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Chapitre
L’efficience des
3 marchés financiers

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SOMMAIRE
Section 1 La définition du concept de marché efficient
Section 2 Les tests de l’efficience des marchés
Section 3 La finance comportementale (Behavioral Finance)
Chapitre 3  ■  L’efficience des marchés financiers

I l est une théorie généralement bien acceptée par les universitaires comme par un
grand nombre de praticiens, celle de l’efficience des marchés financiers. Le
concept d’efficience a de nombreuses acceptions, mais dans sa version la plus
simple, l’efficience implique qu’il est difficile de prévoir l’évolution future des cours
boursiers et donc de « battre » le marché.
Cette théorie a été validée empiriquement sur les principaux marchés d’actifs
financiers du monde, qu’il s’agisse des actions, des taux de change, des taux d’inté-

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rêt, etc. Certes, les tests les plus nombreux portent sur les cours des actions, et c’est
de ceux-là dont il est fait état dans ce chapitre. La plupart d’entre eux avaient été
effectués dans les années soixante-dix et la cause de l’efficience des marchés parais-
sait alors entendue.
Cependant, deux séries de phénomènes ont redonné une actualité certaine à ce
thème et suscité de nouvelles controverses. D’abord un nombre croissant d’études,
effectuées principalement aux États-Unis, mais aussi sur les grands marchés euro-
péens et asiatiques, ont mis en évidence certaines anomalies, allant apparemment à
l’encontre du concept d’efficience des marchés financiers.
Par ailleurs, et à la suite de la grande volatilité des grandeurs macrofinancières, et
notamment des cours des actions, un certain nombre d’économistes, et non des
moindres, ont mis en doute la rationalité du comportement des opérateurs et des
investisseurs, et la capacité des marchés financiers à évaluer correctement les actifs
qui y sont cotés. Dans la mesure où ce sont de nouvelles informations pertinentes
pour évaluer les perspectives des sociétés qui sont le ressort des changements d’an-
ticipation et donc des variations des cours boursiers, on en est encore à se demander
aujourd’hui quelles sont les informations qui ont pu faire baisser l’ensemble des
Bourses de l’ordre de 30 % lors du krach de 19 octobre 1987. Aussi, l’accélération
de la hausse des cours des valeurs technologiques à partir de 1997 et leur forte chute
à partir de mars 2000, ou l’apparition d’une bulle immobilière aux États-Unis lors
des années 2000 et son explosion en 2007 ont largement contribué à ces interroga-
tions.
Il n’en demeure pas moins que le concept de marché efficient reste le fondement
de toute la théorie financière moderne. Les travaux fondateurs d’Eugene Fama sur
l’efficience des marchés ont d’ailleurs été récompensés par le prix Nobel d’écono-
mie en 2013. Cependant il règne quelque confusion sur sa signification, voire sur sa
validité. C’est pourquoi, nous commençons ce chapitre en précisant ses différents
sens. La deuxième section présente les études qui ont testé différents aspects de
l’efficience des marchés. La troisième section introduit certaines justifications à la
non-efficience des marchés basées sur la psychologie des investisseurs et souvent
regroupées dans le terme finance comportementale (behavioral finance). Nous rap-
pelons ce que ces résultats impliquent pour la gestion de portefeuilles et des risques
financiers.

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L’efficience des marchés financiers  ■  Chapitre 3

Section
1 La définition du concept de marché efficient
Le concept d’efficience des marchés financiers porte généralement sur l’efficience
informationnelle, c’est-à-dire sur le fait que les cours boursiers reflètent instantané-
ment toute l’information disponible. Toutefois, le concept d’efficience est aussi lié
au concept de rationalité des investisseurs et à celui de l’efficacité économique des
marchés.

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1  L’efficience informationnelle

1.1 Définition
Selon cette acception, un marché sera efficient si l’ensemble des informations
pertinentes à l’évaluation des actifs financiers qui y sont négociés se trouve instan-
tanément et complètement reflété dans les cours.
Un tel marché incorpore donc instantanément les conséquences des événements
passés et reflète précisément les anticipations exprimées sur les événements futurs.
Ainsi, le cours d’une action est à tout instant une estimation non biaisée de sa valeur
intrinsèque. Il est totalement impossible de prévoir ses variations futures puisque
tous les événements connus ou anticipés sont déjà intégrés dans le cours actuel ; seul
un événement imprévisible pourra le modifier, et ce instantanément. Notons que
l’incorporation d’informations nouvelles dans le prix des titres a été facilitée par les
nombreuses évolutions technologiques qui ont eu lieu sur les Bourses d’échange
(ordinateurs, Internet, trading algorithmique, carnet d’ordre électronique, etc.).
Puisqu’il est par construction impossible de prévoir l’imprévisible, la prévision des
cours est illusoire. La concurrence est telle entre les investisseurs que, rapidement,
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toute action sera cotée à son « juste prix » qui dépend de ses caractéristiques, ses
« attributs » et son risque : dès lors, même le plus ignorant des investisseurs peut
faire confiance au marché, et simplement choisir les attributs et le niveau de risque
de son portefeuille qui lui convient.
Selon l’hypothèse d’efficience informationnelle des marchés financiers, dans sa
formulation la plus simple, les cours des actions reflètent à tout moment toute l’in-
formation disponible. Dans un modèle théorique, Grossman et Stiglitz (1980)
montrent que l’efficience des marchés peut être obtenue si les coûts d’information
et de transaction sont nuls. Selon une version similaire, mais qui a économiquement
davantage de sens, les cours reflètent toute l’information disponible jusqu’au point
où les bénéfices marginaux que 1’on peut tirer à partir d’informations sont supé-
rieurs aux coûts marginaux d’obtention de ces informations (Jensen, 1978). Bien

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Chapitre 3  ■  L’efficience des marchés financiers

entendu, les coûts d’information et de transaction sont difficilement mesurables


mais ils ne sont pas nuls et donc la version extrême de l’hypothèse d’efficience ne
peut théoriquement pas être parfaitement exacte. La validité de l’efficience des mar-
chés est donc une question qui mérite d’être examinée par des tests.

1.2  Pourquoi les marchés sont-ils efficients ?

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Il est important de comprendre pourquoi on doit s’attendre à ce que toutes les
informations soient très rapidement reflétées dans les cours boursiers.
■■  L’ analyse fondamentale
L’analyse financière, ou analyse fondamentale, est l’approche traditionnelle de la
gestion de portefeuille. Elle consiste à rechercher, pour chaque titre, la valeur intrin-
sèque vers laquelle convergerait son cours (voir chapitre 7). Celle-ci serait détermi-
née par les qualités et les caractéristiques physiques et financières de l’entreprise
aujourd’hui et dans le futur. « En fait, l’analyste financier aura de meilleurs résultats
que le détenteur type d’actions dans la mesure où il peut identifier plus rapidement
qu’autrui les situations d’écarts sensibles entre cours et valeur intrinsèque (ou s’il
peut mieux prédire des événements importants et en évaluer les effets sur les
valeurs) » (Fama, 1965). Il pourrait aussi étudier le potentiel du groupe de recherche
de la firme, son équipe de direction, les perspectives de ses produits, sa situation
financière, etc.
Toutefois, s’il y a un grand nombre d’analystes compétents, ils aideront à réduire
les écarts entre les valeurs intrinsèques des actions et leurs cours et à amener ceux-ci
à s’ajuster très rapidement à tout changement dans la valeur intrinsèque. Si un ana-
lyste estime qu’une action est sous-évaluée, il recommandera de l’acheter aussi
longtemps que son cours demeure en deçà de la valeur théorique qu’il a estimée. Les
investisseurs, dans la mesure où ils lui font confiance, achèteront immédiatement
l’action et le cours montera rapidement. Ainsi, le cours de l’action s’ajustera très
rapidement et reflétera toutes les informations disponibles. Comme le dit Fama
(1965)  : «  C’est dire que la présence de nombreux analystes compétents rend le
marché plus efficient  ; ils aideront à établir un marché dans lequel l’analyse de
l’entreprise et de sa valeur intrinsèque est une procédure inutile pour l’analyse ou
l’investisseur moyen. Il faut bien voir qu’un analyste doit produire constamment des
résultats meilleurs qu’une sélection due au hasard car, par la nature même de l’incer-
titude, il dispose à chaque fois d’une probabilité de 50  % de faire mieux qu’une
sélection au hasard, même si ses capacités d’analyste sont totalement inexistantes.
De plus, il devra non seulement faire mieux qu’une sélection au hasard mais battre
celle-ci suffisamment pour couvrir ses coûts en ressources et son salaire. »

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L’efficience des marchés financiers  ■  Chapitre 3

■■  L’utilisation d’informations ou de méthodes privilégiées


Il ne faut pas sous-estimer la possibilité que des informations privilégiées ou un
système de placement original puissent permettre de « battre » le marché. Celui qui
aurait régulièrement accès à de telles informations ou aurait élaboré une méthode
nouvelle de sélection des investissements jouirait d’un profit anormal comparable à
la rente d’origine monopolistique de la concurrence parfaite. Mais de même qu’en
concurrence parfaite, ces profits anormaux sont appelés à disparaître rapidement.

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D’une part, la prospérité d’un investisseur est rapidement remarquée et ses actions
imitées (son négociateur ou son banquier, par exemple, auront tendance à « placer »
pour eux-mêmes ou à passer le « tuyau » à leurs amis). D’autre part, il fera appel à
des capitaux plus importants et le volume d’investissement (comme l’imitation)
usera la rente (en ramenant le cours à sa juste valeur), tout en rendant au marché du
titre correspondant sa perfection, quoique d’importants bénéfices aient pu être déga-
gés au préalable. Ainsi, la découverte d’une nouvelle méthode de prévision des prix
des actifs financiers a des conséquences semblables à l’innovation dans un marché
parfait de biens physiques. On peut ainsi faire référence au hedge fund LTCM qui
avait mis en place des modèles d’arbitrage sur des titres sur ou sous-évalués. Le
succès de LTCM pendant un temps a fait que ses capitaux sont devenus trop élevés
par rapport à la liquidité des marchés. Ce phénomène a été amplifié par l’imitation
de nombreux hedge funds et banques. Ce faisant, les opportunités de profit ont dis-
paru, mais les risques de l’arbitrage étaient toujours présents et se sont matérialisés
en 1998.
En conclusion, dans un marché efficient, la concurrence entraîne une situation où
à chaque instant les cours des titres reflètent instantanément et en moyenne correc-
tement toute l’information disponible. À tout instant, le cours des titres d’une entre-
prise serait une bonne estimation de sa valeur réelle.
Le concept de marché informationnellement efficient a des implications extrêmes
pour la pratique de la gestion de portefeuille : seuls les investisseurs qui disposent
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d’informations privilégiées, les «  initiés  », peuvent prétendre pouvoir réaliser des


gains anormaux1. Mais la législation réduit désormais considérablement la possibi-
lité d’obtenir de telles informations privilégiées. Ceux qui utilisent des méthodes de
gestion originales et performantes doivent constamment les adapter pour éviter leur
usure naturelle. Pour les autres, mieux vaudrait qu’ils gèrent ou fassent gérer leur
portefeuille de manière passive, par exemple sous forme indicielle, avec un porte-
feuille représentatif diversifié d’actions.

■■  Le trading à haute fréquence


Le trading à haute fréquence (High Frequency Trading, HFT) est une des évolu-
tions les plus importantes de ces dernières années sur les marchés financiers. Il s’agit

1.  Voir Roger (1988).

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Chapitre 3  ■  L’efficience des marchés financiers

de programmes informatiques permettant d’analyser en quelques millisecondes une


quantité énorme d’informations, et de générer de façon automatique des ordres
d’achat ou de vente. La part du trading à haute fréquence réalisée par des ordinateurs
est importante (de l’ordre de 60 % aux USA et environ 40 % en Europe) et ne fait
que s’accroître.
Deux types d’information sont analysés par les traders à haute fréquence  : les
informations fondamentales et les informations provenant des marchés eux-mêmes.

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–– Les informations fondamentales concernent les entreprises, comme par exemple la
signature d’un nouveau contrat, le lancement d’un nouveau produit, ou la démission
d’un dirigeant ; l’économie dans son ensemble, comme les chiffres du chômage ou
de croissance économique, ou le changement du taux d’intérêt directeur d’une
banque centrale ; ou bien encore la situation géopolitique, comme le déclenchement
de guerres, épidémie, et attentat terroriste. Dans ce cas, le HFT assure que le prix
des titres financiers ne devient pas de leur valeur d’équilibre. Sur le marché des
changes, Chaboud, Chiquoine, Hjalmarsson et Vega (2013) montrent que le HFT
améliore l’efficience du marché : il réduit la fréquence des arbitrages triangulaires
(euro-dollar, dollar-yen et euro-yen) et réduit l’autocorrélation entre les rentabilités
intra-quotidiennes.
–– Les informations internes aux marchés sont des signaux extraits de la dynamique des
ordres d’achat et de vente soumis par tous les participants aux marchés, ainsi que les
dernières transactions. Par exemple, un déséquilibre au sein du carnet d’ordres du
côté des achats peut être interprété comme un signal positif. Cette faculté d’analyse
des signaux internes aux marchés est particulièrement importante sur un marché
segmenté. Ainsi, la soumission d’un ordre d’achat pour une action A négociée sur le
NYSE dépend du flux d’ordres sur le NYSE mais également sur toutes les autres
plateformes permettant de négocier l’action A (par exemple Nasdaq, Bats, Direct
Edge).
La recherche académique montre que le HFT conduit le prix des titres à converger
plus rapidement vers leur valeur d’équilibre et à refléter l’ensemble des informations
disponibles à un moment donné. Brogaard, Hendershott et Riordan (2013) montrent
que les traders à haute fréquence améliorent l’efficience du marché des actions aux
États-Unis. Les chercheurs étudient toutes les transactions exécutées sur le NYSE et
le NASDAQ en 2008-2009 pour un échantillon de 120 actions. Pour chaque transac-
tion, l’heure exacte à la milliseconde près est connue ainsi que le type (HFT ou
non-HFT) de l’acheteur et du vendeur. Leurs résultats indiquent que les traders HFT
améliorent l’efficience informationnelle des marchés en prenant des positions dans
la même direction que la composante permanente des prix (« information based »)
et dans une direction contraire à la composante transitoire des prix («  pricing
error »).
Mais ces pratiques peuvent également avoir des effets indésirables. Premièrement,
elles pénalisent les investisseurs traditionnels (c’est-à-dire lents) qui, souffrant d’une

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L’efficience des marchés financiers  ■  Chapitre 3

concurrence déloyale, peuvent décider de se retirer du marché. Ce faisant, elles


découragent ces acteurs de produire de l’information. Ceci peut engendrer un phé-
nomène connu sous le nom de paradoxe de Grossman et Stiglitz. Si les prix ne
reflètent pas toute l’information, j’ai intérêt à m’informer pour tirer profit de cette
imperfection. Ce faisant, je corrige l’imperfection, et j’élimine les incitations des
autres à s’informer. Un prix «  trop efficient  » décourage l’acquisition d’informa-
tions, ce qui rend le marché, de manière paradoxale, moins efficient. En éliminant
certains acteurs du marché, le trading à haute fréquence risque donc de priver ceux-

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ci d’informations pertinentes.
En outre, les ordinateurs sont sujets à des pannes, et même à des erreurs. Le 8 sep-
tembre 2008, l’action United Airlines a perdu environ 15  % de sa valeur en 15
minutes suite à la publication erronée parmi les dépêches de Google d’une informa-
tion sur la faillite de la compagnie en septembre 2002. Le « flash crash » du 6 mai
2010, au cours duquel certains titres ont subi en quelques minutes des baisses verti-
gineuses, a été causé par l’erreur d’une firme de négoce du Kansas, qui a vendu en
quelques minutes des quantités importantes de contrats à terme sur l’indice S&P500,
dont la baisse s’est rapidement propagée au segment peu liquide du marché. Ceci a
causé une baisse significative des prix des titres composant l’indice. Plus récem-
ment, un tweet fallacieux censé émaner de l’agence de presse américaine Associated
Press (23 avril 2013) et annonçant l’explosion d’une bombe à la Maison Blanche
ayant blessé le Président Obama a eu un effet immédiat sur le cours des actions
américaines (chute de 100 points de l’indice Dow Jones et de 14 points de l’indice
S&P 500) comme le montre la figure 3.1.

