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Le syndrome du jumeau perdu : mythe ou réalité ?

EPBE – Mémoire final – Partie III

Le syndrome du jumeau fantôme : mythe ou réalité ?


Martin LEDUC – L05

1 Introduction..............................................................................................................................2
2 Les jumeaux : un peu d'obstétrique..........................................................................................2
3 Les jumeaux dans la conscience collective..............................................................................3
4 Le jumeau né seul, un phénomène rare ?.................................................................................4
5 Différents témoignages, en lien avec une thérapie...................................................................5
5.1 Sophro-analyse..................................................................................................................5
5.1.1 Cas de Julie................................................................................................................5
5.1.2 Commentaires............................................................................................................5
5.2 Ostéopathie........................................................................................................................6
5.2.1 Cas de Fabien.............................................................................................................6
5.2.2 Commentaires............................................................................................................6
5.3 Etiothérapie.......................................................................................................................6
5.3.1 Cas de Raymond........................................................................................................7
5.3.2 Commentaires............................................................................................................7
5.4 Décodage biologique.........................................................................................................7
5.4.1 Cas de Bénédicte........................................................................................................7
5.4.2 Commentaires............................................................................................................8
5.5 Kinésiologie......................................................................................................................8
5.5.1 Cas de Mélanie...........................................................................................................8
5.5.2 Cas de Christian.........................................................................................................9
5.5.3 Commentaires............................................................................................................9
5.6 Psychologie biodynamique.............................................................................................10
5.6.1 Cas de Stéphane.......................................................................................................10
5.6.2 Commentaires..........................................................................................................11
6 Le jumeau né seul : un fantasme ?.........................................................................................11
7 Et si c'était vrai ?....................................................................................................................13
8 Sur la piste du jumeau perdu..................................................................................................14
9 En thérapie.............................................................................................................................15
9.1 Accueillir la situation......................................................................................................15
9.2 Comment ça « forge » le caractère ................................................................................15
9.3 Le Jumeau Thérapeutique...............................................................................................16
9.4 Les outils.........................................................................................................................17
9.4.1 Une démarche graduelle...........................................................................................17
9.4.2 En biodynamique.....................................................................................................17
10 Conclusion...........................................................................................................................19
11 Références............................................................................................................................20
12 Annexe.................................................................................................................................21

...[ Un thérapeute averti en vaut 2 ]

1
1 Introduction
Les jumeaux constituent un thème récurrent dans la mythologie, les traditions ethniques, s'invitant
dans notre ciel via la constellation des Gémeaux et dans l'astrologie.
Les jumeaux fascinent autant qu'ils peuvent inquiéter, et ils renvoient fondamentalement à la notion du
double, de l'altérité et à contrario de la solitude.

Depuis quelques dizaines d'années, les études médicales mettent en évidence le phénomène de
grossesses multiples pour lesquelles un seul fœtus arrive à terme. L'embryon étant maintenant perçu
comme un être sensitif et émotionnel, la question du vécu fœtal et de son incidence sur la vie après la
naissance commence à être posée, et investit le domaine de la recherche.
En parallèle, le domaine de la thérapie personnelle se développe, et la problématique existentielle du
jumeau né seul est aussi explorée. Différents symptômes ont alors été répertoriés en lien avec ce type
de vécu fœtal, rassemblés sous l'étiquette « syndrome du jumeau perdu » ou « syndrome du jumeau
fantôme ». La première dénomination renvoie à la perte, en général non détectée pendant la
grossesse, d'un des fœtus. La seconde dénomination est intéressante, car elle renvoie indirectement
à une virtualité de ce double éphémère.

Alors, le « jumeau fantôme » : mythe ou réalité ? Pour cela, ce mémoire va s’appuyer sur certains
témoignages, en lien avec différentes méthodes à visée thérapeutique. Avant de s’interroger sur
l’importance de la reconnaissance et de la prise en compte de ce type de vécu.

2 Les jumeaux : un peu d'obstétrique


Jumeau, du latin gemellus, signifie « qui est né du même accouchement ». Mais ce terme évoque
également un sens de symétrie, de doublon, comme en anatomie les muscles jumeaux du mollet, ou
en optique, les jumelles.

Pour autant, il y a plusieurs types de gémellité :

- les fœtus sont dits « vrais jumeaux » lorsqu’ils sont issus du même ovule fécondé, qui se
scinde en deux alors que les divisions cellulaires n'ont pas encore amené une spécialisation des
cellules en différents feuillets (jumeaux monozygotes). Les fœtus ont un même patrimoine
génétique, sont donc du même sexe, mais ce cela n'induit pas un profil psychologique identique
pour les enfants.
Ceci est peut-être à rapprocher du fait que selon la précocité de la séparation des cellules
souches, les embryons se trouvent dans deux poches amniotiques différentes avec deux

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placentas, ou deux poches implantées sur le même placenta, ou une poche unique avec un seul
placenta (cas très rare).

- les fœtus sont dits « faux jumeaux » lorsqu’ils sont issus de la fécondation de deux ovules
différents, par deux spermatozoïdes différents (jumeaux dizygotes). Ils peuvent être du même
sexe ou de sexe différent et ont un patrimoine génétique présentant les mêmes différences que
deux frères ou sœurs issus de grossesses différentes.
Cette deuxième configuration a été amplifiée depuis une vingtaine d'années par le recours à la
procréation assistée (stimulation ovarienne, implantation de plusieurs embryons).

A partir du sixième mois de grossesse, pour un fœtus seul, l'espace commence à devenir exigu. Dans
le cas d'une grossesse gémellaire, l'utérus se distend, et les jumeaux sont moins gros, mais cela met
en évidence la proximité physique qui existe, et en parallèle cela renvoie à la notion de territoire.

3 Les jumeaux dans la conscience collective


Au niveau des individus, la gémellité est un phénomène qui a toujours frappé l’imaginaire, et amené
des sentiments très ambivalents. On peut citer :
- l'étonnement devant ce phénomène de réplication que la nature peut induire dans le cas des
« vrais » jumeaux
- l'attirance face à la proximité que manifestent beaucoup de jumeaux et à une certaine
symbiose qui renverrait à l'image du couple idéal.
- l'inquiétude sur la problématique de l'individuation et de la quête de l'autonomie
- l'angoisse aussi, en lien avec le fait que la mortalité périnatale des jumeaux a toujours été
plus importante que celle des nouveau-nés uniques, surtout avant les progrès en réanimation (les
prématurités importantes, vers 6 à 7 mois, sont 10 fois plus fréquentes dans les grossesses
gémellaires que dans les grossesses uniques).

Depuis la nuit des temps, les mythes de l’humanité ont cristallisé tous ces sentiments, et le thème de
la gémellité se retrouve dans toutes les cultures.
Comme le souligne A. Meurant [10], « la gémellité surprend invariablement le milieu où elle apparaît.
Ce signe d'exception contribue aussi à distinguer du commun des mortels des êtres promis à un
grand avenir : ancêtre d'une nation, fondateur de cité ou promoteur d'une technique bénéfique. À ce
titre, il s'intègre parfaitement dans ce qu'on appelle communément la thématique du héros ».

Les multiples versions des mythes rendent parfois difficile de distinguer frères et jumeaux. Mais le
thème du double ou de la dualité est en général mis en avant, amenant toute une palette dans sa
déclinaison.
Dans les mythes ou les textes anciens, les jumeaux incarnent différents thèmes.

Côté indo-européen :
- de Sumer nous est parvenue l'épopée de Gilgamesh, roi tyrannique auquel les dieux lui
confrontent un double, Enkidu. Finalement devenus amis en conciliant les opposés, la mort
d'Enkidu les sépare, et Gilgamesh part dans une longue épopée pour la quête de l'immortalité
- dans la mythologie grecque, Castor et Pollux sont les jumeaux les plus célèbres, qui
donneront leur nom à deux étoiles et à la constellation des Gémeaux. Ils sont issus de la même
mère Léda. Mais Castor est l'enfant du mari légitime, le roi Tyndare, et Pollux le fils de Zeus,
illustrant le thème de la double paternité gémellaire ou superfécondation. Lors d'un combat contre
deux autres jumeaux, Castor est tué, et Pollux obtient de Zeus de partager son immortalité en
alternance avec son frère. L'amour fraternel est ici la clé d'accès à un équilibre entre part divine
et part incarnée du couple de jumeaux
- dans la bible, Adam et Eve incarnent d’abord l'androgynat que Dieu fait basculer vers la
dualité. Puis les premiers vrais jumeaux sont Jacob et Esaü, fils de Rebecca et d'Isaac. Or ces
jumeaux se battent dès la vie fœtale, puis sont à nouveau en rivalité adultes pour le droit
d'ainesse. Jacob, bien que né en second, ravira ce droit à Esaü avec la complicité de sa mère
- dans la mythologie romaine, on retrouve ces conflits avec Romulus et Rémus. Désigné
comme fondateur de Rome, Romulus trace une limite sur le sol que Rémus franchit, ce qui
amène son frère à le tuer. Double notion d'interdit, puisque issus des amours du dieu Mars avec
une vestale vouée à la virginité, ces jumeaux illustrent ensuite l'impossibilité de partager le même
territoire.

