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Philosophie générale

Descartes est un mathématicien et il souhaite créer une science universelle Mathésis


universalis qui sera le début de la philosophie moderne. Descartes, savant de premier plan,
sera l’un des fondateurs de la science moderne. Cette science sera basée sur les
mathématiques et appliquée à la nature, à la physique. La physique sera par conséquent
dépendante des mathématiques. C’est-à-dire que les corps physiques qui sont géométriques et
qui sont tous identiques car constitués de la même matière (atomes, molécules...) sont
mathématisables. Descartes va différencier deux mondes. Le premier est le monde matériel,
sans esprit, composé de corps de nature géométrique (où les mathématiques peuvent
s’appliquer et donc faire que les corps sont mesurables) et d’un autre monde spirituel ou
mental, sans matière, où il n’est pas possible d’utiliser les mathématiques. Descartes va dès
lors s’engager dans une voie qui sépare le corps et l’esprit. Ce que l’on nomme le dualisme
cartésien. On peut différencier deux substances. La première est la substance du corps
(tridimensionnel) humain qui a comme nature son étendue, c’est à dire les lois, les
mathématiques qui permettent de le mesurer et qui donc le caractérisent. Et la deuxième une
substance pensante que l’on appelle l’esprit ou l’âme et qui possède comme essence la pensée.
Mais qu’est-ce-qui distingue l’esprit par rapport au corps ? La connaissance mathématique,
physique des corps doit s’apprendre par l’expérience, l’instruction…Alors que la
connaissance de l’esprit ou de l’âme est en quelque sorte déjà acquise car on utilise tous déjà
notre esprit (réflexion, parole…). Donc, les méditations métaphysiques vont nous permettre
entre autres non pas de savoir ce qu’est l’esprit, car tout le monde pense donc sait ce que c’est
que de penser. Mais plutôt de révéler ce que l’on sait déjà de l’esprit et de son essence qu’est
la pensée1. D’ailleurs toute pensée est une idée et on a vu en préambule que les choses
matérielles ne sont pas des idées. On pourrait dès lors s’interroger sur le sens de la célèbre
définition cartésienne des idées : « Les idées sont comme des images des choses » ? Dans la
Voie des Idées, Pierre Guenancia, dit que « Idée et image ont en quelque sorte le même
sens. ». En partant de la question précédente on pourrait tenter de révéler les concepts de
l’esprit qui permettent aux idées d’être comme une image des choses ou comme les idées des
choses et expliciter ce dernier point. Pour ce faire, il faut au préalable poser les définitions
importantes de l’esprit et des idées qui nous permettront de traiter des idées d’infini et de fini.
Enfin traiter des idées dans leurs réalités formelles et objectives.

