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Le Perroquet et le Coq:

Une fable franco-brésilienne à écrire.

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Louis MACHADEAU

Le Perroquet et le Coq:
Une fable franco-brésilienne à écrire.

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Copyright © Louis Machadeau. Tous droits réservés.

Diffusé sur Internet en Juin 2008.

Article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle :


L'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de
sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable
à tous.
Ce droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral, ainsi
que des attributs d'ordre patrimonial [...].

Article L. 123-1 du Code de la propriété intellectuelle :


L'auteur jouit, sa vie durant du droit exclusif d'exploiter son œuvre
sous quelque forme que ce soit et d'en tirer un profit pécuniaire.
Au décès de l'auteur, ce droit persiste au bénéfice de ses ayants-
droits pendant l'année civile en cours et les soixante-dix années qui
suivent.

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Dédicace
A tous ceux et celles qui ont soif de liberté.

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Préface

Certains pourront se demander quelle peut être la finalité d'un


tel livre. Les réponses sont multiples, mais il s'agit avant tout
d'un témoignage, le mien : je vis en France depuis 1995 et ces
dernières années (surtout les deux dernières), j'ai beaucoup
entendu parler d'identité nationale. Comme j'ai acquis la
nationalité française en 2004, j'aimerais parler de ce « cap »
quand, d'un jour à l'autre, on devient français.

Tout d'abord, disons-le clairement, devenir français, ça ne fait


pas mal. En fait, je n'ai rien senti : j'étais français depuis déjà
quelques jours sans le savoir quand la lettre envoyée par les
autorités est arrivée.

Néanmoins, une fois ce cap franchi, c’est dans mon entourage


qu’il y a eu des bouleversements. Mes amis, mes collègues de
travail, mais aussi toutes ces personnes qu'on rencontre dans la
vie de tous les jours m’ont fait des observations et des
remarques. Il suffisait d'aborder le sujet de la nationalité pour
que les idées et les avis émergent et souvent d’une manière
passionnelle et tranchante.

Par mon témoignage, je souhaite regrouper un peu toutes ces


conversations si intéressantes et instructives que j'ai pu avoir
depuis quatre ans. Nous allons ainsi explorer le fait de la
double nationalité ou de la « double culture » et nous interroger
pour savoir s'il s'agit d'un conflit pour l'individu. Mais aussi
voir comment se créent les conflits avec ceux qui ne sont pas
dans le même contexte, c'est-à-dire les « mono-nationaux ».

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Les mono-nationaux ont en effet beaucoup à dire. Pendant
l'écriture de ce livre, j'ai demandé à un grand ami de me relire
et de me donner son avis. Il m'a donné de très bons conseils,
mais ce que j'ai le plus aimé c'est cette remarque : « Tes textes
sont bons pour un psy... ». En fait, quand il a lu le texte, il a
pensé que j'étais en conflit avec moi-même en tant que franco-
brésilien alors que cette double nationalité (française et
brésilienne) n'a jamais été pour moi source de conflit ou de
déchirement.

J'espère que la forme que j’ai adoptée ici ne sera jamais source
de malentendu. J'ai par exemple cherché la bonne humeur et la
nonchalance afin de casser les tensions et les passions ; mais
surtout pas pour mépriser le sujet ou diminuer l'importance de
concepts comme la Nation et la nationalité qui sont
fondamentaux et précieux à tous les citoyens du monde.

Je vous demande aussi de ne pas vous méprendre sur quelques


termes que j’utilise tels que « Français historique »,
« mononational » ou encore « Français nouveau ». Car j'utilise
ces termes justement pour démontrer l'ambiguïté des idées
reçues et des avis erronés.

Ce livre est destiné à tous ceux qui s'intéressent à réfléchir à la


nationalité dans une perspective socio-politique ou au citoyen
dans ses aspects psycho-culturels. Évidemment, je ne parlerai
pas de sociologie, de politique ou de psychologie stricto sensu ;
mais ces lignes emprunteront à ces champs pour m’aider à
l’analyse.

Enfin, je ne cherche bien entendu pas à faire un sermon, ou à


donner une leçon ; et surtout pas à juger des avis et des

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opinions de chacun. Néanmoins, j'espère vivement que cette
lecture saura soulever des questions, des réflexions, le tout
dans la bonne humeur ; et que chacun puisse ainsi trouver ses
réponses propres et personnelles.

Bonne lecture.

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Introduction

Tout d’abord, il faut préciser que cet ouvrage n’est pas un


travail de recherche et n’est pas destiné à une quelconque
réflexion scientifique. Il s’agit d’un récit. En fait, je raconte
une histoire, voir même plusieurs petites histoires, en tout cas,
une de mes histoires.

L’intérêt, ici, est de décrire quelques situations ou contextes


qui se sont créés au fil des jours sans s’en rendre compte et qui
rendent nos vies « plus difficiles » mais aussi de montrer que
ces « situations créées » peuvent entraîner des contraintes et
des barrières inutiles surtout en ce qui concerne le « bien-vivre
ensemble ». J’espère ainsi inviter le lecteur à une réflexion,
celle de son regard et de celui d’autrui sur les identités
individuelles et collectives.

Le but premier, ici, n’est pas de parler de ce que j’ai fait ou de


ce que je pense de moi-même. Cet ouvrage n’est pas une
démarche personnelle en vue d’une quête de soi, ni un voyage
intérieur pour retrouver mon « Moi ». Il faut bien préciser que
je sais ce que j’ai fait, pourquoi je l’ai fait et surtout, ce que je
suis.

En fait, je n’ai aucun doute sur ce qui a été fait ni sur mon
évolution depuis une décennie. Néanmoins, je souhaite parler
sur ce que les gens ont pensé de mon geste et l’image sociale
qui en a découlé. Je ne m’intéresse pas vraiment à ce qu’il y a
dans ma tête mais plutôt à ce qu’il y a dans la tête des autres.
Ceci dit, je ne peux pas m’empêcher pour autant de parler de ce
que j’ai fait, pourquoi je l’ai fait et qui je suis.

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Si je ne parlais pas des faits et de mon parcours, ce travail
serait incomplet car le plus intéressant est justement de mettre
en évidence les différences entre mes motivations et les
interprétations d’autrui. Mettre en évidence ce contraste entre
le message envoyé et le message reçu tout comme la triple
contradiction entre l’identité de soi, des autres et la perception
d’autrui sur les différentes identités au sein de la société. La
divergence entre l’image de soi et celle perçue par autrui est un
des thèmes principaux du récit que je vous invite à parcourir
ensemble.

Je vais beaucoup parler d’identité et de culture, personnelle et


collective. Je vais aussi parler d'État et de Nation mais je ne
prétends surtout pas donner un cours sur ces sujets car je ne
suis pas connaisseur en la matière et je ne prétends surtout pas
le revendiquer mais je souhaite parler de mon expérience
personnelle et mettre l’accent sur la problématique dégagée. Je
vais tenter de défendre l’idée que les cas individuels sont, en
fait, des cellules du même contexte national.

Je vais donc parler à vous, un citoyen, une citoyenne, tous


ordinaires, tout comme moi bien évidemment, nous, les gens
qui travaillent, prennent les transports en commun et vivent la
vie de tous les jours. Je vous propose une conversation franche
et sérieuse entre gens ordinaires et populaires, comme une
causerie de fin de journée entre amis.

Certains pourront penser que ceci n’est qu’un travail superficiel


et que je ne vais pas au bout des choses mais tel n’est pas le
but. Mon récit est l’histoire de la naissance d’un citoyen, ce
n’est pas le travail d’un chercheur ou d’un scientifique. Le but

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recherché est d’exposer les motivations d’une démarche de
naturalisation et les perceptions sociales non attendues, raison
pour laquelle le lecteur aura ici l’étrange sentiment de lire à la
fois un journal intime mais aussi un documentaire.

Je suis plus intéressé à montrer ce qui passe inaperçu que de


juger les pensées ou les comportements d’autrui. En fait,
j’aimerais bien poser des questions et que chacun puisse faire
son propre cheminement pour y répondre. Si cela peut créer un
débat d’idées, j’espère vivement que cela sera fait dans un
cadre plus amusant et plein d’autodérision que par des esprits
chauffés par des idées des siècles passés.

J’espère que le lecteur me comprendra. Je n’attends pas qu’il


soit d’accord avec mon choix, ce n’est pas le but et je ne veux
surtout pas faire de prosélytisme mais j’espère démontrer qu’il
y a des idées passées, héritées d’autres siècles, qui ne sont plus
adaptées à la réalité sociale et culturelle d’aujourd’hui. Pour
cela, je souhaite dévoiler tout ce que j’ai vécu autour d’un
changement de nom lors de ma naturalisation.

Néanmoins, je souhaite aussi attirer l’attention sur les liens


entre les noms, l’identité personnelle, l’identité collective et la
Nation. J’espère vivement montrer que les noms sont, à
l’origine, des choix personnels et familiaux et que ces choix ne
doivent en aucun cas avoir des implications politiques et
surtout pas des enjeux identitaires, patriotiques ou nationaux.
J’espère pouvoir conclure avec vous que les noms et prénoms
sont d’abord des patrimoines privés destinés à un usage
personnel et qu’ils doivent surtout le rester.

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L’esprit de décontraction et de bonne humeur sont vivement
recherchés dans ces pages. C’est la raison pour laquelle j’ai
voulu intégrer des illustrations pour « casser » la gravité et les
enjeux de certains propos, non pas que je recherche la légèreté
des choses et ne souhaite pas traiter les sujets en profondeur
avec tout le respect et l’introspection nécessaires mais parce
que ce thème des identités individuelles et collectives reste un
terrain très délicat. Aussi, je ne pense pas que la meilleure
façon de l’aborder soit dans la passion avec des idées
préconçues, complètement « bétonnées » où la tolérance et
l’écoute n’ont pas leur place. J’espère bien rester sur une ligne
de pensée où la raison fait figure de proue.

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« Le grand diner de la République et ses invités! »

Illustration 1: « Le grand diner de la République et


ses invités! »

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Chapitre 1: WAGNEY A ETE
ASSASSINE ?

Les français historiques effrayés.

Depuis ma première carte de séjour sur le sol français, délivrée


en 1995, on m’appelait, dans mon entourage, par nom premier
prénom, Wagney. C’est devenu automatique puisque c’est le
prénom qui est mentionné sur tous mes documents d’identité
(carte de séjour, passeport, …) et les papiers administratifs
(carte d’étudiant, sécurité sociale, carte des transports, etc …)

A la fin de l’année 2004, j’obtiens ma naturalisation française.


Comme j’avais demandé un changement d’orthographe et la
suppression de mon premier prénom, c’est le deuxième qui
prend le dessus. Désormais, je me fais appeler Louis.

Je me souviens très bien de la surprise en arrivant le lendemain


matin sur mon lieu de travail. A l’époque, j’étais consultant en
systèmes informatiques pour un grand constructeur automobile
français. J’y travaillais déjà depuis 18 mois et de solides liens
d’amitié s’étaient créés. Je m’étais constitué des amis avec

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lesquels j’entretenais de très riches échanges. Mes collègues
connaissaient donc tout mon parcours social et historique
depuis mon arrivée en France mais ils ne savaient rien de mon
souhait de me faire naturaliser. Cette information n’allait pas
rester secrète très longtemps ni passer inaperçue.

Dans un premier temps, pour certains, la surprise fut énorme.


Je constatais sur leurs visages un mélange de surprise,
d’étonnement mais aussi de … frayeur. J’avais l’impression
d’être devenu un extraterrestre pour eux, un extraterrestre
débarqué d’une étoile inconnue et fraîchement arrivé au milieu
du bureau. … vraiment, une image tout droit sortie d’un film
de science-fiction ! Une créature sortant de sa soucoupe
volante, encore difficile à cerner à cause des gaz et des vapeurs
qui se dégagent de l’étrange OVNI.

Quand je le leur ai annoncé, ils ont d’abord pensé que je


déconnais … « Ah, les brésiliens, ils ne sont pas sérieux ! » Je
leur ai mis ma nouvelle carte nationale d’identité en main. Le
document a ainsi circulé et est passé de main en main. Ils
pouvaient bien voir que ce n’était pas de la rigolade car il y a
sur le célèbre document ma photo et mes données personnelles,
telles que le nom, le prénom, la date et le lieu de naissance,
l’adresse, etc … Bref, le document commun et connu à tous les
français. Cependant, ils y voyaient le document d’un français
« inconnu » tout en étant un ami proche. Plus qu’un simple ami
mais aussi un collègue de travail dont ils partageaient la vie, 5
jours par semaine, parfois 10 heures par jours, et ce, toute
l’année.

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Après le passage de l’ouragan lié à l’annonce, les impressions
dégagées par les français historiques1 commencent se
manifester. J'aperçus alors une expression commune sur tous
les visages, celle d’un individu face à la tricherie. Oui ! Pour
certains, cette affaire ressemblait à de la tricherie. « Comment
cela est-il possible ? » « Mais, ce n’est pas vrai ?! Personne ne
fait une chose pareille ! » J’ai eu alors le sentiment que je
venais de commettre un crime ou pire encore. J’avais commis
une espèce de meurtre et j’apportais même des détails, voir la
preuve. Oui, j’apportais à la fois le corps de la victime et
l’arme du crime. Alors est-ce que j’avais bien assassiné
Wagney ?

Pendant la pause du déjeuner, nous avons continué à discuter


du sujet. Je leur faisais part de ma surprise face à leurs
réactions mais ils étaient tous d’accord pour dire que leurs
réactions étaient ce qu’il y a de plus normal et qu’il n’y avait
pas de quoi en être surpris. En fait, leur réaction la plus
commune à l’ensemble du groupe était de dire que j’étais un
étranger qui voulait leur faire croire, à eux, des « français
historiques », qu’il était comme eux, c'est-à-dire un « vrai
français ».

On m’avait expliqué auparavant que les français sont des gens


très méfiants, surtout vis-à-vis de tout ce qui vient de
l’extérieur, de l’étranger … donc moi inclus. Alors .... j’étais
l’étranger qui voulait les faire croire à quelque chose qui n’était
pas vrai ? Ou sinon, ma démarche était-elle une volonté de
« vouloir monter de niveau » en devenant « français ».
1
J’appelle « français historique » celui qui a reçu sa nationalité française
par ses parents nés sur le sol français. Je me suis inspiré du terme utilisé
dans les débats autour des entreprises publiques dont certaines sont
qualifiées d’ « opérateur historique »

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En fait, d’après eux, je ne me rendais pas compte des
conséquences de ce que je venais de faire. Un brésilien qui
débarque en France, fait des études de 3ème cycle, signe un
CDI (contrat à durée indéterminée) en qualité d’ingénieur
système avec une grande multinationale française, acquiert la
nationalité française et, « malgré tout ça », pas content de ce
qu’il avait déjà obtenu, triche en voulant se faire passer pour un
« vrai français ». Or, il est brésilien, le tricheur ! ? …

Voilà que j’ai été mis dans une situation qui ne me


correspondait pas du tout. En fait, je me suis senti mis en cage.
Un piège venait de se refermer sur moi. Je tiens à préciser que
je parle de ce sentiment de tricheur qu’on voulait me coller.
J’avais l’impression d’être assis à une table en train de jouer
avec eux tous mais avec, dans une main, des « cartes
brésiliennes » et, dans l’autre, de manière illicite, des « cartes
françaises ».

C’est un sentiment étrange qui s’est alors installé en moi. Je me


suis senti comme un objet avec une image et un label imposés,
bref un produit. Or, il y a des produits fabriqués en France et
d’autres à l’étranger. Etais-je devenu une contrefaçon ? Quel
horreur ! La carte d’identité sert-elle à ça ? Certifier l’origine
d’un « produit » ? Peut-être aussi certifier la qualité puisqu’on
parle de « produit ». Pour pouvoir effectuer une « traçabilité »
dans la grande consommation planétaire des individus ?
Évidemment, je ne me sentais et je ne me sens toujours pas
dans cette logique-là.

Il faut dire que certains individus n’ont aucun problème ni


aucune contrainte pour changer de nom. Que ce soit des
artistes, des religieux, des sportifs, des hommes politiques, ils

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adoptent le nom qui leur convient le mieux. D’ailleurs, le
peuple soutient ce changement car il vise surtout à améliorer la
relation de cette personnalité avec son peuple et/ou son public.

Certains changements de nom vont même à l’encontre de ce


que j’ai fait. Néanmoins dans mon cas, les critiques et les
remarques renvoient à mon identité réelle et sur l’héritage lié à
mon nom. Or, quand une personnalité change de nom, la
dernière chose à laquelle elle pense est précisément cet
héritage. Ils prennent en compte des critères esthétiques,
symboliques et/ou commerciaux. Une des plus grandes étoiles
de la musique française a adopté un nom complètement
américanisé et personne ne s’est interrogé pour savoir s’il niait
ainsi son origine française pour profiter d’une « qualité » de
l’image USA.

Évidemment, on va dire qu’il s’agit d’un nom d’artiste mais


qui le reconnait sous son vrai nom ? Très peu ! Moi-même, je
l’ignore. Ce nom d’artiste est devenu son nom d’usage et
surtout son patrimoine. C’est ce nom là qui va rester dans
l’histoire. Hélas, ce ne sont ni son prénom d’origine, ni son
nom de famille ni la culture dont il est originaire qui vont
récolter la gloire te le succès de son travail. Et cela surtout vis-
à-vis de son public pour tout son succès planétaire.

On dira aussi que c’est une exception, qu’il ne pouvait pas faire
autrement. Quand cet artiste a débuté, les USA avaient
énormément de succès. Alors, il a intégré cette vague.
Évidemment qu’on comprend tout cela mais il ne peut pas y
avoir deux poids deux mesures.

21
J’attire le débat sur le droit. Pas le droit juridique ou pénal
mais le droit tout simplement de « pouvoir faire » quelque
chose. Le droit de pouvoir oser, innover, changer son destin,
son parcours, écrire son histoire. Je ne souhaite pas faire une
discussion sur la lutte des classes mais concernant les classes
habituées au pouvoir, elles ne se gênent pas pour utiliser à fond
ce genre de droit. Par contre, les classes populaires sont
souvent formatées pour ne pas utiliser ce droit.

Quelques exemples concrets : Aujourd’hui, un individu aisé


financièrement n’hésitera pas à changer de domicile, voire de
nationalité, pour maximiser ses profits ou son patrimoine. La
patrie tient une place secondaire par rapport à la valeur de
l’argent. Pour le peuple, ça ne se passe pas aussi simplement. Il
va lui-même se censurer et se poser des questions pour savoir
si une démarche personnelle pareille n’est pas en désaccord
avec son engagement patriotique. Peut-être qu’au fond de lui,
dans son inconscient, la patrie existe bel et bien et a une valeur
pour lui car si on enlève la patrie aux pauvres, aux gens d’en
bas, qu’est ce qu’il leur reste ?

