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Problèmes d'investiture (De la parité, etc)

Author(s): Michèle Le Dœuff


Source: Nouvelles Questions Féministes, Vol. 16, No. 2, LA PARITÉ "contre" (1995 MAI), pp. 5-
80
Published by: Nouvelles Questions Féministes & Questions Feministes and Editions Antipodes
Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40619604 .
Accessed: 15/06/2014 09:08

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MichèleLe Dœuff

Problèmesd'investiture
(De la parité
9etc.)
Résumé Abstract

Michèle Le Dœuff: "Problèmes Michèle Le Dœuff:"Investiture bsues


d'investiture (De la parité,etc.)". (Parity,etc.)".
L'articleproposeunexamencritiquede la This articleoffersa criticalsurveyof the
politiquedu"mouvement pourla parité"et "paritymovement'spoliticsandmoreover
plusencoredesonargumentaire. L' auteure of the line of arguments developedby
attirel'attentionsur l'absence de pro- someof itssupporters. The Authordraws
de ce mouvement theattention ' absence
grammeetde solidarité totheparity activists
avecles femmes, tantenGrande-Bretagne ofprogramme andlack of solidaritywith
qu'en France,et aussi sur le caractère women,bothinBritainandinFrance,and
étrangedu projetfrançaisde parvenir à la alsotothepeculiarideatheyhaveinFrance
paritéen la rendant obligatoireparuneloi. tocampaignformakingtheequal number
On n'y arriverapas de cettemanière-là, of womenand menenforceableby law.
assurel'a., quiproposed'autresstratégies, We won'tachieveanything thisway,the
dontcertaines s'inspirentde mouvements A. claimsandshesuggests otherstrategies,
féministes américains. some of theminspiredby theAmerican
feminist movements.

L'EFFET RITZ
Si l'on découpaittous les articlesde presse susceptiblesde
s'avérerutilesunjourou l'autre,nos trois-pièces-cuisine deviendraientvite
inhabitables.Tant pis, rapportons de mémoirequelque chose qui fitla
premièrepage de quotidiensbritanniques, il y a quelques années. Un
déjeunerfutorganiséau Savoy (ou peut-être était-ceau Ritz) par une
associationqui s'appellele 300 Group,laquellea pourbutd'œuvrer à rendre
le Parlement anglaismixte, moitié-moitié. Π y a environ600 sièges aux
Communes, d'où le nom du groupe.Ce jour-là,l'invitéed'honneurétait
MmeThatcher, alorsPremière ministre,et,quandarrivala piècemontéequi
le dessert,
constituait uneofficière en uniforme lui confiagracieusementson
épée d'apparat.Ainsiéquipée,Maggie,qui ritaux éclats,tranche hardiment
le gâteau.Clic: les journalistesétaientlà, et le lendemainla photoparaît,

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grandecommeune grandeassiette, dansla presse,en première page. Une


vraieallégorie, pensezdonc,une femmepenchée sur un une dame
dessert,
annéed'unglaive,RuleBritannia* - etquidirala forcede deuxclichésmis
ensemble?C'étaitunebellephoto,qui offrait au passageà toutle mondeet
aux animatrices de PlannedParenthood la possibilité que la mise
de vérifier
en plis de la Premièreministreétaitaussiimpeccableque la veille,l'avant-
veille,la semaineprécédente, et chaquefoisque son gouvernement avait
décidéla fermeture d'unhôpital,quelquepartdansle Nordde l'Angleterre
ou dansunebanlieuetriste de Londres.Unefermeture de plus.
On a en effet perdule comptedeshôpitaux que cettedamede fer
a désaffectés, donc celui de la disparition de services hospitalierspublics
offrant d'avortements
la possibilité en
pris chargepar le NationalHealth Ser-
vice,ce système de sécurité socialequi futjadis le meilleur du monde.Déjà,
à la findes années70, le milieuféministe lançaituncrid'alarme,quandfut
fermé(peut-être était-cele premier de la série?)un vieilhôpitalde Londres
dontle servicede gynécologie étaitimportant. Un hôpitalfermé, c'est(entre
autres)unediminution drastique du nombre d'LV.G. assuméesparle service
public, la constitution de listes d'attente de plus en plus longues,et
nécessairement, pourtoutes, unepertede tempsconsidérable: les I.V.G.dites
tardives sontsouventcellesde femmesqui onterrédansdiverscentres, ou
attendu, et qui finalement ont dû se résoudre à de
emprunter l'argentpour
aller dans une cliniqueprivée.Pour une opérationde calculs biliaires,
aujourd'hui, dansle Sud-Est,partiela mieuxlotiedu pays,le servicepublic
vous faitattendreenvirondix-huitmois, ce qui donneune idée de la
saturation globaledes hôpitaux. Mon expérience de la médecinebritannique
melaissedes souvenirs sympathiques; forceestcependant de reconnaître, en
leurtirant monchapeau,que partout des individu-e-s redoublent d'attention
et de talentpourcompenser, commeelles et ils peuvent, la défaillance des
structures.Les servicesen sontà économiser, commedesboutsde chandelle,
le nombre de joursetmêmed'heuresque les genspassenten hospitalisation,
pourquoi que ce soit Que cela ait des effetspatentssurles possibilités
d'avortement dansle secteur publicgratuit estcertain.

sauvageet de
Ainsi,aprèsdouze ou quinzeans de libéralisme
restrictions sousla houlette
effrénées,
budgétaires d'unefemmespectaculaire
puis d'un monsieurtoutgris,la gratuité est en trainde
de l'avortement

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devenir un souvenir etcellede la contraception


lointain, esten péril,dansun
paysqui a pourtant joué un rôlepiloteen ce domaine.Commele signalait
récemment un articledu Guardian,c'est"Votrebourseou unevie":toutva
bienpourles femmes qui peuventsortir unecartede crédit, toutva fortmal
pourles autres.Nombreuxsontles généralistes qui n'ontjamais reçude
formation es contraception et les centres de planification
familialesouffrent
des restrictions budgétairesque les autoritéslocales, leurs sources
immédiatesde financement, ont dû leur imposer(le budgetglobal des
autorités locales dépendantlargement de régulations gouvernementales).
Donnonsquelqueschiffres qui éclairent la La
question. fondation caritative
MarieStopes,qui n'estplus,hélas,"sansbutlucratifmaisqui pratique tout
de mêmedes tarifs moinsélevésque les spécialistes exerçant en médecine
libérale,vous fait
payer 65 livres pour une consultationde gynéco,soitune
fraction importante d'un salairemoyen:cela donneun ordred'idée de ce
qu'il en coûteen moyenne de consulter un médecincapablede prescrire la
contraception dans le pays,et cela bien
pourrait expliquerque le taux de
débutde grossessechezles femmesde moinsde 19 ans est,en Angleterre,
l'un des plusélevésd'Europe:65 pour1000,alorsqu'il estde 9 pour1000
aux Pays-Bas...Et naturellement, le remboursement de la mini-pilule est
sérieusement remisen questionparle NationalHealthService1.En France,
commevous savez,il n'y a mêmepas eu de question, cettemini-pilule est
née nonremboursée. Une expression, en Angleterre, esten trainde devenir
on
symptomatique:peuttoujours gratter les fondsde tiroir.Elle apparaîtdans
des phrasesdu type:4<Leprixde la contraception esttelque de nombreuses
femmesle trouvent au-delàde leursmoyens,mais quandelles ontbesoin
d'unavortement, ellestrouvent toujours unfondde tiroir à gratter",pourune
I.V.G.dansle secteur ou
privé semi-privé naturellement
La questiondes droitsreproductifs
pourraitbienêtresurle point
de retrouver une acuitéplus grande,partouten Europe.Ce n'est pas le
momentde la trouverobsolète,ni d'ailleursde se polarisersur certains
aspects,aussigravesmaisnonplusque le délabrement sournois de nosdroits
dans les faits,si je puis dire. Les attaquesde cliniques sont certes
spectaculaires maisfinalement
etinadmissibles plusfolkloriques,en Europe,
que la menacestructurelle qui pèse déjà sur nos droitsreproductifs en
général2.Elles relèvent
en faitdu harcèlementsexuel, c'est-à-dire
de la

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délectation abjecteque certain-e-s prennent à humilier des femmes, et les


coups de main des commandos devraient êtretraités comme tels.Une remise
en questionde la légalitéde ΓΙ.V.G. ne meparaîtpas plausiblenonplus,etle
dangerprincipaln'est donc pas en trainde poindre,je crois,du côté
idéologico-terroristeni de celuidujuridiqueou du législatif3. Les droitspour
lesquelsnousnoussommesbattuessontentrainde s'éroderconcrètement, et
deux phénomènes au moinsconcourent à cela: les structures hospitalières
publiquesutilisentsans vergognediversestechniquespour évincerles
femmes qui demandent uneI.V.G.- parexemple,en France,en leurdisant
que septsemainesde grossesse, c'esttroptard.Et,plusinsidieux, il y a que le
préservatif est en trainde prendre une partde la place des techniquesde
dite
contraception "féminine", du moins pourcelles qui ne viventpas en
couplemonogamique stabilissime,c'est-à-dire pourbeaucoupde femmes.
Cettetendance, en traind'apparaître, a malheureusement toutechancede
s'affirmer dans les décenniesqui viennent. Elle tient à plusieurschoses.
Quandles hommesprennent un intérêt toutpersonnel à quelquechose,c'est
foucommela technique correspondant à leurprotection se substitue viteaux
méthodes géréesparles femmes, méthodedontle butestde nousprotéger,
nous. D'autre part, mettez-vous à la place d'une jeune femmeun peu
fauchée,qui faitl'amouroccasionnellement: entreles fraisde gynéco,la
plaquettede pilule à 100 francspar mois, et le préservatif qu'il est
raisonnable d'exigerde toutefaçondes partenaires, le choix paraîtévident.
Pourtant, si piluleet examensmédicauxcorrespondants étaienttotalement
gratuits,plusd'une sûrement penserait, sansqu'on aitbesoinde le lui dire,
que,pours'envoyer en l'airsansarrière-pensée etdoncen tirer le maximum
de joie, il estjudicieuxde prendrela piluleet d'exigerun préservatif du
partenaire. Certainesvagabondesde ma connaissancele font,mais il se
trouvequ'elles ont les moyensde ne pas raisonnersur le mode de
l'alternative,ou la piluleassuméeparmoi,ou le préservatif assuméparlui ...
ou parmoi aussid'ailleurs,ce qui finitparfairebeaucoup.À cela s'adjoint
un faitidéologique:n'avez-vouspas remarqué que,maintenant, quandvous
parlezcontraception, de
beaucoup gens entendent et
préservatif préservatif
seulement? Qu'il en estmême qui vous disent:"avec l'épidémiedu Sida,on
n'a pas intérêtà favoriserd'autrestechniquesde contraception que le
préservatif? Or on devraitsavoirque les préservatifs craquent plus souvent
qu'à leurtour, ce qui au demeurant n'inquiète pas trop les hommes. Un peu

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déchiré, il les protègeencore,ou du moinsen sont-ils persuadés.Mais ceci


expose évidemment les femmesà des débutsde grossesseinvolontaires
autantqu'à la contamination du Sida. Si le nombrede demandesd'I.V.G.
augmentait dansles annéesqui viennent (etje penseque cela risqued'êtrele
cas), il faudrait l'imputerà cettesubstitutiondu préservatif à la piluleou au
stérilet.A unmoment où uneproportion importante de litsdansles hôpitaux
sontjustement occupéspar des malades du Sida, les serviceshospitaliers
et
souventdépasséstoutde bon parles événements... "H fautvous opéreren
urgence", ditunmédecinà unhommequi faitunerechute cancéreuse, "mais
il n'y a pas un litde libredansla régionparisienne d'ici au moinsdixjours,
ni dans le publicni dans le privé."Quand des restrictions budgétaires
s'ajoutentà cela, il n'est pas nécessaired'avoir un talentdivinatoire
particulier pourimaginer comment les administra-tricç/teur-s des hôpitaux
vontchercher, ou cherchentdéjà,à restreindreles servicesque leurétablisse-
mentmetà la disposition des gensettoutparticulièrement des femmes. Vous
allezvoir,onva nousvanter de nouveaul'accouchement à domicile.
En Angleterre, au moins,on parle du problèmecréé par les
préservatifsqui craquent.Les généralistesprogressistesde l'un et l'autre
sexe(maissont-ils le au
légion?) prennent sérieux, avancent des chiffres(qui
malheureusement mêlentce problèmenouveauavec celui,traditionnel, de
"pas de protectiondu tout"),prennentleursresponsabilités
et affichentdans
leursalled'attentedes panneaux d'informationsurla piluledu lendemain et
le stériletdu surlendemain4. Si dans les quelquesjours qui suiventune
rupturede préservatif, un stériletest posé, on évite un avortement et
l'expériencepéniblede le chercher dans un systèmemédicalpubliclui-
mêmeen rupture de Mme
de charge,pourcausede politiquerestrictionniste
Thatcher,dûment prolongée parsonsuccesseur.
Cettepolitique,on n'en finirait pas d'en dénombrer les effets
secondaires, et les effetssecondairesdes effetssecondaires. L'an dernier
(1993) la presses'est faitl'écho d'un débatautourde la nécessité(disaient
les gensqui étaientpour)de mettre la piluleditedu lendemain en ventelibre
dans les pharmacies. J'ai l'espritmal tourné, c'est évident,
j'ai comprisle
débatde la manièresuivante: si les femmes peuventse procurer la piluledu
lendemaintrèsfacilement, cela évite des I.V.G.; si elles peuventse la
procurer sans ordonnance, cela économisemêmeà la SécuritéSociale une

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consultation chez un médecinou une médecienne; et commecelle-ciou


celui-cirisquerait de recommander plutôtle stérilet de rattrapage,dontla
pose coûterait encore quelque chose au National Health Service,vous voyez
un peu toutl'intérêt qu'il y auraità ce que des femmesfassent, seulesdans
leurcoin,la délicieuseexpérience de la piluledu lendemain, qui vous rend
maladecommeun coupde ventetde houleessuyéau laige de la Pointedu
Raz et dont les conséquencescontinuent de susciter,chez nombrede
médecins,des soupçonsqui sontpeut-être fondés.Toutes seules,et en
silence,sans avoir même l'occasion d'échanger des motsavec quelqu'unà
même d'expliquerque le préservatif ne dispensepas de s'occuper de
contraception et de faireun brind'éducationpopulaire,peut-êtrepas
seulement auprèsdes femmes des couchesdéfavorisées. Dans l'Oxfoidshire,
un comtéoù la criseéconomiqueestmoinssensiblequ'ailleurs, etle niveau
moyend'éducationtraditionnellement élevé, le bruitcourtqu'en France
notremerveilleuse RU 486 estenventelibredansles pharmacies. Quandune
femme, titulaire d'un doctorat et profepar ici, me demande,les yeux
si c'estvraietque sansordonnance
brillants, on se procurela RU en France,
j'entendsl'intériorisation d'unesituation d'abandon,parle système médical,
des besoinsconcretsdes femmes.Rêverde pouvoirse passerdu coips
médicalpourle soinde sonproprecorpsestuneidée à doubleface:certes,
projetd'indépendance, sûrement pertinent pourplusieurs choses,maisaussi
acquiescement à la situation de faitqui conduitles femmesà sentirqu'elles
ne peuventpas vraiment compter surla bonnevolontédu système pourles
besoinsqui sontles leurs.Si c'est commeça ici,qu'est-ceque ça doitêtre
dansn'importe quelcoinde la régionindustrielle sinistrée!
C'est un papiersurla paritéqui m'estdemandé?mais c'est de
cela que je parie!Car,tandisque les droitsreproductifs s'effritent
dansla
et
pratique, qu'une "culturecontraceptive" des femmes est en voie d'être
reléguéeà l'arrière-planau profit d'une"culture preservative" masculine,au
Ritzou au Qaridge,on préparepeut-être un énièmedéjeunerd'honneur, au
coursduquel,bienentendu, il seraitmalséantd'évoquerla questionou de
chuchoter quelquesidéesvisantà redresser Π ne seraitmêmepas
la situation.
de bontonde montrer qu'on en saitquelquechose,parmices femmes pour-
tantsusceptibles de briguerun mandatélectoral, voireun nouveaumandat,
doncparmicellesqui ontdéjà ou auront peut-être la possibilité
d'interpeller