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En Amérique, les jumeaux sont en général considérés comme antithétiques, remplissant des fonctions
complémentaires mais opposées : l’un bon et l’autre mauvais, l’un représentant la vie et l’autre la
mort, l’un le ciel l’autre la terre, l’un agressif et l’autre pacifique, ... Chez les Aztèques, c'est le cas de
Quetzalcoalt, le « jumeau magnifique » et de Xolotl, son jumeau sombre. Ou chez les indiens
Winnebagos du Wisconsin, des jumeaux opposés marquent le dernier cycle dans la quête du héros,
comme le rapporte P. Radin [11], cité par J.Saucin [12].

En Afrique, chez les Dogon ou les Bambara, les jumeaux incarnent l’idéal de perfection ontologique.
Pour eux, dans les temps mythiques, les peuples créés étaient des couples de jumeaux de sexe
opposé. La naissance des jumeaux rappelle cette condition heureuse, d’où les manifestations de joie
lorsqu’une telle naissance survient. A l'inverse, chez d'autres ethnies, la naissance de jumeaux amène
la défiance ou une certaine aversion, avec la suspicion d’adultère, par exemple.

Cette allégorie du bien et du mal, constamment présente dans l’inconscient concernant l’enfant
double, souligne en fait qu’il représente les deux pôles antagonistes structurant le monde et tout être
humain.
Comme le soulignent A. Danion-Grillat et ML. De Malliard [6], « les jumeaux expriment les symboles
de la fertilité, de l’amour, du bien et du mal, de la rivalité, de la mort et de l’immortalité. Ils ravivent les
interrogations sur l’identité individuelle : s’agit-il de deux individus, du même dupliqué, de deux
identiques mais différents ? Ils représentent une double figure et renvoient à la dualité de tout homme
à l’origine de cette fascination qu’ils engendrent. Différemment du clone qui, dans le double, renvoie à
la descendance identique et annule ainsi la finitude, le jumeau est le double, miroir de soi-même. Il
suscite le désir de se retrouver dans ce double, dans une présence permanente qui, puisqu’elle est
permanente, ne peut décevoir ».

4 Le jumeau né seul, un phénomène rare ?


Cette question renvoie en premier lieu à celle de la fréquence des grossesses gémellaires.
Le couple de psychothérapeutes Austermann rapporte un entretien avec le docteur Sartener,
spécialiste belge en médecine prénatale [1]. Celui-ci indique que les échographies en Belgique ont
lieu dès la 7ème semaine de gestation, sachant que l'implantation d'un ou plusieurs embryons est
visible dès la 5ème semaine (les embryons mesurent à ce moment plusieurs millimètres). Il travaille
dans sa clinique avec des appareils très sensibles, permettant une bonne détection. Selon son
expérience, 8% des grossesses sont gémellaires, et seulement 1% des grossesses gémellaires
aboutissent à la naissance des 2 jumeaux vivants.

Lorsqu'un jumeau disparaît, c'est en général dans le premier tiers de la grossesse. A rapprocher de ce
constat, le fait qu'en Allemagne, par exemple, la première échographie a lieu entre les 9ème et 12ème
semaines, et en France, entre les 11ème et 13ème semaines.
En outre, on peut voir un embryon décédé implanté dans le placenta quand il atteint la 14ème
semaine. Avant cette date, il est absorbé par l'endomètre, le placenta, ou intégré dans le corps du
survivant (phénomène de tératome) : il n'est donc plus visible, d'où la terminologie de jumeau perdu.
Si l'embryon décède après la 20ème semaine, il donne un fœtus dit 'papyrus', aplati et desséché, car
vidé de tout liquide tissulaire.

En résumé, les grossesses multiples ne peuvent être détectées précocement qu'avec un premier
contrôle précoce, un appareil performant et un praticien à l'œil expérimenté. Si le décès a lieu très tôt,
il sera impossible d'en voir la trace plus tard. En outre, beaucoup de gynécologues n'informaient la
mère d'une grossesse gémellaire qu'à partir du 2ème tiers de grossesse, car il est probable alors que
les deux fœtus vont aller jusqu'au terme.

Du côté de la mère, dans la plupart des cas où il y a décès d'un des jumeaux, elle ne ressent rien,
même dans une grossesse avancée. Physiologiquement, le taux hormonal reste à l'identique, et des
saignements intermédiaires sont rares.

Tous ces faits peuvent expliquer au moins en partie que la fréquence des cas de « jumeau perdu »
apparaisse actuellement beaucoup plus faible selon les données médicales présentes que dans le
rendu des patients en thérapie ou suite à des tests comme ceux pratiqués en kinésiologie.

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5 Différents témoignages, en lien avec une thérapie
Les témoignages qui vont suivre présentent différents cas d'émergence d'une mémoire prénatale en
lien avec un jumeau, sans confirmation clinique au sens médical.
Ils sont présentés en lien avec la méthode thérapeutique qui a permis cette émergence, qu'il y ait eu
ou non résolution à la clé des symptômes qui semblaient découler de ce vécu.

5.1 Sophro-analyse.
La sophro-analyse est une méthode récente de décodage des mémoires prénatales, mise en place
par une femme médecin, C. Imbert.

5.1.1 Cas de Julie.


C. Imbert rapporte le cas d'une petite fille de trois ans, qui a des difficultés de sommeil depuis sa
naissance [9]. Elle a beaucoup de difficultés à s'endormir, pleure souvent et se réveille à plusieurs
reprises dans la nuit. Et même dans la journée, elle a besoin de la présence de quelqu'un et de
contact physique. La situation s'est aggravée quand sa maman attendait un second enfant. Elle ne
peut plus rester seule la nuit.
En séance de sophro-analyse, c'est par l'intermédiaire d'une peluche représentant une chienne avec
des chiots, que la situation va s'éclairer. Julie joue tout de suite avec, en plaçant deux chiots dans le
ventre. La thérapeute, en commentant la période fœtale de Julie, enlève un chiot du ventre de la
peluche pour illustrer la situation de cette époque. Et Julie fait comprendre qu'ils étaient deux, et que
l'autre bébé est reparti au ciel. Sa maman, après réflexion, se souvient avoir eu des pertes de sang à
trois mois de grossesse.
Après deux autres séances, et un travail sur la peur de l'abandon, Julie dort correctement, est plus
calme et joyeuse.

5.1.2 Commentaires.
C. Imbert veut ainsi souligner deux points. D'une part, que les jeunes enfants gardent en mémoire le
déroulement de leur vie intra-utérine, avec les empreintes émotionnelles associées encore très
prégnantes. Ceci a été démontré par différentes études, dont celles de D. Chamberlain [4]. D'autre
part, à la faveur d'un accompagnement apportant le bon décodage, les croyances erronées inscrites
chez l'enfant peuvent rapidement être désamorcées.

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Ce qui est intéressant dans ce cas, c’est qu’il n’y a pas eu d’induction de la part de la thérapeute. Et
rien ne passe par le filtre du mental, car le cas se rapporte à une jeune enfant, et l'activation de la
mémoire prénatale ne se fait pas via des questions-réponses.

5.2 Ostéopathie.

5.2.1 Cas de Fabien.


Une mère vient en séance d'ostéopathie, pour son fils de trois ans, Fabien, sur lequel avait été posé le
diagnostic "d'hyperactivité".
Avec un enfant de cet âge, le contact s’établit en le plaçant face à sa mère, assis dos contre la
thérapeute qui place ses mains sur le ventre et le thorax. Elle accompagne alors les mouvements de
protection et de fuite, tout en invitant la maman à lui raconter le pourquoi de sa venue. Très souvent,
cela apaise les turbulences de surface, l'enfant rentre en contact plus profondément avec lui-même et
la séance peut réellement commencer. C'est ce qui se passe avec Fabien.

En cours de séance, la thérapeute place la main droite au niveau du cœur de Fabien et la main
gauche sur sa tête, tout en faisant témoigner la maman de sa grossesse et de son accouchement.
Durant cette phase, Fabien est agité et fuit le regard de sa mère. Puis, au cours du récit sur la
grossesse, la thérapeute a besoin de revenir sur une émotion à peine perceptible de la maman :
- "il s'est passé quelque chose durant la grossesse".
Fabien fait un arrêt sur image et fixe sa mère.
- "non, le médecin m'a dit que je me faisais des idées».
Fabien, bouge beaucoup, la colère s'amorçant dans ses tissus.
- "c'était quoi vos idées?"
Fabien refait un arrêt sur image en fixant sa mère.
- "j'ai perdu un peu de sang à trois mois de grossesse, je me souviens avoir eu une vague de
tristesse et avoir eu l'impression d'avoir perdu un fœtus". Elle pleure en le racontant.
- "faites vous confiance, c'est vraisemblablement ce qui a du se produire, pour que vous soyez
touchée à ce point."
Elle sanglote d'apaisement, Fabien ne perd rien de ce qui est échangé et ses tissus attendent et
cherchent. Sa mère s'apaise, les regards se trouvent et l'amour fait fondre en larmes l'enfant, un
sanglot qui venait de si loin, difficile à imaginer ... Puis retour au calme et sourire d'apaisement.

Le lendemain, la mère appelle la thérapeute pour lui raconter quelque chose de vraiment joli. Le soir
même, Fabien est allé chercher une cassette vidéo, sur laquelle il y avait un dessin animé. Elle avait
oublié, mais pas lui, qu'il y avait aussi la première échographie sur cette cassette. Elle a du lui passer
les images de l'échographie en boucle pendant un certain temps, lui étant installé confortablement,
l'air satisfait avec pouce et doudou.

