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LA LETTRE DE ZINGARO # 25
29zingaro@gmail.com – jeudi 12 janvier 2017

EDITORIAL
Nous sommes de retour à Ushuaïa, deux ans jour pour jour après notre arrivée en décembre 2014,
sonnés par le vent qui souffle en rafale, transformés par les 166 jours passés dans les canaux, les 84
caletas, ports et abris du Golfe d’Ancud à l’ïle Navariño, usés par les 3 719 milles parcourus, enrichis
de belles rencontres, de nouveaux amis, et de deux petits-fils. Dans quelques jour nous regagnerons
l’Atlantique, et après avoir laissé l’île des Etats et les Malouines dans notre sillage, nous mettrons le
cap au Nord. Un temps de suspension pour la Lettre de Zingaro.

Livre de bord – Bénédicte


Lundi 28 novembre 2016
Nous sommes arrivés à Puerto Eden, hier en milieu de journée sous une pluie battante, avons passé
l'après-midi enfermés à lire, écrire et écouter le dernier enregistrement d'Hélène et Jean François.
Ce matin, il pleut toujours, les petites barques arrivent de toutes les directions avec des enfants
emmitouflés qui vont à l'école, c'est à peu près la seule activité, quelques cheminées fument mais
nous ne voyons personne.
Marc et Nicolas sont de corvée de gas-oil, donc viser l'éclaircie pour vider les bidons que nous
avons en stock dans le réservoir, ensuite prendre l'annexe pour aller voir Don José qui vend du gas -
oil (micro-filtré!!!) à prix d'or.
Une fois les pleins faits, en installant finalement un parapluie au-dessus du nable parce que
décidément la pluie ne cesse pas, nous partons en quête de quelques verdures.
A son dernier passage Catherine avait acheté des légumes que Teresa faisait pousser dans sa serre
mais non, c'est fini il faut aller au supermercado où nous trouvons une laitue, des tomates et même
des mangues! C'est royal!
En chemin, nous rencontrons Raul Enrique Eden, petit, les cheveux noirs, la peau mate, très typé, à
l'élocution un peu ralentie, qui se présente comme Kaweskar (Alakaluf), descendant des indiens qui
ont occupé cette région et qui ont été regroupés à Puerto Eden.
Raul nous invite chez lui, la maison se réduit à une seule pièce où le grand congélateur jouxte des
lits superposés, la cuisinière à bois au milieu, des buffets en formica, des verres sales, des moules
séchées accrochées au plafond et une vue imprenable sur la baie.
Il a une VHF et nous a entendu parler hier avec l'Armada et voudrait qu'on l'appelle demain quand
on partira, oui mais nous partons très, très tôt, ah alors.....Hasta luego Raul !
Hormis l'achat de gas-oil, fruits et légumes, l'autre objectif c'était l'envoi de la LZ n°24 et peut-être
la réception des nouvelles de France.
La connexion internet de l'école ne fonctionne pas, notre copain Francisco, le carabiniero est en
vacances dans son campo et l'agent de la CONAF (Administration des parcs nationaux) veut bien
nous montrer ses centaines de photos accumulées pendant toute sa carrière, il a une connexion wifi
mais ne connaît pas le code d'accès........
Quand ça ne veut pas....