1
Pierre Guenancia La voie des idées
Dès la deuxième méditation, dans le Cogito, je sais que je suis un être qui
pense, « c’est-à-dire un esprit, un entendement » (p.77). Mais je ne suis pas qu’intelligence
car : «  Qu’est-ce qu’une chose qui pense  ? C’est-à-dire une chose qui doute, qui conçoit, qui
affirme, qui nie, qui veut, qui ne veut pas, qui imagine aussi, et qui sent »2. Même si au stade
de la deuxième méditation je ne sais pas s’il existe des choses matérielles à l’extérieur de moi,
je peux malgré tout, au travers des rêves ou de l’imagination penser à des choses matérielles
ou même ressentir du froid ou de la chaleur ou bien ressentir de la peur ou de la tristesse. Ces
pensées existent dans mon esprit mais ne représentent rien de réel. En fait pour Descartes,
toute pensée est une idée. On peut malgré tout faire une distinction entre les idées claires et
distinctes représentées par les idées de l’entendement, du cogito ou des idées mathématiques.
Et des idées un peu plus confuses comme les idées de l’imagination et des sens. L’idée d’une
figure géométrique (cercle, triangle…) qui est claire et distincte ne change pas. Alors que la
sensation de froid n’est pas claire et distincte. La volonté qui est une pensée ne représente rien
et il en va de même pour le jugement. On peut dire que toute pensée est ce dont j’ai
immédiatement conscience. Pour comprendre ce que Descartes entend par « comme une
image » il faut définir la double définition qu’il donne à l’idée.
La première définition de l’idée désigne l’idée comme, matériellement, c’est-à-dire
une opération de l’entendement qui envisage l’idée comme un être réel mais qui est
évidement un acte de l’esprit, qui existe que dans l’esprit. Cet esprit pense toujours et son flux
de pensées n’est jamais constant. On peut d’ailleurs différencier plusieurs types de pensées.
D’abord les pensées individuelles que Descartes nomme les cogitationes et l’ensemble de la
pensée nommé cogitatio. Les cogitationes sont des « modes » de la nature de l’âme qu’est la
pensée. L’âme pense toujours et au travers des cogitationes qui sont différentes les unes des
autres. L’idée au sens matériel est un acte de l’esprit et en tant qu’acte, toutes les idées se
ressemblent. Elles sont identiques aux actes de la volonté ou du jugement mais elles sont aussi
« comme des images » dans le sens où elles représentent des choses et sont donc sous cet
angle complètements différentes. Comme on l’a vu précédemment, toute pensée est ce dont
j’ai immédiatement conscience. C’est-à-dire que l’expression de l’idée permet à l’esprit d’être
conscient de lui-même. Donc on peut dire qu’être conscient de quelque chose c’est être
conscient. Cependant, l’objet de la conscience n’est pas le mode de pensée, mais l’idée au

2
Descartes Méditations métaphysiques GF P.81
sens objectif qui lui est associée.
L’idée au sens objectif est ce qui est représenté par l’idée au sens matériel. Donc sa
représentation, son representatum. En prenant l’exemple du soleil qui existe en dehors de moi,
il y a deux idées distinctes du soleil. L’une est sensible, et je vois le soleil comme un petit
rond lumineux proche de moi et l’autre qui tire sa représentation de la connaissance
astronomique que j’en ai. Le soleil est dans ce cas beaucoup plus grand que la terre. Les
representata ne sont par conséquent pas représentatifs des objets qui existent en dehors de
moi, comme le soleil. Car comme on l’a vu, nous avons deux idées objectives du soleil qui ne
se ressemblent pas pour un objet extérieur. D’ailleurs Descartes va dire : « l’idée de soleil est
le soleil même existant dans l’entendement, non pas à la vérité formellement, comme il est au
ciel, mais objectivement, c’est-à-dire en la manière que les objets ont coutume d’exister dans
l’entendement : laquelle façon est de vrai bien plus imparfaite que celle par laquelle les
choses existent hors de l’entendement ; mais pourtant ce n’est pas un pur rien, comme j’ai
déjà dit ci-devant »3. Il fait là une distinction importante de la vérité formelle et objective. Ce
qui existe formellement c’est ce qui existe à l’extérieur de moi et la pensée et l’idée en son
sens matériel. C’est ce qui existe entièrement. Alors que ce qui n’existe qu’objectivement
existe imparfaitement. On vient de voir précédemment que les idées sont comme des images,
des choses, mais elles ne sont pas des images photographiques des objets. L’idée possède une
réalité objective qui révèle la chose pensée en elle-même et comme extérieure. Ici, idée est
comme une image qui veut dire qu’elle n’est pas la copie de l’objet pensé mais sa
représentation ou sa réalité objective. Mais les différents types d’idées sont-ils tous
représentatifs ? On va par conséquent étudier les idées qui sont des représentations de choses
infinies et finies.