« A celui qui n'a rien, la patrie est son seul bien. »


[]
Citations de Jean Jaurès

D’ailleurs, en parlant de patrie, j’ai hâte de voir comment nous


allons vivre ce XXI siècle car la notion de patrie et toutes les
valeurs nationales ont été surtout créées au cours des deux
siècles passés. Avec la mondialisation et son brassage d’argent,
d’entreprises, de produits et de personnes, je suis persuadé que
ces valeurs nationales vont prendre une autre dimension et je
suis sûr qu’il y aura des bouleversements et des déchirures

22
partout. Toutefois restons quand même positifs et plein
d’espoir dans un monde meilleur car cela ne dépend que de
nous.

« Où l'on est bien, là est la patrie. »


[ Ploutos (388 av. J.-C.) ]
Citations de Aristophane

23
« L'alien contre-attaque! »

Illustration 2: « L'alien contre-attaque! »

24
Chapitre 2: LUIZ A ETE
TRANSFIGURE ?

Les étrangers indignés.

Lors de la demande de naturalisation, j'ai choisi d'écrire mon


prénom « Luiz » à la française, c'est-à-dire « Louis ».
Néanmoins ce choix a été le sujet de nombreux
questionnements autour de moi. Toutefois les gens ne sont pas
interrogés par les faits autour d'eux, et surtout par l'usage
actuelle des prénoms en France.

Par exemple, doit-on dire Michael ou Michael? (Prononciation


avec « ch » ou « k », michael ou mikael ?). Nous avons des
nombreux cas des prénoms où on peut les appeler à la française
ou sous une forme étrangère. Dans le cas de Michael, par
défaut, dit-on Michael (à la française) ou Maïkow (à
l'américaine)?

Écrire Louis à la française et demander que l'on m'appelle


Louis sous la forme Ibérique est-ce une transgression? Je ne
pouvais pas concevoir l'idée de me faire appeler par « Louis » à
la française. Car déjà pour moi ça ne collerait pas avec la

25
sonorité. La prononciation, le son, c'est un aspect très important
à mon goût. Alors y a-t-il là une attaque à mon patrimoine
culturel? Au final, il s'agit tous des prénoms avec la même
origine européenne2.

J'ai appris lors de quelques recherches faites pour l'écriture de


ce livre que je pouvais écrire Louiss avec deux « s » pour bien
prononcer le son du « s ». Hélas je ne savais pas cela en 2002.
Mais je me suis informé d'avantage et Louiss ne s'agit pas d'un
prénom mais d'un nom de famille, d'ailleurs un nom très rare –
peu être déjà disparu dans le pays. En tout cas je ne pense
toujours pas que je pouvais adopter ce prénom car les deux
« s » c'est un peu gênant. Imaginez-vous, passer toute sa vie à
épeler le prénom l-o-u-i-s-s avec les deux « s ». Il faut
reconnaître que l'utilisation d'un prénom ou d'un nom facile à
écrire ou en tout cas que tout le monde sait écrire aide la vie de
tous les jours. C'est le cas du prénom Louis.

C'est assez curieux car nous vivons une époque où l'affirmation


de soi, l'individualisme frappent au plus fort. Alors quel est le
problème de demander quelques exceptions concernant un
prénom? J'aime qu'on m'appelle « Louiss » et qu'on l'écrive
tout simplement « Louis ». Est-ce là une affirmation trop
exacerbée d'une expression personnelle? Je ne le pense pas.

2
Étymologie: La généalogie graphique de Louis, prénom historique s'il en
est, nous est bien connue. À l'origine, il y a le guttural Chlodowig, issu
de deux substantifs germaniques, hold, la gloire, et wig, le combattant.
Chlodowig s'est ensuite simplifié en Clovis, puis latinisé en Clodovico,
qui a donné Ludovicus, francisé en Ludovic, puis en Louis. Source:
www.tous-les-prenoms.com

26
D'ailleurs parlant sur ce sujet, je connais un cas semblable. J'ai
un ami anglais qui vit dans la région francilienne depuis plus
de 15 ans. Son prénom est Martin à l'anglaise (prononcé avec
'i'). Mais depuis tous ces années en France, il se fait appeler
Martin à la française (prononcer avec 'an'). Évidement quand il
est en Angleterre il se fait appeler par le prénom et les surnoms
de toujours mais en France a fait un autre choix. Il y a-t-il là
une perte d'identité? Pas du tout, il y a là tout simplement une
expression de bien être car il l'a dit plusieurs fois: « Je suis très
heureux de vivre en France. »

Les français d'origine étrangère que je vais appeler ici les


« français nouveaux3 » avec qui j'ai eu la chance de discuter sur
le sujet ont été indignés par mon comportement. C'est comme
si j'étais passé de « l'autre coté du miroir ». Comme s'il y avait
une frontière entre tous les français: d'un côté les « français
nouveaux » et de l'autre, les « français historiques ».

Comme je l'ai déjà évoqué ici auparavant, je suis attiré par


l'usage de cet adjectif, « historique », utilisé en France pour
casser le monopole des entreprises publiques françaises lors de
l'ouverture des marchés publics et sa déréglementation. C'est le
cas par exemple « de l'opérateur historique » des
télécommunications – une société française qui tout le monde
connait et donc je n'ai pas besoin de citer son nom. En fait je
trouve cela tellement révélateur de la culture hexagonale. C'est
3
J'appelle « français nouveaux » tous les français qui ont reçu la
nationalité française par la naturalisation, par le droit de sol ou par
l'héritage de parents français d'origine étrangère. Je me suis inspiré des
célèbres « vins nouveaux » en France. ATTENTION: Je ne souhaite en
aucun cas créer des « cases » pour ranger les français. SVP, continuez la
lecture du livre pour y comprendre le fil conducteur de mon
raisonnement. Merci.

27
vraiment un arrangement culturel pour faire passer un
changement économique. Dans ce livre, je vais évoquer par
différents exemples, toujours la même idée pour éclairer le
terme de nationalité (ce qui renvoie à la nation). Dans notre
cas, être français renvoi à l'État français, c'est-à-dire à la
République Française et toutes ses valeurs, ses institutions et
ses organisations qui y reviennent.

Évidemment que cette confrontation entre les français


nouveaux et les français historiques existe tout simplement
parce qu'il y a deux populations qui s'entrevoient comme telles,
c'est à dire différentes et opposables. Les « historiques »
acceptent les « nouveaux » dans leur situation et leur contexte,
c'est-à-dire comme des citoyens avec des droits et devoirs, mais
pas comme étant des citoyens semblables à eux. Les nouveaux,
de leur coté, voient la nationalité tout simplement comme une
démarche administrative destinée à consolider et à accéder à
des nouveaux droits mais jamais comme un élément
d'identification collectif national ou une transformation de soi.
Ceci dit, en fait, les deux populations, des historiques et des
nouveaux, ont chacune raison et tort.

Effectivement, les historiques et les nouveaux, ils ont raison


quand ils se rendent comptent et sont d'accord que « l'identité
de soi » n'est pas d'avoir des papiers d'identités. En plus le fait
de passer par une procédure administrative de naturalisation ne
changera pas leurs âmes. Néanmoins ils ont tort quand ils
s'appuient sur leurs respectives nationalités d'origines pour
faire valoir leurs « identités personnelles » respectives. Bref,
les historiques sont dans le faux quand ils s'appuient sur la
nationalité française pour revendiquer leur identité propre. Par
le même raisonnement, les nouveaux sont dans le faux quand

28
ils vont chercher dans leur nationalité étrangère le seul garant
de leur identité propre.

Ça a l'air compliqué mais c'est assez simple. L'erreur principale


dans les enjeux de la labelisation de la nationalité est que les
individus veulent absolument s'en servir pour ressembler avec
leurs communautés respectives. Les historiques avec leurs
autochtones, les nouveaux avec les étrangers. C'est une grande
erreur car les individus se ressemblent par leur mode de vie et
leurs valeurs partagées et non pas par des labels de nationalités.
Évidemment une nation peut et doit avoir des valeurs mais ce
sont des valeurs socio-politiques et applicables à tous les
citoyens. C'est le cas typique d'une nation et d'une république
laïque comme la France. Derrière le terme de la nationalité, il
n'y a pas des critères qui renvoient aux modes de vie
individuels et privés tels que la religion, l'économie, la morale,
le sport, la pratique sexuelle, l'expression artistique,
l'alimentation - parmi plusieurs d'autres critères qu'on peut citer
– mais des valeurs communes pour réunir tous les citoyens
autour du projet de la construction nationale et qu'on peut les
identifier.

Pour mieux comprendre l'argument, imaginons des situations


très stéréotypées. Par exemple, d'un coté un français
catholique, qui aime le vin, la cigarette, la liberté sexuelle et
dépenser de l'argent. D'un autre un français protestant qui ne
boit pas d'alcool, ne fume pas, n'a de relations sexuelle que
dans le cadre du mariage et ne pense qu’à épargner. Au niveau
individuelle ils ont de très grandes différences et auront du mal
à se fréquenter, sauf s'ils ont une « passion » commune qui peut
faire le pont. Toutefois cette différence est une chose normale
et compréhensive car les gens se rassemblent par affinités et

29
par valeurs partagées. Ceci dit, ils pourront faire partie sans
aucun problème d'un état qui leur garantit leurs libertés
individuelles pour vivre selon leurs critères. C'est le cas de la
République Française - démocratique et laïque - qui peut
d'ailleurs être la passion commune de tous les français, le pont
entre tous les individus.

Nous pouvons décliner aussi le même exemple pour le Brésil.


Prenons le cas d'un profil brésilien très courant jusqu'aux
années 80, celui du brésilien catholique, pas très pratiquant, qui
aime la bière, le barbecue, le foot et les "télénovelas", la
musique en général et surtout la samba, le carnaval, le sexe
libre pour le plaisir, la cigarette, les vêtements de plage très
petits et serrés et qui adorent le plat national la « feijoada4 ». Et
d'autre part, un profil qui est apparu depuis les années 80, les
évangélistes, qui ne boivent pas d'alcool, ne fument jamais,
souvent ne regardent pas le foot ni les télénovelas, ne
participent pas aux fêtes païennes, n'ont de relations sexuelles
que dans le cadre du mariage, ne portent pas des maillots, ne
fréquentent pas les plages ni les piscines, et certains comme les
adventistes, ne mangent pas de porc. Alors les évangélistes ne
sont-ils pas de « vrais » brésiliens parce qu'ils n'ont pas le
même comportement que les « brésiliens historiques » – les
catholiques ? Bien sûr que si. Les évangélistes sont des
brésiliens car ils font partie de la Nation brésilienne comme
tous les autres individus ayant la nationalité brésilienne.

Cet exemple des évangélistes brésiliens est très intéressant car


il est très révélateur de l'incompatibilité et l'impossibilité de
garder, voir d'entretenir, une identité nationale sur des modes
4
Un ragoût à base d'haricots noir, laurier et différents
morceaux de viande de porc

30
de vies individuels. Le mouvement évangélique a pris de l'essor
au cour des années 80. Ils étaient dans la plupart des cas des
catholiques (brésiliens historiques) convertis à l'évangélisme
(brésiliens nouveaux). Si on tente de rester sur la fausse idée,
qu'un mode de vie dicte une identité nationale, comment peut-
on concevoir l'idée qu'ils étaient des brésiliens mais qu'au
moment de leur conversion à la religion évangélique, ils ont
perdu leur « nationalité culturelle » d'origine et sont resté
seulement avec une « nationalité administrative »? Une
situation pareille est même difficile d'imaginer car c'est
typiquement un comportement du XVIII siècle, voir le Moyen
Âge. La nationalité ne peut donc être ni un facteur religieux, ni
ethnique, ni moral, ni politique. L'identité nationale, c'est
purement une affaire entre le citoyen et son État Moi, d'ailleurs,
je ne crois pas au terme d'identité nationale, je crois à une
« unité nationale » mais on en reparlera plus loin.

J'ai cité les exemples de catholiques et de protestants mais il en


serait de même pour tous les individus qui pratiquent ou non
une religion. Les religions amènent des modes de vies qui
jouent énormément sur les individus et encadrent leur quotidien
sur presque tout: l'alimentation, la science, l'habiment, le sport,
les fêtes familiales et collectives, entre autres. Nous avons tous
des pratiques différentes mais nous sommes égaux car nous
avons tous des différences. Par exemple pour l'alimentation, les
juifs ont l'alimentation Kascher, les musulmans avec
l'alimentation Halal, les hindous l'alimentation végétarienne,
etc...

Évidemment je donne des exemples très stéréotypés mais


pourtant vrais. Le stéréotype permet d'avoir des points
d'analyse et de pouvoir ensuite décliner ces points avec d'autres

31
variantes. Par exemple, il n'y a rien qui empêche que les
croyants cités ici puissent incorporer dans leurs alimentations
respectives le critère de produits biologiques, c'est à dire,
consommer des produits seulement biologiques, que ce soit
Kascher ou Halal, mais purement biologiques. Nous pouvons
donc en conclure qu'entre les points stéréotypés et les variantes,
il peut y avoir tellement de cas différents et de nouvelles
combinaisons, qu'il est impossible d'associer tous les modes de
vie des individus sur le label de la nationalité et ainsi créer une
« identité nationale ».

Je reviens sur les exemples cités sur la pratique religieuse car


c'est une source riche d'analyse. Nous pourront donc avoir des
individus qui se reconnaissent plus facilement entre eux – au
niveau personnel - par le biais de la religion que par le biais de
la nationalité. Ainsi entre des catholiques français, espagnols,
tunisiens et indiens il peut y avoir plus d'affinités et de valeurs
partagées qu'avec leurs respectifs concitoyens C'est pareil pour
toutes les religions, que ce soit pour le musulman, le juif,
l'hindou, le protestant ou tout autre croyant.

Néanmoins cela ne veut pas dire que la religion peut être le


garant de l'union des individus car dans tous les cas il y des
exceptions. Par exemple pour le sport, il y a des croyants et des
non-croyants qui aiment beaucoup le foot, comme il y a ceux
qui ne l'aiment pas du tout. Ainsi un catholique, un protestant,
un juif, un musulman, un agnostique pourra passer de très bons
moments ensemble, voir plus s'ils sont supporteurs de la même
équipe, car ils ont cette même passion.

32
Toutefois il y aura aussi le cas inverse, c'est-à-dire les
fanatiques du foot pourront haïr leurs concitoyens –
indépendamment de la religion – si leurs équipes sont rivales
dans un championnat national ou international. Il y a même le
cas très souvent qu'une équipe rivale va soutenir une équipe
étrangère dans un championnat international, tout simplement
parce qu'il ne veut pas que son voisin soit champion.

J'ai pris l'exemple de la religion parce qu'il en fallait un.


Évidemment l'objet de ce livre n'est pas d'aborder l'aspect
religieux, ni de traiter les questions d'actualité. Cette même
analyse peut se faire par des critères économiques, artistiques,
culturels, etc. Nous pouvons ainsi toujours trouver
d'innombrables cas où les autochtones auront plus d'affinités
personnelles avec des étrangers et moins avec leurs propres
concitoyens Ceci dit, je ne veux pas dire qu'il n'y a pas de cas
ou tendances majeures dans un pays, ni qu'on ne peut pas faire
de généralités sur une nation. Mais je souhaite mettre en
évidence que les individus de notre époque, et surtout du XXI
siècle, sont tellement riches, diversifiés et complexes qu'il est
impossible de les rassembler sous un seul critère.

Évidemment cet argument est plus au moins valable en


fonction de la nation car la richesse et la diversité des individus
sont proportionnelles à la taille et les moyens de consommation
de la société en question. Ainsi un membre d'une communauté
indienne de quelques centaines de Yanomamis (peuple de la
forêt amazonienne) sur la frontière franco-brésilienne aura
énormément plus d'affinités avec les autres membres de la
communauté Yanomami qu'avec les presque 200 millions de
brésiliens et/ou les 63 millions de français. Je vous rappelle
qu'il y a aussi des Yanomamis au sein de la République

33
Française, en Guyane, et que la frontière guyanaise avec le
Brésil est la plus grande frontière de la République Française.

On peut ainsi analyser le cas des Yanomamis et arriver à la


même conclusion citée auparavant. Il y a en effet plusieurs
communautés de Yanomamis dans la forêt amazonienne,
séparées par le fleuve Oyapock5. Il y a donc des Yanomamis
avec la nationalité brésilienne et des Yanomamis avec la
nationalité française.

Évidemment, ils ont une culture tellement à eux, la culture


yanomami, qu'ils sont uniques par rapport à toutes les autres
communautés nationales qui peuvent exister dans ces deux
pays (la France ou le Brésil). Ceci dit (et reconnu) rien
n’empêche de dire qu'ils sont des brésiliens, pour ceux qui sont
installés sur le territoire brésilien et des français pour ceux
installés sur le territoire français. Vis-à-vis du droit brésilien,
tous les brésiliens sont des citoyens de la nation, aussi bien les
Yanomamis que tous les autres citoyens du pays. Pour l'État
français, c'est la même chose.

J'ai évoqué ici et à plusieurs reprises les communautés pour


illustrer la représentation des identités. Mais cela n'est pas un
prosélytisme pour concevoir une politique nationale visant le
communautarisme. Je ne plaide pas pour une « nation des
communautés ». Bien au contraire, je défends l'idée qu'on peut
5
L'Oyapock est le nom français d'un fleuve qui marque la frontière
terrestre entre le Brésil et la France en Guyane française depuis 1713
date de la signature du traité d'Utrecht. Il prend sa source au Brésil, dans
l'État d'Amapá, au Nord de la Serra Uassipein, partie de la Serra de
Yanomami Cette frontière naturelle longue de 370 km est surveillée en
permanence par la gendarmerie nationale française et par les
légionnaires du 3ème REI de Kourou. Source: Wikipédia

34
vivre avec toutes les libertés et différences individuelles
possibles, le tout, tous unis et autour des valeurs communes de
la Nation. Car l'identité est plus que de simples papiers
d'identité, c'est une affaire très personnelle et chaque individu
est unique en soi, même dans sa propre communauté ou dans sa
propre famille. L'identité nationale basée uniquement sur un
mode de vie individuel est donc un idéal irréalisable, inefficace
et néfaste.

35
« Pendant ce temps, au cœur de l'Amazonie, chez
les Yanomami... »

Illustration 3: « Pendant ce temps, au cœur de


l'Amazonie, chez les Yanomami... »

36
Chapitre 3: MACHADO A ETE TRAHIT ?

Moi bouleversé.

Modifier l'orthographe du nom de famille s'est avéré très


gênant car j'avais touché à quelque « chose de sacré ». J'ai été
mis dans le rôle de « patronymicide » car j'avais trahi, voir
même meurtri, ma famille en appliquant l'orthographe française
au nom de famille. Mais le crime n'est pas clair, s'agit-il
d'adopter une orthographe étrangère,ou de modifier l'écriture
tout simplement du nom de famille?

