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Résumé

Le thème du contrôle de l’action administrative a de tout temps été une source importante du droit administratif.
Loin, de vouloir laisser aux seuls juristes le soin de débattre de ces vecteurs de démocratie, le présent article
entend contribuer au renouvellement de l’approche des contrôles de l’action administrative en lui donnant un
caractère pluridisciplinaire.
L’introduction des techniques modernes de management dans la fonction publique va inévitablement modifier les
différents contrôles pesant sur l’administration ce qui plaide pour un élargissement du champ d’étude de la théorie
des contrôles de l’action administrative.
Ce sera chose faite en se référant à la notion de « risques » et en bâtissant une typologie des contrôles sur la
distinction entre contrôles organisés et contrôles inorganisés.
Le contrôle de l’action administrative sera, dès lors, défini comme l’ensemble des actes et comportements
portant examen et appréciation de l’action administrative en rapport à des risques que l’on souhaite maîtriser.
L’utilité des contrôles n’en demeure pas moins la limitation du pouvoir des administrations publiques mais aussi la
légitimation de l’appareil administratif et la préservation du statut et du rôle social voulu pour l’administration.
La typologie des contrôles aide à en comprendre la diversité et se destine à appréhender la couverture des risques
dont l’administration fait l’objet.

Plan
Introduction
I. La notion de contrôle de l’action administrative
II. Des fondements à l’utilité des contrôles
III. La typologie des contrôles
IV. La nature des contrôles
V. La portée des contrôles
VI. Les procédures de contrôle
Conclusion

Introduction
▪ Le contrôle de l’action administrative est un enjeu fondamental de démocratie, cette dernière se devant de
maintenir son appareil d’Etat dans les règles de droit qui la fondent et d’en conforter la légitimité auprès des
citoyens. Le contrôle se justifie par l’inégalité entre l’administration et les administrés, par l’existence au profit
de celle-là de pouvoirs n’appartenant pas à ceux-ci. Le contrôle est également l’expression de la subordination
de l’administration à l’acteur politique. Traditionnellement, les sujétions pesant sur les administrations
publiques, et dont font parties les contrôles, sont considérées comme les contrepoids équilibrant les relations
administrations/environnement ce que Maurice-André FLAMME appelle « le revers de la médaille ».

Le présent article se donne pour ambition d’apporter quelques éléments complémentaires aux typologies
traditionnelles des contrôles administratifs. Les temps actuels me sont apparus propices à de tels travaux car
l’Administration publique belge est en pleine mutation tant au niveau fédéral que fédéré. Le code de la fonction
publique wallonne, le décret cadre flamand de politique administrative et la poursuite de la modernisation de la
fonction publique fédérale sont autant de processus qui se proposent de faire entrer de nouveaux principes dans
l’organisation et la gestion des organisations publiques.

▪ L’introduction des techniques modernes de management va modifier plus ou moins en profondeur les contrôles
s’exerçant sur l’activité administrative. J’en veux pour preuve la suppression annoncée du visa préalable de la
Cour des Comptes ou le souhait de modifier le contrôle de l’Inspection des Finances dans le cadre de la
réforme des administrations fédérales. A terme, de nouveaux contrôles cohabiteront aux côtés de contrôles
existants que ces derniers aient été modifiés ou non. Il est donc intéressant de se donner les moyens
théoriques de cartographier les contrôles de façon complète.

En outre, l’apport de techniques qui tend à instaurer un nouveau management des organisations publiques ainsi
qu’une nouvelle culture organisationnelle, va obliger l’analyste des contrôles de l’action administrative à renforcer
son approche pluridisciplinaire. C’est vers une telle approche que nous allons nous tourner ici pour participer
modestement à la diversification des approches qui peuvent parfois nous apparaître trop juridiques aujourd’hui.
I. La notion de contrôle de l’action
administrative
La notion de contrôle n’est pas exempte d’intérêt du fait d’une définition visitée à maintes reprises. Au contraire,
l’enjeu réside en une bonne définition de notre champ d’études pour créer un cadre théorique de qualité à
d’éventuelles recherches appliquées portant, par exemple, sur l’efficience des contrôles de l’action administrative.

