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254:1612018143
Chapitre
L’efficience des
3 marchés financiers
SOMMAIRE
Section 1 La définition du concept de marché efficient
Section 2 Les tests de l’efficience des marchés
Section 3 La finance comportementale (Behavioral Finance)
Chapitre 3 ■ L’efficience des marchés financiers
I l est une théorie généralement bien acceptée par les universitaires comme par un
grand nombre de praticiens, celle de l’efficience des marchés financiers. Le
concept d’efficience a de nombreuses acceptions, mais dans sa version la plus
simple, l’efficience implique qu’il est difficile de prévoir l’évolution future des cours
boursiers et donc de « battre » le marché.
Cette théorie a été validée empiriquement sur les principaux marchés d’actifs
financiers du monde, qu’il s’agisse des actions, des taux de change, des taux d’inté-
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L’efficience des marchés financiers ■ Chapitre 3
Section
1 La définition du concept de marché efficient
Le concept d’efficience des marchés financiers porte généralement sur l’efficience
informationnelle, c’est-à-dire sur le fait que les cours boursiers reflètent instantané-
ment toute l’information disponible. Toutefois, le concept d’efficience est aussi lié
au concept de rationalité des investisseurs et à celui de l’efficacité économique des
marchés.
1.1 Définition
Selon cette acception, un marché sera efficient si l’ensemble des informations
pertinentes à l’évaluation des actifs financiers qui y sont négociés se trouve instan-
tanément et complètement reflété dans les cours.
Un tel marché incorpore donc instantanément les conséquences des événements
passés et reflète précisément les anticipations exprimées sur les événements futurs.
Ainsi, le cours d’une action est à tout instant une estimation non biaisée de sa valeur
intrinsèque. Il est totalement impossible de prévoir ses variations futures puisque
tous les événements connus ou anticipés sont déjà intégrés dans le cours actuel ; seul
un événement imprévisible pourra le modifier, et ce instantanément. Notons que
l’incorporation d’informations nouvelles dans le prix des titres a été facilitée par les
nombreuses évolutions technologiques qui ont eu lieu sur les Bourses d’échange
(ordinateurs, Internet, trading algorithmique, carnet d’ordre électronique, etc.).
Puisqu’il est par construction impossible de prévoir l’imprévisible, la prévision des
cours est illusoire. La concurrence est telle entre les investisseurs que, rapidement,
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
toute action sera cotée à son « juste prix » qui dépend de ses caractéristiques, ses
« attributs » et son risque : dès lors, même le plus ignorant des investisseurs peut
faire confiance au marché, et simplement choisir les attributs et le niveau de risque
de son portefeuille qui lui convient.
Selon l’hypothèse d’efficience informationnelle des marchés financiers, dans sa
formulation la plus simple, les cours des actions reflètent à tout moment toute l’in-
formation disponible. Dans un modèle théorique, Grossman et Stiglitz (1980)
montrent que l’efficience des marchés peut être obtenue si les coûts d’information
et de transaction sont nuls. Selon une version similaire, mais qui a économiquement
davantage de sens, les cours reflètent toute l’information disponible jusqu’au point
où les bénéfices marginaux que 1’on peut tirer à partir d’informations sont supé-
rieurs aux coûts marginaux d’obtention de ces informations (Jensen, 1978). Bien
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Chapitre 3 ■ L’efficience des marchés financiers
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L’efficience des marchés financiers ■ Chapitre 3
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Chapitre 3 ■ L’efficience des marchés financiers
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L’efficience des marchés financiers ■ Chapitre 3
1580,00
1578,78
1578,00
1576,00
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
1574,00
1572,00
1570,00
1568,00
1566,00
1564,00
15:00 15:30 16:00 16:30 17:00 17:30 18:00 18:30 19:00 19:30 20:00 20:30 21:00
Note – L’axe vertical indique la valeur de l’indice S&P 500 et l’axe horizontal
indique l’heure à Londres (GMT).
