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HST ND 2316 - 217 - 09

3 Amiante
3 Diagnostic
3 Responsabilité
3 BTP
3 Enquête

L’AMIANTE DANS h Michel GAUL,

LES OPÉRATIONS DE
Contrôleur du travail de La Manche, membre du
groupe de travail Réglementation amiante mis en
place par la Direction générale du travail

RéHABILITATION ET DE
DÉMOLITION ASBESTOS IN REHABILITATION AND
DEMOLITION OPERATIONS
Insuffisance des repérages : des Identification insufficiencies:
multiple responsibilities and
responsabilités et des défaillances failures

multiples Structural rehabilitation and demolition are


very high risk operations due to the potential
asbestos content of many materials and
products. This fact confirms the need to
perform an exhaustive search for asbestos-
Les opérations de réhabilitation et de démolition sont des opérations à très hauts risques, compte tenu containing materials and products involved in
de la présence potentielle d’amiante dans de nombreux matériaux et produits, et nécessitent de ce this work prior to starting a site operation.
fait une recherche exhaustive des matériaux et produits amiantifères concernés par les travaux avant In France’s Manche department, the labour
le démarrage de l’opération. inspectorate has been running, since 2005, a
Dans le département de la Manche, l’inspection du travail mène depuis 2005 une campagne ciblée targeted campaign that checks the reliability
de contrôle de la fiabilité des rapports de repérages amiante. Les résultats de ces contrôles sont of asbestos identification reports. Results
particulièrement inquiétants puisque l’absence, l’inadaptation ou la mauvaise qualité des repérages of these checks are particularly worrying
ont été mises en évidence dans 70 à 80 % des cas. Ils confirment que le repérage amiante constitue because absence, unsuitability or poor
actuellement le maillon le plus faible de la chaîne de traitement de l’amiante en place. quality of identifications have been revealed
Faisant suite à l’article ND 2311 [1] qui traitait des différents types de repérage amiante et de leur in 70 – 80% of cases. They confirm that
adaptation aux opérations de réhabilitation et de démolition, ce second article présente les obligations asbestos identification is currently the weak
des différents acteurs de ces opérations (maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre, coordonnateurs link in the asbestos processing chain now
Sécurité et de Protection de la Santé, responsables d’entreprise, opérateurs de repérage). Les résultats in place.
de plusieurs enquêtes menées par l’inspection du travail sont présentés. Ils permettent de mieux In the wake of paper ND 2311 [1], which
comprendre l’influence parfois néfaste de ces acteurs sur la qualité des repérages et confirment que considers different forms of asbestos
seul un engagement sans faille de leur part dans la démarche de prévention des risques professionnels identification and their suitability for
et une volonté de respecter la réglementation peuvent permettre d’aboutir à un repérage exhaustif, rehabilitation and demolition operations,
donc fiable. this second paper describes the obligations of
the various stakeholders in these operations
(clients, health and safety coordinators,
company managers, identification operators).
Results of several surveys conducted by the
labour inspectorate are presented. These
help us to better understand the sometimes
REHABILITATION ET mier rang desquels se trouve le maître harmful influence of these stakeholders on

DEMOLITION – d’ouvrage, personnage important puis-


que l’opération est réalisée pour son
identification quality and confirm that only
their total commitment to occupational risk
LES OBLIGATIONS DES compte et qu’il détient tous les pouvoirs, prevention action and the will to comply

ACTEURS notamment financiers et décisionnai-


res. Pour réaliser son projet, le maître
with regulations can lead to exhaustive, and
therefore reliable, identification.
d’ouvrage s’entoure d’une équipe de
« sachants », en nommant d’une part 3 Asbestos
un maître d’œuvre qui va apporter la 3 Diagnosis
De nombreux acteurs sont concer- réponse technique au projet et d’autre 3 Responsability
nés par les opérations de réhabilitation part un coordonnateur Sécurité et de 3 Building and civil engineering
et de démolition d’immeubles, au pre- Protection de la Santé (SPS) qui va 3 Survey

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définir un certain nombre de mesu- d’œuvre et le coordonnateur SPS et s’as- Au titre de ses obligations, le maître
res permettant d’éviter l’exportation des surer de son effectivité [5]. Au titre des d’œuvre doit s’assurer, dans la limite de
risques et les interférences entre les moyens à donner, le maître d’ouvrage ses compétences, de l’exhaustivité du
entreprises, que celles-ci interviennent doit transmettre à son coordonnateur repérage amiante au regard des travaux
simultanément ou successivement. Lors SPS, le plus en amont de la phase réa- décrits dans son CCTP. Si tel n’est pas
de la phase «  réalisation du projet  » lisation du projet, un ou des rapports le cas, il doit exiger du maître d’ouvrage
interviendront les entreprises retenues repérages amiante exhaustifs et adaptés un repérage complémentaire. Il n’est
pour réaliser les travaux, chacune dans à la nature des travaux (il y a autant de par exemple pas acceptable de constater
leur domaine respectif (lot de travaux). rapports que de bâtiments concernés dans un CCTP la présence de travaux de
Enfin, ne faisant pas partie des lots de par les travaux). démantèlement d’une chaudière alors
travaux et intervenant dès le début de que le rapport de repérage amiante est
la phase «  conception  », l’opérateur de En effet le coordonnateur SPS doit muet en ce qui concerne cet équipement.
repérage amiante réalise sa mission en durant la phase conception du projet, La carence fautive du maître d’œuvre est
fonction du cahier des charges établi par évaluer les risques liés à l’opération et ainsi évidente.
le maître d’ouvrage. établir sur cette base le Plan Général
de Coordination (PGC) qui concerne Dans l’exemple qui suit, le CCTP
Le respect par chacun des obliga- la phase réalisation du projet. Seul un du lot de travaux « carrelage - faïence »
tions mises à sa charge par la réglemen- repérage exhaustif et adapté peut per- d’une opération de réhabilitation d’un
tation du travail (ou par la réglementa- mettre au coordonnateur d’établir un immeuble à usage d’habitation prévoit la
tion de la santé publique et la norme NF PGC fiable, adapté à la spécificité de démolition des faïences existantes dans
X 46-020 pour l’opérateur de repérage) l’opération. Un repérage insuffisant les salles de bain (cf. Figure 1).
doit permettre, en matière de repérage prive donc ipso facto le coordonnateur
amiante, de tendre vers l’exhaustivité de moyens essentiels à son évaluation Pourtant le rapport de repérage
requise par la nature des travaux envisa- des risques. Cette infraction, punie n’intègre aucun procès-verbal d’ana-
gés, et ainsi de prévoir la mise en place d’une peine d’amende de 9 000 euros lyse de colles de faïences, matériaux
de mesures de prévention adaptées. [6] est à ce titre régulièrement relevée susceptibles de contenir de l’amiante
à l’encontre de maîtres d’ouvrage intro- (cf. Figure 2). Les conclusions du rapport
En cas de repérage insuffisant, la duisant des clauses faisant obstacle à ne peuvent également qu’attirer l’atten-
responsabilité du maître d’ouvrage et de l’exhaustivité des repérages lors de la tion du lecteur, celles-ci étant établies
l’entreprise intervenante peut être enga- passation des marchés. sur la base de deux analyses de maté-
gée sur la base du code du travail (cf. riaux (un matériau d’étanchéité de la
infra). Celle de l’ensemble des acteurs Enfin, la mission du coordonnateur toiture terrasse et une dalle vinyle), ce
(maître d’ouvrage, maître d’œuvre, coor- SPS s’effectuant sous la responsabilité qui s’avère inquiétant compte tenu de la
donnateur SPS, entreprise intervenante, du maître d’ouvrage, ce dernier doit taille du bâtiment (si on ne peut déter-
opérateur de repérage) est également veiller à la bonne qualité de la mission, miner à l’avance le nombre de prélève-
susceptible de l’être sur la base du code notamment en effectuant un contrôle ments à effectuer pour analyse, on s’at-
pénal (mise en danger d’autrui) [2]. régulier des engagements pris par le tend néanmoins à un nombre « signifi-
coordonnateur au travers du contrat de catif »). A l’évidence, ce repérage est très
mission. insuffisant, compte tenu des nombreux
LE MAITRE D’OUVRAGE travaux destructifs à réaliser.