Quoiqu'il en soit, d'un point de vu clinique, après cet épisode, l'hyperactivité de Fabien s'est réduite de
moitié.

5.2.2 Commentaires.
Le cas de Fabien pointe la mémoire d’un évènement encore très présente pour le tout jeune enfant,
qui se réactive organiquement en séance, en relation avec sa maman. Cette mémoire s’exprime au-
delà des mots pour l’enfant, et rejaillit sur son comportement. Et la résolution dans ce cas, comme
pour Julie à un certain niveau, passe par la prise de conscience de la mère et l’acceptation.

5.3 Etiothérapie.

L'étiothérapie est un mélange d'auriculothérapie, de mesure de pouls et d'utilisation d'anneaux posés


en différents points du corps, qui concentrent l'énergie. Cette technique mesure les mémoires encore
actives dans le corps. Le client est allongé, et le thérapeute mesure son pouls en continu. Le
thérapeute ressent une situation qui émerge et l'évoque devant le client (style « il me semble que je
sens quelque chose autour de la naissance... »). Le client connecte ou pas : si cela résonne en lui, le
pouls change, et le thérapeute continue son investigation.

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5.3.1 Cas de Raymond.
Raymond a découvert qu'il a eu une jumelle en séance d'étiothérapie courant 2005, à Paris. Ce jour
là, la mesure du pouls réflexe a indiqué que la jumelle a disparu à 16 jours. Au départ, ça ne parlait
pas spécifiquement à Raymond. Pendant la séance, il était surpris, mais content qu'il ait pu être si
proche de quelqu'un, comme si cela amenait une sensation de complétude. Ensuite, il s'est interrogé
sur la possibilité d'être aussi précis, sur l'indication à ce stade si précoce du développement qu'il
s'agissait d'une jumelle et pas d'un jumeau. Mais il a été touché, car ça pouvait expliquer chez lui un
certain déséquilibre en faveur de son pôle féminin : comme s'il compensait cette perte. Puis quelques
interrogations, très fugaces, sur sa responsabilité éventuelle dans le départ de la jumelle.
Il a travaillé cette nouvelle en thérapie biodynamique, notamment en donnant un prénom à sa jumelle
et en lui donnant quitus de sa décision de partir, se soulageant ainsi de sa culpabilité de l'avoir
rejetée. Puis trois ans après, à l'occasion d'une nouvelle séance avec une autre étiothérapeute, la
mémoire de la jumelle apparaît encore présente. Elle a été réactivée, semble-t-il, par une rencontre
avec une femme où la relation a été d'emblée sur le registre frère-sœur.

5.3.2 Commentaires.
Raymond n'a pas connaissance de jumeaux dans sa généalogie. L'apport essentiel de cette annonce
aura été de donner une explication possible pour une de ses attitudes principales : celle qui consiste à
aller vers les autres pour se faire aimer, mais spécifiquement vers les femmes, car il se sent plus en
harmonie avec elles.

5.4 Décodage biologique.


Le décodage biologique découle des théories du docteur Hamer. Celui-ci a mis en évidence un
système de cause à effet, présenté comme reproductible, en lien avec le stress. Ce système se
rapporte à l’impact de conflits intérieurs importants sur différentes zones du cerveau où ils
s’engramment, amenant ensuite des répercussions organiques.

Par des références permanentes à la biologie et à l’éthologie, le décodage biologique cherche à


apporter un éclairage sur le fonctionnement inconscient, biologique et automatique de l'individu. Le
thérapeute se présente comme un guide qui va permettre au patient de s'explorer lui-même, de visiter
ses zones d'ombre, de se regarder en face. Il s'agit donc d'une approche thérapeutique centrée sur la
personne, où le patient est écouté dans son ressenti, en s’appuyant sur les réactions organiques.

5.4.1 Cas de Bénédicte.


Bénédicte, la trentaine, maman d’un jeune garçon, exerçant une profession paramédicale en libéral.
Sa mère, lors de sa première grossesse, a fait une fausse couche. Beaucoup de saignements, et le
médecin prescrit un médicament pour mettre les ovaires au repos, pendant six mois.
Nouvelle grossesse aussitôt après, avec la naissance de Bénédicte. Puis naissance d’un frère deux
ans plus tard.

La seconde grossesse correspond à une grossesse gémellaire, mise en évidence en décodage


biologique, et confirmée ensuite par « testing » personnel (via une application de la kinésiologie :
pouces et index des 2 mains en anneaux croisés, et essai de traction en posant une question).

Pour Bénédicte, un premier signe avait eu lieu pendant ses études en paramédical. Lors d’un cours,
une professeure de psychologie atypique avait évoqué le cas d’un enfant dont elle se demandait s’il
n’était pas le seul survivant d’une grossesse gémellaire : beaucoup de pleurs, sensation de manque,
dévalorisation. La prof avait fait dessiner l’enfant, et il avait figuré deux petits cercles dans le ventre de
la maman. Cette évocation avait donné la chair de poule à Bénédicte.
Ensuite, pendant les cours de décodage biologique qu’elle a suivis, les élèves travaillaient en
parallèle, et cela amenait pleurs ou rires, ce qui importunait d’abord Bénédicte. Puis quand a été
évoqué le thème de la grossesse gémellaire, quatre élèves dont Bénédicte ont fondu en larmes :
c’était le signe que le cerveau avait capté l’information et lâché le stress engrammé (crise
« épileptoïde », dans la terminologie du décodage).

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Mais Bénédicte a constaté que cette réaction organique ne suffit pas à nettoyer : c’est d’abord un
révélateur. Il faut ensuite arriver à faire le deuil du jumeau ou de la jumelle, en thérapie brève par
exemple, sur un représenté (vivre une scène réparatrice qu’on imagine).
Un travail énergétique peut être aussi nécessaire. Car si le jumeau n’a plus de matrice physique, il
peut être encore présent sur un plan subtil, et source d’états limitants.

Bénédicte avait tendance à faire les choses en double : 2 baccalauréats, 2 cursus universitaires, 2
cabinets professionnels. Mais elle pense que l’existence d’un jumeau in-utéro lui a aussi apporté cette
grande capacité intuitive et relationnelle.

5.4.2 Commentaires.
La méthode peut être moins directive que la kinésiologie, par exemple.

La référence à la biologie invoquée dans ce cas : dans la nature, suite à une année de sécheresse,
les arbres vont produire plus l’année suivante, pour assurer la survie de l’espèce. Selon un
fonctionnement supposé similaire, chez la femme, suite à une fausse couche ou une IVG, il va y avoir
ensuite production de plus d’ovocytes pour donner une chance d’avoir plus de survivants. C’est ce
type de contexte (IVG, fausse couche) qui va amener le décodage biologique à une présomption de
conception gémellaire dans la suite de l’histoire maternelle.
Si l'on reprend les hypothèses du décodage biologique, l'histoire de Bénédicte correspond au schéma
présenté, sur un plan théorique. En outre, des réactions organiques à l'évocation du sujet semblent
confirmer l'hypothèse. Mais la résolution prend du temps, car Bénédicte indique qu'elle projette encore
un travail à venir en lien avec cette mémoire.

5.5 Kinésiologie.
La kinésiologie, mise en place dans les années
60 par un chiropraticien américain (G.
Goodheart), était au départ une méthode qui
analysait les dysfonctionnements des
segments vertébraux, via leurs répercussions
sur les différentes chaines musculaires Puis
son champ d'investigation s'est étendu à la
détection des engrammes émotionnels dans le
corps, toujours par le biais de réponses
musculaires.

5.5.1 Cas de Mélanie.


Mélanie, la quarantaine, est mariée, mère de 3 enfants. Elle a 2 frères, un aîné légèrement plus âgé
qu’elle et un puîné nettement plus jeune.
Elle a entamé il y a plusieurs années une thérapie, suite à un cancer du sein, et un mal-être général
avec notamment toujours le besoin de se remplir, via la nourriture (sans être boulimique à se faire
vomir).
Elle a un échange avec une première psychothérapeute, quelques séances avec une psychanalyste,
mais ça ne collait pas; la troisième, une femme médecin généraliste et psychothérapeute, est la
bonne. La thérapie consistait en un travail verbal (et un peu de sophrologie) en individuel, en
alternance avec un travail de groupe, et cela correspondait aux attentes de Mélanie.

Quatre ans après, Mélanie va voir une kinésiologue sur le conseil d’une amie. En partant du
sentiment de vide mis en avant, la thérapeute, via des questions et en testant le bras, remonte sur
les souvenirs d'enfance, la conception, puis la vie fœtale. Et elle met en évidence la présence d'un

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jumeau garçon, parti vers 2-3 mois de grossesse. Ça a complètement résonné pour Mélanie, c'était
comme une évidence ! Cela expliquait en outre cet éternel sentiment de vide. La thérapeute a ensuite
préconisé un travail de deuil : acheter une fleur et aller l'enterrer. C'est ce qu'a fait Mélanie ; pendant
qu'elle creusait un trou au pied d'un arbre, un oiseau était posé sur un arbre mort proche, et ne
bougeait pas. Quand Mélanie est repartie, l'oiseau s'est envolé alors, comme un signe du jumeau.
Mélanie voulait continuer sa thérapie. Mais en exposant cette histoire, sa psychothérapeute a tout
rejeté en bloc. En plus, son mari étant gynécologue, la thérapeute disait avoir la confirmation que cette
situation est très rare, ce n'était donc pas possible. Mélanie a clos la thérapie, mais reste avec le
même sentiment de vide.
Mélanie indique que son grand père maternel avait un jumeau, et deux jumelles parmi les sœurs de
ce grand père. Elle-même, mère de 3 enfants, aurait souhaité avoir des jumeaux.

