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Chapitre IV- L’investissement

I- Investissement et capacité de production : Le principe de l’accélérateur


L’investissement est un flux d’achats de biens d’équipement qui vient modifier chaque année
le stock de capital productif déjà existant.

Le principe de l’accélérateur d’investissement repose sur les effets cycliques de cette


articulation entre flux d’investissements et stock de capital. Ce mécanisme, dans sa version la
plus simple, fut mis en évidence pour la première fois par Clark en 1917. Cependant, le
modèle d’accélération est plus réaliste lorsque l’investissement de remplacement et les coûts
de transaction sont pris en compte.

1.1 Le modèle d’accélérateur simple :


La fonction de production exprime l’ensemble des contraintes techniques qui s’imposent à
l’entreprise. Elle relie le volume ou la valeur du produit final (Y) aux combinaisons de
facteurs de production utilisés (en quantités ou en valeurs). Pour simplifier le raisonnement, il
est commode de considérer qu’il n’existe que 2 grandes types de facteurs, le travail (L) et le
capital (K). La fonction de production peut donc s’écrire comme suit : Y = f (K, L). Où K : le
capital fixe, est « constitué de la valeur des biens durables détenus par les unités
productrices pour être utilisés pendant au moins un ana dans le processus de
production ».

Soit (v) le coefficient de capital. (v) mesure le rapport entre la valeur (ou le volume) du
K
capital installé et la valeur (ou le volume) de la production qu’il permet. v = est fixe : en
Y
effet, pour fabriquer une unité de plus de produit, l’entreprise doit disposer de v unités
supplémentaires de biens d’équipements. Autrement dit, le stock de capital nécessaire est
alors strictement proportionnel aux valeurs de production réalisées : K = v.Y
Le coefficient de capital (v) est constant si deux conditions sont simultanément vérifiées :
K
1- l’intensité capitalistique est constante ;
L
2- les rendements d’échelle sont constants.

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Pour répondre à une augmentation de la demande adressée à la firme (ΔD) et si la production
suit la demande (ΔY = ΔD) ; le producteur doit investir afin d’augmenter son stock
d’équipement de production. I = ΔK = v. ΔY = v. ΔD ; It = v. (Yt – Yt-1)

En tant que source de la variation du stock de capital, l’investissement dépend alors non du
niveau de la demande mais de la modification de celle-ci ; ce qui va rendre les fluctuations de
l’investissement particulièrement importantes.

Exemple :
On suppose que le coefficient de capital (v) = 3 et que la demande de biens de consommation
adressées à une firme suit un cycle économique articulé autour d’une phase d’expansion
(période 1 à 5) puis d’une phase de récession (6 à 11) de telle sorte que la demande revient à
son niveau initial (égale à 0).

Période (t) Demande et production Equipement Investissement


Dt = Yt nécessaire Kt = v.Yt It = Kt – Kt-1
1 0 0 0
2 10 30 30
3 60 180 150
4 85 255 75
5 100 300 45
6 100 300 0
7 85 255 -45
8 60 180 -75
9 10 30 -150
10 0 0 -130
11 0 0 0

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Sur cet exemple, 3 faits notables sont caractéristiques de la logique de l’accélérateur :
1)- la demande (Dt) est la variable motrice, l’investissement (It) est la variable
dépendante induite ;
2)- Il y a antériorité des fluctuations de l’investissement par rapport à la demande
finale (Dt). L’investissement commence à décroitre alors que la croissance de la demande
continue (période 4). Il est nul quand la demande est à son maximum (période 6).
Symétriquement, à partir de la période 9, le désinvestissement (investissement négatif)
s’affaiblit alors que la demande globale (ou finale) continue de diminuer. Ces mouvements
sont dus au fait que la valeur absolue de l’investissement est fonction non pas de la valeur
absolue de la demande mais du taux de variation de celle-ci.
3)- Si le coefficient de capital (v) égal au coefficient d’accélération (dans ce modèle
simplifié) est supérieur à 1. Alors, les fluctuations de la demande de biens de production sont
amplifiées par rapport aux variations de la demande des biens de consommation. Il y a donc
une « sur-volatilité » de l’investissement par rapport au cycle économique général.

Toutefois, le processus d’accélération tel qu’il vient d’être décrit n’est effectif que si 2
conditions sont simultanément réalisées :

1- la production suit intégralement la demande (ΔY = ΔD) ;


2- la variation de la production se traduit par des changements proportionnels dans les
capacités de production (ΔK = v.ΔY).