Spécificité du code du travail qui LE MAITRE D’OEUVRE Les services de l’Inspection du


règle habituellement les relations qui Travail ayant pu contrôler cette opéra-
lient un employeur et ses salariés, le Nommé aux côtés du coordonnateur tion durant la phase conception du pro-
maître d’ouvrage, bien que n’ayant SPS, le maître d’œuvre ne peut pas pour jet, un repérage complémentaire a pu
conclu aucun contrat de travail avec les autant rester spectateur de la prévention être effectué à leur demande. Le rapport
ouvriers intervenant sur son chantier, des risques sur le chantier. Au contraire, de repérage complémentaire révèlera la
doit tout mettre en œuvre pour assu- la réglementation du travail rappelle présence d’amiante dans 2 des 8 échan-
rer leur sécurité et préserver leur santé son obligation d’intégrer les principes tillons de colles prélevées (cf. Figure 3).
[3]. En d’autres termes, compte tenu généraux de prévention dans les choix
des pleins pouvoirs dont il dispose, le techniques qu’il effectue et dans l’orga- Le maître d’œuvre aurait dû alerter
maître d’ouvrage ne peut rester passif nisation des opérations de chantier qu’il le maître d’ouvrage sur l’inadéquation
en matière de prévention, et le législa- peut être amené à piloter. En marché du rapport de repérage avec le contenu
teur entend bien faire de lui un acteur public, les choix techniques du maître de son CCTP. Le projet sera finale-
essentiel de la prévention des risques d’œuvre sont décrits dans le Cahier ment abandonné. A titre subsidiaire, il
professionnels. Aussi ne suffit-il pas au des Clauses Techniques Particulières convient de noter que les prélèvements
maître d’ouvrage de s’entourer d’une (CCTP) [7], lequel détaille précisément de colles de faïences n’ont concerné que
équipe de «  sachants  » (maître d’œu- pour chaque lot de travaux le contenu 8 salles de bain sur les 17 que comp-
vre, coordonnateur SPS) pour satisfaire des travaux à réaliser (y compris travaux tait l’immeuble. Dans l’hypothèse d’une
à ses obligations. Le maître d’ouvrage destructifs). En marché privé, la rédac- réalisation des travaux, le rapport com-
doit notamment donner l’autorité et les tion d’un CCTP tend à se généraliser, plémentaire n’aurait pas pu être utilisé
moyens nécessaires au coordonnateur car ce dernier permet au maître d’œuvre en l’état comme base de l’évaluation des
pour assurer sa mission [4], mettre en de suivre le déroulement des travaux et risques du coordonnateur SPS et des
place une coopération entre le maître d’en contrôler la bonne exécution. entreprises intervenantes. Des investi-

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FIguRe 1

Extrait du ccTP (lot « carrelage - faïence »)

FIguRe 2

conclusion du rapport de repérage avant travaux

FIguRe 3

conclusion du rapport de repérage complémentaire

gations complémentaires auraient dû d’un site en exploitation (la notion de site Le rôle du coordonnateur SPS est
être menées au niveau des salles de bain en exploitation s’apprécie au sens large du primordial sur les chantiers de réhabili-
non visitées. A défaut, le résultat positif terme. Ainsi un immeuble habité en cours tation et de démolition. Il doit d’une part
(présence d’amiante) révélé au niveau de de réhabilitation répond à cette définition) jouer son rôle d’alerte en cas d’absence
2 salles de bain aurait dû être étendu à L’ensemble de ces mesures figurent de réalisation d’une mission de repérage
l’ensemble des colles de faïence des sal- dans le Plan Général de Coordination amiante. Il doit d’autre part tenir compte
les de bain non visitées. (PGC) établi par le coordonnateur. La des éléments pertinents contenus dans
phase de conception du projet constitue les rapports de repérage amiante pour la
LE COORDONNATEUR SPS donc pour le coordonnateur la phase la rédaction du PGC. Enfin, dans le cadre
plus importante de sa mission puisque de son analyse des risques, le coordonna-
Le coordonnateur SPS, nommé de la qualité de son analyse des risques, teur SPS ne peut faire l’économie d’une
par le maître d’ouvrage dès le début dont le PGC est l’aboutissement [9], analyse critique des rapports qui lui sont
de l’avant-projet sommaire du maître dépend en grande partie la santé et la transmis par le maître d’ouvrage. Il ne
d’œuvre [8] dispose de toute la phase sécurité des salariés des entreprises s’agit pas d’exiger du coordonnateur SPS
conception du projet pour analyser les intervenantes, des populations environ- qu’il engage un débat d’expert avec l’opé-
risques liés à l’opération et définir les nantes du chantier (démolition) et des rateur de repérage (par exemple sur le
sujétions qui devront permettre de pré- usagers des locaux (réhabilitation). Le nombre de prélèvements effectués pour
venir les risques résultant des interven- PGC est intégré dans les pièces du mar- un matériau donné, ce qui relève de la
tions simultanées ou successives des ché et transmis aux entreprises désirant compétence propre de l’opérateur). En
entreprises et d’éviter toute exportation contracter. Depuis le 1er juillet 2006, les revanche, le coordonnateur doit effec-
de la pollution à l’extérieur du chantier, rapports de repérage amiante doivent tuer des contrôles de base, à la portée de
que celui-ci se trouve sur ou à proximité être joints au PGC [10]. personne non experte.

