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Congrès annuel de la Société canadienne de génie civil

Annual Conference of the Canadian Society for Civil Engineering

Moncton, Nouveau-Brunswick, Canada


4-7 juin 2003 / June 4-7, 2003

UTILISATION DU CHANVRE POUR LA PRÉFABRICATION


D’ÉLÉMENTS DE CONSTRUCTION
A B A A
P.-Y. Bütschi , C. Deschenaux , B. Miao , N. K. Srivastava
A Département de génie civil, Université de Moncton, Canada
B Département de génie civil, Ecole d'ingénieurs et d'architectes de Fribourg, Suisse

RÉSUMÉ: L’objectif de la présente étude était d’étudier l’utilisation d’un aggloméré, constitué de bois de
chanvre et de liants minéraux, pour la préfabrication de plots destinés au maçonnage de murs porteurs.
Après avoir pu augmenter de manière significative la résistance de cet aggloméré à caractère écologique,
des essais ont été menés sur une chaîne de production industrielle. La compatibilité avec les installations
utilisées, prévues pour des briques en ciment, a pu être jugée et les plots produits ont servi à la
détermination de leur résistance et de leur masse volumique. Nous avons pu démontrer que l’utilisation
d’installations existantes était possible moyennant quelques modifications. La valeur de la résistance de
l’aggloméré est proche des exigences de la norme suisse sur la maçonnerie.

1. INTRODUCTION

L’utilisation de sous-produits industriels est maintenant une pratique courante comme l’illustrent les
produits complémentaires en cimentation tels que les laitiers de ha ut-fourneau, la fumée de silice et les
cendres volantes. La valorisation de résidus de l’exploitation du bois pour la production de plots légers a
également été le sujet de plusieurs études (Rashwan, 1992 ; Bouguerra, 1998 ; Benmalek, 1999 ; Stahl,
2002). La durée de vie limitée de tout ouvrage pose également la question du recyclage. Ces matériaux
en fin de vie représentent des quantités non négligeables de déchets jusqu’à présent peu valorisés. C’est
ce qui a motivé certains auteurs (Liu, 2001 ; Ryu, 2002) à se pencher sur les qualités du béton utilisant
des granulats de béton concassé et sur l’utilisation de fines provenant du broyage de béton léger
autoclavé. Les produits basés sur des ressources renouvelables ont quant à eux gagné en intérêt de la
part de l’industrie en partie à cause des législations gouvernementales et les restrictions sur l’utilisation de
produits basée sur une énergie fossile (Kessler, 1996). Hormis des utilisations connues depuis des
siècles comme le textile et le papier, on a pu voir apparaître un intérêt pour leur incorporation comme
substitut à des fibres synthétiques dans les plastiques renforcés (Sèbe, 2000).
La culture de variétés de chanvre sans propriétés psycho-actives a déjà permis la commercialisation de
nombreux produits. Les fibres sont utilisées par exemple pour la confection de tissus et de laine isolante,
les graines fournissent de l’huile pour des produits cosmétiques et alimentaires. La chènevotte ou bois de
chanvre, résidu de l’extraction des fibres, est assez peu valorisée et est principalement utilisée brute en
tant que litière pour chevaux.
Un aggloméré de chanvre, constitué de bois de chanvre, de chaux, de plâtre et d’eau, a été utilisé depuis
1992 de façon artisanale pour la construction de murs banchés. Une première recherche scientifique
suisse sur le sujet a été entreprise en 1999 et a établi que, malgré certaines faiblesses au stade artisanal,
l’aggloméré de chanvre est un matériau écologique qui a de bonnes caractéristiques d’isolation
thermique. Cette recherche a également confirmé que cet aggloméré est bien adapté à la construction et
à la transformation de maisons familiales.

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L’objectif de la présente recherche est d’étudier l’utilisation de l’aggloméré de chanvre pour la
préfabrication de plots de maçonnerie aptes à reprendre les charges pour des constructions de faible
hauteur. Dans ce but, une première étude a été menée pour améliorer la résistance de l’aggloméré. Dans
sa forme artisanale sa résistance est assez faible car une mauvaise carbonation de la chaux provoque un
manque de cohésion à l’intérieur du matériau. La résistance à atteindre de 1.8 Mpa a été fixée pour être
en accord avec les exigences minimales de la recommandation suisse sur la maçonnerie (SIA V 177:
1995). Cette valeur sous-entend une utilisation dans le domaine de la maison individuelle avec une
largeur de plot en accord avec les capacités d’isolation thermique de l’aggloméré artisanal (0.14 W/m⋅K).
On suggère donc ici que les plots devront également assurer une grande part de l’isolation du bâtiment.
Pour pouvoir se rapprocher de la résistance fixée, de nombreux types d’ajouts ont été testés en
laboratoire et quatre compositions ont été sélectionnées pour la partie de l’étude traitée ci-après, partie
concernant les tests sur une chaîne de production industrielle.

