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Le poivre de Kampot
joyau oublié du Cambodge
Sous le protectorat français, sa renommée était mondiale. Il avait
presque disparu en raison de l'histoire mouvementée de son pays
d'origine. Mais, depuis quelques années, le poivre parfumé retrouve
peu à peu son statut de produit d'exception.
reportage Barbara Delbrouck
I
Il sont deux, Jérôme Benezech et Angela Vestergaard, me le meilleur du monde. Mais cette expansion fut
des expats amoureux de ce pays de rizières à perte stoppée net par la guerre et surtout par la prise de
de vue, à s'être lancés dans une improbable aventure pouvoir des Khmers Rouges de 1975 à 1979, qui dé-
avec les fermiers locaux: redonner au poivre son sta- truisirent la quasi-totalité des plantations. À la chu-
tut d'antan. Nichée entre l'ancienne station balnéai- te du régime, Ngoun Lay, un fermier producteur,
re de Kep et la jungle luxuriante du parc naturel du revient dans sa région natale et décide de relancer
mont Bokor, la région de Kampot a de quoi séduire la production avec les quelques plants ayant survé-
le visiteur. Chef lieu d'une province côtière au Sud- cu. «Ma famille fait pousser du poivre depuis quatre
Ouest du Cambodge, cet ancien port connut son heu- générations. J'étais le seul à avoir la connaissance
re de gloire au temps de l'Indochine française. Avec la suffisante pour reprendre la production», raconte-t-
guerre civile, la région est tombée en désuétude avant il. En 2006, sa production est à nouveau en danger.
de devenir l'un des derniers bastions de la résistance Cette fois, ce sont les producteurs eux-mêmes qui
khmer rouge. Aujourd'hui, elle se relève grâce à son commencent à arracher leurs plants. Depuis 2001,
potentiel touristique et son trésor gastronomique, un le cours du poivre ne cesse de chuter et les fermiers
poivre aux saveurs incomparables. se voient contraints de vendre leur épice à un dol-
lar le kilo alors qu'ils en obtenaient six auparavant.
Une tradition en sursis Soit à peine de quoi couvrir les coûts de produc-
Joyau de la région, cette épice parfumée est culti- tion. Entendant cela, un petit groupe d'expatriés
vée depuis des générations par les fermiers de installés à Kampot ne peut s'empêcher d'intervenir.
Kampot. Une pratique ancestrale introduite par les «On leur a demandé ce que l'on pouvait faire pour
Chinois au XIIIe siècle et développée sous les Fran- les aider», explique Jérôme. De là est né le projet
çais. Au début du XXe siècle, le Cambodge expor- Farmlink, la société lancée un an plus tard par Jé-
tait 8.000 tonnes de ce poivre, réputé alors com- rôme et Angela.
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