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7-042-A-15

Encyclopédie Médico-Chirurgicale 7-042-A-15

Étiologie des thromboses hépatiques


et portales
B Condat
D Valla

Résumé. – Les causes des thromboses de la veine porte ou des veines hépatiques sont souvent
multifactorielles, par exemple une cause locale et une affection prothrombotique en cas de thrombose de la
veine porte, ou une combinaison d’affections prothrombotiques en cas de thrombose des veines hépatiques. À
l’exclusion des cancers, le syndrome myéloprolifératif est la cause la plus fréquente de la thrombose de la
veine porte ou des veines hépatiques.
© 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : thrombose des veines hépatiques, thrombose de la veine porte, affections prothrombotiques,
syndrome myéloprolifératif, syndrome de Budd-Chiari.

Introduction Tableau I. – Étiologie des obstructions de la veine porte.

Le rôle des diverses affections prothrombotiques varie en fonction Causes fréquentes


du site de la thrombose sans que l’on en connaisse la raison. Régionales
Les deux exemples les plus flagrants sont : Carcinome hépatocellulaire
Cirrhose avec insuffisance hépatocellulaire
– l’hémoglobinurie paroxystique nocturne, qui n’est quasiment Adénocarcinome pancréatique
jamais responsable de thrombose de la veine porte, alors que cette Pyléphlébites septiques
affection n’est pas exceptionnelle en cas de thrombose des veines Chirurgie sus-mésocolique
hépatiques ; Générales
Syndrome myéloprolifératif classique
– le facteur V de Leyden, associé à 5 % des cas de thrombose de la Syndrome myéloprolifératif occulte
veine porte [13], soit le même taux que la population générale, 23 % Syndrome des antiphospholipides
des cas de thrombose des veines hépatiques sans thrombose de la Mutation du gène du facteur II
Déficit congénital en protéine S
veine cave inférieure et 73 % des cas de thrombose de la veine cave
inférieure dans sa portion sus-hépatique [12]. Causes rares

Régionales
Cirrhose sans carcinome hépatocellulaire ni insuffisance hépatique
Thrombose de la veine porte Métastases hépatiques
Cholangiocarcinome
Traumatismes abdominaux
Un facteur étiologique est actuellement mis en évidence dans près
Transplantation hépatique
de 80 % des cas [13]. Les causes d’obstruction de la veine porte sont Hépatite à cytomégalovirus
résumées dans le tableau I. Les causes les plus fréquentes, à évoquer Maladie de Crohn et rectocolite hémorragique
d’emblée, sont le carcinome hépatocellulaire et l’adénocarcinome Tuberculose ganglionnaire intra-abdominale
pancréatique. En l’absence de pathologie néoplasique avérée, il faut Générales
rechercher des arguments en faveur d’une cirrhose, d’une cause Facteur V de Leyden
locale et d’une affection prothrombotique. Déficits congénitaux en antithrombine III et protéine C
Hémoglobinurie paroxystique nocturne
Syndrome néphrotique
Maladie de Behçet
CIRRHOSE
Afibrinogénémie
Le diagnostic de cirrhose n’est pas toujours facile car la thrombose Hyperhomocystéinémie
de la veine porte, à elle seule, peut être responsable de dysmorphie
Facteurs favorisants
hépatique, de diminution du taux de prothrombine et du facteur V -
par consommation de facteurs de coagulation et peut-être par Œstroprogestatifs
Grossesse
Splénectomie

Bertrand Condat : Médecin adjoint, service d’hépato-gastro-entérologie, hôpital Saint-Camille, 2, rue des hypersplénisme - et de toutes les manifestations liées à
Pères-Camilliens, 94360 Bry-sur-Marne, France, et service d’hépatologie, hôpital Beaujon .
Dominique Valla : Professeur des Universités, praticien hospitalier.
l’hypertension portale. En cas de doute, la biopsie hépatique est
Service d’hépatologie, hôpital Beaujon, 100, boulevard du Général-Leclerc, 92110 Clichy, France. nécessaire, la voie transveineuse permettant d’associer la mesure du

