Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Alexis Direr
1 I NTRODUCTION
1
questions essentielles dont parmi d’autres : quels
sont les bénéfices de l’assurance pour les mé-
nages ? Existe-t-il un niveau optimal d’assurance ?
Pourquoi les contrats n’assurent que très rare-
ment l’intégralité des risques encourus ? Quelles
formes prennent les contrats d’assurance avec
couverture incomplète ? Quels sont les effets de
la concurrence (ou son défaut) sur les caractéris-
tiques des contrats ? Comment la demande d’as-
surance varie avec la richesse des individus ? L’al-
location des risques qui résulte de l’équilibre de
marché est-elle optimale ?
Ce chapitre et les suivants suppose un bagage
minimal en microéconomie du consommateur,
que le lecteur pourra trouver dans tout manuel
de premier cycle universitaire sur le domaine
1.
Retour au site 2 / 37
la richesse sur la demande d’assurance. La qua-
trième section étend le modèle d’assurance dans
différentes directions : le cas d’un contrat multi-
risque ou celui d’un marché avec plusieurs types
d’assurés. Le chapitre se clôt par une annexe
dans laquelle les principaux concepts de la mi-
croéconomie du risque utilisés dans ce chapitre
sont rappelés.
2 L A COUVERTURE OPTIMALE DU RISQUE
Le cadre d’analyse
Retour au site 3 / 37
assureurs sur les risques de sinistre ou les efforts
de prévention. Nous repoussons aux chapitres 6
et 7 l’analyse économique de ces échecs de mar-
ché et ses implications sur la réglementation du
secteur.
Nous supposons que les agents font face à un
risque de sinistre (l’incendie de son habitation,
un accident automobile, un problème de santé,
...) qui se manifeste par l’apparition possible de
deux états de la nature : un état sans sinistre et
un second avec sinistre. Ils s’assurent contre ce
risque en choisissant un contrat d’assurance leur
garantissant une indemnité en cas de réalisation
du sinistre. Les notations du modèle sont les sui-
vantes :
Retour au site 5 / 37
de "sur-assurance" C > L, interdit par la loi et
seulement possible en cas de fraude à l’assu-
rance. Dans le premier cas l’assurance compense
à parité le risque puisque l’individu obtient le
même niveau de richesse que le sinistre survienne
ou non2 :
W2 = W0 − pC − L +C = W0 − pC = W1
Retour au site 7 / 37
3 avec u(W ) et u(W ) l’utilité respectivement
1 2
sans et avec sinistre satisfaisant u0(W ) > 0 et
u00(W ) < 0.
s.c. W1 = W0 − pC
W2 = W0 − pC − L +C
(1)
1 − π u0(W1∗) 1 − p
0 ∗ = (2)
π u (W2 ) p
Retour au site 9 / 37
avec W1∗ = W0 − pC∗ et W2∗ = W0 − pC∗ − L +
C∗ les richesses terminales optimales. Il reste à
boucler le modèle en déterminant le prix d’équi-
libre de l’assurance. Sous l’hypothèse de concur-
rence pure et parfaite, les assureurs ne peuvent
dévier du prix d’équilibre compatible avec la
nullité du profit. Si le profit d’équilibre était stric-
tement positif, un assureur pourrait capter toute
la demande en proposant un prix légèrement in-
férieur à la concurrence, ce qui est incompatible
avec le concept d’équilibre. Si le profit était né-
gatif, aucun assureur ne souhaiterait vendre de
contrats. La condition de profit nul est : B =
pC − πC = 0 ou encore
p=π (3)
Le prix par unité de couverture est égal à la fré-
quence des sinistres. Nous parlons de prix actua-
riel de l’assurance. Nous retrouvons également
la prime pure pC = πC présenté dans le chapitre
1 qui dépend de la fréquence du sinistre et sa
gravité. La prime pure est parfois également dé-
finie comme l’indemnisation espérée E(I) avec
Retour au site 10 / 37
I un transfert aléatoire égal à la couverture C en
cas de sinistre et 0 sinon.
La demande d’assurance est simple à dériver dans
ce contexte. Remplaçons l’égalité (3) dans l’équa-
tion d’optimalité (2). Nous obtenons :
u0(W1∗)
0 ∗ =1
u (W2 )
Retour au site 11 / 37
p(1 − π)u0(W1) dans l’état sans sinistre et de
pπu0(W2) dans l’état avec sinistre. En contrepar-
tie, il reçoit un euro supplémentaire en cas de
sinistre, ce qui augmente son utilité espérée de
πu0(W2). Le bilan de l’opération est favorable si
p(1 − π)u0(W1) + pπu0(W2) < πu0(W2), ou en-
core si u0(W2) > u0(W1), ce qui est vérifié en rai-
son de la décroissance de l’utilité marginale de
l’agent. Un individu rationnel a donc toujours
intérêt à choisir l’assurance complète.
