un autre critère, ce qui est à proscrire
(ou au moins à minimiser) en évaluation environnementale [Chevalier, 1999], [Maystre et al.,
1994] et [Benetto, 2002] et nous ajouterons en évaluation sanitaire.
Enfin, l’évacuation de toute situation d’incomparabilité (même des actions très différentes
seront classées l’une par rapport à l’autre dans le résultat final) les éloigne parfois de la
réalité, ce qui leur est également reproché [Schärlig, 1985], [Maystre et al., 1994].

4.3.3 Méthodes d’agrégation partielle


De par les hypothèses théoriques sur lesquelles elles sont fondées, et les informations
demandées au(x) décideur(s), les méthodes d’agrégation complète transitive fournissent un
résultat très riche [Vincke, 1989]. Ce résultat est parfois même trop complet pour être
totalement réaliste voire sensé, si bien qu’une nouvelle approche, acceptant, voire même
privilégiant les situations d’incomparabilité lorsque les données sont jugées insuffisantes
(arbitraire, ignorance, incertain, etc.), a été développée : il s’agit des méthodes d’agrégation
partielle.

4.3.3.1 Principe des méthodes d’agrégation partielle


Pour ces méthodes, la technique consiste à comparer les actions deux à deux et à vérifier si,
selon certaines conditions préétablies, l’une des deux actions surclasse ou est préférée à
l’autre ou pas, et ce, de façon claire et nette. A partir de toutes ces comparaisons, une synthèse
est ensuite réalisée afin d’établir un choix, un tri ou un classement global des actions. Les
méthodes d’agrégation partielle se différencient par leur façon de réaliser ces deux étapes.
Le concept de surclassement, utilisé dans la plupart de ces méthodes, est dû à B. Roy, qui peut
être considéré comme le fondateur de ces méthodes [Vincke, 1989].

4.3.3.2 Principales méthodes d’agrégation partielle


Il existe de très nombreuses méthodes d’agrégation partielle. Nous citons ci-dessous les
principales méthodes, avec spécification de la problématique pour laquelle ou lesquelles elles
ont été conçues initialement, d’après [Roy, 1985], [Schärlig, 1985], [Vincke, 1989], [Pomerol
et Barba-Romero, 1993], [Maystre et al., 1994], [Schärlig, 1996], [Blanc et al., 1996],
[Rousseaux et al., 1996], [Guitouni et Martel, 1998], [Guitouni et al., 1999b], [Benetto,
2002], [Rousseaux et Benoit, 2003] :
- la famille ELECTRE (I, Is et Iv pour α, TRI pour β et II, III, IV pour γ) – ELimination
Et Choix Traduisant la REalité –développée principalement par Roy,
- les méthodes de Borda, Condorcet et Copeland, pour la problématique γ (ces méthodes
relèvent de la théorie du choix social, mais elles sont très proches des méthodes de
surclassement, d’où la raison pour laquelle nous les abordons ici, d’après [Guitouni et
Martel, 1998]),
- la méthode lexicographique, pour γ,
- NAIADE – Novel Approach to Imprecise Assessment and Decision Environments –
qui peut être appliquée pour γ [Munda, 1995],
- la segmentation trichotomique qui s’applique à β,
- la famille PROMETHEE (I pour α et II pour γ) – Preference Ranking Organization
METHod for Enrichment Evaluations – d’après [Brans et al., 1986], [Brans et
Mareschal, 2004],
- la famille EXPROM (I pour α et II pour γ), qui correspond à une extension de la
famille PROMETHEE,

- 57 -
Chapitre 1

- MELCHIOR – Méthode d’ELimination et de CHoix Incluant des relations d’ORdre –


pour α (méthode semi-ordinale),
- ORESTE – Organisation, Rangement Et Synthèse de données relaTionElles – pour γ
(méthode ordinale),
- REGIME pour γ (méthode ordinale),
- QUALIFLEX pour γ (méthode ordinale),
- MACBETH – Measuring Attractiveness by a Categorical Based Evaluation
TecHnique – pour α ou γ [Bana e Costa et Vansnick, 1997], [Bana e Costa et al.,
2004], [Bana e Costa et Chagas, 2004].

4.3.3.3 Résultats des méthodes d’agrégation partielle


Ces méthodes présentent l’avantage de respecter l’incomparabilité et l’intransitivité de la
réalité des préférences. Néanmoins, leur mise en œuvre est assez délicate et l’explication des
algorithmes mathématiques employés est difficile, entraînant un risque d’effet « boîte noire »
[Pictet, 1996]. Certaines de ces méthodes présentent cependant un intérêt majeur, notamment
dans le contexte environnemental et sanitaire qui est le notre car :
- elles permettent d’utiliser des données quantitatives et qualitatives,
- elles peuvent utiliser des critères cardinaux et ordinaux, sans transformation,
- elles permettent de travailler avec des données non commensurables,
- elles permettent d’introduire des données floues ou incertaines (notamment par
l’utilisation de pseudo-critères, et donc de seuils),
- le poids des critères est intrinsèque, c'est-à-dire indépendant de l’unité et de l’échelle
des critères, et correspond assez bien à la perception intuitive de poids (comme nous
l’avons déjà mentionné),
- elles limitent largement les phénomènes de compensation entre les critères.

4.3.4 Conclusions
Nous avons abordé dans cette partie les méthodes d’analyse multicritère intitulées « méthodes
d’agrégation complète transitive », et « méthodes d’agrégation partielle », en présentant leur
principe général de fonctionnement, le nom des principales méthodes concernées, ainsi que
les critiques qui leur sont adressées. Ces méthodes se différencient également à l’intérieur
même des deux catégories que nous avons étudiées.
Outre ces méthodes, nous nous sommes également intéressés à des méthodes d’analyse
économique (ACA, ACE, ACU, AMC) et à des méthodes d’aide à la décision « moins
classiques » : les méthodes d’aide à la décision empruntées à l’Intelligence Artificielle (IA),
telles que les systèmes experts (SE) [Haton et Haton, 1993] et les métaphores biologiques
(réseaux de neurones et algorithmes génétiques, que nous noterons RN et AG par la suite)
[Davalo et Naïm, 1989], [Touzet, 1992], [Renders, 1995], [Cantin, 2000]. Ces dernières sont
de plus en plus utilisées en aide à la décision (optimisation, prospective), le développement et
les performances des outils informatiques aidant. Les principes de l’IA sont parfois même
directement utilisés par les méthodes d’analyse multicritère, notamment celles relevant de la
troisième approche que nous n’avons pas abordée [Pomerol et Barba-Romero, 1993].
Cependant, ayant rapidement écarté ces méthodes de notre champ d’étude pour des raisons
plus ou moins subjectives (aspect optimisateur, difficulté d’appréhension, difficile adaptation
à nos données, méthodes orientées « éco-conception »), nous ne les détaillerons pas.
La sous-partie suivante est néanmoins consacrée à l’analyse de tous les éléments qui
différencient l’ensemble des méthodes d’aide à la décision que nous avons étudiées afin de
pouvoir élaborer un arbre de décision global permettant de choisir une méthode d’aide à la
décision en fonction de contraintes sur les données ou les résultats attendus.