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le gouvernement aux Communes. Elles ne mangent pas seulement, au reste,


elles courent!L'an dernier, dansles ruesde Londres,il y eut un jogging
collectifpourappeler les femmes à s'engagerdansles partispolitiques. Clic,
cettefoisla pressese montraplutôtrosse,"la baronneMachincourtpour
inciterles femmes à entrer enpolitique", de photographe
le sacripant a prisla
baronneau momentoù le marathon lui avait faitun visagegrimaçant, res-
semblant ironiquement à "La Marseillaise"de Rude. Du coup le message
devientsalaud:"ellen'estpasjolie,elle s'époumoneen vain."On estdansla
sociétédu spectacle, etnondansunmondequi chercherait à direle réelet à
articulerdes propositions donttouteset touspourraient débattre. On se fait
voiretphotographier: onestà la mercid'uneméchante photo.
Qu'une associationchercheà promouvoir l'égale représentation
des femmes, dansles institutions électivesd'un Royaumeoù les chosesse
passentnumériquement moinsmal qu'en notreRépublique, n'estpas en soi
un effortà à la
congédier légère. peutOn leursouhaiter bonne chance,sans
pourautants'engagerà leurscôtés.Commeles femmesbritanniques ont
conquisle droitde voteune génération avantles Françaises, nos voisin-e-s
ontl'habitudede voir,bonneélectionmauvaiseélection,en gros10 % de
femmes aux Communes, ce qui leurparaîtportioncongrue, doncincongrue,
du moinsjusqu'aumoment où on leurditqu'enFrance,c'est,bonanmalan,
moinsde 6%! Mes amiesféministes d'outre-Manche ontalorspournousun
regardde pitié accablée et accablante. La proportion de femmesdans des
assembléeséluesestunindicedu climatgénérald'unpaysou de celuide sa
classepolitique.Plutôtde la classepolitiqueque du pays,d'ailleurs,celle-là
étantcouramment en retard surcelui-ci.Alors,toutle mondes'effraye à bon
droitde la faibleproportion de femmesdansles assemblées, maiscomme
d'unsignede l'étatgénérald'exclusion, noncommedirectement unecause.
Or,vis-à-visd'un symptôme, il y a au moinstroisstratégies possibles.La
consiste
plus superficielle à vouloir simplement le
gommer symptôme par
une sortedcfiatlou de décisionréglementaire. La plus radicaleconsisteà
tâcherde comprendre de quoice symptôme estsymptôme, età s'attaquerà la
racinedu mal plusqu'à sa manifestation:en France,parexemple, on saitque
le corpsélectoraln'estpas coupable,car nos compatriotes voteraientaussi
volontiers pourune candidateque pourun candidat;c'est doncdu côtédes
partispolitiquesqu'il faudrait porterle regardet le fer.Entreces deux

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extrêmes, il y a celle,médianedonc,du300 Group,qui chercheà supprimer


le symptôme, nonparunedécisioncéleste(uneloi prescrivant la paritédes
assembléesélues), mais en organisant une poussée depuisla base: que
davantagede femmess'engagentdans les partispolitiqueset qu'elles se
montrent plus combativespour arracherà leur partiune investiture, de
préférence dans une circonscriptionqui n'est pas perdue d'avance. La
tactiquedes manifestations publiquesconsiste en faità culpabiliser les trois
ou quatrepartispolitiquesimportants quantà leurattitude vis-à-visde leur
propres militantes. un est
Culpabiliser parti toujoursune bonnechose.Au
fond,il fauttoujours les asticoter
surtout,les droitsdes femmes, la paritéet
le reste,car un partipolitiquequ'on ne tarabuste pas en permanence croit
avoirunebaseetunélectorat oubliel'existence
captifs, de l'uneetde l'autre,
etfaitn'importe -
quoi, quijustement pasn'est exactement n'importe quoi.

MAIS LES FÉMINISTES

Quantaux amiesanglaises,toutesse scandalisent de l'accapare-


mentque l'énormeproportion d'hommesà Westminster ou au Palais
Bourbontraduit, maisje n'en connaispas qui s'identifie vraiment avec le
300 Group. En partieparce que les paramètres de ce mouvement sont
décidément bourgeois,mi-nouveau mi-vieille
riche, Angleterre: le restaurant
de grandluxe,la piècemontéedécoupéeà l'épée,etc.renvoient à des scènes
connuesparcœur,la seulenouveautéétantque l'uniforme de l'Arméeest
portépar une femme et qu'une autre sabre le dessert.De plus, une
associationcommece 300 Groupne peutpas ne pas donnerles mainsau
discours"nigaucheni droite", nibiensûrne pas se gardersoigneusement de
touteprisede partiexpliciteentreles Conservateurs et les Travaillistes.
Certes,il n'y a pas toujoursurgenceà se latéraliser de la sorte,mais on
remarqueque ce centrismeretombesystématiquement du côté des
Conservateurs et non des Travaillistes,
ce qui est peut-être l'inéluctable
destindu centrisme en général.On meditque le 300 Groupestcomposé,en
gros,de 40 % de Libérales-Démocrates,de 40 % de Conservatrices, etde 20
% de Travaillistes, ce qui donned'embléeau groupeune allureDroite-
Centre-Droite.Plusencore,cetterépartitionfaitqu'ellesnepeuvent se mettre
d'accordsurrien,saufsurl'idéequ'il faudraitplusde femmes au Parlement
La questionde la contraception et de l'avortement est exemplairepour

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Le Dœuff13

à Timpossibilité,
réfléchir pource groupe, de direquoique ce soit:le faitque
contraception et avortement soientlibres,c'est-à-direqu'il n'y ait pas
d'obstaclelégal à l'accès aux modes de contrôle seraitau fond
de la fertilité,
la seule base d'accord entrele libéralismeavancé (souvenez-vousde
l'époquegiscardienne, pourtrouver un équivalent français)etunepenséede
gauche.La simpleabsenced'obstaclelégalestunechoseacquiseici depuis
longtemps (à l'exceptiond'un pointqui concerneles fillestrèsjeunes):on
n'a plusà enparler, nià gaucheni à droite, etcettebasecommune potentielle
n'a plusde pertinence. La divergence pourrait s'amorcerquandon réfléchit
aux conditions concrètes ou matérielles de l'exercicedes droitsreproductifs.
À droite,la maximegénérale, concernant toutetles droitsdes femmes, c'est
"faitesce que vous voulez,maispayezvous-même; la libertésortde votre
porte-monnaie; grattez vos fonds de tiroirs".Une penséeprogressiste digne
de ce nom devraitprendreen compte,aussi sérieusement que la liberté
formelle, les conditions matérielles, en l'occurrence le prixde la liberté,et
pourtoutes.Les politiciennes du 300 Groupne se mettront jamais d'accord
là-dessus,ni sur le reste,qui està l'avenant.
Autrechosecreusel'écartentreles damesdu 300 Groupet mes
copines.Ces dernières se préoccupent toutesde "issues",c'est-à-direde
chosesprécises.Si on lesinterroge surdes sujetsconcrets, ellessaventce qu'il
en est.À leurcontact, j'ai compris unecertaine tournure d'espritqu'ellesne
formalisentpas,maissemblent comme
pratiquer ellesrespirent,et qui est,je
crois,une grandebase du féminisme. Jedoutequ'il soitfaciled'acclimater
cettetournure d'espriten France,où le goûtgéométrique pourles lignes
simples5 bloquetropsouventla priseen comptedu concretet du détaildes
phénomènes. En toutcas, voici:la première responsabilité d'une féministe,
c'estde savoir,autant qu'ellepeut,des chosesqui concernent les femmes, et
dontle patriarcatinterdit Lesbiennes
la connaissance. ou hétéros,ellessavent,
etdansle détail,ce qu'il fauten effet
savoir,sur la situationactuelledesdroits
reproductifs,les discriminations que le systèmejudiciairefaitsubiraux
femmes,les violences familiales,sur les groupesde self-helpde la
communauté lesbienne etles lieuxde recoursofferts auxfemmes battues, etc..
Sans parlerdes milleet un petitsréseauxd'entrepreneuses. Dans la villede
V**, troisretraitéesontmontéunesociétéde taxisqui ne transporte que des
femmes etdes enfants. Ellesne peuvent fairede la publicitésur ce point,mais

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14 LeDœuff

on se passeleurcarte(ornéedu 0+) et,dès votrearrivée danscetteville,une


amievous mettra au courant, car fairecirculer ce genred'information fait
des
partie responsabilités ordinaires.Vous aurez ainsi le bonheur de voir
arriver,aprèsavoirappeléle numéro de la carte0+, unevoiture roseornéedu
même0+, conduitepar une délicieusedame qui, avantsa retraite, était
employée de bureaudansles services de l'Églised'Angleterre, etqui à présent
faitle taxien robenoiretrèschic,collierde perles,bas noirsà coutures'il
vousplaît,ou (ça dépenddesjours)en caleçonà fleurs. Et quimanifestement
s'amusecommeune petitefolle,si bienqu'on se surprend à penserque le
troisième âge,c'est le dimanche de la vie. Croisersursa route desmini-entre-
prisesde ce genreconstitue bienle dimanche d'unevieordinaire de féministe,
dontla têteestbruissante de connaissances etde pré-occupations concernant
millefacettes de l'oppression, commeuneencyclopédie des chosesdésagré-
ables.Or voilà:il se trouveque riende cettecollection de préoccupations ne
passedansle discours dulobbyquigalopeetdéjeunepourla parité.
N'est-cepas curieux?Durantl'hiver93-94,un patient travailde
décorticage des jugementsdes tribunaux a mis en évidenceque, pourles
petitsdélits,les femmessont constamment plus sanctionnéesque les
hommes.Pourles grosaussi,maiscela avaitétémis en évidencedeux ans
auparavant. Ainsi,en 1993,des centaines de femmesontétécondamnées à
deux semainesde prisonpour avoir omis de payerleur redevancede
télévision.Les magistrats ont moinspénalisédes hommescoupablesdu
même délit,comme si une femmeétaittoujoursplus coupable d'être
coupable. Quand les résultatsde la savanteenquêtefurentconnus,le
gouvernement de Major a réagien coupantles créditspource genrede
recherche("on ne veut pas de politiquement correctici", futla raison
alléguée).L'honorable lobbypourla paritéparlementaire a eu manifestement
autrechoseà fairequ'à protester en faveurdes femmescondamnées et des
chercheuses qui avaientcollationnéles faits:
c'est comme si toutcela se
passaitsuruneautreplanète!

PATRICIENNES

Globalement,leurindifférence de principe)aux mille


(peut-être
misèresqu'endurent
les femmespauvresrapprocheces politiciennes
d'une

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Le Dœuff 15

figurearchitraditionnelle en Europe.Des patriciennes, il y en a eu dansles


villesitaliennes de la Renaissance, dans l'Ecosse du xne siècleou dansla
Francede l'AncienRégime.Jene croispas qu'il failleendire,commele font
quelquefoisles différentialistes, qu'elles étaienttoutesfigéesdans une
identification mâle: cela n'a pas de sens, et c'est inassignable.Mais
l'indifférence des autresfemmes,
à la situation voilàquelquechosequi estou
qui n'estpas,et que l'on peutou nonimputer à telleou telle.Puisqu'Éliane
Viennota unpenchant pourles damesde l'AncienRégime,"quimaîtrisaient
parfaitement les codesde pouvoir",dit-elle, on peutlui demander si, parmi
ces dames,ellen'envoitpas qui se fichaient royalement des autres femmes,
alorsque, dès l'aube de la Renaissance, une solidarité de sexe, au moins
morale,a pu se montrer, chez quelquesécrivaines. Et j'ai croiséassez de
gensde pouvoirpour voir à ce
peu près qu'on peut entendre par"codesde
pouvoir",et poursubodorer que le principemajeurde ce code c'est d'être
radicalement insensible. En toutcas,nousramener aux patriciennes, c'est-à-
direà l'idée que le pouvoirexercépardesfemmes dénuéesde solidarité avec
les autresa quelqueintérêt revientà annuler des sièclesde féminisme, si l'on
considèreque la prisede parole,par Christine de Pisan,en faveurde la
dignitéde toutesles femmesmarquel'émergenced'une formepolitico-
culturellequi feraunjourle féminisme. Accessoirement, c'estmontrer qu'on
ne cherche pas à raisonnerde façonparticulièrement républicaine.
En France,le mouvement pourla paritéestsociologiquement un
peu différentdu 300 Group,à supposerdu moinsque cettedifférence soit
netteet stable,ce dontje doute,η montre uneautredifférence considérable,
en ce qu'il quêtel'appui des féministes, et qu'il nous demanded'investir
notreénergiedansunesorted'initiative populaire visantà obteniruneloi qui
rendela paritéobligatoire.Mais il offretoutde mêmeungrospointcommun
avec le mouvement britannique:l'absenceparfaite de programme et même
de discourssurautrechoseque soi. Voici donc,en France,des femmesqui
sontessentiellement des politiques(certaines onteu un mandat,d'autresen
ontau moinsbriguéun).La plupart sontsocialistes, et appartiennent
doncà
un partiqui a étéau pouvoir deux foiscinqans, nous laissantdes souvenirs
amers6.D'autressontplutôtde droiteetliéesà unpartiqui,maintenant aux
affaires,nousprépare des souvenirs cuisants7.D'autresencoresontVerteset
appartiennent un
à partiquipratique depuislongtemps de la parité
le principe

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16 LeDœuff

pourses candidat-e-s aux élections, mais où souventdes voix exhortent à


abandonner ce principe, ce qui montre que, mêmechez les Vert-e-s, il est
En
fragile. tout cas, voici des femmes qui ne s'entendent que sur un point:il
fautqu'il y ait50 % de femmesau Parlement Fortbien,évidemment, mais
encore?maispoury fairequoi?poury faireentendre quoi?Si aujourd'hui le
motd'avortement écorcheles lèvresà certaines d'entrevous,si votrestylo
refusede noterfût-ceune référence timideau viol par incesteou au
harcèlement sexuel,si vous ne pouvezpas vous mettred'accordsur des
stratégiesconcernant l'égalitéprofessionnelle, (etc.),cellesd'entrenousqui
s'efforcent de faireapparaître ces questionsdans le débatpolitiquevont
s'inquiéter,et à bon droit.Car si, au momentoù vous quêteznotreappui,
vous n'avez rien à en dire, qu'est-ce que ce sera quand vous serez
représentantes du peuple,y comprisdoncde cettegrandemoitiéque nous
sommes?Pourquoicetteimpossibilité à direquelquechoseconcernant la vie
ordinairedes femmes quine seront jamaisparlementaires? D'ailleurs,qu'est-
ce que,d'oresetdéjà,vousen savez,de la vie ordinaire des femmes? Et êtes-
vous seulement prêtesà en savoirquelquechose?Si l'on demandaitaux
cinquante femmes les plusinvesties dansce mouvement, ce qu'ellespensent
du harcèlement sexuelet comment elles voientce qu'il resteà faireà ce
sujet,arriveraient-elles seulement à se mettre d'accordentreelles,y compris
entrefemmesappartenant au mêmeparti?En trouverait-on seulement cinq
qui sauraientce qu'il en estde la législation, de la réalitédu harcèlement, et
desdéficiences de la présente législation?
Ce débatsurla paritése déploiesurla base d'unrefoulement des
questionsqui nous occupent, et c'est un fort
point grave.Écoutez-lestoutes,
et décidezsi leurdiscoursne présuppose pas uneinsensibilitéaux questions
concrètes,une mise à l'écartpourdirele moins,un verrouillage pourdire
plusnet, de tout ce qui nousimporte. "C'est la "la
démocratie", démocratie
la
exige parité", etc.
disent-elles, Fort bien,encore une fois,maisquandun
mouvement quêtema signature, mon énergieet mon suffrage, le réflexe
démocratique élémentaire consistejustementà demandertoujours,et à
l'avance,des engagements. L'engagement fondamental, celui sans lequel
toutle resten'est que bruitdu ventqui passe,consisteà montrer qu'on
connaîtles dossierset qu'on est capablede les comprendre. Or,le mouve-
mentpourla paritén'arrivemêmepas à aborder, saufvaguement et encore,

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Le Dœuff 17

les questionssurlesquellesnoussommesen droitd'exigerqu'il s'engage,et


avec précision.C'est le momentou jamais de pratiquerla philosophiedu
soupçon,etde trouver symptomatiquele videdu discours
proposé.