Le lendemain à 6 heures, c'est l'agent de la CONAF qui nous siffle pour saluer notre départ, nous
étions au mouillage juste sous ses fenêtres.
Après Puerto Eden, nous naviguons à la voile dans le Paso del Indio et le Paso del Abismo
relativement étroits, avec souvent cette impression que le passage est obstrué, puis le bateau
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progresse et la voie se libère devant et se referme derrière nous. Malgré le temps maussade, gr is,
pluvieux, c'est toujours aussi magique.
Ensuite, c'est une alternance de jours clairs mais très peu ensoleillés et de journées franchement
pluvieuses et venteuses, mais toujours beaucoup d'oiseaux : albatros, grands pétrels noirs, sternes
jacassantes et les dauphins joueurs et les otaries farouches.
Le 30 novembre, nous passons de nouveau le 50ème parallèle sud, les jours allongent et la
température de l'air et de l'eau baisse.
Et nous arrivons enfin au glacier Amalia, sous le regard d'un condor impassible posé sur une grosse
roche, juste avant une journée de pluie et de vent, nous ne voyons rien du tout et merveille, le 4
décembre, le ciel est bleu, peu de vent, on s'approche du glacier en zigzaguant entre les glaçons, on
passe là 2 heures avec les dauphins qui eux aussi se faufilent et sautent. Nicolas attrape un glaçon
pour le whisky et Marc en fait autant pour le pisco sour du soir.
Nous nous arrêtons, ensuite, à Puerto Bueno, mouillage de pêcheurs et à peine arrivés voilà SARA
GLORIA qui arrive et vient s'amarrer à couple de Zingaro.
Juan, le patron et ses 2 matelots sont souriants, spontanés et très communicatifs, ils sont de Puerto
Natales.
Ils nous proposent des centollas que nous acceptons avec plaisir et que nous troquons contre des
bières, du vin et des cigarettes.
Nous mettons les bestioles à cuire et Nicolas s'attelle au décorticage dehors car cet après -midi, il
fait beau et même chaud!
Mais peut-être n'avez-vous aucune idée de ce qu'est une centolla?
Les centollas ou southern king crab ressemblent un peu à nos araignées mais avec un corps plus
petit et des pattes beaucoup plus grosses, très, très piquantes, à manipuler avec des gants.
Leur envergure peut dépasser 1 mètre et leur poids 2 kilos.
Leur croissance est très lente, aussi, au Chili, la pêche n'est autorisée que des mois de juillet à
décembre, la fermeture cette année est fixée au 9 décembre, il était temps qu'on arrive!
Ce soir, nous dînons à bord de Zingaro, vous connaissez le menu!
Quelques journées de voile, le vent de nord-nord-ouest nous pousse jusqu'au passage Victoria où
là, rien à faire le vent fraîchit de face, le canal est blanc, nous sommes obligés de nous réfugier dans
un petit mouillage où se trouve déjà amarré un petit bateau de pêche avec 2 marins à bord, la
cheminée fume, ils sont sur le pont, prennent des photos de nos 2 bateaux et nous proposent quoi
??? des centollas! Ah quel régime! Mais on ne s'en plaint pas, ce sont sans doute les dernières....
Nouvel après-midi de cuisson et de décorticage.
Le matin suivant, le vent s'est calmé, la mer aussi et nous reprenons notre route sous la pluie mais
le vent pousse.
On nous annonce du vent fort pour les jours à venir et nous décidons de trouver un endroit plus
près de Magellan et nous voilà installés depuis 2 jours dans le jo li mouillage de Teokita, à la porte
du détroit de Magellan, en attente d'une météo plus favorable, mais vous devez commencer à
connaître le refrain.
Installés est bien le mot, Zingaro à couple de Jason comme souvent depuis notre départ de Puerto
Montt, chacun avec son ancre mouillée, amarré aux arbres derrière et sur les côtés, 6 amarres en
tout, ce n'est pas bon signe, ça souffle fort et nous ne naviguerons pas aujourd'hui!
Tous les mouillages sont magnifiques mais le débarquement à terre est presque toujours rendu
impossible tant la végétation est touffue, détrempée.
Malgré tout, à la faveur de ce qui nous semble une éclaircie, nous tentons une petite marche, mais
tout est glissant, nous nous enfonçons parfois jusqu'à mi-mollet dans les mousses gorgées d'eau et
il recommence à pleuvoir, encore et encore.
Il ne reste plus qu'à se mettre au chaud et lire, faire de la musique et cuisiner.
Je fais mon premier pain avec le levain que Catherine a fabriqué mais il fait froid, la levée est
difficile et le terme de pavé serait plus adapté.
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« Hola!! », que se passe-t-il ? Un petit bateau de pêche bleu est arrivé et s'est amarré à l'une de nos
aussières. Avec le sifflement dans les haubans, le clapotis sur les coques, nous n'avons rien entendu!
Ce sont des pêcheurs de centollas qui ont terminé leur saison et nous proposent des centollas en
conserve! Allez, nous sortons les bières, le vin rouge, le menu est fait pour ce soir.
Puis ils repartent retrouver d'autres bateaux à l'abri dans une autre baie.
Finalement le 11 décembre, nous quittons notre abri et nous voilà de nouveau dans le Détroit de
Magellan si impressionnant, si majestueux avec ses grandes montagnes.
Merveilleux passage dans le paso Tortuoso, le long de l'île Carlos III où se situe le Parc Marin
Francisco Coloane, haut lieu d'observation des baleines à bosse qui nous offrent une démonstration
de sauts impressionnants.
La faune est nombreuse, beaucoup d'oiseaux, de manchots qui nagent le long du bateau. Belle
journée dans le détroit, ce sera la dernière, car demain nous emprunterons le petit canal
Acwalisnan pour rejoindre le canal Cockburn et la Terre de Feu.
Très belle navigation à la voile dans ce petit canal, avec vent et courant favorable, nous avons battu
des records de vitesse.
Sur les berges, basses pour une fois, une multitude de canards vapeur et d'oies de Magellan avec
leurs poussins, en file, se dandinent, puis retournent nager suivant un manège incessant.
Une nouvelle et sérieuse chute du baromètre nous incite, encore une fois, à trouver un abri sûr pour
passer la nuit et éventuellement la journée du lendemain, nous choisissons de nous installer dans la
caleta Cluedo.
C'est un petit bassin rond avec très peu d'eau, les berges sont en herbe, un petit cours d'eau se
déverse dans le fond, les canards vapeur et les oies de Magellan sont bien à l'abri ici avec leur
progéniture, c'est très beau, paisible malgré le vent qui souffle à l'extérieur, les photographes ont
passé beaucoup de temps à l'affût!
Encore des journées de vent fort, de pluie persistante, de visibilité réduite et le 19 décembre le
canal Beagle s'ouvre devant nous.
Cette fois, nous allons emprunter le bras sud-ouest dans l'intention d'aller voir les glaciers de
l'estero Coloane.
Après un début de journée plutôt maussade, ponctué de nombreux grains, le soleil est de la partie
lorsque nous entrons dans ce grand fjord surplombé de plusieurs glaciers.
Nous y retrouvons un autre bateau français arrivé la veille.
Nous profitons de ce beau temps et décidons de rester une journée ce qui nous permet d'aller
marcher un peu.
Nous commençons aussi à penser au 24 décembre que nous passerons à la caleta Victor Jara.

Dimanche 25 décembre 2016


Départ à 8 heures ce matin, ciel nuageux mais avec de belles trouées de bleu, nous sortons de la
caleta Victor Jara, du nom de ce chanteur chilien militant de gauche, torturé et assassiné par les
militaires quelques jours après le coup d'état de 1973.
Ce sont les auteurs italiens du guide nautique des canaux de Patagonie qui ont nommé ce très joli
mouillage ainsi, dans le guide chilien il s'appelle Matsu.....
Il a neigé à mi-pente et le canal Beagle est somptueux ce matin. Il restera, définitivement et malgré
ses sautes d'humeur, mon préféré.
Zingaro roule doucement bord sur bord, sous génois seul, le vent d'ouest modé ré (10-15 nœuds)
nous pousse tranquillement vers Puerto Williams, notre ultime escale chilienne, devant nous,
comme tous les jours depuis 47 jours, Jason et son équipage, fidèles et délicieux compagnons de
voyage.
Nous longeons la rive sud du canal, la rive nord est argentine et d'ailleurs nous croisons une
vedette de l'Armada chilienne qui, pensons-nous, navigue sur la frontière.
Sur l'autre rive, sortant du port d'Ushuaia, Europa, un vieux gréement hollandais, fait route vers
l'est, sous voiles.
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Nous retrouvons Puerto Williams quitté en janvier 2015 et avec Catherine et Marc, nous fêtons nos
47 jours de « collaboration »!
Beaucoup de choses ont changé ici, peut-être vous souvenez-vous que c'est le Micalvi, vieux bateau
de transport, propriété de l'Armada qui fait office de ponton, de bar, de lieu convivial où se
retrouvaient les équipages.
Malheureusement, il faut parler au passé de cette époque bénie puisque le nouveau capitaine du
port a décidé de mettre de l'ordre et d'appliquer le règlement à la lettre.
Nous pouvons toujours nous amarrer mais, plus de bar, donc finies les chaudes soirées autour du
poêle, la pièce commune, autrefois le carré, n’est plus ouverte qu’aux heures de bureau.
Si on ajoute à ce triste tableau la présence de gros bateaux charters qui ont l'air plus ou moins
désarmé ou qui sont juste occupés par un équipage réduit et qu'on semble déranger, nous n'avons
aucune envie de trainer ici.
Le temps de dîner chez Pati, de revisiter le petit musée, nous faisons les formalités de sortie et le 28
décembre à 4h du matin, nous mettons le cap sur Ushuaia où dans les jours qui viennent nous
allons préparer la suite du voyage.