Remarque
Nous avons raisonné jusqu’à présent comme si les biens de production avaient une durée de
vie infinie. Or cette hypothèse « d’éternité » n’est empiriquement acceptable que pour les
bâtiments. Les outils de production ont quant à eux une durée de vie limitée, voire même
de plus en plus réduite du fait de l’accélération du progrès technique. En effet, leur durabilité
est à la fois de nature technique et de nature économique.

En premier lieu, l’utilisation d’un bien équipement engendre une détérioration


progressive de son efficacité (diminution des rendements et de la qualité des produits finis,
hausse des coûts de maintenance), et à terme une destruction physique soudaine de toute
possibilité d’usage du bien après x périodes.

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En second lieu, tout bien durable devient progressivement obsolète du fait de progrès
technique incorporé dans les nouvelles générations de biens apparaissant sur le marché.
L’obsolescence peut même être totale lors de l’apparition pour un prix similaire d’un bien
techniquement beaucoup plus performant. La totalité de la durée de vie physique potentielle
est donc loin d’être toujours atteinte. La mise au rebut (à la casse) d’un bien en état de marche
étant non négligeable, seule importe finalement la durée de vie économique (d’utilisation) du
bien.
En conséquence, le matériel de production se déprécie chaque année (à un taux moyen,
δ appelé ainsi l’amortissement) du fait de son usure mécanique, de son vieillissement (une
année de plus c’est une année d’espérance de vie résiduelle en moins) et de son obsolescence
graduelle. De ce fait, on appelle le coût d’usage de capital, notée ct, c’est le coût réel de
l’emploi du capital pendant une période donnée : il est composé du taux d’intérêt réel (i) et
de l’amortissement (δ).Donc, ct = i + δ avec i = R-.
(R : taux d’intérêt nominal ;  = Taux d’inflation ; δ = amortissement)

Le coût d’usage est composé du taux d’intérêt qui exprime le coût financier impliqué
par l’acquisition du capital, en effet, en achetant un bien d’équipement, l’entrepreneur
subit soit un coût financier lorsqu’il s’endette, ou encore il subit un coût d’opportunité
en se prévaut d’un taux de rémunération relatif au placement. ct = i + δ = (R- ) + δ.

1.2- Le modèle d’accélérateur flexible :


Tout acte d’investissement implique des coûts de transaction irréversibles. La programmation
du projet, l’installation de l’équipement et la formation du personnel pour son utilisation
représentent pour l’entreprise une perte de production immédiate, qui en cas d’erreur de
prévision ne sera jamais rattrapée. De plus, le caractère durable de l’augmentation de la
demande est toujours incertain. Les entrepreneurs ne vont donc pas seulement fonder leurs
prévisions sur l’évolution de la plus récente de la demande.

Ainsi, par prudence, l’entreprise peut choisir de n’ajuster que lentement son stock réel de
capital fixe au stock désiré :
It = Kt – Kt-1 = λ (K*t – Kt-1)

Avec: Kt -1 : le stock de capital des biens de production hérité de la période précédente

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K*t : stock de capital désiré (optimum)
λ : représente la vitesse d’ajustement / 0 ≤ λ ≤ 1
Si on suppose maintenant que le niveau de capita désiré est proportionnel au volume de la
demande, soit : K*t = v.Yt ; on obtient alors : It = λ.v.Yt – λ.Kt-1

L’investissement dépend plus du montant absolu de la demande (Yt) et non plus de la


variation de celle-ci (Yt – Yt-1), et négativement de l’importance des capacités de production
de la période précédente (Kt-1). Néanmoins, l’effet d’accélération demeure. En effet :

On a : It = λK*t – λKt-1

De même, on a : It-1 = λK*t-1 - λKt-2

D’où, It – It-1 = λ(K*t – K*t-1) – λ(Kt-1 – Kt-2) et comme (Kt-1 – Kt-2) = It-1

Alors, It = (λK*t – λ K*t-1) + (1- λ) It-1

D’où, It = λ.v (Yt – Yt-1) + (1- λ) It-1

Si λ = 1 ; on retrouve alors la version de l’accélérateur simple, soit It = v(Yt – Yt-1)

Dès lors, l’effet d’accélération en est profondément modifié :


- Au cours de la phase où la demande finale augmente à un taux décroissant :
o Dans la version de l’accélérateur simple : l’investissement diminue
régulièrement ;
o Dans le cas de l’accélérateur flexible : il va dans un premier temps croitre
jusqu’à ce que l’effet de freinage exercé par le stock de capital compense
l’effet inverse impulsé par la progression de la demande.