Pire encore, j'avais commis ce crime sans en avoir besoin. En


fait, tout le monde était d'accord et disaient d'une seule voix « il
n'y en avait pas le besoin » ou « Cela était inutile ». Ils étaient
tous d'accord qu'il n'y avait aucune utilité dans ce geste. C'est
intéressant cette réaction car si le geste était vraiment « inutile
» pourquoi toutes ces réactions et des fois très vives? Si la
démarche est vraiment insignifiante, pourquoi cela n'est pas
passé inaperçue?

37
C'est clair qu'il y a des sentiments intérieurs que les autres
n'expriment pas. Mais par contre ils essaient de critiquer le
geste en disant tout simplement que cela est inutile.
Personnellement j'ai des raisons néanmoins c'est dans la
deuxième partie je vais vous exposer mes motivations.

En tout cas, j'ai été frappé par la réaction des autres. Leurs
bouleversements montraient comme on est attaché à certaines «
choses » concernant les noms mais sans se rendre compte de la
raison de cet attachement. En fait on ne peut pas vraiment
affirmer qu'on ne connaît pas les raisons de l'attachement mais
plutôt qu'on ne les exprime pas. Il faut dire qu'on ne voit pas de
discussion ou de débat sur les noms et ses enjeux dans la
famille, la culture, la société. C'est un fait connu et reconnu par
tous, il y a là des points de repère, des liens, qui existent
toujours même si en fait on ne sait plus à quoi ça sert. Mais
dans tous les cas, n'y touchons pas, c'est sacré.

Le nom de famille est donc une espèce de monument


monolithique, un autel sacré érigée dans la nuit des temps mais
dont on ne connaît pas l'histoire. C'est un peu comme les
grands monuments sacrés ou religieux des anciennes
civilisations, comme les pyramides ou les ruines de
Stonehenge... C'est tombé dans l'oubli, on ne se souvient pas,
mais ça sert quand même à alimenter des légendes et des
mythes.

J'ai un grand ami, je lui avais parlé de mon intention


d'appliquer l'orthographe française à mon de famille. Il m'avait
dit, en 2002, de ne pas le faire et en 2007, il m'a rappelé qu'il
m'avait prévenu de ne pas le faire. Mais il n'a jamais dit
pourquoi ne pas le faire bien que je lui ais présenté des

38
arguments pour le faire. Bref, avant d'écrire ces pages, en cinq
ans il n'a pas changé d'avis. Et ma situation est toujours la
même, j'ai été conseillé de ne pas commettre le « crime », et
malgré cela, je l'ai commis et maintenant il faut subir les
conséquences de mon « acte criminel ».

Le plus curieux, c'est quand on pose la question « Pourquoi ne


doit-on pas changer le nom de famille? » les réponses sont
toujours les mêmes: « Parce qu'il n'y a pas besoin; », « Parce
que ça ne se fait pas. », « Parce qu'on naît avec son nom est on
doit mourir avec son nom. ». Mais personne n’évoque
réellement les raisons de ne pas le faire. Il n'y a pas une
réflexion sur la question et c'est justement ce manque de
réflexion qui m'a toujours gêné.

Bien qu'ils ne s'expriment pas vraiment sur l'interdiction, on


peut identifier certains arguments. En fait pour beaucoup sans
aller trop loin, « le nom de famille dit ce qu'on est et point ».
Mais c'est très important de comprendre ceci. Je suis Machado
avec « o » et pas Machadeau avec « eau ».... Comprend-t-on
vraiment? Évidemment quand on l'écrit on voit la différence
d'orthographe, donc pour les yeux, mais quand on l'écoute il n'y
a pas de pas de différence. Les oreilles donc ne se rendent pas
compte mais ce n'est pas suffisant.

C'est très intéressant cette différence d'importance des sens.


Dans notre cas, la vue sur l'oui. Je le trouve particulièrement
curieux car notre société n'est plus la société littéraire
d'autrefois. Nos sociétés deviennent de plus en plus
iconoclastes, où l'image y règne. On peut penser toutefois que
c'est l'aspect « contractuel » très fort et marquant à nos jours.
Dans les sociétés où tout se passe par contrat écrit, évidemment

39
le nom devient un critère important de repère. Néanmoins je ne
suis pas sur si ces deux aspects, littéraire et contractuel, soient
vraiment les raisons non exprimées.

Il faut dire que ce changement d'orthographe a pu se faire parce


qu'il s'agit de la langue française. Avec les autres langues
latines comme le portugais, l'espagnol ou l'italien, cela ne serait
pas possible car elles n'ont pas la voyelle « eau ». Dans ces 3
langues la voyelle « o » s'écrit seulement par « o ». Si notre
histoire de demande de nationalité s'était passée dans ces pays,
ou dans d'autres qui parlent ces langues, je n’aurais pas eu les
moyens linguistiques pour le réaliser. Je n’aurais pas eu aussi
l'envie de le faire car l'idée même ne me serait pas venue. Nous
allons voir dans les chapitres suivants que mes motivations ne
sont pas qu’esthétiques.

Certains pensent que ce serait une envie de jouer avec la langue


française. Il est connu mondialement la passion des
francophones et des francophiles pour les jeux et les arts que la
langue française permet. Parmi les nombreux exemples, je
rappelle la « Dictée » ce jeu qui fait du succès dans toute la
planète. Il faut dire, quand on connaît un peu d'autres langues,
on ce rend compte de cette particularité de la langue française
qui permet de créer deux mondes complètement différents,
celui de l'écrit et celui du parlé, de la littérature et de la parole,
du symbole et du son. J'avoue que moi-même, comme tous les
francophiles, je ne suis pas indifférent aux péripéties de la
langue française.

Ainsi moi, je ne pense pas que j'ai trahi mes origines familiales
avec ce jeu de mots car phonétiquement « machadeau » reste
toujours « machado ». D'ailleurs je suis attaché à la sonorité du

40
nom comme tout le monde. Qui aime écouter son nom mal
prononcé lève la main! Il faut reconnaître que ce qui est naturel
à l'homme c'est le son. On n’a pas besoin d'aller à l'école pour
apprendre à entendre, ni d'étudier pour apprendre à connaître
les sons. Cet apprentissage ce fait tout seul et naturellement. Il
suffit de prêter l'oreille pour apprendre tout. Néanmoins cela ne
ce passe pas comme ça avec l'écriture, qui demande des années
d'études et de travail pour y parvenir.

Ce n'est pas nouveau: l'écriture n'est pas naturelle. Mais il faut


rappeler qu'elle a été crée par l'homme comme tous les autres
outils de travail. D'ailleurs elle est si artificielle que les
écritures sont aussi nombreuses que les peuples sur la planète
sont nombreux. Aujourd’hui pour apprendre à écrire il faut
aller dans les écoles ou se consacrer à des activités d'études et
de travail. Il faut persévérer pour maîtriser l'écriture et tout ce
qui va avec comme la grammaire, la conjugaison et
l'orthographe. De plus, cette maîtrise est différente en fonction
de la complexité et richesse de la langue en question. L'écriture
est donc le fruit de la civilisation avec tout ce qu'elle a construit
d'artificiel. Qui n'a pas des difficultés avec l'orthographe lève la
main... La mienne est déjà levée (rires).

Quand on prend en compte ce raisonnement, on voit que le


changement d'orthographe n'a rien de particulier vis-à-vis d'une
trahison avec le nom de famille. D'ailleurs on a des exemples
majeurs dans les sociétés francophones concernant les noms de
famille. Par exemple avec la généalogie, on a l'habitude de
rassembler les noms en fonction d'une racine commune ou
d'une orthographe similaire. Ainsi Marionnette et
Marionneau sont considérés comme les mêmes noms de
famille bien comme les variantes: Marionaud, Mariaunnod,

41
Marionnod, Marionnau, Marionnaut. Cette considération
vient du fait qu'il n'y avait pas vraiment des règles pour faire
les registres de naissance, le jour quand on a décidé de faire des
fiches d'état civil pour tous les français. Ainsi dans chaque
ville, les écrivains étaient les seules capables d'écrire les noms
de familles et cela donnait différentes variantes.

C'est évidement, mais il faut rappeler que dans le passé le


peuple était illettré voir complètement analphabète et que la
démocratisation de l'éducation est arrivée seulement au XIX
siècle. Toutefois ces variantes des noms de famille à cause de
l'orthographe ont eu sur toutes les sociétés où l'orthographe
permettait différentes formes d'écriture. Et plus l'orthographe
était compliquée, plus on faisait des variantes, c'est le cas de la
la langue française. On ne peut même pas dire qu'on faisait des
erreurs car il n'y avait pas des règles pour les noms propres.

Comme les raisons ne sont jamais vraiment exprimées, on peut


tout imaginer. Peut être le fait de jouer avec l'orthographe
montre une caractéristique d'homme de lettre et peut être que
de nos jours cela dérange. Nous sommes au sommet de la
société iconoclaste ou l'image frappe de plein fouet, que ce soit
au cinéma, à la télé ou dans la presse. Il est inconcevable
aujourd'hui pour les médias, de communiquer ou d'informer
sans avoir recours à l'image. Alors, peut-être, prêter attention à
l'orthographe, jouer avec l'écriture et essayer de transmettre
quelque chose par là, cela est vu comme trop capricieux... vu
que la tendance est de faire régner l'image. Alors celui qui le
fait nage à contre-courant avec son orthographe...
« Quel insolent! » ou « c'est un caprice ».

42
Enfin peut-être je suis trop lambda ou trop anodin pour oser
faire une action réservée aux grands. Peut-être aussi est-ce
justement cette capacité à franchir le pas, oser, briser une
chaîne... qui effraie les autres. Qui sait, pour certains il ne s'agit
que d'un caprice, d'une galanterie. Qui sait pour d'autres il ne
s'agit que d'une insolence. En tout cas je ne me sens pas
concerné par ces avis et les 3 prochains chapitres vont nous
dévoiler mes motivations personnelles.

Petite histoire des noms de famille

Un nom de famille est un mot attribué à une famille pour la


distinguer des autres familles composant un groupe social. On
utilise aussi le mot patronyme qui vient du latin pater, mais ce
terme est ambigu car il peut tout aussi bien désigner le nom de
famille et le nom patronymique. À lui seul, le nom de famille
ne permet pas de distinguer un individu d'un autre à l'intérieur
d'une même famille, d'où l'adjonction d'un prénom.

Les noms de famille sont apparus en France au XIIe siècle,


quand une hausse de la démographie ne permit plus de
différencier les individus par leur prénom (à l'époque, les
prénoms s'appelaient d'ailleurs noms). Au Moyen Âge, on avait
l'habitude de distinguer les différentes personnes portant le
même prénom en y associant le nom du père (le Martin de Jean
ou de Luc), son lieu de résidence ou de provenance (du chêne
ou l'angevin), une singularité liée au physique ou au caractère
(le grand, le bon, joli ou encore Martineau - le petit Martin),
son métier (le marchand ou boucher). Aussi, au moment de
fixer pour chacun un nom de famille, a-t-on naturellement
choisi ces appellations. Au XVIe siècle, l'ordonnance de

43
Villers-Cotterêts a généralisé l'enregistrement des baptêmes,
donc du nom de famille (mais sans fixation de l'orthographe),
pour les catholiques.

L'inscription sur les registres d'État civil sera progressivement


élargie à tous les citoyens sans distinction de confession après
la Révolution française. C'est seulement entre 1875 et 1877, à
l'occasion de l'émission des premiers livrets de famille, que les
noms de famille furent fixés sous leur forme définitive avec
une orthographe précise. Le grand nombre des variantes
orthographiques pour certains noms (jusqu'à une quarantaine)
est l'un des facteurs qui explique la grande variété des
patronymes français et la fréquence des noms « rares » (moins
de 50 porteurs vivants au moment du recensement) qui a pu
être estimée à 50% de l'ensemble des noms de famille. Environ
300 000 personne en France ne serait l'unique et dernier porteur
de son patronyme, alors qu'un nombre équivalent de Français
se partagent le nom de famille le plus fréquent: Martin.6

Origine des noms de famille

Il convient avant tout de définir la notion de nom. Les noms


sont divisés en deux ensembles distincts. Les premiers à
apparaître dans l'histoire de l'anthroponymie sont les noms
individuels, répartis en trois sortes:

6
Source: http://fr.wikipedia.org

44
Les prénoms (ou noms de baptême) sont ceux que l'on a reçus
à la naissance ; on peut en posséder un ou plusieurs.
Les surnoms (ou sobriquets) sont ceux que l'on peut recevoir au
cours de sa vie.
Les pseudonymes sont ceux que l'on se donne soi-même, pour
une raison ou pour une autre.

Les noms individuels sont attachés aux personnes qui les


portent. Ils disparaissent à leur mort sans être transmis à qui
que se soit. Apparus plus tardivement, les noms collectifs sont
ceux qui nous intéressent ici ; il s'agit des noms de famille. A
l'heure actuelle en France, ils sont généralement uniques et
demeurent héréditaires.

Dans la plupart des civilisations antiques, un seul nom servait à


désigner l'individu. Ce nom restait attaché à la personne de sa
naissance à sa mort, sans être toutefois héréditaire. Seuls les
Romains utilisaient un système de trois noms: le prénom, le
gentilice (nom du groupe de familles) et le cognomen (surnom,
devenu nom de famille). Cependant, les gens du peuple ne
portaient en général que deux noms: le prénom et le cognomen.
Avec l'expansion romaine, le système à trois noms s'est étendu
sur tout l'Empire et notamment la Gaule. Les invasions
barbares du Vème siècle détruisent l'Empire romain d'Occident
et font disparaître le système à trois noms de la Gaule.

En effet, les populations adoptent alors la coutume des


vainqueurs, qui était la leur avant l'arrivée des Romains. Ils ne
portent désormais qu'un nom individuel, qui ne se transmet pas
d'une génération à l'autre. Ce système va perdurer jusqu'au X
siècle. C'est en effet au X siècle que le processus de création
des noms de famille s'amorce. Face aux problèmes engendrés

45
par un trop grand nombre d'homonymes, le nom individuel est
peu à peu accompagné par un surnom. Avec l'usage, ce surnom
tend à devenir héréditaire. Ce phénomène se rencontre d'abord
parmi les familles nobles, puis s'élargit à l'ensemble de la
population à partir du XII siècle.

A partir du XV siècle, un long processus de fixation des noms


de famille s'amorce. Par ailleurs, le pouvoir politique
s'intéresse à la question et réglemente progressivement
l'existence des noms de famille. En 1474, Louis XI interdit de
changer de nom sans une autorisation royale. En 1539,
François Ier promulgue l'ordonnance de Villers-Cotterêts.
Celle-ci rend obligatoire la tenue de registres d'état-civil. Cette
tâche est confiée aux curés, le Clergé constituant la seule
'administration' présente dans tout le royaume. En fait, la
décision royale officialise et généralise une pratique déjà en
usage depuis le siècle précédent, principalement dans les villes.

Avec la Révolution française, la tenue de l'état-civil quitte le


cadre de la paroisse. Elle passe désormais dans les attributions
de l'État et se fait à la mairie de chaque commune. La loi du 6
fructidor de l'an II (23 août 1794) interdit de porter d'autre nom
et prénoms que ceux inscrits à l'état-civil. Cependant, le
Conseil d'État peut autoriser un changement de patronyme (ils
sont actuellement environ 800 par an). En 1870, l'apparition du
livret de famille fige définitivement l'orthographe de tous les
patronymes.

ORIGINES DES NOMS DE FAMILLE


Les noms existants en France sont liés aux origines de la
population française, formée par les colonisations, les

46
invasions et l'immigration. Chacun a apporté avec lui sa propre
langue et donc ses propres noms. En effet, l'onomastique est
étroitement liée à la linguistique, la plupart des noms ayant une
signification précise.

Origines des noms Origines spécifiques à Noms d’origine


français certaines régions étrangère
Origine hébraïque Origine basque
Origine grecque Origine bretonne
Origine Latine Origine flamande
Origine gauloise Les noms alsaciens et
Origine germanique lorrains
L'ancien français Origines catalanes
Origine corse
Les pays de langue d'oc
Les pays de langue
franco-provençale

Typologie des noms de famille

Les prénoms Les surnoms Les autres types


Origine germanique et Les noms de lieux Les noms exprimant la
"chrétienne" des Les noms dits "d'état" parenté
prénoms Les noms de métiers Les noms à
Noms composés à Les sobriquets l'étymologie incertaine
partir de prénoms Les surnoms Origine diverses
Les hypocoristiques "moraux"
Les noms de saints Les surnoms
Les prénoms renversés "physiques"
Source: http://www.geopatronyme.com

47
Origine latine :

Pour différencier les personnes portant un même nom


individuel, les Romains ont eu recours à des surnoms devenus
héréditaires. Dès l'époque la plus ancienne, le Romain de
condition libre porte un prénom (praenomen) et un nom de
famille (ou gentilice). Le gentilice est le nom par excellence,
commun à tous les individus mâles et femelles de la lignée (la
gens), à leurs affranchis et à leurs clients ; la gens, famille au
sens large du terme, regroupe toutes les familles descendant
d'un ancêtre commun.

Plus tard, le citoyen romain possède deux noms de famille.


Désormais il porte, à côté du gentilice, le nom de sa branche
familiale, c'est-à-dire de sa famille dans son sens restreint: c'est
le cognomen (ou secondnom). Le citoyen romain dispose ainsi
de trois noms, auxquels il faut éventuellement ajouter le
surnom personnel, l'agnomen ou « sobriquet personnel ».

Scipio l'Africain, vainqueur d'Hannibal a Zama en 202 avant


notre ère, s'appelait Publius Cornelius Scipio Africanus. Cet
exemple montre que le nom de la gens occupait toujours la
seconde place lorsque le prénom était exprimé. Manius, venant
de mane « le matin », était le nom donné à l'enfant né le matin.
On peut également citer d'autres exemples comme Marcus « le
marteau », Paulus « petit », etc. Les noms des gentes, les
gentilices, sont presque tous d'anciens sobriquets, des surnoms
agricoles. Par exemple Aemilius signifie « le rival », Aurelius «
celui qui brille », Fabius, (qui vient de faba « la fève ») « le
producteur de fèves », Hortensius (de hortus, « le jardin ») « le
jardinier ».

48
Les noms des familles sont aussi d'anciens surnoms devenus
héréditaires. Ils devaient primitivement caractériser une qualité
ou un défaut physique ou moral, ou bien donner une indication
de parenté. Ainsi, le sens d'Albinus est « blanc de teint »,
Avitus « l'aïeul », Balbus « bègue », Regulus « petit roi »,
Varus « qui a les jambes arquées en dehors ». Ce système de
trois ou quatre noms a pris fin avec la chute de Rome au V
siècle. Les noms latins sont très nombreux en France. Ils
représentent à peu près 30% des noms portés.7

Les trois vexations de la science

Pour illustrer une petite conclusion pour cette première partie


du livre, je vais recourir à une théorie freudienne. Celle qui
réside dans les trois humiliations qu’a imposé la science à
l’Homme: La vexation cosmologique, La vexation biologique
et La vexation psychologique.