Chronique pacifique – Nicolas


(Sommes-nous toujours dans le Pacifique ? la question peut se poser. Nous sommes à Ushuaïa, sur
le canal de Beagle, qui relie l’Atlantique par le détroit de Lemaire, au Pacifique par
La limite entre l’Atlantique et le Pacifique ? Le méridien qui passe par le Cap Horn vers
l’Antarctique. Nous sommes plus proches de quelques milles du Pacifique que de l’Atlantique. Ce
sera donc la dernière chronique Pacifique)

Yerko

Zingaro est sur le patio, le grand terre-plein de la marina où les bateaux sont mis au sec pour
l’hivernage ou les réparations, nez-à-nez, ou balcon à balcon, avec son grand frère Jason. Sur son
bâbord, Safari, un peu plus loin près des arbres Octopus Mojo, et à l’autre extrémité Houba. Nous
vivons à 3 mètres de hauteur ce qui n’est pas sans présenter quelques inconvénients (je vous laisse
deviner lesquels). Un soir, j’entends les voix de deux hommes qui se promènent au milieu des
bateaux et s’arrêtent devant Safari, puis à l’arrière de Zingaro. Du haut de mon perchoir, j’aperçois
une casquette blanche, un uniforme bleu marine et quelques galons dorés : les signes distinctifs
incontestables d’un homme de l’Armada, la Marine chilienne. Je descends saluer, enfin dire buenas
tardes. Notre homme, aimable, enjoué, rieur, me répond dans un excellent anglais. Il n’est pas
question de contrôle, mais de bateaux, de voyage, de la France. Il est venu en formation à Marseille
et à Brest pour un stage sur la pollution par les hydrocarbures. Il me raconte que pendant son
séjour à Brest il est allé rendre visite à une navigatrice qu’il avait connu quand il était capitaine du
port de Puerto Natales (Sud de la Patagonie chilienne, entre le Golfe des Peines et le Détroit de
Magellan). Cette femme était venue en voilier de France à Ushuaïa puis avait remonté les canaux
jusqu’à Puerto Natales, en hiver. Il lui avait déconseillé de s’engager plus avant dans les canaux, car
en hiver, elle risquait d’être prise dans les glaces. Mais notre navigatrice n’écouta pas ses conseils,
s’engagea dans un mouillage un peu plus au Nord de Puerto Natales et … se retrouva prise dans les
glaces ! Elle demande de l’aide à l’Armada, et le capitaine du port, pas rancunier et en homme de
devoir, lui envoie un bateau et un équipage de marins pour la dégager. Mais le bateau n’est pas un
brise-glace et les marins doivent casser la glace à coup de hache pour libérer le voilier et lui
permettre de retrouver des eaux navigables. Notre navigatrice, très reconnaissante, l’invite, s’il
vient en France, à venir la voir en Bretagne où elle habite à proximité de Brest. Pendant son séjour à
Brest, le capitaine prend le train et quelques stations plus loin, il est accueilli par la navigatrice qui
le conduit à son manoir où il passe la nuit. Ils s’étaient promis de se revoir en Patagonie où la
navigatrice devait lui dédicacer le livre qu’elle écrivait sur son aventure. Quelques années plus tard,
elle revient à Puerto Williams (Sud Chili) mais elle décèdera à terre d’une crise cardiaque. Le
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capitaine n’a pas eu son livre dédicacé. Le capitaine ne se souvient pas du nom de la navigatrice
mais le voilier devait s’appeler SKUILO. C’est une belle histoire.
Le capitaine n’a pas le temps de prendre un verre, mais il promet de repasser nous voir avant notre
départ.
Quelques jours plus tard, alors que Zingaro et Jason sont à l’eau, je vois notre marin parler avec un
des associés du Club Nautique. Je l’invite à bord et je demande à M et C de nous rejoindre, car il est
toujours intéressant d’avoir des connaissances dans l’Armada, surtout avec des galons. L’histoire
est racontée à nouveau, et M nous donne les clés qui manquaient, les recherches sur Internet
s’étant révélées infructueuses. La navigatrice s’appelle Nicole Van de Kerchove et son voilier
Esquilo. Notre marin s’appelle Yerko Cattarinich, il est capitaine de Frégate et capitaine du Port de
Puerto Montt … Il nous laisse son n° de téléphone, son adresse mail. Si vous avez besoin de quoi que
ce soit, n’hésitez pas à m’appeler !
Nicole Van de Kerchove. Vous la connaissez peut-être. En 1995, elle a réussi l’exploit de traverser
l’Atlantique seule sur un petit dériveur de 7 mètres, sans mât, sans assistance et sans moyen de
communication, tiré seulement par un cerf-volant, pour prouver que dans un radeau de survie, à la
suite d’un naufrage, il était possible de s’aider d’un cerf-volant pour rejoindre la terre ou une route
maritime et trouver du secours, plutôt que de dériver au gré des vents et des courants. 28 jours
pour faire Ténérife (Canaries) – La Désirade. La Patagonie, ce sera en 2001 et 2002, sur Esquilo, un
voilier en acier de 9 mètres construit en 1968, armé et aménagé avec les conseils de Bernard
Moitessier et Loïck Fougeron, sur lequel Nicole Van de Kerchove a fait le tour du monde pendant 7
ans.
Juillet 2002, Esquilo est au mouillage à Puerto Consuelo à 8 miles au Nord de Puerto natales.