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Note – L’axe vertical indique la valeur de l’indice S&P 500 et l’axe horizontal
indique l’heure à Londres (GMT).

Figure 3.1 – Effet d’une fausse nouvelle sur l’indice l’indice S&P 500
Last Price
(23 avril 2013)
Hight on 04/23 17:33 17578,52

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Average 1576,71
Low on 04/23 18:09 17564,15
Prew Close 1562,56
Chapitre 3  ■  L’efficience des marchés financiers

2  L’efficience et la rationalité des investisseurs

Une approche complémentaire du concept d’efficience du marché financier repose


sur la rationalité du comportement des investisseurs. Selon cette acception, un mar-
ché d’actifs financiers est efficient si le prix des actifs reflète les espérances de
revenus futurs auxquels ils donnent droit, conformément aux principes de l’évalua-
tion. Dans le jargon économique contemporain, on dirait que les marchés financiers

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sont efficients dans la mesure où les prix des actifs qui y sont cotés sont uniquement
fonction des « anticipations rationnelles » qu’ont les investisseurs de leurs revenus
futurs1. La rationalité des acteurs et l’efficience des marchés financiers considérée
de cette manière ont fait l’objet d’une sérieuse remise en cause.
Citons Tobin (1985) : « […] le cours de l’action, aujourd’hui est égal à la valeur
actualisée de ses flux anticipés de revenus futurs. Mais l’observation, même super-
ficielle, des fluctuations du cours des actions montre qu’ils varient de façon beau-
coup plus marquée, à la hausse comme à la baisse, que ne le justifieraient les modi-
fications d’anticipations formées rationnellement sur leurs déterminants fondamen-
taux. À l’évidence, la spéculation sur le marché amplifie considérablement la
variation des dividendes et des bénéfices. » Les phénomènes décrits dès 1985 par
Tobin ne semblent pas s’être atténués depuis, au contraire.
Cette assertion constitue une critique à peine voilée de la rationalité des investis-
seurs, dont le comportement s’apparenterait à celui décrit par Keynes (1973).
Celui-ci assimilait le fonctionnement des marchés financiers à des concours organi-
sés dans lesquels les concurrents doivent choisir parmi des centaines de photogra-
phies de jeunes femmes les six plus jolies, le prix allant à celui dont le choix corres-
pond le plus près au choix de l’ensemble des autres concurrents, et non à ses propres
préférences. Chacun est ainsi amené à essayer de deviner les goûts des autres
joueurs, et réciproquement (…) On atteint ainsi une sorte de troisième degré dans
lequel nous consacrons nos intelligences à prévoir ce que l’opinion moyenne pense
que sera la moyenne des opinions. Et certains de pratiquer très probablement le
quatrième, le cinquième et le sixième degré…
Ainsi la spéculation sur les spéculations des autres opérateurs ajoute de la variance
à la variance normale des cours et engendrerait ce qu’il est convenu d’appeler des
« bulles » spéculatives qui embrouillent, à tout le moins, l’interprétation du marché.
Cette « survariance » n’étant pas liée aux anticipations rationnelles de flux futurs, le
marché en deviendrait inefficient.
Lorsque de nombreux investisseurs ont un comportement irrationnel, l’hypothèse
d’efficience des marchés financiers a deux autres fondements théoriques alternatifs.
Même si les investisseurs ne sont pas rationnels, leurs transactions pourraient être
aléatoires et donc non corrélées, si bien que les erreurs individuelles s’annuleraient

1.  Voir chapitre 7.

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L’efficience des marchés financiers  ■  Chapitre 3

les unes les autres. Enfin, les investisseurs irrationnels pourraient avoir en face d’eux
des contreparties rationnelles, aux moyens puissants, tels que les arbitragistes pro-
fessionnels, dont le comportement corrige celui des investisseurs irrationnels et qui
ramènent les cours des actions à leur valeur intrinsèque. L’argument central de
Shleifer1 est qu’aucune de ces conditions n’est vérifiée : les investisseurs ne sont pas
rationnels, leurs erreurs sont corrélées parce qu’ils sont moutonniers, et donc ne
s’annulent pas et l’arbitrage étant risqué, il est loin d’être parfait.

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De telles anomalies ont donné lieu au développement de la finance comportemen-
tale (behavioral finance) développée dans la troisième section. Il ne s’agit pas d’un
corps théorique à proprement parler mais plutôt d’un ensemble de faits stylisés
illustrant/décrivant l’irrationalité des investisseurs.
Si cette hypothèse d’inefficience des marchés financiers était fondée, cette consta-
tation aurait une grande importance en gestion de portefeuille. Elle appellerait à
utiliser des méthodes fondées sur la science des comportements de groupe davan-
tage que sur des modèles financiers rationnels.
De telles théories requièrent d’être testées par l’utilisation d’un test conjoint de
l’efficience des marchés et d’une certaine forme de rationalité des investisseurs.
Notons toutefois qu’il est difficile de vérifier les assertions mentionnées ici. Ceux
qui considèrent que les investisseurs sont irrationnels supposent que le cours observé
dévie de la « vraie » valeur d’un titre de manière significative et prolongée. Pour s’en
assurer, il faudrait connaître la « vraie » valeur d’un titre et c’est là une tâche bien
difficile.

3  L’efficience et l’efficacité économique

Une autre approche de l’efficience des marchés financiers concerne les fonctions
proprement économiques de l’industrie financière. Comme on l’a vu au chapitre
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

précédent, les marchés financiers prennent une place de plus en plus grande dans le
système financier et productif de chaque pays. Leur utilité provient du fait qu’ils
facilitent la mutualisation des risques et leur transfert vers ceux qui sont les plus
capables ou les plus disposés à les supporter. Par ailleurs, ils permettent de mobiliser
l’épargne vers les emplois les plus productifs (à condition que les marchés soient
informationnellement efficients), tout en lui permettant de rester liquide, etc. Cet
ensemble de fonctions entraîne des transactions volumineuses tant au niveau du
marché primaire qu’à celui du marché secondaire. L’industrie financière qui assure
ces fonctions, et notamment les marchés financiers, le font-ils de manière efficace ?
Si tant est qu’il est difficile de répondre à cette question, il n’en demeure pas moins

1.  Shleifer (2000).

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Chapitre 3  ■  L’efficience des marchés financiers

que les coûts de transaction qu’ils prélèvent pour assurer leurs fonctions n’ont cessé
de baisser depuis trente ans.

Section
2 Les tests de l’efficience des marchés

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Les marchés financiers sont-ils efficients au sens informationnel ? C’est une ques-
tion importante pour tous les praticiens car la réponse influence la stratégie d’inves-
tissement à adopter. Cette section passe en revue une partie des innombrables tests
qui ont été consacrés à ce sujet.
Fama (1965), dans son article fondateur, identifiait trois types de tests pour vérifier
empiriquement si les marchés financiers étaient efficients : les tests de forme faible,
les tests de forme semi-forte et les tests de forme forte.
Dans un marché efficient de forme faible, les cours des titres reflètent tout ce qu’on
pourrait déduire de leur historique. L’observation des cours et des volumes de tran-
sactions passés ne serait d’aucune utilité pour battre le marché ou obtenir des taux
de rentabilité ajustés pour les risques supérieurs. L’analyse technique, très présente
dans la couverture rédactionnelle de la presse financière grand public ou sur les sites
Internet d’information boursière, ressortirait davantage du folklore et ne présenterait
aucune utilité.
Dans un marché efficient de forme semi-forte, les cours boursiers réagissent ins-
tantanément à l’annonce d’informations dès que celles-ci deviennent publiques. Ces
informations peuvent être des informations macroéconomiques et financières, les-
quelles affectent l’ensemble des valeurs ou concerner un secteur ou une société
particulière (annonce des bénéfices, dividendes, chiffre d’affaires, etc.), auquel cas
elles affectent principalement ladite société. Un investisseur serait meilleur que les
autres s’il savait mieux interpréter ces informations publiques que les autres
investisseurs.
Enfin, un marché sera efficient de forme forte si toutes les informations non
publiques sont reflétées dans les cours. Les tests en cette matière se sont focalisés
sur la mesure des performances des gérants professionnels, les mieux placés pour
profiter des informations plus diverses, plus riches ou moins répandues que celles
dont disposent les investisseurs individuels dont la Bourse ne constitue qu’un passe-
temps.
Dans une nouvelle classification, Fama (1991) regroupe ces tests différemment en
distinguant les tests de prévisibilité des rentabilités boursières, les études d’événe-
ments et les tests de performance des investisseurs initiés. Nous adoptons cette
dernière classification dans la suite de ce chapitre.

70
L’efficience des marchés financiers  ■  Chapitre 3

1  Les tests de prévisibilité des rentabilités boursières

Au lieu de tests de forme faible, qui ne sont concernés que par le pouvoir prédictif
des rentabilités boursières du passé, cette nouvelle catégorie inclut tous les tests de
prévisibilité des rentabilités boursières. Cela comprend, outre les tests de forme
faible, les tests qui vérifient dans quelle mesure les cours boursiers futurs peuvent
être prévus par certaines variables publiquement disponibles, telles les dividendes,

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les bénéfices ou les taux d’intérêt. Nous passons en revue successivement les tests
d’efficience de la forme faible basés sur les rentabilités à court terme, les tests
d’efficience de la forme faible basés sur les rentabilités à long terme et les tests
d’efficience utilisant d’autres variables.
Les travaux empiriques des années soixante-dix portaient sur la prévisibilité des
rentabilités futures à partir des séries passées de rentabilités boursières. Ces travaux
vérifiaient accessoirement dans quelle mesure les méthodes d’analyse technique
fondées sur l’évolution des cours passés permettent aux investisseurs d’obtenir des
résultats de gestion supérieurs à ceux qui résultent d’une stratégie naïve d’investis-
sement par laquelle l’investisseur suit une politique d’achat-conservation d’un
échantillon diversifié d’actions.
De plus, les tests des années soixante-dix se concentraient sur la prévisibilité bour-
sière sur des horizons courts de 1 jour, 1 semaine ou 1 mois. Les nouveaux tests
envisagent aussi la prévisibilité des rentabilités boursières à plus long terme. Ils
évaluent aussi le pouvoir prédictif de variables telles que le rendement en dividende
(D/P) ou le ratio bénéfice par action/cours (E/P).
Il y a eu depuis une quinzaine d’années une résurgence de tests sur la prévisibilité
des rentabilités boursières à partir de séries historiques, c’est-à-dire en fait sur la
variation des rentabilités boursières au cours du temps qu’elle soit ou non ration-
nelle, laquelle pourrait être mise à profit pour prévoir les rentabilités boursières
futures.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Les tests d’efficience de la forme faible basés sur les rentabilités


1.1 
à court terme
Les tests d’efficience de la forme faible basés sur les rentabilités boursières à court
terme regroupent les tests d’autocorrélation, les tests d’analyse technique et les tests
d’anomalies.
Les tests anciens de la forme faible de l’efficience faisaient l’hypothèse que les
cours boursiers suivaient une marche au hasard. Formellement l’hypothèse de
marche au hasard peut être représentée de la manière suivante :
R̃ it = µ i + ε it

71
Chapitre 3  ■  L’efficience des marchés financiers

où R̃ it représente le taux de rentabilité futur et aléatoire du titre i pendant la


période t, mi est un terme constant, et eit une variable aléatoire de moyenne nulle, de
variance finie et dont le coefficient d’autocorrélation est nul pour tout retard. De ce
fait :
E ( R̃ it ) = µ i

C’est-à-dire que la meilleure estimation du taux de rentabilité du titre i pour une


période future, sachant ce qu’il a été dans le passé, est précisément ce taux de ren-

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tabilité moyen sur une période passée de même durée.
Afin de tester l’hypothèse de marche au hasard des cours boursiers, deux types de
tests ont été effectués : les premiers testent directement l’indépendance des varia-
tions successives des cours boursiers, ce sont les tests d’autocorrélation des rentabi-
lités à court terme ; les seconds vérifient dans quelle mesure les méthodes d’analyse
technique fondées sur l’évolution des cours passés permettent aux investisseurs
d’obtenir des résultats de gestion supérieurs à ceux qui résulteraient d’une stratégie
d’achat conservation d’un échantillon diversifié d’actions.