Le résultat d’assurance complète ne prévaut ce-
pendant que dans un cas idéal. Des frictions comm
la présence de frais de gestion ou une concur-
rence imparfaite l’invalident. Les frais de ges-
tion réduisent le bénéfice de l’assureur. Celui-ci
doit donc relever la prime au-dessus de son ni-
veau actuariel pour maintenir un profit positif.
Soit τ le taux de frais supporté par l’assureur en
proportion des indemnités versées et λ le taux
de frais qui s’applique sur les primes collectées.
Le profit espéré de l’assureur net des frais de
l’assureur est :
B = pC − πC − λ pC − πτC
Retour au site 12 / 37
Les frais appliqués aux indemnités τC ne sont
supportés que pour la fraction des aux agents si-
nistrés et sont donc multipliés par π la probabi-
lité de sinistre. La condition de profit nul B = 0
implique un prix supérieur à la fréquence des si-
nistres soit :
1+τ
p= π >π (4)
1−λ
1 1− p
W2 = L − W0 − W1
p p
Cette relation indique de combien l’agent peut
accroître (réduire) sa richesse avec sinistre W2
Retour au site 14 / 37
en diminuant sa richesse sans sinistre W1. Cet
arbitrage transite par le choix de la couverture.
Relever la couverture conduit l’individu à bé-
néficier d’un W2 plus élevé mais dans le même
temps à payer une prime plus chère qui réduit
richesse W1. Cette contrainte sur les choix pos-
sibles de richesses terminales forme une droite
dans le plan (W1,W2) de pente négative égale à
−(1 − p)/p (figure 2). Se déplacer de la gauche
vers la droite sur la ligne budgétaire signifie une
indemnisation plus faible.
La droite à 45 degrés W1 = W2 correspond à la
pleine assurance puisque l’assuré obtient un ni-
veau de richesse indépendant de la survenu du
sinistre. La zone au-dessus de cette droite satis-
fait W1 < W2 et implique une sur-compensation
du risque, ce que nous excluons a priori. Tous
les points de la droite budgétaire correspondent
implicitement à une valeur précise de la couver-
ture C. Deux points méritent particulièrement
l’attention. Le point a égalise les richesses ter-
minales W1 et W2 puisqu’il est sur la droite à
45 degrés. Il fournit une assurance complète à
Retour au site 15 / 37
Contrainte budgétaire de l’agent dans l’espace des
richesses terminales
Retour au site 17 / 37
Courbes d’indifférence de l’agent
Retour au site 18 / 37
Choix de couverture de l’agent
Retour au site 19 / 37
du revenu (ou de la richesse) le conduit à ac-
croître sa demande d’assurance si l’aversion ab-
solue pour le risque est décroissante avec le re-
venu (ou la richesse selon le contexte). L’effet
total est par conséquent ambigu dans ce dernier
cas. L’analyse graphique suivante illustre le cas
d’une sensibilité nette négative au prix. La droite
budgétaire pivote autour du point de non assu-
rance puisque les richesses terminales sont in-
sensibles au prix si l’agent ne contracte pas d’as-
surance (le point b dans la figure 2).
La nouvelle égalité des pentes marginales de la
droite budgétaire et de la courbe d’indifférence
conduit l’agent à réduire sa couverture. Graphi-
quement, le point optimal d’assurance c se rap-
proche du point de non assurance b dans la fi-
gure 2.
Sous l’hypothèse de concurrence parfaite et d’ab-
sence de frais de gestion, le prix d’équilibre est
le prix actuariel (p = π). La pente de la droite
budgétaire est −(1− p)/p = −(1−π)/π. L’agent
s’assure complètement. Graphiquement, la tan-
gence entre la courbe d’indifférence et la droite
Retour au site 20 / 37
Révision du choix de couverture en cas de hausse
du prix de l’assurance
Retour au site 21 / 37
Le choix de couverture avec prix actuariel
Retour au site 22 / 37
L’influence de la richesse sur la demande d’assurance
Retour au site 24 / 37
−u00(W )
A(W ) = 0 (10)
u (W )
La condition de couverture décroissante avec la
richesse se réécrit :
(1 − p)π[A(W1∗) − A(W2∗)] < 0 (11)
Retour au site 25 / 37
d’assurance que les autres ménages. Leurs biens
assurés étant généralement de plus grande va-
leur, la couverture peut malgré tout être crois-
sante avec la richesse.