« Chaque matin en me levant j’entends les « cric » et le « crac » d’une fine couche de glace lorsque le
bateau remue, sous mon poids… Le thermomètre continue à baisser. Moins treize maintenant. La
glace fait cinq centimètres d’épaisseur. Ce n’est pas assez pour marcher dessus et trop pour la
casser avec le dinghy… La carte me permet de mesurer deux milles entre le bateau et l’eau libre. Si
je dois attendre le dégel, c’est à partir d’octobre ! … Le soir des lueurs de phares m’attirent dehors.
C’est le Port Captain [Yerko] que je vois et entends parler très fort dans sa VHF : « Esquilo, Esquilo,
this is the port captain, do you read me ? » Moi, qui le regarde de l’avant du bateau : « Yes, je vous
entends très bien ! ». .. C’est drôlement gentil de sa part d’être venu. Mais « Don’t worry, no
problem ! » (c’est sa phrase préférée) Il me parle du brise-glace qui pourra selon lui faire un chemin
entre l’eau libre et la ferme des Eberhard. Quant à son équipe, elle reviendra bientôt pour faire
casser la partie entre là où nous sommes et la ferme… Notre équipe de marins armés de pics, de
barres et de pioches, arrive le lendemain, à pied sur la glace solide comme du béton, mais les gilets
de sauvetage réglementaires autour du cou. Nous nous mettons au travail. Une « route » de la
largeur de l’Esquilo est découpée dans la glace, à la hache. En même temps, les piocheurs font des
trous en pointillés au milieu mais aussi perpendiculairement au chemin découpé, ce qui trace de
vastes plaques plus ou moins carrées que les pilonneurs attaquent… Ni l’Esquilo, ni moi n’étions en
péril, je n’ai rien demandé, et pourtant toute cette joyeuse équipe pousse, tire, tape … se donne un
mal de chien pour nous sortir de là … et nous progressons tant et si bien que, trois jours plus tard,
nous avons atteint la terre ferme. Nous creusons un joli virage à gauche pour amener l’Esquilo
derrière une pointe de terre et terminons par la découpe d’un « port » dans lequel le bateau flotte.
Des pneus le protègent du « quai » en glace. C’est là que l’armada se retire, en nous promettant que
le brise-glace devrait arriver sous peu (Je finirai par apprendre, bien plus tard, qu’il s’agit d’un
bateau de pêche en acier, bien motorisé, mais immobilisé au sec jusqu’à la prochaine grande
marée). »
Autre chose : voyage en Patagonie - Nicole van de Kerchove – Soleil de Poche Editions 2008

C’est finalement avec l’aide de Hermann, Yvan, ses amis à terre, et Stéphane, son équipier, que
Nicole Van de Kerchove découpera à la hache la « route » jusqu’à l’eau libre : « nous poussons des
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hurlements de Sioux, nos haches au bout des mains, et pour ma part des larmes qui peuvent être de
froid, de fatigue ou d’émotion, et à mon avis des trois à la fois … L’Esquilo écarte tout seul les
derniers mètres de fine glace. L’ancre est posée à côté de l’Ile Kruger pour finir la nuit, moins
merveilleuse qu’espérée. Mes bras se vengent avec des élancements douloureux. Libres, nous
sommes libres ! »
« En Tierra da Magallanes, c’est comme ça, on a l’habitude. Quand quelqu’un a un problème, on
l’aide » dit Hermann.

Yerko Cattarinich, le prénom et le nom sont inhabituels, mais vous pouvez les retrouver dans la LZ
n° 21 (Brèves de coursives – Vava II). Le super yacht Vava II de Bertarelli se trouve en rade de
Puerto Montt et le capitaine de port refuse l’accostage au quai du chantier Oxxean car le bateau est
trop long. « La loi c’est la loi » déclare le Capitaine de Port Yerko Cattarinich, et si le bateau ne
remplit pas les conditions pour accoster, il n’accoste pas.
Sacré Yerko ! Il refuse l’accès au port du bateau de 93 mètres d’un milliardaire italien, mais donne
un sérieux coup de main à une navigatrice française et son voilier de 9 mètres !
Nous avons passé plus de trois mois à Puerto Montt, et ce n’est malheureusement que quelques
heures avant notre départ que nous faisons connaissance avec quelq u’un qui connaît et aime la
France. Il aime tout particulièrement deux choses en France : non, pas le vin, parce que le meilleur
vin du monde il est chilien, ça ne se discute pas ... Mais les fromages, les merveilleux fromages de
France. Et la deuxième chose ? Il me souffle en riant : « les femmes ! »
Voilà pourquoi, cet homme d’honneur a aidé Nicole et laissé tomber Kirsty !
Son cosas de Patagonia …

[Si les voyages de Nicole Van de Kerchove vous intéressent, vous pouvez la retrouver sur la Toile
https://youtu.be/gGcrbsxr0KE et https://youtu.be/gJv8usxvzZo, Vous ne serez pas déçus.]

