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3 Amiante
3 Diagnostic
3 Responsabilité
3 BTP
3 Enquête
LES OPÉRATIONS DE
Contrôleur du travail de La Manche, membre du
groupe de travail Réglementation amiante mis en
place par la Direction générale du travail
RéHABILITATION ET DE
DÉMOLITION ASBESTOS IN REHABILITATION AND
DEMOLITION OPERATIONS
Insuffisance des repérages : des Identification insufficiencies:
multiple responsibilities and
responsabilités et des défaillances failures
FIguRe 1
FIguRe 2
FIguRe 3
gations complémentaires auraient dû d’un site en exploitation (la notion de site Le rôle du coordonnateur SPS est
être menées au niveau des salles de bain en exploitation s’apprécie au sens large du primordial sur les chantiers de réhabili-
non visitées. A défaut, le résultat positif terme. Ainsi un immeuble habité en cours tation et de démolition. Il doit d’une part
(présence d’amiante) révélé au niveau de de réhabilitation répond à cette définition) jouer son rôle d’alerte en cas d’absence
2 salles de bain aurait dû être étendu à L’ensemble de ces mesures figurent de réalisation d’une mission de repérage
l’ensemble des colles de faïence des sal- dans le Plan Général de Coordination amiante. Il doit d’autre part tenir compte
les de bain non visitées. (PGC) établi par le coordonnateur. La des éléments pertinents contenus dans
phase de conception du projet constitue les rapports de repérage amiante pour la
LE COORDONNATEUR SPS donc pour le coordonnateur la phase la rédaction du PGC. Enfin, dans le cadre
plus importante de sa mission puisque de son analyse des risques, le coordonna-
Le coordonnateur SPS, nommé de la qualité de son analyse des risques, teur SPS ne peut faire l’économie d’une
par le maître d’ouvrage dès le début dont le PGC est l’aboutissement [9], analyse critique des rapports qui lui sont
de l’avant-projet sommaire du maître dépend en grande partie la santé et la transmis par le maître d’ouvrage. Il ne
d’œuvre [8] dispose de toute la phase sécurité des salariés des entreprises s’agit pas d’exiger du coordonnateur SPS
conception du projet pour analyser les intervenantes, des populations environ- qu’il engage un débat d’expert avec l’opé-
risques liés à l’opération et définir les nantes du chantier (démolition) et des rateur de repérage (par exemple sur le
sujétions qui devront permettre de pré- usagers des locaux (réhabilitation). Le nombre de prélèvements effectués pour
venir les risques résultant des interven- PGC est intégré dans les pièces du mar- un matériau donné, ce qui relève de la
tions simultanées ou successives des ché et transmis aux entreprises désirant compétence propre de l’opérateur). En
entreprises et d’éviter toute exportation contracter. Depuis le 1er juillet 2006, les revanche, le coordonnateur doit effec-
de la pollution à l’extérieur du chantier, rapports de repérage amiante doivent tuer des contrôles de base, à la portée de
que celui-ci se trouve sur ou à proximité être joints au PGC [10]. personne non experte.
Figure 4 Figures 5 et 6
réalisation de la démolition, de la pous- été réalisés dans le pavillon, concer- d’une formation récente, postérieure à
sière émise et de la présence potentielle nant essentiellement des revêtements la parution de l’arrêté du 21 novembre
de fibres d’amiante dans ces poussières. en vinyle (dalles et linos) ainsi qu’un 2006 [15]. L’opérateur a expliqué avoir
Un contrôle est effectué sur site par calorifugeage. Sur l’ensemble du site été formé au sein d’un grand groupe de
les agents de l’inspection du travail. qui comprend 9 pavillons, l’opérateur a formation. Selon lui sa certification a
Plusieurs pavillons ont déjà été entiè- procédé à 20 prélèvements concernant uniquement été basée sur le diagnostic
rement démolis. Les agents découvrent uniquement des revêtements de sol, des vente (!). Sa collaboratrice, également
que les inquiétudes des riverains étaient calorifugeages ainsi qu’un matériau en opératrice de repérage mais formée au
légitimes, les opérations de démolition fibrociment (ardoise). sein d’un autre grand groupe, a fait
mécanisée s’effectuant « à sec » sans exactement le même constat (!). Dans
aucune mesure pratique pour rabattre Aucun équipement (chaudière, etc.) ces conditions l’insuffisance flagrante
les poussières (cf. Figure 4). n’a été intégré dans la recherche. Les col- des rapports contrôlés par les agents de