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Ainsi, s’agissant de l’amiante, une envers celui-ci d’une obligation de sécurité DES
lecture du contenu des listes de matériaux
et produits susceptibles de contenir de
de résultat, notamment en ce qui concerne
les maladies professionnelles ») [13].
DYSFONCTIONNEMENTS
l’amiante (liste non exhaustive contenue NOMBREUX ET
dans l’arrêté du 2 janvier 2002 ou liste
non exhaustive mais néanmoins plus com- L’OPERATEUR DE REPERAGE ALARMANTS
plète annexée à la norme NF X 46-020) AMIANTE
associée à la connaissance des travaux à
effectuer (ce que permet la bonne coopé- L’opérateur de repérage amiante, visé Depuis le début de l’année 2005, les
ration avec le maître d’œuvre) permettent par le code de la santé publique [14], est la services de l’Inspection du Travail du
au coordonnateur SPS de détecter les personne physique qui réalise une mission département de La Manche sont enga-
insuffisances de certains rapports. Cet de repérage amiante dans le cadre d’une gés dans une action ciblée de contrôle
examen est à la portée de toute personne commande passée par un donneur d’ordre. des chantiers de réhabilitation et de
non spécialisée dans le repérage amiante. Les compétences des opérateurs de repé- démolition visant à s’assurer avant le
Des visites sur le chantier en compagnie rage sont certifiées par des organismes démarrage des travaux de l’existence et
de l’opérateur permettent généralement de certification accrédités par le Comité de la fiabilité des repérages amiante,
au coordonnateur SPS de confirmer ses Français d’Accréditation (COFRAC), confor- et d’une manière générale de la prise
doutes. A défaut de contrôle de sa part, mément aux dispositions de l’arrêté du 21 en compte des risques à effets différés
le PGC peut constituer un document novembre 2006 [15]. inhérents à ce type d’opération (plomb
inadapté au contenu dangereux pour notamment). Les résultats de l’étude
la santé des travailleurs présents sur le La mission de l’opérateur de repé- statistique menée en 2005 et 2006
chantier et au-delà, des personnes non rage se révèle être de la plus haute sont inquiétants puisqu’ils révèlent que
concernées par les travaux (populations importance, tous les acteurs de l’opéra- seules 20 à 30% des opérations allaient
environnantes, usagers des locaux). tion se référant au rapport produit par démarrer sur la base de repérages fia-
ce dernier pour analyser les risques. bles [1].
C’est la raison pour laquelle l’opérateur
L’ENTREPRISE INTERVENANTE doit s’assurer que les éléments contenus Mais l’insuffisance d’un repérage
dans la commande passée par le don- amiante ne doit rien au hasard. Les cas
L’évaluation qui s’impose à l’em- neur d’ordre sont complets et de nature concrets présentés dans l’article précé-
ployeur en matière de risque amiante à permettre une recherche exhaustive dent mettent en évidence la responsabi-
est expressément visée par le Décret au regard des travaux à réaliser. Toute lité des opérateurs de repérage amiante,
n°2006-761 du 30 juin 2006 [11]. Les clause introduite dans le marché par dont les offres financières, le manque
entreprises ne sont consultées qu’en le donneur d’ordre et faisant obstacle à de rigueur ou de scrupule, voire l’in-
toute fin de phase conception du pro- l’exhaustivité requise doit notamment compétence peuvent être à l’origine de
jet. Une fois retenues, celles-ci devront être refusée par l’opérateur. Ce dernier repérages non exhaustifs, donc dange-
s’engager dans une démarche d’éva- doit s’assurer que la description précise reux. Les cas présentés dans la suite
luation des risques. Même si le maître des travaux, les plans de l’existant (et, le du présent article ainsi qu’en annexe
d’ouvrage, le maître d’œuvre et le coor- cas échant, du projet) ainsi que les rap- (cf. @nnexes A1 – A2) démontrent que
donnateur SPS ont dû œuvrer durant la ports des missions de repérage amiante chaque acteur de ces opérations peut
phase conception pour obtenir un repé- antérieures (diagnostics flocage, calori- influer de manière néfaste sur la qualité
rage amiante fiable, l’expérience montre fugeage et faux plafonds, DTA) lui sont des repérages, voire faire obstacle à leur
que dans bien des cas l’exhaustivité des remis. Ces rapports feront l’objet de sa exhaustivité.
repérages n’est pas acquise. Au titre de part d’une analyse critique, il veillera
ses obligations, le responsable de l’entre- à la cohérence de ces recherches et au Chacun des cas présentés dans ces
prise intervenante ne peut donc rester récolement des résultats. deux articles a donné lieu à l’établisse-
passif face aux carences de ces acteurs. ment de procès-verbaux et de rapports
Durant sa mission, l’opérateur est pour mise en danger de la vie d’autrui
En cas de repérage insuffisant, il tenu à la plus grande vigilance, compte transmis aux parquets territorialement
devra exiger du maître d’ouvrage un tenu de la grande variabilité des maté- compétents.
repérage complémentaire ou, à défaut riaux et produits à base d’amiante, de
faire procéder à un repérage complé- l’évolution des pratiques des entreprises
mentaire. Le résultat de l’analyse des d’un chantier à l’autre à l’époque de DEMOLITION DE PAVILLONS
risques de l’entreprise et les mesures l’utilisation de l’amiante, voire au cours INDIVIDUELS – L’INQUIETUDE
de prévention envisagées figurent dans d’une même opération de construction, DES RIVERAINS
le Plan Particulier de Sécurité et de de l’utilisation passée ou en cours des
Protection de la Santé (PPSPS) [12] locaux, et s’agissant des immeubles à Présentation de l’opération
usage d’habitation, des aménagements
La nouvelle définition de la faute et travaux divers que les locataires ont pu L’opération consiste en la démoli-
inexcusable donnée depuis 2002 dans le réaliser à l’insu du bailleur. L’opérateur tion de plusieurs pavillons individuels
cadre des affaires de l’amiante par la cour de repérage doit à ce titre mettre en place en zone urbaine. Alors que les démoli-
de cassation ne peut qu’inciter l’employeur une véritable stratégie de prélèvements tions mécanisées des pavillons sont en
à la plus grande rigueur dans l’analyse adaptée à la nature de l’opération à cours, des riverains prennent contact
des risques (« en vertu du contrat de travail réaliser et à celle de l’immeuble (ou des avec les services de l’inspection du tra-
le liant à son salarié, l’employeur est tenu immeubles) concerné(s) par les travaux. vail. Ils s’inquiètent des conditions de

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Figure 4 Figures 5 et 6

Démolition mécanisée de pavillons Curage dans la cuisine du pavillon - chaudière à gaz


individuels – travaux arrêtés

réalisation de la démolition, de la pous- été réalisés dans le pavillon, concer- d’une formation récente, postérieure à
sière émise et de la présence potentielle nant essentiellement des revêtements la parution de l’arrêté du 21 novembre
de fibres d’amiante dans ces poussières. en vinyle (dalles et linos) ainsi qu’un 2006 [15]. L’opérateur a expliqué avoir
Un contrôle est effectué sur site par calorifugeage. Sur l’ensemble du site été formé au sein d’un grand groupe de
les agents de l’inspection du travail. qui comprend 9 pavillons, l’opérateur a formation. Selon lui sa certification a
Plusieurs pavillons ont déjà été entiè- procédé à 20 prélèvements concernant uniquement été basée sur le diagnostic
rement démolis. Les agents découvrent uniquement des revêtements de sol, des vente (!). Sa collaboratrice, également
que les inquiétudes des riverains étaient calorifugeages ainsi qu’un matériau en opératrice de repérage mais formée au
légitimes, les opérations de démolition fibrociment (ardoise). sein d’un autre grand groupe, a fait
mécanisée s’effectuant « à sec » sans exactement le même constat (!). Dans
aucune mesure pratique pour rabattre Aucun équipement (chaudière, etc.) ces conditions l’insuffisance flagrante
les poussières (cf. Figure 4). n’a été intégré dans la recherche. Les col- des rapports contrôlés par les agents de
les de faïences, plâtres, mastics, enduits l’inspection du travail n’est pas étonnan-
Un contrôle qui met un point d’arrêt de façades et autres matériaux suscepti- te, tant les différences sont importantes
à l’opération bles de contenir de l’amiante n’ont fait entre la problématique du diagnostic
l’objet d’aucune recherche. Le chantier vente ou du DTA, généralement visuel,
Deux pavillons mitoyens sont enco- est arrêté et il est demandé au maître et celle des repérages avant travaux
re en place sans que les pelleteuses d’ouvrage de faire procéder à des repéra- ou avant démolition, qui nécessite une
n’aient commencé à les démolir. Dans ges complémentaires dans les bâtiments parfaite connaissance des techniques de
l’un d’entre eux, des ouvriers sont occu- encore en place. Ceux-ci révèleront que construction et de nombreuses inves-
pés à effectuer les opérations préalables les chaudières contiennent des compo- tigations approfondies. L’expérience
de curage. L’encadrement de chantier sants amiantés. Il en est de même pour montre que nous sommes bien en pré-
de l’entreprise intervenante précise aux les colles de faïence dégradées par l’in- sence de deux métiers différents et que
agents que des repérages avant démo- térimaire lors des opérations de curage les repérages amiante avant travaux ou
lition ont été effectués pour chaque (cf.  Figures 5 et 6). Dans le pavillon avant démolition doivent être conduits
pavillon et que dans celui où s’effec- mitoyen, certains mastics de fenêtre par des opérateurs confirmés. Au regard
tuent actuellement les opérations de sont également amiantés. Compte tenu de la situation observée sur ce chantier
curage, seules les dalles vinyle contien- du résultat de ces repérages complé- et des déclarations des opérateurs, on
draient de l’amiante. Une entreprise mentaires et du nombre particulière- peut légitimement s’interroger sur la
sous-traitante a d’ailleurs établi un plan ment faible de prélèvements réalisés sur manière dont sont conduits les audits au
de retrait d’amiante spécifique pour ces l’ensemble du site, un doute subsistera sein des organismes de certification.
matériaux. toujours sur la présence d’amiante dans
les pavillons déjà démolis. Aucune surprise par ailleurs en
La visite des locaux confirme que ce qui concerne le coordonnateur SPS,
des opérations de curage sont en cours. Le désengagement des acteurs de salarié d’une entreprise nationalement
Dans la cuisine du pavillon un intéri- l’opération et l’incompétence de reconnue, qui s’est contenté des conclu-
maire est occupé à arracher l’évier et l’opérateur sions des différents rapports sans se
les accessoires, faisant ainsi tomber des livrer à leur analyse critique, alors que
faïences murales (cf. Figure 5). La visite Entendu par les services de l’ins- la mise à l’écart par l’opérateur de nom-
révèle également la présence de chaudiè- pection du travail, l’opérateur de repé- breux matériaux et produits susceptibles
res individuelles à gaz – présentes dans rage a reconnu son incompétence. Des de contenir de l’amiante (chaudières,
les deux pavillons (cf. Figure 6), etc. éléments fournis par ce dernier, il sem- colles de faïence, enduits de façades,
ble bien que les formations auxquelles etc.) pouvait aisément être mise en évi-
L’exploitation du rapport de repé- les opérateurs participent ne soient pas dence par une personne non experte.
rage avant démolition du bâtiment toujours à la hauteur des enjeux des Cette approche de la mission de coordi-
contrôlé par les agents met clairement repérages avant démolition ou avant nation, largement répandue, tant au sein
en évidence l’insuffisance du repérage. travaux. Le certificat délivré par l’orga- des grandes entreprises nationales qu’au
Seuls 5 prélèvements pour analyse ont nisme qui a certifié l’opérateur atteste sein des petites structures ou chez les

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coordonnateurs indépendants, conduit FIguRe 7
à rendre inopérante la coordination SPS
sur les chantiers de réhabilitation et de Tableau d’analyse des offres
démolition en ce qui concerne la gestion
des risques à effets différés (amiante,
plomb).