- 58 -
Partie 4 Apports de l’analyse multicritère

4.4 Elaboration d’un arbre de décision permettant de choisir une méthode


d’agrégation
Toutes les méthodes d’aide à la décision ne permettent pas obligatoirement de « résoudre »
n’importe quel problème d’aide à la décision [Guitouni et al., 1999a]. Elles sont en effet
fondées sur un certain nombre d’hypothèses, aboutissent à un certain type de résultat,
nécessitent certaines catégories de données, sont soumises à certaines contraintes, etc., autant
d’éléments qui les différencient, et les rendent donc plus aptes à « résoudre » tel ou tel
problème [Guitouni et Martel, 1998], [Guitouni et al., 1999b].
Vincke (1994) suggère, pour choisir une méthode d’agrégation multicritère adaptée (ou
procédure d’agrégation notée g), d’établir une liste de propriétés souhaitées a priori entre la
relation S (sur les éléments de A) et le préordre g(S) obtenu par la procédure d’agrégation, et
de déterminer si la procédure d’agrégation choisie vérifie ou non ces propriétés.
Guitouni et Martel (1998) et Guitouni et al. (1999b) proposent, quant à eux, de répartir les
méthodes d’agrégation multicritère dans des classes, en fonction de 24 instances d’entrée
(informations disponibles à l’entrée d’une procédure d’agrégation, résultant de la structuration
de la situation décisionnelle et de la phase de modélisation des préférences) et 7 instances de
sortie (attentes du processus d’aide à la décision et de la mise en œuvre d’une procédure
d’agrégation multicritère).
Ces propositions demeurent très théoriques et nous préférons une solution de choix plus
pratique, visuelle, ne nécessitant pas de grandes connaissances a priori sur les données
traitées, et facilement utilisable par des non-spécialistes de l’analyse multicritère.
La mise en œuvre d’un arbre de décision de ces méthodes peut alors constituer un moyen
adéquat pour décrire, et résoudre, le problème du choix de la méthode la plus adaptée aux
données disponibles et aux résultats souhaités, comme le suggère Kast (2001) pour un
problème de décision en général.
Ce paragraphe est ainsi consacré, dans un premier temps, à l’analyse des éléments qui
différencient les différentes méthodes d’aide à la décision que nous avons étudiées. Puis, dans
un second temps, en fonction de ces éléments distinctifs, un arbre de choix des méthodes
d’aide à la décision est proposé.

4.4.1 Eléments distinguant les différentes méthodes


Les différentes méthodes d’aide à la décision que nous venons d’exposer, dans leurs
principes, diffèrent par leur déroulement, et les résultats qu’elles permettent d’obtenir, mais
également par les hypothèses sur lesquelles elles s’appuient, sur les données qu’elles sont
susceptibles de manipuler, etc., autant d’éléments que nous allons présenter et développer
dans cette partie.

4.4.1.1 Monocritère ou multicritère ?


Face à une décision, le décideur peut s’orienter vers différentes méthodes, comme nous
l’avons expliqué dans les paragraphes précédents.
Il peut s’intéresser à des méthodes de résolution monocritère, fondées essentiellement sur le
critère économique (mais elles pourraient éventuellement être adaptées à tout autre critère
unique). Il peut aussi s’inscrire dans une démarche multicritère ; cette dernière pouvant
aboutir à différents types d’agrégation : l’agrégation totale (cas des méthodes s’appuyant sur
l’approche opérationnelle du critère unique de synthèse, mais également des métaphores
biologiques), qui s’apparente à l’optimisation, l’agrégation partielle (cas des méthodes
s’appuyant sur l’approche opérationnelle du surclassement de synthèse), et l’agrégation locale
et itérative (cas des méthodes s’appuyant sur l’approche opérationnelle du jugement local et
interactif).

- 59 -
Chapitre 1

4.4.1.2 Objectifs des différentes méthodes


Les méthodes relevant de l’optimisation ont pour objectif de déterminer la meilleure solution
du problème posé (selon un ou plusieurs critères).
Le ou les objectifs des méthodes d’analyse multicritère correspondent aux différentes
problématiques définies par Roy (1985) : Pα, c'est-à-dire sélection d’une action ou d’un
« noyau d’actions », Pβ, à savoir tri des actions par rapport à des catégories prédéfinies – qui
nécessite aussi de déterminer les catégories d’affectation – Pγ , ou classement des actions
entre elles, et Pδ qui décrit les actions et leurs conséquences (cf. paragraphe 4.2.3.10 de ce
chapitre).

4.4.1.3 Approche dans le cas multicritère


Dans le cas des méthodes d’analyse multicritère « classiques », nous avons précisé
précédemment qu’il existait trois approches – critère unique de synthèse, surclassement de
synthèse, jugement local et interactif – qui sont les premiers éléments de différenciation de
ces méthodes.

4.4.1.4 Données entrantes


Selon la méthode d’aide à la décision utilisée, les exigences et les contraintes sur les données
entrantes (actions, critères, évaluations, seuils, pondérations, etc.) ne sont pas les mêmes.

Nature des données


Les données (notamment les pondérations et l’évaluation des actions pour chaque critère)
peuvent être de différentes natures : elles peuvent être quantitatives, qualitatives, cardinales,
ordinales, incertaines, imprécises, etc.
Selon la nature des données, certaines méthodes d’aide à la décision seront plus appropriées
que d’autres pour contribuer à la résolution du problème posé. Elles ne nécessiteront pas de
transformation des données pour fonctionner. D’autres, au contraire, peuvent manipuler
n’importe quel type de données (données incertaines, floues, etc.), c’est le cas notamment de
la méthode de surclassement NAIADE.

Nombre de données
Certaines méthodes deviennent vite « explosives » lorsque le nombre de données est
important. C’est le cas notamment de la méthode QUALIFLEX. Elles ne sont donc pas les
plus adaptées aux problèmes présentant de nombreuses actions et de nombreux critères.
D’autres méthodes, au contraire, se trouvent améliorées (fonctionnement et solidité du
résultat) lorsque le nombre de données est élevé, c’est le cas par exemple des Réseaux de
Neurones (RN) ou encore des Algorithmes Génétiques (AG). Enfin, pour certaines méthodes,
le nombre de données n’est pas une information susceptible d’influencer leur mise en œuvre
(méthodes d’évaluation économiques).

Pondérations
Certaines méthodes d’analyse multicritère ne nécessitent pas l’utilisation de poids pour être
mises en œuvre, c’est par exemple le cas d’ELECTRE IV qui ne tient compte que de
l’évaluation des actions selon chacun des critères. D’autres méthodes fonctionnent en
déterminant elles-mêmes les pondérations, à partir d’une hiérarchisation des critères, comme
par exemple AHP, ou MACBETH. Devant la difficulté que peuvent rencontrer les décideurs à
établir des pondérations de leurs critères, et les conséquences de ces pondérations sur les
résultats de la méthode d’aide à la décision [Pomerol et Barba-Romero, 1993], l’utilisation ou
non des pondérations peut être une caractéristique intéressante à connaître dans le choix d’une
méthode d’analyse multicritère.