▪ Avant toute chose, il y a lieu de distinguer le contrôle exercé par les administrations dans le cadre de leurs
missions et le contrôle s’exerçant sur l’action des administrations. Le premier type de contrôle comprend, par
exemple, l’Inspection du travail, le contrôle du respect de la réglementation en matière de sécurité sociale ou
le contrôle de l'application des réglementations économiques. Le second type est une fonction à part entière
dans la nomenclature des activités administratives. Elle revêt un caractère particulier car il n’est pas question
de fournir des prestations de services, de faire exercice de la puissance publique auprès des administrés ou
même de participer de façon directe et opérationnelle à l’organisation et à la gestion des organismes publics.
Le contrôle couvre, dans ce cas, les actes portant examen et vérification de l’action administrative en rapport
à des risques que l’on souhaite maîtriser. De tels procédés ont pour corollaire la production d’une appréciation.
C’est à ce champ d’études que nous allons tenter de contribuer étant entendu que le terme « risques »
correspond à : « un ensemble d’événements préjudiciables, plus ou moins prévisibles, qui peuvent affecter
l'activité de l’organisation publique ou affecter la réalisation d'un programme, d'un plan, d'une politique mis en
œuvre par une organisation publique ». De même, il faut entendre l’action administrative au sens large, cela
comprend l’ensemble des modalités possibles d’intervention de l’administration publique.

Si cette première définition se caractérise par son imprécision, celle-ci est toute volontaire. C’est un choix qui
entend préserver la notion de contrôle de l’action administrative lato sensu afin de n’éluder aucune sorte de contrôle
pas même la partie moins connue des contrôles inorganisés. En aval, le soin est laissé à la typologie des contrôles
de caractériser plus rigoureusement les différentes catégories de contrôles existants.

La typologie présentée dans cet article privilégie une acception large de la notion de contrôle en distinguant les
contrôles organisés des contrôles inorganisés. C’est une distinction peu usitée dans la doctrine alors que le droit
administratif nous a pourtant accoutumé au principe des recours organisés et inorganisés. Cette différenciation
intervient en amont de la classification plus traditionnelle des contrôles et sera insérée dans une démarche
pluridisciplinaire faisant intervenir la psychosociologie du travailleur et la sociologie des relations de service aux
côtés des approches juridique et de management public.

▪ Malgré tout, définir la fonction de contrôle reste une gageure, certains ont parlé d’ambiguïté, d’absence de
définition, d’imprécision ou de définition insatisfaisante. Les doutes et interrogations des auteurs mettent en
exergue le besoin d’une typologie claire inclusive de toutes les formes de contrôle s’exerçant sur l’action
administrative.

Les exemples se donnant pour ambition de définir le contrôle de l’administration ou de l’action administrative ne
sont pas légion. Cela confirme, aujourd’hui encore, la thèse de Denis LEVY auteur du chapitre du traité de science
administrative portant sur les aspects généraux du contrôle. Il avait pour conviction que « dans la plupart des études
qui traitent du contrôle de l’Administration, le mot est utilisé le plus souvent sans avoir été, au préalable, défini ou
précisé. Pour certains auteurs, il semble que le sens à donner à l’expression aille de soi ; il s’agit, en général, de
juristes qui voient dans le contrôle son aspect intervention sur des actes. » C’est la raison pour laquelle les contrôles
sont définis de façon particulière chacun pour ce qui les concerne. Il en va ainsi du contrôle juridictionnel, sujet
incontournable des manuels de droit administratif, tant il est vrai que le thème du contrôle est la première et
principale inspiration de cette partie du droit.