Pour commencer on va se pencher sur l’idée de Dieu. Est-il possible de faire tenir cette idée
de Dieu, qui est infini, dans mon entendement qui est fini. Au travers de l’idée de dieu je
conçois : « un Dieu souverain, éternel, infini, immuable, tout connaissant, tout puissant, et
créateur universel de toutes les choses qui sont hors de lui ; celle-là, dis-je, a certainement en
soi plus de réalité objective, que celles par qui les substances finies me sont représentées. »4.
L’idée de Dieu est comme le dit Pierre Guenancia, un ensemble de perfections. Pour
Descartes Dieu représente l’idée de perfection et l’idée d’infini. Il faut d’abord avoir l’idée de
cette perfection pour dire qu’une chose n’est pas parfaite. Par conséquent, cette idée
supérieure aux autres idées a été mise en nous. De plus, comme à l’image de son créateur,
3
Descartes Méditations métaphysiques GF P.228
4
Descartes Méditations métaphysiques GF P.106
l’homme possède quelques-unes de ses perfections. L’homme a l’idée d’une réalité infinie
qu’il ne comprend pas mais cette réalité fait partie de son entendement donc il a cette
connaissance de l’idée de Dieu. Avoir l’idée du soleil n’est pas être le soleil tout comme avoir
l’idée de dieu n’est pas être dieu. Mais au travers de l’idée de Dieu, sans la comprendre, on se
représente comme une image, une réalité supérieure à la nôtre. Enfin, il est important de
signaler que pour Descartes, au travers de la preuve de Dieu, on prouve qu’une idée possédant
une vérité subjective se transforme en vérité universelle et atemporelle (ayant une valeur
objective). Il faut donc bien supprimer le doute du Cogito et prouver que Dieu existe et ainsi
affirmer que l’idée qui se présente à la conscience, comme une représentation, est fidèle à
l’original.
On va maintenant porter une attention particulière aux idées finies avec la tripartition des
idées (sens commun) que Descartes propose de prendre comme point de départ. Il distingue
trois sortes d’idées : Les idées adventices provenant des objets extérieurs, les idées factices et
les idées innées qui sont en nous. On a précédemment classé les idées en cogitationes et res
cogitans mais on peut maintenant les classer d’après leurs origines apparentes : Les idées
adventices, adventitiæ, comme les sensations, par exemple la couleur du soleil. Puis les idées
que mon imagination fabrique comme les chimères5. Toutes ces idées montrent quelque chose
comme une image des choses.
Les idées innées sont celles qu’on a en nous. Comme l’idée du soleil astronomique de tout à
l’heure, qui est dans mon entendement. Pour Descartes ce qui est inné, c’est le pouvoir ou la
puissance de penser de l’esprit. Comme l’attention que l’esprit porte aux idées claires et
distinctes. Si on relâche cette attention, l’idée peut perdre sa valeur de vérité objective d’idée
claire et distincte. D’ailleurs Descartes va confirmer cette faculté qu’est le pouvoir de l’esprit,
comme idée innée, dans une réponse qu’il adresse à l’un de ses détracteurs, Hobbes : « Je dis
que quelque idée est née avec nous, ou qu’elle est naturellement empreinte en nos âmes, je
n’entends pas qu’elle se présente toujours à notre pensée, car ainsi il n’y en aurait aucune ;
mais seulement, que nous avons en nous-mêmes la faculté de les produire » (p312). La
signification commune de la tripartition des idées est par conséquent démentie. Car les idées
adventices ou sensibles peuvent devenir des idées innées. Car quand le froid brule mes doigts,
il faut au préalable que j’ai en moi la puissance de la douleur. Les idées d’essences
intellectuelles sont donc des idées innées en puissance. Comme on l’a vu précédemment
comprendre c’est révéler ce que l’on sait. C’est la représentation de ce que l’on sait et ce

5
Henri Gouhier La pensée méthaphysique de descartes vrin p.123
concept de l’innéisme ressemble à la théorie platonicienne de la réminiscence. On va
maintenant s’intéresser aux essences et existences des choses.