- 60 -
Partie 4 Apports de l’analyse multicritère

Indépendance des critères


Pour certaines méthodes, l’indépendance totale des critères est une condition sine qua non de
leur mise en œuvre, c’est le cas, en théorie, des méthodes d’agrégation totale transitive. Pour
d’autres méthodes, telles que les méthodes ELECTRE, cette caractéristique revêt une
importance plus modérée, puisque l’indépendance des critères peut être partielle (famille de
critères faiblement séparable). L’indépendance des critères est donc également un élément
distinctif pour certaines méthodes.

Utilisation de seuils
Les seuils correspondent à des informations supplémentaires sur les critères. Ainsi, certaines
méthodes, telles que la plupart des méthodes d’agrégation complète transitive, ne manipulent
que des vrais-critères.

4.4.1.5 Nature de la méthode


Nous entendons par nature de la méthode multicritère son caractère ordinal ou cardinal.
Une méthode multicritère est ordinale si seul l’ordre (et non la valeur) entre les évaluations
des différentes actions est utile à son fonctionnement. La méthode de Borda, la méthode de
Condorcet, la méthode ORESTE sont des méthodes ordinales. Par analogie, une méthode de
décision multicritère est cardinale si ce sont les valeurs des évaluations des actions (que ce
soient des valeurs quantitatives ou qualitatives) qui sont nécessaires à son fonctionnement. Par
exemple, les méthodes d’agrégation complète transitive sont des méthodes cardinales.

4.4.1.6 Implication du décideur


Dans certaines méthodes d’analyse multicritère, telles que les méthodes relevant de
l’agrégation locale et itérative, ou les méthodes AHP et MACBETH, le décideur doit être très
présent, notamment pendant les processus d’évaluation et d’agrégation des préférences.
Cette intervention, prépondérante ou non selon les méthodes, nous paraît un élément à prendre
en considération dans le choix de la méthode d’aide à la décision dans la mesure où nous
n’aurons pas ou peu la possibilité d’imposer au décideur un dialogue complet avec l’outil
d’aide au choix, tel que celui exigé par les méthodes d’agrégation locale et itérative.

4.4.1.7 Utilisation pratique des méthodes


Cette partie s’intéresse plus particulièrement à la facilité d’utilisation des méthodes : les
algorithmes qu’elles utilisent, l’aspect « boîte noire » qu’ils peuvent revêtir, leur possibilité
d’évolution. Cette partie est subjective, elle est fondée sur notre propre appréciation
d’utilisation des différentes méthodes.

Algorithmes de calculs et recours aux logiciels informatiques


La plupart des méthodes d’aide à la décision, exception faite de la somme pondérée,
nécessitent l’utilisation d’un algorithme de calcul assez complexe pour des non initiés et le
recours à des logiciels informatiques pour mener à bien les calculs dans des délais
satisfaisants. Les facilités d’utilisation et de compréhension de ces logiciels ne sont cependant
pas les mêmes selon les méthodes. Par exemple, les méthodes telles que les RN ou les AG
sont beaucoup plus difficiles à appréhender que les méthodes d’analyse multicritère
« classiques », tant par le vocabulaire usité que par les raisonnements sur lesquels elles sont
fondées. Concernant la mise en œuvre, il existe également des différences de facilité au sein
des méthodes d’analyse multicritère « classiques ». Les méthodes d’agrégation complète
transitive sont, en général, plus faciles à mettre en œuvre, lorsque la fonction d’utilité est
trouvée, que les méthodes d’agrégation partielle, car elles effectuent des sommes, produits ou
moyennes pondérés.

- 61 -
Chapitre 1

Aspect « boîte noire »


Nous l’avons déjà signalé lorsque nous nous sommes intéressés aux méthodes d’agrégation
partielle, mais cet aspect est encore plus flagrant pour les méthodes d’aide à la décision
empruntées à l’Intelligence Artificielle : ces méthodes peuvent paraître vraiment peu
transparentes aux utilisateurs non initiés, risquant de les décourager ou de les inciter à
accorder peu de crédit aux résultats obtenus. Néanmoins, cette caractéristique n’est pas
limitée à ces méthodes. En effet, la simple utilisation d’un logiciel informatique peut entraîner
une impression de non-transparence de la méthode.

Capacité évolutive
Certaines méthodes ne présentent pas de caractère évolutif : le résultat final est totalement
modifié par l’ajout ou la suppression d’une action, c’est notamment le cas de la méthode de
Copeland. Cet aspect peut donc être intéressant à considérer, surtout dans l’optique d’un outil
d’aide au choix qui se veut susceptible d’évoluer en fonction des données disponibles.

4.4.1.8 Résultats obtenus


Les résultats obtenus par les méthodes peuvent être de différentes natures et avoir des
caractéristiques variées selon les méthodes d’aide à la décision employées.

Nature des résultats


Nous avons ajouté aux trois problématiques (choix, tri, classement) définies par Roy (1985) et
Roy et Bouyssou (1993) une quatrième problématique dite d’optimisation. Cette
problématique correspond à la problématique des méthodes d’aide à la décision empruntées à
l’Intelligence Artificielle ou des méthodes d’évaluation économiques. Les résultats peuvent
donc être de quatre natures, selon les méthodes d’aide à la décision utilisées :
- le choix d’une action unique, la meilleure, lorsqu’il s’agit d’une problématique
d’optimisation,
- le choix d’un groupe d’actions jugées « meilleures » que les autres, dans une
problématique de choix (qui peut certes s’apparenter à la problématique
d’optimisation, mais que nous séparons volontairement, pour marquer la différence de
conception entre l’optimisation et l’analyse multicritère),
- le partitionnement des actions dans différentes catégories prédéfinies, dans une
problématique de tri,
- le classement (ou rangement) des actions de la meilleure à la moins bonne, par
exemple, dans une problématique de rangement.

Caractère compensatoire
Concernant les résultats, une attention particulière peut aussi être portée au caractère
compensatoire ou non des méthodes, notamment lorsque des données environnementales et
sanitaires sont traitées. Les méthodes d’optimisation, et les méthodes d’agrégation totale sont
souvent réputées pour être des méthodes très compensatoires, contrairement aux méthodes
d’agrégation partielle, qui offrent une alternative à la compensation entre critères, notamment
en acceptant l’incomparabilité.

Acceptation de l’incomparabilité
Nous avons constaté, en abordant les méthodes d’analyse multicritère « classiques », que
certaines méthodes acceptent l’incomparabilité – notamment les méthodes d’agrégation
partielle – d’autres non – et en particulier les méthodes d’agrégation totale, ou les méthodes
d’optimisation – ce qui permet aussi de différencier les différentes méthodes.

- 62 -
Partie 4 Apports de l’analyse multicritère

4.4.1.9 Conclusions
Nous avons dressé une liste des différents éléments distinctifs des méthodes que nous avons
étudiées. Nous avons tenu à rendre cette liste la plus exhaustive possible. Ainsi, certains
éléments distinctifs peuvent paraître subjectifs – l’aspect « boîte noire » par exemple –
d’autres peuvent sembler redondants – c’est notamment le cas de l’indépendance des critères
et de la non-acceptation de l’incomparabilité. C’est pourquoi certains éléments n’apparaîtront
pas dans l’arbre de décision que nous proposons dans la partie suivante. Le tableau 6 suivant
résume les principaux éléments distinctifs objectifs des méthodes à considérer selon les trois
types de méthodes d’aide à la décision.