Rubrique gastronomique

Centollas

« Et voici le maestro qui, après une longue absence de quelques minutes, revient portant une
centolla, 70 centimètres d’envergure. Il lui brise les pattes, me fait apprécier qu’elle est encore
vivante, c’est le Bosselé qui l’a eue sur un hameçon de palangre de fond, fourre tout dans une
marmite, appuie dessus avec la semelle, remplit d’eau, coupe un bout de blue jean qui trainait par
terre pour faire un couvercle, et à cuire !
C’était la recette de la centolla à la Lorka. Avec semblable brio nous nous sommes goinfrés, on te l’a
expédiée c’est le moins que l’on puisse dire, Lorka debout avec la pince à toute allure écrasait la
carapace, jetait la chair sur la table entre nous, on eût dit qu’il y avait urgence, on ingurgitait à un
rythme effréné, jetant les débris sur le plancher, c’est la première fois que j’en mange. Je suis
rassasiée, c’est une nourriture succulente, abondante. Mais Lorka prépare à présent un estofado :
oignon, poivron, viande, eau, cumin puis patates. »
Karin Huet – Un périple en Patagonie – Editions La Part Commune 2010 p 443
[Lorka est pêcheur, à Puerto Gaviota. C’est Le grand marin, en Patagonie. Si vous avez aimé le livre
de Catherine Poulain (Ed de l’Olivier 2016), vous aimerez le livre de Karin Huet. Il est plus difficile à
trouver, mais en cherchant bien sur la Toile …] (voir aussi LZ n° 22)

Pisco sour

Le pisco sour est au Chili ce que la Caïpirinha est au Brésil, le Mojito à Cuba ou le Flip à Kerharo en
Kloar Karnoët. Indispensable et culturel. La recette classique du Pisco sour : trois mesures de pisco,
une mesure de sirop de sucre de canne, une mesure de jus de citron ver t (et encore mieux de Limon
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de Pica, de tout petits citrons verts ronds comme des billes), un blanc d’œuf, le tout passé au shaker
avec des glaçons. Le pisco est un alcool provenant de la distillation de cépages particuliers de raisin
et au Chili on ne rigole pas avec le pisco, c’est une question de patriotisme, comme le pavillon
national.
Un présentateur de journal télévisé chilien en a fait récemment les frais : interviewant un
producteur de pisco péruvien, le Pérou étant le deuxième producteur de pisco , le journaliste a eu le
malheur de parler de « pisco peruano », pisco péruvien, ce qui a provoqué un tollé de la part de
l’association des producteurs de pisco chiliens qui a obtenu la tête du pauvre journaliste, licencié
pour « perte de confiance », car c’est une évidence, le pisco est chilien.
On serait en droit de se poser la question, car la ville de Pisco est … au Pérou, et un testament daté
du 30 avril 1613, enregistré devant le notaire Francisco Nieto à Ica au Pérou fait état de trente
cuves et d’un tonneau remplis d’aguardiente (eau de vie).
Mais l’eau de vie, c’est de l’eau de vie, le pisco du pisco ! C’est comme si quelqu’un osait dire que le
lagout chistr de Kerharo en Kloar Karnoët ce n’était que de l’eau de vie ! Enfer et damnation, pendu
haut et court qu’il serait ! Alors c’est vraiment pour la forme que les historiens chiliens ont prouvé
qu’une étiquette chilienne portant le nom Pisco datait de 1882 alors que la première étiqu ette
péruvienne ne datait que de 1922. C’est donc indiscutable le pisco est chilien, le Chili en produit 36
millions de litres et la consommation par habitant est de 2,3 litres par an. (Ce qui fait combien de
Pisco sour, sachant que ce dernier est composé de trois cinquième de pisco ?) Tant et si bien que le
Chili doit importer du pisco … du Pérou, mais au Chili il n’a pas le droit de s’appeler pisco !

Et le flip de Kerharo en Kloar Karnoët, vous connaissez ? La recette de G : on fait chauffer lentement
du cidre (de Kloar Karnoët bien sûr, du Pouldu ou de Doëlan) dans une grosse gamelle (parce qu’il y
a beaucoup de monde, après un fest noz par exemple) avec (un peu beaucoup) de sucre. Quand c’est
bien chaud, on sert dans un verre et on ajoute une (bonne) dose de lagout chistr, la bouteille de
derrière les fagots. On y revient, l’hiver ça fait chaud au cœur avant d’affronter les frimas du retour.
Certaines et certains s’en souviennent encore.

Allez, bonne année, « salud ! » « Yech’ mat ! » et surtout la santé !

Chimichurri

En Argentine, ce condiment accompagne traditionnellement toutes les grillades.

Ingrédients :
125 ml d'eau
½ c. à s. de gros sel
½ tête d'ail séparée en gousses pelées
8 c. à s. de persil
8 c. à s. d'origan
1 c. à c. de piment
2 c. à s. de vinaigre de vin
4 c. à s. d'huile d'olive

Faire bouillir l'eau et y faire dissoudre le gros sel, réserver et laisser refroidir cette saumure.
Hacher finement le persil, l'origan, ajouter le piment.
Mélanger avec le vinaigre puis l'huile d'olive et enfin la saumure.
Mettre au frais.
A préparer la veille de l'utilisation, c'est meilleur.
Ce condiment peut se conserver au frais 2 à 3 semaines.
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Météo
Comme vous le savez maintenant, janvier et février sont les deux mois de l’été austral. Comment
sait-on que c’est l’été à Ushuaïa ? Je ne sais pas vraiment. Peut-être parce que Raùl, le chauffeur du
taxi-fletes, m’a raconté que cet hiver, quand il a voulu sortir de chez lui un matin de juillet, il s’est
aperçu qu’il était tombé pendant la nuit un mètre cinquante de neige. Il est resté bloqué chez lui
pendant 4 jours, car il habite dans les hauteurs d’Ushuaïa et que les déneigeuses commencent par le
bas de la ville. Aujourd’hui, il a neigé sur les montagnes, il est tombé quelques flocons sur la ville, et
le vent de sud-ouest a soufflé fort. En route pour aller faire des courses, nous avons subi un grain de
vent et de neige fondante, très froid. Nous avons rebroussé chemin et attendu que la bourrasque
passe. Comme dans les canaux … Les vêtements d’été, c’est plutôt pantalon Sherpa, doudoune, veste
étanche, bonnet et gants que teeshirt et bermuda. Les services de secours ont porté assistance à 12
randonneurs depuis le début de l’été, des chutes avec ou sans fractures, des familles avec enfants
mal équipées ayant perdu leur chemin. Il y a des colonies de vacances pour les enfants des trois
grandes villes de la Province de Terre de Feu, des activités pour les ados, et de la zumba pour tout
le monde. Comme chez nous …