Toute référence à cet article doit porter la mention : Condat B et Valla D. Étiologie des thromboses hépatiques et portales. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Hépatologie,
7-042-A-15, 2002, 5 p.
7-042-A-15 Étiologie des thromboses hépatiques et portales Hépatologie

gradient de pression hépatique et donc de donner des arguments occultes ou frustes dont le diagnostic a été porté grâce à la mise en
supplémentaires pour affirmer ou infirmer le diagnostic de bloc évidence de colonies érythroblastiques spontanées lors de la culture
intrahépatique associé. Lorsque la thrombose de la veine porte des précurseurs médullaires, il existe d’autres anomalies évocatrices
accompagne une cirrhose et qu’un carcinome hépatocellulaire a été de syndromes myéloprolifératifs : taux de plaquettes non diminué
formellement éliminé, deux cas de figure sont possibles : chez un patient atteint d’une très importante splénomégalie, biopsie
de moelle révélant une dystrophie mégacaryocytaire ou une
– il n’y a pas ou peu d’insuffisance hépatique : une enquête
hyperplasie des lignées cellulaires, biopsie hépatique révélant une
étiologique complète doit alors être effectuée. En effet, une
métaplasie myéloïde.
thrombose de la veine porte n’est mise en évidence que dans moins
de 1 % des cas de cirrhose sans insuffisance hépatique [22] et une ou Le syndrome des antiphospholipides associe des épisodes récidivants
plusieurs affections prothrombotiques héréditaires (facteur V de de thrombose veineuse ou artérielle, de fausse couche spontanée,
Leyden, mutation du gène de la prothrombine ou mutation plus rarement une thrombopénie, et la présence d’anticoagulant
homozygote du gène de la méthyltétrahydrofolate réductase circulant de type antiprothrombinase ou d’anticorps anticar-
[MTHFR]) sont mises en évidence chez 70 % des patients atteints de diolipine [15]. Ce syndrome peut être associé à diverses maladies
cirrhose et de thrombose de la veine porte [2] ; (lupus érythémateux disséminé, polyarthrite rhumatoïde, maladie
de Horton, syndrome de Sjögren...). Il est alors considéré comme
– il existe une atrophie hépatique avec insuffisance hépatique sévère secondaire. En l’absence de maladie associée, il est considéré comme
et stagnation du flux portal : les thromboses partielles de la veine
primaire. Le risque thrombotique, associé à la découverte d’un
porte sont alors fréquentes, peu spécifiques, et une enquête
anticorps anticardiolipine en dehors du syndrome des
étiologique n’est pas nécessaire.
antiphospholipides, doit être nuancé. Il peut s’agir d’anticorps
anticardiolipine fugaces, concomitants d’un épisode infectieux
CAUSES LOCALES (varicelle, paludisme, hépatite C, syphilis, infection à virus de
l’immunodéficience humaine [VIH]...) ou associés à certains
Les facteurs locaux les plus fréquents sont les foyers septiques intra- médicaments (phénothiazines, quinidiniques...) et généralement
abdominaux (qui conduisent à une pyléphlébite septique), les dépourvus de risque thrombotique. La présence d’anticorps
traumatismes de la veine porte (notamment lors de la chirurgie anticardiolipine persistants, à titre élevé, de type immunoglobulines
biliaire), la splénectomie pour syndrome myéloprolifératif ou anémie (Ig)G, sont des arguments en faveur d’un risque plus fort de
hémolytique, les affections pancréatiques et les adénopathies du thrombose récidivante. Le syndrome des antiphospholipides
pédicule hépatique dues à la tuberculose [3, 38]. apparaît comme un facteur fréquent de thrombose de la veine porte
Une pyléphlébite septique correspond à la présence de matériel [7, 13]
.
purulent dans la veine porte. Il s’agit d’une affection rare mais grave.
Les déficits familiaux en inhibiteur de la coagulation (antithrombine III,
La pyléphlébite septique est associée le plus souvent à une
protéine C et surtout protéine S) sont également une cause
thrombophlébite d’un des affluents de la veine porte, phlébite
importante de thrombose de la veine porte [19, 38, 39]. Ces déficits ne
constituée au contact d’un foyer infectieux intra-abdominal. Il s’agit
sont compatibles avec la vie postnatale qu’à l’état hétérozygote, où
donc d’une variété très particulière de thrombose de la veine porte.
la concentration de la protéine fonctionnelle est voisine de 50 % de