Méthodes d’agrégation Méthodes empruntées à Méthodes


multicritère l’intelligence artificielle économiques
Problématiques X X X
Règles de connaissance X
Ensemble des actions X
Approche X
Nature des données X
Nombre de données X X
Pondérations X
Nature des critères X
Nature de la méthode X
Risque de compensation X
Implication du décideur X
Tableau 6 : Principaux éléments distinctifs objectifs des méthodes d’aide à la décision

4.4.2 Arbre de décision des méthodes d’agrégation


Pour construire l’arbre de décision des méthodes d’agrégation, nous nous sommes appuyés,
dans un premier temps, sur les éléments distinctifs des méthodes présentés au paragraphe
4.4.1 de ce chapitre. Nous avons alors établi le tableau 49 présenté en annexe 1, qui récapitule
les principales propriétés des méthodes d’analyse multicritère citées aux paragraphes 4.3.2.2
et 4.3.3.2.
Si ce tableau synthétise, pour toutes les méthodes d’analyse multicritère « discrètes », les
informations principales les concernant, il ne regroupe pas l’ensemble des méthodes d’aide à
la décision étudiées, et ne permet pas de choisir une méthode d’agrégation multicritère,
comparativement aux autres, de manière visuelle et pratique.
Pour élaborer notre arbre de décision à partir des informations disponibles dans le tableau 49,
nous nous sommes alors appuyés, dans un second temps, sur l’arbre de décision concernant
les méthodes ELECTRE et PROMETHEE issu de [Schärlig, 1996], que nous avons complété
et adapté à l’ensemble des méthodes étudiées.

La démarche a alors consisté à utiliser des questions-réponses pour différencier chaque


branche de l’arbre (les questions-réponses étant relatives aux éléments distinctifs des
méthodes), en tentant de limiter, sur une même branche, la redondance des questions.

Ainsi, pour nous, la problématique (c'est-à-dire les objectifs recherchés par l’agrégation) est
le premier élément auquel il faut s’intéresser. La réponse à cette problématique répartit alors
les méthodes en quatre catégories différentes : optimisation, choix, tri et classement, le
cheminement questions-réponses étant alors propre à chacune des quatre catégories.
L’arbre de décision que nous avons élaboré pour choisir une méthode d’agrégation est
présenté sur la figure 1 présentée en page suivante.

- 63 -
Problématique ?

Optimisation Choix Tri Rangement

Evaluation
Ensemble des Détermination
économique des Approche ?
actions des poids ?
critères ?

Discret

Non
Nature de la Oui Non
méthode ?
Surclassement
de synthèse
Disponibilité des Cardinale
règles de
connaissances ?
Nature des Nature de la
Nature des critères ? méthode ?
critères ?
Critère unique
Oui Oui Continu
de synthèse

Ordinale Vrais Ordinale


Vrais Combien de
Nombre catégories ?
important de
données ?
Compensation ? Compensation ? Compensation ?

Non A seuils Cardinale


Trois
A seuils
Oui Non Totale Totale Totale
Partielle Plusieurs Partielle
Partielle

MAUT
Goal MAUT
AMC Méthodes UTA Copeland
ELECTRE I ELECTRE Is programming Modèles ELECTRE III ELECTRE IV
Réseaux de Systèmes Algorithmes ACE d'agrégation MELCHIOR Modèles Segmentation ELECTRE II Borda Condorcet
ELECTRE Iv PROMETHEE I Modèles ELECTRE TRI additifs et PROMETHEE II NAIADE
neurones experts génétiques ACU locale et REGIME additifs et trichotomique MACBETH ORESTE Méthode
MACBETH EXPROM I additifs et multiplicatifs EXPROM II Jouany-Vaillant
ACA itérative multiplicatifs lexicographique
multiplicatifs AHP
AHP

Figure 1 : Arbre de décision des principales méthodes d’aide à la décision


Partie 4 Apports de l’analyse multicritère

Nous pouvons constater, en étudiant l’arbre de décision proposé, que tous les éléments
distinctifs n’ont pas été pris en considération dans chacune des questions que nous nous
sommes posées. D’une part, tous les éléments distinctifs ne permettent pas de « distinguer »
les méthodes entre elles. En effet, ils semblent parfois redondants les uns avec les autres car
ils interviennent dans les mêmes catégories de méthodes, comme nous l’avons indiqué
précédemment. C’est le cas, par exemple, pour le caractère compensatoire et le refus de
l’incomparabilité. D’autre part, les questions-réponses dans chaque catégorie définie par la
problématique pourraient être menées de manière encore plus approfondie
(approfondissement du qualificatif « partielle » pour la compensation, implication du décideur
par exemple). Néanmoins, nous ne considérons pas qu’un tel niveau de détail représente une
réelle aide au choix des méthodes pour le moment, dans la mesure où certaines réponses
nécessiteront certains choix stratégiques, par exemple, l’aspect « boîte noire », qui relève plus
de la subjectivité de chacun que d’une comparaison objective des méthodes (mais qui est
néanmoins susceptible de les différencier). Par conséquent, nous avons volontairement choisi
d’interrompre la différentiation à ce niveau.

Pour choisir une méthode d’agrégation, il est évident que la subjectivité de chacun intervient.
A ce propos, Schärlig (1996) précise qu’il n’est pas interdit de faire jouer même des
considérations de simplicité ou de rapidité, et nous partageons son opinion. C’est l’une des
principales raisons qui nous a d’ailleurs incités à ne pas nous intéresser davantage aux
méthodes d’agrégation empruntées à l’Intelligence Artificielle. Nous avons cependant gardé
ces méthodes pour réaliser l’arbre de décision car nous souhaitions, au-delà de notre propre
recherche destinée à réaliser l’outil d’aide au choix des produits de construction, proposer un
arbre le plus général possible qui puisse être utilisé dans d’autres contextes, avec des
contraintes et des subjectivités différentes.

Cet arbre ne comporte pas toutes les méthodes d’aide à la décision actuellement disponibles.
D’une part, il en existe énormément, et d’autre part, la liste de ces méthodes est en constante
évolution puisque de nouvelles méthodes sont régulièrement créées, ou des améliorations sont
souvent apportées aux méthodes existantes, notamment pour les méthodes d’analyse
multicritère. Il est par conséquent difficile, voire impossible, d’identifier et de répertorier
toutes les méthodes. Néanmoins, cet arbre a le mérite de faire apparaître les principales
méthodes d’aide à la décision. De plus, il se décline en « branches » suffisamment souples
pour pouvoir faire l’objet de modifications et d’évolutions en fonction de l’acquisition de
connaissances supplémentaires sur les méthodes d’aide à la décision.