En ce qui concerne la passation du


marché de repérage amiante, l’enquête a
une fois de plus démontré que la recher-
che de moins disant constituait non -75%
seulement la règle, mais que s’agissant
d’une mission dont les enjeux ne peu-
vent leur échapper, les maîtres d’ouvrage
ne s’inquiètent pas des offres anormale-
ment basses qui leur sont transmises Opérateur non retenu
par certains opérateurs. Au contraire,
ces offres retiennent toute leur attention
(cf. Figure 7). Opérateur retenu

En l’occurrence, deux propositions


financières ont été transmises au maî-
tre d’ouvrage. L’offre la moins disante et
inférieure d’environ 75 % à celle de son Opérateur le moins disant
concurrent a été retenue. Or l’opérateur
qui n’a pas été retenu avait réalisé quel-
ques mois auparavant des diagnostics CONCLUSION obstacle à l’exhaustivité du repérage :
vente au niveau de 6 des 9 pavillons limitation du nombre de locaux à visiter,
à démolir, ce que le maître d’ouvrage du nombre de prélèvements à effectuer,
ne pouvait ignorer, lesdits diagnostics Le manque de fiabilité des rapports réponses financières devant intégrer un
faisant partie du dossier de consultation de repérage établis à l’occasion d’opé- nombre prédéterminé de prélèvements
des opérateurs. Du fait de sa connais- rations de réhabilitation ou de démo- (qui constituera bien évidemment une
sance des locaux dans lesquels il avait lition est aujourd’hui unanimement base d’analyse des offres), etc. Quant
déjà procédé à des inspections visuelles, reconnu [16]. L’expérience montre que à l’analyse des offres, le donneur d’or-
et même si le nombre de prélèvements l’absence ou l’insuffisance des repéra- dre doit retenir celle offrant le plus de
ne pouvait être déterminé à l’avance, il ges conduit généralement à l’exposition garanties et de cohérence tant d’un
avait donné une estimation réaliste du à l’inhalation de poussières d’amiante point de vue technique que d’un point
nombre de prélèvements à réaliser (4 à des ouvriers affectés aux travaux, et le de vue financier. Ainsi le choix du
5 fois supérieur au nombre de prélève- cas échéant des utilisateurs de locaux, « moins disant » ne saurait être la règle.
ments réalisés par l’opérateur retenu). des populations environnantes et des Les offres anormalement basses doi-
salariés des chaînes de traitement des vent systématiquement écartées. Elles
Quant aux références des deux opé- déchets. En outre, les conséquences de sont en effet toujours à l’origine d’un
rateurs, contrairement à ce qu’a préten- ces repérages peuvent être importantes repérage expéditif. Compte tenu de la
du le maître d’ouvrage, elles n’étaient en termes de retard et de surcoût. Enfin, spécificité et des problématiques par-
pas de même niveau. En effet, les réfé- les suites pénales sont généralement ticulières des missions réalisées avant
rences transmises par l’opérateur non graves puisqu’elles portent le débat sur travaux ou avant démolition, il convient
retenu concernaient majoritairement le terrain de la mise en danger de la vie de retenir uniquement des opérateurs
des repérages avant travaux ou avant d’autrui, chaque acteur de l’opération confirmés, habitués à procéder à ce type
démolition, dont ce dernier s’était fait pouvant être concerné par ce délit. de repérages. Le donneur d’ordre peut
une spécialité. Alors que durant les utilement demander à consulter quel-
3 dernières années l’opérateur retenu Dans le cadre du dispositif réglemen- ques rapports établis par les opérateurs
et sa collaboratrice avaient effectué en taire actuel, chaque acteur des opérations désirant contracter notamment pour
majorité des repérages dans le cadre de précitées doit apporter la démonstration s’assurer de la lisibilité et de la clarté
vente de biens immobiliers ou de DTA de sa volonté de faire établir, d’obtenir des documents rédigés par l’opérateur.
(450 repérages avant vente ou dans le ou d’utiliser un repérage amiante fiable. Incompréhensibles ou difficiles d’accès,
cadre de DTA pour environ une ving- Les principes suivants constituent ainsi ils ne seront d’aucune utilité. Les opéra-
taine de repérage avant travaux). Cette pour chaque acteur des règles minimales teurs sollicitant une visite préalable des
affaire a confirmé que l’opérateur rete- à respecter en vue d’obtenir un repérage locaux pour établir une offre chiffrée
nu ne maîtrisait pas ce type de mission. amiante exhaustif. cohérente méritent également l’atten-
tion du donneur d’ordre.
Le maître d’ouvrage ou le donneur
d’ordre ne doit pas introduire dans le Une fois l’opérateur retenu, on ne
cahier des charges de la mission de peut qu’encourager le maître d’ouvrage
repérage amiante des contraintes faisant à associer le coordonnateur SPS et le

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maître d’oeuvre à la mission de l’opéra- du coordonnateur SPS est l’aboutisse- sion. Sa qualité d’expert verrait dans ce
teur. Ainsi en fonction de l’importance ment de sa démarche d’évaluation des cas sa responsabilité pénale renforcée.
de la mission, une réunion de présenta- risques, ces deux acteurs ne peuvent Les pièces du dossier de consultation
tion de la mission, une visite commune faire l’économie d’une analyse critique doivent également lui permettre de faire
de reconnaissance des locaux et/ou une des rapports qui leur sont remis, et ce une proposition financière cohérente.
réunion de présentation des résultats dans la limite de leur compétence. Toute On observe malheureusement réguliè-
doivent être organisées. Dans tous les conclusion ambiguë ou toute difficulté rement que des propositions financières
cas l’avis express du coordonnateur SPS de compréhension du document doi- sont transmises sans que l’opérateur
doit être sollicité sur le contenu du (ou vent également faire l’objet d’une alerte n’ait eu la description précise des tra-
des) rapport(s) établis par l’opérateur. auprès du maître d’ouvrage. Enfin le vaux (réhabilitation), les plans, voire des
coordonnateur SPS doit relever les inco- informations essentielles comme la des-
Subsidiairement, et compte tenu des hérences pouvant exister entre le CCTP tination passée ou actuelle des locaux,
nombreux dysfonctionnements constatés et le contenu des rapports de repérages les rapports concernant les recherches
dans la réalisation des missions de maî- amiante. d’amiante déjà réalisées, etc. Dans cer-
trise d’oeuvre et de coordination SPS, le tains cas, l’opérateur ne doit pas hésiter
maître d’ouvrage a également tout intérêt L’analyse critique des rapports de à se déplacer sur le site avant d’établir sa
à s’entourer d’un maître d’oeuvre et d’un repérage amiante s’impose également proposition.
coordonnateur SPS spécialisés dans les au responsable de l’entreprise interve-
travaux de réhabilitation et de démolition nante, compte tenu de son obligation de Pour finir, « rigueur » (dans l’ana-
(ce type de chantier est « affaire de spé- résultat en matière de santé de ses sala- lyse critique des anciens diagnostics et
cialistes »). Il montrera ainsi son impli- riés, et de son obligation d’évaluer les dans la rédaction des rapports) et « stra-
cation dans la démarche de prévention risques auxquels ceux-ci seront exposés, tégie » (dans la réalisation des prélève-
des risques professionnels. évaluation qui doit s’appuyer sur une ments) sont pour l’opérateur les maîtres
identification fiable des risques. Il doit mots pour réussir sa mission.
De leur côté, le maître d’œuvre et ainsi jouer son rôle de donneur d’alerte
le coordonnateur SPS doivent dès le auprès du maître d’ouvrage en cas de
début de la phase conception du projet repérage insuffisant, à plus forte raison
réclamer au maître d’ouvrage la réalisa- en cas d’absence de repérage. Crédit photos – ensemble des photos de
tion d’une mission de repérage amiante. l’article : photographies de l’auteur
Parce que les choix techniques du maî- Enfin, l’opérateur de repérage
tre d’œuvre doivent intégrer les prin- ne peut accepter lors de la passation
cipes généraux de prévention et parce des marchés des contraintes qu’il sait Reçu le : 10/04/2009
que le Plan Général de Coordination incompatibles avec la nature de sa mis- Accepté le : 23/06/2009