Figure 3.1 – Effet d’une fausse nouvelle sur l’indice l’indice S&P 500
Last Price
(23 avril 2013)
Hight on 04/23 17:33 17578,52
67
Average 1576,71
Low on 04/23 18:09 17564,15
Prew Close 1562,56
Chapitre 3 ■ L’efficience des marchés financiers
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L’efficience des marchés financiers ■ Chapitre 3
les unes les autres. Enfin, les investisseurs irrationnels pourraient avoir en face d’eux
des contreparties rationnelles, aux moyens puissants, tels que les arbitragistes pro-
fessionnels, dont le comportement corrige celui des investisseurs irrationnels et qui
ramènent les cours des actions à leur valeur intrinsèque. L’argument central de
Shleifer1 est qu’aucune de ces conditions n’est vérifiée : les investisseurs ne sont pas
rationnels, leurs erreurs sont corrélées parce qu’ils sont moutonniers, et donc ne
s’annulent pas et l’arbitrage étant risqué, il est loin d’être parfait.
Une autre approche de l’efficience des marchés financiers concerne les fonctions
proprement économiques de l’industrie financière. Comme on l’a vu au chapitre
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
précédent, les marchés financiers prennent une place de plus en plus grande dans le
système financier et productif de chaque pays. Leur utilité provient du fait qu’ils
facilitent la mutualisation des risques et leur transfert vers ceux qui sont les plus
capables ou les plus disposés à les supporter. Par ailleurs, ils permettent de mobiliser
l’épargne vers les emplois les plus productifs (à condition que les marchés soient
informationnellement efficients), tout en lui permettant de rester liquide, etc. Cet
ensemble de fonctions entraîne des transactions volumineuses tant au niveau du
marché primaire qu’à celui du marché secondaire. L’industrie financière qui assure
ces fonctions, et notamment les marchés financiers, le font-ils de manière efficace ?
Si tant est qu’il est difficile de répondre à cette question, il n’en demeure pas moins
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Chapitre 3 ■ L’efficience des marchés financiers
que les coûts de transaction qu’ils prélèvent pour assurer leurs fonctions n’ont cessé
de baisser depuis trente ans.
Section
2 Les tests de l’efficience des marchés
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L’efficience des marchés financiers ■ Chapitre 3
Au lieu de tests de forme faible, qui ne sont concernés que par le pouvoir prédictif
des rentabilités boursières du passé, cette nouvelle catégorie inclut tous les tests de
prévisibilité des rentabilités boursières. Cela comprend, outre les tests de forme
faible, les tests qui vérifient dans quelle mesure les cours boursiers futurs peuvent
être prévus par certaines variables publiquement disponibles, telles les dividendes,
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Chapitre 3 ■ L’efficience des marchés financiers
1. Une discussion sur la « marche au hasard » des cours boursiers conduit souvent à se poser la
question de la forme de la distribution statistique des cours. Comme le souligne Fama, une telle ques-
tion n’a rien à voir avec l’hypothèse de marche au hasard, car celle-ci peut s’accommoder de n’importe
quelle forme de loi de probabilité.
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L’efficience des marchés financiers ■ Chapitre 3
période t + 1
période t + 1
Variation
Variation
Variation Variation
période t période t
Pour ce qui est de la célèbre étude de Fama (1965) sur les variations relatives
quotidiennes des trente valeurs du Dow-Jones de 1957 à 1962, aucune autocorréla-
tion importante n’a pu être décelée même en considérant des changements hebdo-
madaires, bi-hebdomadaires, etc., ou des décalages (lags) de plusieurs jours dans le
processus d’ajustement.
Lo et McKinley (1988) et Conrad et Kaul (1988) ont répliqué la méthodologie et
les tests de Fama sur toutes les valeurs cotées au NYSE et sur une période plus
longue, 1962-1985, en les regroupant en portefeuilles en fonction de la taille des
sociétés. Les deux études font état d’autocorrélations positives des rentabilités bour-
sières hebdomadaires, surtout pour les portefeuilles constitués de sociétés de petite
taille. Ces derniers résultats ne sont cependant pas significatifs compte tenu du
fameux problème de l’asynchronisme temporel des cotations et des cours des socié-
tés de petite taille pour lesquelles les volumes de transaction sont faibles et les
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
transactions peu fréquentes. Pour les sociétés de grande taille, le coefficient d’auto-
corrélation moyen est de seulement 0,09. Par ailleurs, le niveau des coefficients
d’autocorrélation, qui semble traduire une non-constance dans le temps des taux de
rentabilité anticipés, ne permet sans doute pas d’exploiter ces résultats empiriques
pour les transformer sur le plan pratique en stratégies de portefeuille gagnantes.
