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Mise à jour le 01-10-09

FICHE TECHNIQUE

La comptabilité par activité1

La comptabilité par activité (CPA) est une méthode comptable popularisée particulièrement par les travaux de
Kaplan, Cooper et Turney à la fin des années 1980. Centrée sur le processus et ses activités, elle vise une
répartition plus adéquate des frais généraux (overhead) entre les différents produits d’une organisation,
améliorant ainsi l’évaluation de leur coût de revient et des facteurs y contribuant. Pour ce faire, elle rattache
les coûts aux activités, puis attribue les coûts des activités aux produits selon l’utilisation qu’ils font de
l’activité, établie en fonction de bases de répartition variant selon la nature de cette activité.

Les systèmes comptables traditionnels répartissent généralement les frais généraux en fonction du nombre
d’heures consacrées directement par la main d’ œuvre à la production (heures de main d’œuvre directe ou
MOD). Or, avec l’automatisation, la main-d’œuvre directe devient un facteur moins significatif.
Parallèlement, les frais généraux, notamment l’amortissement et l’entretien des équipements, la recherche et
le développement, la mise en marché et la gestion des stocks, l'implantation et l'entretien des systèmes
d'information et les technologies de l'information sont en forte croissance et représentent souvent plus de cinq
fois les coûts de main-d’œuvre directe. La méthode est donc particulièrement utile dans les organisations où
ces frais généraux sont élevés, où les produits sont variés et où la concurrence sur les prix est forte.

La mise en place d’une comptabilité par activité est un processus relativement long et complexe, Il nécessite
de :
1. Déterminer les « objets de coûts » à analyser. La CPA définit les « objets de coûts » comme les
produits, les services, les clients ou toutes les autres entités dont on veut établir le prix de revient.
Généralement, il s’agit de différents produits dont on veut comparer les coûts.
2. Identifier les activités liées à chaque « objet de coût ». Comme dans l’approche objet événement
ou dans le logigramme, il s’agit de décomposer le processus selon ses activités constituantes. La
décomposition est cependant généralement d’un niveau plus général, pour ne pas complexifier
indûment la collecte de données. Par exemple, on conservera l’activité « livrer le produit » mais on
ne la subdivisera pas en sous-activités comme « préparer le bon de livraison », « vérifier la
commande », etc.
3. Isoler les « inducteurs de coûts » (cost drivers). La notion d’inducteur de coûts est centrale en
CPA puisque l’inducteur servira généralement de base de répartition des coûts de l’activité. Or, le
choix d’une base de répartition pertinente est crucial pour l’obtention de coûts de revient valables.
Un inducteur est ce qui génère les coûts d’une activité ou ce qui la déclenche. Ils sont généralement
établis en discutant avec des experts de l’activité. Par exemple, l’inducteur de l’activité « traiter les
plaintes » pourrait être le nombre de plaintes ; toutefois, si l’organisation est sujette à des campagnes
de plaintes ne nécessitant pas un traitement individuel, le nombre n’est peut-être plus un indicateur
pertinent et il devra être ajusté pour tenir compte des sujets distincts.
4. Identifier les ressources à comptabiliser par activité. Les coûts à comptabiliser incluent, en plus
des coûts directs de main d’œuvre et de matériel liés à «l’objet de coûts », les dépenses relatives à
l’approvisionnement et à la distribution, aux ventes et au marketing, aux services à la clientèle, à la
technologie, aux finances et à l’administration, etc.
5. Regrouper les ressources qui ne seront pas réparties selon des inducteurs spécifiques, par
exemple, le loyer, le chauffage ou les taxes foncières, et y appliquer un inducteur général. Selon la

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En anglais, Activity Based Costing ou ABC.

© Gilles E. St-Amant, cours ADM7705


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nature de l’activité, ce pourrait être notamment le temps-machine, le temps de main d’œuvre ou le


nombre d’unités produites.
6. Mettre en place le système comptable. Cela nécessite de concevoir le nouveau système comptable,
de réorganiser la collecte des données et souvent d’acquérir un logiciel comptable approprié. La
mise en place du système requiert souvent plusieurs mois.
7. Recueillir des données sur les activités. On recommande généralement de procéder par
prototypage en implantant le système pour un nombre limité d’activités afin de pouvoir ajuster au
besoin les données à recueillir et les modalités de collecte.
8. Calculer le coût unitaire d’une activité. Une fois les données recueillies, on calcule le coût unitaire
d’une activité en divisant ses coûts totaux par son inducteur. On obtient ainsi un tableau de type :

Activités A- Coût B- Types C- Fréquence / Coût unitaire


total d’inducteurs volume de
de coûts l’inducteur pour
la période
Activité 1 A/C
Activité x A/C