@nnexe : retrouvez l'annexe dans la version électronique (PDF) de cet article sur notre site www.hst.fr

Bibliographie
[1] GAUL M. – L’amiante dans les [9]  Code du travail – article R4532-43 compétences des personnes physiques
opérations de réhabilitation et de démoli- opérateurs de repérage et de diagnostics
tion – Repérage amiante : le maillon faible, [10]  Code du travail – articles R4532‑46 amiante dans les immeubles bâtis et les
Hygiène et Sécurité du Travail, 216, INRS, et R4532-53 critères d’accréditation des organismes de
2009, ND 2311 certification.
[11]  Décret n°2006-761 du 30 juin
[2]  Code pénal – article 223-1 2006 relatif à la protection des travailleurs [16]  Assemblée Nationale - Mission
contre les risques liés à l’inhalation de d’information sur les risques et les consé-
[3]  Code du travail – article L4531-1 poussières d’amiante quences de l’exposition à l’amiante – Ne
plus perdre sa vie à la gagner : 51 propo-
[4]  Code du travail – article L4532-5 [12]  Articles L4532-9 et R4532-64 à sitions pour tirer les leçons de l’amiante
R4532-66 / R4532-75. – 22 février 2006 [p. 79].
[5]  Code du travail – articles R4532-6
et R4532-8 [13]  Cass. Soc. 28 février 2002 [17]  Arrêté du 22 août 2002 relatif
aux consignes générales de sécurité du
[6]  Code du travail – article L4744-4 [14]  Code de la santé publique – article dossier technique « Amiante », au contenu
R1334-29 de la fiche récapitulative et aux modalités
[7]  Code des marchés publics – article 13 d’établissement du repérage – Annexe 1/
[15]  Arrêté du 21 novembre 2006 défi- article 3 : modalités de repérage.
[8]  Code du travail – article R4532-4 nissant les critères de certification des

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@nnexe
A1 : MAITRISE D’OUVRAGE PRIVEE – Figure A1 Figure A2
ATTENTION DANGER
Au fond de la pièce : Supports amiantés dégradés suite à la
trémie habillée de planches de bois démolition des cloisons intérieures
Présentation de l’opération

Le projet consiste en la réhabilita-


tion pour le compte d’un maître d’ouvra-
ge privé d’un immeuble de 3 étages
construit entre 1940 et 1950 et situé en
centre ville. La réhabilitation de l’im-
meuble comprend notamment la créa-
tion d’un parking, de caves et de locaux
techniques en sous-sol, la création d’une
galerie marchande au rez-de-chaussée
et au 1er étage, la création de logements
aux étages supérieurs et de liaisons
verticales entre les étages (escaliers et
escalators). Cette opération est classée Les ouvriers signaleront également établi en 1999 dans le cadre de la vente
en deuxième catégorie au sens de l’ar- aux agents de l’Inspection du Travail du bâtiment, le maître d’ouvrage n’en
ticle R4532-1 du code du travail (plus de avoir déposé des portes coupe-feu sans transmettra pas une copie au maître
500 hommes-jours). La première étape précaution particulière et sans protec- d’œuvre et au coordonnateur SPS. Ceux-
du projet consiste à effectuer d’impor- tion individuelle. Ces portes contenaient ci n’auront donc jamais connaissance de
tants travaux de démolition intérieure notamment des tresses amiantées sur l’existence de ce rapport. Bien que limité,
puisqu’il est prévu de livrer des plateaux toute la hauteur des portes. L’exposition puisqu’il n’a pas été établi dans le cadre
techniques nus aux corps d’état qui suc- des ouvriers a donc été importante et de travaux de réhabilitation, ce repérage
cèderont au lot gros œuvre/démolition. durable. Par ailleurs des doutes subsiste- révèle pourtant la présence d’amiante
ront toujours quant à l’absence d’amian- dans les dalles vinyle et leur colles, les
Après 8 mois de phase conception, te dans les autres matériaux démolis portes coupe-feu et les tuyauteries en
les travaux de démolition démarrent et équipements déposés, le contrôle de amiante-ciment présentes dans le bâti-
sans que le maître d’œuvre, le coordon- l’Inspection du Travail n’ayant pu avoir ment. De leur côté, le maître d’œuvre
nateur SPS et l’entreprise intervenante lieu qu’au moment où 95% des travaux et le coordonnateur SPS ne réclameront
ne soient en possession d’un rapport de de démolition avaient déjà été réalisés pas de repérage amiante.
repérage amiante. Afin de ne pas géné- (bien qu’ayant reçu du coordonnateur
rer trop de nuisances pour les riverains, SPS le modèle de la déclaration préala- Durant toute la phase de concep-
l’entreprise intervenante a l’idée de créer ble à transmettre, le maître d’ouvrage tion, aucune coopération n’est mise en
une trémie à l’intérieur du bâtiment n’avait pas informé l’inspection du tra- place par le maître d’ouvrage entre le
pour évacuer les gravats au lieu d’avoir vail du démarrage à venir de l’opéra- maître d’œuvre et le coordonnateur SPS.
recours à la traditionnelle goulotte exté- tion). Le maître d’ouvrage rencontre plusieurs
rieure placée le long de la façade et qui fois le maître d’œuvre pour se tenir
génère bruit et poussières (cf. figure L’enquête, en reconstituant avec informé de l’état d’avancement du pro-
A1). Pour ce faire, à chaque étage, les précision la chronologie de l’opération jet. Le coordonnateur SPS n’est jamais
ouvriers percent la dalle béton au mar- a mis en évidence l’oblitération pure et invité à ces réunions. A la date du
teau piqueur, à sec et sans protection simple des obligations mises à la charge contrôle de l’inspection du travail (3
individuelle. de chaque acteur. Les contraintes finan- mois après le démarrage des travaux), le
cières et de temps et l’absence de volonté coordonnateur ne dispose ni des plans
L’enquête révèlera que les dalles manifeste de prendre en compte la pré- du projet et de l’existant, ni du descriptif
vinyles et les colles bitumineuses recou- vention des risques professionnels sont des travaux (CCTP) et n’a donc qu’une
vrant la dalle béton, présentes à plu- les différents facteurs ayant concouru à vision très partielle de la nature des
sieurs étages, contiennent de l’amiante. cette situation. travaux. A la mi-décembre se tient une
Par la suite les ouvriers démolissent réunion préalable au démarrage des
notamment à la masse, et sans précau- Une prévention des risques travaux à laquelle participent le maître
tion particulière les cloisons intérieures. inexistante durant la phase d’ouvrage, le maître d’œuvre et le res-
Dans certaines zones, compte tenu de conception ponsable de l’entreprise intervenante.
la présence de dalles vinyle et de colles Décision est prise de démarrer immé-
amiantées, la démolition des cloisons En mai et juin 2003, le maître diatement les travaux de démolition.
a pour conséquence une dégradation d’ouvrage désigne pour son projet un Non seulement le coordonnateur SPS
des supports et une libération de fibres maître d’œuvre et un coordonnateur n’est pas invité à cette réunion, mais son
d’amiante (cf. figure A2). Les démolitions SPS, ce qui marque le début de la phase avis n’est pas sollicité sur les mesures de
intérieures ont lieu sans interruption conception de l’opération. Alors qu’il dis- coordination SPS à mettre en oeuvre, ce
pendant 3 mois. pose d’un rapport de repérage amiante qui est d’autant plus surprenant que le