■■  Les tests directs de l’hypothèse d’indépendance


L’hypothèse d’une évolution aléatoire ou marche au hasard des cours boursiers est
née de l’observation empirique, par Kendall (1953), selon laquelle les variations
successives de l’indice des actions cotées à Londres (1928-1938) étaient totalement
indépendantes1. Ce résultat fut confirmé par d’innombrables tests sur le marché
américain, notamment les tests d’autocorrélation statistique de Cootner (1964), de
Fama (1965) et de Moore (1964). Invariablement, les coefficients d’autocorrélation
entre les changements de cours successifs sont très faibles. Notons qu’un coefficient
d’autocorrélation d’une série de prix sera nul si les variations sont aléatoires, positif
si une hausse supérieure à la moyenne pendant la période t est suivie par une hausse
supérieure à la moyenne pendant la période t + 1, et négatif si la fluctuation de prix
pendant la période t + 1 tend à compenser une hausse (ou baisse) pendant la période
t. Ceci peut être illustré par les deux diagrammes de dispersion des variations de
cours de la figure 3.2. Ces diagrammes reproduisent les variations de cours d’une
valeur pour deux périodes successives et ce pour de nombreuses périodes. Le pre-
mier diagramme traduit une corrélation fortement positive, le second une absence
totale de dépendance.

1.  Une discussion sur la «  marche au hasard  » des cours boursiers conduit souvent à se poser la
question de la forme de la distribution statistique des cours. Comme le souligne Fama, une telle ques-
tion n’a rien à voir avec l’hypothèse de marche au hasard, car celle-ci peut s’accommoder de n’importe
quelle forme de loi de probabilité.

72
L’efficience des marchés financiers  ■  Chapitre 3

période t + 1

période t + 1
Variation

Variation
Variation Variation
période t période t

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Corrélation positive Corrélation nulle

Figure 3.2 – Dispersion des variations successives des cours d’un titre

Pour ce qui est de la célèbre étude de Fama (1965) sur les variations relatives
quotidiennes des trente valeurs du Dow-Jones de 1957 à 1962, aucune autocorréla-
tion importante n’a pu être décelée même en considérant des changements hebdo-
madaires, bi-hebdomadaires, etc., ou des décalages (lags) de plusieurs jours dans le
processus d’ajustement.
Lo et McKinley (1988) et Conrad et Kaul (1988) ont répliqué la méthodologie et
les tests de Fama sur toutes les valeurs cotées au NYSE et sur une période plus
longue, 1962-1985, en les regroupant en portefeuilles en fonction de la taille des
sociétés. Les deux études font état d’autocorrélations positives des rentabilités bour-
sières hebdomadaires, surtout pour les portefeuilles constitués de sociétés de petite
taille. Ces derniers résultats ne sont cependant pas significatifs compte tenu du
fameux problème de l’asynchronisme temporel des cotations et des cours des socié-
tés de petite taille pour lesquelles les volumes de transaction sont faibles et les
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transactions peu fréquentes. Pour les sociétés de grande taille, le coefficient d’auto-
corrélation moyen est de seulement 0,09. Par ailleurs, le niveau des coefficients
d’autocorrélation, qui semble traduire une non-constance dans le temps des taux de
rentabilité anticipés, ne permet sans doute pas d’exploiter ces résultats empiriques
pour les transformer sur le plan pratique en stratégies de portefeuille gagnantes.
Les fonds spéculatifs, ou hedge funds, ont souvent un niveau élevé d’autocorréla-
tion. Dans une étude portant sur 2 701 fonds spéculatifs et couvrant la période 1977-
2007, Lo (2008) trouve que le coefficient d’autocorrélation des rentabilités men-
suelles est de 12,9 %. Le niveau d’autocorrélation s’élève à 20,7 % pour les fonds
spéculatifs de type event driven et même à 38,8  % pour les fonds basés sur des
stratégies d’arbitrage sur titres convertibles (convertible arbitrage). Cette apparente
prédictibilité de la rentabilité est due en fait à la faible liquidité des titres dans les-
quels les fonds spéculatifs investissent, à savoir dans des entreprises non-cotées ou

73
Chapitre 3  ■  L’efficience des marchés financiers

en détresse financière, des pays émergents, dans l’immobilier, ou dans des produits
dérivés négociés de gré à gré (Getmansky, Lo et Makarov, 2004). Dans la mesure où
il n’existe pas de prix de marché fiable pour ces titres, les gérants de fonds spécula-
tifs ont une certaine liberté lors de la détermination de la valeur d’actif net de leur
fond. Par exemple, un gérant ayant investi dans un produit dérivé dont la valeur
dépend des prix de l’immobilier résidentiel en France peut réévaluer son produit en
faisant des hypothèses optimistes. De façon identique, lorsque les prix de l’immobi-
lier s’emballent, le gérant peut recourir à des hypothèses conservatrices afin de faire

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apparaître une appréciation modérée du prix des produits. Ce faisant, le gérant peut
limiter la variabilité de la performance du fonds, ce qui augmente mécaniquement
les mesures de performance de type « rentabilité moyenne/volatilité » qui sont sou-
vent utilisées pour comparer les fonds entre eux (voir chapitre 13). Ce phénomène
de lissage, appelé en anglais return smoothing, est maintenant bien connu par les
investisseurs des fonds spéculatifs. Ces diverses observations illustrent que les résul-
tats des tests d’indépendance peuvent simplement traduire l’illiquidité des marchés.
■■  Les tests d’analyse technique
Les techniques d’analyse graphique visent à utiliser la connaissance du comporte-
ment passé d’une succession de cours pour en prévoir le comportement futur. Un
statisticien dirait de telles techniques qu’elles supposent que les changements suc-
cessifs des cours sont des événements dépendants. Le recours à de telles méthodes
est incompatible avec la croyance en une évolution aléatoire (ou «  marche au
hasard ») des cours.
Aujourd’hui des logiciels informatiques permettent de détecter très rapidement
des tendances boursières ou des retournements. Ces modèles plus ou moins sophis-
tiqués, reposent sur l’analyse des moyennes mobiles des titres et du momentum, et
sont représentés sur la figure 3.3.

Croisement des moyennes Méthode des filtres Momentum


mobiles

–X%
Vente
Cours (C)

Cours (C)

MMCT
Ct /Ct–n
1.0

Achat Achat Vente


Vente
+X%
Achat MMLT

Temps Temps Temps


(a) (b) (c)

Figure 3.3 – Modèles d’analyse technique

74
L’efficience des marchés financiers  ■  Chapitre 3

Les chartistes utilisent comme signal d’achat ou de vente d’un titre l’observation
conjointe du cours avec sa (ou ses) moyenne mobile, et plus précisément l’intersec-
tion entre la courbe représentative de l’évolution des cours et la (les) moyenne
mobile.
On peut ainsi définir une moyenne mobile arithmétique :
τ=t
L 1
Mt = --- ∑ Cτ

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L
τ = t–L+1
L
Où M t représente la moyenne mobile calculée en t, avec L la taille ou longueur
de la moyenne mobile et Cτ le cours de l’action au jour τ. On peut calculer deux
moyennes mobiles, par exemple une courte (sur 50 jours de Bourse par exemple) et
une longue (200 jours de Bourse).
Avec cette technique, les signaux à l’achat sont les suivants : le cours franchit du
bas en haut la moyenne mobile longue et/ou la moyenne mobile courte, les pentes
des deux moyennes mobiles sont positives, la moyenne mobile courte franchit la
moyenne mobile longue de bas en haut. Les signaux à la vente sont à l’inverse les
suivants  : le cours franchit du haut en bas la moyenne mobile courte et/ou la
moyenne mobile longue, les pentes des deux moyennes mobiles sont négatives, la
moyenne mobile longue franchit la moyenne mobile courte de bas en haut.

70
Cours UBS
9 août 2007 :
60 vente à CHF 54,31 MA (50)
MA (200)
50
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40

30
14 septembre 2005 :
achat à CHF 40,68
20

10

0
août 05 août 06 août 07 août 08 août 09 août 10 août 11 août 12 août 13

Figure 3.4 – UBS. Cours et moyennes mobiles 200 et 50 sur cours corrigés

75
Chapitre 3  ■  L’efficience des marchés financiers

La figure  3.4, représentant entre août  2005 et septembre  2013, l’évolution des
cours (ligne heurtée) et de la moyenne mobile courte (MA(50)), et longue (MA(200))
d’UBS cotée à Zurich, constitue un cas d’école de signal d’achats puis de vente par
cette méthode. Un signal d’achat apparaît en septembre 2005 lorsque la moyenne
courte dépasse la moyenne longue. Le prix d’acquisition est alors de CHF 40,68.
Alors que les deux moyennes mobiles se rapprochent, mais ne se croisent pas, en
septembre 2006, le titre est détenu jusqu’en août 2007. L’action est alors vendue à
un prix de CHF 54,51 et l’investisseur échappe ainsi à la chute du cours qui a lieu

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pendant les deux années suivantes. Cet exemple montre que le recours aux moyennes
mobiles peut être très efficace lors de retournements de tendance. Cependant, les
signaux sont plus difficiles à exploiter en absence de tendance forte comme lors de
la période 2009-2013.
Mais une hirondelle ne fait pas le printemps. Une observation réussie ne valide pas
une méthode ; seuls le peuvent des tests sur un grand nombre de données.
La première étude significative a été réalisée aux États-Unis par Alexander (1961,
1964). Il a notamment testé la méthode dite des filtres, qui s’inspire de la célèbre
théorie de Dow. Cette théorie a été par la suite testée plus en détail par Fama et
Blume (1966). Cette méthode d’achat-vente peut être décrite de la façon suivante :
lorsque le cours d’une action monte d’au moins x  %, acheter et conserver cette
position jusqu’à ce que le cours tombe de plus de x % d’un sommet suivant ; à ce
moment-là, il faut à la fois liquider sa position et se porter vendeur à découvert
jusqu’à ce que le cours remonte d’au moins x % d’un creux ultérieur.
Nombre de filtres furent utilisés sur différents titres américains, de 0,5 % à 50 %
en utilisant différents intervalles de cours boursiers. Les résultats de l’application
journalière de la stratégie aux 30 valeurs du Dow-Jones sur une période de cinq ans
finissant en 1962 sont très médiocres. Pendant la période considérée, une stratégie
naïve de détention ininterrompue des mêmes titres (Buy and Hold) aurait rapporté
9,9 %. Seule l’adoption d’un très petit filtre s’avère plus profitable que la stratégie
naïve. Cependant, si l’on tient compte des frais de transaction, dans tous les cas la
rentabilité de la méthode des filtres est inférieure à la rentabilité de la stratégie naïve
de détention des titres.
La même stratégie de filtres appliquée aux valeurs de l’indice Standard and Poor’s
sur la période 1928-1961, a donné d’aussi piètres résultats. La seule consolation
d’une telle stratégie aurait été la gratitude de son courtier.
Et pourtant, l’analyse technique perdure  ! Ses partisans considèrent en effet les
tests présentés comme peu convaincants du fait que les techniques statistiques utili-
sées seraient inappropriées. Les relations linéaires simples qui sous-tendent le
modèle de corrélation statistique seraient beaucoup trop grossières pour saisir les
relations compliquées que l’analyste technique appréhende dans l’évolution des
cours. De même, les tests à partir des séquences sont beaucoup trop rigides dans leur
manière de déterminer la durée d’un mouvement ascendant.

76
L’efficience des marchés financiers  ■  Chapitre 3

Il n’est pas possible de prouver une fois pour toutes qu’aucune méthode technique
n’est rentable. Tout au plus peut-on continuer à étudier scientifiquement les résultats
de celles qui ont la faveur des «  chartistes  ». Pour l’instant, ces tests ont eu des
résultats négatifs.

■■  Les tests d’anomalies


De très nombreuses études empiriques, dont les premières apparaissent au début

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des années quatre-vingt, font état d’anomalies boursières particulières au regard de
la théorie de l’efficience des marchés. Une précédente édition du Jacquillat-Solnik
(1997) avait consacré une place significative à celles-ci. Mais ces anomalies, pour la
plupart, ont disparu et ne sont plus qu’anecdotiques, ou bien elles ont d’autres expli-
cations rationnelles liées à la microstructure des marchés financiers ou à certains
attributs particuliers des titres. Aussi, nous ne les évoquons que brièvement. Les
principales sont les suivantes :
–– L’effet taille, mis en évidence pour la première fois par Banz (1981), selon lequel la
rentabilité annuelle des sociétés de petite taille est en moyenne supérieure à celle des
sociétés de grande taille.
–– L’effet valeur, selon lequel les titres dont le ratio valeur de marché/valeur comptable
est faible surperforment à long terme les titres pour lesquels ce ratio est élevé (valeur
de croissance). Fama and French (1992) montrent qu’un portefeuille regroupant le
10 % des actions américaines ayant le ratio le plus faible génèrent une rentabilité
annuelle moyenne de 1,83 % alors qu’un portefeuille regroupant le 10 % des actions
américaines ayant le ratio le plus élevé génèrent une rentabilité moyenne de 0,30 %.
Ces deux effets, souvent appelés «  facteurs  » de Fama et French (1992, 1993,
2012), peuvent se justifier par des attributs spécifiques des sociétés considérées. Par
contre, certaines anomalies sont plus anecdotiques comme par exemple :
–– L’effet momentum, mis en évidence par Jegadeesh and Titman (1993), selon lequel
les titres qui ont le mieux performé sur les douze derniers mois continuent de sur-
performer sur les douze mois suivants, et parallèlement, les titres qui ont le moins
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

bien performé sur les douze derniers mois continuent de sousperformer sur les douze
mois suivants (voir aussi Carhart, 1997).
–– L’effet lundi, selon lequel les rentabilités boursières le lundi sont plus faibles que les
autres jours de la semaine. Aussi, dans le même ordre d’idées, les rentabilités la
veille d’une fête et le dernier jour du mois sont en moyenne plus élevées que celles
des autres jours. De plus, les taux de rentabilité au mois de janvier sont plus élevés
que ceux des autres mois, avec une concentration des rentabilités élevées sur le der-
nier jour boursier de décembre et les cinq premiers jours boursiers de janvier. Ces
effets calendaires ont été documentés pour la France par Hamon et Jacquillat (1992),
et sur de nombreux marchés autres que le marché boursier américain.
La plupart de ces « anomalies » peuvent s’expliquer en terme de risque, de liqui-
dité, de limite d’arbitrage, ou de biais cognitifs (voir section 3). Par exemple, Fama

77
Chapitre 3  ■  L’efficience des marchés financiers

and French (1992, 1993, 1995) affirment que les titres valeur sont plus risqués que
les titres de croissance dans la mesure où ils sont plus exposés au risque de détresse
financière.  La surperformance identifiée n’est par conséquence qu’une juste com-
pensation des actionnaires pour les risques qu’ils supportent.
Différemment, la surperformance des sociétés dont la capitalisation boursière est
faible s’explique en tout ou partie par des phénomènes de liquidité ou de microstruc-
ture. Les rentabilités des petites capitalisations boursières évoquées plus haut sont

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du même ordre de grandeur que la taille de la fourchette (le coût d’un aller et retour).
Cette surperformance apparente ne fait donc que refléter l’illiquidité du titre.
Sur un marché financier sans friction, les investisseurs (traders) sophistiqués éli-
minent tout écart entre le prix de marché et la valeur fondamentale du titre. En
pratique cependant, certains déséquilibres ne peuvent pas être exploités par les arbi-
tragistes, ce qui peut générer des anomalies. En effet, des contraintes, des frictions
ou des coûts empêchent parfois les arbitragistes de faire converger les prix de mar-
ché vers leurs niveaux d’équilibre, un phénomène appelé limites d’arbitrage (Gromb
et Vayanos, 2010). Parmi ces limites on peut citer les contraintes de ventes à décou-
vert qui peuvent empêcher un investisseur de vendre un titre surévalué, ou des
contraintes d’emprunt et d’exigences de collatéral (appels de marge).
Notons pour terminer que la plupart des effets discutés ci-dessus se sont fortement
atténués depuis qu’ils ont été découverts. Récemment, McLean et Pontiff (2013) ont
analysé 82 anomalies identifiées par des chercheurs en finance. Ils montrent que la
performance des portefeuilles basés sur ces anomalies est significativement positive
avant la publication des résultats dans une revue scientifique, mais qu’elle n’est plus
significative après la publication. Les volumes de transaction des titres sur lesquels
portent une anomalie, par exemple les petites capitalisations et les titres ayant la
rentabilité la plus élevée, voient leur niveau augmenter significativement après que
l’anomalie ait été documentée. De manière cohérente avec l’idée que certaines ano-
malies existent et perdurent à cause de limites d’arbitrage, les chercheurs trouvent
que la rentabilité anormale se réduit moins pour les titres difficiles à arbitrer, comme
par exemple les titres peu liquides.