Les fonds spéculatifs, ou hedge funds, ont souvent un niveau élevé d’autocorréla-
tion. Dans une étude portant sur 2 701 fonds spéculatifs et couvrant la période 1977-
2007, Lo (2008) trouve que le coefficient d’autocorrélation des rentabilités men-
suelles est de 12,9 %. Le niveau d’autocorrélation s’élève à 20,7 % pour les fonds
spéculatifs de type event driven et même à 38,8 % pour les fonds basés sur des
stratégies d’arbitrage sur titres convertibles (convertible arbitrage). Cette apparente
prédictibilité de la rentabilité est due en fait à la faible liquidité des titres dans les-
quels les fonds spéculatifs investissent, à savoir dans des entreprises non-cotées ou
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Chapitre 3 ■ L’efficience des marchés financiers
en détresse financière, des pays émergents, dans l’immobilier, ou dans des produits
dérivés négociés de gré à gré (Getmansky, Lo et Makarov, 2004). Dans la mesure où
il n’existe pas de prix de marché fiable pour ces titres, les gérants de fonds spécula-
tifs ont une certaine liberté lors de la détermination de la valeur d’actif net de leur
fond. Par exemple, un gérant ayant investi dans un produit dérivé dont la valeur
dépend des prix de l’immobilier résidentiel en France peut réévaluer son produit en
faisant des hypothèses optimistes. De façon identique, lorsque les prix de l’immobi-
lier s’emballent, le gérant peut recourir à des hypothèses conservatrices afin de faire
–X%
Vente
Cours (C)
Cours (C)
MMCT
Ct /Ct–n
1.0
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L’efficience des marchés financiers ■ Chapitre 3
Les chartistes utilisent comme signal d’achat ou de vente d’un titre l’observation
conjointe du cours avec sa (ou ses) moyenne mobile, et plus précisément l’intersec-
tion entre la courbe représentative de l’évolution des cours et la (les) moyenne
mobile.
On peut ainsi définir une moyenne mobile arithmétique :
τ=t
L 1
Mt = --- ∑ Cτ
70
Cours UBS
9 août 2007 :
60 vente à CHF 54,31 MA (50)
MA (200)
50
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
40
30
14 septembre 2005 :
achat à CHF 40,68
20
10
0
août 05 août 06 août 07 août 08 août 09 août 10 août 11 août 12 août 13
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Chapitre 3 ■ L’efficience des marchés financiers
La figure 3.4, représentant entre août 2005 et septembre 2013, l’évolution des
cours (ligne heurtée) et de la moyenne mobile courte (MA(50)), et longue (MA(200))
d’UBS cotée à Zurich, constitue un cas d’école de signal d’achats puis de vente par
cette méthode. Un signal d’achat apparaît en septembre 2005 lorsque la moyenne
courte dépasse la moyenne longue. Le prix d’acquisition est alors de CHF 40,68.
Alors que les deux moyennes mobiles se rapprochent, mais ne se croisent pas, en
septembre 2006, le titre est détenu jusqu’en août 2007. L’action est alors vendue à
un prix de CHF 54,51 et l’investisseur échappe ainsi à la chute du cours qui a lieu
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L’efficience des marchés financiers ■ Chapitre 3
Il n’est pas possible de prouver une fois pour toutes qu’aucune méthode technique
n’est rentable. Tout au plus peut-on continuer à étudier scientifiquement les résultats
de celles qui ont la faveur des « chartistes ». Pour l’instant, ces tests ont eu des
résultats négatifs.
bien performé sur les douze derniers mois continuent de sousperformer sur les douze
mois suivants (voir aussi Carhart, 1997).
–– L’effet lundi, selon lequel les rentabilités boursières le lundi sont plus faibles que les
autres jours de la semaine. Aussi, dans le même ordre d’idées, les rentabilités la
veille d’une fête et le dernier jour du mois sont en moyenne plus élevées que celles
des autres jours. De plus, les taux de rentabilité au mois de janvier sont plus élevés
que ceux des autres mois, avec une concentration des rentabilités élevées sur le der-
nier jour boursier de décembre et les cinq premiers jours boursiers de janvier. Ces
effets calendaires ont été documentés pour la France par Hamon et Jacquillat (1992),
et sur de nombreux marchés autres que le marché boursier américain.