4.5 Conclusions
Cette partie, consacrée à l’analyse multicritère, nous a permis, d’une part, d’expliquer le
principe des méthodes d’analyse multicritère, d’autre part, d’identifier l’apport théorique et
pratique qu’elles sont susceptibles de fournir à notre outil, et enfin, d’élaborer un arbre de
décision permettant de choisir une ou plusieurs méthodes d’aide à la décision, en fonction
d’un certain nombre de contraintes objectives associées à un problème de décision. A partir
du choix de la problématique, cet arbre se divise en quatre branches principales et permet
d’aboutir à des terminaisons séparant de manière objective les différentes méthodes
d’agrégation.
Cet arbre nous permet dorénavant de sélectionner les méthodes d’agrégation qui conviendront
le mieux aux contraintes théoriques et techniques qui sont inhérentes aux données traitées.
Cependant, il est également nécessaire de tenir compte des contraintes pratiques et des
attentes des utilisateurs pour la réalisation de l’outil. La partie suivante est ainsi centrée sur les
premières propriétés souhaitées du cahier des charges de l’outil.

- 65 -
Chapitre 1

5 Premières propriétés du cahier des charges de l’outil d’aide au choix


Afin de tenir compte, d’une part, des différentes lacunes des outils d’évaluation
environnementale existants (cf. partie 3 de ce chapitre), d’autre part, des attentes des acteurs
du bâtiment concernant l’utilisation des données environnementales et sanitaires dans le choix
des produits de construction, nous proposons de développer un outil informatique d’aide au
choix des produits de construction en fonction de leurs impacts environnementaux et
sanitaires déterminés à l’aide des fiches de déclaration environnementale et sanitaire (FDES)
au format de la norme NF P01-010.
Nous allons dans un premier temps décrire les objectifs de l’outil, puis expliciter différents
choix : échelle de l’aide au choix, phase opérationnelle retenue pour l’usage de l’outil lors
d’une opération de construction, critères d’évaluation (et de comparaison) de l’aide au choix,
méthode(s) d’agrégation des évaluations. Enfin nous préciserons les premières
caractéristiques logicielles de l’outil.

5.1 Objectifs de notre outil


L’objectif principal de notre outil est d’aider les acteurs de la construction, et en particulier les
maîtres d’ouvrage et les concepteurs (maîtres d’œuvre, architectes, bureaux d’étude) à choisir
les produits de construction en fonction de leurs impacts environnementaux et sanitaires. Pour
fournir une véritable aide à la décision, le fonctionnement de l’outil sera calqué sur le
fonctionnement des méthodes d’analyse multicritère, que nous avons détaillé en partie 4.
Cet outil étant destiné aux acteurs de la construction, il nous paraît primordial de l’adapter à
leurs attentes et besoins. La clarté et la convivialité de l’interface, la transparence des calculs,
la facilité de prise en main, la rapidité d’utilisation, ainsi que l’aide à l’interprétation des
résultats sont également des objectifs de notre outil. De plus, les données entrantes et
sortantes doivent être compréhensibles et facilement utilisables par les acteurs.
La prise en compte du cycle de vie entier du bâtiment nous paraît également importante, dans
la mesure où, une fois construit, c’est le bâtiment qui est responsable des impacts
environnementaux et sanitaires. Les caractéristiques environnementales et sanitaires des
produits de construction seront donc évaluées sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment.
Enfin, notre outil doit pouvoir être évolutif. Les connaissances des problèmes
environnementaux et sanitaires sont loin d’être entièrement établies, et les réglementations
dans ce domaine évoluent rapidement. Il est donc indispensable que l’outil puisse s’adapter à
ces changements (conditions sur les données entrantes, les paramètres et les méthodes de
calcul).

5.2 Choix de l’échelle


L’outil sera un outil d’aide au choix des produits de construction à l’échelle des composants
du bâtiment, ou parties d’ouvrage, c'est-à-dire entre le produit de construction et le bâtiment
tout entier. La comparaison ne s’effectuera donc pas directement entre les produits de
construction, conformément aux principes d’action globale, selon la terminologie de l’analyse
multicritère [Pictet, 1996].
Un composant du bâtiment est un assemblage particulier de matériaux et de produits de
construction, qui possède une unité fonctionnelle donnée, au sens de la série de norme ISO
14040 (1997). Une unité fonctionnelle correspond ainsi à un ensemble de trois unités : une
quantité, une performance (fonctionnalité technique), et une durée de vie.
Nous avons choisi cette échelle car c’est la seule, avant de considérer le bâtiment tout entier,
qui permet d’effectuer une comparaison entre éléments réellement comparables (actions
globales au sens de l’analyse multicritère), c'est-à-dire qui ont la même durée de vie, les
mêmes performances pour la même quantité.

- 66 -
Partie 5 Premières propriétés du cahier des charges de l’outil d’aide au choix

Les produits de construction ne sont en effet pas comparables directement (ce sont des
actions partielles interdépendantes), il est nécessaire de les assembler en solutions
constructives pour qu’ils puissent constituer des ensembles comparables.

5.3 Choix de la phase opérationnelle


Comme nous l’avons précisé au paragraphe 2.2, la phase de conception est cruciale pour la
qualité environnementale et sanitaire du bâtiment car les choix techniques et architecturaux de
cette phase conditionnent l’ensemble du cycle de vie du bâtiment. Une fois le bâtiment
construit, il est souvent difficile de réparer les erreurs de conception sans un coût prohibitif et
une transformation importante du bâtiment [Chatagnon, 1999]. De plus, c’est lors de cette
phase que les matériaux et produits de construction sont définis. C’est pourquoi notre outil
d’aide au choix doit s’intégrer dans cette phase opérationnelle, et plus particulièrement lors de
l’étude projet de cette phase.
D’une part, notre outil permettra au maître d’ouvrage d’avoir une information objective
concernant les caractéristiques environnementales et sanitaires des choix constructifs
possibles de son bâtiment, et de prendre par conséquent les décisions qui satisfont au mieux
ses objectifs environnementaux et sanitaires. D’autre part, il permettra aux concepteurs
d’effectuer des études comparatives, de modifier leurs choix, et de proposer des résultats
satisfaisant des exigences environnementales et sanitaires au maître d’ouvrage.