1.2 Tests d’efficience faible sur les rentabilités boursières à long terme


Les tests d’efficience faible sur les rentabilités à long terme recouvrent à la fois les
tests d’autocorrélation à long terme, les tests de suréaction, de volatilité et de prime
de risque.

■■  Les tests d’autocorrélation à long terme


La conviction que les autocorrélations des rentabilités boursières de court terme
sont tellement proches de zéro que leur incidence économique est très marginale a
été critiquée par Shiller (1986) et Summers (1986). Ils présentent chacun un modèle

78
L’efficience des marchés financiers  ■  Chapitre 3

simple dans lequel les cours boursiers s’éloignent lentement de leur valeur fonda-
mentale avec des rentabilités boursières à court terme sans autocorrélation. Pour
eux, le marché est très inefficient, même si les tests de court terme n’arrivent pas à
capter ce phénomène.
Ces modèles ont suscité un flot de recherches empiriques dont les résultats sont
ambigus. Fama et French (1988) montrent que le profil des rentabilités successives
de portefeuilles diversifiés d’actions américaines cotées au NYSE correspond bien

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aux modèles de Shiller et Summers, avec des autocorrélations proches de zéro à
court terme mais très négatives entre – 0,25 et – 0,4 pour les autocorrélations des
taux de rentabilité mesurés sur des périodes de 3 à 5 ans. Mais si ces résultats valent
pour la période 1926-1985, ils ne valent plus pour la seule période 1940-1985.

■■  Les tests de surréaction

20 %

15 %
Rentabilité anormale cumulée

10 %
Portefeuille perdant

5%

0%

Portefeuille gagnant
–5%
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

– 10 %
0 5 10 15 20 25 30 35

Nombre de mois après la constitution du portefeuille

Figure 3.5 – Rentabilité anormale cumulée pour portefeuilles gagnants


et perdants de 35 valeurs

Dans le même ordre d’idées, De Bondt et Thaler (1985, 1987) semblent avoir
identifié une inefficience majeure, liée à la surréaction des cours boursiers. Ils
montrent que les actions américaines ayant eu les plus mauvaises rentabilités bour-
sières au cours de n’importe quelle période passée comprise entre trois et cinq ans

79
Chapitre 3  ■  L’efficience des marchés financiers

(portefeuilles « perdants ») avaient les rentabilités les plus élevées les années sui-
vantes (celles-ci étant par ailleurs concentrées pendant le mois de janvier) et inver-
sement les titres des sociétés ayant le plus monté au cours d’une période passée de
trois à cinq ans (portefeuilles « gagnants »), sont ceux qui baissent le plus subsé-
quemment, comme illustré sur la figure 3.5.
Du fait de son caractère spectaculaire, cette « anomalie » a fait l’objet d’une atten-
tion particulière sous forme de tests complémentaires. Contrairement à l’affirmation

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de De Bondt et Thaler, Zarowin (1989) montre que le phénomène ne peut être attri-
bué à la surréaction des investisseurs à des informations particulièrement bonnes ou
particulièrement mauvaises émanant des sociétés en question, mais serait plutôt une
autre manifestation de l’effet taille. En effet, les petites capitalisations boursières
sont devenues telles, pour une grande partie d’entre elles, du fait de leurs difficultés
ayant entraîné la chute de leurs cours boursiers (songez à la constitution en jan-
vier 2001 d’un portefeuille américain formé exclusivement de petites capitalisations
boursières. Il contiendrait toutes les dot.com du NASDAQ américain qui ont presque
toutes perdu plus de 90 % de leur valeur entre mars 2000 et 2001). Ces petites socié-
tés sont souvent en détresse financière (pensez de nouveau aux dot.com du NASDAQ
en 2001), et commandent donc une prime de risque élevée, qui conduit à une exi-
gence de rentabilité élevée de la part des investisseurs, qui se traduira par des renta-
bilités subséquentes élevées dans la mesure où elles recouvrent plus tard une santé
opérationnelle et financière satisfaisante. Cette explication de « l’anomalie » consta-
tée par De Bondt et Thaler est cohérente avec l’hypothèse d’efficience des marchés
financiers et de modélisation du prix du risque (cf. chapitre 6).

■■  Les tests de volatilité


Le krach boursier d’octobre  1987 a été le point d’orgue et la manifestation
concrète de préoccupations sur la volatilité « excessive » des actions, l’existence des
bulles spéculatives. On peut tracer l’origine de ces préoccupations dans Shiller
(1981).
Comme on le verra au chapitre 7, le prix d’un titre à l’instant t, Pt est la valeur
actualisée des flux futurs de dividendes.
Shiller a étudié le comportement de l’indice Standard and Poor’s de 1871 à 1979,
comme s’il avait été évalué conformément à ce modèle et en faisant l’hypothèse que
les investisseurs avaient une parfaite connaissance de la série des dividendes futurs
versés ultérieurement par toutes les actions composant cet indice. Cette valeur Pt*
peut s’écrire :

s
P *t = ∑ γ dt + s
s=0

80
L’efficience des marchés financiers  ■  Chapitre 3

γ  s représentant le facteur d’actualisation et d les dividendes versés subséquem-


ment au calcul de Pt* et supposés connus des opérateurs.
Dans un marché efficient, on devrait avoir : Pt = Et (Pt*), où Et est l’espérance au
temps t.
Shiller définit un terme d’erreur mt : mt = Pt* – Pt et note que Cov (m3t, Pt) doit être
nul si Pt est « optimal ».
Il découle de la relation précédente que :

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Var (Pt) + Var (mt) = Var (Pt*)
Ce qui implique que :      Var (Pt) < Var (Pt*) ou σ (Pt) < σ (Pt*).
En langage clair, cela veut dire que la courbe des prix observés des actions devrait
être beaucoup plus « régulière » que celle des prix calculés en supposant tous les
dividendes ultérieurs connus.
La figure 3.6 montre que cela n’a pas été du tout le cas. D’ailleurs, l’écart-type des
taux de rentabilité annuels effectivement observés des actions américaines σ (Pt) a
été de 50,12 %, tandis que σ (Pt*) a été, dans le même temps, de seulement 8,97 %.

130
120
110
100
90
80
Prix

70
60
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50
40
30
20
10
0 20 40 60 80 100 120
Temps
Source : Shiller (1981).
Figure 3.6 – Indice déflaté Standard and Poors des prix boursiers 1926-1979
complété par l’indice des actions de la Commission Cowles 1871-1925
(ligne en trait plein) et série correspondante des prix
en parfaite certitude P*t (ligne en pointillé)

81
Chapitre 3  ■  L’efficience des marchés financiers

L’identification de la volatilité excessive des marchés financiers, par rapport aux


fondamentaux, a été un des résultats majeurs de ces 30 dernières années en finance.
Elle a d’ailleurs permis à Shiller d’obtenir le prix Nobel d’économie en 2013.
Les deux principales critiques adressées au test de Shiller tiennent à l’hypothèse
de constance du taux d’actualisation et donc de la prime de risque qu’il utilise, ainsi
qu’à celle selon laquelle la variance observée de la série des dividendes (variance de

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l’échantillon) correspond à la vraie variance (celle que les opérateurs ont en tête
implicitement et anticipent avant de connaître la série de dividendes).
Ces deux hypothèses sont très fortes. Le débat reste donc ouvert1.

■■  Les tests de prime de risque


L’excès du taux de rentabilité annuel des actions américaines sur le taux sans
risque est proche de 7 % sur longue période et de plus 1 % pour les obligations. Ni
aucune représentation « normale » des fonctions d’utilité des investisseurs qui incor-
porent leur attitude face au risque, ni les fluctuations de grandeurs macro-écono-
miques telles que la consommation, les revenus ou la richesse qui entrent dans les
modèles d’estimation d’une prime de risque ne peuvent justifier des primes de risque
des actions aussi élevées que celles observées empiriquement  : la rentabilité des
actions apparaît excessive comme l’ont souligné les premiers Mehra et Prescott
(1985) en donnant à ce phénomène le terme d’Equity Premium Puzzle. D’autres
économistes, comme Rietz (1988) et Barro (2006), ont avancé l’idée que le taux de
rentabilité moyen des actions reflétait l’aversion aux risques extrêmes des investis-
seurs, et que de ce fait il n’était pas un « puzzle ». Un événement rare arrive avec
une probabilité très faible mais avec des effets potentiels ravageurs sur l’économie
et donc difficiles à couvrir.
Par ailleurs, Jorion et Goetzman (1999) ont souligné que ces résultats historiques
de prime de risque évoqués ci-dessus ont été obtenus sur le marché des actions des
États-Unis. Répliquant ces mesures historiques sur une trentaine d’autres pays
depuis le début du xxe siècle, les primes de risque empiriques y sont beaucoup plus
faibles qu’aux États-Unis. Ceci les amène à conclure que les travaux sur le marché
américain souffrent du fameux « biais de sélection ex post », c’est-à-dire que nul
n’aurait pu anticiper au début du xxe siècle que l’économie américaine serait la plus
performante et la plus prospère de ce siècle, ni que le marché des actions améri-
caines serait l’un des seuls marchés au monde qui ne fermerait jamais pour des
raisons d’acte de guerre, de révolution ou d’attaque terroriste (jusqu’au 11  sep-
tembre 2001).

1.  Voir à ce sujet Fama et French (1988) et Poterba et Summers (1988).

82
L’efficience des marchés financiers  ■  Chapitre 3

Quel est le niveau de la prime de risque sur le marché des actions françaises  ?
Même si l’indice CAC 40 a lourdement chuté depuis 2007, la prime de risque réali-
sée demeure élevée et comparable au niveau observé sur le marché américain. Sur
la période 1900-2010, Dimson, Marsh et Staunton (2013) estiment que la prime de
risque en France est de près de 6 % par année (une fois corrigé l’effet de l’inflation).
À l’instar de l’Allemagne ou du Japon, le niveau de la prime de risque du marché
français s’explique en partie par la rentabilité réelle négative des obligations d’État
de courte maturité (– 3% sur la période 1900-2010).

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Alternativement, le montant de la prime de risque de marché peut être étudié en
interrogeant directement les dirigeants d’entreprises, analystes financiers, etc.
Fernandez, Aguireamalloa et Corres (2013) ont interrogé 7 192 professionnels de la
finance venant de 82 pays différents et leur ont demandé quelle était la valeur de la
prime de risque requise pour investir dans un portefeuille diversifié d’actions domes-
tiques. Il s’agit donc du montant qu’ils utilisent concrètement dans leurs calculs de
coût du capital par exemple, ou dans leur choix d’investissement (voir chapitre 6).
La valeur moyenne trouvée pour la France est de 5,9 % (la médiane est de 6 % et
l’écart type de 1,5 %). Les valeurs moyennes trouvées pour les autres pays sont de
5,5 % en Allemagne, 5,5 % aux États-Unis, 7,9 % au Brésil et 8,7 % en Chine.