La vexation cosmologique: Copernic affirme, entre le XVe et


XVIe, et Galilée démontre, entre le XVIe et XVIIe, que la
Terre n’est pas au centre de l’Univers, l’Homme n’est donc pas
le centre de la création divine.

La vexation biologique: Darwin montre au XIXe que l’Homme


et le singe ont un ancêtre commun, Dieu n’a pas créé un
homme parfait à son image, l’Homme n’est que le fruit d’une
longue évolution depuis le primate.

7
Source: http://www.geopatronyme.com

49
La vexation psychologique: Freud démontre, entre le XIXe et
le XXe, que le psychisme ne se limite pas au champ de notre
conscience, l’Homme n’est donc pas véritablement le maître
total de ses agissements.

Cette illustration est évoquée tout simplement pour pouvoir


poser la question suivante: Pourquoi devant la chute de si
importants paradigmes existentiels, nous allons nous enfermer
sur « nous sommes ce qui est écrit sur les papiers »? Cela n'est
plus approprié et surtout pas au XXIe siècle.

Voilà une piste pour les experts du sujet, les anthropologues,


les philosophes, les politologues et tous les autres. Sans vouloir
être prétentieux, peut-être il est temps de libérer l'homme des
concepts de la nation, la patrie et de l'Etat crées pendant les 18e
et 19e siècles. Nous savons tous ce qui c'est passé au XX siècle
à cause notamment des certaines 'idées' et 'concepts'
complètement néfastes.

Il est temps de formuler des nouveaux concepts pour que les


hommes et les femmes du XXI siècle puissent vivre en accord
avec la réalité « réelle » d'aujourd'hui. Jamais je ne vais prêcher
pour finir avec quoi que ce soit mais bien à l'inverse, je défend
le besoin pour créer du nouveau et faire évoluer l'ensemble.

Comme il a été dit, il y a eu donc des français effrayés et des


étrangers indignés, mais il y a eu ceux, français et étrangers,
qui ont trouvés ma démarche complètement inutile, de la
sottise, voir une gâterie. Néanmoins, comme je l'ai exposé, il
n'est pas sûr le fondement de l'inutilité ou de la sottise
évoquées. Si certains évoquent qu'il n'y avait pas besoin de
changer d'orthographe car il y a toute sorte des noms étrangers

50
en France pour qu'on puisse prêter attention au mien... Qu'il y
aussi d'innombrables cas des français avec des noms étrangers
qui ont réussi leur vie dans tous les secteurs: politique, culturel,
économique ou sportif. Bref, ma démarche serait donc inutile
car je cherchais une sorte "d'intégration" dont il n'y avait pas
besoin. Or, ma démarche n'est pas pour une sorte
"d'intégration", car j'avais fait le plus difficile sans avoir la
nationalité française.

Je remarque que l'obtention de la nationalité a été


l'aboutissement d'un processus d'intégration et de réussite
personnelle et non pas l'inverse. Effectivement, changer le nom
n'apporte rien à ce chemin d'intégration et réussite déjà
accompli. Mais, comme nous allons voir dans les trois
prochains chapitres, mes motivations sont plus d'ordre
personnel que de besoin social.

51
« Quel outil choisir? »

Illustration 4: « Quel outil choisir? »

52
Chapitre 4: DESORMAIS WAGNEY
N'EXISTE PLUS?

Wagney a-t-il vraiment disparu?

Comme nous en avons parlé au premier chapitre, la majorité


des Français de mon entourage étaient effrayés du fait que
j'avais arrêté d'utiliser en France mon premier prénom,
Wagney. Mais eux-mêmes, ne se souviennent pas, lors de notre
première rencontre qu’ils furent étonnés par mon prénom car il
n'était pas « vraiment brésilien ».

Personne ne dépasse les brésiliens en ce qui concerne la


décontraction, la créativité, l'humour et l'étrange par lesquelles
ils nomment leurs enfants – qui ce soient les Brésiliens
populaires ou les intellectuels. Le poète Oswaldo de Andrade
(1890 - 1954), qui aimait choquer la société 'paulista', n'a pas
hésité à baptiser ses deux enfants avec des noms très exotiques:
Lançaperfume Rodometálico de Andrade (Lance parfum
Rodométalic de Andrade) et Rolando Pela Escada Abaixo de
Andrade (Roulant Par l’Escalier En Bas de Andreade).

53
Il y a déjà quelques dizaines d'années le sociologue brésilien
Mário Souto Maior a publié un recueil des noms les plus
orthodoxes tels que Cavalo Antônio (Cheval Antoine), Céu
Azul do Céu Poente (Ciel Bleue du Ciel Couchant), Colapso
Cardíaco da Silva (Arrêt Cardiaque da Silva), Cólica de Jesus
(Douleur de Jesus), Crissopasso Compasso (Crissopas
Compas), Dezênio Fevereiro de Oitenta e Cinco (Décéni
Février de Quatre-vingt-cinq), Dinossauro Carlos da Silva
Rios (Dinosaure Carlos da Silva Fleuves), Dourado Peitudo
(Doré Grossein), Doroteu Katisplaciano Silva, Dorodhovío
dos Anjos, etc (pas possible traduire pour ces deux derniers).

Dans le même ouvrage de Mario Souto, il y a le cas de Maria


de Jesus Galisa, 21 ans et célibataire : elle a eu un enfant qui a
été baptisé 'Skylab'8, en hommage au laboratoire spatial
américain qui était tombé au même jour de la naissance de
l'enfant. Comme la mère était pauvre, elle écrivit une lettre à la
NASA pour lui demander de l'aide pour élever son fils, dans
l'espoir que la NASA serait plus responsable que le père de
l'enfant.

Il ne manque pas d'exemples très étranges et bizarres. Certains


sont même difficiles à traduire, tels que: Filogénio Lopes
Utinguaçu, Ataulpa Atabalipa Inca Vidigal, Juca Acaiaba
Dendém Paraguaçu, Grato Ladislau Bus Caramuru. Il y a
aussi des noms connus comme les 'kilomètre et demi' (car ce
sont des noms très longs). C'est le cas du magnifique 'Benedito
Frôscolo Jovino de Almeida Aimberê Militão de Sousa
Baruel de Itaparica Boré Fomi de Tucunduva'. Mais aussi

8
Skylab a été la première station spatiale américaine. Elle fut lancée le 14
mai 1973 et se désintégra au-dessus de l'océan Indien le 11 juillet 1979
en rentrant dans l'atmosphère.

54
celui d'un père qui, heureux de la victoire de l'équipe
brésilienne de foot lors de la Coupe du Monde, a donné à son
fils 21 prénoms, tous les premiers prénoms des joueurs de
l'équipe championne.

Dans la ville de Belém do Pará, on raconte l'histoire d'une


famille qui vivait dans l'île du Marajó : des parents avaient
décidé d’appeler leurs enfants avec des prénoms finissant avec
"baldo". Ainsi les deux premiers enfants se sont appelés:
Ubaldo et Vilebaldo. Le père, trouvant que la famille était déjà
assez grande, décida que le troisième enfant serait le dernier : il
le nomma Parabaldo (Arrêtebaldo). Malheureusement et il y
eut une grossesse imprévue. La solution fut d'appeler le
quatrième enfant de Seguebaldo (Suitebaldo).

Toujours sur la ville de Belém do Pará, une autre famille,


passionnée par la littérature, donna aux enfants les prénoms:
Prólogo, Soneto, Ementa ; et, croyant que le quatrième serait
le dernier, l’appela Epílogo de Campos. Toutefois, il y en eut
un cinquième, une fille, et le choix du prénom fut: Errata de
Campos. Plus étonnant encore, l'enfant Epílogo de Campos,
voulant garder la tradition littéraire de la famille baptisa ses
quatre enfants de prénoms très suggestifs: Estrophe, Poesia,
Verso et Pessoína – évidemment ce dernier en hommage à
l'écrivain Fernando Pessoa!

Dans l'État du Rio Grande do Sul existe un personnage connu


comme Arodir Átila Perverso Antonioni (Atile Pervers) et
dans l'État du Paraná un monsieur nommé Pedro da Ponta
Fina Amolador da Ponta Grossa (Pierre de la Pointe Fine
Eguisseur de la Pointe Grosse). Dans l'Etat de Pernambuco il y
a le cas connu d'un individu appelé Gueyglysaydy Brasileiro

55
Neto (neto c'est Petit-fils), qui est frère de Gylglascony,
Graydary, Grayny, Guueythchyly et Gylrryar (ce dernier
prénom de la seule soeur). Cet engouement pour la lettre 'y'
doit être répandue dans le Pernambuco car il y a aussi le cas
des quatre soeurs appelées Hydia, Hevylda, Henylda et
Helylda, des enfants de Nivaldo e Hilma Landim. Ce couple a
eu un seul fils mais qui a été baptisé Nivaldo Junior – très
anodin. Bref dans le Brésil tout est possible et certains souvent
souhaitent changer de noms, d'autres s'habituent et trouvent
même une certaine fierté à cette excentricité, mais quand on
pense qu'il y a des cas extrêmement lourds comme
Anclotinato, Ubsclendes ou Duntalme... La croix à porter
peut être difficile, n'est-ce pas?

Malgré cette 'créativité' effervescente, il faut rappeler que la


grande majorité des prénoms brésiliens sont d'origine latine et
surtout des cultures portugaise, espagnole et italienne. Je
comprends donc la surprise en Europe avec mon prénom. Dès
mon arrivée en 1995, ils disaient tous à l'unanimité et cela
pendant 10 ans: « Mais Wagney ce n'est pas brésilien?!?!... ».

En fait, ils attendaient un prénom « typiquement » brésilien


comme Carlos ou Ronaldo, bref quelque chose de très ibérique,
mais aussi et surtout un prénom de joueur de foot (pas besoin
de citer Pélé). Il faut dire que la plus grande vitrine planétaire
des prénoms brésiliens sont les joueurs de « futebol ». Qui
d'ailleurs ne sont souvent pas des vrais noms mais des
« apelidos » (surnoms). De plus, très souvent les Français
essaient de savoir quelle est l'origine de mon prénom. Alors à
ce moment-là, je sortais la petite histoire, déjà au bout de ma
langue, que vous allez découvrir par la suite.

56
Oui effectivement Wagney ce n'est pas un prénom
« typiquement » brésilien. C'est en fait une dérivation de
Wagner, un prénom assez courant au Brésil. Tellement courant
que ma mère trouvait Wagner un peu anodin et décida de
remplacer le « r » par le « y » et faire un nouveau prénom. En
dehors de toutes les analyses possibles, il faut remarquer cette
grande capacité et volonté des brésiliens à assimiler et
réinventer les influences venues de l'étranger.

Wagner est un prénom qui c'est répandu beaucoup grâce aux


médias. Mais c'est surtout par la télévision que ce prénom s'est
répercuté. Un fait méconnu des Brésiliens, mais plus connus
des Européens, c'est qu'à l'origine, ce prénom est en effet un
nom de famille d'origine anglo-saxonne. Il y a donc beaucoup
des Wagner au Brésil mais aussi des Wellington, Wallace,
Washington, William, Wilson, Walker, Walter, Wesley,
Wilbert, Wanderson, Welder, Wendy, Woody, Weverton.

Il faut dire aussi qu'on trouve de tout au Brésil et avec toutes


les variantes possibles. C’est-à-dire des prénoms étrangers dans
leur l'orthographe d'origine mais aussi avec l'orthographe
brésilien et l’esthétique brésilienne. On peut ainsi avoir
Willian, Wilian, William, Wyllian, Williame, Uilliam,
Uiliami, etc.

Sans aucun doute, cette grande influence anglo-saxonne est


causée par, d'une part et surtout, la consommation des produits
culturels des USA ; et d'autre part, la promotion des artistes et/
ou personnages dans ces produits. Par exemple, c'est ainsi que
le personnage 'Leslye', interprété par l'actrice 'Samantha' va à
la fois propulser les deux prénoms, 'Leslye' (pour les fans du
personnage) et 'Samantha' (pour les fans de l'actrice). Hélas

57
cette « colonisation douce » n'est pas fréquente uniquement au
Brésil et on la voit un peu partout, en France compris.

On sait que depuis les années 80 ce phénomène s'agrandit en


France et n'est pas prêt de s'arrêter. Il y a 20 ans, on l'a identifié
avec la vague des 'Jenifer' (à cause de la très populaire série
télé) ; et 10 ans après avec 'Pamela' (à cause de la série télé
mais aussi des attributs du personnage) ; et peut-être ça va être
pareil avec 'Britney' pour ce début de siècle.

Les Brésiliens sont curieux et aiment l'exotisme. Cela se voit


donc sur le choix des prénoms notamment par les consonnes
anglo-saxonnes telles que K, W, Y. Mais aussi certaines qui
font exotiques comme le X et le Z. Le H muet en dehors du
couple NH, comme Déborah. Mais aussi certains couples des
consonnes comme le TH font beaucoup de succès (par
exemple Thomas, Thales, Thiago, Thais, Thonya, entre
autres). Les Brésiliens aiment les consonnes doubles telles que:
LL, TT, SS, NN, DD.

Ils aiment aussi jouer avec les remplacements des lettres en


fonction de ce qui est anodin et ce qui ne l'est pas comme, par
exemple, le N (à la place du M), W (à la place du V mais aussi
à la place du U), Y (à la place du I), K (à la place du C ou Q).
Ce phénomène est immense et depuis 40 ans prend
énormément de force. On pourrait écrire un gros livre sur
l'origine, les contextes et l'état des prénoms brésiliens – voir
toute une encyclopédie!

Je dois préciser que ni moi, ni ma famille, ni mes grandes


familles, nous n'avons aucun lien avec la culture ou la société
américaine. Nous n'avons rien, que ce soit religieux, social,

58
culturel, historique, en commun avec les pays de l'Amérique du
Nord. Le peu d'héritage culturelle de notre famille est très
ancien et vient de la culture portugaise, notamment par des
immigrants qui se sont installés au Brésil depuis déjà quelques
siècles.

Alors mon prénom ne porte aucune héritage culturel ou


historique. En fait l'appropriation d'un prénom ou d’un nom
étranger est au contraire un éloignement de sa culture originale.
Certes le prénom Wagney est l'expression d'une culturalisation
contemporaine et un trait de la société brésilienne mais ce n'est
donc pas un patrimoine à préserver, ni familial, ni historique.

Néanmoins, les Brésiliens sont capables de baptiser leurs


enfants de prénoms étrangers en respectant orthographe
étrangère et le tout sans aucune gêne vis-à-vis de l'origine de
l'enfant et de la culture brésilienne dont il est issu. Bien au
contraire, il peut y avoir même une certaine fierté de marquer
un fait présent sur l'enfant. Et c'est dans les classes populaires
qu'on trouve les cas les plus spectaculaires car les intellectuels
brésiliens de nos jours sont beaucoup moins provocateurs que
jadis.

Malgré l'ampleur du phénomène, tout se passe au Brésil


comme si de rien n'était. En fait, les médias et les têtes bien-
pensantes s'en moquent. Quand quelqu’un parle de ce sujet,
c'est surtout pour rigoler et principalement pour se moquer des
cas les moins esthétisants ou les plus flamboyants, voir des
prénoms vraiment bizarres, comme les noms d'animaux, de
médicaments, ou de mots vexants. Mais il n'y a pas vraiment de
réflexion sérieuse sur ce phénomène de société.

59
On peut dire qu'il y a depuis plusieurs décennies une déferlante
anglo-saxonne sur la culture brésilienne par les médias. Ce qui
crée un fossé entre « l'identité réelle » et « l'identité
médiatisée ». Ainsi petit à petit, on voit disparaître les apports
des cultures d'origine du pays: latines, africaines et indigènes.
Mais celles qui ont vraiment beaucoup perdu sont les deux
dernières car les prénoms d'indiens brésiliens et d'africains sont
très peut courants à nos jours. Il y eut une époque où des
Ubirajara et Iracema (prénoms indiens) avaient beaucoup de
succès. Les prénoms africains sont encore plus rares. Pire
encore, les prénoms de ces cultures d'origine sont vu comme
démodés et ringards... ce que je regrette énormément.

Il est pourtant un fait connu et reconnu par les experts sur le


Brésil, la société brésilienne est « une culture anthropophage ».
C'est-à-dire la société brésilienne est capable d'assimiler et
digérer les cultures étrangères sans aucune difficulté et ou gène
et de les restituer dans une forme nouvelle. Contrairement à
ceux qui pouvaient croire que j'étais en train de refuser et ou
nier ma culture brésilienne d'origine, le fait de changer mon
nom est très, très brésilien. Car j'assimile et digère mon
entourage français et je crée du nouveau. Il y a aussi le fait de
refuser l'anodin et de « jouer » avec les lettres pour chercher
une esthétique nouvelle. Et plus encore, le fait de le mettre à
mon goût, en revendiquant l’orthographe française et la
prononciation brésilienne - c'est un trait très brésilien de mettre
l'ensemble au goût de soi, en l'occurrence à mon goût.

Mais j'aimerais revenir sur la déferlante nord-américaine : en


fait je m'interroge plus précisément s'il ne s'agit pas, là aussi,
d'un complexe d'infériorité doublée d'une quête d'appropriation
de l'étranger. Certes l'attraction pour l'aspect esthétique est sûr

60
et certain, je n’y reviens pas ; mais où se trouve la limite entre
l'esthétisme et la manifestation d'une colonisation culturelle
inaperçue ? Parfois, je pense que les Brésiliens veulent, en
adoptant et/ou modifiant les prénoms, s'approprier les
« parures » des étrangers comme nos ancêtres le faisaient déjà
dans le passé.

Cette analyse faite, vous, le lecteur, serez tenté de m'interroger


sur le même regard. Néanmoins, cela n'est pas applicable dans
mon cas. Je ne veux pas m'approprier les parures des français
pour leur ressembler car je suis devenu aussi français lors j'ai
acquis la nationalité française. Toutefois, chaque chose en son
temps, je reviendrai plus tard sur mon cas particulier.

Cela dit, on ne doit pas dramatiser non plus cette effervescence


des prénoms brésiliens. En fait, les choix sonores, graphiques
ou orthographiques, sont fondés surtout sur les aspects
esthétiques de l'écriture et de la prononciation Les porteurs des
prénoms ignorent (dans la grande majorité des cas) les aspects
géographiques, politiques, historiques, culturels et/ou ethniques
des prénoms. Depuis plusieurs siècles, les Brésiliens
s'approprient, métamorphosent, inventent et réinventent tout
dans la société, les prénoms et noms compris. Dans ce sens,
mon prénom est représentatif de la culture brésilienne mais il
faut l'expliquer à toute la planète.

Dans ce point précis, c'est justement là le cœur du problème.