9. Calculer le coût de revient du produit. On attribue ensuite au produit, en plus de ses coûts directs
par unité, le nombre d'unités d'activités qu’il utilise (par exemple le nombre de livraison) multiplié
par leur coût unitaire respectif. On obtient ainsi un tableau de type :

Coûts du produit A- Unités B- Coût unitaire C- Coût total


utilisées de l’unité
Coûts directs
Main d’œuvre
Matières premières
Autres
Coûts indirects
Activité 1 AxB
Activité x AxB
TOTAL

10. Analyser les données, particulièrement celles qui ont trait à des ressources dont la consommation varie selon
le type de produit, est élevée ou est mal reflétée par les modes de comptabilité traditionnels. Le plus souvent,
l’analyse mène à l’ajustement du coût des produits ou à l’abandon d’un type de production.
La mise en place de la comptabilité par activité mène généralement à l’implantation de la gestion par activité (Activity-
Based Management ou ABM), menant notamment à la modification ou à la suppression des activités trop coûteuses ou
sans valeur ajoutée.

Exemple

Michel, le directeur de la formation de Début, a tenté d’évaluer le coût de ses formations sur mesure en
utilisant la matrice des activités et des ressources. Il n’est toutefois pas satisfait de sa répartition des frais
généraux et se demande aussi si ceux-ci sont attribués de façon équitable à ce produit par opposition aux
formations grand public et aux multimédias faits pour le compte d’éditeurs pédagogiques. Il tente donc
d’appliquer la comptabilité par activité.

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1. Pour Michel, les « objets de coûts » à analyser sont les trois produits de formation : sur mesure,
grand public et d’édition pédagogique.
2. Pour identifier les activités liées à chaque « objet de coût », il reprend d’abord les activités
identifiées pour la formation sur mesure lorsqu’il l’avait analysée au moyen de l’approche objet-
événement. Il avait cependant alors 38 activités, il les regroupe et obtient six grandes activités de
base. Il refait le même processus pour les deux autres types de formation, qu’il ajoute au tableau ci-
dessous. Il constate déjà certaines différences. Ainsi, dans le cas des formations grand public, c’est
Début qui prend l’initiative et qui doit donc faire une analyse de marché et la commercialisation du
produit alors que, dans le cas de l’édition pédagogique, on répond simplement à la commande de
l’éditeur.

Sur mesure Grand public Édition pédagogique


Recruter les clients Faire l’étude de marché
Faire l’offre
Acquérir le matériel Acquérir le matériel Acquérir le matériel
Produire les formations Produire les formations Produire les formations
Transférer sur support Transférer sur support Transférer sur support
Faire la mise en marché
Expédier Expédier Expédier
Soutenir le produit Soutenir le produit Soutenir le produit

3. Il tente d’isoler les « inducteurs de coûts » de chaque activité. Il en discute longuement avec des
collègues qui les connaissent bien. Dans le cas des formations grand public, le nombre de formation
est un inducteur valable dans plusieurs cas, puisque ce sont toujours des produits d’une ampleur
comparable. Ce n’est toutefois pas le cas des formations sur mesure, dont la complexité varie
beaucoup. Dans le cas de l’édition pédagogique, les écarts sont moins grand mais il y a quand même
des variations importantes. Le nombre de pages-écrans produites semble donc un inducteur plus
pertinent pour répartir les coûts indirects. Dans le cas de l’expédition, Michel et ses collègues
hésitent. La livraison est beaucoup plus complexe pour les formations grand public puisqu’on a alors
différents types de clients (détaillants divers, individus) et différents modes de livraison (poste,
messagerie, téléchargement par Internet, entreprise de camionnage); le nombre de livraisons ne rend
donc pas parfaitement compte des coûts. À défaut de mieux, on décide toutefois de tester cet
inducteur. Il indique les inducteurs pertinents à chaque activité dans le tableau suivant.

Activités Inducteur
Recruter les clients Nombre d’appels d’offre
Faire l’étude de marché Nombre de formations
Faire l’offre Pages à produire
Acquérir les contenus Pages produites
Produire les formations Pages produites
Transférer sur support Nombre d’unités
Faire la mise en marché Nombre de formations
Expédier Nombre de livraison
Soutenir le produit Nombre de demandes de soutien

4. Il identifie ce qu’il faut comptabiliser par activité. Les feuilles de temps permettent déjà de
comptabiliser les coûts directs de main d’œuvre et de matériel de chaque type de formation et de
chaque activité de production (contenu, mise en forme, instructions). Toutefois, les activités de
certains services ne sont pas subdivisées en fonction des activités de production. Par exemple, aux
ventes, la comptabilité ne distingue pas entre le recrutement des clients, l’étude de marché et la mise