Ce comportement d’ajustement progressif du stock de capital aux variations de la demande est


rendu possible par le stockage (ou le déstockage) de produits finis (accompagnés par fois d’un
allongement des délais de livraison), et par des variations du taux d’utilisation des capacités
de production.

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II - Investissement et rentabilité : Le rôle du taux d’intérêt
L’existence (ou la prévision) d’une demande supplémentaire est un préalable nécessaire à
l’étude d’un projet d’investissement. Mais ce projet ne sera effectivement réalisé que si
l’entrepreneur le juge rentable. L’agrégation de ces calculs économiques individuels va
déterminer par comparaison avec le taux d’intérêt le montant de l’investissement national.

2.1 Les procédures de choix des investissements :


Lorsqu’il envisage un projet d’investissement, l’entrepreneur cherche avant tout à évaluer le
supplément de profit qu’il pourra espérer réaliser. Sur la durée totale d’utilisation de bien (n
années), il essaie ainsi de prévoir, d’anticiper ce que devraient être les rendements annuels
futurs : R1, R2, R3, …, Rn. Ces rendements correspondent aux probabilités de recettes nettes,
c'est-à-dire à la différence entre la valeur anticipée des ventes additionnelles permises grâce
au nouvel investissement et les coûts (variables) inhérents à cette augmentation de la
production (matière première, salaires, frais de maintenance du matériel…).

Ces bénéfices anticipés n’ont aucune raison d’être identique sur les diverses années. 3 facteurs
notamment peuvent affecter la série des rendements annuels :
 le progrès technique : la série des rendements annuels Ri sera en général plutôt
décroissante car au fur et à mesure que le temps s’écoule, apparaissent sur le
marché de nouvelles machines plus performantes et/ou moins coûteuses, qui
diminuent la compétitivité des anciens équipements.
 Les risques : s’agissant des rendements futurs et donc incertains, l’entreprise va
sans doute accorder plus d’importance aux prévisions de résultats des premières
années suivant l’investissement, qu’à ceux anticipés pour un avenir lointain,
souvent à dix ans ou plus.
 Le taux d’inflation : une hausse future des prix de vente des produits équivaut à
une augmentation des rendements en termes nominaux. L’achat d’un bien
d’équipement procure ainsi une certaine protection contre le risque d’inflation,
alors que la même somme conservée sous la forme de monnaie perdra de sa valeur.
Inversement, en cas de déflation, l’anticipation d’une baisse des prix aura tendance
à déprimer l’investissement.

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a- Le critère du délai de récupération (ou le temps de retour sur-investissement) :
Il s’agit de calculer le nombre d’années nécessaires à la récupération de la mise de fonds
initial (ou le coût d’acquisition du bien d’équipement), noté I0, grâce aux recettes attendues.

Soit δ le délai de récupération, tel que :



I0 = R
t 1
t

Avec : I0 : coût initial du projet


Rt : recettes attendues

Exemple : Une entreprise envisage l’achat d’un outil dont le coût est de 125.750 DT. Les
recettes attendues, suite à l’utilisation de cet outil ou encore l’espérance mathématique de son
bénéfice annuel, est évaluée à 31.500 DT. Calculer alors le délai de récupération ?

Réponse :
I0
Soit δ le délai de récupération. δ = = 3,99 ~ 4 ans de délais de récupération.
Bénéficean nuel
L’entrepreneur choisit le délai de récupération le plus court.

b- Le critère de la valeur actuelle nette (VAN) :


Rt Rt
Par définition, la VAN =  (1  i)
t
t
 I 0 avec  (1  i)
t
t
 valeur actuelle des revenus futurs

Et où : Rt : Recette nette du projet pour la période (t)


i : taux d’actualisation
I0 : coût initial de l’investissement.

Donc, la VAN = VA – I0

A noter que le projet qui sera retenu est le projet dont sa VAN est positif c'est-à-dire en
valeur actualisée, les recettes excèdent le coût initial (Rt  I0)

Remarque :
Si VAN < 0 alors l’entreprise a intérêt à renoncer à son projet.