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Figure A3 tillons, puisqu’un opérateur de repérage


ne peut déterminer à l’avance le nombre
Repérage amiante en cours de travaux - proposition de prélèvements à effectuer pour ana-
financière renégociée par le maître d’ouvrage
lyse). La proposition financière rappelle
en outre le coût unitaire d’une analyse
d’échantillon en laboratoire (55 à 80 €
HT selon la méthode d’analyse). Le maî-
tre d’ouvrage accepte la mission, mais
en apportant des modifications pour le
moins substantielles à la proposition
financière. Outre le fait qu’il réduit le
coût de la prestation à 250 €  HT, ce
dernier n’accepte la proposition qu’à la
condition que le prix renégocié intègre le
coût des analyses, ce qui rend purement
et simplement impossible la mission (cf.
maître d’ouvrage n’a eu aucun contact mettant sa mission en sommeil dans figure A3). Le coordonnateur (et opéra-
avec le coordonnateur SPS depuis sa l’attente d’une information sur le démar- teur de repérage) accepte de réaliser la
nomination en mai. Signe que le coor- rage des travaux. Même contacté par le mission aux conditions imposées par le
donnateur avait tout simplement été responsable de l’entreprise intervenante maître d’ouvrage.
« oublié », c’est l’entrepreneur qui s’en- la veille du démarrage du chantier, il
quiert de l’existence d’un coordonnateur n’alertera pas le maître d’ouvrage sur Compte tenu du prix négocié par le
SPS afin de le contacter pour réaliser la nécessité de faire procéder à un repé- maître d’ouvrage, le coordonnateur ne
une inspection commune sur le chan- rage amiante avant tout travaux. Il se procèdera qu’à un seul prélèvement de
tier. Interrogé sur l’absence de prise contentera de rédiger à la hâte un PGC matériau (dalles+colle) qui confirmera
de contact avec le coordonnateur SPS type et inadapté, sans aucune portée la présence d’amiante. Mais le mal est
avant de démarrer les travaux, le maître pratique. Lors de l’inspection commune déjà fait, le résultat de cette analyse ne
d’œuvre précisera : « je me souciais plus réalisée avec l’entrepreneur, il se fera faisant que confirmer l’exposition des
de lancer le chantier ». décrire les travaux, attirera l’attention ouvriers. Preuve du peu d’intérêt porté
de l’entrepreneur sur la présence poten- à cette mission par les différents acteurs
Le CCTP du maître d’œuvre consti- tielle d’amiante dans les dalles et la de cette opération, les travaux de démoli-
tue quant à lui un modèle du genre. De colle et rédigera un compte rendu d’in- tion ne s’arrêteront jamais dans l’attente
nombreux travaux destructifs sur des tervention demandant à ce dernier de de la parution du rapport de repérage
matériaux ou équipements susceptibles s’enquérir auprès du maître d’ouvrage (un mois plus tard).
de contenir de l’amiante y sont décrits de l’existence d’un repérage amiante,
(dépose de l’ensemble des menuiseries reportant ainsi sur l’entrepreneur une Interrogé par les services de l’ins-
intérieures, y compris portes coupe-feu, obligation qui pesait sur lui durant la pection du travail sur la réalisation d’un
création de trémies pour le futur escala- phase conception dans le cadre de son repérage amiante à des conditions qu’il
tor, démolition de cloisons, d’escaliers, analyse de risque. La coordination SPS savait incompatibles avec la nature de la
de carrelages et de faïences murales….). a ainsi été totalement inopérante durant mission (même si 50% de démolitions
Pour autant à aucun moment, le docu- la phase conception du projet. avaient déjà été réalisées), le coordonna-
ment n’évoque la possibilité de présence teur SPS expliquera : « c’est une logique
d’amiante. D’une manière générale, Phase réalisation : la prise de économique, si je dis au maître d’ouvrage
les risques à effets différés (amiante, conscience n’a pas lieu qu’il va y avoir plusieurs dizaines d’analy-
plomb…) ne sont pas pris en compte. ses à effectuer, on n’aura pas le marché. »
Le maître d’œuvre s’en expliquera en Les travaux de démolition démar- Quant au maître d’ouvrage, sommé de
indiquant qu’il ne partage pas la phobie reront dès le lendemain de cette visite s’expliquer sur les conditions commer-
de l’amiante qu’ont les agents de l’ins- sans que ni l’entrepreneur, ni le coor- ciales qu’il avait imposé à son coor-
pection du travail, que de toute façon donnateur SPS ne prennent contact avec donnateur SPS, il affichera un certain
« les diagnostics amiante ne sont pas obli- le maître d’ouvrage. Le compte rendu mépris pour la prévention des risques
gatoires pour les démolitions de cloisons » du coordonnateur SPS, dont le maître professionnels : «  ça ne me choque pas,
et que l’on fait tout un drame de « quel- d’ouvrage et le maître d’œuvre recevront c’est de la négociation ».
ques portes coupe-feu qui contiennent une copie, ne génèrera aucune réaction de
tresse ». leur part. Le coordonnateur SPS ne Conclusions
repassera sur le chantier qu’un mois
Le coordonnateur SPS, salarié d’une plus tard, à l’occasion d’une réunion de Dans cette affaire le maître d’ouvra-
entreprise nationalement reconnue, pré- maîtrise d’œuvre à laquelle, pour une ge a clairement privé le coordonna-
sente une particularité. Il est aussi opé- fois, il était invité. Constatant la forte teur SPS de moyens, en ne faisant pas
rateur de repérage amiante. Il connaît progression des travaux de démolition, procéder à un repérage amiante avant
donc bien ce risque et les matériaux et le coordonnateur SPS indique au maître travaux durant la phase conception de
produits susceptibles de contenir de d’ouvrage qu’il serait utile de procéder à son projet, en faisant obstacle par sa
l’amiante. Nommé en mai 2003, il ne un repérage amiante (..!) et lui fait une négociation à un repérage exhaustif sur
produira aucun acte de coordination proposition financière. La prestation est les matériaux restant en place durant la
durant toute la phase de conception, proposée à 300 € HT (hors échan- phase réalisation et en ne mettant pas

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en place une coopération qui s’avérait Le coordonnateur SPS a mis en cette opération, il avait transmis un
essentielle entre son coordonnateur et sommeil sa mission durant toute la plan de retrait de dalles vinyle amiante
son maître d’œuvre. Il est en outre resté phase de conception, alors que celle-ci à l’inspection du travail, lequel inté-
spectateur de son projet sur les aspects devait débuter par un acte simple mais grait des mesures de prévention cohé-
santé et sécurité en ne procédant pas à essentiel : une demande de repérage rentes. Pourtant, bien qu’alerté sur la
des contrôles de l’état d’avancement de la amiante avant travaux (et de diagnostic présence potentielle d’amiante dans des
mission de coordination SPS, alors qu’il plomb) auprès du maître d’ouvrage afin matériaux du même type, il n’a pas
procédait de manière régulière à des de pouvoir établir un PGC adapté à la hésité à faire intervenir ses salariés
contrôles sur les aspects techniques. Il a spécificité du chantier. Il a accepté de sans aucune précaution ni protection.
enfin privé son coordonnateur d’autorité laisser débuter les travaux sans que ces Le maître d’ouvrage, le coordonnateur
en l’écartant des grandes décisions du éléments d’identification du risque ne SPS, le maître d’oeuvre et le responsable
chantier, en ne tenant pas compte des soient réunis et n’a pas hésité à établir de l’entreprise de gros oeuvre ont tous
(rares) signaux d’alerte que ce dernier un PGC type sans avoir réellement pris été condamnés pour mise en danger
lui faisait parvenir, et en n’arrêtant pas connaissance du projet. Durant la phase d’autrui en mai 2009 (jugement défi-
le chantier dans l’attente de la parution réalisation, il n’a pas cherché à sur- nitif).
du rapport de repérage établi lors de la veiller ce chantier à haut risque (1 visite
phase réalisation. en 3  mois). En proposant tardivement
un repérage amiante et en acceptant les
Le maître d’œuvre a quant à lui conditions commerciales imposées par
été particulièrement influent auprès du le maître d’ouvrage, il a clairement et en
maître d’ouvrage en matière de déni toute connaissance de cause privilégié
du risque amiante. Il s’est par ailleurs la logique économique à la santé des
refusé à toute prise en compte du risque ouvriers.
amiante (et d’une manière générale des
risques à effets différés) lors de ses choix Enfin le responsable de l’entrepri-
techniques (CCTP) et s’est opposé à se intervenante connaissait le risque
toute coopération avec le coordonnateur. amiante, puisque quelques mois avant