Comme il n'y a pas de revendications collectives et/ou de
propriétés brésiliennes reconnues, il n'y a pas donc de perte.
C’est-à-dire que le cas Wagney n'est ni connu ni reconnu, ni
dans le Brésil ni dans le monde, ni par les Brésiliens ni par les
étrangers, comme étant un aspect typique de la culture

61
brésilienne; Ainsi, le fait que je n'utilise plus ce prénom ne peut
pas être vu comme une perte quelconque.

La seule exception mondiale connue c'est avec le service


d'immigration des USA. En fait dans le trafic des passeports, il
est connu et reconnu qu'un passeport brésilien peut avoir tous
les types d'éléments étrangers possibles. Cela, que ce soit sur la
photo et toutes les formes des noms et prénoms, originels et ou
dérivés des toutes les cultures et sociétés du monde. Ce qui fait
donc du passeport brésilien un document prisé et très recherché
dans ce trafic international.

Revenons sur le prénom Wagney, et plus exactement sur sa


prononciation. En fait, « Vagnet » ou « Vaguinet » n'ont jamais
été la prononciation du prénom. Pourtant depuis que je suis
arrivé en France on ne m'appelle que par ses deux formes de
prononciation. Il faut dire que prononcer « Vàguineï » (avec un
'a' ouvert et très long) ce n'est pas évident pour les Français et
même les étrangers en général. Il faut dire que l’orthographe de
Wagney ne correspond pas à la prononciation. Alors, entre
imposer la prononciation à la française sur une orthographe
étrangère, pourquoi ne pas appliquer l’orthographe française à
une prononciation étrangère . S'il y a un pont, il faut que la
circulation puisse se faire dans les deux sens. Je suis
absolument contre la pensée du « deux poids, deux mesures ».

Évidemment, pendant les premières années de mon arrivée en


France, je me suis résigné et accepté la prononciation à la
française de mon prénom. Imaginez bien la situation :
apprendre à chaque personne qui a un contact avec moi, à
prononcer le prénom à la brésilienne – et surtout avec l'accent
tonique sur le « a ». Je vous dis, c'est épuisant et pas du tout

62
intéressant ; c'est même un mauvais pas pour l'insertion sociale.
Donc, on se laisse aller, on est en France, et qui a-t-il de plus
naturel que de faire à la française?

Mais ce prénom Wagney n'a toujours pas eu l'unanimité pour la


prononciation ; et déjà au Brésil. J'ai toujours vu ma mère
mettre la « bonne » prononciation en valeur. J'ai vite remarqué
qu’elle avait le souhait à tout prix de la faire valoir. Mon
prénom donc selon elle est « Vàguinei » avec l'accent tonique
sur le « a ». Néanmoins, tout le monde prononce « Vaguineï »
avec l'accent très tonique sur le « i ». Je peux vous garantir que
quand les Brésiliens les prononcent, ce sont deux cas très
différents.

Parlons maintenant d'un trait typiquement brésilien : les


'apelidos' (surnoms). Des surnoms, j'en ai eu et j'en ai plusieurs.
J'en ai toujours eu dans ma famille, dans mon quartier, avec les
amis, les collègues du travail, à l'université. Mon cas n'est pas
du tout un cas à part. C'est une pratique très courante au Brésil,
au point que souvent les surnoms prennent plus d'importance
que le vrai nom. L'exemple majeur que je peux citer et
d'ailleurs très d'actualité c'est le président de la République du
Brésil, Monsieur Lula.

Le nom de naissance du président brésilien c'est Luiz Inácio da


Silva. Il est né dans la ville de Caetés, dans le « agreste »
(région aride) de l'État de Pernambuco9 le 27 octobre 1945. Il
est l'actuel président de la République Fédérative du Brésil
depuis le 1 janvier 2003. Il a démarré sa carrière politique dans

9
Je rappelle, le Brésil c'est une fédération de 26 Etats (avec 26 capitales
et 26 gouverneurs) et un district fédéral où se trouve la capitale de la
fédération - la ville de Brasilia.

63
le mouvement syndicaliste dans l'État de São Paulo où il était
ouvrier dans la métallurgie. Même avant de démarrer son
travail dans le mouvement syndical des années 70, on l'appelait
déjà Lula – un surnom à cause de son prénom Luis. Il est
devenu une personnalité très importante dans le mouvement et
dans la résistance à la dictature. Il a été aussi candidat à
plusieurs élections, législatives et présidentielles, et toujours a
adopté son surnom « Lula ». Ce surnom est devenu si précieux
et important pour lui, qu'il a fait une démarche auprès des
organismes responsables pour modifier sa fiche d'état civil pour
ajouter ce surnom à son nom. Depuis cette démarche, il appelle
désormais Luiz Inácio Lula da Silva.

J'ai donc eu et j'ai encore plusieurs surnoms brésiliens. En fait,


les gens autour de moi me donnaient un surnom en fonction de
l'image ou de la perception qu'ils avaient de ma personne.
Comme ces surnoms étaient toujours très gentils et je n’avais
aucun problème pour les accepter et les adopter. Je le répète ce
n'est pas qu'à moi que cela arrive, au Brésil c'est très courant
d’appeler les gens par des surnoms, même en milieu
professionnel. J'ai connu des cas où certains surnoms n’étaient
utilisés qu’entre deux personnes, c'est-à-dire, l'appelant et
l'appelé. Cela veut dire que pendant des années, voir toute la
vie, ces deux personnes n'ont jamais appelé l'autre par son
propre nom et personne d’autre n’a repris le surnom pour
l'utiliser car ils savaient que c'était d'usage exclusif de ces deux
personnes. Si on le souhaitais, on pourrais écrire un livre avec
des cas similaires.

J'ai un ami au Brésil qui, pendant plus de 20 ans, se faisait


appelé par un surnom (je ne vais pas le citer car je ne veux pas
le vexer) et, d'un jour à l'autre, il l'a abandonné et a commencé

64
à utiliser son premier prénom. Ce surnom était connu et utilisé
seulement dans son cercle d'amis proches. Il m'a d'ailleurs
corrigé plusieurs fois, me rappelant qu'il ne se faisait plus
s'appeler comme jadis : ça c'est le Brésil!

Ces histoires illustrent donc un fait très important dans les


relations sociales, le plaisir d'appeler et de se faire appeler. Il y
a certes le nom de baptême, un document administratif très
important, mais au-delà de la formalité, c'est l'échange entre les
gens qui importe; et surtout les gens très proches et de grande
importance pour soi. Ça ne m'étonne pas donc que les noms ou
surnoms puissent changer au cours d'une existence, voir avoir
plusieurs noms ou surnoms en fonction des différents groupes
et contextes sociaux.

Cela dit, certains lecteurs seront vite tentés de déduire que cela
révèle une absence de personnalité. Pas du tout, bien au
contraire : nous sommes tous des êtres complexes et la vie est
trop longue et riche pour réduire un individu à un nom ou à un
prénom. Je vois les gens plutôt comme un ensemble à plusieurs
'facettes', et, selon ce que nous avons devant nous, chaque
facette peut prendre plus d'importance ou pertinence. Un
exemple simple pour bien illustrer les 'facettes', c'est ce qui se
passe dans une équipe sportive; il est tout à fait habituel et
normal de « baptiser » un co-équipier avec un prénom que
renvoie un trait de caractère ou qualité physique fondamental
pour cette équipe. Mais cela ne veut pas dire que ce prénom
sera repris ou utilisé par l'individu en question, par exemple
dans son lieu de travail.

65
« Docteur François et Mister Tabajara »

Illustration 5: « Docteur François et Mister


Tabajara »

66
Chapitre 5: LE RAYONNEMENT DE
LOUIS

Faire appeler Louis avec « s », c'est trop


demander ?

Comme il a été abordé au chapitre précédent, le prénom


Wagney n'a pas été « bien accueilli » en France. Parce qu'il
n'était pas reconnu comme étant brésilien et parce qu'il était
difficile à prononcer. Ces difficultés ne favorisaient pas ainsi
un « lien immédiat » entre les autres et moi. C’est-à-dire que
d'une part ma personne, voir mon « identité », n'étaient pas
définies par ce prénom et que d'autre part moi, je ne
m’identifiais pas à mon prénom prononcé à la française. Dans
ce contexte, utiliser mon deuxième prénom Luiz a été un geste
très naturel.

Luiz est en effet le prénom de mon père. Tout de suite, il a été


bien reçu et facilement adopté par les Français et les étrangers.
La prononciation n'a posé aucun problème car elle est connue
et facile par tout le monde grâce à la culture latine. D'ailleurs,
je me suis rendu compte que c'était même très facile à tous les
étrangers de toute la planète. En fait Luiz est un prénom avec

67
des atouts phonétiques : c'est court et avec deux voyelles,
universelles et prédominantes, très faciles à prononcer: le « u »
(la prononciation 'ou' à la française) et le « i ». Plus deux
consonnes aussi très faciles à prononcer le « l » et le « s »
(malgré le « z » ). Enfin, c'est un prénom très répandu dans le
monde de la culture ibérique et latine, donc vraiment très
populaire sur la planète.

Ce choix s'est avéré le bon car mon « image » et ma


« personnalité » brésilienne était donc « sauvée » et
« consacrée » avec le prénom Luiz. C’est-à-dire, entre les
autres et moi il y avait une concordance, un 'courant' qui
passait dès le premier instant : j’étais un brésilien avec un
prénom brésilien. D'une certaine façon, les personnes préfèrent
toujours prendre les choses simples et faciles à comprendre : ça
les rassure et les rend même plus heureux. C'est le mode de vie
basé sur les « idées simples » ou le « prêt à manger » où tout ce
qui est complexe est mal vu.

Mais cela est un couteau à deux tranchants car il s'agit des


repères stéréotypés. Etre de nationalité brésilienne, donc un
prénom typiquement brésilien ; être français, donc un prénom
typiquement français. L'évidence n’agit plus comme cela
depuis plusieurs décennies. Nous avons ici présenté plusieurs
cas des prénoms brésiliens pour démontrer cette transformation
culturelle. On l’a déjà évoque ici, plusieurs livres ont été
publiés au Brésil avec des listes des prénoms et noms chacun
plus étrange que les autres, certains très exotiques, parfois
même délirants.

68
Le plus intéressant c'est que ces listes font toujours beaucoup
de succès, et cela sans débat ni polémique, mais bien au
contraire: cela passe souvent comme quelque chose de drôle et
amusant. Cela dit, ça ne veut pas dire que c’est toujours drôle
et beau pour les porteurs de ces noms.

Donc, dès ma deuxième année en France, j'ai pris l'usage de


Luiz et une « cohabitation » entre Wagney et Luiz a vue le jour
et cela jusqu'à maintenant. Cette cohabitation s'est passée d'une
forme assez distincte : dès qu'il s'agissait d'un environnement
administratif ou d'une organisation, comme l'école ou
l'entreprise, où l'usage de badges ou de carte d'identité était
nécessaire, c'était naturellement le Wagney qui s'imposait. A
contrario, dès qu'il s'agissait d’environnement social et amical,
donc plus spontané et informel, c'était Luiz qui prenait le
dessus.

Même aujourd'hui, dans tout mon environnement social,


chacun m'appelle par le prénom qu'il préfère ou selon son
habitude. Comme je l’ai déjà dit, faire usage des deux prénoms
ne me pose pas des problème. Comme nous l’avons évoqué
aux chapitres précédents, au Brésil, on s'est habitué à plusieurs
surnoms ou pseudonymes, et moi particulièrement car j'ai
toujours plusieurs surnoms selon les contextes: la famille, les
amis, les cercles sociaux et/ou le travail.

Néanmoins, j'étais confronté toujours à la problématique de


l'orthographe. En fait, on peut écrire le prénom de deux façons,
Luis (avec 's') et Luiz (avec 'z'). Il fallait donc continuer
toujours à épeler le prénom.

69
Évidemment, cela n'était pas un fardeau mais, à la veille de la
naturalisation, je voulais donner une harmonie à l'ensemble.
Ainsi donc j'ai adopté le prénom à la française : Louis.

En fait mon intérêt principal, c'était le nom de famille et nous


aborderons ceci au chapitre suivant. L‘orthographe du prénom
n'était vraiment pas d’une grande importance comme il était
pour le nom de famille. Néanmoins, comme je voulais donner
plus d'importance à orthographe, 'orthographier' le prénom était
donc un choix évident.

Il sera toujours important de rappeler que je me suis servi de


l’orthographe pour mettre en évidence un changement, une
évolution, qu'on ne pouvait pas voir à l'œil nu. L‘orthographe
était donc cette visibilité, cette expression de quelque chose
d’immatériel. Le nom de famille était donc la pièce la plus
importante ; le reste en découlait.

Alors si on peut faire compliqué, pourquoi faire simple? Certes


j'ai adopté le prénom Louis, mais je demande dans mon
entourage de m'appeler par la forme ibérique de 'Luis', et non la
forme française de 'Louis'. Dans un premier temps, cela peut
paraître compliqué et étrange, mais il y a des raisons. D'abord,
je ne souhaite pas donner l'impression que je « triche », c'est-à-
dire de faire croire aux gens que je suis un « français
historique », car le prénom Louis est « typiquement français ».
Quoi que, je suis sûr qu'il doit y avoir au Brésil plusieurs
personnes qui portent ce prénom à la française car j'ai eu un
collègue de travail au brésil qui s'appelait Michel. Mais comme
je ne l'ai pas reçu lors de ma naissance, je ne me sens pas
intéressé à le faire.

70
Mon intérêt d'abord, c'est sur le plan affectif. Mon nom sur les
documents d'identité française représente tout un aspect affectif
de ma situation sociopolitique. Je ne souhaite pas la
prononciation à la française parce que j'aime et je suis attaché à
la prononciation ibérique. De plus, je n'ai aucune envie de
cacher ma « brésilitude » : il y dans cette démarche un geste
citoyen très militant. Je me présente donc comme tel, un
citoyen avec un prénom 'enrichi', la prononciation brésilienne
et l’orthographe française.

71
« Le Jongleur des voyelles »

Illustration 6: « Le Jongleur des voyelles »

72
Chapitre 6: L'EPOQUE MACHADEAU

L'histoire est toujours la même.

Nous avons ici déjà parlé des aspects naturels et artificiels de


ce qui concerne les noms. Dans mon cas, j'ai mis l'accent sur la
sonorité et ainsi privilégié le son du nom en tant que valeur
réelle et présenté l'orthographe comme une expression
artificielle. Mais il y a aussi un autre aspect naturel à l'homme,
c'est sa faculté d'imaginaire. C’est-à-dire d'associer des images
à des sons et par la suite la construction des représentations
graphiques par des mots. Tout cela forme l'ensemble de la
communication des noms. Alors, dans mon cas, où trouve-t-on
l'imaginaire du nom?

Lors d'une demande de naturalisation, on doit remplir le


formulaire approprié. Sur ce formulaire, on peut avoir deux
choix : soit appliquer l’orthographe française sur le nom, et
ainsi faciliter l'écriture et la compréhension pour toute sa vie;
soit traduire le nom quand il s'agit d'un nom propre. J'aurais
donc pu ainsi l'avoir fait car machado en portugais, c'est la
« hache » en français.

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Pour certains, cela serait encore de la tricherie. Imaginez-vous,
moi « Louis Hache » ou pire « Louis Hachette ».... Cela serait
l'horreur car ça pourrait donner l'occasion des pire
interprétations, tels que: « Quel tricheur il veut usurper l'image
d'une riche et célèbre famille française. Il vaut s'approprier du
prestige des familles françaises, voir s'appuyer sur l'image de
ces familles qui ont dû travailler pour construire leur image au
fils des siècles. » Bref, ce serait l'horreur, l'horreur doublement.

Je ne l'ai pas fait, mais je vais quand même défendre ce choix.


En fait, le raisonnement n'est pas celui-là non plus. Il ne s'agit
pas de tricherie pour usurper l'image et/ou le prestige des
certaines familles françaises. Mais il s'agit de donner au
nouveau citoyen français le droit d'utiliser l'image portée par
son propre nom de famille. D'ailleurs, je trouve cette procédure
administrative exemplaire et très juste.

Sachez-vous que j'ai dans mon imaginaire la « hache » associée


à mon nom. Depuis tout petit, dès que j'ai pu me rendre compte
que je portais comme nom de famille le nom d'un objet. Pour
être plus précis, d'un outil qui possède en lui-même des
caractéristiques propres à son usage. Je m’étais d'ailleurs
approprié pour moi même les caractéristiques les plus
vertueuses du dit outil. Ainsi, au fil des années, j'ai lié à mon
nom la puissance de la hache pour couper l'arbre, la force de la
hache pour trancher la matière végétale et/ou animale, l'outil de
guerre par excellence dans l'histoire de l'humanité. Mais aussi
j'ai répertorié tous les métiers qui se servent de cet outil aussi
bien dans le passé que dans le présent.

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Évidemment, j’ai sélectionné quelques de ces images et exclue
certaines d'autres, comme par exemple la hache dans la main
du bourreau. Cela dit, certains ont prétendu que j'avais perdu la
tête en changeant le nom.

Ici donc, en France, je suis privé de ma collection d’images


associées à mon nom, car cette reconnaissance n’est possible
qu’auprès des lusophones. Oui il faut savoir la signification du
nom propre. Mais cet aspect des noms étrangers, personne n’y
pense que ce soit des étrangers en France ou des Français à
l'étranger. Hélas, parce que, comme moi, il y a plusieurs
milliers de Machado dans l'hexagone privés de cette
reconnaissance. Comme des milliers des Boulanger dans le
monde.

De toute façon, je ne pouvais pas satisfaire aux deux besoins à


la fois : appliquer orthographe et traduire le nom. Comme il a
été dit ici, pour moi, la sonorité joue un rôle plus important que
l'image du nom. Mais il se peut que pour certains ce soit
l'inverse et qu’ils soient plus attachés à l'image, faisant ainsi le
choix pour la traduction. Quoi qu'il en soit, c'est un choix
personnel et ça ne regarde que le porteur.

Machado x Machadeau
Le choix « eau » pour écrire Machado n'est pas un fruit du
hasard. Sur un très célèbre moteur de recherche sur Internet,
pour une enquête lancée le 21/12/2007, j’ai trouvé un total
d'environ 12 700 000 occurrences pour Machado et un total
d'environ 140 pour Machadeau. Parmi les 140 occurrences,
beaucoup concernent à ma personne car je suis très présent sur
l'Internet.

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La prédominance de Machado est partout. Rien que dans
l'annuaire téléphonique français, la recherche sur la région Ile
de France, a donné 1003 réponses en orthographe exacte pour
Machado. Pour la recherche Machadeau, on en a trouvé une
seule occurrence et ce n'est pas moi. Alors comment ça se fait?!
Le clan Machadeau commence déjà à augmenter et je n'ai
même pas eu encore d'enfants!