Mais, toute étude de science administrative se doit de dépasser les « faiblesses et les insuffisances résultant de
l’adoption d’un point de vue exclusivement juridique ». Seule une approche globale et pluridisciplinaire nous
permettra d’identifier l’ensemble des contrôles s’exerçant sur l’action administrative en ce compris « le contrôle par
l’administration elle-même »et le contrôle exercé par son environnement.

Retenons, à titre d’exemple, la définition du contrôle donnée par Didier BATSELE : « il s’agit, des procédés et
moyens d’action qui ont pour objet la vérification de l’activité ou de certaines activités de l’administration afin de
s’assurer que celle-ci agit en vue de satisfaire les besoins d’intérêt général pour lesquels elle a été créée, dans la
sphère de ses compétences, dans le respect de la légalité, et dans les limites des moyens mis à sa disposition. ».
L’auteur souligne immédiatement les faiblesses de la définition en décrivant ce que la définition appréhende et
n’appréhende pas. Nous discernerions d’une part le sujet, l’objet et le but du contrôle mais nous éluderions d’autre
part l’auteur, les modes et modalités du contrôle. Ce que l’auteur et d’aucuns voient comme une faiblesse doit nous
apparaître comme une réalité axiomatique car le contrôle de l’action administrative ne peut se définir qu’au travers
d’une typologie et d’un corpus théorique approfondi. L’approche par une définition ne peut avoir pour autre ambition
que d’être une introduction conceptuelle nous ouvrant à la connaissance des contrôles de l’action administrative.

Jacques CHEVALLIER parle, pour sa part, de contrôles au pluriel : « Les contrôles sont là pour garantir que
l’administration ne s’écarte pas de la ligne qui a été tracée. Exercés par plusieurs types d’autorités différentes, ces
contrôles sont tantôt externes, tantôt internes à l’administration. ». L’approche sociologique de l’administration
adoptée par l’auteur fait qu’il appréhende les contrôles de façon plus inductive. En cela, il est plus à même de rendre
compte de la diversité des contrôles s’exerçant sur l’action administrative prenant garde de ne pas se focaliser sur
les contrôles institutionnalisés.

Viriato-Manuel SANTO et Pierre-Eric VERRIER illustrent l’ambiguïté de la notion de contrôle en lui accordant trois
acceptions différentes : vérification / inspection / évaluation ; surveillance / supervision et maîtrise / domination.
Les deux premières acceptions concerneraient les moyens mis en œuvre et la dernière se rapporterait aux objectifs.

Implicitement, les trois analyses approchées se rejoignent en convenant que la définition du contrôle de l’action
administrative porte sur le sujet, l’objet entendu au sens large et le but des contrôles visés. En substance, il s’agit
de l’administration, son action et le respect des normes et objectifs fixés. Nous nous autoriserons à dire de façon
générale que le contrôle de l’action administrative se rapporte à l’ensemble des actes et comportements portant
examen et appréciation de l’action de l’administration en rapport à des risques que l’on souhaite maîtriser. Nous
privilégions la notion de « risques » telle que définie plus haut, car elle est inclusive de tous les contrôles existants.
En effet, toute activité administrative comporte des risques qui ne sont pas tous couverts par des contrôles visant à
en assurer la maîtrise. Une telle couverture est fonction de la notion d’importance relative déterminant le seuil au-
delà duquel un contrôle est ressenti comme nécessaire. En basant notre définition sur les risques liés à l’action
administrative, nous sommes assurés de rencontrer tous les contrôles qui leur sont pendants mais aussi de constater
les absences de contrôle en regard d’un risque. De même, nous faisons abstraction de tout jugement de valeur en
rapport à des concepts comme l’intérêt général.

