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La santé communautaire

Le concept de santé communautaire est le produit de deux types de définitions : l’une venait
du « développement communautaire » né dans les années 60 (résurgence de concepts du
XIXème siècle adaptés au temps) appliqué au niveau de l’habitat, puis de la culture, puis du
social, pour s’appliquer à la santé à la fin des années 70 ; l’autre venait de la définition des
« communautés », nettement postérieure :
« Une communauté est un groupe d’individus qui vivent ensemble dans des conditions
spécifiques d’organisation et de cohésion sociales. Ces membres sont liés à des degrés
variables par des caractéristiques politiques, économiques, sociales et culturelles
communes ainsi que par des intérêts et des aspirations communs, y compris en matière de
santé. Les communautés sont de taille et de profils socio-économiques extrêmement variés,
allant de grappes d’exploitations rurales isolées à des villages, des villes et des districts
urbains plus structurés  » 1

Une définition comme celle-ci rejoint celle de « collectivité » qu’utilisaient depuis quelques
années les Québécois (à la suite des Américains qui en avaient fait la base de leur « guerre à la
pauvreté » dans les années 60) pour définir les fondements de leur concept de santé
communautaire, beaucoup moins participatif que ne le croient beaucoup de Français :
« L’expression santé communautaire est souvent confondue avec les termes de santé
publique, médecine préventive et médecine sociale. En fait, ces différents termes désignent
la même réalité et reflètent l’évolution des problèmes et des services de santé au cours du
dernier siècle. »2 (Jean Rochon a été directeur du Département de santé communautaire au
Centre hospitalier de l’Université Laval (1973-1979), directeur de la Division de la
protection et de la promotion de la santé à l’OMS à Genève (1990-1993), Ministre de la
santé et des services sociaux du Québec (1994-1998) avant d’occuper divers autres postes
ministériels jusque 2003.)

Mais c’est encore l’OMS/UNICEF qui, à Alma Ata, a fait l’une des meilleures synthèses de sa
conception de la communauté et de celle du développement communautaire en santé :
« La participation communautaire est un processus dans lequel les individus et les
familles, d’une part prennent en charge leur propre santé et leur propre bien-être comme
ceux de la communauté, d’autre part développent leur capacité de concourir à leur propre
développement comme à celui de la communauté. Ils en viennent ainsi à mieux
appréhender leur propre situation et être animés de la volonté de résoudre leurs
problèmes communs, ce qui les mettra en mesure d’être des agents de leur propre
développement au lieu de se cantonner dans le rôle de bénéficiaires passifs de l’aide au
développement… S’il faut que la communauté ait le désir d’apprendre, le devoir incombe
au système de santé d’expliquer et de conseiller ainsi que de fournir des renseignements
clairs sur les conséquences favorables et dommageables des interventions proposées
comme sur leurs coûts relatifs.  »

C’est cette dimension beaucoup plus participative qui est habituellement retenue en France
comme en Belgique lorsqu’on parle de santé communautaire :
« La santé communautaire implique une réelle participation de la communauté à
l’amélioration de sa santé  : réflexion sur les besoins, les priorités ; mise en place, gestion
et évaluation des activités. Il y a santé communautaire quand les membres d’une
collectivité, géographique ou sociale, réfléchissent en commun sur leurs problèmes de
santé, expriment des besoins prioritaires et participent activement à la mise en place et au
déroulement des activités les plus aptes à répondre à ces priorités »3

-1-
C’est la conception qui a prévalu depuis vingt ans dans les actions de coopération, notamment
en Afrique et en Amérique latine, avec le soutien de l’OMS et de l’UNICEF. En France, cette
conception défendue par l’Institut Théophraste Renaudot, par l’École de Santé Publique de
l’Université de Nancy, par des professionnels de santé publique dispersés, a connu un regain
d’intérêt depuis la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du
système de santé, qui inscrivait dans les codes la nécessité de la participation des usagers. La
Charte de promotion des pratiques de santé communautaire élaborée par l’Institut Théophraste
Renaudot en 20004 en donne les principales caractéristiques :
- une base collective (ensemble d’habitants, groupe, réuni(s) pour un problème, un objectif,
une situation communs) pour l’action ou les actions à construire ;
- un repérage collectif des problèmes, des besoins et des ressources (le diagnostic
communautaire) ;
- la participation ouverte à tous les acteurs concernés  : spécialistes, professionnels,
administratifs, politiques, usagers, ce qui signifiera :
 implication de la population (dans l’identification de ce qui fait problème, pour mobiliser
ses capacités, pour sa participation à l’ensemble du processus),
 décloisonnement professionnel, transdisciplinarité, pluridisciplinarité,
 décloisonnement institutionnel (intersectorialité),
 partenariat,
 partage de savoirs et de pouvoirs.

L’enjeu en est d’agir non plus au seul stade terminal des soins, mais très en amont sur tous les
déterminants de la santé : environnementaux, économiques, politiques, sociaux, culturels,
pour limiter au maximum le recours à des soins de plus en plus coûteux, de la manière la plus
adaptée aux besoins de chacun, donc dans un univers en général très territorialisé.

C’est pourquoi des mesures récentes comme les PRAPS ou surtout les Ateliers Santé Ville qui
en sont la déclinaison locale, des pratiques nouvelles comme les réseaux de santé, mais aussi
les réseaux sociaux ou médico-sociaux, ont très souvent recours à des pratiques de santé
communautaire et à l’expérience accumulée dans ce domaine.

Dr Pierre LARCHER

Mots-clefs : communauté, développement communautaire, santé communautaire, diagnostic


communautaire, participation, décloisonnement, partage

Références bibliographiques :

-2-
1
OMS/UNICEF, Alma Ata 1978. Les soins de santé primaires. OMS, Genève, réimpression 1986, pp.
55-56
2
ROCHON J. La santé communautaire dans le système régional des services de santé et des services
sociaux. Courrier CIE, 1976, 26, n° 3, p. 225
3
MANCIAUX M. et DESCHAMPS J.P. La santé de la mère et de l’enfant. Paris, Flammarion
Médecine Sciences, 1978, p. 31
4
Charte de promotion des pratiques de santé communautaire. Paris, Institut Th. Renaudot, 2000.

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