Relation avec ses frères ? Mélanie était proche de son aîné pendant l'enfance. Elle a le sentiment
d'avoir beaucoup couru après lui, étant jeune : quelque chose de l'ordre de la compensation, sans
doute.
Enfant, Mélanie a eu des poupées, dont une qui parlait, véritable objet de culte. Et des poupons. Mais
c'est surtout un petit chien qui lui a beaucoup apporté, car elle se sentait seule.

Actuellement, la vie familiale est bonne, Mélanie est appréciée dans son travail. Mais ce sentiment de
manque est toujours là. Avec ce problème alimentaire : elle mange du sucre, pour combler ce vide.
C'est un plaisir pulsionnel, qui amène un surpoids.

Enfin, Mélanie appréhende sa propre mort. Imaginer le néant post mortem lui est insupportable : ça lui
amène des angoisses quand elle y pense, et elle y pense beaucoup. Cela la met dans un état
physique très particulier, un mal être, avec cette crainte de ne plus exister.
Vers l’âge de 10 ans, elle se rappelle avoir découpé un article relatant l'histoire d'une petite fille de 4-5
ans, qui vivait dans une cave, martyrisée par son père et en était morte. Le film « Les choses de la
vie », avec Piccoli, l'a aussi marquée. Le récit d'un accident de voiture avec mort subite avait résonné
en elle : ça peut arriver du jour au lendemain, sans que personne ne le sache !

5.5.2 Cas de Christian.


Christian a consulté cette année une thérapeute en individuel, via 2 séances espacées. Cette
thérapeute travaille en psychothérapie systémique, qui utilise le corps pour accéder à l'inconscient.

Lors de la première séance, Christian cherchait à aller mieux suite à une rupture avec son compagnon
(« se débarrasser de son passé », dit-il). La thérapeute, en lien avec les tests musculaires de la
kinésiologie, en est venue à détecter la présence d'un jumeau, qui aurait vécu 4 semaines. Elle a
vérifié le sexe, au moyen d'une poupée et d'un baigneur, posé sur le ventre de Christian qui gardait
les yeux fermés. Elle a trouvé un fœtus de sexe masculin, ce qui expliquait pour elle l'homosexualité
de son patient. Puis utilisation des mouvements oculaires pour évacuer les blocages.

Christian reste réservé sur cette hypothèse. Il a lu le livre des époux Austerman : effectivement, parmi
les symptômes évoqués, il peut prendre à son compte le fait d'avoir du mal à prendre sa place dans la
vie. Sentiment de solitude ? En fait, il dit aimer être seul de temps en temps. C'est surtout adolescent,
quand son père a perdu la vue, qu'il s'est senti seul, livré à lui-même, abandonné. Mais ce sentiment
d'abandon pourrait aussi être une mémoire familiale : sa mère n'a jamais connu son propre père,
étudiant chinois en France reparti dans son pays, avant la naissance de l’enfant.
Et Christian a un ami radiesthésiste qui ne confirme pas cette hypothèse, au moins pour la vie
présente.

Après les deux séances, Christian a participé à un stage sur le thème du couple. Et il a été au centre
d’une constellation, dans laquelle l’animateur a mis en scène la configuration familiale, avec le père de
Christian, sa mère, sa sœur et son neveu. Pas de présence du jumeau...

5.5.3 Commentaires.
Les deux cas exposés sont un peu antinomiques.

Mélanie ressent depuis longtemps un mal-être important, qui l’amène à suivre une thérapie sur
plusieurs années. La découverte d’un jumeau lui est apportée par une tierce personne, pour autant
cela résonne tout de suite en elle. Mais cette part de l'histoire de Mélanie qui remonte vient percuter

9
les croyances de sa thérapeute habituelle. Mélanie est suffisamment convaincue de la réalité de ce
vécu pour décider, alors même que son mal-être subsiste, de stopper sa relation avec la thérapeute
qui rejette cette hypothèse.

A l’inverse, Raymond n’est pas spécifiquement touché par l’annonce de l’existence d’un jumeau. Cette
annonce présentée par un tiers, comme pour Mélanie, ne fait pas vraiment écho en lui, même après
qu'il ait un peu exploré le sujet, sur un plan rationnel.

5.6 Psychologie biodynamique.


La psychologie biodynamique, fondée par la psychologue et physiothérapeuthe G. Boyesen, est une
approche qui prend en compte la personne dans sa globalité corps-énergie-esprit.
Elle se base sur l’existence en chacun de nous d’un « noyau sain », baptisé personnalité primaire et
doté de capacités d’autorégulation et d’auto-guérison face aux émotions perturbatrices. Ce n’est que
lorsque les dérèglements de la vie sont trop forts, souvent dès l’enfance, qu’une névrose se met en
place. Cette névrose, qui s’inscrit jusqu’au niveau organique (musculaire, tissulaire, viscéral), amène
le développement d’une personnalité dite secondaire, qu’on peut relier au concept de « caractères »
de W. Reich.

La thérapie biodynamique cherche à restaurer la capacité d’autorégulation de la personne afin qu’elle


retrouve son autonomie en lien avec une circulation libre de l’énergie de vie en elle.
Pour cela, cette thérapie a développé certains outils, notamment des massages spécifiques qui visent
au nettoyage des effets corporels de la névrose, en s’appuyant sur un mécanisme viscéral
d’ajustement que G. Boyesen a nommé le « psycho-péristaltisme ».
Ce processus s’inscrit dans le concept central de cycle émotionnel, qui décrit les changements
physiologiques qui s’opèrent chez un individu lors de la venue d’une émotion, de sa prise en compte
organique, puis de la disparition de ses effets suite au retour de conditions de calme. Dans un
contexte névrotique, de façon plus ou moins chronique ce cycle n’a pas pu se dérouler complètement,
et l’énergie associée reste contenue dans les tissus corporels.
Le rôle de la thérapie est de permettre une circulation de ces énergies jusqu’ici étouffées, et dont
l’émergence va se manifester de façon organique, ou sous forme de vieux souvenirs ou de poussées
émotionnelles. Le noyau sain de la personne se libère ainsi progressivement de ses constrictions, et
peut s’exprimer librement.

5.6.1 Cas de Stéphane.


Stéphane, la cinquantaine, célibataire sans enfants.
En 2004, il participe à un stage sur le thème du Père et de l’indépendance, dans le cadre de l’école de
psychologie biodynamique.
En cours de stage, un exercice est proposé, avec mise en scène pour connecter les parents idéaux.
L’objectif était d’effacer les contrats familiaux, ou de combler les manques par rapport aux parents
réels. Car en fait, les parents ne constituent pas une réalité objective : deux enfants d’une même fra-
trie n’ont pas la même relation à leurs parents. Le parent appartient à l’enfant et on peut considérer
que les parents physiques ne sont que des acteurs porteurs de l’archétype.

Stéphane choisit de mettre en scène les parents idéaux dans le cadre de sa naissance.
Après déroulement du scénario, il se retrouve bébé encadré par ses deux parents. L’animateur, qui
passe de groupes en groupes, souligne alors son air triste. Étonnant, avec un cadre « idéal » : où est
le manque ? Stéphane indique qu’il ressent effectivement un vide, et spontanément, il précise qu’il
manque son frère jumeau. Il aurait dû venir avec lui, le contrat avait été passé, mais il n’est pas là.
Quand le contrat était-il passé ? Avant la naissance. L’animateur place un coussin sur son côté pour
symboliser ce frère. Mais ça ne convient pas à Stéphane, qui souhaite un frère de chair et d’os, et
demande à ce qu’un stagiaire joue le rôle de ce jumeau. Puis Stéphane demande aux parents idéaux
de le rassurer, en énonçant clairement qu’il n’y a aucun souci matériel qui puisse constituer un
obstacle à la venue de deux enfants en même temps.

Au milieu du stage, journée de relâche pendant laquelle l’animateur suggère aux participants quelques
exercices à expérimenter librement. Stéphane accepte de partir en bande, avec les hommes du
groupe, et découvre que ce qui était important pour lui dans ce contexte était finalement de s’intégrer
à la fratrie.

10
Une anecdote : à la période du stage, Stéphane travaillait professionnellement avec un collègue qui a
partagé alors le fait qu’il avait un frère jumeau, né le premier. Mais lui-même n’avait pas été détecté
pendant la grossesse de sa mère (pas d’échographie systématique trente cinq ans en arrière), et donc
« pas attendu ». Surprise lors de l’accouchement...

5.6.2 Commentaires.
Pour Stéphane, la découverte d’un compagnon utérin a émergé de manière spontanée, sans induction
préalable. Stéphane ne connaissait pas les théories sur le jumeau perdu, et le thème du stage n’était
pas directement en lien avec cette thématique.

Cette découverte peut expliquer à Stéphane certains de ses modes de comportement.