2. PROGRAMME EXPERIMENTAL

La production de tels plots n’est envisageable, dans un premier temps, que si elle peut être accomplie
avec des installations existantes car toute modification d’une chaîne de production entraîne des coûts
importants. Le processus de fabrication étant fortement semblable à celui du béton, nous pensions que la
chaîne de production à notre disposition, chaîne prévue pour la fabrication de plots en ciment, ne
nécessiterait pas d’adaptation majeure, du moins pour cette phase de tests.

2.1 Paramètres étudiés

Les quatre formulations correspondant le mieux aux critères imposés par la résistance et les contraintes
dues à la préfabrication ont été sélectionnées pour la réalisation de plots. Les installations de l’entreprise
partenaire du projet ont donc été mises à contribution. Dans cette phase il était essentiel de vérifier
qualitativement que l’aggloméré :
− Possède une bonne homogénéité malgré son malaxage en grande quantité.
− Passe sans problèmes au travers de la chaîne de production.
− Puisse être moulé et compacté convenablement.
− Soit démoulable instantanément sans qu’il ne se déforme.

Les différentes compositions ont ensuite été comparées sur la base des critères suivants :
− Compatibilité globale avec la chaîne de production.
− Rapidité de la prise initiale.

Ensuite, une étude quantitative restreinte a été réalisée pour déterminer la résistance à la compression
des plots à quatre et huit semaines ainsi que la masse volumique apparente sèche de l’aggloméré.

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2.2 Matériaux utilisés

Les quatre mélanges choisis pour étudier la compatibilité de l’aggloméré avec la chaîne de production
sont décrits ci-dessous :

Tableau 1. Composition (rapport en masse) des quatre mélanges étudiés.

mélange
composant 1 2 3 4
chènevotte 1.0 1.0 1.0 1.0
chaux 1.1 1.1 1.1 1.1
ciment 1.8 1.8 1.4 1.4
ajout 1 0.1 0.2 0.7 0.4
ajout 2 0.3 0.3 0.3 0.3
eau 3.1 3.2 3.2 3.0

− La chènevotte se présente sous la forme de petits copeaux de bois de chanvre d’une


longueur de 5 à 15 mm et d’une épaisseur inférieure à 1mm. La chènevotte utilisée nous
provenait de France et est commercialisée en sacs de 20 kg. La masse volumique de la
3
chènevotte en vrac est d’approximativement 110 kg/m dans des conditions ambiantes de
température et d’humidité.
− La chaux aérienne (ou éteinte) est produite en Suisse sous le nom commercial de Nekapur2.
− Le ciment était de type CEM I 52.5, selon la norme suisse SIA 215.002: 2000.
− Pour des raisons de confidentialité envers les partenaires industriels, la nature des deux
ajouts ne peut être dévoilée.
− L’eau de gâchage correspondait aux critères de la norme SIA 162: 1993 sur les bétons.

2.3 Mise en œuvre

Chaque mélange a fait l’objet d’une gâchée de 475 litres. La plupart des ingrédients, excepté le ciment et
l’eau, ont été introduits manuellement dans le malaxeur. Un bref malaxage à sec, pour mélanger les
poudres et bien séparer la chènevotte précédait l’adjonction de l’eau. La quantité d’eau a, pour chaque
mélange, été ajustée pour que l’aggloméré aie une consistance permettant le démoulage immédiat des
plots. L’aggloméré était ensuite acheminé par gravité jusqu’aux moules. Le remplissage des moules était
favorisé par leur vibration puis, une fois remplis, ils ont été compactés.

Figure 1. Sortie des plots de la chaîne de production

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2.4 Mûrissement

Les plots sont restés sept jours dans la halle de l’usine et ont ensuite été transportés dans notre
laboratoire. Les conditions hygrothermiques moyennes cette halle d’essais sont de 20°C et 60%
d’humidité relative.

2.5 Préparation et test des échantillons

Les plots ayant une longueur incompatible avec le banc d’essai, nous les avons découpés pour obtenir
des échantillons de 250 mm de longueur, 130 mm de largeur et 180 mm de hauteur. Pour obtenir un bon
parallélisme des faces chargées, un mortier d’égalisation a été posé sur la face supérieure des
échantillons.
Les essais de résistance à la compression furent menés sur une presse hydraulique à commande
numérique (type TTM 600/800) d’une capacité de 600 GPa et d’une précision de ±1 %. La vitesse de
déformation fut fixée à 0.1 mm/s.

3. RESULTATS ET DISCUSSIONS

3.1 Compatibilité avec la chaîne de production

La compatibilité globale était la même quelque soit le mélange utilisé, c’est pourquoi les remarques ci-
après ne sont pas rapportées à un mélange spécifique.