II. Des fondements à l’utilité des


contrôles

Les finalités de l’administration lui sont externes, dictées par l’autorité politique qui les formalisent en textes de
loi ou réglementaires. C’est donc une double subordination au pouvoir politique et au droit qui pèse sur
l’administration. Il est normal que le « commanditaire » de l’action administrative la contrôle ou en fasse faire le
contrôle de la façon dont il le souhaite. Néanmoins, en vertu du pouvoir discrétionnaire dont elle bénéficie,
l’administration peut se fixer des objectifs qui auront plus souvent trait, mais pas exclusivement, à des aspects
organisationnels. Une telle liberté ne crée pas, en corollaire, une exemption au contrôle car toute action
administrative, quelle qu’elle soit, peut être appréciée. Historiquement, cette capacité de contrôle généralisée trouve
une première expression en l’article 15 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789 qui
disait : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. ».

Le régime juridique particulier qui est réservé aux administrations publiques pour accomplir leurs finalités, fait
qu’elles entrent dans une relation déséquilibrée à leur profit avec les autres sujets de droit. Bénéficiant de
prérogatives exorbitantes du droit commun, de prérogatives de puissance publique, les administrations vont se voir
astreindre à des sujétions afin d’éviter :

▪ Le recours à l’arbitraire ;
▪ L’excès ou le détournement de pouvoir ;
▪ La violation des principes d’efficacité, d’efficience et d’économie.

Ce sont là les risques qui fondent les contrôles organisés dont l’utilité consiste à répondre à « cette méfiance, qui
n’est que l’écho de celle de l’opinion publique » dont parlait Jean-Marie DELARUE, Conseiller d’Etat français. Les
contrôles assureront la maîtrise des risques et garantiront, aux citoyens et à leurs représentants, la permanence de
l'Etat, un respect suffisant de l’Etat de droit et une exécution satisfaisante des politiques publiques arrêtées par les
dépositaires du pouvoir politique.

Si l’on se projette dans la réalité sociale, on découvre l’administration en tant qu’acteur social.
L’administration est un fait social qui résulte de l’émergence d’un appareil spécialisé d’encadrement des
activités sociales. A ce titre, l’administration est également un agent socialisateur.

Les rapports sociaux entretenus par l’administration et les administrés se caractérisent par leur diversité
résultant des nombreux instruments d’intervention de l’autorité publique multipliant les positions possibles de
l’administré en rapport avec l’administration. Ces rapports sociaux s’inscrivent désormais dans un
environnement où le changement est dicté par les processus en cours de modernisation administrative, tous
soucieux de basculer d’une relation d’autorité à une relation de service. Le citoyen/administré doit devenir client
et bénéficier de l’action administrative. Le rapport à l’administration fait désormais peser l’obtention des produits
attendus du rapport administration/administré, partiellement ou totalement, sur les épaules de l’administration.
Le rapport de force s’est donc rééquilibré au profit de l’administré qui a vu s’accroître ses possibilités de
participation, de négociation et de contrôle grâce à une relation moins hermétique avec l’administration. Aidé
en cela par des tiers ou non, l’administré a la faculté d’effectuer des contrôles quant à l’action administrative à
son égard notamment grâce à l’enracinement durable de la transparence et de la motivation formelle dans les
pratiques administratives. Muni d’un statut plus enviable dans son rapport avec l’administration, l’administré
peut désormais contrôler le contenu de son dossier administratif et en contrôler le traitement. L’administré est
mieux informé et trouve, plus que par le passé, des aides directes ou indirectes dans son rapport avec
l’administration auprès des associations de consommateurs, des associations citoyennes, des organisations
syndicales ou des groupes de pression, tous acteurs du contrôle de l’administration publique.

Le rapport administration/administré qui tend donc à se renouveler, est le théâtre du contrôle social s’exerçant
sur l’administration. Cette dernière, par son action, génère elle-même les contraintes externes que la société fait
peser sur le comportement individuel de ses agents. Le contrôle social de l’action administrative, réaction de la
société contre toute déviance menaçant son ordre, contribuera à la légitimité de l’appareil administratif, aura pour
moyen l’influence sociale et s’exercera en référence à la norme sociale.