La plupart de ces « anomalies » peuvent s’expliquer en terme de risque, de liqui-
dité, de limite d’arbitrage, ou de biais cognitifs (voir section 3). Par exemple, Fama
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Chapitre 3 ■ L’efficience des marchés financiers
and French (1992, 1993, 1995) affirment que les titres valeur sont plus risqués que
les titres de croissance dans la mesure où ils sont plus exposés au risque de détresse
financière. La surperformance identifiée n’est par conséquence qu’une juste com-
pensation des actionnaires pour les risques qu’ils supportent.
Différemment, la surperformance des sociétés dont la capitalisation boursière est
faible s’explique en tout ou partie par des phénomènes de liquidité ou de microstruc-
ture. Les rentabilités des petites capitalisations boursières évoquées plus haut sont
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L’efficience des marchés financiers ■ Chapitre 3
simple dans lequel les cours boursiers s’éloignent lentement de leur valeur fonda-
mentale avec des rentabilités boursières à court terme sans autocorrélation. Pour
eux, le marché est très inefficient, même si les tests de court terme n’arrivent pas à
capter ce phénomène.
Ces modèles ont suscité un flot de recherches empiriques dont les résultats sont
ambigus. Fama et French (1988) montrent que le profil des rentabilités successives
de portefeuilles diversifiés d’actions américaines cotées au NYSE correspond bien
20 %
15 %
Rentabilité anormale cumulée
10 %
Portefeuille perdant
5%
0%
Portefeuille gagnant
–5%
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
– 10 %
0 5 10 15 20 25 30 35
Dans le même ordre d’idées, De Bondt et Thaler (1985, 1987) semblent avoir
identifié une inefficience majeure, liée à la surréaction des cours boursiers. Ils
montrent que les actions américaines ayant eu les plus mauvaises rentabilités bour-
sières au cours de n’importe quelle période passée comprise entre trois et cinq ans
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Chapitre 3 ■ L’efficience des marchés financiers
(portefeuilles « perdants ») avaient les rentabilités les plus élevées les années sui-
vantes (celles-ci étant par ailleurs concentrées pendant le mois de janvier) et inver-
sement les titres des sociétés ayant le plus monté au cours d’une période passée de
trois à cinq ans (portefeuilles « gagnants »), sont ceux qui baissent le plus subsé-
quemment, comme illustré sur la figure 3.5.
Du fait de son caractère spectaculaire, cette « anomalie » a fait l’objet d’une atten-
tion particulière sous forme de tests complémentaires. Contrairement à l’affirmation
80
L’efficience des marchés financiers ■ Chapitre 3
130
120
110
100
90
80
Prix
70
60
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50
40
30
20
10
0 20 40 60 80 100 120
Temps
Source : Shiller (1981).
Figure 3.6 – Indice déflaté Standard and Poors des prix boursiers 1926-1979
complété par l’indice des actions de la Commission Cowles 1871-1925
(ligne en trait plein) et série correspondante des prix
en parfaite certitude P*t (ligne en pointillé)
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Chapitre 3 ■ L’efficience des marchés financiers
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L’efficience des marchés financiers ■ Chapitre 3
Quel est le niveau de la prime de risque sur le marché des actions françaises ?
Même si l’indice CAC 40 a lourdement chuté depuis 2007, la prime de risque réali-
sée demeure élevée et comparable au niveau observé sur le marché américain. Sur
la période 1900-2010, Dimson, Marsh et Staunton (2013) estiment que la prime de
risque en France est de près de 6 % par année (une fois corrigé l’effet de l’inflation).
À l’instar de l’Allemagne ou du Japon, le niveau de la prime de risque du marché
français s’explique en partie par la rentabilité réelle négative des obligations d’État
de courte maturité (– 3% sur la période 1900-2010).
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Chapitre 3 ■ L’efficience des marchés financiers
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L’efficience des marchés financiers ■ Chapitre 3
12
10 moyenne + 2
écarts-types
moyenne - 1 écart-type
4
moyenne - 2 écarts-types
Chacun des points extrêmes de cet indicateur a signalé une situation anormale de
valorisation des actions, qui s’est ensuite corrigée par un mouvement de hausse des
cours lorsque la prime de risque du marché actions était particulièrement élevée
(début 2003), ou, à l’inverse, par un mouvement de baisse ultérieure des indices
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.
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Chapitre 3 ■ L’efficience des marchés financiers
prix des actifs financiers et notamment les cours des actions se conforment à ces
modèles, sont à la fois une vérification de leur validité en même temps qu’ils repré-
sentent un test de l’efficience des marchés présupposée et une condition de l’archi-
tecture de ces modèles.