Les pyléphlébites septiques sont la cause de près de 50 % des cas de
la normale. Des complications thromboemboliques se développent
thromboses de la veine porte extrahépatiques de l’enfant et de 10 à
chez la moitié des hétérozygotes. Le seul indice fiable de déficit en
25 % des cas de l’adulte [38]. Chez l’enfant, la pyléphlébite septique
est habituellement consécutive à une infection ombilicale néonatale protéine S est la diminution de la concentration de la forme libre,
ou à une canulation septique de la veine ombilicale [38]. Chez l’adulte, car la concentration globale est influencée par la forme liée à la C4
les principales causes de pyléphlébite sont l’appendicite, la binding protein ; cette forme liée n’est pas fonctionnelle. Le résultat
sigmoïdite et les infections biliaires [3, 38]. Les septicémies à Bacteroides du dosage d’antithrombine III est affecté par un traitement par
fragilis sont très fréquemment associées à une pyléphlébite, ce qui héparine, et celui de protéine C et de protéine S par un traitement
justifie la recherche systématique de cette complication au cours des par antagoniste de la vitamine K. En effet, ces agents diminuent les
septicémies à Bacteroides fragilis [30]. concentrations respectives de ces protéines. Il n’est pas certain que
les déficits secondaires à une insuffisance hépatique ou à un
D’une façon générale, en l’absence de carcinome hépatocellulaire et syndrome néphrotique augmentent le risque de thrombose. Enfin, le
d’adénocarcinome pancréatique, une thrombose de la veine porte
caractère héréditaire du déficit ne peut actuellement être étayé que
ne se constitue que lorsqu’une ou plusieurs affections thrombogènes
par une étude de la famille puisqu’un test moléculaire n’est pas
générales sont présentes, même s’il existe un facteur local de
encore disponible en raison du nombre élevé de mutations possibles.
thrombose [ 1 3 ] . Ce facteur ne constitue alors que l’élément
déclenchant ou localisateur du processus prothrombotique plus Le facteur V de Leyden correspond à une mutation ponctuelle,
diffus. unique, du gène du facteur V [5]. Le facteur V muté est moins
sensible à la dégradation par la protéine C activée. Le résultat en est
une génération excessive de thrombine, facteur de risque de
AFFECTIONS PROTHROMBOTIQUES thrombose. La mutation est présente chez 5 % de la population
Une ou plusieurs affections prothrombotiques sont mises en générale et chez 15 à 46 % des patients atteints de maladie
évidence dans près de 70 % des cas [8, 32]. Il peut s’agir d’états thromboembolique récidivante [1]. En cas de thrombose de la veine
prothrombotiques héréditaires et d’états prothrombotiques acquis porte, la place de cette anomalie semble minime, avec un taux
(syndromes myéloprolifératifs et syndrome des antiphospholipides). proche de celui de la population générale, situé aux alentours de
5 % [13, 18].
Les syndromes myéloprolifératifs représentent la première cause de
thrombose de la veine porte d’origine extrahépatique (aux alentours La mutation du gène de la prothrombine (facteur II) semble
d’un tiers des cas) [13, 32]. À côté des formes classiques de syndrome fréquemment impliquée en cas de thrombose de la veine porte. Il
myéloprolifératif, il existe des syndromes myéloprolifératifs occultes s’agit de la substitution de la guanosine en position 20210 par une
ou frustes sans anomalie évocatrice du sang périphérique. En effet, adénosine [9, 25]. Elle a été mise en évidence chez 2,3 % des sujets
les anomalies du sang périphérique sont souvent masquées par la d’un groupe témoin et chez 18 % des patients ayant des antécédents
carence martiale, l’hémodilution et l’hypersplénisme [17] . Le personnels et familiaux de thrombose. Récemment, la mutation a
diagnostic peut alors être fait par la mise en évidence de colonies été mise en évidence chez quatre patients atteints de thrombose de
érythroblastiques spontanées lors de la culture des précurseurs la veine porte sur 20 (20 %) [9]. Cette mutation est responsable d’une
médullaires sur milieu pauvre en érythropoïétine [17, 32]. Chez la élévation du taux plasmatique de prothrombine, à l’origine de l’état
majorité des patients atteints de syndromes myéloprolifératifs d’hypercoagulabilité [25].