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en marché. De même le service des achats fait, en plus de l’acquisition de contenus, les achats
généraux de mobilier ou de papier et l’informatique s’occupe de bien d’autres choses que du seul
transfert sur support. Après discussion avec Diane, il pense que les ventes (le recrutement des
clients), le marketing (étude et mise en marché), le soutien à la clientèle, les achats de contenu,
l’expédition, le transfert sur support et le graphisme devraient être répartis par activité.
5. Pour les éléments qui n’ont pas d’inducteurs spécifiques, comme les locaux, les achats généraux,
l’informatique (autre que le transfert), les finances, le service des ressources humaines et la gestion ,
Michel et Diane décident de conserver les heures de main d’œuvre directe, compte tenu du fait que
cela demeure pour Début un facteur de coût central.
6. Début met en place un prototype de système comptable développé à partir de leur système actuel
mais où l’on a ajouté notamment la collecte des inducteurs, comme le nombre de pages-écrans, et la
subdivision des activités de certains services, comme la séparation des ventes et du marketing.
7. On recueille des données sur les activités. On débute par une période de test de trois mois, qui
fournit les données suivantes :

Type de coûts Coût de main Autres coûts Heures de Frais généraux


d’oeuvre main d’ œ uvre de production
directe
Coûts directs
Production des formations 240000$ 32000$ 9600
Coûts indirects
Ventes 24000$
Marketing 15000$
Soutien à la clientèle 29000$
Achats de contenu 9000$
Expédition 36000$
Transfert sur support 42000$
Graphisme 93000$
Locaux, gestion, etc. 108000$
TOTAL 240 000 32 000 9 600 356 000

8. On calcule le coût unitaire de chacune des activités. Par exemple, pour l’activité « expédier la
formation », on divise le coût total de l’expédition (36 000$) par l’inducteur « nombre de
livraisons », qui est de 5432, ce qui donne 6,63$ par livraison.

Activités A- Coût B- Types d’inducteurs de C- Fréquence Coût


total coûts de unitaire
l’inducteur
Production des 272000$ Pages-écran produites 2621 103,78 $
formations
Ventes 24000$ Nombre d’appels d’offre 8 3 000,00 $
Marketing 15000$ Nombre de formations 14 1 071,43 $
Soutien à la clientèle 29000$ Nombre de demandes de 254 114,17 $
soutien
Achats de contenu 9000$ Pages produites 2621 3,43 $
Expédition 36000$ Nombre de livraison 5432 6,63 $
Transfert sur support 42000$ Nombre d’unités 6412 6,55 $
Graphisme 93000$ Pages produites 2621 35,48 $
Locaux, gestion, etc. 108000$ MOD 9600 11,25 $

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9. On calcule le coût de revient de chacun des produits. On attribue ensuite à chacun des trois
produits, en plus de ses coûts directs par unité, le nombre d'unités d'activités qu’il utilise multiplié
par leur coût unitaire respectif. Par exemple, en formation sur mesure, on a produit 1232 pages
écrans et sept appels d’offre, pour cinq formations, livrées en 14 livraisons, 33 unités à transférer, et
54 demandes de soutien. La production a aussi demandé 4 200 heures de main d’œuvre directe. On
obtient donc, pour la formation sur mesure, le tableau :

Coûts du produit A- Unités B- Coût unitaire C- Coût total


utilisées de l’unité
Coûts directs
Main d’œuvre 2400 25 60000
Matières premières 14000
Coûts indirects
Ventes 7 3 000,00 $ 21 000,00 $
Marketing 0 1 071,43 $ 0,00 $
Soutien à la clientèle 54 114,17 $ 6 165,35 $
Achats de contenu 1232 3,43 $ 4 230,45 $
Expédition 14 6,63 $ 92,78 $
Transfert sur support 33 6,55 $ 216,16 $
Graphisme 1232 35,48 $ 43 714,61 $
Locaux, gestion, etc. 2400 11,25 $ 27 000,00 $
TOTAL 176 419,35 $
Coût par formation 35 283,87 $
Coût par page écran 143,20 $

10. L’analyse des données permet de revoir les priorités. Par exemple, on se rend compte que les multimédias
faits pour les éditeurs pédagogiques sont beaucoup plus rentables qu’on le croyait, puisque leurs coûts de
vente, de marketing et de livraison sont très bas. C’est donc un créneau négligé. On revoit aussi certains
inducteurs; par exemple, pour les ventes; on pense qu’il devrait s’agir plutôt des nouveaux clients.

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