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34 COMMENT ÇA MARCHE ?

La fixation de l’azote de l’air


par les plantes
Une symbiose bactérie/plante
Certaines plantes, comme les protéagineux (pois, féverole, lupin), la luzerne, le soja, les
légumes secs (lentille, pois chiche), appartenant à la famille des légumineuses, sont
capables de fixer l’azote de l’air pour compléter ou suppléer l’absorption racinaire
d’azote minéral.

L
es seuls organismes vi- elle bénéficie de l’azote minéral as-
vants capables de fixer similable produit par le Rhizobium
l’azote atmosphérique à partir de l’azote de l’air. Ainsi, les
sont des bactéries du légumineuses sont autonomes en bactéries émettent des « facteurs de
genre Rhizobium, pré- azote et n’ont pas besoin d’engrais nodulation ». Sous leur action, les
sentes naturellement dans le sol. minéral pour leur croissance. poils absorbants des racines chan-
Elles possèdent une enzyme, la Cette activité symbiotique s’opère gent leur direction de croissance et
nitrogénase, qui convertit le dia- dans les nodosités. Ces petites forment une structure en crosse de
zote de l’air en ammoniac, forme boursouflures se forment sur les berger, qui enferme les Rhizobium.
assimilable par les plantes : racines des légumineuses, sous Les bactéries peuvent alors péné-
N2 + 3 H2 Æ 2 NH3 l’action des Rhizobium. trer à l’intérieur des racines grâce
Dans les procédés industriels, L’activité fixatrice dépend de la à un cordon d’infection.
cette réaction chimique demande biomasse des nodo-
une énergie importante (450°C et
400 bars de pression).
sités et se visualise
par une couleur ro-
Le Rhizobium en symbiose
Les bactéries sée des nodules ac- convertit l’azote atmosphérique
provoquent la tifs. En pois, après (N2) en azote ammoniacal (NH3),
formation de Une association l’apparition des pre-
précurseur des acides aminés
nodosités sur les symbiotique mières nodosités, la
nécessaires pour constituer les
racines en pénétrant quantité de nodo-
par les poils La capacité qu’ont les légumineu- sités augmente très protéines des plantes.
racinaires. ses à fixer l’azote atmosphérique rapidement pour
est donc le fruit d’une association atteindre un maximum au début Au même moment, la racine ré-
symbiotique entre la plante et le de la floraison. Puis, en général, le pond à l’infection par une division
Rhizobium. Dans cette relation ga- nombre de nodosités stagne plus cellulaire (apparition d’un méristè-
gnant/gagnant, chaque partenaire ou moins jusqu’à 3 semaines après me nodulaire) qui conduit à la fu-
apporte à l’autre les moyens de fin floraison, avant de chuter forte- sion entre les vésicules contenant
se développer. La plante fournit ment en fin de cycle. les bactéries et le cortex racinaire :
les sucres et l’énergie issus de une nodosité apparaît.
la photosynthèse au Rhizobium. La nodosité poursuit sa croissance,
En contrepartie, Un dialogue plante/ un tissu conducteur se développe
bactérie précède la et la relie au xylème et au phloè-
me : les échanges de matières peu-
formation
vent commencer entre les deux
des nodosités « associés ».
La formation des no- Un pH trop bas, une carence de
dules racinaires met soufre, la présence de bactériopha-
en jeu un dialogue ges empêchent le développement
moléculaire complexe du Rhizobium. Les contraintes bio-
entre la plante-hôte et tiques (maladies ou adventices) et
les rhyzobiacées. abiotiques (basses ou hautes tem-
Les racines sécrètent divers pératures, stress hydrique ou excès
composés, comme les flavo- d’eau) que subit la plante influent
nes, qui attirent les Rhizobium aussi sur l’efficacité de la fixation
du voisinage. En réponse, les symbiotique.
© N. Cornec