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Hépatologie Étiologie des thromboses hépatiques et portales 7-042-A-15

THROMBOSE DES VEINES HÉPATIQUES


Tableau II. – Étiologie des obstructions des veines hépatiques et de la ET DE LA VEINE CAVE INFÉRIEURE DANS SA PORTION
veine cave inférieure dans sa portion sus-hépatique. SUS-HÉPATIQUE

Causes fréquentes La thrombose des veines hépatiques est associée dans la grande
majorité des cas à une ou plusieurs affections et états
Thrombose des veines hépatiques et de la veine cave inférieure dans sa portion sus-
hépatique
prothrombotiques. Les types d’affections prothrombotiques diffèrent
Syndrome myéloprolifératif classique peu de ceux décrits en cas de thrombose de la veine porte mais avec
Syndrome myéloprolifératif occulte d’importantes différences de prévalence.
Facteur V de Leyden Les syndromes myéloprolifératifs classiques et occultes sont encore
Syndrome des antiphospholipides
Déficit congénital en protéine C
plus fréquents qu’en cas de thrombose de la veine porte. En effet,
Hémoglobinurie paroxystique nocturne plusieurs études prospectives ont rapporté que la cause des
Maladie de Behçet thromboses des veines hépatiques est un syndrome myéloprolifératif
Invasion tumorale endoluminale dans près de deux tiers des cas [11, 21]. En dehors du caractère
Cancer du rein fréquemment occulte, une autre caractéristique particulière du
Carcinome hépatocellulaire syndrome myéloprolifératif en cas de syndrome de Budd-Chiari est
Membrane cave
qu’il survient chez des femmes jeunes et non chez des hommes de
Causes rares plus de 50 ans comme cela est habituel [33].
Thrombose des veines hépatiques Plusieurs études rapportent un taux de près de 20 % de syndrome
Déficits congénitaux en antithrombine III et protéine S des antiphospholipides, le plus souvent primitif, en cas de thrombose
Mutation du gène du facteur II des veines hépatiques [13, 24]. Cette affection a même été considérée
Hyperhomocystéinémie comme la deuxième cause de thrombose des veines hépatiques,
Invasion tumorale endoluminale
avant que ne soit découvert le facteur V de Leyden [24].
Léiomyosarcone de la veine cave inférieure
Myosarcome de l’oreillette droite L’hémoglobinurie paroxystique nocturne est une affection
Compression extrinsèque exceptionnelle qui se complique très souvent, pour des raisons
Kyste hydatique inconnues, de thrombose des veines hépatiques [27]. Il s’agit d’une
Abcès amibien et à pyogène
pathologie clonale acquise des globules rouges. Les anomalies
Polykystose hépatorénale
Anévrisme aortique hématologiques caractéristiques peuvent être absentes lors de la
Hématome intrahépatique découverte de la thrombose des veines hépatiques. Les
manifestations et le pronostic dépendent de la localisation de la
Facteurs favorisants thrombose des veines hépatiques : manifestations absentes ou
Œstroprogestatifs transitoires quand la thrombose est limitée à quelques petites veines
Grossesse hépatiques ; ascite d’évolution chronique en cas d’obstruction
partielle des principales veines hépatiques ; évolution fatale en cas
d’obstruction totale des principales veines hépatiques [35]. Dans
L’hyperhomocystéinémie est un facteur de risque indépendant de d’autres cas, le pronostic dépend de la gravité et de l’évolution de la
thromboses artérielles et veineuses. L’hyperhomocystéinémie maladie hématologique.