L’exposé de ces modèles et de leur validation empirique font l’objet du chapitre 6
de cet ouvrage.
La première et l’une des plus célèbres études d’événement est celle de Fama,
Fisher, Jensen et Roll (1969), consacrée à l’incidence sur son cours d’une société qui
annonce qu’elle compte diviser le nominal de son titre d’un certain nombre (stock
split), ce qui a pour effet mécanique de diminuer son cours en proportion de ce
nombre.
Les études d’événements sont représentées par des tests aux confluents de plu-
sieurs disciplines de l’économie. D’abord, ce sont des tests d’efficience des mar-
chés. Mais là encore, ce sont des tests joints, car pour mettre de l’ordre dans la
quantité exubérante de ces études d’événements et leur impact sur les cours bour-
siers, il vaut mieux avoir une théorie de l’impact de ces décisions sur la valeur. Ces
théories font partie de la théorie de la finance d’entreprise et de celle de l’économie
des organisations.
Aussi, nous ne pouvons être exhaustifs sur ces tests, à la fois à cause de leur quan-
tité impressionnante et de leur connexité avec les théories qui font par ailleurs
l’objet d’ouvrages entiers plus épais que celui-ci. Les principaux résultats sont rap-
pelés dans un premier temps, puis rapprochés du thème de l’efficience des marchés
financiers dans un deuxième temps.
86
L’efficience des marchés financiers ■ Chapitre 3
tats ont été obtenus au terme de démonstrations rigoureuses, qui ont donné lieu aux
deux plus célèbres « théorèmes » de la finance dus à Modigliani et Miller (1958).
Les résultats des tests empiriques, en matière de financement comme en matière
de dividende, ne sont pas conformes à ces théorèmes.
En matière de financement, les augmentations de capital sont préjudiciables aux
cours de Bourse. À l’inverse, l’annonce par une société du rachat de ses propres
actions, donc d’une réduction de ses fonds propres, s’accompagne d’une augmenta-
dende pour signaler au marché ces perspectives – ou par la théorie du cash flow libre
pour laquelle plus les dividendes sont élevés, plus élevé sera le niveau d’endettement
(retour à l’argument précédent).
Par ailleurs, l’économie industrielle et l’économie financière avancent toute une
série de raisons pour lesquelles les transactions aboutissant à une modification du
contrôle et du pouvoir dans les entreprises – fusions, acquisitions, OPA, OPE, etc.
– sont créatrices de valeur. Un grand nombre d’études d’événements vérifient que
c’est effectivement le cas, même si les gains de telles transactions ne sont pas éga-
lement partagés dans la mesure où ils profitent essentiellement aux actionnaires des
sociétés cibles.
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Chapitre 3 ■ L’efficience des marchés financiers
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L’efficience des marchés financiers ■ Chapitre 3
1995), les annonces de bénéfices (Ball et Brown, 1968 et Bernard et Thomas, 1990),
les rachats d’actions (Ikenberry et al., 1995 et 2000, Grullon et Michaely, 2004), les
divisions d’actions (Ikenberry et al., 1996). Dans ces études, les auteurs distinguent
la période suivant immédiatement l’annonce de ces opérations, d’une période sui-
vante plus longue, ce qui permet de distinguer une rentabilité boursière à court terme
d’une rentabilité boursière à long terme.
L’objet de ces études est l’efficience des marchés à plus long terme. Si les marchés
étaient efficients à long terme, on devrait constater des rentabilités à court terme
positives (négatives) selon le critère de la création (destruction) de valeur, et des
rentabilités « anormales » à long terme nulles. En fait, ce n’est que rarement le cas.
Pour chaque paire de rentabilités boursières anormales (court terme et long terme),
on trouve des paires de même signe que les auteurs interprètent comme une sous-
89
Chapitre 3 ■ L’efficience des marchés financiers
réaction et des paires de signe opposé que les auteurs interprètent comme une sur-
réaction des cours boursiers au moment de l’annonce.
Barberis, Shleifer et Vishny (1998) et Daniel, Hirschleifer, Subramanyam (1998),
dont les modèles sont résumés dans Shleifer (2000), ont élaboré des modèles de
comportement des investisseurs correspondant à ces observations empiriques pour
les justifier. C’est l’avènement de la finance comportementale (Behavioural Finance)
qui tournerait le dos à la théorie financière classique élaborée depuis plus de qua-
90
L’efficience des marchés financiers ■ Chapitre 3
les gérants des SICAV et autres fonds mutuels, des compagnies d’assurance, des
fonds de pension, etc., c’est-à-dire tous ceux qui participent à l’industrie de la ges-
tion collective pour compte de tiers.