DE CE QU'IL N'Y A PAS DE DROIT D'ÊTRE ÉLUE


Leur raisonnement consisteà dire que, puisque les femmes
composent plus d'unemoitiédu pays,alorsil seraitjusteque des femmes
composent la moitiédes assemblées.Au vrai,quelquefois, elles perdentde
vue cettedistinction entrela moitiédu payset la moitiéde l'Assembléeet,
quand elles évoquentle caractèrebénéfiquede "la présencemassivede
femmes" (É. Viennot)dansles instances de décision,on se demandesi elles
n'imaginent pas unrazde maréede millionsd'entrenousau PalaisBourbon!
La luttepourle droitde vote étaitclaire,car c'est un droitqui échoità
chacuneetà toutes;en revanche, le droitd'êtreélu-ene veutriendire.Le fait
d'êtreeligible,c'esttoutautrechose,qui au resten'estpas clair.La définition
juridique,fixéedansla Constitution, prévoit, depuisla Libération, que les
personnes adultes de nationalité sont
française éligibles, c'est-à-dire ontle
droitde se présenter aux élections, les femmes"dansles mêmesconditions
que les hommes"8. Le problème, c'est que ces conditions existent etjouent
contrecellesqui aspirent à exercer un mandat électoral.Le discours autour
de la paritéobservescrupuleusement le silence sur ces conditions,la
première étantévidemment qu'unparticonfère soninvestiture à la personne
qui serasa ou son candidat-e. Condition forte,puisqu'ily a des questions
financièreslourdesà la clefde toutecandidature. Alorsque le corpsélectoral
voterait aussi(peu) volontiers pourune candidateque pourun candidatdu
mêmeparti, ungrandnombre de partispolitiques restreignent, surcritèresde
sexe,l'attributionde l'investiture, c'est-à-dire qu'ils sont plus rétrogrades
le
que pays. Pourrait-onsavoir pourquoi?Que celles qui les connaissent du
dedansnouséclairent!

CLASSEMENT

partissontplusrétrogrades
Certains etla proportion
que d'autres,
est
de femmesqu'ils présentent plus Π
faible. y a là une de les
possibilité
classer,en supposantque la proportion de femmesprésentéesest un

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18 LeDœuff

symptômede la vie au jour le jour dans ce parti,et de l'atmosphère


idéologiquequi y règne.Aujourd'hui, les votant-e-s n'ontplusune loyauté
étroitevis-à-visd'unparti,aucunpartine peutse targuer d'avoirunélectorat
captif,ce dontil fautse féliciter, car c'est une (modeste)reconquête, par
l'électorat, du principede souveraineté populaire:se constituer en fidèleà
toutcrind'unparti, c'estau contraire à ce
permettre parti d'oublier qu'il vous
revient de jugersurpièces,à vous qui êtesparcellede la souveraineté. La
plupartde nos compatriotes aujourd'hui, ayantcessé de se constituer en
otages volontaires d'un parti,considèrent plutôtqu'il y a une gammede
partispeu ou prouacceptables, ce qui ouvrela possibilité, d'un scrutinà
l'autre,de déplacerson suffrage d'uncran,verstelleformation ou verstelle
À
autre,et c'est tantmieux. chaquescrutin, je me sensprêteà voterpour
de
quelqu'un-e gauche ou de la mouvance écolo. Et aux législatives, si la
proportion femmes/hommes parmiles candidat-e-s présenté-e-s estunindice
à prendre au sérieux,commeindicede la "sex-idéologie" de chaqueparti,
alorscetteproportion classeles partispossiblesde la manièresuivante:1) les
Vert-e-s, 2) le PC, 3) le PS. Vous direzqu'avec ce raisonnement, le PS n'a
jamaisses chances.Jevousrépondrai queje ne voispas pourquoiil ne serait
pas pénalisé,puisqu'on présumeque la faible proportionde femmes
présentées parlui esten accordavec sa "sex-idéologie", ce que d'ailleursla
période88-93a amplement vérifié, unemajorité PS à la Chambreet divers
gouvernements de mêmeteintes'étantglorieusement abstenusde fairece
que les associationsféministes demandaient.
Bon: arriventles feuillesde présentation des candidat-e-s;
on peut
alorsaffiner
l'intentionde voteen fonction du choixoffert dans sa propre
Prenons
circonscription. l'hypothèse suivante: il y a uneVerte,qui ne souffle
pas motdes questionsqui m'intéressent; une Communiste qui produitun
papierserré et dit vouloir tendrela main aux féministes; un candidat
et
commun MRG-PS,qui se gargarise de Droitsde l'Hommeetd'unepolitique
fondéesur l'Homme, etc., ce qui concordebigrement avec le maigre
pourcentagede femmes présentéespar le PS et le MRG surle plannational
- c'est bizarrecommeles chosesconcordent souventLa Républiquedes
ânes pompeuxétantsuffisamment peupléedéjà, je trouvedeux ou trois
raisonsd'expédierle MRG-PS dans ma corbeilleà papierplutôtqu'à
l'AssembléeNationale, etn'enferiez-vous pas autant? La Vertea pourellela

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Le Dœuff 19

paritéque sonpartiappliquesurle plannationalmaiscontreelle sonsilence


La Communiste
vis-à-visdes pointspolitiquesqui nous intéressent9. ne
bénéficiequ'à moitiéde la lignede son parti- une sex-ratio toutjuste
mieuxque les autressurle plannational- maisc'estunecandidate, elle au
moinsa étéprésentée, la mainauxféministes.
etellen'a pas peurde tendre

Maintenant, imaginezque vous soyezdansla circonscription où


ce choixexiste:que faites-vous, électriceou électeursensibleau caractère
choquant de la disparité? Quoi, c'est pas sûi? pas sûrmêmeque vousexpé-
diez le MRG/PSà la corbeille?Vous avez de solidesrestesd'inféodation à
un parti,une loyautéde femmemariéemême,vis-à-visd'un partiqui
pourtant (je vousdemandepardon)vouscodifieet vousrecocufie! ou vous
restezprisonnière du vieuxmotd'ordre"voterutile",qui n'a plusguèrede
sens,s'il en a jamaiseu. Laissez-moivous direque tantque vous ne serez
pas capablesde boycotter unpartiqui nievotreexistence, vousl'encourage-
rez à continuer à se conduirefortmal à l'égardde toutesles femmes, les
candidates potentielles au momentde l'attribution de l'investiture,et nous
toutesquandgouvernement et Parlement concocteront ou ne concocteront
pas des lois. FrançoiseGaspardprétend que, dansL'Étudeet le rouet,livre
danslequelj'ai beaucoupplaidéen faveurde la mixitémoitié-moitié des
instances de décision,"curieusement [je] n'évoquepas les assembléesélues,
qui sontjustement cellesquivotent les lois".Jereviendrai surce point,etsur
l'étrange lecture faite parelle de ce bouquin, mais disons toutde suiteque
c'est faux:vous trouverez, p. 330, une remarquedisant:"il est toujours
possiblede bouder,au profit du voisin,telpartipolitiquequi ometde penser
le
que peuplepuisse avoirdes représentantes"; et p. 334, une autresur"ce
qu'un Parlementbien mixtepourraitconcoctercommelégislation".Je
n'avaisdoncpas omisde penseraux instances élues,mais,jugeant(à tort?)
que ces instances éluesle sontparle corpsélectoral, j'avais considéré que la
composition des assemblées est de la des
responsabilité votant-e-s, donc
suggéréunestratégie qui partedu bas et des votant-e-s. Certes,l'idée aurait
méritéd'êtredéveloppéedavantage, certesaussiunetellestratégie ne ferait
pas l'affaire du PS, auquelFrançoiseGaspardappartient, mais ce qui était
toutde mêmeclair,c'est que le raisonnement reposaitsur une priseen
comptede la responsabilité des personnes qui votent, alorsque l'idée soute-
nueparle mouvement la
pour parité,qu'il faudrait une loi décidantque les

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20 LeDœuff

éluesetles élusseront en nombre égal (mêmepas uneloi obligeant les partis


à présenter autantde candidates que de candidats), cetteidée-làescamotele
faitqu'il revientau corpsélectorald'envoyer du monde dansles assemblées,
ce qui a traitau principede la souverainetédu peuple. Certes,cette
souveraineté est plus mincequ'on ne voudrait- le peuplene pouvant
choisirqu'à l'intérieurd'unesélectionrestreinte,la poignéede gensproposés
-
pardes partispolitiques maissi l'on regrette qu'il en soitainsi,il faudrait
penserà trouver pourqu'il y aitplusde souveraineté
des stratégies du corps
électoral,etnon pas moins. Donc que ce soitle corps électoralqui pèsesurla
présélection,parles partis,descandidat-e-s.
Pour en revenirà l'exempledonné,qui n'est pas imaginaire
mêmes'il a le défautd'êtreexceptionnellement bon,d'un choixentreune
Vertemuette, une Communiste qui tendla mainet un MRG-PSboursouflé
de langagesexiste,l'exerciceminimalde la responsabilité de qui veutun
parlement mixte consistaità choisir
entre la Verte etla Communiste, l'uneou
l'autre,selondes préférences qui, elles,ne sontpas toutesdéductibles du
souhaitde mixité.Mais on pouvaitvoirplus grand,et il faudraun de ces
joursvoirbienplusgrand:la formesupérieure d'uneresponsabilisation des
dames-citoyennesconsisteraità créer un comité local, pour aller
collectivement discuteravec ces deux candidateset voir ce qu'elles sont
disposéesà faireau juste pourles droitsdes femmeset d'autreschoses
encore,si ellesétaient élues;puisà fairecampagnepourl'uneou l'autre,ou
les deux,en répercutant de ce dialogue,pardiffusion
le résultat de tracts dans
la rueou porte-à-porte. Fairecampagnepourl'uneplutôtque l'autre,si l'une
semblemontrer plusd'engagement de notrecôté;maiséventuellement pour
les deuxensemble- je sais,cela ne s'estjamais fait,maisinnovons, que
diablesse!On peutimaginer un comitédistribuant des tractsdisant:il faut
que le parlement devienne mixte,
moitié-moitié, etcomporte des femmes qui
sachent prendreen main la de
situation toutes les femmes; donc, si l'écologie
ou le communismevous paraissentfairepartiedes idées politiques
acceptables, votezpourMme Verteou pourMme PC, qui ontle méritede
nousavoirdit,l'une patatipatata,l'autrepatatapatati10. Si Yécologieou le
communisme.,., car il esthorsde questiond'appelerqui que ce soità voter
pourun partidontles idéesgénérales ne lui sembleraient pas acceptables, et
il yen a plusque de raison.

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LeDœuff 21

En fait,dansl'exemplechoisi,que je connaisde première main,


Mme Verteauraittoutsimplement déclinéle soutiend'un comitécomme
celuiquej'imagineetrefuséde se prononcer surdiverspointsqui noussont
chers.En revanche, la communiste avaitannoncéd'elle-même un soucide
noustendrela main.Opportunisme, peut-être,maiscelui-làne manquaitni
d'audace ni d'originalité. Elle auraitsûrementacceptéle soutienavec
reconnaissance et se seraitprobablement engagéenettement sur plusieurs
points.Ah!le bonheur, unjourpeut-être d'expédierà la Chambre unefemme
qui auraitdes projets féministes précis,pourlaquelleun comité de femmes
auraitfaitcampagne, etqui sauraitqu'elledoitsonélectionen partieà cela!
C'estauxlégislatives de 88,dansunecirconscription tenueparun
UDF procheduFrontNational, que ce choix fut offert. Bien sûr quej'ai voté
pourle MRG/PSau deuxièmetour,à défautde mieux,eten me bouchant le
nez! Mais au premier tourla communiste a faitun assezjoli score,meilleur
qu'on n'auraitpu pronostiquer dans une telle circonscription. Son apparte-
nancede genreet sa maintendueaux féministes y furent-elles pourquelque
chose,je n'en sais rien,ni si le scoreeûtétéencoremeilleur avec le soutien
d'un comitéd'électrices qui,aprèsavoirdiscutéavec elle,lui auraitapporté
un appuitactiqueetpolitique. Jepenseseulement ceci:elleétaitfemme, elle
tendaitla mainaux féministes, cela n'a pas étésanctionné, au contraire,donc
avec en plusun comitéde soutienet une "implantation" du discours,si je
puisdire, dans le concret de la vie des femmes du quartier et les questions
femmes au plannational, ellene pouvaitfaireque mieux.On ne sauras'il est
payantou non,d'unpointde vueélectoral, de mettre en avantetla mixitéet
des idéespolitiquesconcernant l'ensembledes femmes, que le jour où l'on
en feral'essai- ce qui supposede créerdes comitéslocauxd'électrices, qui
aillentdiscuteravec les candidates appartenant à des partisacceptablespour
elles,etc.Cela vaudrait la peinevraiment d'expérimenter cela dansquelques
et
circonscriptions,d'analyser calmement les résultats ensuite. Avis à celles
que cela intéresserait,unetelleidée offrede surcroît l'avantagede pouvoir
êtredémarrée n'importe où,à Vierzon,Quimperié ou Roubaix,sansattendre
que Paris donne la note. Mais précisons: il n'est pas intéressant de savoirsi la
mixitéestchosepayanted'un pointde vue électoral, maisde propulser tout
de bon une excellentereprésentante, d'excellentes représentantes, de notre
volontépolitique, à l'Assembléeou dansunConseilRégional.