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A2 : MAITRISE D’OUVRAGE PUBLIQUE – La mise en évidence de l’exposition toiture en amiante-ciment et des iso-
LE COMPTE N’Y EST PAS de salariés et de la pollution des lants placés en sous face de toiture. Les
locaux conditions d’enlèvement de la toiture
amiante-ciment, pour laquelle l’entre-
Présentation de l’opération Tout commence par un banal prise avait établi un plan de retrait
contrôle des travaux de couverture en d’amiante, n’étaient pas satisfaisantes
Le projet consiste en la réhabilitation cours au niveau du bâtiment B, alors que notamment parce qu’aucune mesure de
de 7 bâtiments rassemblés sur un même les ouvriers de l’entreprise intervenante protection n’avait été prévue pour éviter
site pour le compte d’un maître d’ouvra- sont occupés à mettre en place des élé- la pollution de l’atelier et de ses équipe-
ge public qui assure également la maîtri- ments de toiture métalliques. Compte ments. Quant aux matériaux situés en
se d’œuvre du projet. L’ensemble immo- tenu de l’absence de protection collective sous face de toiture, ils ont été déposés
bilier appartenant à ce maître d’ouvrage contre le risque de chute (cf figure A4), sans précaution et sans protection par-
est constitué d’un bâtiment principal l’agent rend une décision administrative ticulière, et pour cause, les ouvriers
(que nous nommerons bâtiment A) et d’arrêt des travaux étaient persuadés qu’ils déposaient du
de bâtiments de taille plus modeste carton. Mais l’enquête révèlera que ces
(B à G). En fonction des bâtiments, L’absence de protection contre le ris- matériaux n’étaient autres que des maté-
les réhabilitations peuvent concerner que de chute s’explique par les interfé- riaux friables contenant de l’amiante, en
la façade (ravalement), le changement rences matérielles générées par le mobi- l’espèce des panneaux particulièrement
de la toiture et des isolants sous toiture lier et le parc machine de l’atelier d’un dégradés de panocell (carton amian-
(bâtiment B) ou des travaux intérieurs artisan situé sous la zone d’interven- té recouvert de deux feuilles d’alumi-
(cas du bâtiment A). Le site restant en tion. En effet ceux-ci rendent difficile nium). Le contrôle permettra de consta-
activité, les interférences avec les activi- voire impossible la pose en sécurité des ter la présence de débris de plaques de
tés du site peuvent être nombreuses et filets anti-chute qu’avait prévu de mettre panocell encore présents sur les pannes
doivent conduire le coordonnateur SPS en place l’entreprise. Par endroits les de charpente, témoin de l’adhérence de
à la plus grande vigilance dans la réali- ouvriers ont tenté de mettre en place ces plaques aux éléments de charpente
sation de sa mission. Dans le cadre de un filet non adapté et permettant, selon et d’un mode de dépose sans précaution
ce projet, le maître d’ouvrage a nommé leur propres termes, de régler les ris- (cf. figure A6).
un coordonnateur SPS dès le début de ques les plus évidents de chute d’outils
la phase conception en septembre 2003. (cf. figure A5). Ces constats témoignent L’analyse des nombreux prélève-
Les pièces du marché montrent que le d’emblée de l’absence de prise en comp- ments de surface réalisés à l’aide de lin-
maître d’ouvrage s’est engagé à mettre te par le coordonnateur SPS des inter- gettes a confirmé que le local et l’ensem-
en place une coopération effective entre férences matérielles avec les activités ble des équipements et matériels qu’il
la maîtrise d’œuvre et le coordonnateur du site en exploitation. L’enquête mon- contenait étaient pollués à l’amiante. Le
SPS, ce dernier devant participer à l’en- trera que la seule mesure envisagée par chantier a dû être suspendu le temps
semble des réunions d’étude organisées le coordonnateur SPS en concertation de la dépollution des locaux. La grande
durant la phase conception, ainsi qu’à la avec la maîtrise d’œuvre avait consisté à majorité des équipements et matériels
rédaction du CCTP, notamment pour les demander à l’artisan de pas utiliser son de l’artisan n’étant pas décontaminable,
aspects protection collective. Plusieurs atelier durant les travaux, alors qu’à l’évi- ceux-ci ont dû être évacués vers une
mois avant le démarrage des travaux, un dence, un transfert de mobilier s’avérait installation de stockage pour déchets
rapport repérage amiante avant travaux nécessaire. dangereux (classe 1) et l’artisan a dû ces-
est établi par un opérateur de repérage ser son activité professionnelle. Ayant
(août 2004). Toutes les conditions sem- Mais les déclarations des ouvriers pu pénétrer à plusieurs reprises dans
blent donc réunies pour que cette opéra- permettront de découvrir que la mise son atelier au cours des travaux pour
tion se déroule en prenant en compte le en place de cette toiture métallique y chercher outils, documents, etc., il a
risque amiante. s’inscrivait dans des travaux plus larges par ailleurs été régulièrement exposé à
comprenant également la dépose de la l’inhalation de fibres d’amiante.

Figure A4 Figure A5 Figure A6

Risque de chute à l’intérieur et à l’exté- Interférences matérielles entre l’activité Débris de plaques de panocell
rieur de l’ouvrage du local et les travaux de couverture témoignant de l’adhérence de celles-ci
aux pannes de charpente.

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Une prévention des risques inexis- en 2001 faisait partie des pièces qui lui d’ouvrage ne lui a pas fait visiter, d’autre
tante durant les phases conception ont été transmises dans le cadre de son part parce que les vérifications des
et réalisation marché. Il ne pouvait donc méconnaî- conditions de réalisation des travaux de
tre l’existence des plaques de panocell l’entreprise intervenante ont été effec-
L’enquête menée dans le cadre de dans ce bâtiment. Or en tant qu’expert tuées de l’extérieur du bâtiment. On
cette affaire a montré que l’existence et compte tenu de son obligation de comprend mieux ainsi les interférences
d’une maîtrise d’ouvrage publique ne conseil, l’opérateur, s’il a connaissan- constatées par les agents de l’inspection
constituait pas une garantie en matière ce de matériaux réputés contenir de du travail (le coordonnateur était passé
de prise en compte du risque amiante l’amiante ne faisant pas partie de sa sur le chantier 2 jours avant le contrôle
dans les opérations de réhabilitation mission, doit les mentionner dans son de l’inspection du travail).
ou de démolition. Comment expliquer rapport. Ce principe, déjà rendu obliga-
que la présence de matériaux amiantés toire par l’arrêté du 22 août 2002 lors de Le coordonnateur SPS n’a par
friables n’ait pas été prise en compte la réalisation de repérage en vue du DTA ailleurs jamais cherché à se livrer à une
par l’entreprise intervenante ? Une fois [17] se doit également d’être appliqué aux analyse critique du rapport de repérage
de plus chaque acteur a concouru à l’ex- repérages avant travaux. amiante, pas plus qu’il n’a procédé à une
position importante des salariés et à la analyse comparative de ce rapport avec
pollution des locaux. A titre complémentaire, il convient le CCTP. La visite des locaux ne pouvait
de préciser que l’artisan utilisateur du que l’obliger à attirer l’attention du maî-
Contrairement aux engagements local du bâtiment B avait proposé à la tre d’ouvrage sur les problèmes de cohé-
pris, le coordonnateur SPS n’a jamais maîtrise d’ouvrage un transfert de son rences entre ces deux documents. Mais
participé aux réunions de maîtrise activité durant les travaux dans des cette visite n’a jamais eu lieu (!).
d’œuvre durant la phase conception, locaux présents et disponibles sur le site.
pas plus qu’il n’a participé à la rédaction Cette mesure de bon sens aurait permis Mais le coordonnateur SPS aurait-
du CCTP. Dans ces conditions il ne de rendre cette partie du chantier close il pris les mesures de coordination qui
pouvait avoir qu’une vision très partielle et indépendante et par voie de consé- s’imposaient s’il avait visité le local du
du projet. Le maître d’ouvrage possédait quence de limiter de manière impor- bâtiment B concerné par les travaux ?
un diagnostic faux plafonds réalisé en tante les interférences avec les activités Rien n’est moins sûr : dans un couloir
2001, dont les conclusions attestaient du site. Cette mesure a été rejetée par du bâtiment principal, des éléments de
de la présence d’amiante dans les pla- le maître d’ouvrage qui l’a jugée trop couverture sont également à remplacer.
ques de panocell situées en sous face coûteuse (!). Là encore, des plaques de panocell sont
de la toiture du bâtiment B. Pourtant le présentes en sous face de toiture. Mais
CCTP n’en tiendra pas compte. Seuls les La phase de conception a eu une cette fois, parce que l’opérateur a visité
éléments de couverture en fibrociment durée d’environ 1 an et demi, ce qui le bâtiment, ils sont repérés comme
figurent dans la rubrique « matériaux laissait au coordonnateur SPS le temps matériaux amiantés dans le rapport de
amiantés  » du lot couverture. Les iso- nécessaire à une évaluation des risques repérage de ce bâtiment. Le coordonna-
lants en sous face de toiture constitués de qualité dont le PGC devait être l’abou- teur SPS, qui a visité à plusieurs reprises
de plaques de panocell sont relégués tissement. Au cours de cette période, ce ce bâtiment et qui est en possession
dans la rubrique « divers » des tra- dernier ne formulera aucune demande d’un exemplaire du rapport de repérage
vaux de dépose de ce même lot. Lors particulière au maître d’ouvrage pour ne peut ignorer leur existence. De sur-
de la visite ayant pour but de préciser la réalisation de repérages amiante et croît plusieurs plaques sont dégradées
la nature des travaux à effectuer au de diagnostics plomb (aucun diagnostic ou déchirées (cf. figure A8 et A9). Même
niveau du bâtiment B, le représentant plomb n’a été réalisé pour cette opéra- s’il n’est pas prévu de remplacer ces pla-
de la maîtrise d’ouvrage assurant la maî- tion). Un PGC type sera établi dès le ques, le remplacement des éléments de
trise d’œuvre de l’opération n’a pas fait début de la phase de conception. Malgré toiture génère des risques évidents d’in-
entrer l’opérateur de repérage dans le une modification du périmètre des tra- terférence avec l’activité du site (pollu-
bâtiment. Il a indiqué à l’opérateur que vaux (par exemple ajout de travaux de tion des locaux). Des mesures pratiques
les travaux concernaient seulement les plomberie nécessitant des « percements de confinement sont à prévoir. Elles font
éléments de couverture, les gouttières de parois de toute nature » (cf. CCTP)), défaut dans le PGC. Elles feront défaut
et la façade (ravalement), omettant ainsi malgré la réalisation un an plus tard sur le chantier.
de signaler la dépose des plaques de du repérage amiante avant travaux (qui
panocell situées en sous face de toiture. allait être à l’origine de contraintes nou- A l’inverse du coordonnateur SPS et
Conséquence, le rapport de repérage velles, comme par exemple celles liées à de l’opérateur de repérage, le responsa-
établi par l’opérateur s’en tient à la des- la découverte d’enduits de façade amian- ble de l’entreprise intervenante a visité
cription sommaire du représentant de la tés sur un bâtiment à ravaler), malgré la les deux bâtiments. Il ne peut ignorer
maîtrise d’ouvrage et exclut de ce fait les parution à la même époque du CCTP, que les matériaux isolants placés en
éventuels plafonds et faux plafonds de la le PGC demeurera inchangé. 6 mois sous-face de toiture des bâtiments A et
recherche (cf figure A7). après le démarrage du chantier (date B sont strictement identiques, et que
du contrôle de l’inspection du travail), il le rapport de repérage du bâtiment A
Mais l’opérateur n’est pas exempt n’aura pas évolué. atteste de la présence d’amiante dans ce
de responsabilité. Premièrement parce matériau. Il ne peut non plus ignorer
qu’il aurait dû demander à visiter l’inté- Il a par ailleurs été établi que le qu’au terme du marché qu’il a accepté,
rieur du bâtiment dans le cadre de son coordonnateur n’avait jamais visité il doit la dépose de ces matériaux au
inspection visuelle. D’autre part parce l’intérieur du bâtiment B, d’une part niveau du bâtiment B, mais que le rap-
que le diagnostic faux plafonds établi parce que le représentant de la maîtrise port de repérage afférent n’y fait pas