Les résultats des gestions des professionnels sont transparents et publiés pour la
plupart.
L’hypothèse, qui serait contraire à celle de l’efficience des marchés est que les
investisseurs professionnels auraient de meilleures performances que les investis-
seurs amateurs. Comme globalement l’ensemble des gestions ne peut afficher que
les performances des indices (aux coûts de transaction et d’information près), les
premiers, selon cette hypothèse auraient des performances supérieures à celles des
indices tandis que les seconds obtiendraient, si tel était le cas, des performances
inférieures.
91
Chapitre 3 ■ L’efficience des marchés financiers
Les études empiriques pour tester cette hypothèse sont innombrables. Les résultats
semblent indiquer que tel n’est pas le cas. Mais comme le thème de la mesure de
performance est au cœur de la gestion de portefeuille, il lui est consacré un chapitre
à part (chapitre 13).
3 La Finance comportementale
1 Prospect theory
1. Voir par exemple, Kahneman et Tversky (1979), Kahneman (2003) et Barberis (2013a).
Kahneman a obtenu le Prix Nobel en Sciences Economiques en 2002, après la mort de Tversky.
92
L’efficience des marchés financiers ■ Chapitre 3
une fonction valeur (fonction d’utilité) schématique avec les gains/pertes en abscisse
et la valeur dérivée en ordonnée. Le point de référence est la richesse actuelle. La
courbe est continue, mais au point de référence la tangente à la fonction valeur a une
pente plus forte à gauche (pertes) qu’à droite (gains). On parle alors « d’aversion aux
pertes » (loss aversion) plutôt que d’aversion au risque. En fait, il s’agit d’une aver-
sion au risque très forte, du fait de la discontinuité dans la pente de la tangente.
–– La fonction valeur est concave pour les gains (aversion au risque) et convexe pour
les pertes (amour du risque). Une telle forme expliquerait pourquoi les investisseurs
La prospect theory est descriptive et non pas normative. Elle tente de décrire com-
ment les individus se comportent et non pas comment ils devraient investir, comme
c’est le cas de la finance traditionnelle basée sur la maximisation de l’espérance
d’utilité. Toutefois, certains auteurs ont tenté de modéliser mathématiquement une
version simplifiée de la prospect theory, en n’en gardant que quelques éléments.
Ainsi, Benartzi et Thaler (1995) justifient la forte prime de risque des actions (equity
premium puzzle) par l’aversion aux pertes. Barberis et Huang (2008) proposent un
modèle de maximisation d’espérance d’utilité avec un terme additionnel d’aversion
aux pertes pour certains actifs. L’aversion aux pertes est décrite par une fonction
93
Chapitre 3 ■ L’efficience des marchés financiers
valeur du type de celle de la figure 3.8, mais avec la simplification que la fonction
consiste en deux demi-droites jointes au point de référence et avec des pentes diffé-
rentes. Ce modèle peut expliquer l’existence d’une forte prime de risque et divers
autres phénomènes, par exemple le fait que de nombreux individus n’investissent
pas dans les marchés d’actions.
1. Par exemple, vous devez vous rendre en voiture de Cergy à l’Opéra de Paris et avez choisi un
itinéraire qui s’avère fort embouteillé: vous n’êtes pas heureux. Toutefois un collègue parti en même
temps que vous a utilisé un itinéraire différent et il arrive trente minutes après vous. Votre déplaisir se
transforme en joie et votre collègue éprouve un grand regret.
94
L’efficience des marchés financiers ■ Chapitre 3
I should have computed the historical covariance of the asset classes and drawn an effi-
cient frontier. Instead I visualized my grief if the stock market went way up and I wasn’t
in it--or if it went way down and I was completely in it. My intention was to minimize
my future regret, so I split my [pension scheme] contributions 50/50 between bonds and
equities.
Harry Markowitz, cité par Zweig, 1998, « America’s
top pension fund », Money, 27, p. 114.
3 Comptabilité mentale
1. Voir aussi Michenaud et Solnik (2008) pour l’influence du regret sur la décision de couverture de
change.