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22 LeDœuff

D'AUTRES EXEMPLES
En raisonnant de la sorte,je m'inspirede choses d'origine
américaine. Toutd'abord,d'une idée due à unejeune femmenoire,Mary
FairBuiks11.À la findes années1940,avecunecinquantaine d'autres, elle a
créé dans l'Alabama le Women'sPoliticalCouncil(WPQ, groupedont
l'actionpolitiqueavaitpourligne:se faireinscrire surles listesélectorales
(unbutpourles femmes afro-américaines, nonunepossibilité, à l'époque)et
allerinterrogerles gensqui se présentent pourun mandatElles réclamaient
doncdroitde voteetvéritable exercicedu statut d'électrice,qui est,avantde
déposerun bulletin dansuneurne,de pouvoirposerdes questionsaux gens
qui briguentun officeélectif.Ce que je constate, danstoutela littérature de
l'actuelmouvement françaispourla parité, c'estl'absenceradicalede l'idée
qu'on puisseallerdiscuter de piedfermeavecdes candidat-e-s ou les inviter
à venirs'expliqueren public sur leurs projets.Où sont les réunions
électoralesd'antan,dansles bistrots ou sous les préauxdes écoles?Kirsten
Riberhold medisaitunjourque les Danoisesvoulantfairede la politiqueont
trouvéune à une leur chemindans les instancesélectivesgrâce au fait
qu'ellesse sontengagéesà fonddanscettepratique, qui consisteà tenirdes
réunionsavec les gens. Petità petit,et une à une, elles ont acquis la
considération de leursélectrices et électeurs, parceque la réunionsous le
préaud'une école estune épreuvede véritéterrible: c'est là qu'on montre
qu'on connaît ou non les dossiers. En France,depuisbelle lurette,les
candidat-e-svous pondentun peu de littérature, sous la formede
communiqués, et n'engagentplus le dialogueavec leurschèreset chers
électricesetélecteurs.Pourtant, il suffitde le vouloirpourque cela se fasse.
En 1988, avec une associationde jeunes scientifiques, j'ai organiséau
Collègede Franceune réunionoù furent conviésles collègues,la presseet
les candidatsà l'électionprésidentielle,à l'exception évidemment de celuidu
FrontNational.Le RPR a décliné,ce qui étaitdéjà une prisede position,
RaymondBarrea envoyéune longuebafouille,qui futlue en public,P.
Juquins'estexcusé,le PC etle PS ontenvoyéchacundes représentants qui
Le débatfatintéressant,
étaientaussi des scientifiques. et le journaliste de
Libé qui étaitvenu,VincentTardieu,a cuisinéle représentant du PS aussi
bienque nousautres, avantde publierunpapiersurla question, η estcapital
de cuisinerles postulant-e-s, de refuserde recevoirpassivementleur

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LeDœuff 23

commeunehostie,et de leurmontrer,
littérature qu'on tientà
au contraire,
engagerundébatL'exercicede la citoyenneté, ce n'estpas seulement d'aller
voter,c'estbienausside faire les à un
comparaître aspirant-e-s mandat, etle
mouvement féministe
estparfaitement capablede fairece qu'uncollectif de
a pu faire.Tiens,si je suis en formeau momentdes
jeunes scientifiques
prochaines et en France(ce qui estloind'êtresûr),chicheque...
élections,
Mes chèrescompatriotes, si vousprévoyez d'êtreen formeau moment de la
prochaine échéance,pourquoine penseriez-vous pas d'oresetdéjà à quelque
chosecommeça?
L'autremoded'actiond'origineaméricaine qui mériteraitde faire
école dans le vieux monde,c'est celui du NationalWomen'sPolitical
Caucus [ComitéPolitiqueNationaldes Femmes],fondéen 1971, dont
l'actionnationaleest répercutée au niveaulocal par des comitésou des
associations indépendantes. L'idée de ce Caucusc'est,à la fois,de pousser
des femmes à êtrecandidates à des mandatset de lutter pourdes questions
féministes. C'est au niveaulocal que l'idée marche:il fauttoujoursun
groupeimplantédans tellerégionou telleville; le groupefaitsavoiraux
partisdu coin qu'on exige d'eux qu'ils présentent des femmesou une
femme,ayant des vues précises surtelleou tellequestion,ou sinongareà
eux.Dans quelquesituation que ce soit,on a toujours un "gareà vous"à la
disposition des partispolitiques, ne serait-cequ'en menaçant de s'abstenir.
Γ
La fuite de l'électorat, abstention-sanction n'a rien à voir avec
l'absentéisme - c'estd'ailleursbienla volatilisation d'unepartiejusque là
... fidèle(!) de "son" électorat, en clairla désertiond'un pourcentage de
suffrages de femmes, qui a faitsi malau PS récemment
Dans la stratégie
des Américaines, la pressionvientd'électrices
organisées.Elle a pour méritede rappelerénergiquement que c'est Sa
le
Majesté peuplequi décide, et de poserque la fractionféministe décideet
surcritèrede sexe et surprojetspolitiques.Le bénéficede ces multiples
actionslocalesesten trainde se fairesentirau niveauglobal,aprèsplusde
20 ans de mobilisation.Déjà, en 1989,à des électionspartielles, on vitdes
candidats êtrepénalisésparcequ'ils étaientcontrele droità l'avortement, et
NOW putafficher, commepourun matchde foot,le score"Geoige: zéro.
Nous: trois".Les dernièresélectionsfédéralesaux États-Unis ontportéau
Congrèsplusde femmesayantun programme netet clairsurcettequestion

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24 LeDœuff

etplusd'hommesayantcompris qu'il ne fautpas se tromper de borden cette


affaire.Et le coupleHilary-Bill a étéconjointement élu à la Maison Blanche.
Jeplaisanteà peine;sansHilary,Bill ne seraitpeut-être pas passé.Le plus
extraordinaire c'est que,danstoutesles facsoù j'ai pu mettre les pieds,on
pariede cetteélectioncommesi elle avaitété celle de HilaryClintonet,
quandvous demandezs'il n'estpas un peu gênantqu'elle soitlà en tant
qu'épousede sonmari,on vousrépond:"Oh,en fait,lui a la chargede tout
ce qui n'est pas trèsintéressant, et ce seraitdommagequ'une femmesi
remarquable ailleperdre tempsà s'occuperde ça; c'est bienqu'elle ait
son
seulement le portefeuille des chosesqui comptent et qu'elle comprendsi
bien.D'ailleurs,elle n'estpas là commel'épousede son mari;c'est lui qui
est présidenten tantque marid'une femmesi remarquable." Tout en
regrettantque les collèguesaméricain-e-s rangent dansla catégorie destnics-
pas-intéressants-qui-incombent-fort-heureusement-à-Bill la politique
étrangère des États-Unis, je comprends unpeuce qu'ellesetils veulentdire,
etj'ai froid dans le dos toutde même.

EFFETS DE GENRE
Les instancesde décisionne sontjamais des lieux pour des
"masses" de qui-que-ce-soit. Rien ne sauraitdispenserde réfléchir aux
modalités du rapport entreces instancesetles masses.Pourl'instant, le fond
de l'argumentaire du mouvement pourla parité,c'est que l'existencedes
femmes à la base auraitunefonction d'unefuture
dejustification présencede
50 % de femmesau Parlement et dansles autresassemblées.Mais c'est là
raisonner à l'envers,chèresconcitoyennes! Ce qu'il convientde poser,ce
de
n'estpas tantun rapport justification, parla base,de la composition des
assemblées,qu'un rapport d'obligationmoraleet politiquedes assemblées
vis-à-visde la base. Quellessontles obligations d'un parlement, qu'on va
la
supposermixte,vis-à-visde plusgrande moitié du pays? Ah - quandon
pose le problème commecela,on commenceà voirse dessinerunelistede
mesuresà prendre, une listeun peu hétéroclite peut-être,avec des points
mieuxconnusque d'autres, mieuxexploréspar25 ansde féminisme actifen
France,etpeut-être ressent-onle besoinde se réunir
pours'informer les unes
les autres,discuteretchercher unaccord?Un petitprogramme communbien
détailléetbienprécis,technique même?Là vouscommenceriez à meplaire...

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Le Dœuff25

si nousvousdonnonsaujourd'hui
À l'inverse, notrecaution,nousentérinons
votre silence et nous laissons donc se constituerune idée de parité
représentative fondéesur l'insensibilitéaux problèmesdes femmesen
général:etcombiende sièclesmettrontnospetites-nièces ensuite
à contester
fondatrice?
cetteinsensibilité
Les politiques de l'un ou l'autre sexe ne tiennentpas
nécessairement leurspromesses, maistoutde même,en généralils en font,
ou du moins en faisaient-ils naguère.Or, voilà qu'on nous demande
carrément un chèqueen blanc,puisquenotreappuiest sollicité,alorsque
l'effortd'articulerdes propositions n'estpas consenti.Si propositionsil y
avait, au moins on pourraitjuger. Au moins les femmessusceptibles
d'exercerdes mandatsélectifsou ministériels engagéesà
se seraient-elles
quelquechose(quitte, EdithCressonet SimoneVeil ontsignéla
ensuite,...).
Déclarationd Athènes, qui énonceque "la démocratie imposela paritédans
la représentation et l'administration des À
nations". la bonneheure,maisà
quoi cela les engage,toutcomptefait?À continuer à êtreélues?Π faudrait
pouvoircroire,et de manièreaveugle,aux "effets de genre",c'est-à-direau
boutdu compteà unenatureféminine forcémenten phaseavec les besoins
nécessairesde toutesles femmes,pourimaginerqu'un pouvoirpolitique
mixtemoitié-moitié forcément
remplirait notreattente.Surtouten France,et
dansunmicrocosme aussiréduitquele PalaisBourbon.
La plusgrosseassociationde femmes, en France,c'est l'Action
Catholique Générale Féminine - 35 000 adhérentesaux dernières
nouvelles.Voilà un groupecomposéexclusivement de femmes, qui, surla
question des droits n'a
reproductifs, jamais ditautrechose que Vaticanet
le
la hautehiérarchiecatholique.Vousmedirezque ces damessontréunies par
un principeconstitutif,qui estjustement l'obéissanceà l'autoritéromaine.
Mais ce que montre précisément ce mauvaisexemple,c'estque le genreest
une donnéeplus faibleque le principede constitution d'une association.
Vouspouvezréunir autantde femmes que vousvoudrezdansuneassociation
ou une instance quelconque: si le principe d'adhésion renvoie
essentiellementà unediscipline,d'Égliseou de parti- ornos camaradesde
la pariténe mettent pas en questionla discipline de partiqui estla leur-
vousaurezautantde femmes disciplinéesqu'il y a d'adhérentes,etpersonne
n'aurarienà y gagner.S'il estpossibleà l'Église Catholiqueen Francede

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26 LeDœuff

trouver 35 000 femmesqui se uâsentcommedes carpesquandPopauldit


unefoisde plusdes chosesinsupportables voirequi font
surla contraception,
on
chorus, imagine sans les
peineque partispolitiques trouveraient
sansmal
quelquescentainesde complicesfemmes. Trouver300 femmestotalement
collabosde Tordrepatriarcal, les choisirune à une surce critère,
est à la
de
portée n'importe quel partipolitiquefrançais, gauche droite,et de
de à
droiteà gauche,η n'y a pas de raisonque nousnousfatiguions pourobtenir
uneffet aussifantastique.

L'argumentaire du mouvement de la parité, telqu'il està présent,


présuppose unenatureféminine, qui auraitla scienceinfusedes dossierspar
dessusle marché... η paraîtqu'un débatqui se ditthéorique esten trainde
au
poindre, sujet de la parité: celle-ci nous renvoie-t-elle inéluctablement à
l'essentialisme? lequelessentialisme ensuitereçoitdes évaluations diverses,
depuis"affreux danstousles cas" jusqu'à "c'est l'horizonindépassable de
notretemps"!De monpointde vue,il ne s'agitmêmepas de se demander
quelleestla valeurthéorique de l'essentialisme (!!!), maisde souligner que le
mouvement pourla paritéesten trainde se servirduditessentialisme, en le
constituant en leurre en
politique, appeau, en chanterelle: pour aucune
question relevant du politique, ou de la du
gestionpolitique social,personne
n'a de scienceinfuse- nipourle tout-à-1'égout que votremunicipalité gère,
ni pourle commerce des grainsdontdécidela communauté européenne, ni
pour le droit d'asile, ni pour les droits ni
reproductifs, quant aux
discriminations sexistescachéesdansla convention passéeentrel'Étatetles
compagnies d'assuranceconcernant les risquesaggravés12, ni quantau traité
de Maastricht...Si encorele mouvement la
pour parité nous disaitqu'il fautà
l'assemblée,eten grandnombre, desfemmes qui connaissent (mieuxque les
hommesparlementaires, et ce ne seraitpas difficile) les problèmes de toutes
les femmes! L'essentialisme, ici,se substitue au savoir celui
féministe, qu'on
n'acquiert que par expérience et par travail de réflexion,donc,
nécessairement, en relationavec des groupesqui travaillent surdes issues,
des pointscritiques, et prèsd'une bonnebibliothèque, donton regrette de
direque l'essentiel,aujourd'hui, est en anglais.
ordinaire
De plus,l'expérience montreque femmes ethommesde
pouvoir ont parfois des structurations assez
psychologiques voisines.En
voici une, patenteet communeaux deux sexes dans leursrapports à la

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Le Dœuff27

temporalité:quandunepersonne de pouvoirattend quelquechosede vous,et


que vousêtesunepetitepiècequelconquede son avenir,vous existezpour
elle ou lui, vous êtes visible,audible,réelle et parfoisimportante. En
revanche, quandvous avez faitquelquechose,et que votrepersonnea trait
seulement au passé,vous n'existezpas du tout Les gensde pouvoirfont
constamment du passétablerase;ils etellessonttoutentiers, toutesentières,
dansleurplandu moment, c'est-à-direleurfutur immédiat. Π n'estpas bon
de leuravoirrenduservice,il estcapitald'êtresusceptible de leuren rendre
demain. Portez des de au
gens pouvoir pouvoir, soutenez-lesd'unemanière
ou d'une autre: c'est oublié à l'instant,non que ces gens soient
particulièrementingrats, mais leurs structures mentales sont
unidimensionnelles - ce n'estpas hierqui les intéresse, c'est la prochaine
étape,la prochaineélection,le prochaintour.Et ils et elles sont,par
définition,dans une problématique ascensionnelle: ce n'estpas assez que
d'êtreadjoint-eau maire,il fautdevenirdéputé-e, puismêmeministre, puis
même..., entout cas être
au moins reconduit-e dans ses L'absence
fonctions...
de loyautédes gensde pouvoirvis-à-visde cellesetceuxqui les portent à tel
ou tel posteest finalement Mais aussi pourquoi,quandnous
structurelle.
parionsd'assembléesélues,utilisons-nous le vocabulairedu pouvoir!On
dire un
pourrait "briguer mandat", "exercer un mandat", "remplir un office
public",etnonaccéderau pouvoir, ce seraitplusconforme auxvaguesidées
de démocratie ou de républiquequi flottent
encoredansl'air.
Un autrepointme semblecommunaux politiquesde l'un et
l'autresexe: poureux et elles, c'est une préoccupation majeureque de
chercher d'abordà ce que les massesse tiennent Sansentrer
tranquilles. dans
les détailsde ce que les foucaldien-ne-s "la gouvernementalité",
appellent on
peutdireque toutappareilétatique, de gauche,de droite,avec ou sansune
proportion raisonnable de femmes, veutfoncièrement que les gens restent
gouvernables, et éviter les plus gros risques de sédition, trouble,
désobéissancecivile,émeutes(etc.).Toutepolitiquetientcomptede cette
limite,bien plus que des droitsdes personnes.Une politiquesoucieuse
seulementde "compétitivité économique"par exemple,ou empreinte de
libéralismebien avancé,s'en soucieraautantqu'une autrequi auraitle
progrèssocial sur ses étendards,et réciproquement. Je croiraismême
volontiers que les droits des personnes sontune mise en forme de quelques