pourrait être responsable de lésions endothéliales de peroxydation Le diagnostic des déficits familiaux en inhibiteurs de la coagulation
consécutives à une réduction de la glutathion peroxydase à la (antithrombine III, protéine C et protéine S) est difficile quand il
surface de l’endothélium vasculaire. L’élévation de l’homo- existe une maladie du foie potentiellement responsable d’une
cystéinémie est, soit d’origine nutritionnelle, soit d’origine diminution de l’ensemble des facteurs de coagulation. C’est
génétique. L’anomalie génétique la plus fréquente est la mutation probablement la raison pour laquelle ces affections ont très rarement
homozygote C677T du gène codant la MTHFR, enzyme du été décrites en cas de thrombose des veines hépatiques. Denninger
métabolisme de l’homocystéine. Il s’ensuit une diminution d’activité et al ont recherché ces déficits chez 16 patients ne présentant pas de
de cette enzyme, responsable d’une hyperhomocystéinémie. Cette diminution des autres facteurs de la coagulation et ont mis en
mutation est présente à l’état homozygote chez 14 à 15 % de la évidence un déficit isolé en protéine C dans quatre cas (25 %), en
population générale et dans 12,8 % des cas de thrombose de la veine protéine S dans un cas (6 %) et en antithrombine III dans aucun
porte ; son rôle étiologique est donc probablement minime. cas [13].
Une combinaison de deux ou plus affections prothrombotiques est Le facteur V de Leyden, à la différence de la thrombose de la veine
mise en évidence dans 14 % des cas de thrombose de la veine porte, est une cause fréquente de thrombose des veines hépatiques,
porte [13]. mise en évidence dans 31 % des cas [12]. En comparaison avec les
patients indemnes de facteur V de Leyden, les patients présentent
plus souvent une combinaison de plusieurs affections
prothrombotiques (70 % versus 14 %) et une thrombose de la portion
Obstruction des veines hépatiques sus-hépatique de la veine cave inférieure (40 % versus 7 %). De plus,
et de la veine cave inférieure la majorité des cas de nécrose ischémique massive sont associés à la
présence de facteur V de Leyden. Enfin, les thromboses des veines
dans sa portion sus-hépatique hépatiques au cours de la grossesse semblent se constituer surtout
en cas de facteur V de Leyden [12].
L’obstruction primitive des veines hépatiques par une thrombose
Le rôle de la mutation du gène de la prothrombine (facteur II), dont
constitue trois quarts des causes d’obstruction des veines hépatiques
une prévalence de 6 % a été rapportée [13], semble moins important
dans les pays occidentaux. Ces thromboses sont associées à des que celui du facteur V de Leyden en cas de thrombose des veines
affections prothrombotiques dans la majorité des cas. Les autres hépatiques.
causes d’obstruction des veines hépatiques et de la veine cave
inférieure dans sa portion sus-hépatique sont les compressions La mutation homozygote de la MTHFR n’est pas plus fréquente en cas
extrinsèques, les invasions endoluminales tumorales et les de thrombose des veines hépatiques que dans la population
obstructions membraneuses de la veine cave inférieure (membrane générale [13].
cave). Les causes de thrombose des veines hépatiques sont Une combinaison de deux ou plus affections prothrombotiques est
rapportées dans le tableau II. Un facteur étiologique est actuellement mise en évidence dans 28 % des cas de thrombose des veines
mis en évidence dans plus de 90 % des cas [13]. hépatiques [13].