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c- Le taux de rendement interne (TRI) :
C’est le taux d’escompte qui annule la VAN. Ce taux de rentabilité interne, que Keynes
dénomme efficacité marginale du capital (notée r), est la valeur du taux d’actualisation pour
laquelle le coût de l’investissement initial I0 est égal à la somme des recettes nettes futures
actualisées à ce taux, pendant toute la durée de vie du capital. Ainsi, le taux r vérifie
R1 R2 Rn Rt
l’équation suivante : I0 =   ...  ou encore  = I0 ;
1  r (1  r ) 2
(1  r ) n
t (1  r )
t

Dans la théorie Keynésienne, seul le prix courant I du capital est connu. Les recettes futures
R1, R2, …, Rn doivent être prévues par l’entreprise à l’époque où se fait l’achat d’un bien
d’équipement, dans un univers économique incertain dû à une conjoncture nationale et
internationale plus au moins fluctuante.

L’efficacité marginale du capital ayant été déterminée par la relation ci-dessus, le problème
consiste à trouver une règle de décision concernant la rentabilité de l’investissement envisagé.
En d’autres termes, l’entreprise est confrontée au choix suivant : est-il préférable de
transformer des actifs monétaires qu’elle possède déjà (autofinancement) ou qu’elle emprunte
auprès du système bancaire, en actifs réels (investissement) ou en actifs financiers
(placements) ?

Pour cela, on compare l’efficacité marginale du capital r au taux d’intérêt i en vigueur


sur le marché financier. Ainsi :
Si r  i alors le projet d’investissement est rentable (il procure un profit) et peut
être entrepris ;
Si r < i alors le projet d’investissement n’est pas rentable et doit être abandonné
(des placements financiers au taux d’intérêt i sont plus rentables).

Au niveau macroéconomique, si par exemple, le taux d’intérêt diminue, on remarque que le


volume des investissements sera plus important.

Par exemple, pour un taux d’intérêt i =10%, tous les projets dont l’efficacité marginale est
supérieure à 10% sont rentables. Supposons, par contre, que les fluctuations du marché
monétaire conduisent à une baisse du taux d’intérêt au niveau i = 8% par exemple. Alors, il
faut ajouter aux projets rentables précédents, tous les projets dont l’efficacité marginale est
8
comprise entre 8% et 10%. Ainsi, quand le taux d’intérêt diminue, l’investissement augmente.
Un raisonnement identique conduirait à une baisse des investissements en cas de hausse du
taux d’intérêt.

Il en résulte que le volume d’investissement I est une fonction décroissante du taux


d’intérêt i : cette relation de dépendance entre l’investissement et le taux d’intérêt constitue la
fonction d’investissement.

2.2 Représentation de la fonction des investissements :


Pour expliciter la fonction d’investissement, on choisit habituellement une fonction affine du
type suivant :
I = - .i + I0

Où :  et I0  0 ;

La représentation graphique de I en fonction de i (ou de i en fonction I) est donc une


droite décroissante
Taux d’intérêt (i)

I1

I0

I0 I1 Investissement (I)

On peut donner une interprétation économique aux paramètres  et I0 :


- Le nombre  mesure la sensibilité de l’investissement au taux d’intérêt : plus 
est important plus l’investissement réagit à une variation du taux d’intérêt. Plus

9
précisément, la variation ΔI de l’investissement est liée à la variation Δi du taux
I
d’intérêt par la relation ΔI = -.Δi ; d’où,  =  .
i
- Le nombre I0 s’interprète comme un investissement autonome, qui ne dépend pas
du taux d’intérêt ni d’ailleurs d’aucune autre variable économique précise.

L’investissement (I0) reflète les anticipations que font les entreprises sur l’avenir, quant à
leurs projets d’investissement. Ces anticipations s’établissent à partir d’informations multiples
qui ne sont pas appréhendées de la même manière que tous les investisseurs : cette absence de
rationalité s’exprime à travers le paramètre I0 qui influe très sensiblement sur le niveau de
l’activité économique. Ainsi, si I0 augmente (passage de I0 à I1), le volume d’investissement
va augmenter (pour  = constante) et la courbe représentative de la fonction d’investissement
va se déplacer vers la droite, parallèlement à elle-même.

Remarque :
Dans la fonction d’investissement, nous n’avons fait intervenir que le taux d’intérêt comme
unique variable économique explicative du volume d’investissement. Or, il est clair que la
décision d’investir peut dépendre, de façon plus au moins étroite, de beaucoup d’autres
phénomènes économiques ou non, dont la prise en compte améliorerait sensiblement
l’explication de l’évolution de l’investissement.

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