1.3  Les tests d’efficience utilisant d’autres variables


Les tests d’efficience utilisant d’autres variables visent à vérifier s’il est possible
de prévoir les cours boursiers en fonction du niveau de certains ratios de valorisation
tels que le rendement en dividendes ou le rapport cours bénéfice, encore appelé
Price Earnings Ratio (PER), en fonction de certains attributs (valeur de croissance
ou valeur de rendement) ou encore en fonction de la différence entre le cours en
Bourse d’une société et la valeur d’actif net réévaluée (décote des holdings ou des
fonds d’investissement fermés).
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

■■  Les ratios de valorisation


Classiquement, les investisseurs utilisent des référentiels pour apprécier la valeur
relative des actions. Les deux indicateurs les plus classiques sont le ratio du divi-
dende par action au cours de l’action, c’est le rendement (D/P), et le ratio du béné-
fice par action au cours (E/P), c’est-à-dire l’inverse du PER. En utilisant ces ratios,
les investisseurs ont des référentiels qui sont en général des moyennes historiques :
lorsque ces ratios s’écartent trop de leur moyenne historique, il est probable qu’ils
auront tendance à y revenir.
C’est le sens de l’analyse de Campbell et Shiller (1998) fondée sur la comparaison
historique des ratios de rendement (D/P) des valeurs américaines. De 1872 au début
1997, la moyenne annuelle de ce ratio a été de 4,73 %. En 1997, il a atteint son plus
bas historique à 1,9 %. Que peut-il se produire lorsque le ratio est significativement

83
Chapitre 3  ■  L’efficience des marchés financiers

éloigné de sa moyenne historique ? Dans un sens ou dans l’autre, le raisonnement


est le même, mais inversé, prenons donc le cas où ce ratio est significativement en
dessous de sa moyenne historique comme en 1997. Pour qu’il retourne vers sa
moyenne historique, il faut soit que la croissance ultérieure des dividendes soit très
forte, soit que les cours de Bourse baissent significativement (ou les deux à la fois,
mais c’est économiquement peu plausible).
Campbell et Shiller montrent qu’historiquement c’est le second phénomène qui

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s’est toujours produit. La même constatation est présentée par les auteurs à partir du
ratio E/P, ce qui les conduit à un sévère avertissement. Pour que le rendement
revienne à sa moyenne historique, il faudrait que les indices américains boursiers
baissent d’à peu près des deux tiers par rapport au niveau qu’ils avaient atteint en
1997. Mais les indices boursiers ont continué à monter fortement en 1998 et 1999,
même si leur évolution entre 2000 et 2003 leur a donné raison.
Dans le même esprit, Shiller a calculé depuis 1881 l’inverse du PER, à partir de la
moyenne mobile des bénéfices sur les dix ans qui précèdent l’observation des cours.
Les grandes tendances de l’évolution du ratio bénéfice/cours anticipent assez bien
les mouvements de la rentabilité réelle des actions américaines à un horizon de 15
ans. Ces observations corroborent les résultats de retour à la moyenne des cours
boursiers modélisés sur longue période sur le marché américain notamment par
Campbell et Viceira (2002) et sur le marché français par Bec et Gollier (2009).
Ces analyses portent essentiellement sur le marché américain, et peuvent être
complétées, pour illustrer les phénomènes de retour à la moyenne, par des indica-
teurs de valorisation sur le marché des actions de la zone euro, à partir du modèle
Trival®, développé par Associés en Finance. Ce modèle donne, via le niveau de la
prime de risque du marché actions, un signal de sous ou surévaluation des place-
ments en actions.
C’est un modèle basé sur des analyses financières indépendantes portant sur envi-
ron 350 sociétés de la zone euro, qui met en correspondance le taux de rentabilité
attendu (déterminé par comparaison entre le cours coté et la somme actualisée des
cash flows disponibles pour les actionnaires) avec le risque et la liquidité des titres
cotés. Ces données agrégées sur l’ensemble des sociétés suivies permettent de déter-
miner le taux de rentabilité espéré sur un placement en actions, et en comparant ce
dernier avec le taux actuariel de placements obligataires de référence (en l’occur-
rence le taux du Bund à 10 ans), de suivre la différence de rentabilité attendue entre
actions et obligations (prime de risque du marché actions Euro). Cet indicateur
permet de porter un jugement sur le niveau de valorisation des actions.
En effet, compte tenu du phénomène de retour vers la moyenne, tout décalage
manifeste entre la prime de risque du marché actions Euro constatée en moyenne, et
la prime de risque du marché actions constatée à un jour donné, signale que, à condi-
tions de taux et de flux prévisionnels inchangés :

84
L’efficience des marchés financiers  ■  Chapitre 3

– le marché actions devrait connaître une hausse significative si la prime de risque du


marché actions est nettement supérieure à sa moyenne ;
– le marché actions risque d’enregistrer une baisse des cours si la prime de risque du
marché actions est nettement inférieure à sa moyenne.
Le graphique 3.7 rapporte l’évolution depuis 2001 de cet indicateur.

12

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moyenne + 3 écarts-types

10 moyenne + 2
écarts-types

moyenne + 1 écart-type Écart moyen


depuis 2002

moyenne - 1 écart-type
4

moyenne - 2 écarts-types

Figure 3.7 – La prime de risque du marché actions (2001-2013)

Chacun des points extrêmes de cet indicateur a signalé une situation anormale de
valorisation des actions, qui s’est ensuite corrigée par un mouvement de hausse des
cours lorsque la prime de risque du marché actions était particulièrement élevée
(début 2003), ou, à l’inverse, par un mouvement de baisse ultérieure des indices
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

actions lorsque la prime de risque du marché actions était particulièrement basse


(début 2000, mi 2007).

■■  Tests d’efficience et d’équilibre des marchés financiers


Certains tests d’efficience des marchés vérifient souvent en fait deux hypothèses
qu’il n’est pas possible de dissocier pour effectuer des tests purs concernant chacune
d’entre elles  : l’hypothèse d’efficience d’une part et d’autre part la constance des
rentabilités anticipées sur les titres individuels ou sur les portefeuilles au cours du
temps.
Dans le même ordre d’idées, il existe des tests qui sont indirectement des tests
d’efficience, mais qui concernent au premier chef les tests des modèles d’équilibre
des actifs financiers : CAPM, APT… Ces tests, qui estiment dans quelle mesure les

85
Chapitre 3  ■  L’efficience des marchés financiers

prix des actifs financiers et notamment les cours des actions se conforment à ces
modèles, sont à la fois une vérification de leur validité en même temps qu’ils repré-
sentent un test de l’efficience des marchés présupposée et une condition de l’archi-
tecture de ces modèles.
L’exposé de ces modèles et de leur validation empirique font l’objet du chapitre 6
de cet ouvrage.

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2  Les études d’événements

La première et l’une des plus célèbres études d’événement est celle de Fama,
Fisher, Jensen et Roll (1969), consacrée à l’incidence sur son cours d’une société qui
annonce qu’elle compte diviser le nominal de son titre d’un certain nombre (stock
split), ce qui a pour effet mécanique de diminuer son cours en proportion de ce
nombre.
Les études d’événements sont représentées par des tests aux confluents de plu-
sieurs disciplines de l’économie. D’abord, ce sont des tests d’efficience des mar-
chés. Mais là encore, ce sont des tests joints, car pour mettre de l’ordre dans la
quantité exubérante de ces études d’événements et leur impact sur les cours bour-
siers, il vaut mieux avoir une théorie de l’impact de ces décisions sur la valeur. Ces
théories font partie de la théorie de la finance d’entreprise et de celle de l’économie
des organisations.
Aussi, nous ne pouvons être exhaustifs sur ces tests, à la fois à cause de leur quan-
tité impressionnante et de leur connexité avec les théories qui font par ailleurs
l’objet d’ouvrages entiers plus épais que celui-ci. Les principaux résultats sont rap-
pelés dans un premier temps, puis rapprochés du thème de l’efficience des marchés
financiers dans un deuxième temps.

2.1  Les principaux résultats


La théorie de la finance d’entreprise est notamment consacrée à l’impact des déci-
sions d’investissement et de financement sur la valeur de la firme. Dans un monde
sans fiscalité et où les décisions d’investissement produisent des flux de trésorerie,
certes incertains, mais qui seraient toujours suffisants pour payer les charges fixes,
y compris celles résultant du remboursement de la dette, la manière dont les inves-
tissements sont financés n’a aucune incidence sur la valeur de l’entreprise.
De fait, ni le niveau d’endettement par rapport aux capitaux propres, ni la politique
de dividendes n’auraient d’incidence sur la valeur totale de l’entreprise. Ces résul-

86
L’efficience des marchés financiers  ■  Chapitre 3

tats ont été obtenus au terme de démonstrations rigoureuses, qui ont donné lieu aux
deux plus célèbres « théorèmes » de la finance dus à Modigliani et Miller (1958).
Les résultats des tests empiriques, en matière de financement comme en matière
de dividende, ne sont pas conformes à ces théorèmes.
En matière de financement, les augmentations de capital sont préjudiciables aux
cours de Bourse. À l’inverse, l’annonce par une société du rachat de ses propres
actions, donc d’une réduction de ses fonds propres, s’accompagne d’une augmenta-

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tion statistiquement significative du cours de ses actions. Plus généralement, une
augmentation du levier d’endettement s’avère généralement créatrice de valeur pour
l’actionnaire.
Ces résultats sont conformes aux développements théoriques plus récents, et
s’expliquent à la fois par l’asymétrie d’information et la théorie du free cash flow.
Compte tenu de l’asymétrie d’information entre les dirigeants mieux informés et
les investisseurs extérieurs, les premiers font appel au marché et émettent de nou-
velles actions quand ils estiment celles-ci surévaluées ou lorsqu’ils craignent que les
cash flows futurs ne soient insuffisants. Selon la théorie du free cash flow de Jensen
(1986), les coûts d’agence et de surveillance des dirigeants par les investisseurs
externes seront plus faibles si les flux de trésorerie excédentaires sont utilisés à
réduire les fonds propres, au lieu d’être utilisés dans des projets d’investissement
hasardeux et potentiellement destructeurs de valeur.
La décision de dividende donne lieu aux mêmes résultats empiriques ; contraire-
ment au second théorème de Modigliani et Miller, une hausse non anticipée du
dividende s’accompagne en général d’une hausse des cours. Ce résultat est d’autant
plus surprenant que si la réalité devait se départir de Modigliani et Miller, on s’atten-
drait plutôt que ce soit dans l’autre sens, dans la mesure où dans la plupart des pays
les dividendes sont davantage imposés fiscalement que les plus-values boursières.
Or, c’est l’inverse qui se produit, justifié à la fois par l’asymétrie d’information – les
dirigeants mieux informés sur les perspectives bénéficiaires augmentent le divi-
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

dende pour signaler au marché ces perspectives – ou par la théorie du cash flow libre
pour laquelle plus les dividendes sont élevés, plus élevé sera le niveau d’endettement
(retour à l’argument précédent).
Par ailleurs, l’économie industrielle et l’économie financière avancent toute une
série de raisons pour lesquelles les transactions aboutissant à une modification du
contrôle et du pouvoir dans les entreprises – fusions, acquisitions, OPA, OPE, etc.
– sont créatrices de valeur. Un grand nombre d’études d’événements vérifient que
c’est effectivement le cas, même si les gains de telles transactions ne sont pas éga-
lement partagés dans la mesure où ils profitent essentiellement aux actionnaires des
sociétés cibles.

87
Chapitre 3  ■  L’efficience des marchés financiers

La conformité des résultats à l’hypothèse d’efficience


2.2 
des marchés financiers
■■  À court terme
Les études d’événements, comme outils de test de l’efficience des marchés, sont
très discriminantes dans la mesure où ces événements ont généralement un tel
impact sur la valeur des entreprises qui en sont la source que la technologie de

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mesure des rentabilités « anormales », c’est-à-dire la différence entre la rentabilité
observée à la suite de l’annonce de l’événement et celle que l’on aurait dû ou pu
observer sans cet événement, n’a pas beaucoup d’importance. Le problème de
mesure lié à l’hypothèse jointe de deux théories testées conjointement ne se posant
donc pas, la technologie de mesure utilisée est la plus simple et correspond à celle
d’une des premières études du genre de Ball et Brown (1968). La rentabilité anor-
male y est définie comme la différence entre la rentabilité mesurée immédiatement
à la suite de l’annonce de l’événement et la rentabilité moyenne observée sur une
certaine période passée pour le même titre (selon la formulation de la marche au
hasard présentée dans la section 1.1 de ce chapitre).
Par exemple, dans une étude d’événement concernant les fusions et OPA améri-
caines, Brown et Warner (1985) montrent que la hausse moyenne des cours des
entreprises cibles suite à l’annonce d’une telle opération est de 15 % dans les trois
jours qui suivent. Dans la mesure où la rentabilité normale journalière moyenne est
0,036 % (9 % de rentabilité annuelle divisée par 250 jours de Bourse), les méthodes
pour estimer cette rentabilité moyenne affecteront peu l’estimation de la rentabilité
anormale.
À l’annonce de ces événements, les cours boursiers, lorsqu’ils sont mesurés en
données journalières, s’ajustent pratiquement d’un jour à l’autre (clôture du jour
précédant l’annonce par rapport à la clôture du jour de l’annonce). Bref, dans les
tests d’événements où typiquement l’hypothèse jointe d’efficience des marchés et de
modèle d’évaluation utilisé est secondaire, l’évidence empirique est que les cours
boursiers s’ajustent rapidement aux informations spécifiques concernant une entre-
prise donnée.
Toutefois, il faut reconnaître que même dans ce champ très propre d’estimation de
l’efficience des marchés financiers, il existe tout de même certaines zones d’ombre.
Nous en mentionnons deux.
Bien que les cours s’ajustent rapidement aux nouvelles informations concernant
ces sociétés, les résultats de ces études sont des moyennes établies sur les réactions
des cours d’un grand nombre de sociétés à un même type d’événement Corporate
au cours du temps. Mais, on observe aussi que la variance de ces rentabilités, pour
les sociétés dont on teste l’impact sur leur cours d’un même événement, est élevée
autour de la date d’annonce. Cette variance est-elle rationnelle, due à une incertitude
accrue sur les nouvelles valeurs fondamentales des titres ou est-elle le produit d’une

88
L’efficience des marchés financiers  ■  Chapitre 3

sur ou sous réaction temporaire et irrationnelle à la date d’annonce qui s’estompe


avec le temps et la digestion par le marché de ces nouvelles informations ?
Autre zone d’ombre, celle de la réaction des cours aux annonces par les entreprises
de leurs résultats. Bernard (1992) étudie l’évolution des rentabilités « anormales »
de dix portefeuilles dans les 60 jours qui précèdent et qui suivent 84 192 annonces
par des sociétés américaines de leurs résultats entre 1974 et 1986. Ces portefeuilles
sont construits selon l’ampleur du phénomène de surprise (positive, nulle ou néga-

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tive) de ces résultats, la surprise étant mesurée par la différence entre les résultats
annoncés et les résultats tels qu’ils étaient anticipés par le marché. Le portefeuille
pour lequel les surprises sont les plus élevées a une rentabilité anormale supérieure
à 4 % pendant la période précédant les annonces, et celui pour lesquels elles sont le
plus négative de – 6 %. Rien de contradictoire avec l’efficience dans la mesure où
ces résultats traduisent des fuites probables dont profitent certains initiés. Cependant,
ces rentabilités différentielles subsistent dans les 60 jours qui suivent l’annonce des
résultats, certes dans une moindre mesure, + 2 % et – 2 % respectivement. Mais, ces
rentabilités sont mesurées avant coûts de transaction, beaucoup plus élevés dans la
période de test qu’aujourd’hui.
■■  À long terme
Comme pour les tests de prévisibilité des rentabilités boursières, les tests d’études
d’événements évoqués dans la section précédente observaient les rentabilités à court
terme, sur une période allant d’un jour à un mois. Les chercheurs empiriques ont
estimé plus récemment les rentabilités à plus long terme (3 à 5 ans) à la suite de
l’annonce de certains événements d’entreprise.
Les événements étudiés sont les suivants : les introductions en Bourse et les aug-
mentations de capital (Loughran et Ritter, 1997, Brav, Geczy et Gompers, 1998, et
Eckbo et al. 2007), les fusions du point de vue de la société acquéreuse (Agrawal et
al., 1992), les dividendes versés pour la première fois ou rétablis à la suite de plu-
sieurs années de suppression, et les suppressions de dividendes (Michaely et al.,
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