Il a deux frères, un aîné, de vingt mois plus âgé, et un second plus jeune de onze ans. Enfant,
Stéphane était très dépendant de son frère aîné, qu’il a longtemps « collé ». Puis quand son jeune
frère est né, Stéphane s’est comporté comme une seconde mère pour lui, avec beaucoup de joie à la
clé. Plus tard, son jeune frère a traversé une période difficile, et un thérapeute a expliqué à Stéphane
que tout se passait comme s’il cherchait, sur un plan énergétique, à maintenir son frère à flot au risque
de couler lui-même.

Stéphane a toujours été solitaire, ayant du mal à trouver sa place au milieu des autres. Il a su plus
tard que quand il était enfant, son attitude déroutait oncles, tantes, cousins, au point que sa mère
trouvait que tous ces proches le laissaient de côté par rapport à son frère aîné.
A partir de l’adolescence, un fond un peu dépressif s’est installé, et Stéphane garde en mémoire la
réflexion d’une tante à l’occasion d’une soirée de mariage, où elle le trouvait triste au milieu de la
« liesse » générale (ce qu’il ne ressentait pas spécifiquement).

Adulte, Stéphane a été dans la quête d’un compagnon de vie qui lui ressemble, qui ait les mêmes
centres d’intérêts, avec qui la compréhension soit immédiate : le double parfait.
Il a aussi fait de l'accompagnement de fin de vie en structure hospitalière, dans le cadre de
l'association JALMALV. Et un des moteurs de sa démarche était de côtoyer la mort, comme pour
l'apprivoiser. On peut y voir un lien avec l'incompréhension du fœtus dont le jumeau traverse cette
étape majeure de la mort, et un essai de réparation pour un accompagnement qui n'a pas pu être
réalisé in-utéro.

Deux anecdotes enfin :


− grand ‘crack’ en orthographe étant jeune, Stéphane a commencé à buter spécifiquement en
écriture sur les doubles consonnes, après ses études
− plus tard, comme Stéphane n’a jamais connu ses grands parents paternels, il sentait comme un
« trou » dans son histoire, et il a entrepris de recueillir des témoignages sur eux pour combler ce
trou. Puis il a étendu son enquête à la branche maternelle. Première chose que lui a dite sa
mère : « Il y a eu des jumeaux dans la famille du côté de la grand-mère »…

6 Le jumeau né seul : un fantasme ?


Tous les témoignages précédents reposent sur un ressenti, qu’il vienne du thérapeute ou directement
de l’individu, et pas sur un fait clairement identifié pendant la grossesse.

Selon O. Soulier, médecin homéopathe et psychothérapeute (PNL, hypnose), « le jumeau perdu est
une des nouvelles mythologies de la psychothérapie alternative » [13]. Il met en avant le fait que les
données -qu'il qualifie d'objectives- de fréquence de jumeau perdu ne suivent pas le nombre de cas
trouvés en thérapie. Ainsi, il affirme que dans les années 80 on interprétait très fréquemment certains
aspects d'échographie comme un "jumeau évanescent", et le perfectionnement des techniques d'in-
vestigation a éclairé différemment la réalité. Ce qui est en contradiction avec les données du Dr Sarte-
ner, citées précédemment, ou celles d'un généticien américain, C.E. Boklage [2].

O. Soulier précise que parmi les signes décodés dans le sens de jumeaux perdus, de petits saigne-
ments de début de grossesse sont en fait souvent liés à des décollements placentaires, ou à des per-
sistances de règles en début de grossesse. Et au niveau psychologique, si « le traumatisme d'un ju-

11
meau objectivement perdu est parfois flagrant et terrible (...), a besoin d'être reconnu (...) inversement,
il n'est pas rare de voir des personnes ayant perdu un jumeau de façon prouvée par l'échographie et
n'en avoir aucune séquelle ».

Ainsi, le syndrome du jumeau perdu serait un peu utilisé comme la panacée en thérapie.
Pour autant, O. Soulier veut prendre en compte le fait est que beaucoup se retrouvent dans cette his-
toire de jumeau fantôme, du moins un temps et jusqu’à un certain point. Il avance deux pistes pour
comprendre « quelle est donc cette part de nous qui nous manque et dont l'évocation trouve réso-
nance en chacun de nous ».

Ressort d'abord l'hypothèse du placenta, moitié nourricière, lieu d'échanges avec l'extérieur, substitut
de l'immaturité du fœtus, abandonné après l’épreuve forte de l'accouchement.
Dans l'embryogenèse, le placenta correspond effectivement à une « émanation » de l'ovocyte, puis-
qu'il correspond à une différenciation spécifique et précoce de certaines de ses cellules, avant son im-
plantation dans l'endomètre de l'utérus.
Et il est un fait que le placenta est l'objet de croyances et le support de rituels dans certaines tradi-
tions. Ainsi, chez les aborigènes d'Australie, le placenta est posé un temps avec le nouveau-né sur le
ventre de la mère, avant la séparation. A Bali, le placenta est enterré avec une graine, et cet endroit
où pousse un arbrisseau devient sacré. Dans certaines ethnies d'Afrique, on considère qu'il y a tou-
jours deux enfants en début de grossesse, et que le deuxième s'efface au profit du premier, en se
transformant en placenta, pour permettre au premier de continuer la grossesse. Et là aussi, à la nais-
sance, il y a une cérémonie rituelle qui consiste à enterrer le placenta.

Seconde hypothèse : O. Soulier met en avant les processus de la vie dans lesquels la réalité de la
perte est inscrite, depuis l'extinction successive des espèces jusqu'au processus de reproduction chez
l'humain. 400 00 follicules ovariens immatures sont présents chez la jeune fille pré pubère, 400 seule-
ment deviendront matures pendant la période d'activité ovarienne, et un cinquième à un quart des
conceptions naturelles arrivent à terme. Comme si la vie nous transmettait cet enseignement fonda-
mental : perdre pour avancer. « Chaque abondance est une promesse de nombreux possibles, mais
pour qu'un vive, les autres doivent disparaître ».
Et de ce fait, « plus le cours de notre histoire a été émaillé de difficultés, de souffrances et de trauma-
tismes, plus les parts perdues nous semblent importantes, plus ce symbole du jumeau devient indis-
pensable. Témoin ou projection ? De conséquence il devient cause. Quand notre histoire prend un as-
pect d’amputation inutile ou impossible à vivre, alors ce besoin devient vital. Le jumeau serait la
charge de la cavalerie légère venant nous sauver de notre aliénation ».

On pourrait, dans la foulée, évoquer encore d'autres raisons à cette construction d'un jumeau.
Ainsi ce témoignage de Frédéric qui a mis à jour en séance l'existence d'un frère in-utéro, pouvant ex-
pliquer un malaise profond dont la racine semblait en grande partie liée à la période fœtale. Il a fait un
rituel de deuil dans la nature, travaillé plusieurs fois cette empreinte en thérapie. Et finalement, le
doute s'installe, et Frédéric se demande si ce « double » ne correspond pas en fait à une dissociation
de l'être, comme une « matérialisation » en images de ce clivage personnalité primaire/personnalité
secondaire, le vécu utérin étant d'emblée difficile pour l'âme en incarnation. Cette hypothèse est à rap-
procher de la ré interprétation du mythe de la caverne de Platon que fait C. Imbert dans son ouvrage.
« Platon parlerait-il (...) de la déchirure profonde se cristallisant au moment de l'incarnation, vécue
comme une séparation intérieure de l'âme, se sentant et se croyant aussi définitivement coupée de
son autre partie restée sur les plans de Lumière ».
Selon A. Danion-Grillat et ML. De Malliard, « le thème du double renvoie enfin au recul que l’homme
prend par rapport à lui-même, à la question de la conscience de sa propre ambivalence, (...) à l’âme,
au double vécu dans le réel. À l’extrême, dit C. Ulrich, 'le seul fait de se penser est un dédoublement
de l’être' ».

On peut aussi mettre en avant d'autres éclairages en lien avec la notion du double :
− le double qualifie une chose semblable à une autre, une réplique, une copie. Le monde du jumeau
peut-être vu comme la part narcissique en soi qu'il faut dépasser pour aller vers l'autre, la société.
Ou la quête de l'amour dans le couple idéal, l’image platonicienne de l’amour fusionnel, ...

− le qualificatif de double pour une personne peut aussi évoquer un comportement qui ne révèle
qu’un aspect des choses, avec la notion de duplicité. Et le jumeau mort peut correspondre à l'ex-
tériorisation de notre part d'ombre. A l'extrême, c'est par le meurtre du double en soi qu'un individu

12
accède à la possibilité de se dégager de ses pulsions agressives, ce qui renvoie à tous les conflits
entre jumeaux mythiques

− sur ce thème de la rivalité, on peut aussi voir le jumeau comme une symbolisation de la compéti-
tion dans la fratrie pour accéder à l'amour des parents, en lien avec la problématique de l'aîné dé-
trôné par son puiné alors vu comme un usurpateur. Et ramené au jumeau, s'exacerbe ensuite la
culpabilité d'avoir remporté la compétition, mais à quel prix.

7 Et si c'était vrai ?
Au delà des querelles de chiffres, il semble bien que la fréquence des grossesses gémellaires
interrompues précocement soit plus importante qu'on ne le pensait. Reste phylogénique en lien avec
un mécanisme biologique de survie de l'espèce ?
Et quand ce type de vécu est mis en avant par un très jeune enfant, il est plus difficile d'avancer
l’hypothèse d’une pure construction psychique.