Revenons aux premières questions concernant l'origine et les


liens avec les noms. Quels sont les liens que j'ai vraiment avec
tous ces Machado en France, au Brésil et sur la planète? Je
réponds : aucune! En fait à part ma famille et l'histoire qu'on
peut reconstruire avec l'arbre généalogique, il faut reconnaître
qu'il n'y a pas d’ancêtres communs aux millions de Machado
sur le monde. C'est même naïf et idiot d'imaginer une chose
pareille.

Mais cela dit, reste toujours la question: « Si ça ne change en


rien de modifier l’orthographe du nom, pourquoi l'avoir fait? »
Voilà donc la réponse tant attendue: « Parce que j'ai évolué car
je vie la France depuis 1995 et ce n'est pas anodin. ». Il faut
préciser que cette idée de changer le nom et l'apparition des
motivations pour le faire est une caractéristique typiquement
européenne. Cet attachement à la signification des choses, cette
quête continuelle de représentation entre l'individu et sa
situation sociopolitique, le tout rebondissant sur une identité à
la fois individuelle et à la fois collective, qui essaye en même
temps de s’inscrire à une échelle historique individuelle et
collective. Bref typiquement la prise de tête européenne et pas
du tout brésilienne – dont je suis devenu adepte.

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Ce n'est pas nouveau, mais il faut rappeler que, sur le Nouveau
Monde et surtout sur les cultures sud-américaines, les sociétés
contemporaines ont des regards des fois très différents des
européennes. Dans le cas précis du Brésil, les liens entre le
nom et la nationalité, les Brésiliens sont complètement
différents des Français – ils s'en moquent.

Les Européens en général et les Français particulièrement ont


cette quête permanente de l'identité et de la mémoire. Il faut
laisser des traces d'existence, enrichir et préserver la mémoire.
Je ne critique pas ces traits culturels européens, bien au
contraire : je trouve cela très bien et je soutiens cette volonté de
préservation de la mémoire. Je suis même très heureux que les
Européens jouent ce rôle des gardiens de ces valeurs sur la
planète. C'est la grande particularité des Européens et cela les
rend uniques.

Néanmoins, cela ne se passe pas comme ça au Brésil qui


d'ailleurs souffre énormément de la perte de sa mémoire et de
son histoire. La grande majorité des Brésiliens vivent leur
histoire par sa propre existence, complètement dans le présent
– on peut dire même que tout le Nouveau Monde a ce
comportement avec quelques exception pour certains peuples
et communauté traditionnelles. La mémoire ou le passé se
réduit à la présence vivante des membres de sa famille, parents,
grands-parents. D'ailleurs, dès la disparition de ces membres,
l'histoire et la mémoire tombent dans l'oubli. Évidemment, ce
trait de cultiver une mémoire courte à des avantages et des
inconvénients.

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La famille Machadeau
Je pense que le lecteur à déjà compris ma motivation pour la
création d'un nouveau nom de famille. Une fois changé
l’orthographe, d'un nom aussi populaire et aussi courant, que se
soit en France, au Portugal ou au Brésil, on crée un point de
repère, un nouveau départ. En l'occurrence, un repère à ma
personne. On doit reconnaître que cette idée, ce type de
motivations, cet état d'esprit sont européens.

Quand je vivais au Brésil, une idée pareille ne me serait jamais


venue à l'esprit. D'abord parce qu'au Brésil, il n’y a pas cet
intérêt pour les noms, les origines, le passé; nous avons évoqué
ici et à plusieurs reprises cet aspect culturel. Mais la vie intense
et l'osmose que j'ai vécues en France depuis 1995 m'a
'transmis ' cet intérêt. Peut-on dire que j'ai été piqué par le goût
de « l'historisation »? Ou est-ce que ceci est une expression
manifeste de « l'individualisme » du XIXe siècle?

Mon meilleur et plus ancien ami en France, qui n'est d'ailleurs


pas français mais italien, a interprété le changement du nom
comme étant une volonté de mémoire post-mortem. C’est-à-
dire la mémoire courte du présent. Il disait que je n'avais pas
besoin de changer le nom pour que les autres se souviennent de
moi. Que les autres pouvaient et devaient se souvenir de moi
par ce qui je suis, et tel que je suis. Évidemment, je suis
d'accord avec lui. Mais je lui ai expliqué que je n'avais pas
changé le nom à cette fin. Je n'ai pas fait cette démarche pour
préserver ou attirer l'attention des autres sur ma personne, et
surtout pas de mes amis ou de l'entourage proche.

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Mes motivations - oui il faut toujours rappeler que ce sont des
motivations, pour qu'on ne tombe pas dans un raccourci – ne
sont pas la construction d'une mémoire auprès de mon
entourage. Bien au contraire, je crois que dans mon entourage
le nom est l'aspect qui joue le moins et je l'ai ici montré sur les
6 premiers chapitres. Rappelons que dans toute mon existence
j'ai utilisé plusieurs prénoms et surnoms, et surtout que les
surnoms n'ont jamais été de ma création.

Évidemment, un cas comme celui-ci reste un cas. Un


changement de nom n'aura pas toujours les mêmes enjeux
selon la personne et la situation qui se présente. Évidemment,
pour les minorités patronymiques un changement pareil crée
des dégâts, car c'est toute une « branche » patronymique qui
« meurt ». Je pense à toutes ces sociétés traditionnelles où les
noms et prénoms sont chargés d'histoire et où l'arbre
généalogique est long et ancien. Je pense aussi aux familles qui
ont très peu des membres vivants.

J'ai une famille d'amis français, ils ont environ une quinzaine
d’occurrences dans l'annuaire téléphonique et deux dizaines de
membres sur tout le pays. J'ai aussi un ami français âgé de plus
de 75 ans et il est le dernier vivant avec son nom de famille.
Bref, le nom de cette famille risque de disparaître. Mais cela
n'est pas la même chose pour les sociétés contemporaines où
les prénoms changent en fonction surtout des personnalités et
de l'actualité. Bien au contraire, dans mon cas, cela permet de
créer un lien entre la réalité que je vis et un enregistrement
généalogique.

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En fait en appliquant l’orthographe sur le nom de famille, je
sors de cette « masse » et je suis en train de faire
« bourgeonner » une nouvelle branche. Il faut dire que les
linguistes ou généalogistes ont des règles d'études et de
traitement des noms. Ainsi, Machado, Machadeau, Machadot,
Machadau, Machadeault seront traités comme étant le même
nom, c'est à dire le nom Machado d'origine ibérique qui a eu
des transformations orthographique. Je suis donc en train de
créer de la diversité et alimenter des nouvelles branches tout en
restant dans le même chemin patronymique.

Je précise que ce qui vient de se faire, l'application


d’orthographe sur le nom d'origine, a été fait parce qu'il s'agit
de la langue française. Parmi les principales langues latines,
seulement la langue française permet une représentation
orthographique aussi riche. Par exemple avec le « o », entre
fermé et ouvert, écrire Machado, Machadeau, Machadot,
Machadau, Machadeault, ça ne peut se faire qu’avec le
français. On peut donc facilement créer des nouvelles branches
patronymiques.

À l’inverse, si on applique orthographe latine sur le nom


français, ou coupe des branches pour n’en laisser qu'une. Ainsi,
Machadeau, Machadot, Machadau, Machadeault, deviennent
Machado. C'est moins intéressant au niveau d'une démarche
individuelle et personnelle, car il n'y a pas de personnalisation.

Peut-être qu’au fond de moi, j'ai eu envie de marquer un grand


événement dans ma vie. C’est-à-dire cette volonté d'enregistrer
par une procédure administrative, le fait qu'un Brésilien est
arrivé en France et qu'au bout de 7 ans quelque chose est a
arrivée. Qu'il y a eu une symbiose, une transformation, voire

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une évolution et que cela méritait d'être enregistré, voir mis en
évidence.

J'ai évoqué plusieurs facteurs sur le changement du nom, mais


je n'ai pas encore présenté une motivation purement
personnelle mais pourtant tout à fait légitime et pertinente. En
fait, « Machadeau » n'existait pas avant ma demande de
naturalisation. En tout cas, ça n'existait pas sur Internet. Je
précise : j'avais fait des recherches sur Internet pendant les
années 2001 et 2002 et je n'avais pas trouvé des traces sur ce
nom. Ce qui n'est plus le cas aujourd'hui car si on lance les
recherches on trouve ce nom. Le nombre reste certes très
réduit, mais j'ai pu déjà identifier au moins 3 personnes en
France qui portent ce nom. Peut-être avec l'usage et la
vulgarisation des services Internet, on trouvera davantage
d'occurrences.

En tout cas, avant 2002, ce nom était un nom inexistant. J'ai


ainsi voulu me l'approprier et par la suite marquer le pas.
Évidemment, si tous les nouveaux Machado qui feront une
démarche de demande de naturalisation dans un pays
francophone et en lisant ce livre ici sont intéressés ou motivés
par l'application aussi de l’orthographe sur le nom, mon idée
particulière de l'exclusivité tombera par terre. Raison plus
particulière pour laquelle ce livre n'a pas pour but de faire le
prosélytisme.

Ce livre donc contribue d'une certaine façon à anéantir une de


mes motivations. Cette motivation personnelle d'avoir son
propre repère. Mais il y aura toutes les autres motivations ici
présentées qui restent d’une plus grande importance pour moi.
Personnellement, en tant que citoyen, je suis plus intéressé par

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les aspects sociaux et politiques que ce livre peut
éventuellement dégager autour de l'identité, que pour les
aspects individuels. Parce que pour moi, quand on vit dans une
société, le vivre ensemble est plus important que
l'individualisme exacerbé.

Les gens ne se rendent pas compte, mais dans la vie de tous les
jours, on est souvent confronté à des changements des noms ou
à des adaptations. C'est le cas lors d'un mariage : ce cas est
d'ailleurs une pratique très répandue sur la planète. Une fois la
femme mariée, elle change ses papiers d'identité et adopte le
nom du mari. Cela ne lui fait pas de dégâts au niveau de la
personnalité. Bien au contraire : souvent c'est même une source
de bonheur et reconnaissance. La femme mariée, elle non plus,
n'a pas des changements au niveau de son identité vis-à-vis de
son entourage, par exemple, sa propre famille. Tout se passe
naturellement.

En France, les règles ont changé depuis quelques décennies.


Aujourd'hui, les femmes peuvent choisir ou non d'adopter le
nom du mari. Le mari peut même choisir d'adopter le nom de
famille de son épouse. Ces règles françaises sont différentes du
reste du monde, mais il y a toujours un choix à faire au niveau
du nom pour les générations futures. Néanmoins, cette règle-là
n'est pas anodine et peut-être un peu autoritaire vis-à-vis des
femmes étrangères qui ont été mariées.

J'ai rencontré en France des sud-américaines mariées et qui ont


été traumatisées par l'administration française. Elles ont eu des
difficultés pour faire leurs papiers de séjour, notamment la
carte de séjour car elles utilisent toujours le nom de leur époux.
En fait dès le lendemain de leur mariage, elles ont remplacé

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leurs documents de jeunes filles par de nouveaux documents en
adoptant le nom de l'époux – c'est la procédure obligatoire.
Depuis elles ont divorcé, mais ont gardé leurs documents
d'identité avec les noms de mariage. Elles arrivent donc en
France avec des passeports au nom de famille du mari. C'est là
que les problèmes apparaissent : en France on ne fournit pas de
cartes de séjour aux étrangères avec leur nom de mariage. Il
faut absolument adopter leur nom de jeune fille, c'est-à-dire
leur nom de famille à la naissance.

Cette procédure administrative crée plusieurs problèmes pour


l'obtention des documents car les législations sont différentes
entre les différents pays. Évidemment, le premier et principal
problème, c'est de refaire les papiers d'identité nationaux avec
le nom de jeune fille, surtout le passeport. C'est un vrai calvaire
qui démarre auprès des Consulats en France.

Il y aussi une autre contrainte, mais sur l'aspect d'identité


personnelle. En fait, ces femmes utilisent le nom de leur époux
depuis plusieurs années, voir décennies. J'en ai rencontré une
qui le portait depuis plus de 40 ans. Pour cette femme, être
obligée de signer et de se faire appeler par son nom de jeune
fille était très bouleversant car cela ne s’était jamais produit de
sa vie. Au début, il a fallu vraiment toute une période
d'adaptation à cette nouvelle réalité. Par exemple, elle risquait
de rater ses rdv à la préfecture car on y appelle les gens par leur
nom de naissance. Bref quand elle a reçu sa carte de séjour, elle
trouvait que le document ne correspondait pas à sa réalité et
que le document avait l'air de faux.

83
Il faut penser que l'usage du nom de son époux ne renvoie pas
qu'à son mariage. Ce nom est aussi le nom de ses enfants et
donc le nom de la famille qu'elle a aidé à construire.
Consciemment, elle sait que n'est pas le nom de ses parents ni
de sa famille d'origine mais le nom du plus grand projet de sa
vie: la fondation d'une famille. Inconsciemment, elle se sentait
donc évincée, voire extirpée de sa famille. Cela dit, c’est
traumatisant dans un premier temps mais pas handicapant : des
contraintes administratives, certes, une modification sur sa
présence sociale certes, mais on survit aux changements. En
tout cas elle, elle n'est pas dans un hôpital psychiatrique.

Cette analyse montre qu'il y a des changements des noms qui


peuvent être même des changements involontaires. Mais ce qui
nous intéresse, c'est l'usage de ce nom dans la sphère sociale.
Malgré les contraintes individuelles causées par l'adoption du
nom du mari, cette démarche s'inscrit dans l'ordre social
courant, donc on s'adapte très bien. Malgré ces mêmes
contraintes inversées (dans notre exemple en France, l'abandon
du nom du mari), cette démarche s'inscrit aussi dans l'ordre
social courant : donc on s'adapte. Bref, l'adaptation est la clef.

84
85
« La saga du citoyen globalisé »

Illustration 7: « La saga du citoyen globalisé »

86
Chapitre 7: MAIS QUI EST-IL EN FAIT?

On est tous égaux dans la richesse des nos


différences.

Tout d'abord et avant toute explication, il faut dire que le


changement a eu lieu car l'opportunité était au rendez-vous.
C'est-à-dire que j'ai fait ce changement car j'ai eu l'occasion
pour le faire lors d’une démarche administrative. Si cette
occasion n’avait pas existé, si elle n’avait pas été là, à la portée
de la main, je ne l’aurais pas cherchée par d'autres voies. C'est
très important de comprendre l'aspect de l'opportunité car ça a
été une circonstance facile et pratique pour le faire.

Cette opportunité ce n'est qu'un champ dans un formulaire,


mais ça a fait toute la différence. En fait, dans le formulaire de
demande de naturalisation, il y avait une ligne où je pouvais y
mettre un nom d'usage. Bref, je n'ai rien fait de particulier,
aucune démarche à réaliser, aucune demande particulière
auprès des autorités.

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Si ce n’avait pas été dans cette circonstance aussi facile à saisir,
je n'aurais pas fait de démarche. Pour se lancer dans une
démarche pareille, il faut vraiment avoir beaucoup de
motivation et surtout des contraintes ou des gênes avec son
nom. Ce qui n'était pas mon cas comme nous en avons déjà ici
parlé.

Cela dit, il est fait connu que des personnes portent des noms
'durs à vivre'. Je ne vais pas citer d’exemples car je n'ai pas
envie de les montrer comme des choses bizarres – et surtout
pas prendre le risque de parler des noms qui me semblent
difficiles à porter - mais qui peuvent aussi être une fierté pour
le porteur. Toutefois, il y a des personnes qui font des
démarches pour modifier leurs noms car ils se sentent très
gênés par son usage qui crée des situations vexantes, ridicules
ou qui sont source de moqueries, de blagues, voire pire encore.
Cela dit, pour moi, il n'y avait certes ni des gênes, ni inconfort,
mais j'avais des motivations. Motivations aidées par une
facilité pour la mise en place... Alors, pourquoi s'en priver?

Mondialisation
Je ne souhaite pas renvoyer l'objet du livre à une question de
lutte des classes. Néanmoins, on peut observer que les classes
plus populaires sont plus concernées, voir plus engagées, par
les 'idées' nationalistes, patriotiques et/ou culturelles des deux
derniers siècles passés.

Je ne veux pas dire que les classes plus aisées ou dominantes


ne sont pas concernées mais elles ont toujours plus d'aisance
pour gérer les 'compromis personnels' avec les 'devoirs
nationaux' - et cela, depuis toujours. La noblesse européenne

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même en est la preuve avec son mode de vie 'cosmopolite' et
leurs mariages internationaux, toute l'histoire européenne a été
construite là-dessus.

Rappelons-nous, par ailleurs, qu’une grande étoile de la


musique française avait annoncé qu'il renoncerait à la
nationalité française à cause des problématiques fiscales. Plus
récemment un grand chef de cuisine a renoncé sa nationalité
française pour jouir des droits et bénéficies d'une autre
nationalité. Que ce soit clair, je ne juge pas leurs
comportements, ni leurs choix, je les cite pour illustrer la
différence des comportements au sein des classes élite et
populaire.

Ce qu'on peut observer avec les élites, on l’observe aussi avec


les grandes entreprises. Depuis quelques années, on entend des
termes comme le « patriotisme économique » - d'ailleurs très
utilisé par un ancien ministre du gouvernement Chirac. Ce
terme a été utilisé maintes fois par le gouvernement français et
les politiciens pour rappeler les 'devoirs' des entreprises et des
entrepreneurs pour leur patrie. Malgré les sollicitations, les
acteurs économiques concernés n'ont pas répondu à l'appel et
sont restés dans leurs valeurs économiques et leurs objectifs
d'entreprise. D'ailleurs les entreprises n'hésitent plus à changer
leur nationalité ou se délocaliser si des opportunités d'affaires
se présentent plus rentables ou que leurs profits peuvent
augmenter.

En fait, les grandes fortunes, les capitaux et les entreprises ne


sont pas concernés par les enjeux de l'identité nationale et ou
de l’identité collective. Ils sont engagés avec leur objectif
personnel et économique. Je ne veux surtout pas faire ici leur

89
procès, ni donner un jugement. Néanmoins, quitte à choisir
entre les cloisons de l'identité chez les classes populaires,
« français historiques et nouveaux », autant choisir la
'désinvolture' chez les élites avec les capitaux transfrontaliers et
sans aucune nationalité. Ce choix serait surtout dû au fait que
un peu de désinvolture dans les classes populaires permettrait
un mieux vivre ensemble et un rapprochement des individus
égarés justement à cause des ces dits 'valeurs' inadéquats

Je ne vais pas cesser de le répéter : dans aucun cas je ne


souhaite pas faire un « discours antipatriotique ». Mais
seulement soulever quelques questions qui hantent le quotidien
des citoyens ordinaires, comme vous et moi. Tels que:
Comment va-t-on gérer les idées héritées du siècle passé avec
notre réalité complètement différente d'aujourd’hui?
Aujourd'hui ces idées sont devenues dans certains cas des vrais
« boulet » nationaux, et nous sommes très loin des 'bons
résultats' du ciment universel de l'unité national.