les de faïences, plâtres, mastics, enduits l’inspection du travail n’est pas étonnan-
Un contrôle qui met un point d’arrêt de façades et autres matériaux suscepti- te, tant les différences sont importantes
à l’opération bles de contenir de l’amiante n’ont fait entre la problématique du diagnostic
l’objet d’aucune recherche. Le chantier vente ou du DTA, généralement visuel,
Deux pavillons mitoyens sont enco- est arrêté et il est demandé au maître et celle des repérages avant travaux
re en place sans que les pelleteuses d’ouvrage de faire procéder à des repéra- ou avant démolition, qui nécessite une
n’aient commencé à les démolir. Dans ges complémentaires dans les bâtiments parfaite connaissance des techniques de
l’un d’entre eux, des ouvriers sont occu- encore en place. Ceux-ci révèleront que construction et de nombreuses inves-
pés à effectuer les opérations préalables les chaudières contiennent des compo- tigations approfondies. L’expérience
de curage. L’encadrement de chantier sants amiantés. Il en est de même pour montre que nous sommes bien en pré-
de l’entreprise intervenante précise aux les colles de faïence dégradées par l’in- sence de deux métiers différents et que
agents que des repérages avant démo- térimaire lors des opérations de curage les repérages amiante avant travaux ou
lition ont été effectués pour chaque (cf. Figures 5 et 6). Dans le pavillon avant démolition doivent être conduits
pavillon et que dans celui où s’effec- mitoyen, certains mastics de fenêtre par des opérateurs confirmés. Au regard
tuent actuellement les opérations de sont également amiantés. Compte tenu de la situation observée sur ce chantier
curage, seules les dalles vinyle contien- du résultat de ces repérages complé- et des déclarations des opérateurs, on
draient de l’amiante. Une entreprise mentaires et du nombre particulière- peut légitimement s’interroger sur la
sous-traitante a d’ailleurs établi un plan ment faible de prélèvements réalisés sur manière dont sont conduits les audits au
de retrait d’amiante spécifique pour ces l’ensemble du site, un doute subsistera sein des organismes de certification.
matériaux. toujours sur la présence d’amiante dans
les pavillons déjà démolis. Aucune surprise par ailleurs en
La visite des locaux confirme que ce qui concerne le coordonnateur SPS,
des opérations de curage sont en cours. Le désengagement des acteurs de salarié d’une entreprise nationalement
Dans la cuisine du pavillon un intéri- l’opération et l’incompétence de reconnue, qui s’est contenté des conclu-
maire est occupé à arracher l’évier et l’opérateur sions des différents rapports sans se
les accessoires, faisant ainsi tomber des livrer à leur analyse critique, alors que
faïences murales (cf. Figure 5). La visite Entendu par les services de l’ins- la mise à l’écart par l’opérateur de nom-
révèle également la présence de chaudiè- pection du travail, l’opérateur de repé- breux matériaux et produits susceptibles
res individuelles à gaz – présentes dans rage a reconnu son incompétence. Des de contenir de l’amiante (chaudières,
les deux pavillons (cf. Figure 6), etc. éléments fournis par ce dernier, il sem- colles de faïence, enduits de façades,
ble bien que les formations auxquelles etc.) pouvait aisément être mise en évi-
L’exploitation du rapport de repé- les opérateurs participent ne soient pas dence par une personne non experte.
rage avant démolition du bâtiment toujours à la hauteur des enjeux des Cette approche de la mission de coordi-
contrôlé par les agents met clairement repérages avant démolition ou avant nation, largement répandue, tant au sein
en évidence l’insuffisance du repérage. travaux. Le certificat délivré par l’orga- des grandes entreprises nationales qu’au
Seuls 5 prélèvements pour analyse ont nisme qui a certifié l’opérateur atteste sein des petites structures ou chez les
maître d’oeuvre à la mission de l’opéra- du coordonnateur SPS est l’aboutisse- sion. Sa qualité d’expert verrait dans ce
teur. Ainsi en fonction de l’importance ment de sa démarche d’évaluation des cas sa responsabilité pénale renforcée.
de la mission, une réunion de présenta- risques, ces deux acteurs ne peuvent Les pièces du dossier de consultation
tion de la mission, une visite commune faire l’économie d’une analyse critique doivent également lui permettre de faire
de reconnaissance des locaux et/ou une des rapports qui leur sont remis, et ce une proposition financière cohérente.