5.4 Choix des critères d’évaluation


L’outil permettra de choisir des produits de construction sur la base de leurs impacts
environnementaux et sanitaires, qu’il est possible de déterminer à partir des FDES. L’outil
effectuera la comparaison de réalisations possibles d’un composant du bâtiment, qui
possèdent une unité fonctionnelle commune. Par conséquent, bien que les critères
d’évaluation et de comparaison correspondent aux impacts environnementaux et sanitaires
évalués des composants – impacts qui seront adaptés comme nous le verrons au chapitre 2 –
les caractéristiques techniques de ces derniers sont prises en compte dans l’unité
fonctionnelle, en amont de la comparaison. Le respect de l’unité fonctionnelle, c'est-à-dire de
l’unité technique commune de comparaison, et par conséquent, des caractéristiques
techniques minimales, sera la condition sine qua non de la comparaison des solutions
constructives associées au composant.
En ce qui concerne les caractéristiques économiques, architecturales, sociales, etc., nous
préférons ne pas les faire intervenir dans l’outil. Nous souhaitons en effet que le choix intègre
pleinement les caractéristiques environnementales et sanitaires, et ne soit pas biaisé par
l’utilisation d’autres critères que l’utilisateur pourrait être tenté de trop pondérer.
Notre outil mêle par conséquent différentes approches, selon la terminologie de Pictet (1996)
pour s’insérer dans la décision globale de choix d’un produit de construction. Les solutions
constructives d’un composant seront étudiées par les critères environnementaux et sanitaires,
pris en compte de la même manière et en même temps, il s’agit d’une approche intégrée de
ces critères. Cependant, dans le domaine du bâtiment, la plupart des critères techniques ont un
rôle prépondérant par rapport aux critères environnementaux et sanitaires, puisqu’ils assurent
la vie en œuvre possible de l’ouvrage, et surtout la sécurité des ouvriers, des usagers et des
riverains de l’ouvrage [CSTB, 1994]. Ils doivent donc être déterminés et fixés avant l’étude
des critères environnementaux et sanitaires, comme le permet le choix d’une unité
fonctionnelle commune pour la comparaison des solutions constructives. Il s’agit donc
d’une approche séquentielle entre la famille de critères techniques et la famille de
critères environnementaux et sanitaires, puisque les solutions constructives seront
présélectionnées en fonction de leurs caractéristiques techniques, avant d’être comparées en
fonction de leurs caractéristiques environnementales et sanitaires dans notre outil.

- 67 -
Chapitre 1

Concernant les critères économiques, architecturaux, sociaux, etc., ils interviennent


actuellement souvent de manière complémentaire avec les critères techniques, l’approche
étant itérative séquentielle ou intégrée pour l’ensemble des ces familles de critères.
La figure 2 présentée ci-dessous permet de visualiser l’insertion de notre outil (encadré en
pointillés) dans une procédure globale de choix des produits de construction.

Quel produit de construction choisir ?

Approche itérative séquentielle ou intégrée

Approche séquentielle Approche itérative séquentielle ou intégrée

Critères Critères
techniques économiques

Approche intégrée

Critères Critères Autres


environnementaux sanitaires critères

Aide à la décision

Décision Décision

Décision globale : choix d’un produit de construction

Figure 2 : Insertion de l’outil dans la décision globale

5.5 Sélection des méthodes d’agrégation


Nous avons évoqué dans la partie 4 la difficile sélection d’une méthode d’agrégation, tant leur
diversité est importante. C’est pourquoi nous avons réalisé un arbre de décision pour ces
méthodes (cf. figure 1).
Il est à présent nécessaire d’analyser les contraintes fonctionnelles que nous nous imposons,
les attentes des utilisateurs potentiels de l’outil, ainsi que les contraintes pratiques inhérentes à
ces attentes et aux données manipulées, afin de sélectionner, grâce à l’arbre de décision, la ou
les méthodes les plus adaptées à cet ensemble de « propriétés ».

5.5.1 Contraintes fonctionnelles


Nous souhaitons proposer aux acteurs du bâtiment une véritable aide au choix multicritère,
c'est-à-dire le meilleur compromis environnemental et sanitaire entre plusieurs produits, ou
plus exactement, entre plusieurs solutions constructives. Nous nous sommes ainsi focalisés
sur les méthodes d’analyse multicritère pour l’agrégation des données que l’outil traitera, mais
également pour le principe de fonctionnement général de l’outil (qui sera détaillé aux
chapitres 2 et 3).

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Partie 5 Premières propriétés du cahier des charges de l’outil d’aide au choix

Ce choix nous permet de nous assurer de la cohérence entre les différents calculs réalisés pour
l’aide au choix apportée par l’outil : transformation des données en actions potentielles
globales, construction de la famille cohérente de critères, élaboration de la matrice des
performances avant agrégation.
Parmi ces méthodes, nous souhaitons néanmoins insister sur le fait qu’une attention
particulière sera donnée aux risques de compensation entre critères environnementaux et
sanitaires qu’elles peuvent présenter, et qu’il faut limiter [Chevalier, 1999], [Benetto, 2002],
[Rousseaux et Benoit, 2003].

5.5.2 Attentes des utilisateurs potentiels de l’outil


Afin de déterminer, entre autres, leurs attentes, nous avons réalisé une enquête auprès des
utilisateurs potentiels de l’outil. Cette enquête a consisté à réaliser un questionnaire –
disponible en annexe 2 – à l’attention des acteurs de la construction – architectes, Bureaux
d’Etudes, Centres d’Etudes Techniques de l’Equipement – que nous leur avons soumis soit
par écrit (courrier postal ou électronique), soit par oral lors d’entretiens. Ce questionnaire
avait pour objectif, d’une part, de mieux cerner leurs connaissances et leur volonté d’intégrer
les caractéristiques environnementales et sanitaires des produits de construction, et d’autre
part, d’identifier certaines propriétés fonctionnelles souhaitées pour la réalisation d’un outil
d’aide au choix des produits de construction. Les réponses écrites n’ont pas été aussi
nombreuses qu’escomptées, et nous nous sommes orientés vers une consultation directe des
acteurs. Il s’est avéré que ces derniers ont manifesté le désir de réagir sur une ébauche d’outil
plutôt que sur l’établissement d’un cahier des charges. La consultation se poursuit
actuellement par la présentation de l’outil en cours de finalisation.
Nous avons néanmoins pu isoler certaines attentes communes parmi les réponses obtenues,
présentées en annexe 3, et dresser ainsi la liste des principaux besoins des utilisateurs
potentiels de l’outil.
L’outil se doit tout d’abord d’être un outil transparent : définition des termes employés,
précision de l’origine des données, explication des différentes calculs.
L’outil se doit ensuite d’être modulable : il doit laisser à l’utilisateur de nombreuses libertés
d’utilisation (choix des produits, choix des critères, choix de l’agrégation, choix des
pondérations, etc.).
La dernière requête formulée par l’ensemble des acteurs interrogés concerne le résultat même
fourni par l’outil : l’outil doit fournir un classement des éléments comparés, classement
accompagné par des explications et des recommandations.
Cette dernière demande nous incite par conséquent à nous orienter vers des méthodes
d’analyse multicritère qui permettent de répondre à la problématique de rangement. De
plus, la volonté des acteurs énoncée précédemment sur leur possibilité d’intervention sur les
pondérations nous conduit à choisir la ramification « oui » issue de la branche « Rangement –
détermination des poids ? » de l’arbre de décision présenté sur la figure 1.
Ecarter la problématique de choix ne nous paraît pas trop préjudiciable, dans la mesure où,
d’une part, nous trouvons que cette problématique se rapproche beaucoup de l’optimisation,
notamment lorsqu’elle est menée par les méthodes d’agrégation totale, et d’autre part, la
frontière entre cette problématique et la problématique de rangement n’est pas toujours très
précise, toujours pour les méthodes d’agrégation totale, qui répondent donc souvent aux deux
types de problématiques. Nous considérons de plus que la problématique de rangement est
plus riche puisqu’elle permet bien évidemment, en classant toutes les actions, de choisir les
meilleures.
Ecarter la problématique de tri nous semble, par contre, plus critiquable. En effet, il pourrait
être intéressant d’utiliser des solutions de référence pour positionner les autres solutions
constructives, et les trier ainsi dans certaines catégories.