Le moutonnement de toisons cendrées

« Sur le bateau qui m’avait emporté la première fois loin des iles de mon enfance, j’avais entendu un
ex-marin qui, à la vue d’une troupe de nuages défilant dans le ciel comme des fantômes errants,
s’était exclamé : « La Patagonie ! Là-bas, c’est la Patagonie ! » Et il regardait fixement ce coin de
l’horizon qui évoquait un moutonnement de toisons cendrées. »
Le passant du Bout du Monde – Francisco Coloane – Ed Phébus 2000 – p 87

Les doigts frais de la pluie

« J’ai été réveillé par la pluie. J’aime la pluie. Un compagnon muet de plus qui communique avec moi
par un « langage frappé » en tambourinant sur la vitre. Je me demande bien de quoi elle cause …
Peut-être du fait qu’on ne peut pas l’acheter, pour aucun argent au monde. Ou peut-être que c’est
l’esprit du Père Louis qui cogne à la fenêtre avec les doigts frais de la pluie.
Je suis dans ma maison du bord de l’Onega en train d’écouter la pluie qui n’a rien à voir avec la pluie
de la ville : son bruissement, son parfum sont différents. Je lis l’essai « La Pluie et le rhinocéros »
dans lequel Thomas Merton parle de Phyloxenos, un ermite syrien du IVème siècle et de l’autre côté
de la fenêtre, la pluie continue à tomber. »
La Maison du vagabond – Mariusz Wilk – Ed Noir sur Blanc – 2016 - p 26

Brèves de coursives
Une journée ordinaire dans les canaux de Patagonie (suite)

Vous vous êtes sans doute posé la question : mais quand il n’y a plus de bananes ?
Je prends une pomme, les pommes se gardent plus longtemps que les bananes, mais ont moins de
goût, en tout cas pas un vrai goût de pomme de Kloar Karnoët. Je pèle la pomme, j’enlève le trognon
et les pépins, je la coupe en quatre. Je coupe chaque quart en deux, et dans chacun de ces huitièmes
(on est bien d’accord ?) je coupe dix petits morceaux, ce qui fait ? Ce qui fait … quarante petits
morceaux dans chaque bol. Il faut être juste, et précis. On est bien d’accord ?

Et quand il n’y a plus de bananes, ni de pommes ?


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C’est un peu un soulagement, car les pommes ce n’est pas terrible … mais ce sont des vitamines,
n’est-ce pas docteur ? Et ma grand-mère anglaise disait: “an apple a day, keeps the doctor away!” ce
qui peut se traduire approximativement par : « une pomme chaque matin garde le docteur au
loin ! ». C’est quand même très ennuyeux car nos plus proches voisins, compagnons de voyage et
amis sont … tous les deux docteurs. Alors je suis bien content quand il n’y a plus de pommes et que
c’est le tour des raisins, secs, jaunes ou noirs, dont je mets deux cuillères à soupe dans chaque bol,
et je retrouve mes amis, qui heureusement ne se sont pas trop éloignés.

En examinant avec attention mes faits et gestes pour la rédaction de cette brève, j’ai pu, grâce à
vous, faire des progrès dans la préparation du petit déjeuner.
J’avais oublié de préciser que les tasses prises dans le placard sont froides, 9 à 10 ° parfois, la
température ambiante, et que les tasses ne sont pas des tasses mais des mugs, c’est-à-dire des
récipients cylindriques munis d’une anse.
Bernard Moitessier évoque sa moque :
Quand je suis vraiment sérieux, j’en profite pour me préparer une moque d’Ovomaltine et croquer un
biscuit. Quand je suis moins sérieux, c’est un petit café bouillant et une deuxième cigarette.
La Longue Route, Bernard Moitessier Ed Arthaud 1971 p 97.
Je réchauffe donc les mugs avec de l’eau chaude de la bouilloire car je n’aime pas le thé tiède. Et
figurez-vous que je me suis aperçu qu’avec deux mugs d’eau chaude, j’arrive au niveau du 2ème trait
du récipient brésilien, ce qui est un sacré progrès puisque je réchauffe un mug, je verse l’eau dans le
récipient brésilien, je réchauffe l’autre mug, je verse l’eau dans le récipient, et j’ai juste la bonne
quantité d’eau pour faire le lait.

Ne vous moquez pas s’il vous plaît !