Quoiqu'il en soit, dans les cas où cet événement a réellement eu lieu, il est primordial de prendre la
mesure des empreintes prénatales que cela peut induire chez l'individu.
Au niveau de la vie utérine, le docteur Sartener précise que « chez les fœtus qui ont atteint une
certaine taille, si un décès survient à partir du deuxième tiers de la grossesse, l'un ressent l'autre
d'office. Souvent, il évite le jumeau mort, se retire même entièrement dans l'utérus et ne bouge
presque plus pendant le restant de la grossesse ».

On connaît par ailleurs la souffrance de corps de sa sœur. Les battements du cœur de


certains enfants jumeaux lors d'une séparation sa petite sœur se sont stabilisés et sa
remettant en cause leur attachement. Une très température est redevenue normale. Au cours
belle illustration en est donnée par cette des semaines suivantes, sa santé s'est
histoire relatée dans un journal du améliorée.
Massachusetts, en 1995 [5].
L'article décrit la première semaine de vie de
petits jumeaux, un garçon et une fille, nés au
Massachusetts Memorial hospital. Les enfants
étaient chacun dans leur incubateur. Le petit
garçon commençait à prendre un peu de poids
pendant les jours suivant son arrivée, tandis
que la petite fille restait très faible et instable,
et son état inspirait le pire. Un jour où elle
pleurait beaucoup, la laissant haletante et la
face bleue, une infirmière du service de soins
intensifs a tout essayé pour la calmer : la
porter, la faire tenir à son papa. Elle s'est
rappelée alors d'un procédé utilisé en Europe.
Et en dépit du règlement de l'hôpital, elle a
finalement mis les deux jumeaux dans le
même incubateur. Alors le petit frère a
immédiatement passé son bras autour du

Dès les années soixante, Zazzo évoquait déjà une composante sensuelle qui potentialiserait
l’attachement entre jumeaux [14]. Or les études en psychologie expérimentale ou en embryologie ont
démontré les capacités sensorielles des fœtus et des nouveau-nés et leur sensibilité à un certain
nombre de stimuli mettant en jeu l’odorat, l’audition et la mémoire. Ces études ont mis en avant
l'importance des influences environnementales dans l'organisation cérébrale du futur petit homme,
mais aussi dans la constitution du lien mère/enfant. On peut alors extrapoler l'influence de ces
perceptions dans les rapports entre jumeaux.
En référence aux travaux de M. Emoto [8], on peut enfin s'interroger sur l'importance du milieu liquide,
le liquide amniotique dans lequel baignent les fœtus, dans la potentialisation des interactions
émotionnelles entre la mère et ses enfants et entre les deux jumeaux.

13
8 Sur la piste du jumeau perdu.

Partant de ces constats, les thérapies ont listé


un certain nombre de symptômes constitutifs
du « syndrome du jumeau perdu ». Ces
symptômes, évoqués par un patient, peuvent
inciter à se poser la question de l'existence
d'un jumeau mort in-utéro.

On peut citer :

− des signes objectifs comme un embryon fossilisé retrouvé dans le placenta, après
l'accouchement. Ou des signes plus subjectifs comme des saignements intervenus en cours de
grossesse

− des signes physiques pour l'individu : kystes qui peuvent correspondre à des tissus résiduels du
jumeau implantés dans le fœtus survivant. C. Imbert, qui est médecin, évoque aussi certaines
malformations comme un bec de lièvre, reste possible d'une fusion des ébauches embryonnaires
au niveau de la ligne médiane de la face [9] (le taux de malformations est plus élevé chez les
jumeaux que dans la population générale)

− des signes psychiques, en ne retenant que ceux qui sont majeurs

− une peur intense de la mort, sans que l'individu y ait été confronté par ailleurs dans sa vie
présente. Cela rappelle le cas de Mélanie, exposé précédemment
− une culpabilité, liée à la responsabilité présumée face au départ du jumeau. En biodynamique,
on souligne par ailleurs que la culpabilité permet d'éviter le deuil de la séparation
− la solitude, souvent mise en avant chez les jumeaux nés seuls, le sentiment d'être un peu
« extra-terrestre » parmi les autres, avec pour corollaire la difficulté à trouver sa place. Cela
amène souvent une autonomisation précoce, en lien avec la nécessité ressentie d'avoir à se
débrouiller seul face à l'adversité. Le témoignage de Philippe, recueilli sur internet [15], illustre
ce point : « je suis un demi-jumeau survivant. Je le 'conscientise' depuis peu, amoncellement
déferlant de paires de claques qui révèlent une marginalité peu banale, comme un abcès qui
vient à crevaison. La même tristesse et la même solitude nommées maintenant que l'on ne
sait pas nommer d'avant. J'ai 45 ans...et 45 ans de mal être derrière-moi »
− la tristesse, le manque de motivation dans la vie, la tentation inconsciente de rejoindre le
jumeau perdu
− la dévalorisation systématique, qui s'appuie sur une peur de sa propre puissance (vue comme
potentiellement destructrice). Et le pendant : la peur du jugement
− la mise en place de relations exclusives, pour reconstituer une « symbiose affective ». Ca
peut commencer chez le jeune enfant par le doudou inséparable, ou le compagnon
imaginaire. Dans une relation de couple, ça peut dériver vers une jalousie ancrée sur la
crainte de perdre l'autre
− à l'inverse, la difficulté à vivre en couple, par anticipation de la rupture
− la difficulté à avoir des enfants.

Il est clair que tous ces éléments, pris un par un, pourraient se rattacher à différents vécus, familiaux,
sociaux, transgénérationnels ou autres. A l’inverse le vécu de jumeau né seul, même objectivé, ne
peut être isolé d’autres facteurs et influences qui peuvent en augmenter ou diminuer les effets. La liste
précédente ne représente qu’un ensemble de marqueurs potentiels, à prendre comme tels.

14
En synthèse, le témoignage de Catherine, dans le livre de C. Imbert, est révélateur. Suite à la
remontée de mémoires gémellaires, elle évoque à propos de la croyance erronée de sa
responsabilité, la terreur de l'abandon, la honte par rapport à tout le monde et une profonde
dévalorisation. « Je ne devais pas en valoir la peine pour que les autres (fœtus) soient partis et en
plus j'étais coupable et pas aimable. Ma décision était de m'autodétruire et de mourir. Ma survie dans
la limitation pour me protéger fut d'idéaliser tous les autres, de rechercher la symbiose avec mes
proches et ne jamais rompre de relation, même si elles étaient 'mortes', car cela représentait alors
une trahison. Ne sachant ni rire, ni chanter, je me punissais aussi en travaillant dur et dégradant ma
santé, en étant parfaite, en faisant toujours plaisir et en étant conforme aux attentes. Je vivais comme
je dormais, recroquevillée pour prendre le moins de place possible, devenant de plus en plus
maigre ».

9 En thérapie.
9.1 Accueillir la situation
Il est important pour un thérapeute d'être au courant de ce type de vécu et de ses répercussions
possibles sur la psyché de l'individu. Le témoignage de Mélanie a parlé d'une partie de son histoire qui
vient percuter les croyances de sa thérapeute et celle-ci semble alors incapable d'accueillir
simplement le vécu émotionnel de sa cliente, quel qu'en soit le contenu. Cet exemple est extrême,
mais remet en évidence le rôle essentiel des croyances personnelles du thérapeute, susceptibles de
le parasiter, même inconsciemment.
Quand le thérapeute est sensibilisé au vécu d’un jumeau esseulé, c'est une piste qui peut ensuite être
envisagée, parmi d'autres ou lorsqu'il a épuisé différentes hypothèses en lien avec le vécu post-natal.
Cela permet au thérapeute d'être dans une situation d'écoute favorable à l'émergence, et à la mise en
mots ou images, par le client de son ressenti intérieur.

Face à un personne présentant cette mémoire, la reconnaissance de son histoire est fondamentale,
comme le met en avant Philippe, l'internaute déjà cité : « vous, si vous ne ressentez pas cela, vous ne
savez pas même imaginer ce qu'est notre manque, celui que toutes les cellules peuvent enfin
nommer parce qu'on vient de vous faire comprendre "bon sang mais c'est bien sûr"! (...) mais quelle
profondeur dans le ressenti. Blessant de ressentir l'entourage incrédule qui ne comprend pas la bête
de cirque..... affligeant de ne pas savoir comment se faire comprendre de cet entourage. La bête de
cirque ne parle pas le même langage, et pour cause, j'ai la voix mais pas la bouche. Y me manque un
morceau. Qui peut aider à consoler une pareille tristesse, que l'on ne voit pas parce qu'elle est
tellement honteuse qu'on la cache? ».

En psychologie biodynamique, on insiste beaucoup sur l’attitude du thérapeute.