- 69 -
Chapitre 1

Néanmoins, pour le moment, il n’existe pas de produits de construction de référence sur le


plan environnemental et sanitaire, et nous considérons par conséquent, que l’utilisation de
méthodes répondant à la problématique du tri n’est pas indispensable.

5.5.3 Contraintes pratiques


Les données disponibles que l’outil va manipuler issues des fiches de déclaration
environnementale et sanitaire des produits de construction, sont, en l’état actuel, des données
discrètes dont l’incertitude n’est pas évaluée, même après transformation : passage éventuel
des flux d’inventaires du cycle de vie aux critères environnementaux et sanitaires.
Pourtant, il existe de nombreuses incertitudes dans ces données, à toutes les étapes de leur
capitalisation (mesures, allocations, modélisation) [Benetto, 2002], que les professionnels de
la construction estiment à 10% au minimum [CSTB, 2004a].
Néanmoins, concernant les consommations et les émissions nuisibles à l’environnement et la
santé des produits de construction, il n’existe pas de seuils de référence ni de seuils critiques
pour le moment. Cet argument pourrait nous inciter à limiter les méthodes d’agrégation aux
méthodes qui traitent des vrais critères (ELECTRE II ou MACBETH par exemple, pour éviter
une compensation totale). Nous souhaitons néanmoins que cet outil soit évolutif, et qu’il ne
soit pas nécessaire d’ajouter une méthode d’agrégation à chaque évolution réglementaire
(obligation de respecter des seuils par exemple) ou modification procédurale des déclarations
(nécessité de préciser des intervalles de confiance par exemple), et nous voulons également
tenir compte des incertitudes inhérentes aux données. C’est pourquoi nous prônons
l’utilisation de méthodes d’agrégation manipulant les pseudo-critères (critères à seuils).

5.5.4 Sélection des méthodes les plus adaptées


Les différentes analyses que nous venons d’effectuer nous ont conduit à sélectionner une
branche de l’arbre de décision : la problématique de rangement. La présence souhaitée de
pondération répond à la deuxième question de l’arbre.
Les choix fonctionnels et pratiques (critères à seuils) nous inciteraient alors à nous intéresser
aux méthodes telles que ELECTRE III, PROMETHEE II et EXPROM II.
Toutefois, toujours dans un souci de plus grande liberté accordée à l’utilisateur, et connaissant
la méthode qu’il préfère dans bien des situations (la somme pondérée), l’outil utilisera les
quatre méthodes d’agrégation suivantes :
- la somme pondérée, malgré nos réticences concernant la compensation entre les
critères inhérente à son utilisation, mais qu’il nous sera possible de bien cadrer sur le
plan théorique, et surtout d’analyser en ce qui concerne la sensibilité des résultats vis-
à-vis de l’incertitude des données ;
- la méthode ELECTRE II, qui semble la plus adaptée aux données actuellement (cf.
paragraphe 5.5.3 de ce chapitre) ;
- la méthode ELECTRE III, qui tient compte des incertitudes des données, et permettra
une évolution de l’outil, mais qui est relativement complexe pour des non-initiés ;
- et enfin, la méthode PROMETHEE II, qui a retenu toute notre attention en raison de
ses caractéristiques qui allient, selon nous, le principe de fonctionnement simple et
rapide de la somme pondérée et les propriétés évolutives de ELECTRE III.

La méthode EXPROM II n’a pas été retenue, dans la mesure où cette méthode est une
extension de la méthode PROMETHEE II et qu’elle n’apporte pas, par conséquent, une réelle
alternative dans le déroulement des calculs et des résultats.
La méthode MACBETH n’a pas été choisie car elle est particulièrement adaptée aux
évaluations qualitatives, ce qui ne correspond pas, a priori, à l’ensemble des données que
l’outil devra traiter.

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Partie 5 Premières propriétés du cahier des charges de l’outil d’aide au choix

Nous avons retenu quatre méthodes d’agrégation afin de proposer différents choix
d’agrégation aux utilisateurs de l’outil, et d’étudier les différences possibles de résultats
obtenus par ces méthodes. La sélection des méthodes d’agrégation des évaluations des actions
par les différents critères n’est cependant ni absolue, ni définitive. Elle pourra par conséquent
évoluer avec l’outil, et d’autres méthodes, existantes ou en développement, pourront
compléter et/ou remplacer celles que nous avons choisies ici.

5.6 Premières caractéristiques logicielles pratiques


Les premières caractéristiques logicielles pratiques concernent, avant tout, les acteurs de la
construction. Il s’agit de leur proposer un outil qu’ils puissent rapidement et facilement
comprendre et utiliser. L’outil doit être pratique pour eux. L’interface doit donc être claire et
conviviale. Les termes employés dans l’outil doivent faire partie de leur langage et/ou être
clairement définis pour qu’ils puissent se les approprier. Les calculs doivent être le plus
transparents possible et bien expliqués. Et pour finir, les résultats doivent être accompagnés
d’informations et de recommandations, afin de guider les utilisateurs pour les interpréter et les
utiliser.

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- 72 -
Chapitre 2
Modélisation de l’outil d’aide au choix
Partie 1 Introduction

1 Introduction
L’outil que nous souhaitons développer est un outil d’aide au choix des produits de
construction. Nous avons montré dans le chapitre précédent le cadre théorique rigoureux que
pouvait apporter l’analyse multicritère pour la modélisation de l’outil, mais également pour
l’agrégation des différentes données. C’est pourquoi nous avons opté pour les méthodes
d’analyse multicritère pour réaliser la modélisation de l’outil, c'est-à-dire son principe de
fonctionnement, présentée sur la figure 3.
La modélisation est considérée comme un processus linéaire (et non itératif comme c’est
souvent le cas en analyse multicritère), puisque nous supposons que chaque étape peut être
entièrement réalisée en fonction des étapes précédentes et éventuellement d’hypothèses
supplémentaires, mais qu’elle n’est pas conditionnée par les étapes suivantes.

Détermination de l’unité de comparaison et des solutions


constructives (partie 2)

Construction des familles cohérentes de critères environnementaux


et sanitaires (partie 3)

Evaluation des solutions constructives par chacun des critères


(partie 4)

Pondération des critères environnementaux et sanitaires des familles


(partie 5)

Choix d’une méthode d’agrégation, agrégation des évaluations et


interprétation (partie 6)

Analyse de sensibilité des résultats et recommandations aux


utilisateurs (partie 7)
Figure 3 : Principe général de modélisation de l’outil

Les parties de ce chapitre détaillent, comme indiqué sur la figure 3, les différentes étapes de la
modélisation.
Une dernière partie récapitule les différents choix effectués à chacune des étapes de la
modélisation de l’outil.

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Chapitre 2

2 Détermination des actions : les solutions constructives d’un composant


Cette partie est consacrée à la détermination des actions qui vont être étudiées par l’analyse
multicritère. Nous avons montré au chapitre précédent que ces actions, en tant qu’actions
globales, correspondaient aux solutions constructives d’un composant du bâtiment.
Néanmoins, il est nécessaire de pouvoir bien les définir pour pouvoir les étudier.