95
Chapitre 3 ■ L’efficience des marchés financiers
96
L’efficience des marchés financiers ■ Chapitre 3
97
Chapitre 3 ■ L’efficience des marchés financiers
L’essentiel
• Les économistes financiers croient à l’efficience des marchés ne serait-ce parce
que ce sont des institutions et des mécanismes qui transmettent avec succès,
c’est-à-dire très rapidement, les informations pertinentes aux actifs financiers
cotés. De plus, la création de plateformes de trading électronique et l’expansion
98
Chapitre
Risque,
4 diversification et
frontière efficiente
uiz.scholarvox.com:ENCG Agadir 2:924184168:88818988:105.157.216.254:1612018143
SOMMAIRE
Section 1 Rentabilité, risque et diversification
Section 2 La frontière efficiente
Section 3 Value at Risk et autres mesures du risque
Chapitre 4 ■ Risque, diversification et frontière efficiente
Section
1 Rentabilité, risque et diversification
1 La rentabilité
100
Risque, diversification et frontière efficiente ■ Chapitre 4
2 Le risque
101
Chapitre 4 ■ Risque, diversification et frontière efficiente
avec précision. Il pourra s’étager entre – 100 % (perte totale) et un pourcentage très
élevé, éventuellement. Le premier investissement, de par la faible variabilité de son
taux de rentabilité, peut être défini comme relativement peu risqué, au contraire du
second dont le taux de rentabilité peut être très variable.
Ainsi, on peut assimiler le risque d’un investissement à la dispersion ou variabilité
de sa rentabilité1 autour de la valeur anticipée. Bien que l’on puisse concevoir
diverses méthodes pour calculer et mesurer la variabilité d’une série statistique
Deuxième trimestre + 10 % 7% 49
R=3% 166
1. En toute rigueur, la variabilité, du fait de la symétrie des écarts par rapport à une tendance, est à
la fois une mesure de risque (écart en baisse) et de rentabilité (écart en hausse). Mais dans la mesure
où les distributions des taux de rentabilité sont symétriques, la variance ou l’écart-type des taux de
rentabilité constituent une bonne mesure de la variabilité potentielle et donc du risque.
102
Risque, diversification et frontière efficiente ■ Chapitre 4
suppose que la distribution du taux de rentabilité suive une loi normale (Laplace-
Gauss), laquelle possède des propriétés très utiles. En effet, si une série de taux de
rentabilité suit une loi normale, et ceci quelle que soit la durée servant à calculer les
taux, la répartition de ces taux autour de la moyenne est symétrique et ne dépend que
de l’écart-type comme l’indique la figure 4.1. Dans ce cas, 38,3 % de ces taux
s’écartent de la moyenne de moins de la moitié de l’écart-type, à peu près 2/3 des
observations sont à un écart-type autour de la moyenne et plus de 95 % des obser-
vations sont compris entre deux écarts-types autour de la moyenne. Ces propriétés
de la loi normale sont illustrées sur la figure 4.1.
1. On divise parfois par t – 1 au lieu de t pour obtenir un estimateur non biaisé.
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Chapitre 4 ■ Risque, diversification et frontière efficiente
38,3 %
15,0 15,0
9,2 9,2
4,4 4,4
1,7 1,7
0,5 0,5
0,00003 0,00003
–5 –4 –3 –2 – 1– 1 1 1 11 2 21 3 4 5
2 2 2 2
Écart -type par rapport à la moyenne
3 La diversification
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Risque, diversification et frontière efficiente ■ Chapitre 4
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Chapitre 4 ■ Risque, diversification et frontière efficiente
pente positive, comme sur la figure 4.2a. L’axe des abcisses correspond aux taux de
rentabilité du titre A et l’axe des ordonnées à ceux du titre B pour une même période
de mesure. Si celle-ci correspond à la semaine, chaque point de la diagonale repré-
sente une paire d’observations hebdomadaires des taux de rentabilité des titres A et
B pour cette semaine particulière.
Quel est l’effet sur le risque lorsque les deux titres sont combinés dans un même
portefeuille ? Puisque par construction ρAB = + 1, le risque du portefeuille devient :
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Risque, diversification et frontière efficiente ■ Chapitre 4
Rentabilité
de l’action A
Rentabilité
de l’ac t i o n A
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Chapitre 4 ■ Risque, diversification et frontière efficiente
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