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28 LeDœuff

règlesconcernant Tait de ne pas irriter les gens au pointde les rendre


ingouvernables. Jedoiscetteidéeà la lecturecritique qu'il m'arrivede faire
de FrancisBacon,Tundes premiers philosophes à avoir écritdes chosesen
faveur de la liberté d'expression,et de la possibilité d'exhaler le
mécontentement: pourlui,il estjudicieuxde laisserles gensépancherdans
unecertaine mesureleursgriefs, cela faitpartiede l'artde ne pas les rendre
ingouvernables... On pourraitrelired'un œil ainsi avertiles diverses
déclarations des droitsde la personne ou de l'Homme(!!, en l'occurrence...,
oui!), en se demandant si ellesne sont pas simplement la codification d'une
prudenced'État,qui se donnerait la listedes pointsà ne pas toucher, sous
peine de risquerde rendrele peuple ou une grandepart de celui-ci
incontrôlable, η seraitpossible de les paraphraser comme des guides
techniques: "On a découvert parexpérience que l'Homme et le citoyen,ou
maintenant n'importequel quidam (peut-êtremême n'importequelle
quaedame,mais c'est moinssûr)devientimpossiblesi l'on n'observepas
vis-à-visde lui (et quelquefoisd'elle) un certainnombrede règles,que
voici:..."
Politiciennes ou politiciens,
tou-te-sontle soucipremier de faire
se tenirtranquillesleurs administré-e-s, et appliquentle principedu
"premièrement ne pas rendreingouvernable", mêmequantà des questions
qui ne sontl'objet que de croyances.Par exemple:c'est une croyance
répandue(que je croisfausse,maisles croyancesfaussessontaussi fortes
que les vraies) que la pratiquedu footballcanalise l'agressivitédes
adolescents et desjeuneshommes,en particulier ceuxdes couchessociales
désespérées,et que le footdétourneainsi la jeunessemasculinede son
penchantà tapersur des choses plus importantes qu'un ballon. Édiles
municipaux, conseiller-e-s régionalesou régionaux,député-e-s, ministres de
-
la jeunesseet des sports toutle monde,quel que soitson sexe et son
étiquettepolitique,imagineque c'est du footou des émeutesen banlieue,si
bienqu'il estjudicieuxde déverser les denierspublicsen quantité colossale
sur les clubs amateurscommedans l'énormeshow-bizsportif: les clubs
d'importance nationale,l'entretiende stadesénormes et les matches que l'on
téléviserelancent le désirdes gaminsde taperdansun ballonet non autre
chose.Des éluesn'auraient pas plusque des élusle réflexede contester cet
usage foncièrement mâle des deniers publics,dès lors qu'elles seraient

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Le Dœuff29

persuadées que c'estde l'argentbienplacé.En cela,ellesse tromperaient, je


crois,commeles hommespolitiques se trompent, maisla seulemanière de se
faireentendre des politiquesde Tun et l'autresexe surce pointseraitde
contesterla validitéde leurcroyance. Qui sauraexpliquerqu'il n'y a pas de
pointmagiqueau centred'unballon,qui absorberait les fluxd'agressiondes
joueurs et des spectateurs? Qui saura montrer que les émeutessuscitéespar
les supporters sontla preuvede ce que le sportn'adoucitpas les mœurs?Et
qui aurala bonneidéede chercher s'il n'y auraitpas de corrélation
entreles
matchesdu dimanche etles violencesfamiliales à l'égarddes femmes etdes
enfants,le dimanche aussi?

Réciproquement, si nous avons gagné la batailledes droits


en
reproductifs France dans les années70, ce ne futpas grâceaux quelques
femmesde l'Assembléeou à SimoneVeil. Nous étionsdevenues,en le
sachantou non,proprement ingouvernables, un peu par nos manifes, plus
encoreparnotrepratique d'avortements. Bafouer la loi systématiquementet
de façon publique,cela s'appelle de la désobéissancecivile. Aucun
gouvernement ne peutse permettre de laissers'installer une révolteaussi
ouverteet aussisoutenue, et c'étaità la portéedu premier hommepolitique
venude le saisir.Accessoirement, il étaità la portéede n'importe qui de
savoirque,si la législation
n'étaitpas modifiée, alors,auxélectionsde 78,la
gauche,désunieou pas, avait toutechance de délogerles giscardiens.
Rétrospectivement, onpeutdireque les femmes de Francesontentrées surla
scène électoraledans ces années-là,commegrandemoitiéde l'électorat,
pesant,nonsurla composition d'uneAssemblée, maissurle contenude ce
que gouvernement et assembléepouvaientdéciderensemble.Devaient
décider, peine suicidepolitique.
sous de

LE POSSIBLE N'EST PAS PROMIS


On peutcertestenirun raisonnement etje reconnais
probabiliste,
l'avoirfait(dansMichèleLe Dœuff,1989; 1991): on peutpenserqu'il est
vraisemblablequ'un gouvernement mixtemoitié-moitié, rendantdes
comptes à un parlementlui-même mixte aurait
moitié-moitié, toutechance
de prendre des décisionssensiblementdifférentes
de cellesque prennentles
gouvernements actuellementobservables.Seulement,entrele vraisemblable
il y a un mondeou, si l'on préfère,une nuancelogique
et l'effectif,

N.Q.F.1995Vol.16,N°2

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30 LeDœuff

infranchissable. Π y a tantde choses,pournous intéressantes, qui sont


vraisemblables depuis longtempsmais non effectives! D'ailleurs, si le
passagedu (seulement) vraisemblable au projeteffectifse faisaitfacilement
et s'il étaiten préparation du côté du mouvement pourla parité,celui-ci
auraitdéjà commencéjustementà concocterun programmepolitique
commun.Nous aurionsdéjà entenduce que vertes,socialistes, banisteset
chiraquiennes ontà direen communsurle harcèlement sexuel,l'excision,ou
les allocationsfamiliales, et alorsnouspourrions, en touteconnaissance de
cause,décidersi ce qu'elles disentreprésenteou non ce que nous pensons.
Au reste,si une politiquecapablede représenter les intérêtsmatérielset
morauxdes femmes étaiten gestationdansce mouvement, peut-êtreaurions-
nousentendu parierdéjà ausside divergences à l'intérieurdumouvement, de
débatsvifs,de portesclaquées pour autrechose que des querellesde
personnes - et ce seraitbon signe,car cela prouverait qu'on y pariede
quelquechose,et qu'on y esten prisesurdes réalitésqui nousconcernent
toutes.Nous demander une délégation de pouvoirsurla base d'une seule
identification de sexedontrienne ditqu'elle seraitréciproque ni opérante,
c'estnousenfoncer encoreplusdansl'aliénation: à qui,sinonà des femmes,
oserait-on proposer unmarchépareil?C'estun gesteoblatifqui estsollicité:
"donnez-nous le pouvoir,et on ne vous prometrien",voyezle papierde
FrançoiseGaspardici même,η fautvraiment nousprendre pourdes cloches
pour oser nous proposerun échangepareil.Certes,d'un pointde vue
électoral, nousavonscommisquelqueserreurs dansle passé: euh,combien
avons-nous été,grossesmalines,à signerun certainappelà voterMitterand
au second tour de 1981, en disantque la présenceà l'Elysée d'une
personnalité de gaucheétaitde nature"à ouvrirun nouvelespacepournos
luttes",je me souviensde la formule, moiqui,pource secondtour,ai signé
comme les copines (après m'être singulariséeen soutenantHuguette
Bouchardeau au premier). VoterF. Mitterand au secondtouren 81, c'était
plutôt une évidence - mais dire que nous le faisionsparce que nous
pensionsque le succèsde la gaucheallait"ouvrir de nouveauxespacespour
nos luttes",ça c'étaitune grossenaïveté.En 81, il fallaitbien sûrvoter
Mitterand, maisen disantque cela ne nousdispenserait pas de continuer à
menernos luttescommeà l'ordinaire, ce qui devintclairdès 82, au reste,
quandBérése mità mégoter surle remboursement de l'LV.G. etqu'il fallut
descendre dansla ruecommed'habitude. Nous avonsfaitpreuvede naïveté

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LeDœuff 31

une secondefoisen 1988, quand- à juste titre- nous nous sommes


insurgéescontrele premiergouvernement Rocard, lequel comptait,
souvenez-vous, un secrétariat"à la famille, femmeset aux rapatriés".
aux
Nous avionsraisonde huiler,maisétait-il adéquatde simplement demander
un vrai ministère des droitsdes femmes,doté de moyensimportants13?
Résultat,MichelRocardnousa commisMichèleAndré,qui n'y connaissait
rienet qui fitsavoirhautet fortqu'elle auraitpréféré la Jeunesseet les
Sports14. Fable des grenouilles qui demandent une ministre! Si j'en crois
mon intuitionféminine,à l'automne88, cette ministreécoutaitplus
volontiers les femmes catholiquesque nousautres15. Le souvenirlaisséestsi
consternant que ce n'est pas demainla veille que nous penseronsà
redemander uneministre. D'une certainemanière, c'estaussibien:quandon
demandeuneministre, alorsque dansles mois,les annéesprécédentes, il n'y
a pas eu de mouvements de fouleféministesdansla me surtelle,telle,ettelle
question, c'estcommesi l'on propulsait quelqu'uneà unpostesanslui dicter
un agenda.En revanche,quand il y a des mouvements, n'importequel
gouvernement de nommer
se hâterait unesecrétaireaux droitsdes femmes et
de la préposer à l'exactequantité
à réfléchir de lestqu'il fautnouslâcher,et
pas plus,pourque,de nouveau,nousnoustenions 'Tenez,Marie,
tranquilles.
voiciun portefeuille, si vousvoulezbienfaireen sorteque je n'en entende
plusparier."
À proposde MichèleAndré:et si la divinesurprise que constitua
la décisionde MichelRocardde conduireaux Européennes unelistemixte,
surprisedûmentclaironnéedans la Lettrede la Parité,avaitprécisément
pourbutde nous faireoublierque ses deux gouvernements ontlaissé un
bilanfranchement piteuxquantaux questions-femmes? Personnene saitsi,
aux dernières le
Législatives, PS a payé cherla faibleproportion de femmes
parmiles candidat-e-squ'il présentait, ou le maigrebilan des actions
gouvernementales pourles femmes entre88 et92, ou l'absencede discours
surce qu'il projettede faire,ou les troispointsà la fois.Toutle mondedit
que la fuited'unepartiede l'électoratfemmes estdueà unedéfaillance, mais
il y a plusieurs
façonsd'identifier La première,
laditedéfaillance. "pas assez
de candidates" bénéficiesurtout aux femmespolitiques, car vous voyezce
qu'il resteà faire;la seconde,"pas assez d'actionsen faveurd'objectifs
féministes", aux associations,car vous voyezla conclusionqu'on peuten

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32 LeDœuff

la troisième,
tirer, "et pas de projetpourl'avenir",ah! la troisième estune
hypothèse sévère: et s'il étaitau-dessus des forcesdes socialistesde faire
mieuxs'ils revenaient au pouvoir? Plusrienà dire,maisle thèmede la parité
pourcacherle rien.Rocaid a entériné (pourles Européennes, s'entend)la
parité.La paritéetquoi?Eh bien,la parité.La paritéetriend'autre,la parité
à la place de toutle reste,et l'on regrette de constaterque Gisèle Halimi
trouvele mêmetourde passe-passecommode:elle a entrepris unedémarche
auprèsdu Président de la Républiquepourlui demander une réforme de la
constitution en ce sens,elle est allée aux Européennes arméede ce mot
d'ordre,maistoutce que l'Europepourrait fairequantà nosdroits, toutesles
-
lacunes de Maastricht dontelle a su quelque chose au momentdu
référendum - pfiff toutcela s'estévaporé.La paritéà la française, ce n'est
pas pourfairemieuxentendre telleou tellerevendicationprécise,encore
-
moinspourla faireaboutir c'est à la place."Soutenez-nous eton ne vous
prometrien":si nous acceptonsun pacte aussi léonin,nous avalisonsla
désinvolture avec laquelleles politiquesde l'un etl'autresexenoustraitent,
eux et elles qui nous considèrent commejustebonnesà les soutenir, pour
rien.Cela reviendrait aussià accepterl'effacement actueldu politique,pire
encore:sonexténuation absolue16.

ET QUE SOIT LA POLITIQUE!


On auraremarqué en effet que les partispolitiquesse montraient
fortvolubilesau débutdes années70, etnouspondaient chaquesemaineou
presquedes Changerde Cap et autresProgrammes communs, us nous
proposaient, outreune visionglobalede la société,un certainnombrede
prises positionsurceci ou cela,us avaienttoujours,
de au fond,des tas de
choses à dire sur des tas de questions.Or ces mêmespartissemblent
aujourd'hui n'avoirplusrienà diresurrien.Peut-être est-ceseulementqu'ils
ne nous disentplus rien,à nous électriceset électeurs,parce qu'ils
considèrentque les questions politiques doiventêtrelaisséesà ces expert-e-s
que sontjustement les politiques,voireaux technicien-ne-s qui travaillent
sousla responsabilité nominale despolitiques, à huisclos,sousle contrôlede
l'exécutif et aussi loin que possible des assemblées élues, qui n'y
connaîtraient rien,c'est évident:le traitéde Maastrichta été rédigéde cette
façon,à l'abrides regardsindiscrets des parlementaires tanteuropéensque

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Le Dœuff33

nationaux. ÉlianeViennotse payevraiment notretêtequandelle demande


s'il n'estpas "permisde penserque le débatsurMaastricht auraiteu un autre
contenu"(la formule estvagueà souhait!)"si, depuisquelquesannées,les
femmesavaientété à égalitéavec les hommesau Parlement"17. Parlements
Européenetnationaux ontdécouvert le textetoutficeléen mêmetempsque
en
nous autreset, France, le seul débat auquel le Congrès(Parlement +
Sénat)aitétéconviéportait surles modifications à apporter à la Constitution
pourpermettre l'éventuelle parréférendum,
ratification, d'untraité élaboréà
huisclos,faceauquelle corpsélectoralétaitinvitéà seulement oui ou dire
non.η n'y a eu aucunepossibilité de discutertelou telalinéanid'y proposer
des amendements: il étaittoutentierà prendreou à laisser,ce qui ne
correspond pas exactement à l'idéequ'onpeutse fairede la démocratie, avec
ou sans des femmesparmi les du
représentant-e-s peuple. Et dans les
premièressemainesde campagnemédiatiqueet gouvernementale pour,
forcément pour,frénétiquement pour,la ratification,il n'étaitpas si facilede
se procurer le textelui-même.De plus,le traitéen questionproposeune
unionpolitiquequi n'est pas de typeparlementaire. Les attributions du
Parlement Européen, tellesqu'ellesy sontdéfinies, sontévanescentes; c'est
l'exécutif européen, lui-même nomméparles exécutifs nationaux, qui a tout
le pouvoir.Ergo,le PalaisBourbonn'a pas eu sonmotà diresurle fondd'un
traité qui organise unedéperdition du parlementarisme à tousles niveaux,les
Parlementsnationaux,du fait de l'insertiondes pays dans l'Union
Européenne, perdant de leurimportance, etce, nonau profit d'unParlement
Européen, maisde l'exécutif européen etdujudiciaireeuropéea
Toutle mondese perddansl'Eurojungle, pourciterMarie-France
Casalis,et,quandLibé annonceque l'AssembléeParlementaire du Conseil
de l'Europea prisunedécision,on se gratte la têteen se demandant ce que
c'est:le Parlement Européenou encoreautrechose?Mais quandon litque
cetteassembléea repousséun textereconnaissant aux femmesle droit
fondamental à l'avortementet imposant "aux Étatsmembres du Conseilde
l'Europel'obligationde permettre l'exercicede ce droitdans de bonnes
conditions",et ce par74 voix pourcettereconnaissance, 56 voix contreet
deuxabstentions, on se ditqu'en outreon ne saitpluscompter, car depuis
quand repousse-t-on un textepar 74 voix pouret 56 contre?Ah! Libé,
pédagoquelquefois, précise:or il y fallaitunemajorité des deuxtiers18. On