2.1 Hypothèses préliminaires


Les inventaires de cycle de vie (ICV) sont supposés disponibles au format de la norme NF
P01-010 pour tous les produits de construction qui constituent un composant du bâtiment.
Par ailleurs, les possibles interactions entre les produits de construction lors de leur mise en
œuvre, et de leur vie en œuvre, susceptibles d’avoir un effet aggravant d’un point de vue
environnemental et sanitaire (transformation des polluants par exemple), ne sont pas prises en
compte, en raison notamment du manque de connaissances dans ce domaine.

2.2 Composant du bâtiment et unité fonctionnelle


Comme nous l’avons précisé précédemment, les composants du bâtiment sont des éléments
constitutifs du bâtiment, c'est-à-dire des parties d’ouvrage – murs, planchers, fenêtres,
toitures, etc. – qui possèdent certaines fonctionnalités – résistance mécanique, résistance
thermique, résistance acoustique, opacité, esthétisme, etc. Chaque bâtiment est un assemblage
de plusieurs composants. Nous décomposons le bâtiment en six classes de composants :
- les fondations,
- les murs (porteurs ou non),
- les planchers et dallages,
- les plafonds,
- les couvertures,
- et les ouvrants (d’après [Destrac et al., 2003] et [Paulin, 2001]).
Chaque classe peut comporter différents composants, chaque composant pouvant assurer
différentes fonctions.
Lorsque le composant du bâtiment à étudier est sélectionné, il est nécessaire de déterminer la
ou les fonctionnalités pour lesquelles l’étude va être réalisée. Ces fonctionnalités servent à
définir son unité fonctionnelle, abrégée UF par la suite. Selon la terminologie de la norme
ISO 14041 [ISO 14041, 1998], une unité fonctionnelle correspond à : une quantité, une
performance ou des performances ainsi qu’une durée de vie. Cette durée de vie sera par la
suite notée DVP pour le composant, c'est-à-dire durée de vie prescrite ou souhaitée par
l’utilisateur.

Pour le composant « mur », par exemple, l’unité fonctionnelle associée peut correspondre à
« 1 m² (quantité) de mur porteur (performance) d’une durée de vie de 100 ans (durée de
vie) », mais également à « 10 m² (quantité) de mur porteur possédant une résistance
thermique de 2,5 m².K/W (performances) d’une durée de vie de 80 ans (durée de vie) », etc.

Chaque composant peut ainsi avoir différentes unités fonctionnelles, mais il est nécessaire de
n’en choisir qu’une pour réaliser ensuite la comparaison des solutions constructives, afin que
cette comparaison s’effectue sur des bases techniques communes.
Le choix d’une UF par un utilisateur peut, par exemple, être fondé sur la performance
technique prioritaire ou essentielle, que l’utilisateur souhaite attribuer au composant.

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Partie 2 Détermination des actions

2.3 Solutions constructives associées à un composant du bâtiment


Le composant étudié étant maintenant muni de son unité fonctionnelle, les solutions
constructives associées à ce composant, et permettant de réaliser cette unité fonctionnelle,
doivent être déterminées.
Chaque solution constructive correspond à une réalisation technique possible du composant
qui satisfait son unité fonctionnelle. L’outil va en effet permettre de comparer ces différentes
solutions constructives, comme nous l’avons justifié au chapitre 1.

En reprenant l’exemple du composant « Mur » précédent, supposons que l’unité fonctionnelle


de ce composant soit « 1 m² de mur porteur d’une durée de vie de 100 ans possédant une
résistance thermique de 2,5 m².K/W », alors il peut disposer, entre autres, des solutions
constructives suivantes :
• Solution constructive n°1 : monomur terre cuite rectifié pour pose à joint mince,
• Solution constructive n°2 : mur béton cellulaire autoclavé,
• Solution constructive n°3 : mur en maçonnerie de blocs en béton associé à un isolant,
• Solution constructive n°4 : mur à ossature bois.

Chaque solution constructive est une association de différents produits de construction.

2.4 Produits ou éléments intervenant dans une solution constructive


Lorsque les solutions constructives sont identifiées, il est nécessaire de bien déterminer tous
les produits de construction qui entrent dans la réalisation de chacune. En effet, nous partons
des données d’inventaires du cycle de vie (ICV), inventaires définis dans la norme ISO 14041
(2000), qui sont supposés être disponibles pour les produits de construction des solutions
constructives, pour une unité fonctionnelle qui leur est propre (quantité, fonctions, et durée de
vie typique, notée DVT, représentative de la durée de chaque produit étudié dans l’ouvrage,
d’après [NF P01-010, 2004]).

Les produits et matériaux de construction inclus dans la solution constructive n°3 énoncée ci-
dessus, sont par exemple, des blocs de béton, du mortier, de l’isolant, de la plaque de plâtre,
des plots de colle, des finitions extérieures et intérieures (peinture, crépi, moquette murale).

Par la suite, nous risquons souvent de remplacer « produit de construction » qui intervient
dans une solution constructive par « élément » de la solution constructive, qui signifiera
« produit », « liant » ou « complexe produit/liant ».
Nous choisissons ces trois termes afin de bien identifier pour quel type d’élément les données
environnementales et sanitaires sont disponibles ; ceci afin de ne pas oublier de produits ou de
« double-compter » d’autres produits (en particulier les liants comme les colles ou les
mortiers). En effet, pour les blocs de béton par exemple, le mortier de liaison entre les blocs
est inclus dans l’inventaire du cycle de vie associé aux blocs de béton. Par conséquent, il n’est
pas utile de mentionner le produit « bloc béton » et le produit « mortier » dans la solution
constructive, mais d’identifier l’élément, ou le complexe, « blocs béton + mortier ».

- 75 -
Chapitre 2

3 Construction des familles cohérentes de critères environnementaux et


sanitaires
La famille cohérente de critères correspond aux critères environnementaux et sanitaires à
partir desquels se fera la comparaison des différentes solutions constructives d’un composant.
Ces critères sont, en fait, des impacts ou catégories d’impacts environnementaux et risques
sanitaires munis d’un indicateur, d’une échelle, d’une structure et d’un sens des préférences.
La famille de critères se doit d’être cohérente en raison de l’utilisation qui en sera faite par la
suite, c'est-à-dire l’application de méthodes d’analyse multicritère pour l’agrégation des
évaluations des actions. En effet, une non-cohérence de la famille peut entraîner des résultats
d’agrégation biaisés, voire totalement faux.

3.1 Hypothèses préliminaires


Seuls les impacts environnementaux et sanitaires sont considérés pour construire la famille
cohérente de critères. Les impacts associés au confort, tels que le bruit ou les odeurs, bien que
pouvant parfois être considérés comme des impacts sanitaires [Hetzel, 2003] et [Kur, 2004],
ne sont pas pris en compte dans la modélisation.
La famille cohérente de critères est la même pour toutes les solutions constructives d’un
même composant.

3.2 Construction des critères et choix de leur indicateur


Cette sous-partie s’intéresse à la modélisation des conséquences, pour l’environnement et la
santé, de l’emploi des produits de construction, modélisation qui permet de transforme