Deuxièmement, cette relation met en exergue le
rôle de l’auto-assurance comme substitut de l’as-
surance formelle. Il est ainsi possible, au moins
pour les risques qui ne sont pas trop grands, d’uti-
liser son épargne comme une protection contre
un risque de perte futur, ce qui sera le cas si
l’individu est prudent (voir à ce sujet l’annexe).
Dans le cadre de notre modèle, l’épargne ac-
croît W0 et permet bien de réduire la demande
de couverture. Le recours à l’assurance reste ce-
pendant dans la majorité des cas une solution
préférable car l’auto-assurance implique la per-
sistance d’un aléa sur la richesse de l’agent et
nécessite d’immobiliser des liquidités.
L’influence de la taille de la perte sur la demande de
couverture
Retour au site 27 / 37
ou plus élevé quand une large perte survient ?
La réponse dépend de la fonction d’utilité. Il est
possible de montrer que la couverture croît plus
vite que la perte (dC∗/dL > 1) si l’agent est suf-
fisamment prudent (voir l’annexe pour la notion
de prudence) i.e. u00(W ) croît suffisamment ra-
pidement avec la richesse. 6 Nous analysons de
même l’influence de la probabilité d’apparition
du sinistre en différenciant la condition d’opti-
malité (7) en C∗ et π, soit :
[p2(1−π)u00(W1)+(1− p)2πu00(W2)]dC∗ −[pu0(W
Retour au site 29 / 37
technique leur permet de vendre des contrats d’as-
surance spécifiant un niveau d’indemnisation en
cas de sinistre en échange d’une prime. Nous
commençons par dériver le contrat d’équilibre
dans le cas sans frictions, c’est à dire avec concur-
rence parfaite et en l’absence de frais de gestion.
Bien que simpliste, ce modèle délivre le résul-
tat remarquable que des individus éprouvant de
l’aversion face au risque acquièrent un contrat
couvrant intégralement le coût du sinistre, de
facto supprimant les conséquences financières
du sinistre. Ce résultat se généralise au cas avec
plusieurs niveaux de risque ou quand les assu-
rés diffèrent par leur probabilité de sinistre dès
lors que les assureurs disposent de la même in-
formation sur les risques que les assurés.
Nous montrons dans ce contexte que la richesse
de l’individu a une influence ambiguë sur sa de-
mande de couverture. Sous des hypothèses rai-
sonnables cependant, la richesse est défavorable
à la demande d’assurance puisque l’individu peut
piocher dans ses ressources pour amortir les ef-
fets d’un sinistre sur son niveau de vie.
Retour au site 30 / 37
Dans la réalité, les individus sont rarement as-
surés intégralement. La théorie rend compte as-
sez naturellement de ces défauts d’assurance et
en propose différentes explications. De fait, l’in-
troduction de la moindre friction dans le modèle
de référence fait tomber le résultat d’assurance
complète. La présence de frais de gestion ou la
concurrence imparfaite ont pour effet d’élever la
prime commerciale au-dessus de la prime pure
(ou la prime égale à l’indemnisation espérée).
Les individus continuent de s’assurer mais leur
demande de couverture est inférieure au coût du
sinistre. Dans le cas de niveaux multiples de si-
nistres, l’assurance incomplète prend la forme
d’une franchise, c’est à dire d’une absence d’in-
demnisation des premiers euros du sinistre. Si
les deux parties du marché estiment différem-
ment les risques de sinistre, une sous-assurance
des risques négligés par les individus peut être
observé.
Si les assureurs font face à des clients qui dif-
fèrent par leur probabilité de sinistre, la concur-
rence pousse les assureurs à proposer des contrats
Retour au site 31 / 37
dont la tarification reflète les risques propres de
chaque catégorie de risque. Ce faisant, l’alloca-
tion des risques par le marché se réalise au dé-
triment des individus exposés aux plus grands
risques. Les primes payés par ces derniers pou-
vant atteindre des niveaux potentiellement très
élevés, la différenciation des risques par le mar-
ché peut poser problème. Une réponse réglemen-
taire possible est d’interdire le conditionnement
de la prime sur la base des caractéristiques ob-
servables comme le sexe des assurés. C’est gé-
néralement le cas en assurance santé où les in-
égalités face au risque de santé sont extrême-
ment hétérogènes au sein de la population. De
plus, le revenu étant corrélé positivement avec
la santé, ces deux phénomènes peuvent aboutir
à des différences d’accès aux soins. C’est pour-
quoi de nombreux pays ont mis en place une
gestion publique de l’assurance santé financée
par des cotisations indépendantes du risque de
santé. Aux Etats-Unis où l’assurance santé est
principalement déléguée au marché, la réforme
de 2010 Patient Protection and Affordable Care
Retour au site 32 / 37
Act interdit aux assureurs de différencier les primes
en fonction du sexe ou des conditions pré-existante
de santé. Des restrictions similaires existent en
France pour les complémentaires santé gérées
par le secteur privé.