− L’homogénéité des mélanges était bonne ce qui indique que le malaxeur utilisé était efficace
malgré la différence marquée de consistance entre l’aggloméré et le béton.
− La consistance pâteuse de l’aggloméré a cependant posé des problèmes pour le transport de
la matière jusqu’aux moules ainsi que pour le remplissage de ceux-ci. Le rythme de
production en a donc été perturbé. Le remplissage difficile des moules ne permet pour
l’instant pas d’obtenir une hauteur de plot uniforme.
− Le compactage n’a posé aucun problème car la chaîne de production permettait divers
réglages de ce paramètre.
− La stabilité de forme au démoulage était également très bonne car aucun plot ne s’est
déformé par lui-même. Cependant la face supérieure des plots est assez irrégulière
comparativement à des plots en béton, ce qui laisse supposer une plus grande utilisation de
mortier pour le maçonnage.
− La rapidité de la prise initiale a pu être jugée satisfaisante car les plots ont pu être mis sur
palettes, avec un système mécanique semi automatisé, après être restés entreposés quatre
jours dans la halle de l’usine.

3.2 Caractéristiques des plots

3.2.1 Masse volumique de l’aggloméré

Le tableau ci-dessous indique la masse volumique apparente sèche d’un plot de chaque mélange. Pour
les sécher, ils ont été déposés dans une étuve à 100°C jusqu’à ce que leur masse soit constante.

Tableau 2. Masse volumique sèche selon des échantillons


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mélange masse volumique [kg/m ]
1 603
2 565
3 521
4 507

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3.2.2 Résistance des plots

Résistance [MPa]

2.2
2 mélange 1 mélange 2 mélange 3 mélange 4
1.8
1.6
1.4
1.2
1
0.8
0.6
0.4
0.2
0
4 semaines 7 semaines

Figure 2. Résistance des plots selon leur age et leur composition

− La résistance indiquée représente la valeur de la charge correspondant à une déformation


plastique de 3.5%. Cette limite a été fixée car l’aggloméré a la possibilité de reprendre des
charges encore au delà de 5%, ce qui n’a que peu de signification réelle au point de vue de
l’utilisation du matériau.
− Pour chaque âge et chaque mélange, deux éprouvettes ont été testées. Les résultats
indiqués sont la moyenne de ces deux tests.
− Pour chaque mélange, la résistance évolue de manière positive dans le temps, et d’un ordre
de grandeur supérieur à l’augmentation de résistance du béton au delà de 28 jours.

3. CONCLUSION

Nous sommes désormais certains qu’un tel aggloméré est compatible pour une fabrication industrielle
d’éléments de construction. De plus, les résistances obtenues sont proches des objectifs visés et nous
motivent à aller de l’avant. Cependant, pour pouvoir comparer notre aggloméré avec d’autres matériaux
de construction plus traditionnels, il sera nécessaire de déterminer non seulement les caractéristiques des
plots, mais également ceux de la maçonnerie composée de plots. Une nouvelle série d’éléments devra
donc être réalisée sur la chaîne de production. Pour cette série, il sera judicieux d’utiliser un moule ayant
des dimensions proches de celles que pourrait avoir un plot commercialisable.

4. REMERCIEMENTS

Ce projet, dénommé «projet CTI 4739.1, aggloméré de chanvre », a pu être réalisé grâce à des fonds
provenant d’une part de la Commission pour la technologie et l’innovation (CTI); et d’autre part des
entreprises partenaires suivantes : Desmeules frères SA, Cewag, Arbio SA.

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5. BIBLIOGRAPHIE

Benmalek M.L., Bouguerra A., Ledhem A., Dheilly R.M., et Quéneudec M. (1999), « Caractéristiques de
bétons légers à base de résidus d’exploitation de carrières et de bois », Can J Civ Eng, vol. 26,
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Bouguerra A., Ledhem A., de Barquin F., Dheilly R.M., et Quéneudec M. (1998), « Effect of microstructure
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wood aggregates », Cem Concr Res, vol. 28, No. 8, p. 1179-1190.
Kessler R.W. et Kohler R. (1996), « New strategies for exploiting flax and hemp », Chemtech, décembre
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Liu L., Ha J., Hashida T. et Teramura S. (2001), « Development of a CO2 solidification method for
recycling autoclaved lightweight concrete waste », J Mater Sci Lett, vol. 20, p. 1791–1794.
Rashwan M.S., Hatzinikolas M., et Zmavc R. (1992), « Development of a lightweight, low-cost concrete
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Ryu J. S. (2002), « Improvement on strength and impermeability of recycled concrete made from crushed
concrete coarse aggregate », J Mater Sci Lett, vol. 21, p. 1565 – 1567.
Sèbe G., Cetin N.S., Hill C.A.S., et Hughes M. (2000), « RTM Hemp Fibre-Reinforced Polyester
Composites » Appl Compos Mater, vol. 7, p. 341-349.
Stahl D.C., Skoraczewski G., Arena P., et Stempski B. (2002), « Lightweight Concrete Masonry with
Recycled Wood Aggregate », J Mater Civ Eng, vol. 14, No. 2, p. 116-121.

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