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34 LeDœuff

estmalbarrées,ettoutça parceque la rédactionde Maastrichta étéfaitepar


une espèced'AssembléeConstituante nonélue,siégeantdansle plusgrand
secret.Maastricht (de justesse)parle peuplede France;
estun putschratifié
ceuxet cellesqui ontvotépourontun tantinet perdula possibilité
de parier
au nomde la démocratie.
Les citoyennes et citoyens de base se sentent dessaisi-e-s de tout
contrôle surles instances etles procédures de décisionconcernant leurvie la
pluspersonnelle et leursdroits les plus fondamentaux. Tout se passeloin,à
Coucouville-les-nuages, à huis-clos,non entrereprésentant-e-s du peuple
mais entrehautsfonctionnaires nommésparl'exécutif, et l'électionpar le
peupledevientun principebon pourle musée,les parlements ayanteux-
mêmes une marged'action de plus en plus réduite.On commenceà
comprendre que le discoursélectoralpour les Législativesse vide de
propositions. Mais c'est le cas aussi pourles campagnesprésidentielles
françaises, mêmeque le pouvoirde la personne
alors présidant la République
est énorme19.L'aplatissement des programmes de tous les candidatsà
l'électionprésidentielle de 1988 futremarquable: on pouvaitles lire sans
prendre la migraine, puisen oublierle contenusur-le-champ, si contenuil y
avait "Votezpourmoi,ettoutirabien","votezpourmoiet toutiraun peu
mieux,mêmes'il n'estpas permisde rêver'',voilà à quoi se résumaient les
campagnesdes postulants, de gaucheà droite,d'où justement le besoin
ressentipar l'associationde jeunes scientifiques dontje parlaisplus haut
d'invitercollègues,presse et représentants des diverscandidatsà une
réunion, pourposerà ces derniers des questions indiscrètesmaisprécises.En
bonfrançais, l'actueldiscoursdespolitiques, videmaismaniant des couleurs
et des tonalités affectives,cela se nomme démagogie et non démocratie. La
paritéavec unprogramme seraitsûrement de typedémocratique, parcequ'un
programme l'est,offrant une base à partirde laquelleon peuten discuter,
surtout si l'on se donneles moyensde se manifester commeinterlocutrices;
la paritésansprogramme tombenécessairement dansla farcedémagogique
générale,celle-là même qu'il est urgentde récuser.Or cette farce
démagogique va tragiquement loin:il y a encore25 ans,la forced'un parti
politiquese mesurait au nombreet à la détermination de ses militant-e-s, car
les moyensde propagande étaientessentiellement le collaged'affiches (par
les militant-e-s) et le patientporte-à-porte. Autrestemps,autresmœurs,le

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Le Dœuff35

nombrede militant-e-s n'est plus aujourd'huiun facteurdécisif,c'est le


financement des partisqui compte,doncles moyenspublicitaires dontils
disposent, comme pourn'importequelle marque yaourt. de Sans oublier
l'habiletédes spécialistes es communication que telparupeuts'offrir. Voyez
le matériel électoralque vousavez reçupourles Européennes: desphotos,de
la couleur,des symboles,"une signalétique"soigneusement choisie et
déterminée pardesexperts es publicité, quipensent (à tortou à raison)que ce
qui comptec'estle choixdes petitsmickeysque l'on donneà voir,plusque
le produit qu'il fautvendre: la définition de laditesignalétique, doncduprofil
strictement ou
imaginaire imagier d'un a
parti, pris une importance telleque
le discoursproprement politique,lui,semblereléguéà l'arrière-arrière-plan
ou même encoreun peu plus loin. J'entends par discourspolitiqueun
ensemblearticulé de propositions ayant traità ce que viventles gens,à leurs
droitset à la manièredontils viventensemble, propositions que l'on soità
mêmede défendre dansuneréunion publiqueoù électrices etélecteurs aient
la parolesurle moded'un débatcontradictoire. Or,puisquele thèmede la
à la
parité française ne s'associe pas à un discours surles modesd'oppression
qu'on voudraitcombattre, ni surles objectifsprécisqu'on se donnedans
cetteluttecontreladiteoppression, ni surla manièredonton comptes'y
prendre, etc.,forceestde se demander s'il n'estpas plutôtcompris du côtéde
la signalétique - à côtéde la couleurvertepourles écolos,de la rosepour
les socialistes,du bleu-blanc-rouge pourla droiteet l'extrême-droite. Un
gadgetcreuxparmid'autres,et rienà côté: franchement, l'idée mêmede
paritémérite mieux que cela, etnous donc!
De plus,si unprogramme ne garantiten rienqueles engagements
seront on
tenus, peut deviner que l'absence de programme, elle,etenmettant
les chosesau mieux,ne mènenullepart.Dire,commeElisabethGuibert-
Sledzevski,"une démocratie sansles femmesn'estpas une démocratie"20,
n'est pas seulement articuler un énoncéde la mêmeformeque celui qui
assureraitque la pluie tombeen généralde hauten bas, opinioncontre
laquellenul-le,sansdoute,n'iraits'inscrire en faux.Π y a quelquechosede
plus à interroger dans l'attitude qui à s'extasierdevantcette
consisterait
pensée,et à la trouver historique. Car cetteopinionfracassante induitl'idée
que, dès lors qu'il y auraitdes femmespourmoitiédans les assemblées
élues,alorsles femmesseraient incluesdansla démocratie, et alorsce serait

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36 LeDœuff

vraiment la démocratie. En bonnelogique,cettesecondeidée n'est pas


déductible de la première; la conséquence nevautpas,de "sans,ce n'estpas"
à "avec,c'est".Mais la rhétorique politiquejoue dansun registre qui n'est
pas toutentierlogique et les énoncéss'y contraposent sur le mode de
l'insinuation.On estbiensurle modede l'insinuation, si on laisseentendre
qu'une démocratie "avec les femmes" seraitvraiment une démocratie. Car
uneexpression comme"avecles femmes" ne ditriende précis("avec"étant
un moded'inclusiond'un vagueparfait), au total,ce genrede
et pourtant,
remarqueinduitl'idée (injustifiée) d'une complétude:mettez-nousau
Parlement, et cela suffira:"nous",enfin..., quelquescentaines, sélectionnées
selonun modede scrutin dontle mouvement pourla pariténe nousditrien,
et présélectionnées pardes partispolitiquesdontle fonctionnement n'estni
publicni égalitaire.Les institutions de la Ve Républiqueavec quelques
centaines de femmes, eton y serait!Les femmes seraientau Parlement eton
seraitdansla démocratie! Un de cesjours,il faudrafaireuneétudecollective
des institutions de la Ve République,en essayantde ne rienoublier,ni le
préambule de la Constitution ni le corpsdes préfet-e-sni le rôledu Sénat21,
ni certainspetitsdétailscachésdans les coins...Et ensuiteon pourrait se
demander si une démocratie est possibledans un tel contexte, et l'égalité
entreles sexes.

ON FERME!
La problématique du mouvement pourla paritéestporteuse d'un
effetde clôturevoire de forclusion,que je trouveflagrantdans la
contributiond'ÉlianeViennot.Quandelle dit"unrégimequi empêche,dans
les faitssinondans les textes,l'accessionau pouvoirde la moitiéd'une
nationn'estpas unedémocratie", il y a déjà un glissement entre"la moitié
d'une nation"ou du corpsélectoralet la moitiédes instancesde pouvoir.
Mais quand elle qualifie le partagedu pouvoir politique (dans les
assemblées)de "une des dernières grandesbataillesencoreinscritessur
l'échéancierde la 'libération
des femmes'", on entend, outrela difficultéà
nommer notrelibération
sansguillemets, uneespècede bruitde fond,comme
celui qui annoncel'heurede la fermeture... "Une des dernièresbatailles
encoreinscrites"...
Françaises,encoreuneffort, etaprès,on ferme!Similaire,
un peu différent mais finalement du mêmeordre,est l'argument que j'ai

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Le Dœuff37

entendudans la bouched'amies qui ont tentéde me convaincrede me


joindreà ce lobby:'Tant qu'on n'aurapas obtenula parité,on n'obtiendra
rien".L'argument est démobilisant: supposonsqu'on n'obtiennela parité
parlementaire qu'auxcalendesgrecques, etje penseque telestle cas si c'est
paruneloi qu'onveutl'obtenir. Alorsl'argument nousconvieà rester assises
en attendantce retour annoncédes coquecigrues. En outre,il estfaux:on ne
le rappellerajamais assez, entre 1971 et 1975 puis en 1979,nous avons
obtenule voteetle revoted'uneloi Veil,ainsique (etce n'étaitpas troptôt)
les décretsd'applicationde la loi Neuwirth,pardes moyensqui prenaient un
plus court chemin, et qui avaient en outre l'avantage de ne pas
les
déresponsabiliser actantes. Nous avons découvert la règled'or,"si vous
voulezque quelquechosesoitfait,faites-le", sanstellement nouspréoccuper
de la compositiondu Parlement de en
(masculinet droite, l'occurrence), et
sansd'embléevouloirdéléguer notreforce, nosmotsetnotreaction.
"On n'obtiendra rientantque...", "une des dernièresgrandes
bataillesde l'échéancierféministe", s'ils sontdes énoncésde clôture,sont
des projetsdontcependant la clôturene tientpas: toutse rouvre, quelques
pages plus loin dans la contribution d'É. Viennot.Un paragraphe assez
emphatique qui évoque "l'intense travail d'opinion", "la mobilisation de
toutesles énergies", "les mouvements de rue",la "violencepolitique"etc.,
nécessaires pourfaireadopter la loi surla parité, aboutitenfinà l'idée que "la
présencede nombreuses femmesdans les lieux où s'élaborentles lois"
pourraitalors faireque celles-ci soutiendraient et reprendraient"l'actionde
nosgroupesetassociations". Voilàla pierrephilosophale de la paritésoudain
réduiteau statut d'adjuvant du travaildes groupesetassociations, ce que,du
ne
reste,on disputera pas à l'auteure: il est possibleque ça aide,étantbien
entendu que le travaildes groupeset associations estle véritableressort de
l'action.L'imagequi vientà l'esprit, quandon vousdemandeintensetravail
d'opinion, violencepolitiqueetmouvement de ruepourcréerquelquechose
qui permettrait peut-être de relayerensuitel'actiondes groupes,c'est celle
d'une échelleà cueillirles fraisesdes bois, laquellen'estjamais qu'une
échelledoubleaffectée à cettefonction - onmonted'uncôtéeton pourrait
biendescendre de l'autre.Théoriquement, ça marche, maisla femmeavisée
se demandesi le dispositif estle meilleur etle pluséconomique, s'il estsûr
qu'on montera en hautde l'échelle,bientôt ou unjour,et s'il seracommode

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38 LeDœuff

de redescendre ensuitede l'autrecôté.Ou encores'il n'y auraitpas quelque


chose de disproportionné à nous demander"contestation vigoureuse",
"harcèlement de l'État","soutienvolontariste aux femmesdansles lieuxde
pouvoir"(n'importelesquelles?),pour la conquêted'un adjuvantdont
l'efficacitéestplausibleassurément, maisseulement plausible.Alorsqu'avec
"contestation vigoureuse", 'travail intense d'opinion","manifestations de
rue" etc., nous obtiendrions sûrementune améliorationsensiblede la
législation réprimant le harcèlement sexuel,l'application intégrale de la loi
la
Veil, suppression de l'article scélérat qu'elle contient contre "la femme
étrangère", les douze semaines, le remboursement de tousles contraceptifs,
et bien d'autreschoses,qui sontni plus ni moinsà notreportéeque la
légalisation de l'avortement dansles années70 et les fraisesdes bois que
naguère nous avons cueillies à l'ancienne. Il y a quelque chose
d'hallucinatoire à imaginer unemobilisation massivedes associations, pour
la paritéplutôtque pourles objectifs précisinventoriés parces associations.
Pouruncataloguedes objectifs précis des associations etla paritéen toilede
fond,c'est une autrehistoire22. Certes,depuisle débutdes années80, les
associations n'ontpas assez bougésurleursobjectifs respectifs,un peu par
loyautévis-à-visd'un pouvoirpolitiqueque nous avions contribué à mettre
en place,beaucoupparfatigueaussi,les actionsdes années70 ayantépuisé
des milliers d'entrenous,qui se sontégailléesdansla nature dès le revotede
la loi Veil.Mais rienne ditque nousn'ayonspas récupéré de notrefatigue,
les
pendant longues vacances que l'absence d'opposition gauchenousa
de
tropaimablement offertes. Là: regardezle combatpourl'école publique!
JackLang pouvaitpassertousles accordsavec l'enseignement privéqu'il
voulait, la base laïque ne bronchait pas. Mais la voici de retour,toute
guillerette de s'êtrereposée,et capablede vous organiser de ces manifes
grandioses23! Une remobilisationdes associations féministesest
théoriquement possiblede la mêmemanière, maisnos politiciennes rêvent
follement, si ellesimaginent que la parité,la paritéseulement, la paritétoute
sèche,peutconstituer la priorité ou le seulobjectif d'associations qui,depuis
unbonquartde siècle,ontleurspropres objectifsà défendre.
Dans la contributiond'Éliane Viennot, on trouve de
l'hallucinatoire
aussidansuneenvoléedigned'unancienSecrétaire du PCF,
"il fautallertrouver
[cesfemmes]là où ellessonL..ilfautmettre
en œuvre...