Depuis plusieurs décennies, on traite en Europe des conflits


entre les régions et leur respectif pays. Rappelons-nous : la
nationalité est apparue avec la Nation, et tout l’aspect de
puissance et de conquête derrière cette création. Pour bâtir la
puissance de la Nation française, il a fallu effacer les identités
régionales. Il y a ainsi plusieurs conflits régionaux âgés de
plusieurs décennies comme en Irlande, en Espagne, en France ;
mais aussi des nouveaux, comme dans les Balkans et la
Belgique.

La crise de la Belgique a été un conflit qui a particulièrement


surpris en 2008. En fait, personne n’attendait une montée pareil
de ces voix séparatistes. Surtout parce qu'il semble que les

90
motivations séparatistes ne sont pas des conflits identitaires ou
culturels (des individus) mais un conflit de rôle de la puissance
publique et de la solidarité nationale. Apparemment, les valeurs
qui, autrefois fonctionnaient comme le ciment belge,
aujourd'hui ne garantissent plus l'unité nationale. En tout cas,
ce qu'on dit tout haut en Belgique, c'est ce qu'on pense tout bas
partout sur la planète. N'est-ce pas là le grand enjeu de la
nationalité contemporaine?

Sur certains propos ici présentés, on peut penser que je suis un


féroce défenseur de la mondialisation. Je ne suis ni contre, ni
pour la mondialisation car celle-ci est un fait universel vieux
déjà d’au moins 10.000 ans. Oui la mondialisation ne date pas
d'hier : c'est en fait un brassage de gens et de cultures aussi
vieux que le premier déplacement de l'homme sur la planète.
Néanmoins, il y a une différence entre les époques anciennes et
aujourd'hui, c'est l’accélération que la mondialisation a prise
avec le progrès des transports et des technologies de la
communication et de l'information.

Si, d'une part, je n'ai pas d'à priori sur la mondialisation, je suis
absolument contre une hégémonie planétaire. Depuis la
Deuxième Guerre mondiale, on constate l'hégémonie
économique et culturelle de certains pays et, avec cela,
l’accroissement des problèmes sociaux et politiques.
L'hégémonie n'est pas bonne ni pour les pays dominés, ni pour
les pays dominants car elle créé des révoltes - internes et
externes - et souvent, c'est une source de beaucoup des
violences et des terreurs.

91
C'est même paradoxal de voir encore des conflits d'identités
nationales dans nos sociétés d'aujourd'hui. Un facteur très
important et très différent entre les sociétés de jadis et celles de
nos jours, c'est que nous sommes maintenant devenues des
sociétés de l’information. Nous avons un accès à l'information
jamais vu dans l'histoire de l'humanité. Nous pouvons échanger
de l'information et surtout nous pouvons aussi apprendre et
créer des liens au-delà des frontières.

Dans cette société d'information, le média tout puissant est sans


aucun doute Internet. Plusieurs dizaines de millions
d'internautes échangent, communiquent, apprennent, voyagent.
D'un pays à l'autre, d'un citoyen à l'autre, sans passeport, sans
autorisation, ils répondent positivement aux invitations et
entrent dans les maisons de leur hôte virtuel. Bref, l'étranger,
cet individu inconnu, venu d'un pays inconnu, avec qui on ne
peut pas communiquer, cet étranger est un individu en voie de
disparition – et tant mieux, car cela veut dire que l'ignorance
disparaît aussi. Cela veut dire aussi que, dans la société de
l'information, il n'y a pas donc de place pour le mot étranger.

Le mot étranger a même pris en autre sens dans nos jours. Si


jadis c'était une signification d'inconnu, aujourd'hui c'est plus
une signification de précarité sociale et économique. L'étranger
aujourd'hui n'est plus celui des XIXe ou XXe siècles, c'est-à-
dire quelqu'un de vraiment inconnu, venu d'une terre inconnue
où on ne pourrait jamais mettre les pieds : un vrai étranger d'un
pays étranger avec des mœurs étrangers. L'étranger de nos
jours est celui qui a été ou est écarté des progrès de la
modernité économique et technologique, c'est quelqu'un sans
emploi, sans argent, sans futur pour sa famille, sans perspective
de vie... bref, quelqu'un avec les mêmes soucis que nous.

92
Oui au XXIe siècle, le mot étranger n'a plus le même sens. Car
ce pays étranger dont on parle, c'est le pays de la famille de
mon conjoint, ou le pays où je passe souvent mes vacances, ou
le pays où je pense vivre ma retraite, le pays où j'ai fait un
séjour universitaire, ou qu'on a jumelé à nos villes, où il y a les
épices que j'adore, d'où viennent les fruits, légumes, viandes,
textiles, bref énormément des produits que je consomme
chaque jour.

L'individu étranger d'aujourd'hui est en fait un individu très


connu. Oui, ce sont les parents de mes copains d'école, c'est le
collègue que j'ai eu à l'université, c'est le coéquipier de mon
équipe sportive, c'est le patron de ma boîte, c'est mon collègue
de travail, c'est mon client, c'est mon fournisseur, c'est mon
artiste préféré, c'est une amitié lors d’un voyage... peut être un
jour mon futur voisin car j'aimerais m'installer dans sa ville.

Revenons à nos oignons


Nous avons donc vu que la nationalité n'est plus celle de jadis.
Néanmoins, c'est curieux parce qu'il y a toujours le même
raisonnement - très raccourci d'ailleurs - de réfléchir sur le nom
et ce qu'on est en tant qu'individu. Dans mon cas, Wagney Luiz
Machado pour Louis Machadeau : le changement est très
important et ne correspond pas à 'une certaine réalité'. Alors
quelle est cette réalité? N'oublions pas que le nom est fait pour
renvoyer à l'individu et non à une réalité. Mais aussi que les
personnes changent naturellement de noms dans leur existence
sans pour autant compromettre leur personnalité. La réalité
d'un individu ne pourra donc jamais être la signification d'un
nom avec sa personnalité ou son état dans un temps donné.

93
Essayons d'explorer notre monde à nous, les individus
ordinaires. L'individu est un vaste ensemble des facteurs et
valeurs qui changent et évolue au fur et à mesure de son
existence.

Vous, moi, les autres, on n'est pas une personne fragmentée ou


avec plusieurs visages. Je ne sens pas concerné par des
réflexions telles que : « Ah ! il est Brésilien le matin et
Français l'après-midi » ;ou : « Quand il est au Brésil il joue le
Brésilien et quand il est en France il joue le Français ». Dans le
quotidien, les gens ne changent pas comme s’ils avaient des
masques ou des uniformes qu'ils devaient porter en fonction de
la situation. Malgré les adaptations qu'on fait en fonction des
contextes sociaux concernés, on reste toujours le même dans
l'ensemble de sa personnalité.

Nous sommes des êtres entiers avec différents composants


culturels, religieux, intellectuels et sociaux. Nous avons ou pas
des pratiques politiques, religieuses, métaphysiques,
sentimentales, alimentaires, économiques, idéologiques. Nous
sommes attachés à différentes valeurs personnelles, morales,
familiales. Bref à la longueur de nos existences, nous cultivons
certains, nous adoptons des différents, nous abandons d'autres,
nous greffons des nouveautés, le tout dans un va-et-vient sans
arrêt.

Ainsi cette posture conventionnelle concernant l'obtention de la


naturalisation est paradoxale. Comme il a été évoqué, les
Français sont effrayés par le changement du nom et les
étrangers sont indignés. Tous sont d'accord que cette
naturalisation est une démarche administrative et ne voient pas
la nécessité du changement. Mais par rapport à qui ou à quoi il

94
y aurait-il une « trahison » à la patrie? Pourquoi la patrie
d'accueil serait-elle moins méritante d'avoir un « affichage »
patronymique?

En fait, tous prennent la même posture concernant les


documents d'identité et la naturalisation de l'autre, c'est à dire,
ce n'est qu'une démarche avec l'administration et pas plus. Mais
ils n'ont pas cette même relation avec l'administration de leur
état d'origine. Ils ne se rendent pas compte que, dans leur
pratique, il y a une illusion: la carte d'identité nationale n'est
pas qu'une affaire avec l'État et l'identité personnelle est une
affaire de l'individu, que chaque individu doit construire sa
propre identité. C'est d'ailleurs ce qu'on fait - vous, moi, eux -
nous tous, chaque jour, en se « cultivant » par la consommation
de produits et de pratiques.

Nous tous, les étrangers en France et les Français ailleurs, nous


devons nous débarrasser de ce déchirement entre pays d'origine
et pays à vivre, pays de départ et pays d'accueil. Sans faire du
prosélytisme, prenons cet aspect si critiqué de nos sociétés
individualistes et « soyons individuels et vivons le présent ». Je
pense vraiment qu'on ne doit pas laisser l'aspect affectif
seulement au 'pays d'origine'. Il y a beaucoup de cas où
l'étranger a vécu plus de temps dans le pays d'accueil que dans
son pays d’origine ; pourtant, cela n'a pas été encore suffisant
pour qu'il puisse déclarer officiellement ses sentiments à ce
'nouveau chez moi'. On peut avoir plusieurs maisons et les
aimer toutes, de la même façon qu'on aime plusieurs enfants.

Mais ce déchirement n'est pas anodin. C'est un triangle aux


pointes étirées; d'abord une pointe dans le pays d'origine avec
l'histoire et les liens sociaux et familiaux ; la deuxième, c'est le

95
pays d'accueil avec les autochtones historiques et les
autochtones nouveaux ; enfin la troisième et pas la moins
importante, l'individu même et la construction, quotidienne et
continue, de sa propre existence. On doit travailler pour que
cette figure soit un triangle équilatéral : l'équilibre parfait.

Si vous êtes en accord avec mes arguments, alors il ne devrait


plus y avoir des contradictions. Les français historiques, les
français nouveaux, les étrangers, et moi, l'identité nationale et
la naturalisation, ce ne sont qu'une relation avec l'État... Alors
pourquoi devons-nous « sacraliser » les papiers d'identité
d'origines reçus? Dans la logique des choses, il faudrait garder
la même attitude, c'est-à-dire, si je ne vois aucune importance
personnelle avec les papiers français, je ne dois donner aucune
importance avec les papiers étrangers.... car les papiers, peu
importe le pays, ce ne sont que de très importants et utiles
papiers d'État pour y reconnaître ses citoyens.

Nous sommes donc au cœur de la vieille problématique


humaine : l'individu a toujours besoin de repères pour savoir ce
qu'il est et où il va. Que ce soit avec la famille, la société, le
religieux et toutes les autres valeurs. Je ne vais même pas
essayer d'entrer dans ces débats car ce sont des questions trop
complexes pour les aborder superficiellement. Néanmoins, je
m'interroge : à quoi bon servent des repères qui causent plus
des souffrances que du plaisir, plus de malheur que de joie,
plus de guerres que de paix? Je me sens de plus en plus et
complètement citoyen de la planète – et cela me rend heureux.

96
97
« Le carnaval citoyen! »

Illustration 8: « Le carnaval citoyen! »

98
Chapitre 8: MAIS EN FAIT QUI SUIS-JE?

Qu'est-ce que je vois sur mon miroir?

Au chapitre précédent, j’ai défini en partie ce que je suis quand


j'affirme que je me sens un citoyen de la planète et la joie que
cela me procure. Néanmoins, ceci n'est pas la réponse sur ma
relation avec mon nom et ce qui en découle par rapport mon
identité. Alors, j'espère pouvoir me présenter à vous, tel que.

Il est toujours important de rappeler qu'à la naissance, aucun


enfant ne choisit son pays, sa famille, sa langue, son nom, et
aucune autre chose d'ailleurs. Les parents ou quelqu’un d'autre
s'en chargent. Évidemment en ce qui concerne le nom, c'est
souvent un geste beau et important, mais comme on l'a ici
abordé, il y a tous les cas possibles. Un cas très répandu sur la
planète c'est de faire, à la naissance de l'enfant, un hommage à
une personnalité ou à une passion des parents. Cet hommage
peut être religieux, politique, sportif, culturel. Néanmoins une
fois l'enfant adulte, ce choix peut devenir une lourde contrainte.

99
Mais je ne souhaite pas ouvrir ce débat et rester sur le fait du
choix, en posant la question suivante : pourquoi le choix d'un
parent est par défaut plus important que le choix de l'enfant?
Mon cas, c'est un cas de choix, j'ai pu le faire et cela a été fait.

Je n'ai aucune difficulté à dire que depuis 1995 j'ai beaucoup


changé. D'ailleurs, comme tout le monde, car on change un
petit peu tous les jours. Une des premières expressions que j'ai
apprises en France c'est : «seuls les imbéciles ne changent
pas». Bien que cette expression soit un peu radicale et dure
dans la forme, je l'aime dans le fond. Puisque, effectivement,
celui qui ne change pas, sachant que son environnement est en
pleine mutation, a en quelque sorte une forme d'imbécillité. De
plus, celui-là, il est dans une voie d'échec car la propre route de
l'humanité, la survie même de l'homme, a toujours été sa
capacité à s'adapter. Et on ne peut parler d'adaptation sans
évoquer le changement.

Il y a une chanson brésilienne que j'aime beaucoup: « Como


Uma Onda » du compositeur brésilien Nelson Motta. Je ne
peux pas me priver de la mettre ici et de la partager avec les
lusophones car c'est une très belle composition.

Nada do que foi será


De novo do jeito que já foi um dia
Tudo passa, tudo sempre passará
A vida vem em ondas como o mar
Num indo e vindo infinito
Tudo que se vê não é
Igual ao que a gente viu há um segundo
Tudo muda o tempo todo no muuundo
Não adianta fugir

100
Nem mentir pra si mesmo
Agora
Há tanta vida lá fora, aqui dentro
Sempre como uma onda no mar
Como uma onda no mar
Como uma onda no mar
Nada do que foi será
De novo do jeito que já foi um dia
Tudo passa, tudo sempre passará
A vida vem em ondas como o mar
Num indo e vindo infinito
Tudo que se vê não é
Igual ao que a gente viu há um segundo
Tudo muda o tempo todo no muuundo
Não adianta fugir
Nem mentir pra si mesmo
Agora
Há tanta vida lá fora, aqui dentro
Sempre como uma onda no mar
Como uma onda no mar
Como uma onda no mar
Como uma onda no mar
Como uma onda no mar
Como uma onda no mar

Cette chanson parle d'une façon simple et rapide de ce que


j'essaye de vous démontrer : le changement. Le texte dit que «
rien de ce qui a été ne sera de nouveau tel que ça a été déjà un
jour, parce que tout passe, tout va toujours passer, la vie vient
par des vagues comme la mer, dans un aller et venir infini, tout
ce qu'on voit n'est plus le même après une seconde, tout change
tout le temps dans le monde, maintenant ça ne sert à rien de

101
fuir, ni de mentir à soi-même, il y a tellement de vie en dehors,
ici dedans, c'est toujours comme une vague de la mer, comme
une vague de la mer.»

Nous avons traité ici le fait qu'il n'y pas une «identité
nationale», surtout quand il s'agit d'une grande nation. J'ai
évoqué qu'il y a plutôt une «unité nationale» composée de
plusieurs communautés ou mieux des différents contextes
sociaux. Néanmoins, ce n'est pas parce qu'il y a ces deux faits
qu'il n'y a pas une représentation majeure. On peut dire ainsi
qu'il y a des caractéristiques, des tendances majeures de chaque
nation, à cause de son histoire, de sa géographie, de son
économie, de sa politique, de sa culture contemporaine, entre
autres aspects qui créent des 'profils prédominants'.

Dans ce cadre, j'aimerais bien exposer quelques mots sur les


profils prédominants de chaque pays. D'abord les Brésiliens, en
général, sont attachés à la famille (même dans les grandes
villes) ; ils ont un comportement nonchalant ; ils sont
décomplexés avec le corps ; ils sont plus extravertis que les
Français ; leur responsabilité individuelle est très développée et
le respect de l'espace privé est très réduit, enfin ils vivent plutôt
dans le présent. Ensuite les Français, en général, quittent tôt la
sphère familiale (parfois même sans en avoir les moyens
financiers), et les moments passés ensemble en famille sont
plus courts et rares que dans les familles brésiliennes ; ils
réfléchissent beaucoup ; ils sont très critiques et notamment
avec leur corps ; ils sont plus introvertis ; leur responsabilité
individuelle est peu développée et le respect de l'espace privé
est très fort ; enfin, ils passent beaucoup de temps sur leur
passé et avec l'avenir. Évidemment, il ne s'agit pas ici d’une
approche comparative qualitative. Il n'y a pas ici une volonté

102
de dire ce qui est mieux car, sur ces deux différents profils,
chaque caractéristique peut à la fois être un atout et un défaut.

Prenons par exemple le respect de l'espace privé. Chez les


Brésiliens c'est très faible : ils peuvent donc envahir facilement
la vie privée des autres sans aucune autocensure. Ils peuvent
ainsi poser les questions les plus indiscrètes à n'importe qui et
n'importe où. C'est très courant au Brésil d’écouter des
conversations sur des sujets très personnels sur les files
d'attente ou dans le bus. Néanmoins, cette 'intimité collective
affichée' crée des liens sociaux plus forts et plus spontanés. Ce
manque de « frontières infranchissables » fait que les gens sont
plus proches et la solidarité est plus forte : la solitude ne frappe
pas la société brésilienne. Chez les Français, se produit
l'inverse : en raison du respect de l'espace privé très fort, il n'y
a pas d'invasion de la vie privée. Les gens donc ne posent pas
de questions indiscrètes ou vexantes, même dans un milieu où
les gens se côtoient régulièrement comme le travail. Partout
dans le milieu social ou familial, la discrétion y est reine.
Aussi, cette « mise à distance constante » crée des liens sociaux
moins intenses et moins spontanés Ce qui fait que les gens ne
sont pas très proches et la solidarité devient surtout une affaire
de l'État. Évidemment, avec un contexte pareil, la solitude
frappe de plein fouet la société française.

Avant d'arriver en France, j'étais « très brésilien », avec les


caractéristiques évoquées ici très développées et
prédominantes. Néanmoins, par mon long séjour (depuis 1995),
j'ai été exposé aux caractéristiques françaises et j'ai assimilé
certaines par osmose. Cette assimilation se passe par deux
étapes : la première est pour la bonne insertion (pour être bien
reçu dans les cercles sociaux, il faut connaître les codes en

103
vigueur); la deuxième est pour l'adhésion (une assimilation
faite par la reconnaissance de la qualité même de la
caractéristique). Par exemple, le respect de l'espace privé : il
m'a fallu tout apprendre et aujourd'hui j'aime délimiter mon
espace vital et surtout respecter l'espace de l'autre. Maintenant
que je suis à cheval sur deux cultures, j'essaie donc de garder,
selon mon avis, le meilleur de la société brésilienne et
d'assimiler le meilleur de la société française.