Dans de nombreuses situations, les assurés dis-
posent cependant d’une meilleure connaissance
de leur risque que les assureurs. Les analyses
présentées dans ce chapitre ne peuvent s’appli-
quer directement. Les conséquences sur les contrat
et l’allocation des risques par le marché sont
l’objet du chapitre suivant.
Références
Retour au site 33 / 37
"Why is the Market for Long-Term Care Insu-
rance So Small ?" Journal of Public Economics,
91(10) : 1967-91.
C. Carbonnier, A Direr et I. Slimani-Houti (2014)
"Do Savers Respond to Tax Incentives ? The Case
of Retirement Savings" Annals of Economics and
Statistics, 113/14, 225-56.
Chamberlain, J. R. (1985), "Assessing the Fair-
ness of Insurance Classifications", Research in
Law and Economics 7, 65-87.
Davidoff T. (2012) "Long-Term Care" in Hand-
book of Insurance 2d edition, G. Dionne (Ed.),
Springer New York, Chapter 35, 1037-1059.
Direr A. (2009) "Epargne Retraite et Redistribu-
tion", Economie et Statistiques, 417-418, 119-
33.
Eeckhoudt L. et H. Schlesinger (2006) "Putting
Risk in Its Proper Place" American Economic
Review, 96(1) : 280-289.
Eeckhoudt, L., C. et Gollier (2005) "The impact
of prudence on optimal prevention", Economic
Theory 26 989-994.
Retour au site 34 / 37
Etner J. et M. Jeleva (2014), Microéconomie, Ed
Dunod.
Gilboa I. (2008), Theory of Decision under Un-
certainty, Cambridge University Press.
Gollier, C., (2013), The economics of optimal
insurance design, in Handbook of Insurance 2d
edition, G. Dionne (Ed.), Springer New York,
Chapter 4, 107-122.
Holt, C.A. and Laury, S. K. (2002) "Risk Aver-
sion and Incentive Effects", American Econo-
mic Review 92, 1644-1655.
Kimball, M. S. (1990) "Precautionary Saving in
the Small and in the Large" Econometrica 58,
no. 1 : 53-73.
Langer E. J. et Roth J. (1975) "Heads I win, tails
it’s chance : The illusion of control as a function
of the sequence of outcomes in a purely chance
task" Journal of Personality and Social Psycho-
logy 32 (6) : 951-955.
Leland H. E. (1968) "Saving and Uncertainty :
The Precautionary Demand for Saving" Quar-
terly Journal of Economics, 82(3), pp.465-73.
Retour au site 35 / 37
Mas-Collel A., Whinston M. D. et J. R. Green
(1995) "Microeconomic Theory, Oxford Univer-
sity Press.
Pratt J. W. (1964) "Risk Aversion in the Small
and in the Large" Econometrica, Vol. 32, No.
1/2, 122-136.
Rawls J. (2009) "Théorie de la justice", Ed. Points,
Collection Points Essais.
Sandmo A. (1970) "The Effect of Uncertainty
on Saving Decisions" Review of Economic Stu-
dies, 37(3), pp. 353-60.
Savage L.J. (1954) The foundation of Statistics,
Wiley, New York.
von Neumann, J. et O. Morgenstern (1944), Theory
of Games and Economic Behavior. Princeton,
N.J. : Princeton University Press.
Retour au site 36 / 37
N OTES
de l’espérance d’utilité.
4 Lacondition du second ordre du problème
de maximisation est vérifiée dès lors que la fonc-
tion d’utilité u est concave.
5 Si p augmente, le ratio des utilités margi-
nales doit diminuer, ce qui ne peut se réaliser
que si l’écart entre W1∗ et W2∗ s’accroît.
u”(W2 )
6 La condition dC
dL > 1 est équivalente à u”(W1 ) >
θ −θ π
1−θ π > 1, ce qui est vérifié si u”(W2 ) est suffisam-
ment inférieure à u”(W2) ou si l’utilité marginale
est suffisamment croissante.
Retour au site 37 / 37