On peut déjà faire une distinction entre les idées d’essence intellectuelle, qui ne sont présentes
que dans l’esprit, et les idées adventices ou sensibles qui sont présentes aussi dans l’esprit
mais qui en plus se rapporte à une chose extérieure de nous-même. Les idées des essences
rationnelles sont innées et donc toute vérité dépend de la raison. « Lorsque je commence à
découvrir, il me semble pas que je n’apprenne rien de nouveau, mais plutôt que je me
souviens de ce que je savais auparavant, c’est-à-dire que j’aperçois des choses qui étaient
déjà en mon esprit, quoique je n’eusse pas encore tourné ma pensée vers elles » (p.157). Ces
essences sont des possibles car elles ne sont pas liées à une existence extérieure. « Je trouve
en moi une infinité d'idées de certaines choses, qui ne peuvent être estimées un pur néant,
quoique peut-être elles n'aient aucune existence hors de moi, et qui ne soient pas feintes en
moi, bien qu'il soit en ma liberté de les penser ou de ne les penser pas ; mais elles ont leurs
natures vraies et immuables. Comme, par exemple, lorsque j'imagine un triangle, encore qu'il
n'y ait peut-être en aucun lieu du monde hors de ma pensée une telle figure, et qu'il n'y en ait
jamais eu, il ne laisse pas néanmoins d'y avoir une certaine nature, ou forme, ou essence
déterminée de cette figure, laquelle est immuable et éternelle, que je n'ai point inventée, et qui
ne dépend en aucune façon de mon esprit » (p. 157). Les essences, même si elles n’existent
pas en dehors de nous et qu’elles ne sont que des possibles, il n’en reste pas moins qu’elles
possèdent une réalité. Enfin pour revenir à cette notion de représentation, on peut dire que les
idées vraiment représentatives sont les idées claires et distinctes, comme le cercle. Par
conséquent ce sont les idées des essences des corps étendus, et même si nous ne savons pas si
ces corps existent ou non, qui représentent le mieux les images des choses dont nous en avons
l’idée.
Au travers de la VI ème Méditation, on va passer de l’essence des choses à leur existence. Ce
qui va particulièrement nous intéresser c’est la distinction que Descartes fait des concepts et
des images. On sait qu’à ce stade les idées claires et distinctes ne sont pas des représentations
à l’identique des essences des choses visées par cette idée. Entendement et imagination sont,
comme on l’a vu des actes de la pensée. Mais l’entendement, qui est pure intelligence, n’a pas
besoin de faire des efforts lorsqu’il conçoit l’idée d’une figure, même complexe comme un
chiliogone. Alors qu’imaginer cette figure et ses mille côtés est impossible. Voilà la
différence majeure de l’imagination et de l’entendement. De plus, l’entendement est
nécessaire à mon essence d’être pensant alors que l’imagination ne l’est pas.
Le dernier point important est la théorie cartésienne des idées et le représentationaliste. Cette
théorie part de la représentation des choses jusqu’aux choses mêmes. « Nous percevons
médiatement les choses en percevant immédiatement leurs idées. ». On a vu précédemment
que les idées peuvent être des actes de la pensée et des objets de ses actes. Pour que l’on
puisse parler de représentationalisme il faut que l’on est accès aux choses indirectement c’est-
à-dire que l’idée doit être entre la pensée et la chose. Et quand les idées sont des objets, des
actes, Descartes est un représentationaliste. Il s’agit ici des idées qui sont « comme des images
des choses » quand on considère leur aspect présentatif et l’on connait ces choses
médiatement au travers de la réalité objective. D’ailleurs, P. Guenancia va le confirmer en
affirmant que l’idée est une représentation. L’idée représente toujours une chose. Qu’elle soit
l’idée d’une chaise ou d’une licorne. « L’idée n’est pas la chose représentée mais c’est la
représentation qui est l’objet de l’entendement. ». Par conséquent, l’image immatérielle
comme représentation possède sa propre existence an tant qu’image.

On a vu que l’idée, dans sa réalité objective, révèle la chose pensée en elle-même. Elle
n’est pas une copie de l’objet pensé mais sa représentation. Les idées des essences des corps
étendus représentent le mieux les images des choses dont nous en avons l’idée. Descartes est
un représentationaliste dans le sens où l’image, dans notre esprit, existe en tant qu’image. Sa
philosophie est idéaliste et d’ailleurs M. Gueroult dira que c’est « une marche méthodique
vers le réalisme », vers l’image des choses en moi. C’est au travers des idées claires et
distinctes que les idées comme « copie » de choses existent. Car elles ont des caractéristiques
qui leurs sont propres, intrinsèques, indépendantes de leur caractère représentatif qui permet
de justifier leur représentativité.

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