Ainsi G. Boyesen indique que « le thérapeute doit simplement offrir une acceptation et un amour total
afin que le stimulus intérieur puisse se développer complètement et transformer l'être du patient. (…)
L'atmosphère qui va s'établir, c'est cela qui est important lors d'une thérapie : l'empathie, la tolérance
et la compréhension du thérapeute sont essentielles. » [3]

9.2 Comment ça « forge » le caractère


La présence d'un jumeau mort in-utéro peut également éclairer la mise en place de certains
caractères.
Ce qu'exprime Catherine, « recroquevillée » dans la vie, évoque le caractère schizoïde. Et c'est W.
Davis qui explique [7] que « c’est la même chose pour le fœtus ou le nouveau-né. Jusqu’à ce que
l’enfant puisse organiser sa musculature en mouvements coordonnés, il ne peut pas compter sur ces
systèmes – physique, musculaire - pour assurer sa défense. Sans la contraction plasmatique, et
jusqu’à ce qu’il puisse, physiquement, se mettre en retrait, détourner le regard ou s’enfuir, il est
totalement sans défense ». Et « chez l’adulte, les comportements psychiques et somatiques typiques
de l’état schizoïde découlent directement de cette contraction plasmatique précoce du temps où
l’enfant n’a pas d’autre mécanisme de défense ». Ainsi, ce traumatisme de la perte du jumeau, qui
provoque même l'immobilisme du fœtus quand le décès du jumeau est tardif, est un déclencheur
potentiel du système réactionnel qui signe le caractère schizoïde.

15
Ce qui peut amener les facettes telles que solitude, difficulté à faire confiance, se sentir étranger dans
un monde étrange, terreur, contact de type laser (il préfère l’exclusivité, l’intensité).

Pour autant, d'autres facettes peuvent évoquer des traits d'oralité. Ainsi la sensation de vide intérieur
ou le sentiment récurrent d'abandon. De même, l'autre est privilégié, mais pas par pur altruisme. En
fait c'est parce que le jumeau seul se dévalorise, ne sait pas prendre sa place, cherche à surprotéger
l'autre par compensation de ce qu'il a vécu, et fait tout pour éviter la rupture du contact.

En psychologie biodynamique, on évoque des profils d’individus qu’on peut mettre en parallèle avec
les caractères reichiens. Ainsi, en se référant à cette grille de lecture, le vécu de jumeau solitaire peut
amener :
- une fragilité telle qu’on la retrouve dans les profils "princesse au petit pois" et "fausse pierre",
- une sensibilité exacerbée et invalidante comme dans le profil "soleil troublé",
- ou à l’inverse une coupure des sensations (car trop éprouvantes dans la vie fœtale) comme dans
le profil "pierre".

9.3 Le Jumeau Thérapeutique.


Quand un thérapeute suspecte une mémoire de jumeau solitaire chez un client, se pose pour lui la
question d’évoquer cette hypothèse en séance.
G. Boyesen disait « je suis, en tant que thérapeute, simplement quelqu’un qui facilite la compréhen-
sion de la vie profonde : c’est toujours le patient qui explore et découvre ». Pour autant, on constate
dans le cas de Mélanie que l’évocation de la gémellité a été importante pour elle. Alors si le théra-
peute juge profitable d’en parler, il peut le faire comme on "tend une perche" à quelqu’un, sans y
mettre un caractère d’évidence. Le client, s’il sent que ça résonne en lui, va sans doute prendre cette
perche, et un travail peut s’amorcer sur ce thème.

Mais le thérapeute doit garder à l’esprit que le travail se fait sur un ressenti, un mal être cristallisé sur
une forme particulière : le jumeau perdu. Et c’est le ressenti, au-delà de la réalité des faits, qui est fon-
damental et a besoin d’être pris en compte. On pourrait faire un parallèle avec le travail d’un client
dans sa relation avec ses parents. Ce qui est en jeu, ce n’est pas le fait que les parents aient eu ou
non telle attitude, car les parents ne constituent pas une réalité objective. Ce qui est important, c’est la
façon dont l’enfant les a perçus, et ce qui en découle.

Dans un certain nombre de contextes, la problématique de l’induction du thérapeute est toujours à


considérer. J’ai connu le cas d’un jeune homme très fragile psychologiquement, qu’un thérapeute
avait convaincu d’attouchements de la part de son père. La réalité semblait autre, mais la nouvelle
avait un temps perturbé la relation familiale.
Sur ce point, G. Boyesen indique : « j’ai bien sûr mon interprétation, mais je ne l’exprime pas. Elle est
toujours confirmée par le patient, lorsqu’il saisit les éléments en lui et les unit dans son corps et sa
conscience ».

De son côté, O. Soulier prend le contrepied de cette problématique en proposant d'utiliser le jumeau
comme un outil au service de la thérapie, identifié comme tel ; un lieu de transfert sur lequel le client
va projeter et investir ce qu'il a besoin de se réapproprier.
« Faut-il remplacer un secret par une invention ? Autant le faire consciemment ! Quand vous avez
perdu quelque chose, le jumeau peut être la forme la plus efficace pour projeter ce sentiment de perte
et le guérir. Et là peut commencer un formidable jeu de rôle thérapeutique. Un pont entre le réel et la
réalité.
Et vous, votre jumeau, comment serait-il ? Comment l’imaginez-vous ? Quelles sont ses qualités, ses
expériences, ses difficultés etc ? Nous verrions alors se dessiner tant de parts de nous-mêmes proje-
tées en dehors, par difficulté de les vivre en dedans là où elles sont. Le jumeau est un peu le gardien
de ce paradis. Celui que nous devons quitter pour entrer dans l'expérience de la vie, perdre pour vivre
notre manque et le solutionner dans la création ».
Ce type de démarche est intéressant à explorer dans des cas tels que ceux de Raymond ou de Chris-
tian, où la réalité du jumeau était soit peu prégnante, soit sujette à caution. Mais je pense qu’elle est à
proscrire dans les cas de Mélanie ou de Philippe (l’internaute), car elle revient implicitement à une dé-
négation du ressenti de la personne.

16
9.4 Les outils.

9.4.1 Une démarche graduelle


L’émergence de la mémoire liée à un jumeau mort apporte pour un individu des compréhensions sur
ses modes de fonctionnement, mais ne permet pas en général de résoudre directement la
problématique associée. C’est ce que soulignait Bénédicte dans son témoignage.

G. Boyesen précise que « le retour du refoulé, des refoulés, doit en effet, selon notre point de vue, se
faire graduellement, par étapes, et être intégré à mesure. Il ne s’agit pas de pousser à la décharge, il
s’agit de laisser apparaître et se déplier ce qui est mûr. »

La réparation prend effectivement du temps, au moins pour les adultes, et passe par les deux
phases :
- intégration de la séparation, qui correspond au deuil du jumeau mort
- analyse des empreintes laissées par le trauma et travail psychothérapeutique pour les transmuer.
La première phase est à réaliser quand la réalité du vécu semble une évidence pour la personne. Tant
qu’il subsiste des interrogations, il peut être utile d’explorer plus avant le ressenti qui a émergé.
Quand la personne est prête, l’acceptation de la séparation peut se matérialiser par un acte
symbolique, un rituel ou une mise en scène. Le recours à la nature est souvent utilisé, parce qu’il n’y a
plus de trace tangible du jumeau : enfouissement d’un objet comme dans le cas de Mélanie, pose de
fleurs en un endroit choisi, petit mot confié à un ruisseau, …
Il est important de poser un acte, qui participe aussi à la reconnaissance explicite de la présence
-même éphémère - de ce jumeau. Cela permet d’enclencher le processus de deuil, et rejoint le "devoir
de sépulture" qu’incarnait Antigone, dans le mythe d’Œdipe. Comme le souligne C. Imbert, « dans les
pertes gémellaires, c’est une démarche importante pour libérer la présence de l’ombre de l’autre en
soi ».

La seconde phase rentre dans un cadre thérapeutique qui est propre à chaque méthode.
Dans le cas de Christian, le recours aux mouvements oculaires a été utilisé pour désactiver les
mémoires difficiles, comme en EMDR ou IMO (Intégration par les Mouvements Oculaires).
En sophro-analyse, le thérapeute remet son patient en situation, pour expérimenter les sensations lors
de la grossesse, et mettre en place de nouvelles compréhensions par un éclairage différent du vécu.

9.4.2 En biodynamique
Dans le cas de Stéphane, il n’avait pas fait de rituel après la mise au jour de cette mémoire de
jumeau. Mais il s’est fait rattraper par son histoire …
Stéphane faisait de manière récurrente des rêves de train, avec des tunnels, et des arrêts manqués.
Juste après un nouveau rêve, il décide de travailler dessus en thérapie biodynamique, et son
thérapeute lui propose de revisiter ce rêve. Allongé, Stéphane redécrit la scène. Il est dans un wagon,
accoudé à la fenêtre, le nez au vent. Arrive la station où il compte descendre. Il bondit jusqu’à la
porte : fermée. Il essaie d’ouvrir, mélange de panique et de colère. Puis le train arrive à la station
suivante, Stéphane descend, paumé, seul, ne sachant que faire.
On rembobine le « film ». Même scénario face à la porte. Que faire ? Stéphane sait en plus que
quelqu’un l’attend à la station. Il tire la sonnette d’alarme. Le contrôleur arrive. Rien n’est impossible
maintenant : Stéphane demande à descendre et qu’on lui affrète un taxi pour revenir à la station.
Arrivé là, Stéphane traverse le hall et retrouve la personne qui l’attend : son jumeau ! Ils s’étreignent.
Mais Stéphane sent comme si son jumeau était aspiré, et une sorte de cordon entre eux qui se rompt.
Qu’est-ce que Stéphane peut dire à son jumeau avant qu’il ne soit parti ? Qu’il l’aime, même si leurs
chemins sont différents.
Puis le thérapeute pose sa main sur le ventre de Stéphane. Un chagrin émerge, et Stéphane se voit
comme un fœtus dans le ventre d’un fœtus plus grand. Le thérapeute souligne qu’il est important de
prendre en compte le chagrin du fœtus, pour permettre le travail de deuil. Gros bruits de péristaltisme
dans le ventre, et Stéphane ressent une chaleur intense. Puis il se met sur le côté, et dit « maintenant,
j’accepte ».