L’influence sociale s’entendra comme l’ensemble des phénomènes qui concernent les processus par lesquels les
individus et groupes façonnent, maintiennent, diffusent et modifient leurs modes de pensée et d’action lors des
interactions sociales. La norme sociale, quant à elle, sera l’ensemble des comportements et réactions qu’un groupe
social approuve ou désapprouve et dont il attend qu’il soit régulièrement adopté ou évité par ses membres en
permanence.

Au-delà du contrôle social exercé par la société sur les individus qui la composent, il existe un contrôle social
intériorisé par les organisations et les agents publics. On ne parlera plus ici des contraintes externes que la société
fait peser sur les acteurs de l’action administrative mais d’influences intériorisées qui agissent, en principal, sur les
conduites individuelles des fonctionnaires. Dans ce cas, c’est l’agent lui-même ou l’administration à laquelle il
appartient, qui va remplir une fonction d’intégration en réagissant contre toute déviance pouvant mettre en péril le
statut et/ou le rôle social voulu pour l’administration concernée.

Les moyens de ce contrôle sont de plusieurs ordres, trois au moins ne peuvent être ignorés :

la culture de l’organisation qui est un réservoir que l’on emplit de références et de représentations ;
▪ les rapports professionnels et hiérarchiques ;
▪ l’utilisation par l’agent des références, hypothèses, représentations et modèles mentaux acquis au cours de son
existence.

La norme demeure sociale, comme dit précédemment, mais nous emprunterons à Jacques CHEVALLIER le
concept d’idéologie administrative pour désigner le référentiel en regard duquel le contrôleur (organisation ou agents
publics) pourra se prononcer quant au caractère déviant de tel acte ou de tel comportement. L’auteur cite comme
éléments communs à toutes les idéologies administratives : la défense du bien collectif, la subordination aux élus,
le service public, la prise en compte des intérêts sociaux, la compétence, le respect des principes déontologiques
établis, etc.
III. La typologie des contrôles
La construction de typologies en sciences sociales est d’une grande utilité car elle aide à la compréhension de la
diversité qui existe au sein d’un phénomène étudié. La typologie des contrôles sera, par conséquent, une
classification qui décrit les différents types de contrôles existants sur la base de critères de similitude ou de
différenciation de sorte à ce que tout observateur ou sujet de contrôle puissent y rallier les contrôles qu’ils
rencontrent. L’utilité d’une typologie ne s’arrête pas là, elle permet d’appréhender la couverture des risques dont
l’administration fait l’objet, d’affiner la connaissance théorique des contrôles préalablement à la recherche appliquée
et d’identifier les éventuelles redondances ou absences en la matière.

La typologie décrite ci-dessous est dérivée de la typologie développée par Didier BATSELE et qui se base sur quatre
critères :

▪ la qualité du contrôleur qui fait la distinction entre contrôle administratif, contrôle politique et contrôle juridictionnel ;
▪ le rapport entre contrôlé et contrôleur qui différencie les contrôles externes et internes ;
▪ l’organisation ou non du contrôle ;
▪ le critère temporel (moment et caractère obligatoire ou permanent).