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7-042-A-15 Étiologie des thromboses hépatiques et portales Hépatologie

La maladie de Behçet est la cause de l’obstacle au drainage veineux caudale de la veine cave inférieure. Le sang de la veine cave
dans 6 % des cas. Dans 90 % des cas, il existe une thrombose cave. inférieure retourne à l’oreillette droite par de grosses veines
Dans plus de la moitié des cas, la présentation clinique est aiguë ou collatérales lombaires et azygos. Une origine congénitale a été
rapidement progressive, accompagnée d’une insuffisance longtemps proposée mais paraît peu vraisemblable pour expliquer
hépatocellulaire. Cette présentation aiguë correspond probablement des lésions dont les formes anatomiques sont très variables.
à l’extension d’une thrombose cave jusqu’à l’ostium des veines L’hypothèse de la transformation d’un thrombus en une membrane
hépatiques dont l’obstruction est alors brutale [6]. est plus probable.
De nombreux cas de thrombose des veines hépatiques au cours de En effet un cas d’évolution d’une thrombose cave en une membrane
la grossesse ou du post-partum ont été rapportés. Une affection a été rapporté chez un patient en association avec un anticoagulant
prothrombotique est généralement mise en évidence, le plus souvent circulant de type lupique [29] ; les caractéristiques histologiques de
le facteur V de Leyden [12]. La raison pour laquelle les veines l’obstruction membraneuse suggèrent fortement une origine
hépatiques sont lésées chez les femmes enceintes n’est pas bien thrombotique ; enfin, la membrane cave est fréquemment associée à
connue. Une hypothèse est que des traumatismes des veines une affection prothrombotique [29].
hépatiques ou de la portion terminale de la veine cave inférieure
surviennent durant la délivrance, lors des efforts de contraction
abdominale et des mouvements respiratoires profonds par • La cause de l’obstruction des veines porte et hépatiques est mise
compression des veines contre le diaphragme [36]. en évidence dans plus de 80 % des cas.
La contraception orale peut favoriser la constitution de thrombose • La recherche de syndrome myéloprolifératif classique et occulte
des veines hépatiques en exacerbant le potentiel thrombogène d’une par la mise en évidence de colonies érythroblastiques
affection prothrombotique sous-jacente [37]. spontanées lors de la culture des précurseurs médullaires sur
La thrombose des veines hépatiques, à la différence de la thrombose milieu pauvre en érythropoïétine doit être systématique en cas
de la veine porte, est très rarement associée à une cause de thrombose portale et hépatique. En effet, il s’agit de la
déclenchante locale [13]. cause d’un tiers des thromboses de la veine porte et de deux
tiers des thromboses des veines hépatiques, et le syndrome
COMPRESSION EXTRINSÈQUE myéloprolifératif nécessite souvent un traitement spécifique.
• En dehors du syndrome myéloprolifératif, les facteurs
Il s’agit d’une cause très rare d’obstruction des veines hépatiques en
étiologiques principaux d’obstruction de la veine porte non liée
Occident. L’obstruction est plus souvent secondaire à la compression
à un cancer ou à une cirrhose sont le syndrome des
par un processus infectieux avec « effet de masse » que par une
tumeur maligne ou bénigne. En cas d’abcès amibien ou à pyogène, antiphospholipides, le déficit en protéine S et la mutation du
l’inflammation systémique ou locale peut contribuer à la formation gène de la prothrombine. Les facteurs étiologiques principaux
d’une thrombose des veines hépatiques. En cas de kyste hydatique d’obstruction des veines hépatiques et de la portion sus-
dû à Echinococcus granulosus, il existe une compression par des hépatique de la veine cave inférieure en dehors du cancer du
kystes parasitaires, soit de grande taille, soit multiples [16]. En cas rein et du carcinome hépatocellulaire sont le facteur V de
d’échinococcose alvéolaire, l’invasion directe de la veine hépatique Leyden, le syndrome des antiphospholipides, l’hémoglobinurie
par Echinococcus multilocularis peut contribuer à l’obstruction des paroxystique nocturne et le déficit en protéine C.
veines hépatiques. Dans la polykystose hépatorénale, de très gros • En cas de thrombose de la veine porte, la découverte d’une
kystes compressifs ou infectés peuvent être responsables cause locale ne doit pas faire surseoir à la recherche d’une
d’obstruction des veines hépatiques [31]. affection prothrombotique, car elle est présente dans 70 %
des cas.
INVASION TUMORALE ENDOLUMINALE DES VEINES
• Il existe une association de deux ou plus affections ou état
HÉPATIQUES ET DE LA VEINE CAVE INFÉRIEURE prothrombotique dans 14 % des cas de thrombose de la veine
porte et dans 28 % des cas de thrombose des veines hépatiques
L’invasion tumorale endoluminale des veines hépatiques et de la
veine cave inférieure est caractéristique des cancers qui ont tendance alors que le taux attendu d’affection ou état prothrombotique
à progresser vers leur territoire de drainage veineux : cancer rénal [4], multiple dans la population générale saine est de 0,5 %.
carcinome hépatocellulaire [20], léiomyosarcome de la veine cave
inférieure, corticosurrénalome malin. Quelle que soit la tumeur en
cause, cet envahissement veineux endocave ne se manifeste que Conclusion
quand le bourgeon tumoral obstrue les ostia des veines hépatiques.
Les manifestations sont alors celles d’un bloc suprahépatique aigu La cause des thromboses de la veine porte et des veines hépatiques est
ou fulminant. La tumeur endoluminale peut généralement être mise en évidence dans la grande majorité des cas. Il s’agit le plus
chirurgicalement clivée de la paroi veineuse, mais le pronostic reste souvent d’une cause multifactorielle. Les facteurs étiologiques
sombre car il existe le plus souvent des métastases pulmonaires. principaux d’obstruction de la veine porte non liée à un cancer ou à une
cirrhose sont les syndromes myéloprolifératifs, le syndrome des
antiphospholipides, le déficit en protéine S et la mutation du gène de la
OBSTRUCTION MEMBRANEUSE DE LA VEINE CAVE prothrombine. Les facteurs étiologiques principaux d’obstruction des
INFÉRIEURE (MEMBRANE CAVE) veines hépatiques et de la portion sus-hépatique de la veine cave
Il s’agit de la principale cause de bloc suprahépatique au Japon [26] inférieure, en dehors du cancer du rein et du carcinome hépatocellulaire,
et en Inde [14]. La veine cave inférieure est obstruée au niveau ou sont les syndromes myéloprolifératifs, le facteur V de Leyden, le
au-dessus des ostia des veines hépatiques. Une des veines syndrome des antiphospholipides, l’hémoglobinurie paroxystique
hépatiques reste généralement libre et se draine dans la portion nocturne et le déficit en protéine C.

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Hépatologie Étiologie des thromboses hépatiques et portales 7-042-A-15

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