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Figure A7 par l’opérateur de repérage. Alors que


des interventions étaient prévues au
Extrait du rapport de repérage concernant le bâtiment B niveau de 7 bâtiments, que de nombreux
travaux destructifs étaient prévus au
niveau du bâtiment principal, l’opéra-
teur n’a effectué que 11 prélèvements de
matériaux pour analyse sur l’ensemble
du site. A titre d’exemples alors que les
travaux intégraient l’arrachage du com-
plexe d’étanchéité de la toiture terrasse,
la casse des carrelages au sol et des
faïences murales de certaines pièces, le
papier bitumineux du complexe d’étan-
chéité ainsi que les colles de carrelage
ou de faïence n’ont fait l’objet d’aucun
prélèvement. Le rapport de repérage
complémentaire exigé par l’inspection
du travail alors que les travaux intéri-
eurs sont presque terminés révèlera la
présence d’amiante dans des plaques de
faux plafonds en plâtre.

L’enquête a également montré que


le choix de l’opérateur s’était effectué
sur le seul critère de l’offre la « moins-
disante  » sans prendre en compte la
capacité de ce dernier à réaliser de telles
missions. De son côté, l’opérateur de
repérage, qui n’avait jamais réalisé de
repérage avant travaux, a fait une offre
financière très basse, espérant ainsi,
selon ses propres termes « entrer dans
la cour des grands ». Il a également été
établi que le maître d’ouvrage, par les
termes du contrat, avait incité l’opéra-
teur de repérage à limiter le nombre de
prélèvements qui devaient être de l’ordre
de la dizaine. L’opérateur a respecté cet
objectif en ne procédant qu’à 11 prélève-
Figures A8 et A9 ments, ce qui s’avérait largement insuf-
fisant au regard des travaux.
Plaques de panocell dégradées, situées au plus près des éléments de couverture
Conclusion

Dans cette affaire, la maîtrise


d’ouvrage a enfreint les règles qu’elle
avait elle-même établies et qui auraient
permis la mise en place d’une véritable
démarche d’analyse du risque amiante (et
du risque plomb) durant la phase concep-
tion (coopération entre son représentant
pour la maîtrise d’œuvre et le coordon-
nateur - participation aux réunions de
maîtrise d’œuvre et à la rédaction du
CCTP). Des visites sérieuses des bâti-
ments, une analyse critique du rapport
référence, au seul motif qu’ils « ne sont ponsable à prendre en compte le risque de repérage amiante puis comparative
pas concernés » par les travaux. Il devait amiante (absence de mesure en vue avec le contenu du CCTP auraient per-
donc alerter le maître d’ouvrage sur d’éviter la pollution des locaux – bâti- mis d’identifier puis d’analyser ces ris-
l’ambiguïté des conclusions du rapport ments A et B). ques. Au lieu de cela, le maître d’ouvrage
de repérage du bâtiment B. a oublié ses obligations et s’est même
Subsidiairement, l’enquête a mis abstenu d’effectuer des contrôles de base
Mais l’enquête a montré d’une en évidence l’insuffisance flagrante des de la mission de coordination SPS (s’en-
manière générale l’incapacité de ce res- repérages amiante avant travaux réalisés quérir par exemple de l’évolution d’un

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PGC établi un an avant les résultats du du projet, il n’a pas su éviter les interfé- Enfin le responsable de l’entreprise
repérage amiante, de l’adaptation d’un rences avec les activités du site en exploi- intervenante s’est livré à une analyse des
PGC établi avant la modification du tation. Là encore l’absence de visite de risques très sommaire et n’a pas réelle-
périmètre des travaux, etc.). Elle a en certains locaux (cas du bâtiment B) a ment exploité les documents qui lui ont
outre confié la maîtrise d’œuvre de son joué un grand rôle dans l’exposition des été remis. Comme souvent seules les
opération à l’un de ses techniciens, peu ouvriers et la pollution des locaux. conclusions des rapports de repérage
habitué aux opérations de réhabilitation sont lues par les entrepreneurs, ce qui
et à leurs risques spécifiques. L’opérateur de repérage s’est quant ne permet pas de détecter les incohé-
à lui plié aux exigences commerciales rences ou ambiguïtés contenues dans
Le coordonnateur SPS s’est contenté du maître d’ouvrage, ce qui a abouti à le document. Mais dans cette affaire
de la rédaction d’un PGC type en tout un repérage très insuffisant. Il n’a par (cas du bâtiment A), l’entrepreneur n’a
début de phase de conception, document ailleurs pas su imposer ses propres même pas tenu compte des conclusions
qui n’évoluera pas malgré les modi- contraintes au représentant de la maî- du rapport de repérage pour son évalua-
fications et informations importantes trise d’ouvrage en n’exigeant pas de tion des risques.
concernant le projet (cf. supra). Il n’a visiter tous les locaux. Son inexpérience
pas cherché à relever les incohérences et son désir d’être connu et apprécié des
existant entre les rapports de repérage maîtres d’ouvrage publics ont concouru
et le CCTP. Durant la phase réalisation à la situation précédemment décrite.

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