1995), les annonces de bénéfices (Ball et Brown, 1968 et Bernard et Thomas, 1990),
les rachats d’actions (Ikenberry et al., 1995 et 2000, Grullon et Michaely, 2004), les
divisions d’actions (Ikenberry et al., 1996). Dans ces études, les auteurs distinguent
la période suivant immédiatement l’annonce de ces opérations, d’une période sui-
vante plus longue, ce qui permet de distinguer une rentabilité boursière à court terme
d’une rentabilité boursière à long terme.
L’objet de ces études est l’efficience des marchés à plus long terme. Si les marchés
étaient efficients à long terme, on devrait constater des rentabilités à court terme
positives (négatives) selon le critère de la création (destruction) de valeur, et des
rentabilités « anormales » à long terme nulles. En fait, ce n’est que rarement le cas.
Pour chaque paire de rentabilités boursières anormales (court terme et long terme),
on trouve des paires de même signe que les auteurs interprètent comme une sous-

89
Chapitre 3  ■  L’efficience des marchés financiers

réaction et des paires de signe opposé que les auteurs interprètent comme une sur-
réaction des cours boursiers au moment de l’annonce.
Barberis, Shleifer et Vishny (1998) et Daniel, Hirschleifer, Subramanyam (1998),
dont les modèles sont résumés dans Shleifer (2000), ont élaboré des modèles de
comportement des investisseurs correspondant à ces observations empiriques pour
les justifier. C’est l’avènement de la finance comportementale (Behavioural Finance)
qui tournerait le dos à la théorie financière classique élaborée depuis plus de qua-

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rante ans sur la base de la rationalité des agents.
Comme le rappelle Fama (1998), ces résultats ne sont pas convaincants, et ceci
pour trois raisons.
D’abord, à peu près autant de surréactions que de sous-réactions sont observées
dans les études, alors que les modèles comportementaux évoqués ci-dessus modé-
lisent intelligemment soit la surréaction, soit la sous-réaction mais pas les deux en
même temps. Le modèle des marchés efficients n’aurait donc pas de modèle alter-
natif «  pour toutes les saisons  ». Le modèle des marchés efficients offre, lui, une
réponse simple à ces contradictions dans la mesure où autant de sur que de sous-
réactions sont observées : ce ne serait que le fruit du hasard.
Aussi, et plus important, en regardant de près chacune des études précitées, Fama
montre que leurs résultats sont extrêmement sensibles à la méthodologie qu’elles
utilisent. En utilisant des modèles d’évaluation à la fois plus riches et plus réalistes
tels que ceux présentés dans le chapitre 7 d’une part, et en étudiant les mêmes phé-
nomènes sur d’autres périodes d’autre part, toutes ces anomalies apparentes dispa-
raissent en ce sens que les rentabilités boursières anormales de long terme ne sont
pas significativement différentes de zéro.

3  Les tests de performance des initiés

Les tests de performance des investisseurs initiés, qui correspondent à la vérifica-


tion de la forme forte de l’efficience dans l’ancienne classification de Fama, sont
d’une double nature : les tests d’information privée et les tests de mesure de perfor-
mance.

3.1  Les tests d’information privée


Les tests d’information privée répondent à deux questions différentes. D’abord
est-ce que les initiés profitent des informations privées qu’ils détiennent  ? Ces
études se situent dans le cadre juridique américain dans lequel l’achat et la vente
d’actions par des salariés de l’entreprise sont légaux pour autant que ceux-ci

90
L’efficience des marchés financiers  ■  Chapitre 3

déclarent leurs transactions auprès de la SEC. La réponse à cette première question


est positive et ne contrarie pas en soi l’hypothèse d’efficience.
La seconde question, continuation de la précédente, est davantage au cœur du
sujet. Une fois la déclaration de leurs transactions faite auprès de la SEC, cette infor-
mation devient publique : peut-on alors en profiter et dégager une rentabilité anor-
male en adoptant une stratégie de suivi, c’est-à-dire en achetant des titres d’une
société dont les employés ou dirigeants sont acheteurs nets et vice-versa  ? La

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réponse à cette question est plutôt controversée.
La première étude empirique menée par Jaffe (1974) trouve qu’une stratégie
consistant à répliquer les décisions d’achat et de vente de titres par les dirigeants
d’entreprises américaines génère des profits anormaux. Seyhun (1986) a par la suite
montré que cette conclusion n’était plus valable une fois que les coûts de transaction
étaient pris en compte. L’étude de Lakonishok et Lee (2001) portant sur toutes les
transactions effectuées par des dirigeants d’entreprises cotées aux États-Unis
entre 1975 et 1995 conclue que (1) les transactions de dirigeants sont principalement
informatives dans les entreprises de petite taille et (2) les achats contiennent plus
d’informations privilégiées que les ventes.
Plus récemment, Wang, Shin et Francis (2012) ont montré que le prix de l’action
augmente plus fortement après un achat d’actions par le directeur financier (CFO)
que par le directeur général (CEO). Finalement, Ravina et Sapienza (2010) trouvent
que les transactions effectuées par des membres du conseil d’administration indé-
pendants sont tout aussi informatives que celles effectuées par les dirigeants.

3.2  Les tests de mesure de performance


On pourrait segmenter la population des investisseurs de manière schématique en
distinguant d’une part les investisseurs amateurs, correspondant à l’actionnariat
individuel, et les investisseurs professionnels. Les investisseurs professionnels sont
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

les gérants des SICAV et autres fonds mutuels, des compagnies d’assurance, des
fonds de pension, etc., c’est-à-dire tous ceux qui participent à l’industrie de la ges-
tion collective pour compte de tiers.
Les résultats des gestions des professionnels sont transparents et publiés pour la
plupart.
L’hypothèse, qui serait contraire à celle de l’efficience des marchés est que les
investisseurs professionnels auraient de meilleures performances que les investis-
seurs amateurs. Comme globalement l’ensemble des gestions ne peut afficher que
les performances des indices (aux coûts de transaction et d’information près), les
premiers, selon cette hypothèse auraient des performances supérieures à celles des
indices tandis que les seconds obtiendraient, si tel était le cas, des performances
inférieures.

91
Chapitre 3  ■  L’efficience des marchés financiers

Les études empiriques pour tester cette hypothèse sont innombrables. Les résultats
semblent indiquer que tel n’est pas le cas. Mais comme le thème de la mesure de
performance est au cœur de la gestion de portefeuille, il lui est consacré un chapitre
à part (chapitre 13).

3 La Finance comportementale

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Section
(Behavioral
 finance)

Diverses déviations du concept d’efficience considérées comme des « anomalies »


ont été présentées ci-dessus. On pourrait multiplier les exemples d’études empi-
riques de comportements particuliers suggérant que certains investisseurs n’agissent
pas de manière totalement rationnelle. La finance comportementale a pour vocation
d’expliquer ces comportements en utilisant généralement des modèles issus de la
psychologie. Les principales approches comportementales sont présentées ci-des-
sous. Une revue plus détaillée peut être trouvée dans Shiller (1999), Barberis (2013
a, b), Barberis et Thaler (2003) et Baker et Wurgler (2013).

1  Prospect theory

Daniel Kahneman et Amos Tversky ont rassemblé diverses observations de com-


portements d’agents face au risque et à l’incertitude dans un ensemble cohérent de
modèles communément appelé prospect theory1. La prospect theory est une collec-
tion d’éléments décrivant le comportement d’agents pas totalement rationnels et
confrontés à des situations spécifiques ; il n’est donc pas possible d’en donner un
résumé exhaustif. Dans la dimension des placements, on peut résumer les principaux
aspects de la prospect theory en trois grands points :
–– Les agents mesurent l’utilité d’une situation financière future, ou plutôt sa « valeur »
dans la terminologie de prospect theory, par rapport à un « point de référence ». En
d’autres termes les investisseurs valorisent les gains et les pertes par rapport à leur
situation de richesse actuelle (le point de référence), plutôt que d’avoir une fonction
d’utilité uniquement fonction de la richesse atteinte. Cela veut dire que l’utilité déri-
vée d’une richesse future de 100 sera différente selon que l’investisseur disposait
initialement (point de référence) de 80 ou de 90.
–– Les investisseurs ont une grande aversion pour les pertes. Il est beaucoup plus désa-
gréable de perdre 100 € qu’il n’est agréable de gagner 100 €. La figure 3.8 reproduit

1. Voir par exemple, Kahneman et Tversky (1979), Kahneman (2003) et Barberis (2013a).
Kahneman a obtenu le Prix Nobel en Sciences Economiques en 2002, après la mort de Tversky.

92
L’efficience des marchés financiers  ■  Chapitre 3

une fonction valeur (fonction d’utilité) schématique avec les gains/pertes en abscisse
et la valeur dérivée en ordonnée. Le point de référence est la richesse actuelle. La
courbe est continue, mais au point de référence la tangente à la fonction valeur a une
pente plus forte à gauche (pertes) qu’à droite (gains). On parle alors « d’aversion aux
pertes » (loss aversion) plutôt que d’aversion au risque. En fait, il s’agit d’une aver-
sion au risque très forte, du fait de la discontinuité dans la pente de la tangente.
–– La fonction valeur est concave pour les gains (aversion au risque) et convexe pour
les pertes (amour du risque). Une telle forme expliquerait pourquoi les investisseurs

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sont averses au risque sur leurs placements patrimoniaux mais sont prêts à jouer à
une loterie telle que le loto qui a pourtant une espérance de gain négative. Cela
expliquerait pourquoi des agents achètent simultanément une assurance et un ticket
de loterie.
–– Les agents sous-évaluent les petites probabilités et surévaluent les fortes probabili-
tés. Par exemple, s’il y a 1 % de chance de perdre (ou gagner), l’agent se comportera
comme s’il n’avait aucune chance de perdre (ou gagner). Et si la probabilité est de
99 %, l’agent se comportera comme si le gain (ou perte) était certain.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Figure 3.8 – Fonction de Valeur en Prospect Theory

La prospect theory est descriptive et non pas normative. Elle tente de décrire com-
ment les individus se comportent et non pas comment ils devraient investir, comme
c’est le cas de la finance traditionnelle basée sur la maximisation de l’espérance
d’utilité. Toutefois, certains auteurs ont tenté de modéliser mathématiquement une
version simplifiée de la prospect theory, en n’en gardant que quelques éléments.
Ainsi, Benartzi et Thaler (1995) justifient la forte prime de risque des actions (equity
premium puzzle) par l’aversion aux pertes. Barberis et Huang (2008) proposent un
modèle de maximisation d’espérance d’utilité avec un terme additionnel d’aversion
aux pertes pour certains actifs. L’aversion aux pertes est décrite par une fonction

93
Chapitre 3  ■  L’efficience des marchés financiers

valeur du type de celle de la figure 3.8, mais avec la simplification que la fonction
consiste en deux demi-droites jointes au point de référence et avec des pentes diffé-
rentes. Ce modèle peut expliquer l’existence d’une forte prime de risque et divers
autres phénomènes, par exemple le fait que de nombreux individus n’investissent
pas dans les marchés d’actions.

2  Théorie du regret et dissonance cognitive

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La théorie du regret est basée sur le concept de dissonance cognitive. La disso-
nance cognitive est un concept de psychologie élaboré par Leon Festinger dans les
années 1950. C’est un état de tension désagréable dû à la présence simultanée de
deux cognitions (idées, perceptions, informations, opinions, comportements) psy-
chologiquement inconsistantes. L’individu tente de réduire cette dissonance.
Parmi les différentes dissonances cognitives, le regret est ressenti lorsqu’on a pris
une décision qui s’avère avoir des résultats inférieurs à une autre décision qu’on
aurait tout aussi bien pu prendre. Le regret est une émotion très présente dans la vie
quotidienne1. Ce concept s’applique parfaitement dans les choix d’investissement ou
l’investisseur compare le résultat de son placement à d’autres choix qu’il avait envi-
sagé, à des benchmarks passifs (par exemple un indice boursier) ou au résultat de
ses pairs. C’est notamment le cas des gérants institutionnels dont la performance est
comparée à celle de benchmarks indiciels et à l’univers des autres gérants. L’idée est
donc d’investir dans une stratégie qui réduira le regret futur.
Supposez, par exemple, que vous deviez investir 100 000 € sur le marché financier
et que vous hésitiez entre deux fonds de placement A et B. Votre espérance de gain
est de 10 % par an. Sur la base de certaines recommandations vous décidez de choi-
sir le fonds A qui produit un taux de rentabilité de 15 % dans l’année qui suit, alors
que l’indice boursier a progressé de seulement 9  %. Vous êtes donc «  heureux  ».
Mais vous regardez sur Internet et découvrez que le fonds B a gagné plus de 30 % ;
vous éprouvez un sentiment très fort de regret de n’avoir pas choisi le fonds B. Vous
n’êtes plus heureux du tout, bien que le fonds A ait satisfait toutes vos anticipations.
La pertinence du regret dans les choix d’investissement a été fréquemment observée
et conduit parfois à des règles simples telles que celle formulée par Harry Markowitz
(père de l’analyse moyenne-variance et Prix Nobel en Sciences Économiques en
1990) pour l’allocation d’actifs de son propre portefeuille entre obligations et
actions :

1.  Par exemple, vous devez vous rendre en voiture de Cergy à l’Opéra de Paris et avez choisi un
itinéraire qui s’avère fort embouteillé: vous n’êtes pas heureux. Toutefois un collègue parti en même
temps que vous a utilisé un itinéraire différent et il arrive trente minutes après vous. Votre déplaisir se
transforme en joie et votre collègue éprouve un grand regret.

94
L’efficience des marchés financiers  ■  Chapitre 3

I should have computed the historical covariance of the asset classes and drawn an effi-
cient frontier. Instead I visualized my grief if the stock market went way up and I wasn’t
in it--or if it went way down and I was completely in it. My intention was to minimize
my future regret, so I split my [pension scheme] contributions 50/50 between bonds and
equities.
Harry Markowitz, cité par Zweig, 1998, « America’s
top pension fund », Money, 27, p. 114.