réunion de présentation des résultats dans la limite de leur compétence. Toute On observe malheureusement réguliè-
doivent être organisées. Dans tous les conclusion ambiguë ou toute difficulté rement que des propositions financières
cas l’avis express du coordonnateur SPS de compréhension du document doi- sont transmises sans que l’opérateur
doit être sollicité sur le contenu du (ou vent également faire l’objet d’une alerte n’ait eu la description précise des tra-
des) rapport(s) établis par l’opérateur. auprès du maître d’ouvrage. Enfin le vaux (réhabilitation), les plans, voire des
coordonnateur SPS doit relever les inco- informations essentielles comme la des-
Subsidiairement, et compte tenu des hérences pouvant exister entre le CCTP tination passée ou actuelle des locaux,
nombreux dysfonctionnements constatés et le contenu des rapports de repérages les rapports concernant les recherches
dans la réalisation des missions de maî- amiante. d’amiante déjà réalisées, etc. Dans cer-
trise d’oeuvre et de coordination SPS, le tains cas, l’opérateur ne doit pas hésiter
maître d’ouvrage a également tout intérêt L’analyse critique des rapports de à se déplacer sur le site avant d’établir sa
à s’entourer d’un maître d’oeuvre et d’un repérage amiante s’impose également proposition.
coordonnateur SPS spécialisés dans les au responsable de l’entreprise interve-
travaux de réhabilitation et de démolition nante, compte tenu de son obligation de Pour finir, « rigueur » (dans l’ana-
(ce type de chantier est « affaire de spé- résultat en matière de santé de ses sala- lyse critique des anciens diagnostics et
cialistes »). Il montrera ainsi son impli- riés, et de son obligation d’évaluer les dans la rédaction des rapports) et « stra-
cation dans la démarche de prévention risques auxquels ceux-ci seront exposés, tégie » (dans la réalisation des prélève-
des risques professionnels. évaluation qui doit s’appuyer sur une ments) sont pour l’opérateur les maîtres
identification fiable des risques. Il doit mots pour réussir sa mission.
De leur côté, le maître d’œuvre et ainsi jouer son rôle de donneur d’alerte
le coordonnateur SPS doivent dès le auprès du maître d’ouvrage en cas de
début de la phase conception du projet repérage insuffisant, à plus forte raison
réclamer au maître d’ouvrage la réalisa- en cas d’absence de repérage. Crédit photos – ensemble des photos de
tion d’une mission de repérage amiante. l’article : photographies de l’auteur
Parce que les choix techniques du maî- Enfin, l’opérateur de repérage
tre d’œuvre doivent intégrer les prin- ne peut accepter lors de la passation
cipes généraux de prévention et parce des marchés des contraintes qu’il sait Reçu le : 10/04/2009
que le Plan Général de Coordination incompatibles avec la nature de sa mis- Accepté le : 23/06/2009
@nnexe : retrouvez l'annexe dans la version électronique (PDF) de cet article sur notre site www.hst.fr
Bibliographie
[1] GAUL M. – L’amiante dans les [9] Code du travail – article R4532-43 compétences des personnes physiques
opérations de réhabilitation et de démoli- opérateurs de repérage et de diagnostics
tion – Repérage amiante : le maillon faible, [10] Code du travail – articles R4532‑46 amiante dans les immeubles bâtis et les
Hygiène et Sécurité du Travail, 216, INRS, et R4532-53 critères d’accréditation des organismes de
2009, ND 2311 certification.
[11] Décret n°2006-761 du 30 juin
[2] Code pénal – article 223-1 2006 relatif à la protection des travailleurs [16] Assemblée Nationale - Mission
contre les risques liés à l’inhalation de d’information sur les risques et les consé-
[3] Code du travail – article L4531-1 poussières d’amiante quences de l’exposition à l’amiante – Ne
plus perdre sa vie à la gagner : 51 propo-
[4] Code du travail – article L4532-5 [12] Articles L4532-9 et R4532-64 à sitions pour tirer les leçons de l’amiante
R4532-66 / R4532-75. – 22 février 2006 [p. 79].
[5] Code du travail – articles R4532-6
et R4532-8 [13] Cass. Soc. 28 février 2002 [17] Arrêté du 22 août 2002 relatif
aux consignes générales de sécurité du
[6] Code du travail – article L4744-4 [14] Code de la santé publique – article dossier technique « Amiante », au contenu
R1334-29 de la fiche récapitulative et aux modalités
[7] Code des marchés publics – article 13 d’établissement du repérage – Annexe 1/
[15] Arrêté du 21 novembre 2006 défi- article 3 : modalités de repérage.