Toutefois, nous ferons le choix de ne pas verser au rang de critères participant à la classification des contrôles, la
qualité du contrôleur. Nous créerons un lien théorique entre les trois qualités susmentionnées de contrôleurs et les
trois pouvoirs constitutionnellement organisés : exécutif, législatif et judiciaire étendu aux juridictions
administratives et au Conseil d’Etat pour la cause. Puisque nous nous intéressons exclusivement à l’action
administrative, étant entendu qu’il s’agit de l’action des autorités administratives, les contrôles dits administratifs
seront partie des contrôles internes alors que les autres seront classés parmi les contrôles externes. Sans nier
l’importance qu’il y a à différencier le contrôleur politique du contrôleur juridictionnel, prenons l’option de ne pas
tenir compte de cette différenciation au niveau de notre typologie. Pour ce faire et à titre d’exemple, le contrôle
d’autorités administratives indépendantes, comme l’Inspection des Finances, sera qualifié d’interne car l’objet, la
portée et les modalités de contrôle sont révisables par le pouvoir exécutif, ce qui donne à ce contrôle une plus
grande interdépendance entre la façon dont il est ressenti et sa possible modification. C’est un renversement de la
doctrine compte tenu de la définition donnée par le Gouvernement fédéral au contrôle de l’Inspection des Finances :
il s’agit « de règles et de procédures que le Gouvernement s'impose à luimême ». En arguant de la sorte, les
ministres signataires de l’époque démontraient combien le pouvoir exécutif était à la fois organisateur et objet du
contrôle. C’est sur cet aspect plus particulier de la différenciation entre contrôle interne (administratif) et externe
que je souhaite insister car les autres contrôles sont le fait d’organes créés par le pouvoir législatif (Ordre judiciaire,
Médiateur, Cour des Comptes par exemple).

Je ne reviendrai sur la différenciation entre contrôles organisés et inorganisés que pour préciser que les premiers
sont établis par un texte législatif ou réglementaire et pas les seconds. Rappelons que la présente contribution fait
de cette différenciation un élément clef de la typologie des contrôles.

Le dernier critère est novateur au sens où il mixe le moment du contrôle avec son caractère permanent ou non.
En substance, il s’agit de tenir pour conditionnels (occasionnels) les contrôles ex ante et ex post. Par conditionnel,
il y a lieu d’entendre, « dépendant d’un fait futur et incertain ». En effet, le contrôle ex ante ou ex post est
nécessairement lié à la temporalité d’un acte ou d’une décision en projet ou en préparation dans le premier cas ;
déjà pris(e), en cours d’exécution ou exécuté(e) dans le second cas. Les contrôles ex ante ou ex post seront toujours
dépendants de la survenance d’un acte ou d’une décision, même si certains de ces derniers ont une très forte
probabilité de survenir (exemple : lois budgétaires). A contrario, les contrôles permanents s’exercent de tout temps,
le plus souvent à l’initiative du contrôleur, sans que l’action de ce dernier ne soit dépendante de la survenance d’un
fait quelconque.

La question des redondances entre contrôles mérite tout notre intérêt car si la rationalité commande de ne pas
organiser deux contrôles efficaces et identiques, l’indépendance des pouvoirs législatif et exécutif à organiser des
contrôles qu’ils jugeraient opportuns ne peut être limitée. Dans ce cas, la redondance pourrait être un choix jugé
nécessaire et se voir pleinement consentie.

Concernant l’absence de contrôle en rapport à un risque, toute la question réside dans le seuil de matérialité du
contrôle à envisager. L’absence de contrôle peut se justifier par l’importance relative (faible) du risque dont la
réalisation ne porterait que peu ou pas préjudice à l’organisation. En revanche, l’absence de contrôle en regard d’un
risque d’importance constitue une carence dans le système de contrôle et de maîtrise des risques.
Sans aucune forme de commentaire, de façon arbitraire, nous allons classer quelques organes de contrôle à titre
illustratif. Il est certain que cet exercice, mené de façon scientifique et systématique, pourrait faire l’objet d’un article
à part entière. En outre, l’approche par les organes de contrôle fait qu’un organe pourrait se trouver dans plusieurs
catégories de contrôles si nous nous étions donnés pour ambition d’être exhaustifs.

▪ Contrôle organisé, interne, ex ante : Inspection des Finances (avis).