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Le Dœuff39

il fautallerporter le débat.,il fauten faireune piene d'achoppement... Π


et cela il fautle faire"Doucement!Des consignespareilles,
fautsortir...,
énoncéespar un-eporte-parole d'un BureauPolitiquedûmentélu selonle
principedu centralisme démocratique, une associationelle-même
dirigeant
nombreuse et disciplinée,
pourraient avoirun sens:dansunestructure de ce
il
genre, peut y avoir des consignes, c'est-à-diredes ordres. Mais ici,
l'auteurerêve: donnez-moiun mouvement énergique tous azimuts, qui
décrocheune loi qui garantisse la paritédansles instancesde décision,et
avecça je vaisvousfairepeut-être Et si l'on rappelait
unede ces évolutions...
le bonvieuxprincipe féministe a
qui poséque l'énergie militante de chacune
n'està la dispositionde nulleautre?
Jesais bienqu'il y a une objectiontouteprête:voyezà quelle
impuissance cela nous mène.Mais (réponseà l'objection)voyez à quelle
impuissanceen sont réduitesaussi aujourd'huiles organisations bien
organisationnelles. Au début des années 70,les camarades issues des groupes
d'extrême-gauche tentaient parfois de nous faire entendrequ'il était grand
tempsque nous ayons des chèfes. Quand, à la findes années 80, sortant
quelquetempsdes ennuisindiquésici en note12,j'ai renouéavec le milieu
militant,j'ai eu souventl'impression vertigineuse que plus d'un groupe
rêvaitd'êtrele bureaupolitiquede tousles autres, etvoyaitle grandetbeau
mouvement qu'on pourraitreconstruire, si seulementles autresgroupes
acceptaientl'excellente direction qu'on leur offrait.Celles de la LCR,
commeles anciennes de Révo,illustraient particulièrement cetteattitude, et
ce n'estpas pourrienque j'ai quitté"Elles sontpour",dontj'étais pourle
moinsla marraine. L'héritage des groupuscules gauchistes se sentà plusieurs
choses:l'emphasede l'expression, y comprissurdes thèmesunpeu flous,la
volontéde prendreen main des mouvements qui existenthors de leur
affiliation ("je commandeà merveilleet vous avez besoin d'un bureau
politique"),en combinant les flatteriesdans le sens du poil et la critique
acerbe,"vous êtes le ferde lance","petit-e-s bourgeois-e-s réformistes,
incapablesde vousradicaliser"; avantetaprès68,les lambertistes étaientles
à ce
plusfortiches jeu-là mais d'autres s'essayaient sincèrement à la même
un
stratégie, coup dans le sens du poil, coupà rebrousse-poil,
un jusqu'à ce
que les assembléesestudiantes ne sachent plusoù ellesen étaient. Et si cette
prise en main ne marchait pas, l'invective franchement hyperbolique

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40 LeDœuff

survenaitCes caractéristiques se retrouvent dans la rhétorique d'Éliane


Viennotet elle prouve,en un endroitau moins,qu'elle peutà l'occasion
manierl'anathème. "Le mouvement féministe [des années70] agissaitdans
une sortede schizophrénie (ou d'hypocrisie)politique...; le refusdu
mouvement féministe de concevoirla loi commemoyende consolider les
transformations effectuées dans le social et comme garantedes acquis
lorsquel'énergiemilitante s'épuise,peutapparaître commeuneerreur lourde
de conséquence."Voilà un regardbien extérieur sur le mouvement des
années70. Et qui donc est-elle en train d'engueuler ici? Celles qui sont
descenduesdans la me tantde fois entre1971 et 1975 pour réclamer
l'abrogation de la loi de 1920?Réclamerl'abrogation d'uneloi,ce n'estpas
aussirecourir à la loi,peut-être?Cellesqui,en masse,ontmanifesté en 1979
pourque la loi Veil soitrevotée? Celles qui, moins nombreuses il est vrai(le
loyalismeà l'égarddu PS ayantclairseménos rangs),sontde nouveau
descendues dansla ruecontreBérégovoy, quandcelui-ci,en 1982,s'estmis
à direque,"pourdes raisonséthiques", il étaitdifficile
de tenirla promesse
de remboursement de l'LV.G.24?"Schizophrènes voirehypocrites", parce
que, selonl'auteure,"nousrefusions, du moinsla plupartd'entrenous,de
participerà l'élaboration d'unenouvelleloi'? Mais enfin, le motd'ordrede
la premièremanifestation (novembre1971) disait:"Avortement libreet
gratuit,
y compris pourles mineures -
etles immigrées" nousl'avonstoutes
crié,et ce n'étaitpas une élaboration, une ébauchede loi, fortbonnepar-
dessusle marché?
C'étaituneproposition bienplusprécisément formuléeque celle
que la paritéagite.Car enfin, on nous ditqu'il fautune loi que les
stipulant
assembléesélues sontmoitié-moitié, η ne peutpas s'agird'une simpleloi
commele gouvernement en proposecouramment à l'Assemblée,sur la
répression du tabagisme ou l'augmentation des impôts.Si untextecherchant
à introduiredes quotasparmiles candidat-e-s que les partisprésentent a été
jugé anticonstitutionnelil y a quelquesannées,une loi qui décideraitde
quelquechosecommedes résultats d'élections le seraita fortiori.
C'est donc
forcément d'une réforme de la Constitution qu'il est question,comme l'a
d'ailleursindiquéla démarchede GisèleHalimiauprèsdu Président de la
République, maiscommene précisepas la littérature du mouvement pourla
ce
paritéque j'ai pu recevoir, qui est assez fort: on pourrait toutde même

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LeDœuff 41

nous expliquerles aspectstechniques, si Ton veutnous associerà une


revendication. Bon. Imaginonsdoncune réforme de la Constitution(entre
il
parenthèses, y a bien des choses dans laditeConstitution qui seraient à
revoird'urgence). Vousformuleriez la loi comment? F. Gaspard,Q. Servan-
SchreiberetA. Le Gall,dansAuPouvoirCitoyennes!, ontabordérapidement
la question,en la laissantflotter
entre scrutinà la proportionnelleou scrutin
binominal, avec ou sansun nombrede circonscriptions diviséesparmoitié.
Les contributions offertesici ontcarrément lâchécet aspectde la question,
qui n'estpourtant pas rien!Ainsi,le mouvement pourla paritérequiert notre
soutiensurla base floued'une déclaration de principe, un "esprit"en fait.
Sommes-nous à vos yeuxtropobtusesou tropaffectives pourcomprendre la
technicitéd'uneréforme du modede scrutin? Jetrouveunpeugrosque vous
vous en teniezà des déclarations de principe,sans nous mettredans la
confidence du libelléexactde la loi que vousvoulez,et que,dansle même
souffle,vous nous racontiezque, dans les années70, "le recoursà la loi
n'étaitenvisagéque pourêtrerepoussé", ce quin'estpas vrai.

C'EST NOTRE MÉMOIRE QU'ON ASSASSINE?

Certes,vers1973-1974,quandla mobilisation pourl'avortement


étaità son pic, aucungroupeparlementaire n'a solliciténotreaide pourla
rédactionde son projet,on se demandepourquoi,d'ailleurs.Et je me
souviensd'uneconférence de pressedonnéeà la buvette de l'Assembléepar
son
le PCF. pourprésenter projet de réforme de la loi de 1920.Nous étions
plusieursdansla sallequi cherchions à débattrede la lettrede cetterédaction
et de la situation du moment,dontAnnieFerret-Martin, alors inculpée.
Seulement, les député-e-scommunistes ne voulaient pas nouslaisserparler,
parceque nous n'étionspas des et
journalistes, que seul-e-s les journalistes
avaientle droitde poserdes questions, puisquec'étaitune conférence de
presse!Au reste,il ne seraitpas justed'adresserdes reproches rétrospectifs
au PC seulement, puisqu'àma connaissance les autres partispolitiquesn'ont
pas mêmetenude "réunion" de ce genre.Mais signalonsau passageque le
projeten questionprévoyait, entreautres, uneautorisation parentale pourles
mineures: nousavionsdes chosesà direlà-dessus,et pas qu'un peu. η n'y
eutpas moyende prendre la parole,etj'ai dû me contenter d'échangerdes
motsvifsà ce sujetavec unedéputéecommuniste, unefoisla séancelevée.

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42 LeDœuff

La Fâ-mille,vouscomprenez! carla grandepommede discordeentrele PC


etnouss'appelaitcommeça. Vingtansplustard,la réduction au silenceque
les politiquesnousontfaitsubirlorsde la confection
tou-te-s de cetteloi
nous revient,qualifiéed'hypocrisie,de schizophrénie et d'erreur politique,
d'orientationdogmatique (etc.),toutcela au profitd'un appelà la croisade
pour une loi garantissantparité,objectifqualifié,lui,de granddéfi,mais
la
donton ne noussoumetpas le libellé.Un bureaupolitiquerétrospectif, qui
n'estpas contentde nous,esten trainde falsifierla mémoire des années70,
touten imaginant que les formesde luttesdontnous avonsété capables
(manifestationsde rue,désobéissance civile...)vontse déployermaintenant
en sa faveur.
au sonde la trompette,

L'INCONNUE DU XX
Par contraste, on doitsouligner l'extrêmemodération du propos
de FrançoiseGaspard:"La paritén'a pas pourobjectifde faireque des
femmesdansles assembléesreprésentent les femmes....La conquêtede la
égalitédesfemmes
stricte etdeshommesdansles assemblées, qu'ellessoient
nationalesou locales,est symbolique et ses effetspeuventêtreimportants
socialement"Là, au moins, on est dansle registredu "on ne vous promet
rienet on vous le dittoutde suite"!Mais alors,on ne comprend plustrès
bien.Si les femmesparlementaires ne représententpas les femmes, comme
parailleursles hommesparlementaires ne nousreprésentent pas nonplus,et
je croyaisque c'étaitlà le problème,nous sommes donc ramenées à l'idée
que, avec ou sans parité,de toutemanièreles femmesne serontjamais
représentées.Π nousreste,pourtoutpotage,le symbolique et les effets qui
être
"peuvent importants socialement".Le possible,accroché de surcroît à
uneréforme constitutionnellepourle moinshypothétique.
Car,sans doute,les effetsd'une paritépeuventêtreimportants,
maisbien,et seulement, surle modede l'éventuel, qui n'estpas certaindu
tout.On peut en juger a posteriorisur une situationpolitique"réelle".
L'Angleterre ayantconnu,à la findu xixesiècleet au débutde celui-ci,un
mouvement nombreux, radicalet sociologiquementtrèsdivers,exigeantle
droitde votepourles femmes, les Anglaisesayantobtenuce droit,dansles
premières années du siècle,pource qui est des électionsmunicipaleset
cantonales,et à la finde la Première GuerreMondialepource qui est des

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Le Dœuff43

élections nationales, il y a donctrois-quarts de siècle,etc.,on comprend qu'à


présentcertainess'impatientent de voirque Westminster n'a toujourspas
atteintundegréraisonnable de mixitédansla représentation. Néanmoins, une
certainepousséeversla mixitéestenmarche.Au niveaudes autorités locales
(et l'on sait l'importance de ces autorités dans un pays qui a su éviter
l'archicentralisme), la proportion de femmes estdéjà assez estimable. Ainsi,
en 1992,le OxfordTimesnotait(mais sans considérer le chiffre comme
exceptionnellement bon) que, dans le comté,les récentesélectionslocales
avaientportéà des responsabilités électivesdes gensdont40 % étaientdes
femmes. Fortbien.Mais cetteplusgrandeinsertion de femmes au niveaudes
autorités locales n'a pas produit, pourl'instant, d'effetssignificatifs. J'ai
parléplus hautdes restrictions budgétaires qui pèsentsur les centresde
planification familiale: 40 % de femmes ou non dans les instances
municipales ou cantonales, c'est pareil.Π y a plus visibleencore.Un des
tabousmajeurs, en Angleterre, c'estla questiondes crèches, termeparlequel
j'entendsdes institutions publiquesauxquellesil estpossiblede confier, pour
une sommeraisonnable, des bébés dans la journée.Le tabouest majeur,
vraiment: voilà une sociétéqui, dès le xvie siècle,a acceptéd'avoirdes
reinesrégnantes - et non des régentesseulement - qui a réconnuaux
femmesle droitde percevoir leurpropresalaireen 1878,bienplustôtque
(pourprendre un mauvaisexemple)la France,puisle droitde vote,puisla
contraception. Un paysqui a légalisél'avortement dix ans avantla France
(maissi la Francen'a eu que dix ans de retard cettefois-là,c'est que nous
noussommessecouées);un paysqui a acceptéunePremière ministre avant
l'hexagoneet pourpluslongtemps, et dontle cheminfutseméde moinsde
peauxde bananessexistes;unpaysqui maintenant (et là on estbiendansle
symbolique) confère l'ordination à des diaconesses et les promeut vicaires
parcequ'elles ont fait la preuve, en tant que diaconesses, de leursgrandes
qualitésde prédicatrices... Sur bien des points,l'Angleterre nous montre
notrefutur,pour ce qui est de l'accès de femmesau pouvoirou au
symbolique- et des effetsqu'on peuten attendre. Or la questiondes
crèchesetdes écolesmaternelles n'avancepas. Dans la classedominante ou
les professions libérales, on ne s'en soucie pas, car on a les moyensde
salarierune nanny,ou de mettreles chérubinsen pension dans des
établissements fortchersqui accueillent (en internat, oui!) les enfantsdès
l'âge de troisans. Au pire,on a les moyensd'entretenir unejeune filleau

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44 LeDœuff

pair,que Tonexploitede façonsouventéhontée. Mais prenezunménageoù


Tuneest infirmière et l'autrecomptable: la règle,c'est qu'elle quitterason
travaildès la naissancedu premier enfant, et qu'elle ne pourrareprendre un
emploique lorsquele petitdernier seradansuneécoleoù il y a unecantine,
ce quin'estpas si fréquent Un gâchislamentable, dansl'exemplechoisi,car,
je tiensà en témoigner, les infirmières
anglaises n'ont pas voléla réputation
internationale qui estla leur,d'êtreparmiles plus compétentes et les plus
sympathiques du monde.Le raisonnement peutse répéterpourbien des
métiers,et, globalement, on doit soulignerque la questionde l'égalité
professionnelle inclut nécessairement l'idée d'une égale continuité dans
l'exerciced'un métier,et comptedès lors des réquisitsincontournables:
crèches,écoles maternelles et cantinesscolairessontdes paramètres de
l'égalité,ycompris
professionnelle.
Revenonsà nos moutonset à la parité:avec 40 % de femmes
dansles assembléeslocales,l'Oxfordshire n'estpas en trainde se couvrirde
crècheset d'écoles maternelles. Mis à partquelquesétablissements privés
(une école Montessorioù vous pourrezmettrevotrechérubin-e dès la
naissanceetunepoignéed'autresdumêmeordrepourtoutle comté),il n'y a
toujourspas d'autresolutionque de lâcherson métierou de fairegarderle
trésorà domicilepar une nounouou une grand-mère. Un vieux fond
malthusien faitqu'en Angleterre on imagineque, si les chargesliées à la
naissance d'enfantsétaientle moins du monde allégées, les classes
laborieusesen profiteraient lâchement pouren produire toutde suiteà la
douzaine.Cettepeurqu'a la classe dominante du caractère prolifiquedes
classeslaborieuses va
ne pasjusqu'à amener les politiquesà faciliter
à toutes,
etde toutpointde vue,l'accès auxmoyensde contrôle des naissances,mais
elle assureleursurdité quantà la questiondes crèches;les femmeséligibles
et élues appartenant au moinsà la classe moyenne, leur appartenance de
genre ne suffit
pas ipsofacto à les amenerà mettre en questionl'idéologie
anti-nataliste
dominante: on
jusqu'à présent, ne peut noter aucuneffetde la
quasi-paritéatteinteicidanscertains comtés.

Appartenance de classe plus forteque l'appartenance


de sexe?
Non: l'appartenance de genre,voirela consciencede genre,ne produitpas
ipsofactola solidarité
de genre,encoremoins la des
compréhension rapports
de genre.Et l'on retrouveencoreune foisla questiondu programme ou de

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Le Dœuff45

sonabsence.Les 40 % d'éluesque comptent les assemblées de Γ Oxfordshire


Tontétésurle programme standard, si je puisdire,de leurspartisrespectifs.
Elles n'ontpas eu à fairela preuvede leursolidarité de sexe avec toutesles
femmes, ni mêmede leurcompréhension des besoinsdiversde la moitié
fémininede leur électorat.Nul-le n'a une science infusedes rapports
d'oppression, encoremoinsde ce qu'il fautfairepouraiderles opprimées à
résisterà l'oppressionet remodeler patiemment le social,en vue d'uneplus
grandeégalité.Ce que nousmontre la presque-parité en actedes collectivités
locales anglaises, c'est qu'élire une assemblée comptant40 % de
représentantes,certescela faitplaisir,
maiscelane va pas plusloin.Qu'est-ce
doncqu'unereprésentation, etsurquoirepose-t-elle?