[8] Code du travail – article R4532-4 nissant les critères de certification des
A2 : MAITRISE D’OUVRAGE PUBLIQUE – La mise en évidence de l’exposition toiture en amiante-ciment et des iso-
LE COMPTE N’Y EST PAS de salariés et de la pollution des lants placés en sous face de toiture. Les
locaux conditions d’enlèvement de la toiture
amiante-ciment, pour laquelle l’entre-
Présentation de l’opération Tout commence par un banal prise avait établi un plan de retrait
contrôle des travaux de couverture en d’amiante, n’étaient pas satisfaisantes
Le projet consiste en la réhabilitation cours au niveau du bâtiment B, alors que notamment parce qu’aucune mesure de
de 7 bâtiments rassemblés sur un même les ouvriers de l’entreprise intervenante protection n’avait été prévue pour éviter
site pour le compte d’un maître d’ouvra- sont occupés à mettre en place des élé- la pollution de l’atelier et de ses équipe-
ge public qui assure également la maîtri- ments de toiture métalliques. Compte ments. Quant aux matériaux situés en
se d’œuvre du projet. L’ensemble immo- tenu de l’absence de protection collective sous face de toiture, ils ont été déposés
bilier appartenant à ce maître d’ouvrage contre le risque de chute (cf figure A4), sans précaution et sans protection par-
est constitué d’un bâtiment principal l’agent rend une décision administrative ticulière, et pour cause, les ouvriers
(que nous nommerons bâtiment A) et d’arrêt des travaux étaient persuadés qu’ils déposaient du
de bâtiments de taille plus modeste carton. Mais l’enquête révèlera que ces
(B à G). En fonction des bâtiments, L’absence de protection contre le ris- matériaux n’étaient autres que des maté-
les réhabilitations peuvent concerner que de chute s’explique par les interfé- riaux friables contenant de l’amiante, en
la façade (ravalement), le changement rences matérielles générées par le mobi- l’espèce des panneaux particulièrement
de la toiture et des isolants sous toiture lier et le parc machine de l’atelier d’un dégradés de panocell (carton amian-
(bâtiment B) ou des travaux intérieurs artisan situé sous la zone d’interven- té recouvert de deux feuilles d’alumi-
(cas du bâtiment A). Le site restant en tion. En effet ceux-ci rendent difficile nium). Le contrôle permettra de consta-
activité, les interférences avec les activi- voire impossible la pose en sécurité des ter la présence de débris de plaques de
tés du site peuvent être nombreuses et filets anti-chute qu’avait prévu de mettre panocell encore présents sur les pannes
doivent conduire le coordonnateur SPS en place l’entreprise. Par endroits les de charpente, témoin de l’adhérence de
à la plus grande vigilance dans la réali- ouvriers ont tenté de mettre en place ces plaques aux éléments de charpente
sation de sa mission. Dans le cadre de un filet non adapté et permettant, selon et d’un mode de dépose sans précaution
ce projet, le maître d’ouvrage a nommé leur propres termes, de régler les ris- (cf. figure A6).
un coordonnateur SPS dès le début de ques les plus évidents de chute d’outils
la phase conception en septembre 2003. (cf. figure A5). Ces constats témoignent L’analyse des nombreux prélève-
Les pièces du marché montrent que le d’emblée de l’absence de prise en comp- ments de surface réalisés à l’aide de lin-
maître d’ouvrage s’est engagé à mettre te par le coordonnateur SPS des inter- gettes a confirmé que le local et l’ensem-
en place une coopération effective entre férences matérielles avec les activités ble des équipements et matériels qu’il
la maîtrise d’œuvre et le coordonnateur du site en exploitation. L’enquête mon- contenait étaient pollués à l’amiante. Le
SPS, ce dernier devant participer à l’en- trera que la seule mesure envisagée par chantier a dû être suspendu le temps
semble des réunions d’étude organisées le coordonnateur SPS en concertation de la dépollution des locaux. La grande
durant la phase conception, ainsi qu’à la avec la maîtrise d’œuvre avait consisté à majorité des équipements et matériels
rédaction du CCTP, notamment pour les demander à l’artisan de pas utiliser son de l’artisan n’étant pas décontaminable,
aspects protection collective. Plusieurs atelier durant les travaux, alors qu’à l’évi- ceux-ci ont dû être évacués vers une
mois avant le démarrage des travaux, un dence, un transfert de mobilier s’avérait installation de stockage pour déchets
rapport repérage amiante avant travaux nécessaire. dangereux (classe 1) et l’artisan a dû ces-
est établi par un opérateur de repérage ser son activité professionnelle. Ayant
(août 2004). Toutes les conditions sem- Mais les déclarations des ouvriers pu pénétrer à plusieurs reprises dans
blent donc réunies pour que cette opéra- permettront de découvrir que la mise son atelier au cours des travaux pour
tion se déroule en prenant en compte le en place de cette toiture métallique y chercher outils, documents, etc., il a
risque amiante. s’inscrivait dans des travaux plus larges par ailleurs été régulièrement exposé à
comprenant également la dépose de la l’inhalation de fibres d’amiante.
Risque de chute à l’intérieur et à l’exté- Interférences matérielles entre l’activité Débris de plaques de panocell
rieur de l’ouvrage du local et les travaux de couverture témoignant de l’adhérence de celles-ci
aux pannes de charpente.