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À partir de ce concept de regret, Loomes and Sugden (1982) et Bell (1982) ont
derivé une théorie économique du regret. C’est une théorie des choix en incertitude
qui est parcimonieuse mais néanmoins plus riche que la théorie d’utilité classique.
Dans la théorie classique, un agent ne dérive d’utilité que de sa consommation et
donc indirectement de sa richesse (fonction d’utilité indirecte). Il cherche donc à
optimiser son portefeuille et n’est concerné que par la valeur future du portefeuille
qu’il a choisi. Dans la théorie du regret l’investisseur se préoccupe aussi de la ren-
tabilité d’autres portefeuilles qu’il aurait pu choisir. Une application de la théorie du
regret peut être le benchmarking où un investisseur se préoccupe non seulement de
la rentabilité absolue de son portefeuille mais aussi de la différence de rentabilité
avec des benchmarks (indices boursiers, prix de l’immobilier, etc.).
La théorie du regret peut expliquer des choix d’allocation d’actifs tels ceux de
Markowitz1. Elle peut aussi être une explication de l’effet « disposition ». De nom-
breux auteurs, dont Odean (1998), suggèrent que les investisseurs individuels
tendent à vendre les titres qui ont bien performé (winners) mais conservent les titres
qui sont perdants (losers). Cet effet disposition a été vérifié dans de nombreux pays
dont la France (Broihanne, Merli et Boolel-Gunesh 2008). Une explication plausible
est basée sur le concept de dissonance cognitive. Tant que l’individu ne vend pas ses
titres perdants, il ne reconnaît pas vraiment la perte et le regret d’avoir choisi ces
titres.
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3  Comptabilité mentale

La théorie de la comptabilité mentale (mental accounting, narrow framing) reflète


la tendance humaine à traiter divers types de décisions dans divers compartiments
mentaux (mental compartment ou frame). Chaque type de décision d’investissement
est considéré dans un compartiment mental séparé. Comme le décrivent Kahneman
et Lovallo (1993), les individus ont fortement tendance à traiter les problèmes sépa-
rément et leur évaluation de projets d’investissements risqués a tendance à négliger
la possibilité de pooling des risques et donc de diversification. Plutôt que de consi-

1.  Voir aussi Michenaud et Solnik (2008) pour l’influence du regret sur la décision de couverture de
change.

95
Chapitre 3  ■  L’efficience des marchés financiers

dérer l’ensemble du portefeuille, comme suggéré par la théorie de l’utilité classique,


leur évaluation de chaque investissement tend à négliger la possibilité de diversifi-
cation du risque et à rechercher la meilleure décision dans chaque compartiment
mental.
Ainsi un gestionnaire de fonds investis internationalement décidera d’abord de
l’allocation à chaque marché, puis se préoccupera de la portion d’actifs en devise de
son portefeuille qui doit être couvert contre le risque de change. En théorie d’utilité

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classique, les deux décisions d’allocation d’actifs et de couverture de change
devraient être prises simultanément. De même, la décision de répartition géogra-
phique d’un portefeuille d’actions est souvent prise indépendamment du choix des
titres qui forment chaque sous-portefeuille national. Pourtant, nombre de sociétés
nationales sont en fait des sociétés avec activité multinationale, et donc en un sens
représentent un mini portefeuille diversifié internationalement.
De nombreux autres concepts psychologiques peuvent permettre d’expliquer cer-
tains comportements d’investisseurs qui ne semblent pas totalement rationnels au
sens de la théorie d’utilité classique. Nous ne les détaillons pas ici et le lecteur
pourra se référer à Shiller (1999) et Barberis et Thaler (2003).

4  Arbitrage, rationalité et efficience

Il est évident que de nombreux investisseurs ne se comportent pas de manière


totalement rationnelle au sens de la théorie d’utilité classique initiée par von
Neumann-Morgenstern. Mais la question primordiale pour un financier est de savoir
si cela rend les marchés financiers inefficients en offrant des possibilités d’arbitrage
sans risque.
La plupart des traits psychologiques décrits ci-dessus ne conduisent pas à une
inefficience des marchés permettant des arbitrages. Ainsi l’effet disposition peut
conduire à ce qu’un investisseur détienne un portefeuille mal diversifié et sous opti-
mal, mais cela ne permet pas aux autres investisseurs d’exploiter ce comportement.
Nous avons indiqué ci-dessus certaines anomalies (effets jour, saisonnalité…) que
beaucoup ont tentés d’exploiter sans grand succès. On peut aussi mentionner cer-
taines «  anecdotes  » très fréquemment citées par les tenants de l’inefficience du
marché.
L’une d’elle est l’exemple de MCI à la fin des années 1990. En 1997, la société
MCI était une importante entreprise américaine de télécommunications (faisant
maintenant partie du groupe Verizon). Elle était cotée au Nasdaq avec le symbole
boursier (ticker symbol) «  MCIC  », utilisé pour effectuer les opérations d’achat/
vente en Bourse. MCI avait une capitalisation boursière de l’ordre de 20 milliards
de dollars. Un fonds Massmutual Corporate Investors était coté avec le symbole

96
L’efficience des marchés financiers  ■  Chapitre 3

boursier « MCI ». Cette société avait une capitalisation de l’ordre de 200 millions


de dollars (soit cent fois moins) et un faible volume de transactions en Bourse. En
fait le cours de Massmutual Corporate Investors (symbole MCI) était très corrélé au
cours de MCI (symbole MCIC)1. Le cours de Massmutual Corporate Investors évo-
luait fortement au gré des rumeurs d’OPA sur MCI, alors que rien dans la valeur de
la société ne justifiait une telle corrélation. Certains investisseurs individuels
manquaient clairement d’attention et confondaient les deux sociétés. La persistance
de ce phénomène durant de nombreux mois pourrait suggérer que l’irrationalité de

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certains investisseurs conduit à des inefficiences de prix qui ne sont pas corrigées
par le marché. Certes, c’est vrai, mais le volume de transactions sur cette société
étant très faible, toute tentative d’arbitrage ne pouvait procurer qu’un profit de
quelques centaines de dollars, ne pouvant compenser le temps perdu par un profes-
sionnel. C’est plus une anecdote amusante qu’une preuve d’inefficience.
Il ne fait pas de doute qu’il existe des coûts opérationnels à tenter de profiter, sans
risque, d’une opportunité d’arbitrage. Et ces coûts peuvent être dans certains cas
élevés permettant ainsi au prix de dévier de sa valeur fondamentale.
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1.  Voir Rashes (2001)

97
Chapitre 3  ■  L’efficience des marchés financiers

L’essentiel
• Les économistes financiers croient à l’efficience des marchés ne serait-ce parce
que ce sont des institutions et des mécanismes qui transmettent avec succès,
c’est-à-dire très rapidement, les informations pertinentes aux actifs financiers
cotés. De plus, la création de plateformes de trading électronique et l’expansion

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rapide du trading à haute fréquence ont favorisé l’incorporation immédiate des
informations dans les prix de titres financiers.
•  Cependant, un certain nombre d’économistes ont remis en question ce para-
digme sur la base d’éléments psychologiques et comportementaux et ont avancé
le fait que les cours boursiers sont en partie prévisibles en se servant judicieuse-
ment de certaines variables de valorisation fondamentale. Les tenants de cette
thèse soulignent que les activités d’arbitrage d’investisseurs rationnels sont diffi-
ciles, voire impossibles à exécuter, ou dans certains cas, tellement risquées
qu’elles sont forcément limitées.
•  Ces critiques de l’efficience des marchés sont loin d’être convaincantes.
Certaines des anomalies rencontrées peuvent avoir des explications rationnelles ;
d’autres ne sont que fallacieuses. Aucune n’est systématique au cours du temps
et il n’existe que peu de preuves que des investisseurs rationnels peuvent exploi-
ter de telles anomalies de manière profitable et systématique.
• Par ailleurs, la plupart de ces anomalies ont disparu avec le temps après que leur
existence a été identifiée et utilisée. C’est bien la manifestation de l’efficience
des marchés qui incorpore avec le temps ces nouvelles « informations » concer-
nant des anomalies du passé.
• Le message principal de ce chapitre, ainsi que de l’ensemble de cet ouvrage, est
que les marchés financiers sont proches de l’efficience. Il convient d’en tenir
compte lors de la conception d’une stratégie rationnelle d’investissement, et cela
d’autant plus que le marché est désormais dominé par des investisseurs institu-
tionnels, domestiques et étrangers, tous en forte concurrence. Rares sont ceux qui
prétendent que les marchés sont totalement efficients et que les prix reflètent
exactement toutes les informations disponibles. Mais l’efficience des marchés
financiers est telle qu’elle enseigne la modestie aux investisseurs. L’objectif de la
majorité des investisseurs est de détecter des déviations par rapport à l’efficience
par le biais de « meilleures » prévisions que celles des autres investisseurs, mais
il semble prioritaire de d’abord structurer son portefeuille sur la base du précepte
d’efficience, avant de jouer, à la marge, sur des prévisions différentes de celles
du marché.
La suite de cet ouvrage va donc développer l’étude du comportement des cours
et de la gestion de portefeuille dans le cadre des marchés efficients.

98
Chapitre
Risque,
4 diversification et
frontière efficiente
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SOMMAIRE
Section 1 Rentabilité, risque et diversification
Section 2 La frontière efficiente
Section 3 Value at Risk et autres mesures du risque
Chapitre 4  ■  Risque, diversification et frontière efficiente

L es concepts de risque et de diversification sont au cœur de la gestion d’actifs. Le


taux de rentabilité (return) d’un placement peut être mesuré par la plus-value
réalisée sur la période plus le rendement éventuellement payé en dividendes ou
intérêt. Toutefois le taux de rentabilité futur est incertain. C’est là le risque d’un
placement. La rentabilité espérée peut ne pas se matérialiser et, au contraire une
perte peut survenir. Nous étudions dans ce chapitre les mesures habituellement uti-
lisées pour estimer le risque d’un placement.

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Les risques des différents placements qui constituent un portefeuille ne sont pas
nécessairement additifs. La diversification permet de réduire le risque d’un porte-
feuille.
L’objectif de toute politique de placement est de chercher une forte rentabilité tout
en contrôlant le risque. Il s’agit donc de sélectionner des portefeuilles dits «  effi-
cients  » au sens qu’ils présentent le couple rentabilité/risque le plus attractif.
Markowitz (1959) a introduit la théorie moyenne-variance, également appelée théo-
rie de la frontière efficiente, qui est une procédure de sélection de portefeuilles
optimaux prenant en compte à la fois les gains espérés et l’incertitude sur ces gains.
La deuxième section est consacrée à cette approche.
Enfin, la troisième section introduit certains raffinements apportés à l’analyse du
risque, la Value at Risk (VaR) et d’autres mesures du risque.

Section
1 Rentabilité, risque et diversification


1 La rentabilité

Le concept de rentabilité a des acceptions différentes selon les investisseurs.


Quand nous parlons de rentabilité obtenue par un investisseur sur une action, nous
nous référons non seulement au dividende net que lui rapporte ce titre mais aussi à
la plus-value éventuelle qu’il en retire. Ainsi, le taux de rentabilité comprend à la
fois le rendement ou taux de rendement (dividende net rapporté au cours) et la plus-
value (ou moins-value) en capital rapportée au cours d’achat de l’action.
Formellement :
Dt + Pt – Pt – 1
- (1)
R t = -----------------------------------
Pt – 1

100
Risque, diversification et frontière efficiente  ■  Chapitre 4

où Rt constitue le taux de rentabilité de l’action i pendant la période t, Dt, le divi-


dende encaissé pendant la période t, Pt, le cours de l’action à la fin de la période t,
Pt – 1, le cours de l’action à la fin de la période t – 1.
L’expression de ce taux de rentabilité est formulée avant imposition sur le revenu
des personnes physiques  ; c’est la rentabilité brute de l’investisseur. C’est cette
expression du taux de rentabilité qui sera utilisée tout au long de cet ouvrage.
L’application de la formule (1) suppose que les distributions de dividendes ont lieu

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en fin de chaque période, ou, sinon, que les dividendes ne sont pas réinvestis avant
la fin de la période.
En revanche, le choix de la période peut être variable. Il peut s’agir d’une semaine,
d’un mois, d’un an ou de plusieurs années.
Ainsi, étant donné le cours d’une action au début et à la fin de la période de mesure
et le montant du dividende distribué, on peut connaître la rentabilité de cette action
durant la période.
Si, par exemple :
Pt – 1 = 100 e
Pt = 105 e
Dt = 5 e
Il s’ensuit que : 5 + 105 – 100
R t = --------------------------------- = 10 %
100

2 Le risque

L’investissement constitue le sacrifice d’un avantage immédiat ou une absence de


consommation immédiate en échange d’avantages futurs. Dans la mesure où le pré-
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sent est connu avec certitude, l’investissement en valeurs mobilières constitue


l’échange d’un avantage certain et immédiat contre un avantage futur et incertain.
Ainsi, le risque d’un actif financier pour un investisseur peut être défini comme
l’incertitude qui existe quant à la valeur de cet actif à une date future.
L’objectif de tout investisseur est de réaliser une certaine rentabilité sur les capi-
taux qu’il gère. Cependant, l’obtention de celle-ci n’est pas certaine à l’avance. La
rentabilité réalisée (ex post) est plus ou moins différente de celle espérée (ex ante).
Par exemple : si un investisseur place 10 000 e en obligations à 8 %, la rentabilité
espérée peut être évaluée avec une précision relativement grande et la rentabilité qui
sera effectivement réalisée ne s’en éloignera guère. En revanche, si les 10 000 e sont
investis en actions d’une société qui se crée en vue de prospecter de l’uranium en
Afrique centrale, le taux de rentabilité futur de cet investissement ne peut être évalué

101
Chapitre 4  ■  Risque, diversification et frontière efficiente

avec précision. Il pourra s’étager entre – 100 % (perte totale) et un pourcentage très
élevé, éventuellement. Le premier investissement, de par la faible variabilité de son
taux de rentabilité, peut être défini comme relativement peu risqué, au contraire du
second dont le taux de rentabilité peut être très variable.
Ainsi, on peut assimiler le risque d’un investissement à la dispersion ou variabilité
de sa rentabilité1 autour de la valeur anticipée. Bien que l’on puisse concevoir
diverses méthodes pour calculer et mesurer la variabilité d’une série statistique

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(comme une série de cours passés, par exemple), la mesure de la variabilité la plus
utilisée est l’écart-type (ou identiquement son carré : la variance).
La variabilité d’une action sur une période déterminée est donnée par l’écart-type
de la série des taux de rentabilité de cette action sur un nombre de sous-périodes à
définir. Ainsi, la variance de la rentabilité d’une action sur un an peut être calculée
à partir des observations passées des 52 taux de rentabilité hebdomadaires.
Statistiquement, la variance d’une série de taux de rentabilité passés est définie
comme la moyenne des carrés des écarts entre ces taux de rentabilité et le taux de
rentabilité moyen.
Pour illustrer le concept de variabilité mesuré par l’écart-type, prenons l’exemple
schématique d’une action dont les quatre taux de rentabilité trimestriels sur la der-
nière année auraient été ceux qui sont indiqués dans la deuxième colonne du tableau
4.1.