PERSPECTIVES AGRICOLES - N°358 - JUILLET-AOÛT 2009


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La symbiose, une des six


interdépendances biologiques
La symbiose désigne la relation durable et réciproquement bénéfique
qu’exploitent deux espèces. Elle peut être obligatoire pour la survie et le
développement de chacune des espèces, ou non obligatoire. Dans ce dernier
cas, on parle de mutualisme : les deux espèces peuvent être autonomes,
mais améliorent leurs conditions de vie si elles s’associent. Le lichen est une
La distribution symbiose obligatoire entre une algue et un champignon.
des nodosités Il existe d’autres types d’interaction biologique entre espèces (tableau). La plus
sur les racines répandue en agriculture est le parasitisme : l’une des espèces vit aux dépens
n’est pas régulière. de l’espèce-hôte. Les champignons sont des parasites des cultures.
Elles sont
Deux sources d’azote De leur côté, les adventices ne sont pas vraiment des parasites car elles
majoritairement
complémentaires situées dans la
n’ont pas besoin des cultures pour se développer. Elles entretiennent une
partie supérieure du relation de type « amensalisme » avec les plantes cultivées : l’espèce qui
La nutrition azotée des légumi- couvre vite le sol empêche l’autre de se développer faute de lumière.
système racinaire,
neuses repose à la fois sur l’assi-
près du pivot. Dans le règne animal, on peut trouver des relations dans lesquelles une seule
milation de l’azote du sol par les
racines et sur la fixation de l’azote espèce profite de l’autre sans lui nuire. On parle de commensalisme.
de l’air. Lorsque l’azote minéral est Le poisson rémora profite des restes de nourriture de la raie manta.
disponible, l’assimilation racinaire On peut rencontrer des relations de compétition, au sens écologique : les deux
complète, voire remplace, la fixa- espèces se concurrencent pour la même nourriture. Enfin, on parle de neutralisme
tion symbiotique. quand deux espèces cohabitent sur le même territoire sans se concurrencer.
Pour le pois, il a été montré qu’au
champ, tant que la disponibi- Les différentes interactions possibles entre deux espèces interdépendantes
lité en azote minéral dans le sol Espèce X
est supérieure à 60 kg N/ha, la
fixation symbiotique est inhibée.
Pour le nuisible neutre bénéfique

L’assimilation d’azote minéral du pois et la nuisible compétition amensalisme parasitisme, prédation

sol est alors la seule voie d’acquisi- féverole, les Espèce Y neutre amensalisme neutralisme commensalisme
bénéfique parasitisme, prédation commensalisme symbiose
tion d’azote par les plantes.
Lorsque les reliquats azotés sont
espèces de
Î Les principales interdépendances biologiques sont le parasitisme
élevés, cette voie est donc privi- Rhizobium (relation - +), le commensalisme (relation 0 +) et la symbiose (relation ++).
légiée en début de cycle. Lorsque sont Dans ces trois cas, l’une des espèces profite de l’autre.
la quantité d’azote minéral du sol
devient inférieure à environ 60 kg
présentes
N/ha, la fixation symbiotique « se naturellement permettent de progresser dans la Isabelle Chaillet
remet à fonctionner ». Au cours du dans les sols. compréhension des mécanismes et ARVALIS – Institut du végétal
cycle, on peut avoir alternance de
phases avec ou sans fixation sym-
Pour le peut-être d’améliorer ce caractère
à l’avenir, surtout en situation de
i.chaillet@arvalisinstitutduvegetal.fr

biotique. soja ou le stress. „


Nicolas Bousquet

En conditions habituelles en lupin, il est


Europe, de 50 à 70 % des besoins nécessaire
d’une culture de pois sont fournis
par la fixation symbiotique. d’apporter
Les études les plus récentes ont l’inoculum
permis de sélectionner des souches lors du
de Rhizobium hautement fixatrices Les nodosités n’ont
d’azote tant sur la luzerne que sur premier pas la même taille
le soja. semis. selon les espèces
La sélection variétale des protéagi- (féverole à gauche,
neux donne actuellement la prio- pois à droite) car
rité à d’autres caractères d’intérêt les espèces de
agronomique plus marqué (rende- Rhizobium ne sont
ment, tenue de tige, résistance aux pas les mêmes
maladies et au froid). Cependant, d’une culture de
des études sur des variétés de pois légumineuse à
hyper-nodulants ont été menées et l’autre.
© N. Cornec

PERSPECTIVES AGRICOLES - N°358 - JUILLET-AOÛT 2009

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