Une journée ordinaire à Ushuaïa

Vous qui êtes à terre, vous devez vous dire : « Quelle chance ! Ils doivent en voir de belles choses,
ces étonnants voyageurs ! ». Oui, bien sûr, mais encore faut-il avoir le temps de les voir, ces belles
choses, car il y a des priorités : le bateau avant les visites touristiques. Les formalités, les courses,
les réparations, l’entretien …
Tenez, par exemple, le gaz. Combien de temps vous faut-il pour changer une bouteille de gaz vide ?
A Kloar, montre en main, cinq minutes pour aller au bourg à la quincaillerie d’YJ, cinq minutes de
blabla pour acheter la bouteille, et cinq minutes retour. Bien sûr, il y a toujours le risque (la
chance !) de rencontrer une bonne connaissance, de faire un tour au bistrot chez Eric et Léna pour
boire un café. Allez, en comptant large une demi-heure.
A Puerto Montt au Chili, c’était encore plus simple : je posais les bouteilles vides en haut de la
passerelle et je les récupérais pleines quelques heures plus tard. Moins de cinq minutes ! Et ce quel
que soit le type de bouteilles : Camping gaz, Cube, bouteilles chiliennes ou exotiques …
A Ushuaia, nous sommes partis hier matin (lundi 9 janvier) de bonne humeur, R et M avec leurs
cinq bouteilles de camping gaz et moi avec mon cube, avec tous les petits raccords et adaptateurs
qui vont bien pour aider au remplissage. Taxi pour aller chez Sartini, dans la zone industrielle le
seul endroit où il est possible de recharger les bouteilles. Refus : « nous n’avons plus d’embout pour
recharger les bouteilles bleues, il est cassé ! – mais nous avons amené des raccords qui vont bien,
toutes les bouteilles ont été rechargées ici l’année dernière ! – oui, mais c’était l’année dernière,
cette année ce n’est pas possible ! » Arrivée d’un autre technicien : « c’est peut-être possible avec
votre embout, mais il ne va pas bien parce que le robinet est à l’arrière ! – mais j’ai un embout à
bord avec le robinet sur le dessus, dit M, on retourne à bord le chercher et on revient – d’accord.
Pour le cube c’est bon avec votre embout ». Retour au bateau en taxi, démontage de l’embout,
retour chez Sartini. Mon cube n’a pas été rempli. « Le cube ce n’est pas possible ! Il y a une valve qui
empêche le remplissage. Avec votre embout, pour les bouteilles bleues c’est bon, mais il faut revenir
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à 14 heures ! » Retour en taxi à 14 heures, les bouteilles bleues ont été remplies mais avec un autre
embout que le nôtre, qu’un autre technicien nous montre sur son téléphone. Notre aller-retour en
taxi du matin n’a servi à rien, car en fait ils avaient bien un embout. « Je peux vous acheter des
bouteilles de gaz pour remplacer les cubes ? – Ah non, nous ne vendons pas de bouteilles, il faut
aller en ville dans les ferreterias (quincailleries) ». Retour en ville avec M, nous avons 4 adresses.
Première ferreteria : rien. Deuxième ferreteria : bonne pioche, ils ont 4 bouteilles … mais ils n’ont
pas le détendeur adapté à la bouteille. Troisième ferreteria : Bouteilles ? Oui, mais seulement deux
… « Vous pouvez avoir d’autres bouteilles dans les prochains jours ? – Non, pas avant «trois
semaines » Détendeur adapté ? Non. Mais après avoir fait la queue (il faut prendre un ticket et
attendre son tour), le vendeur déniche toute une série d’embouts et de réducteurs, trois d’un côté,
trois de l’autre, qui devraient faire l’affaire en rajoutant un tuyau entre la bouteille et le d étendeur.
Nous tentons notre chance dans la quatrième ferreteria pour trouver une solution plus simple, mais
non, il n’y a rien qui convient et il n’y a qu’une bouteille de gaz. Nous pensons à une autre solution
et nous revenons à la ferreteria n° 2. Retour au bateau avec deux bouteilles et notre collection
d’embouts, d’écrous réducteurs et le détendeur. Mais les bouteilles sont vendues … vides. Ce matin,
mardi, retour à la ferreteria n° 2 pour acheter les deux bouteilles manquantes.
A 14 heures nous appelons un fletes (taxi-pickup pour transporter les matériaux et les bidons de
gas oil) et nous retournons chez Sartini pour remplir les 4 bouteilles et oh surprise ! Ils acceptent
de nous les remplir « ahorra mismo », sur le champ. Mais nous avons aussi le fletes pour faire le
plein de nos 14 bidons de gas-oil et faire réparer le trou dans la grosse défense boule de R. Mais à la
station-service YPF, pas de gas-oil Euro (prononcer éouro), le gas-oil de qualité qui va bien pour
nos moteurs, les deux camions-citernes sont en route, il y aura du gas-oil éouro après-demain. C’est
sûr ? Si si ! Inutile d’aller dans les autres stations-services, il n’y a que des stations YPF à Ushuaîa …
La défense ? Le deuxième atelier trouvé par notre chauffeur répare les défenses … mais il faut une
colle spéciale et il n’a plus de colle. Quand ? Pas avant 10 jours … Nous revenons avec quatre
bouteilles de gaz pleines, les bidons de gas-oil vides et la défense trouée.
Le tourisme ce sera pour une autre fois …

[Je ne pensais pas devoir écrire une suite, mais voilà ! J’ai mis en service une bouteille de gaz neuve
mardi soir. Mercredi matin, elle était … vide ! La faute aux raccords, aux filetages, au détendeur … Il
faut tout reprendre, et il faudra retourner pour recharger la bouteille. Je reprends aussi
l’adaptateur du Cube et je m’aperçois que la valve qui empêche est formée de trois petits bouts de
plastique que j’enlève avec un tournevis en quelques secondes … Retour ce matin, jeudi, chez
Sartini avec les 2 cubes et la bouteille argentine. « C’est bon, mais nous ne pouvons pas remplir vos
bouteilles maintenant car il y a un camion qui décharge du gaz. Revenez cet après-midi ! »
Pour l’éouro ? Il n’est arrivé qu’hier soir, mercredi avec 24 heures de retard. Nous avons loué une
voiture. Il y avait une grande queue devant les pompes, mais une heure plus tard, nous avions notre
gas oil. Ce matin les pompes sont à nouveau vides …]

Coloane

Francisco Coloane est ce grand écrivain chilien qui a écrit tant de beaux romans, de belles nouvelles
et de livres de souvenirs sur la Patagonie, la Terre de Feu, de Chiloé à l’Antarctique.

Karin Huet (LZ n° 22) a rencontré Coloane au Festival Etonnants Voyageurs de St Malo en 1996.
C’est curieux, nous y étions aussi et nous avons vu Coloane. Peut-être étions nous assis à côté de
Karin Huet ?