Je pouvais aussi utiliser le terme hybride. C'est-à-dire je suis


devenu hybride, à la fois Sud-américain et à la fois Européen, à
la fois Brésilien et à la fois Français. Mais ce terme renvoi aux
produits et les individus ne sont pas de la marchandise.

Je ne souhaite surtout pas proposer une règle ou lancer une


mode. Je réclame tout simplement le droit à l'expression
individuelle et la pratique du raisonnement. Si dans une
démarche quelconque, vous avez l'occasion de faire autrement
et que cette nouvelle façon apporte des bonnes choses sans
déranger l'existant, alors, pourquoi s’en priver?

Je ne vante pas le mérite d'être individualiste. D'ailleurs,


l'individualisme et l'égoïsme font toujours bon ménage, ce que
je déconseille point. Mais je pense qu'il est intéressant de
cultiver et entretenir sa personnalité. Il faut qu'on soit conscient
de nos besoins et désirs pour pouvoir atteindre le bonheur. Se
noyer dans la masse n'est pas le garant d'appartenir à quelque
chose, mais plutôt de se soustraire à soi-même. Il est tout à fait
possible d'appartenir à des groupes et rester soi-même. Partager
des grandes idées communes et avoir son propre avis dans le
détail. Faire partie d'un ensemble, mais rester tout à fait
identifiable.

104
Quand je suis devant le miroir, je ne vois ni « Vagnet », ni
« Wagney » , ni « Luiz », ni « Louis »; je vois tout simplement
l'image reflétée par une personne. C'est pareil quand je suis en
déplacement dans différents pays, que ce soit au Brésil ou en
France, je suis toujours le même individu. Donc, je suis
Brésilien vis-à-vis de l'État brésilien, je suis Français vis-à-vis
de l'État français et je suis moi même vis-à-vis de mon
entourage et de ma personne.

105
« Oh, miroir.. Il y a-t-il plus franchouillard... »

Illustration 9: « Oh, miroir.. Il y a-t-il plus


franchouillard... »

106
Chapitre 9: LE MARIAGE REPUBLICAIN

La binationalité est-elle un danger?

Les discours politiques ont tendance à avoir recours aux


« valeurs nationales » pour créer une dynamique nationale.
Mais l'appel au national peut être très dangereux car cela peut
déraper vers le nationalisme. De plus, les appels aux
mobilisations nationales apparaissent surtout pendant les
moments de crises. Or, les crises ne peuvent qu'alimenter les
passions vis-à-vis de l'étranger, voir la xénophobie. En fait,
ceci est un grand problème pour toutes les nations d'aujourd'hui
dans la mondialisation: comment cultiver l'esprit patriotique
sans tomber dans le nationalisme? Comment rassembler les
citoyens autour de la nation sans tomber dans la xénophobie?

Le nationalisme est un couteau à deux tranchants avec ses


effets positifs et négatifs. Positifs car le nationalisme peut
regrouper les individus autour d'un objectif commun, un projet
national, comme le système d'éducation, la sécurité nationale,
la préservation du patrimoine architectural ou naturel. Mais il
peut aussi nous conduire à un aveuglement vers l'étranger, à la
xénophobie, à la discrimination, à l'intolérance, et pire encore à
la guerre. Le XXe siècle regorge d'exemples.

107
On ne va pas faire un cours d'histoire, mais rappelons quelques
aspects connus de tous. Au XXe siècle, le nationalisme n'a pas
été une question tabou car la guerre était très présente dans la
vie de tous les jours. Par peur de la guerre et pour assurer la
protection du territoire, le discours nationaliste était largement
répandu dans les frontières et sans rendre compte des
problèmes internes. Ainsi, le nationalisme n'a fait que catalyser
les problèmes entre les pays. C'est aspect est très intéressant
dans le discours nationaliste car plusieurs personnes ont gardé
à l'esprit cette formule créée il y a quelques siècles passés:
« Êtes-vous prêt à mourir pour votre patrie? ».

Évidemment, la guerre était une affaire de tous les jours. C'était


le quotidien et tout le monde avait fait ou faisait la guerre ; les
grands-parents, les parents, donc les enfants aussi devraient s’y
mettre. Mais quand on vit des périodes de paix assez longues,
comme aujourd'hui, les mentalités changent et les idées pré
reçues doivent changer aussi. Désormais, en Europe
occidentale, nous avons battu tous les records de paix de
l'histoire de notre continent. Le Brésil aussi est un pays qui
connaît la paix depuis très longtemps car la dernière guerre
brésilienne (avec toute l'ampleur du mot guerre) a été avec le
Paraguay de 1864 à 1869.

De plus, la jeunesse est complètement différente entre ceux qui


ont plus de 30 ans et ceux qui en ont moins. Aujourd'hui, dans
les sociétés d'information, les jeunes vivent l'ère numérique à
fond. On en a déjà évoqué Internet, c'est la scène sociale
principale dans cette mondialisation. Les internautes, et surtout
les jeunes, fréquentent les mêmes sites Internet, lisent les
mêmes articles, voient les mêmes images, partagent des
fichiers (des photos, des musiques, des films) et surtout

108
communiquent énormément entre eux ; et tout cela sur toute la
planète. Pour les Internautes, les frontières, les distances, les
nationalités, les barrières n'existent pas. La seule condition est
de se faire accepter dans les différentes communautés
virtuelles, bref de trouver sa 'tribu'.

Pour certains la binationalité peut paraître un danger car


comment quelqu'un peut-il être « fidèle » à deux nations?
Évidemment, l'exemple le plus courant, le plus stéréotypé, et le
plus nul c'est: « S'il y a une guerre entre les deux pays, quel
camp allez-vous choisir? ». C'est typiquement le genre de
question disproportionnée et inutile. C'est comme poser la
question à l'enfant : « Qui aimes-tu le plus, ta mère ou ton
père? » Il faut se rendre compte que pour le citoyen mondialisé,
la guerre n'est plus jamais la réponse, ce n'est même pas
quelque chose qui s'approche d'une solution envisagée.

Dans mon cas précis, cette question ne me passe même pas à


l'esprit. Il faut dire que pendant les 5 siècles d'histoire du
Brésil, il n'y a jamais eu vraiment de guerre entre la France et
le Brésil. Pendant la colonisation portugaise au Brésil, il y a eu
quelques tentatives d'invasion de la part de la France, mais qui
ont été vite repoussée par la couronne portugaise. Sinon après
l'indépendance du Brésil et la création des deux respectives
républiques, Française et Brésilienne, on n’a jamais fait la
guerre.

Cela dit je suis un citoyen globalisé. C'est-à-dire que de toute


façon je m'oppose à la guerre. Je serai le citoyen que fera de
tout pour ne pas avoir la guerre et surtout pour l'éviter. Je ne
crois pas que la guerre soit la réponse aux problèmes ; et avant
d'arriver au carnage, on peut travailler en amont avec la

109
diplomatie, la solidarité internationale, le commerce et la
coopération pour ainsi promouvoir et entretenir la paix. N'est-
ce pas bien cela que l'on fait aujourd'hui avec l'Europe, afin
d’avoir la paix sur le continent occidental? C'est pour cela que
l'identité ne doit pas être une représentation politique.

Parler de l'identité de l'individu, c’est voir, sous le microscope,


la cellule qui compose l'identité collective. Pour la nation,
l'identité collective est le ciment de la patrie. Depuis la fin de la
guerre froide, les problèmes concernant la gouvernance et
l'identité reviennent de partout. Des problèmes concernant la
Nation et la région (par exemple, la République française et la
Corse; l'Espagne et les régions de la Catalogne ou le Pays
Basque), des problèmes concernant l'intégrité du territoire
(l'Irlande et l'Irlande du Nord, le nord et le sud de l'Italie, les
peuples des Balkans, les régions flamande et wallonne en
Belgique), l'éclatement des fédérations (URSS, Yougoslavie,
Tchécoslovaquie), entre autres. Les Nations ont donc peur pour
leur territoire et leur souveraineté.

L'histoire le montre, ces problèmes de souveraineté et de


frontière ne sont pas ni des problèmes d'aujourd'hui, ni des
problèmes européens : ce sont des problèmes de l'humanité.
Depuis la nuit des temps, les hommes ont bâti leur pouvoir et
leur organisation en fonction des territoires. Nous n'avons donc
là rien de nouveau. Des exemples sur ce sujet, on en retrouve
dans tous les livres d'histoire, des Amériques en passant par
l'Afrique jusqu'en Asie. Même aujourd'hui, il suffit de lire la
presse internationale pour se rendre compte de l'actualité de ces
problèmes, certains d'ailleurs vieux de plus d'un demi-siècle.

110
Évidemment, ces exemples ne sont que des exemples sur les
enjeux des identités et je ne souhaite pas les réduire à des cas
identiques ni les mettre tous dans le même panier. Pour chaque
exemple, le contexte et l'intensité de l'événement sont
différents ainsi que les causes. On ne souhaite surtout pas dire
que les problèmes et les solutions sont les mêmes. Néanmoins,
on souhaite montrer comment l'identité joue dans les débats de
l'intégration du territoire et/ou le gouvernement des États.

Pour éviter toute ambiguïté et amalgame, l'État français devrait


d'ailleurs rappeler aux citoyens ce qu'est la nationalité
française. Il devrait aussi travailler pour renforcer la
dissociation de la nationalité avec l'identité de ses citoyens
dans un grand débat vis-à-vis des Français, pour expliquer que
la nationalité française n'est ni ethnique, ni religieux, ni moral,
ni lié au mode de vie ou à un facteur historique. Mais tout
simplement, le fait que l'individu français est reconnu par l'État
français comme un citoyen de la République française.

Dans le cadre d'un tel débat public, il serait plus intéressant de


laisser tomber le terme « identité nationale » et d’adopter un
terme mieux approprié comme « unité nationale ». Ainsi que
nous l’avons abordé ici, l'identité est une affaire strictement
personnelle et un individu a plusieurs expressions de son
identité selon son mode de vie. Plus fort encore, chaque
individu est un cas unique : il serait donc impossible, voire très
dangereux, de vouloir créer ou imposer un mode de vie unique
et généralisé à toute une nation.

L'unité nationale est mieux appropriée car ce terme répond


mieux au besoin vital de la nation. La priorité d'un État est
garder sa souveraineté, avec sa politique étrangère vis-à-vis les

111
autres États, et son unité vis-à-vis le territoire national avec sa
politique intérieure. Si cette réflexion semble acceptable, nous
pouvons même aller plus loin et envisager de retirer le mot
« identité » de toute la sphère de l'administration nationale. Par
exemple, le document majeur, la carte d'identité nationale,
pouvait ainsi tout simplement s'appeler « carte nationale » ou
« carte du citoyen ».

Cette clarification des termes serait très utile. D'abord parce


que l'État sera plus fort s'il rappelle à ses citoyens le vrai sens
de la nationalité. Ensuite parce que la nationalité est un affaire
purement politique entre le citoyen et l'État – donc pas
d'ambiguïté entre les citoyens. En fait, il faut le répéter, c'est
l'État qui reconnaît l'individu comme étant son citoyen ; et c’est
à partir seulement de ce moment-là qu'il devient un membre de
la grande 'famille nation'. Évidemment, l'État ne demande pas
aux concitoyens de valider cette démarche de reconnaissance et
c'est très bien comme ça. Cette démarche est un des exemples
qui se passe lors d'une naturalisation en France : c'est alors un
accord passé entre le demandeur étranger et l'État français
accordeur. On peut ainsi symboliser cette procédure de
naturalisation comme étant un mariage entre le citoyen et la
Nation.

Je viens donc de dire que je me suis marié avec la France. Oui,


j'ai épousé Marianne. Alors s'il y a eu un mariage, rien
d'anormal de prendre le nom de l’épouse... à la française.

Évidemment que cette comparaison avec le mariage est


compromise quand il s'agit de plusieurs nations. Dans le cas de
la binationalité, cela serait de la polygamie. Mais cela à cause
de notre institution du mariage et ce qu'on doit prendre en

112
compte dans l'illustration, c'est le contrat entre les époux.
Certes, j'ai acquis la nationalité française, mais j'ai toujours la
nationalité brésilienne. J'ai vraiment la chance de pouvoir
porter les deux avec beaucoup de joie et de fierté. En fait, on
arrive à la fin de ce livre, plusieurs dizaines des pages, avec
neuf chapitres pour dire une chose toute simple... Oui
Marianne, je vous aime aussi.

113
« Vive les mariés ! »

Illustration 10: “Vive les mariés !”

114
Conclusion

Tout d'abord un grand merci à vous qui m'avez accompagné


jusqu’ici dans ce récit. Je sais que le chemin n'a pas été très
droit et lisse, mais je suis persuadé que les détours de ce conte
et les cailloux littéraires ont aussi apporté des éléments de
réflexions utiles.

Comme nous l’avons annoncé à l'introduction, ceci n'est pas un


travail scientifique : ce n'est qu'un récit, une histoire que j'ai
voulu partager. Néanmoins, on peut tirer quelques conclusions
de cette histoire. Certes, ces conclusions sont connues, mais le
but n'est pas de présenter de nouvelles connaissances, mais d'en
redécouvrir certaines, et surtout de mettre en question certaines
idées anciennes. Si ce livre peut aider à lancer un débat ou
mener à des réflexions sur notre société, ou sur soi-même, mon
but sera atteint au-delà du souhaité.

L'identité individuelle n'est qu'une affaire personnelle. Le nom,


ou prénom, reste d'abord une affaire de famille et cela s'inscrit
dans un contexte culturel de taille variable et aux contours
imprécis. Dans ce contexte, nous pouvons aller d'une petite
bulle de quelques dizaines d'individus, à une gigantesque
sphère de quelques millions. De plus, ce contexte est temporel
et il ne peut pas avoir une compréhension historique, ni avec le
passé, ni avec le futur, car fort heureusement nos existences
deviennent de plus en plus longues : ainsi, les effets culturels
qui s’imposent au choix des noms ne seront plus les mêmes
dans 20 ou 30 ans. Les générations vont se rencontrer mais
nous, nous serons toujours là.

115
L'individuel et le collectif se rejoignent par des affinités sur des
intersections et sur plusieurs plans. Nous pouvons avoir
différents groupes en capsulés ou non dans d'autres groupes, et
même des groupes qui ont des ouvertures sur d'autres. Bref, ces
ensembles de groupes en capsulés seront aussi variés, avec des
combinaisons riches et complexes, en fonction de la société
nationale. Plus la société nationale sera grande, moderne et
variée, plus il y aura de groupes et de sous-groupes. Ce
phénomène est naturel à l'homme et on ne peut pas faire
autrement car l'homogénéisation tue la richesse des pensées, de
l'art, de la créativité, bref, de tout ce qu'il y a de plus beau dans
l'humanité: ses différences.

L'État doit donc préférer utiliser des termes plus appropriés


comme « unité nationale ' » et renforcer sa politique intérieure
pour faire comprendre à ses citoyens ce qu’est sa nationalité et
sa nation. L'État doit refuser tout essai de construction
d'identité nationale basée sur la religion, l'ethnie, l'histoire, la
morale, car cette construction sera condamnée à l'échec.
L'histoire regorge d’exemples de réussites et d'échecs autour
des valeurs nationales. L'État doit renforcer l'attachement à la
patrie sur des valeurs simples, partagées et vraies que tout être
humain cherche et dont il a besoin tel que: avoir un travail, une
famille, des devoirs, et des libertés individuelles et la
protection de ces droits. Bref, vivre heureux et avec dignité.

116
« le cube magique des identités »

Illustration 11: « le cube magique des identités »

117
118
Biographie
Je suis né le 21 juin 1968 à
Belo Horizonte capitale de
l'État du Minas Gerais au
Brésil. Après avoir obtenu en
1994 le diplôme d'ingénieur
industriel, je me suis inscris
en 1995 au Conservatoire
National des Arts et Métiers à
Paris pour y obtenir le
diplôme de DEA « Science,
Technologie et Société ».

En 1998 un deuxième diplôme est obtenu à l'École de Hautes


Études en Sciences Sociales, toujours à Paris, dans le cadre
d’un DEA « Recherche Comparative sur le Développement ».
En août 2000, j'ai démarré une carrière de consultant en
systèmes d'informations au sein d'une multinationale SSII
française où j'y ai eu l'occasion de travailler pendant 6 ans
pour des grandes entreprises. Depuis 2007, je me suis lancé
sur des nouveaux horizons: j'ai ouvert mes propres bureaux
d'études et de conseils à Paris et au Brésil.

Contacts:
Facebook:
http://www.new.facebook.com/group.php?gid=29146093491
blog: http://www.perroquet-coq.machadeau.com/

119
« Que le spectacle commence! »

Illustration 12: « Que le spectacle commence! »

120
Index des illustrations
Illustration 1: « Le grand diner de la République et ses
invités! »...................................................................................16
Illustration 2: « L'alien contre-attaque! ».................................24
Illustration 3: « Pendant ce temps, au cœur de l'Amazonie, chez
les Yanomami... »....................................................................36
Illustration 4: « Quel outil choisir? ».......................................52
Illustration 5: « Docteur François et Mister Tabajara »...........66
Illustration 6: « Le Jongleur des voyelles ».............................72
Illustration 7: « La saga du citoyen globalisé ».......................86
Illustration 8: « Le carnaval citoyen! »....................................98
Illustration 9: « Oh, miroir.. Il y a-t-il plus franchouillard... »
................................................................................................106
Illustration 10: “Vive les mariés !”........................................114
Illustration 11: « le cube magique des identités »..................117
Illustration 12: « Que le spectacle commence! »...................120

121
122
Table
Préface........................................................................................7
Introduction..............................................................................11
Chapitre 1: WAGNEY A ETE ASSASSINE ?........................17
Chapitre 2: LUIZ A ETE TRANSFIGURE ?..........................25
Chapitre 3: MACHADO A ETE TRAHIT ?...........................37
Chapitre 4: DESORMAIS WAGNEY N'EXISTE PLUS?......53
Chapitre 5: LE RAYONNEMENT DE LOUIS.......................67
Chapitre 6: L'EPOQUE MACHADEAU.................................73
Chapitre 7: MAIS QUI EST-IL EN FAIT?.............................87
Chapitre 8: MAIS EN FAIT QUI SUIS-JE?............................99
Chapitre 9: LE MARIAGE REPUBLICAIN.........................107
Conclusion.............................................................................115
Biographie..............................................................................119

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● L'identité individuelle est un fragment
de l'identité collective?

● Qu'est-ce que être français


aujourd'hui?

● La binationalité est-elle un danger?

● Il y a-t-il une identité nationale?

● Sur quelles pierres peut-on bâtir une


unité nationale?

Ces questions et bien d'autres sont ici posées


avec un langage sans prétentions et une bonne
humeur discrète car l'objectif est d'aborder
certaines questions très importantes autour de
l'identité sans pourtant tomber dans la passion
et dans l'intolérance.

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