▪ Contrôle organisé, interne, ex post : contrôle hiérarchique (système d’évaluation).
▪ Contrôle organisé, interne, permanent : Bureau d’éthique et de déontologie administrative.
▪ Contrôle organisé, externe, ex ante : Cour des Comptes (visa préalable).
▪ Contrôle organisé, externe, ex post : Section d’administration du Conseil d’Etat, médiateur fédéral.
▪ Contrôle organisé, externe, permanent : contrôle par les assemblées parlementaires.
▪ Contrôle inorganisé, interne, ex ante : agents publics (collègues auxquels on fait appel en raison de leur expertise).
▪ Contrôle inorganisé, interne, ex post : agents publics (appréciation portée par les collègues suite à l’action).
▪ Contrôle inorganisé, interne, permanent : organisme public (culture organisationnelle), agents publics (socialisation).
▪ Contrôle inorganisé, externe, ex ante : citoyens, groupes de pression.
▪ Contrôle inorganisé, externe, ex post : citoyens, organisation de défense des consommateurs.
▪ Contrôle inorganisé, externe, permanent : citoyens.

IV. La nature des contrôles


Le schéma repris ci-dessus est indissociable de la nature des contrôles qui ajoute aux propriétés générales
développées par la typologie, les propriétés spécifiques qui caractérisent les contrôles en fonction de leurs champs
concrets d’études.

Les contrôles se partagent entre quatre grands champs d’études qui, réunis, vont globalement recouvrir
l’ensemble des risques liés à l’action administrative que l’on veut maîtriser. Les risques dont il est question sont en
rapport à :

▪ la norme ;
▪ le but poursuivi ;
▪ le management stratégique ;
▪ l’activité.

Les contrôles destinés à maîtriser les risques seront qualifiés de :

▪ contrôle de conformité ;
▪ contrôle d’opportunité ;
▪ contrôle de gestion ;
▪ contrôle opérationnel.

Le contrôle de conformité tend à contrôler la conformité de l’action administrative en rapport aux normes qui
lui sont rendues applicables de sorte à en minimiser au maximum la violation. Il s’agit tout autant de préserver les
normes juridiques que les normes sociales auxquelles sont soumises les administrations publiques.

Le contrôle d’opportunité est le pouvoir de s’assurer que les actes et décisions sont appropriés en fonction du
but poursuivi, du moment de l’acte ou de la décision et des moyens mobilisés en rapport aux moyens disponibles.
Par ce contrôle, on souhaitera s’assurer que le but poursuivi a toutes les chances d’être atteint et ce avec des
moyens proportionnés.

Le contrôle de gestion est un instrument de mesure des écarts entre les résultats obtenus et les résultats
attendus et portera appréciation des opérations de direction et de gestion effectuées pour atteindre les objectifs.
Le contrôle de gestion a pour finalité la réorientation stratégique, si nécessaire, de l’action administrative.

Le contrôle opérationnel est le contrôle continu de l’activité concrète des administrations publiques par
l’instauration de mécanismes de contrôle intégrés aux processus de l’organisation. Il est qualifié de contrôle
opérationnel car il est partie intégrante des opérations qui additionnées les unes aux autres forment l’activité
administrative au sens large. Dans sa conception organisée, ce champ de contrôle est le pendant de l’audit
opérationnel qui est né de l’évolution de l’audit interne dont les tâches se sont étendues à toutes les opérations de
l’entreprise. Si l’audit interne et opérationnel procède à l’évaluation du contrôle interne, il n’en demeure pas moins
que l’un et l’autre visent l’amélioration d’un système et de ses processus par l’identification des causes profondes
des problèmes y rencontrés. L’objectif est de parvenir à une maîtrise des risques et de se procurer une assurance
raisonnable de la bonne réalisation des objectifs de l'organisation. Ces processus seront bientôt généralisés dans
les administrations publiques comme tendent à le prouver les initiatives prises en la matière par l’Etat fédéral.
V. La portée des contrôles
Il importe que nous définissions ce qu’est la portée du contrôle au sens général. D’emblée, nous allons récuser
l’acception usuelle du terme « portée » qui peut prêter à confusion car elle comprend tout à la fois le domaine
d’application, l’objet et les effets. Nous privilégierons une distinction claire entre incidences du contrôle et matières
traitées par le contrôle. Dans ces conditions, la définition retenue du terme « portée » est « la capacité que
présente une chose à produire un effet ». Au plan du contrôle et de l’audit financier, on parle de « conséquences
ou répercussions que le travail de vérification peut avoir sur les utilisateurs des états financiers ». En oeuvrant de
la sorte, la théorie des contrôles pourra aisément insister sur le caractère multiple de la portée des différents
contrôles exercés sur l’action administrative. En effet, les possibles conséquences d’un contrôle lorsqu’il a été exercé
et que l’appréciation en résultant a été dégagée, est fonction de la portée qui lui a été conférée dans le cas des
contrôles organisés ou de la légitimité et de l’impact acquis par le contrôle dans le cas des contrôles inorganisés.