« Je me rappelle Coloane, Francisco Coloane, au festival Etonnants Voyageurs. Il était grand, costaud
du poitrail, grand nez, grandes mains, crinière blanche et touffue. Une jeune femme lui donnait le
bras. Est-ce que c’était pour le guider ? Il avait près de quatre-vingt-dix ans … Il parlait en espagnol
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et ne se pliait pas aux pauses nécessaires pour la traduction. C’était un orateur joyeux, enflammé et
content de l’être. Il s’en fichait que la traductrice perde les pédales, que la moitié du public ne
comprenne pas, et tout le monde riait.
Les Bretons sont d’authentiques Patagons ! Regardez-les par la fenêtre, ces gamins, là-dehors, en
train de jouer sur la plage par ce temps ! Ils sont courageux, de vrais marins. Et ça c’est un vrai
temps patagon !
Mai 1996 à Saint Malo »
Karin Huet – Un périple en Patagonie – Editions La Part Commune 2010 p 144

Coloane et le Dresden

Dans son livre de souvenirs, Coloane évoque le navire Dresden dont je vous ai parlé dans la LZ n°
22. Nous avons vu la fille de l’homme qui a entendu le Dresden mouiller à Quehui. Coloane a vu
l’homme qui a aidé le Dresden à se cacher.

« Je me rappelle avoir publié une note dans la revue Zig Zag sur l’aventure du croiseur allemand
Dresden qui s’était caché pendant un mois dans un fjord
Pendant la première guerre mondiale, au cours de la bataille navale des Malouines, où l’escadre de
l’Amiral Von Spee fut vaincue, le croiseur allemand Dresden parvint à s’échapper en se réfugiant
dans les fjords du Détroit. J’ai rencontré à Punta Arenas l’homme qui l’avait aidé à se cacher dans
les entrailles des glaces. C’était un chasseur de phoques très connu, un grand gaillard de plus
d’1m80, barbe blanche, yeux bleus, habillé avec la sobriété des hommes de la marine marchande. Il
était allemand et s’appelait Pagels. Nombre de fourreurs de Santiago lui achetaient des peaux de
loutre ou de phoque. Le Dresden resta caché pendant un mois au creux d’une anse, camouflé sous
des branches de roble. L’équipage fut ravitaillé régulièrement par Pagels qui lui apportait de la
nourriture à bord de son petit cotre ancré à Punta Arenas. Puis le croiseur tenta de gagner le
Pacifique mais se retrouva en pleine mer à court de bois et de charbon. Il put néanmoins atteindre
l’île de Juan Fernandez en brûlant le bois des couchettes et des meubles. C’est là qu’il fut rejoint par
les croiseurs britanniques Glasgow et Bristol qui coulèrent leur ennemi rusé, mais épuisé par son
périple. »
Le passant du Bout du Monde – Francisco Coloane – Ed Phébus 2000 – p 116

Le Dresden et la Terre de Feu

Dominique Legoupil, chercheuse au CNRS et directrice de la Mission Archéologique française en


Patagonie, spécialiste des indiens nomades de Patagonie et de Terre de Feu , a découvert
récemment un film documentaire tourné en 1925 par Paul Castelnau et Joseph Mandement intitulé
« La Terre de Feu ». C’est un film muet qui retrace la vie des indiens Alakalufs et Yamanas du détroit
de Magellan au Cap Horn. Ce film qui a été présenté par Dominique Legoupil aux Journé es
d’archéologie de la Patagonie de Coyaique (Chili) en 2014 n’est malheureusement pas disponible.

Mais elle raconte que Castelnau avait affrété un bateau à Punta Arenas, le Jupiter, et r ecruté un
pilote, Albert Pagels … ce même Pagels qui avait aidé le Dresden à échapper aux croiseurs
britanniques. Une reconversion intéressante …

Patagonie : ils retrouvent la trace des peuples « disparus » Christina L’Homme Blog Alma Latina
7/10/2014
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Nolan

Le vent était à l’ouest


Le ciel un peu gris
Ce matin de janvier
Premier jour de l’année

Jamais je n’avais imaginé


Que la nouvelle de ton arrivée
Au monde, nous serait parvenue ici
Au fin fond de la Patagonie

Je vois tes petits poings serrés


Sur des secrets bien gardés
Tes grands yeux noirs ouverts
Découvrant l’univers

Si je pouvais te toucher
J’effleurerais d’un doigt léger
Ta joue, ta peau si douce
Ta main, tes doigts, ton pouce

Un oiseau est entré dans la pièce où je suis


J’ai pensé que c’était toi et je l’ai pris
Dans mes mains, si doucement, si légèrement
Il a pris son envol, comme toi, petit Nolan

Le vent est à l’ouest


Le ciel un peu gris
Ce matin de janvier
Ushuaïa, Patagonie

Ephémérides
Depuis notre dernière lettre, nous avons pensé à vous tous les jours, et en particulier le :

- le 3 décembre pour l’anniversaire de S


- le 8 décembre pour l’anniversaire de B
- le 21 décembre pour l’anniversaire de S
- les 24 et 25 décembre pour les froissements des papiers et l‘impatience des enfants
- le 1er janvier pour les premières heures de cette nouvelle année
- avec une pensée toute particulière pour A, T et le petit Nolan, né à 8h55 (locales) à Tulle,
2kg750 de plus sur la Terre, j’ai ressenti comme un léger basculement. C’est le premier bébé
né à Tulle en 2017. Le premier bébé de Terre de Feu est né à 14 h à la maternité de Rio
Grande, 3kg200, c’est une petite fille qui se prénomme Fiorella

Et pour finir,
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21 décembre 2016 – Estero Fouque

21 décembre 2016 – Estero Fouque


(photo de C sur Jason)
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Et de vieux vœux pour une année neuve

12 janvier 2017, chers amis, recevez nos meilleurs souhaits pour 2017

(cette carte postale de 1903, représente les derniers indiens Yamana (ou Yagan) vivant sur l’Ile
Bertrand à quelques milles d’ici, au sud du canal Beagle. Les missionnaires anglicans les ont habillés
avec des vêtements européens, ce qui causera leur perte, car les vêtements retiennent l’humidité,
alors qu’ils s’étaient habitués depuis plus de 6 000 ans, à vivre presque nus : un feu sèche la peau
mais ne sèche pas les vêtements, et les vêtements humides développent des maladies contre
lesquelles ils n’ont aucune protection immunitaire. Derrière, on aperçoit leur habitat traditionnel,
une grande cabane, recouverte de peaux)

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