17
La seconde phase citée précédemment a été intégrée pour Stéphane à son cheminement
thérapeutique global, et les empreintes sont remontées au fil du temps. Dernièrement, c’est la
culpabilité qui a émergé, dans le cadre d’un contexte professionnel stressant. A l’occasion de
dysfonctionnements sur un projet dans lequel il avait des responsabilités, s’est cristallisée une crainte
viscérale d’avoir mal fait et que la faute retombe sur lui.
Cela a connecté directement Stéphane à la mort de son jumeau et à la peur qu’on lui en impute la
responsabilité. Il avait décodé le fait que l’arrivée de deux bébés à la fois aurait été difficile pour sa
mère. Et le vécu professionnel vécu par Stéphane réactivait le fait qu’il avait endossé la responsabilité
du départ du jumeau, et la culpabilité associée, afin de protéger sa mère.
Cette empreinte a été travaillée en séance de thérapie, par le biais d’une mise en situation symbolique
de la période fœtale.

En psychologie biodynamique, la thérapie ne suit pas un cours déterminé ; celui-ci varie avec les
besoins individuels de la personne.
Pour autant, on peut évoquer différents outils que le thérapeute a le choix d’utiliser, avec un patient
pour lequel une mémoire de jumeau perdu remonte du tréfonds de l’inconscient. Car G. Boyesen
précise que « la thérapie biodynamique est plus particulièrement orientée vers le niveau
endodermique, (…) et les répressions profondes très anciennes ».

1. En premier lieu, on peut citer les massages, qui ont deux objectifs liés :
− dissoudre les effets organiques liés autant au stress de la situation initiale qu’à la répression
chronique mise en place pour éviter l’accès aux souvenirs traumatisants qui en résultent
− rouvrir la voie à l’énergie de vie. En effet, à la période fœtale où la vie s’incarne dans un
corps, la confrontation avec le processus inverse de la mort, vécue au travers du départ du
jumeau, a pu amener une coupure dans ce processus d’expansion de la vie jusqu’au niveau
cellulaire. Et l’énergie a tendance alors à se rétracter dans des endroits comme le sacrum, le
bassin, dans les os spongieux.

 Les massages de "bio-release". Ce sont des massages respectueux de la résistance de la personne.


Toute résistance est une protection nécessaire, mise en place par le patient pour sa survie, et ces
massages peuvent aider à faire fondre (« release ») progressivement toutes les tensions qui y sont
associées. Il y a alors un réajustement physique, émotionnel et psychique qui peut s'opérer.

Certains axes sont aussi à privilégier. Pour nourrir l’âme, des impressions sont nécessaires qui
passent d’abord par les 5 sens. Pour un jumeau seul, ces sens ont été les premiers vecteurs de la
réalité de la mort du frère in-utéro. Il peut ensuite être nécessaire d’aider la personne à se les
réapproprier dans un cadre apaisé.
Dans ce contexte, la "douche énérgétique" est un massage debout, qui combine différents types de
touchers : frottements, tapotements, pétrissages, avec la paume de la main, les doigts en griffe, …
Des exercices ludiques peuvent aussi être utilisés, qui sollicitent les différents sens et permettent de
réveiller la joie chez une personne confrontée à un drame profond dès le début de sa vie.

 Les massages sur les différents niveaux de profondeur sont à utiliser dans un second temps, lorsque
la personne commence à être ouverte à ses sensations.

Le massage des os permet de renforcer la structure et l'autonomie de la personne, de la connecter à


son énergie vitale dans les profondeurs de l’être, à l'existence. L’os ramène à la stabilité. Ce type de
massage est fondamental pour les jumeaux seuls, confrontés très tôt à une interrogation sur le droit
d'exister.
Le massage en "basic touch", en connectant les contours, les attaches et la masse musculaire,
permet développer la conscience corporelle, de conforter le Moi et de le clarifier (notion de limites
claires).

2. Ensuite, quand la confiance est installée avec le thérapeute, et qu’un premier niveau de sécurité est
atteint, on peut aborder une technique comme la végétothérapie.
Introduite par W. Reich et reprise par G. Boyesen, elle consiste à laisser "parler" le système neuro-
végétatif par lequel se manifestent les émotions, en encourageant l’émergence de stimuli internes.
La qualité de présence du thérapeute est primordiale, pour donner son espace au client. G. Boyesen
souligne que « le thérapeute doit simplement offrir une acceptation et un amour total afin que le
stimulus intérieur puisse se développer complètement et transformer l'être du patient. »

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Cet outil est à utiliser seulement quand le jumeau seul est prêt, car l’attitude très neutre du
thérapeute peut réactiver la sensation de vide et de solitude vécue par le fœtus.

3. Un travail de "reparentage" est à envisager, spécifiquement pour le lien avec la mère.


Dans son travail, le thérapeute doit aussi être conscient que le vécu de jumeau seul peut perturber
certaines représentations ou les accentuer.
Ainsi, la mère est normalement associée au confort pour un enfant. Mais si la période fœtale a été
difficile par la perte du jumeau, cela peut brouiller la représentation maternelle de l’enfant, dissociée
de cette image de confort et de sécurité intérieure, quelque soit la réalité extérieure.

4- On pourrait citer d’autres outils comme le “deep draining", ou le travail sur les rêves évoqué dans
l’exemple de Stéphane. Mais quelque soient ces outils, c’est l’intention sous-jacente qui est
primordiale. G. Boyesen indiquait « nous utilisons actuellement dans notre thérapie toutes les
méthodes possibles du nouveau courant psychothérapeutique, mais nous les utilisons de manière
biodynamique, c’est-à-dire que le thérapeute doit être très pur et n’imposer aucune de ses
conceptions ni aucun de ses jugements. »

10 Conclusion.
A propos du jumeau fantôme, C. Imbert parle de « révolutionner la psychologie en plaçant le
décodage des deuils gémellaires au centre de la problématique de la majorité des humains ». Sans
verser dans un tel dithyrambisme, il m’apparaît important de sensibiliser les thérapeutes à ce type de
vécu.

Le phénomène toucherait 15% de la population selon Boklage, 8 % selon Sartener ou moins selon
Soulier. Il est clair que les progrès de la procréation assistée, avec implantation de plusieurs ovocytes
pour augmenter les chances de nidification suivie d’une réduction embryonnaire, peuvent également
créer une nouvelle forme peu étudiée de ce syndrome.

Mais les chiffres ne constituent pas la facette la plus importante du phénomène. Il est clair qu’un
nombre non négligeable de personnes en thérapie semble se retrouver dans ce type de vécu. Cette
recherche vitale de quelque chose d’impalpable pourrait très bien se raccrocher à la thématique de la
« quête du paradis perdu », mais déclinée sous la forme d’une relation entière, idéale et exclusive.
Qu’elle soit réelle ou fantasmée, cette part de l’histoire de l’individu est à accueillir avec l’empathie
totale du thérapeute, et à utiliser comme révélateur et point de cristallisation du mal-être de la
personne. Et quelque soient les croyances du thérapeute, celui-ci ne doit pas oublier que la vie prend
des détours parfois surprenants. Son objectif final, dans son rôle d’accoucheur comme le qualifie G.
Boyesen, est d’aider la personne à transformer ce qui paraît être un handicap en une ressource et une
force.

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11 Références.
Textes

1. Austermann A.R. et B. Le syndrome du jumeau perdu. Le souffle d'or, 2007

2 .Boklage C.E. Multiple pregnancy : epidemiology, gestation and perinatal outcome. Parthenon Publ.,
1995

3. Boyesen G. Entre Psyché et Soma. Ed. Payot, 1997

4. Chamberlain D. Babies remember birth. JP Tercher Inc, 1988

5. Christo C. Article et photo sur les jumeaux du Massachusetts. Worcester Telegram & Gazette, 1995

6. Danion-Grillat A.- de Malliard M.L. Les vrais jumeaux, représentations et psychologie. Revue
Médecine de la reproduction, vol 8 n°4, 2006

7. Davis W. Les fondements biologiques de la formation du caractère schizoïde. (?)

8. Emoto M. L’eau, mémoire de nos émotions. Editions Trédaniel, 2006.

9. Imbert C. Un seul être vous manque ... auriez-vous eu un jumeau ? Ed. Visualisation holistique,
2004

10. Meurant A. Quelques facettes de la gémellité dans les légendes de l’Italie primitive. FEC 1, n°1,
2001

11. Radin P. Hero cycles of the Winnebago. Indiana University Publ., 1948

12. Saucin J. Les archétypes psychosociaux. IHECS, 2000

13. Soulier O. Vous avez dit jumeau ? Revue Réel, n°117, 2008

14. Zazzo R. Les jumeaux, le couple et la personne. PUF, 1986

15. Blog http://trinouland.over-blog.com. 2009

Illustrations

Chereau, Deligne Dessins dans la revue Alternative Santé-L’impatient

Duval E. Jumeau peint. Dessin sur commande

Hergé Tintin - Objectif lune. Casterman

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12 Annexe.

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