Tableau 4.1 – Estimation du risque d’un titre sur 4 trimestres

Période Rentabilité R –  R (R – R)2

Premier trimestre +   7 % 4% 16

Deuxième trimestre + 10 % 7% 49

Troisième trimestre +   2 % –   1 % 1

Quatrième trimestre –   7 % – 10 % 100

R=3% 166

La rentabilité moyenne par trimestre aura été dans le cas présent de 3  % et la


variance = 166/4 = 41,5 ; l’écart-type, racine carrée de la variance, est de 6,45 %. La
moyenne constitue une caractéristique de tendance centrale, l’écart-type une carac-
téristique de dispersion.

1.  En toute rigueur, la variabilité, du fait de la symétrie des écarts par rapport à une tendance, est à
la fois une mesure de risque (écart en baisse) et de rentabilité (écart en hausse). Mais dans la mesure
où les distributions des taux de rentabilité sont symétriques, la variance ou l’écart-type des taux de
rentabilité constituent une bonne mesure de la variabilité potentielle et donc du risque.

102
Risque, diversification et frontière efficiente  ■  Chapitre 4

■■ Rappels statistiques et notations


Le taux de rentabilité espéré d’une action i peut être différent de la performance
moyenne accomplie par cette action dans le passé. Par contre, si l’on s’attend à ce
que la distribution a priori des taux de rentabilité passés soit maintenue dans le futur,
la valeur espérée peut être estimée à partir du taux de rentabilité moyen réalisé lors
des périodes précédentes :
T
1
R i = --- ∑ Rit

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T
t=1

où l’opérateur sommation ∑ représente la somme des Rit pour t variant de 1 à T.


Rappelons que, mathématiquement, la variance d’une action se calcule par la for-
mule1 :
T
2 1
σ i = --- ∑ ( Rit – Ri ) 2
T
t=1

où Rit, est la rentabilité de l’action i sur la période t, t= 1, …, T et R i sa moyenne.


Une mesure mathématique du degré de dépendance des fluctuations de cours de
deux actions (ou portefeuille) est la covariance entre les taux de rentabilité, qui
s’exprime par la relation suivante :
T
1
σ ij = --- ∑ ( R it – R i ) ( R jt – R j )
T
t=1
où Rit et Rjt constituent les taux de rentabilité de deux actions i et j, R i et R j étant
leurs moyennes respectives.

■■  Loi normale


L’assimilation des concepts de rentabilité et de risque au couple moyenne-variance
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suppose que la distribution du taux de rentabilité suive une loi normale (Laplace-
Gauss), laquelle possède des propriétés très utiles. En effet, si une série de taux de
rentabilité suit une loi normale, et ceci quelle que soit la durée servant à calculer les
taux, la répartition de ces taux autour de la moyenne est symétrique et ne dépend que
de l’écart-type comme l’indique la figure  4.1. Dans ce cas, 38,3  % de ces taux
s’écartent de la moyenne de moins de la moitié de l’écart-type, à peu près 2/3 des
observations sont à un écart-type autour de la moyenne et plus de 95 % des obser-
vations sont compris entre deux écarts-types autour de la moyenne. Ces propriétés
de la loi normale sont illustrées sur la figure 4.1.

1.  On divise parfois par t – 1 au lieu de t pour obtenir un estimateur non biaisé.

103
Chapitre 4  ■  Risque, diversification et frontière efficiente

38,3 %
15,0 15,0

9,2 9,2

4,4 4,4

1,7 1,7
0,5 0,5

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0,2 0,2
0,003 0,003

0,00003 0,00003
–5 –4 –3 –2 – 1– 1 1 1 11 2 21 3 4 5
2 2 2 2
Écart -type par rapport à la moyenne

Figure 4.1 – Fréquence des observations selon une distribution normale

De nombreux auteurs ont essayé de déterminer la loi de probabilité exacte suivie


par les cours boursiers en étudiant la distribution des taux de rentabilité passés.
Fama (1965) a observé que la loi normale constituait une excellente approximation
de la réalité mais que la distribution des cours semblait suivre plus précisément une
loi parétienne stable, dont la loi normale ne constitue qu’une particularité. En géné-
ral, il a trouvé que les queues de distribution étaient plus « épaisses » que pour une
loi normale. Longin (1996) confirme ce résultat. Il faut toutefois éviter de conclure
trop rapidement. D’une part, toute erreur dans les données entraîne des déviations
par rapport à la normalité. Ce genre d’erreurs matérielles apparaît nettement dans
certains résultats. D’autre part, le même type de phénomène serait observé, ex post
si la vraie loi de distribution n’était pas stable et donc changeait au cours du temps.
L’analyse économique justifie la variation de l’espérance mathématique de la loi de
distribution, et beaucoup d’auteurs considèrent que la distribution n’est qu’une
superposition de distributions normales avec des moyennes différentes. D’un point
de vue opérationnel et statistique, la loi normale constitue une excellente approxi-
mation de la distribution observée (notamment pour les portefeuilles). Diverses
extensions ne nécessitant pas l’hypothèse de normalité sont présentées dans la sec-
tion 3.

3 La diversification

En général, l’inclusion de plusieurs titres dans un portefeuille réduit le risque de


celui-ci par rapport au risque des titres individuels qui le composent.
Pour illustrer ce phénomène, nous allons prendre l’exemple de deux titres A et B
que l’on combinent dans un portefeuille de telle manière que A représente 60 % de

104
Risque, diversification et frontière efficiente  ■  Chapitre 4

la valeur du portefeuille et B, 40 % ; en d’autres termes xA = 60 % et xB = 40 %, avec


xA part du portefeuille investie en titres A, xB part du portefeuille investie en titres B.
La rentabilité du portefeuille est simplement la moyenne des rentabilités de cha-
cun des titres qui le composent, pondérée par leurs valeurs respectives dans le por-
tefeuille. Ainsi :
Rp = xA RA + xB RB
De même, l’espérance de rentabilité, E(Rp) est une fonction linéaire des espé-

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rances de rentabilité des titres qui composent le portefeuille.
Le risque du portefeuille n’est en général pas égal à la moyenne pondérée des
risques des titres qui le composent. Il est fréquent que la variance (ou l’écart-type)
des taux de rentabilité du portefeuille soit plus faible que la variance de chacun des
titres. Ce résultat apparemment surprenant a une explication simple liée à la diver-
sification des risques. Le risque d’un portefeuille dépend non seulement du risque
des titres qui le composent, pris isolément, mais aussi de la mesure avec laquelle
leurs rentabilités sont affectées de manière similaire par les événements qui les font
varier. Les statisticiens emploient, pour mesurer ce paramètre, la covariance et le
coefficient de corrélation.
La covariance des taux de rentabilité de deux titres est la moyenne des produits
des écarts des taux de rentabilité des deux titres par rapport à leur moyenne
respective.
Une mesure liée à la covariance est le coefficient de corrélation. Le coefficient de
corrélation des taux de rentabilité de deux titres est égal au rapport de leur cova-
riance au produit de leurs écarts-types.
sAB = ρAB . sA sB
où les symboles ont la signification suivante :
– σAB = covariance des taux de rentabilité des titres A et B ;
– ρAB = coefficient de corrélation entre les taux de rentabilité des titres A et B ;
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

– σA = écart-type des taux de rentabilité du titre A ;


– σB = écart-type des taux de rentabilité du titre B.
Le risque du portefeuille sp a la formulation suivante :
σp2 = xA2 . σA2 + xB2 . σB2 + 2 xA xB σAB
ou σp2 = xA2 . σA2 + xB2 . σB2 + 2 xA xB σA σB ρAB
Il peut se présenter maintenant différents cas.

■■ Le cas où la diversification ne sert à rien :


les taux de rentabilité sont corrélés de manière parfaitement positive
Les taux de rentabilité de deux titres sont corrélés de manière parfaitement posi-
tive lorsque leur représentation périodique se trouve exactement sur une droite à

105
Chapitre 4  ■  Risque, diversification et frontière efficiente

pente positive, comme sur la figure 4.2a. L’axe des abcisses correspond aux taux de
rentabilité du titre A et l’axe des ordonnées à ceux du titre B pour une même période
de mesure. Si celle-ci correspond à la semaine, chaque point de la diagonale repré-
sente une paire d’observations hebdomadaires des taux de rentabilité des titres A et
B pour cette semaine particulière.
Quel est l’effet sur le risque lorsque les deux titres sont combinés dans un même
portefeuille ? Puisque par construction ρAB = + 1, le risque du portefeuille devient :

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σp2 = xA2 . σA2 + xB2 . σB2 + 2 xA xB σA σB
soit : σp2 = (xA σA + xB σB)2
σp = xA σA + xB σB
Ainsi, lorsque les taux de rentabilité de deux titres sont parfaitement corrélés, le
risque de leur combinaison en un portefeuille mesuré par l’écart-type des taux de
rentabilité du portefeuille est simplement la moyenne arithmétique des risques des
titres individuels qui le composent, en utilisant comme pondération les valeurs de
marché respectives des deux titres.

■■ Le cas où la diversification peut supprimer totalement le risque :


les taux de rentabilité sont corrélés de manière parfaitement négative
La figure 4.2b indique que dans ce cas les taux de rentabilité périodiques de deux
titres se situent tous sur une droite de pente négative.
Dans la mesure où ρAB est égal à – 1, le risque du portefeuille devient :
σp2 = xA2 . σA2 + xB2 . σB2 – 2 xA xB σA σB
soit : σp2 = (xA σA – xB σB)2
σp = xA σA - xB σB
Si l’on compose le portefeuille de telle manière que :
xA sB sB xB
----- = ------ ⇒ x A = ------------
-
xB sA sA

La parenthèse ci-dessus devient :


sB xB sA
x A s A – x B s B = -------------------
- – xB sB = 0
sA
Ainsi, lorsque deux titres ont des taux de rentabilité corrélés de manière parfaite-
ment négative, il est possible de les combiner dans un portefeuille de manière à
éliminer tout risque.
Ce principe est à la base de toutes les stratégies de couverture. 

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Risque, diversification et frontière efficiente  ■  Chapitre 4

Rentabilité de l’action B Rentabilité de l’action B

Rentabilité
de l’action A

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Taux de rentabilité parfaitemen t Taux de rentabilité parfaitemen t
positivement corrélé s négativement corrélé s

Figure 4.2 a Figure 4.2 b


■■  Le cas où les taux de rentabilité ont une corrélation nulle


Ce cas est représenté sur la figure 4.2c  : les taux de rentabilité périodiques des
deux titres forment un nuage de points par lequel il est impossible de faire passer
une droite de régression, de pente positive ou négative.
R e n t a b i l i t é d e l ’action B R e n t a b i l i t é d e l ’action B

Rentabilité
de l’ac t i o n A
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Ta ux de rentabilit é Cas général


s a n s c o r r é l a t i on

Figure 4.2 c Figure 4.2 d


Dans ce cas, la variance du portefeuille devient :
σp2 = xA2 . σA2 + xB2 . σB2
puisque : ρAB = 0
Pour mieux apprécier l’effet de la diversification dans ce cas, nous allons pour-
suivre cet exemple de manière chiffrée.
Soient : xA = 0,5 ; xB = 0,5 ; σA = σB = 0,25 ou 25 %
σp2 = (0,5)2 (0,25)2 + (0,5)2 (0,25)2

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Chapitre 4  ■  Risque, diversification et frontière efficiente

= (0,25) (0,0625) + (0,25)(0,0625)


= 0,03125
σp = 0,1768 ou 17,68 %
Le risque du portefeuille est inférieur à celui des titres qui le composent.

■■ Le cas général où la corrélation entre les taux de rentabilité

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est comprise entre 0 et 1
Ce cas représenté sur la figure 4.2d correspond à la pratique : en moyenne, la cor-
rélation des taux de rentabilité de deux actions est de l’ordre de 0,6. La figure 4.2d
l’illustre bien : les points forment une direction marquée à pente positive par les-
quels on peut ajuster une droite de régression. Mais les points ne se trouvent pas tous
sur la droite.
Avec un coefficient de corrélation de 0,6, la variance du portefeuille devient :
σp2 = xA2 . σA2 + xB2 . σB2 + 2 xA xB σA σB . 0,6
Si l’on fait l’hypothèse simplificatrice que σA = σB = 0,25 et que l’investissement
du portefeuille dans A et B se fait à parts égales, on obtient :
σp2 = (0,5)2 (0,25)2 + (0,5)2 (0,25)2 + 2 (0,6) (0,5)2 (0,25)2
σp2 = 0,05
σp2 = 0,224 ou 22,4 %
qui est inférieur à 25 %, risque de l’investissement exclusivement dans A ou dans B.
Cet exemple est l’illustration du principe de diversification des portefeuilles.

■■ Corrélation des rentabilités et corrélation des cours


Les dérivations précédentes illustrent l’importance de la corrélation entre les titres.
Plus cette corrélation est faible, plus l’avantage de diversification du risque est
important. On peut ainsi réduire le risque du portefeuille sans sacrifier sa rentabilité.
La rentabilité du portefeuille est la moyenne des rentabilités alors que le risque du
portefeuille est inférieur à la moyenne des risques, sauf dans le cas extrême, et
exceptionnel dans la pratique, où la corrélation entre deux placements est égale à un.
Alors que toute la discussion a été conduite en termes de corrélation des taux de
rentabilité, il est intéressant de voir ce que cela implique pour les cours boursiers des
titres. La figure 4.3 représente l’évolution des cours boursiers de deux titres qui sont
parfaitement et positivement corrélés. Dans ce cas, la variabilité du portefeuille sera
la même que celle de chacune des deux actions prises individuellement. La combi-
naison de ces deux actions dans un portefeuille n’apporte rien en termes de risque,

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