Ainsi, la portée du contrôle de la section d’administration du Conseil d’Etat est la suspension, éventuellement
assorties de mesures provisoires, et l’annulation de l’acte administratif. Pour sa part, le contrôle du Médiateur fédéral
portera sur la constatation d’actes et de faits relatifs au fonctionnement des autorités administratives fédérales, la
conciliation et la recommandation. Dans les deux exemples donnés, l’acte administratif d’une part et les faits
mentionnés d’autre part sont l’objet du contrôle, sa « matière première ». Concernant les contrôles inorganisés,
nous savons que les enquêtes relatives à la qualité des services publics menés par certaines organisations de
consommateurs et relayées à grand bruit par la presse ont parfois mené à des processus de réorganisation ayant
pour but d’accroître la qualité et/ou la performance des prestations.

VI. Les procédures de contrôle


La plupart des contrôles organisés connaissent des procédures précises. Il existe une gradation dans la précision
et l’importance des procédures à respecter pour que les formes soient préservées. Le contrôle juridictionnel présente
les procédures les plus précises et les plus contraignantes car il s’agit de juger et de préserver l’intérêt des parties
intéressées. En revanche, les contrôles inorganisés ne connaissent pas de procédures précises, elles sont laissées à
la discrétion du contrôleur. A l’instar de tout fait social, ces procédures laissées à la discrétion du contrôleur sont
elles aussi sujettes au contrôle social et se conformer aux normes sociales ne peut qu’être bénéfique en termes de
légitimité et d’impact potentiel. En revanche, la détermination des procédures ne se pose plus lorsqu’il est question
de contrôle social par intériorisation de références, représentations, hypothèses ou modèles mentaux.

Conclusion
Une très brève réflexion comme celle que nous venons de mener peut interpeller car nous n’y retrouvons peu ou
pas les éléments traditionnels présidant à l’étude des contrôles de l’administration. Le contrôle juridictionnel ne peut
s’accaparer une étude qui se réclame de la science administrative, science sociale qui n’a pas peur de dire que l’Etat
et la règle de droit ont leurs limites. Si le contrôle de l’action administrative passe effectivement par la faculté qu’a
tout citoyen de recourir contre les actes administratifs créateurs de droit, il n’en demeure pas moins que la très
grande majorité des différends et tensions naissant entre l’administration et son environnement trouve une solution
par l’échange social.

Il est indéniable que cette contribution à la typologie des contrôles ne se suffit pas à elle-même. Elle attend d’être
suivie d’une classification systématique et commentée de tous les contrôles organisés et inorganisés existants et
d’études appliquées s’assurant de l’authenticité de ces contrôles ainsi que de leur efficacité et de leur efficience.

Une étude finie se donnant pour objet les contrôles de l’action administrative, devrait avoir pour ambition de donner
à chaque contrôle sa juste place, en adéquation avec l’apport qui est le sien dans les rapports sociaux impliquant
les administrations publiques.

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