UN PEU DE PHILOSOPHIE
La représentation se diten au moinsdeuxsens;l'un estde l'ordre
du spectacle(représentationthéâtrale),l'autreestjuridiqueou politique.En
ce second sens,une personnepeut agirpour une autreen vertud'une
délégationd'autorité dûmentconférée, et cela est vrainon seulement des
individu-e-sque l'on ditnaturel-le-s(vousou moi)maisaussides personnes
morales,fictives,collectivesou artificielles:une firmejuridique qui
représenteune compagniecommercialequelconque,sa cliente,est une
personne moralequi en représente une autre,et dansce cas on esttrèsloin
des individu-e-sque,parcontraste, on appellenaturel-le-s.
Mais le contraste
n'estpas si net:quandvous ou moi déléguonsun pouvoird'agiren notre
nom,nous nous conduisonscommedes "personnes", des êtresjuridiques
relevantde la mêmecatégorieque les personnes morales,non commeles
êtresvivantsou les individu-e-sconcrets, pardéfinition nonsubstituablesles
unsaux autres,que nous sommes. Votre voisin de ne
palier peutpas assister
à uneréunion de locataires,il vousconfie,à vousqui êtesuneindividue par
définition
distincte de lui,un pouvoirpourle représenter. L'acte mêmede
délégationprésuppose que lui et vous soyez,en cetteaffaire, de purssujets
juridiques,sans qualification particulière,car, si vous pouvez représenter
votrevoisin de palier,vous ne sauriezen revanchel'incarner,ce que
personne,au reste,ne vousdemande:l'actejuridiquede délégation suppose,
commeje l'ai expliquéailleurs, unecésureentrele "je" etle "moi",un"je ne
suispas ce que je suis"25,doncunepertedu concretde ce qu'on est,dans

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46 LeDœuff

son identitévisiblecommedansl'étoffede ses désirsou de ses fantasmes.


Seulement, si le voisinde paliera deuxsousde bonsens,en vousremettant
une procuration il vous donneraaussides instructions.
Π ne vous demande
pas d'endosserson profilpsychologique, ce qui seraitimpossible, ni ses
caractéristiques physiques,mais il énonce des volontéstouchantles
différents
points Tordredujour,etvousdemandede vousen faireporte-
de
parole.Un mandatde délégation estun pouvoirpourreprésenter quelqu'un
de façon limitéeet déterminée:cela n'est d'aucun point de vue une
représentation absolue.Vousne serezpas à la réunionà sa place; mais,pour
les gouttières,
vousdirezceci de sa part,etpourla toiturecela encore.Voilà
en grosce que l'on peutdirede la représentationjuridique,ou,mieux,de la
quidoncse caractérise
délégation, parunmandat
Cependant,Hobbes notaitdéjà qu'il y a, dans le termede
"représenter", une superposition du sens ordinaire et du sens théâtral:sur
scèneaussi,unepersonne en représente uneautre, personnage de la piècequi
se joue. On peutprolonger cetteremarque ennotant que, dans les deuxcas,il
y a fiction,puisque,lorsquevousreprésentez le voisinde palier,cela repose
surla fictionselonlaquelle,au momentoù vous exprimezses vues surla
gouttière, vous n'êtes pas vous-même, mais la mandataire de quelqu'un
d'autre.L'ait théâtral,quantà lui,a évoluéd'unereprésentation reposantsur
la purefiction (parconvention, ce boutde toileestuneforêt, cethommeun
mur) à la notion d'illusion - l'illusionthéâtraledemandant que le décor
un
trompe peu l'œil etque la comédienne ou le comédien jouanttelrôlesoit,
dans ses caractéristiques concrètes(sexe, âge, physiquecommececi ou
comme cela), aussi procheque possible du personnagequ'il lui faut
représenter. Le théâtreantiquemettaiten scène des Antigoneou des
Iphigéniejouées par des hommes;la scène élisabéthaine faisaitjouer les
de
personnages femmes pardes adolescents, les "play-boys", le ternievenant
de là26. Réciproquement, mais un peu plus tard,les élèves de Mme de
Maintenonontpu jouer,toutesjeunes fillesqu'elles étaient,le rôle d'un
Assuérusqu'on ne peut pas imaginersans barbe. La maîtressedu roi
d'Angleterre jouaitAdonisou Cupidon,et SarahBernhardt a triomphé dans
le rôlede l'Aigloa Π arriveencorequ'onembauche unefemme jeune,petite
et menuepourjouerles petitsgarçonsdansle répertoire, maisc'est devenu
plus rare:progressivement, l'illusionthéâtrale a posé des exigencesplus

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Le Dœuff47

strictes
de similitude, visantà faireillusionde présence:le sexe,d'abord,
sans doute,puis l'âge, η y a encoreun quartde siècle,il pouvaitarriver
qu'unefemmede cinquante ansjoue Juliette
ou Chimène, maisdéjà il y a un
quartde sièclecela ne "passaitplus",les critiques la chose,et il
critiquaient
étaitclair que l'idée d'une coïncidenceaussi exacte que possible des
de la comédienne
caractéristiques avec ceuxdu rôleétaitdevenuela norme.
Les gros plans du cinéma et de la télévisionont achevé de rendre
incontournablel'exactitudedansl'illusionthéâtrale.
La situationactuellede la notionde représentation nousinviterait
dès lorsà mieuxdistinguer deuxnotionsde représentation: l'unejuridique,
qui esten faitdélégation d'unpouvoirprécissurtelsujetavecmandat(sans
que quiconqueprétende incarner qui que ce soit);l'autrethéâtrale,qui joue
surl'illusiond'uneprésencequasi réelleet surl'identité. On peutprendre
actedu faitque le contrasteentreles deuxs'estcreuséau coursde l'histoire,
etque désormais on a en faitdeuxidéesde représentation qui se superposent
mal. Mais, dans cettedualité,où faut-ilmettre la représentation politique
aujourd'hui? du côtédu modèle juridiqueou du côté du théâtre?Or voilà que
toutà coup,la superposition du schemejuridiqueet du schemethéâtral se
et
retrouve, plus que jamais, avec toute sa gamme de malentendus ou de
manipulations la
possibles, représentation théâtrale politiqueétantsusceptible
d'escamoterla questionjuridico-politique, pourtantessentielle,de la
délégation sur base de mandat. Le politique est lieu d'une double
représentation,où l'une,qui n'est pas la meilleure, tendà l'emporter sur
l'autre.

AU THÉÂTRE CE SOIR

Certes,il n'y a pas lieu de se leurrer rétrospectivementsurles


politiquesd'antan.Dès l'instantque le personnelpolitiqueest choisi,en
principedu moins,par voie élective(et non par droitsuccessoral, comme
dansles monarchies ou parle biaisd'unecourseà pied,comme
héréditaires,
dans la monarchiepolonaise,si l'on en croitVEncyclopédie),il entre
nécessairement beaucoupde théâtre dansl'exercicede la construction d'une
crédibilitéau coursd'unecampagneélectorale... À la limite,les personnages
politiquesdevraient mêmese constituer commedes personnages de théâtre,
et savoirlittéralementincarner,sur le mode de les
l'allégorie, idéaux ou les

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48 LeDœuff

valeursqu'ils et ellesprétendent défendre, ou ceuxqui sontsusceptibles de


il
capterunélectoratEt faut,auxélectrices etélecteurs qui ontle soucide ne
pas êtredupes de l'illusion une
théâtrale, vigilance de tous les instantspour
percerle masquesoigneusement construitpardesprofessionnels de cela. Car
il existede vraismetteurs en scènepourpersonnages politiques, qui font
durceux-ciet celles-ci,afinque diction,
travailler timbrede la voix,look,
manièresde la personne,jusqu'aux goûtsaffichés,s'accordentavec le
personnage que l'on veutmettre surscène.Le passageparcetapprentissage
estévidentchezGiscardd'EstaingetFr.Mitterand, il l'estaussi,hélas,chez
le J.-M.Le Pende ces dixdernières années,alorsque le députépoujadiste de
naguèrene s'étaitpas encoredonnéces redoutables moyens-là. J'avoueen
avoirdoutépourEdithCressonmais,si sa nomination au postede Première a
été improvisée,on peut imaginerqu'elle n'avait pas été préparéeà,
littéralement,ce rôle-là, du moinsavantles grandesvacancesde 92. Elle a
peut-êtrepassél'étéprécisément à ce rattrapage!Π y a unefemmepolitique
dontje gageraisqu'elle n'a pas suivide formation de ce genre,et c'est
Frédérique Bredin.On ditqu'adolescente elle a faitdu café-théâtre. Si elle
estpasséeparun authentique métierde théâtre,elle ne peutpas prendre au
sérieuxla direction d'acteursqui fabriqueles politiques,et qui estaux vrais
métiers de la scènece que les agencesde communication sontà la littérature!
η fautse demanderquelle distorsion mentaleet intellectuelle,
doncpolitique, la formation donnéeparles professionnels du showpolitique
impose,et,si l'on s'interroge surla structuration
mentale commune aux gens
de pouvoir, auxpersonnages publicsde l'un etl'autresexe,il ne fautjamais
oublierque le souci d'une "image de marque"et d'une "politiquede
communication" leur tientcommunément à cœur,et que la construction
d'uneimagede marqueimposedeschoixdontles conséquences peuvent être
désagréables En
pourles administré-e-s. outre,cela entraîne toujoursla vie
mentaledu personnage considérésurunelignede fiction. C'est ainsi(entre
autres)qu'ils et elles en oublientles élémentsde réalitéde la vie de leurs
électriceset électeurs. La santémentaledes gensqui prennent un mandat
électifpourdu pouvoirestde toutemanièretrèsexposée.On en voitmême
auxquel-le-s la têtetournedès qu'ils ou elles approchent des allées du dit
pouvoir,"Hervéne se sentpluspisser","Martinea couléune bielle",ça a
l'aird'exemplesde grammaire, maisc'estla tristeréalité.Quandde plus,ce

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Le Dœuff49

qui compte,ce n'estpas ce que Ton fait,les dossiersque Ton ouvreou que
Ton reprend,mais commenton apparaît("sympathiqueaux jeunes",
aux vieillesdames","énergique","forcetranquille"),il est
"irrésistible
inévitableque l'exercicede ce genrede fonctions produise, mêmechez des
gens normalement constitués au départ,des attitudesdélirantes.Π a été
de la
délirant, part de la gauche, de s'aliéner
unemouvance féministequi est
bien plus largequ'il n'y paraît,et de se l'aliénerpour rien,finalement
Apporter des retouches à la loi Veil (parexemple)ne lui auraitriencoûté,et
lui auraitpermisde conserver l'estimed'un bon nombred'électriceset
le déliredespolitiques,
d'électeurs: ça nousconcernedoncetde près.

Et,tandisque toutfilesurunelignede fiction, despuissancesqui


ontstatut de personnes moralesau sensindiquéplushaut(ce qui ne ditrien
de leur moralité)mènentla danse, celle qui se danse vraiment.Car
l'ensembledes personnesauxquellesun gouvernement est confronté n'est
pas la somme des citoyen-ne-s ou individu-e-snaturel-le-s défini-e-s
juridiquement comme sujets de droits politiques.Les bipèdesen chairet en
os, femmes ethommespeuvent n'êtrequ'unepartievoireuneminorité dans
l'ensembledes personnesavec lesquellesun appareilétatiquenégocie.
Corrélativement, quandune décisionétatiqueest prise(interdire les droits
reproductifs) ou n'estpas prise(ne pas interdire la pomo-publicité), il ne
faudraitpas croireque l'Étatarbitrerait là entreles hommeset les femmes,
en
parexemple réglant leurs rapports mutuels (rapports de sexe) en fonction
des rapports de forceentrela classedesfemmes etla classedeshommes.Les
banques,les associations, syndicats, Églises,groupesde pression, journaux,
(etc.,etc.)sontdespersonnes "morales"et,pourl'État,des interlocuteurs fort
Π
importants.y plus a de monde qu'on ne croit dans ce pays, et le débat
politique réel confronte,non les citoyen-ne-s les un-e-s avec les autresou
ensembleface à l'État mais, dans un méli-mélodouteux,les personnes
naturelles etcellesqu'ondit"morales".Ces dernières ontbienuntraitquiles
rapprochedes personneshumaines,et qui fait qu'on les appelle des
"personnes" à bon droit:elles ont,ou n'ontpas, des volitions, "l'Églisene
veutpas des droitsreproductifs", "les
"les banquess'en fichent", holdings
tiennent à la porno-pub"...
Par exemple:le traitéde Maastricht
ne nous reconnaîtpas les
maisseulement,
droitsreproductifs, des mœurs,
au chapitre le droitde nous

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50 LeDœuff

marieretde fonder unefamilleselonla législation nationalequi estla nôtre.


À qui faut-ilrapporterune telleiniquité?Aux hommes de l'espaceeuropéen,
qui auraient trouvé le moyen de nous faire ce sale coup en douce? Aux
politiquesmajoritairement hommes?Ou à l'Églisecatholique commegroupe
constituéexerçantdes pressionssur plusieursgouvernements, groupe
masculindanssa direction maismixteà la base,et aux banques,puissances
qui ontvouluce traité inattendu pourdes raisonsqui leursontpropres, etqui
se fichentcommede l'an quarante des droitssexuelsdes unesou des autres?
η leur étaitégal d'avoirun traitéavec ou sans droitsreproductifs, mais
puisquela mention de droitsreproductifs pouvaitprovoquer l'oppositiondu
groupeorganiséqu'on appellel'Églisecatholique, sacrifions les droitspour
fairepasserplusviteetplussûrement untraité dontl'aspect monétaire estsi
intéressant pourles banques.Or la plupartdes journauxviventdans un
système d'endettement vis-à-visdes banques,auxquellesils n'ontpas intérêt
à refuseruncoupde mainà unmoment crucial;lesjournauxdisposent d'une
de
partimportante l'opinionpublique, donc de l'électorat:et voilà pourquoi
votrefilleestdevenuemutiqueà la suited'unegrossessesuivied'abandonde
l'enfantà l'adoption.Jeveuxbienadmettre que toutcela s'estnouédansla
têtede JacquesDelors,qui a une oreillepourles banquesetuneautre,aussi
fine,pourl'Églisecatholique - mais,si telestle cas, on voitque le débat
démocratique se restreint
singulièrement à l'audition,parunhommenommé,
de deuxpuissances dites"morales"27. Un,unhomme, unhommenommé.

LE MONDE COMME REPRÉSENTATION


Plus on videde sa substance parle peuple,
l'acte de délégation,
de l'autorité
d'agiren son la
nom,plus représentation politiquese déploiedu
côtédu théâtral(avec tousles aléas du mondedu spectacle)etplusalorsles
puissancesqui ne fontpas partiede l'ensembledes citoyen-ne-s, et ne sont
mêmepas des associationsde citoyen-ne-s, ou se
Églises banques, chargent
de remplir le vide laissé,en le saturant d'un contenupolitiquedontces
puissancesdécidentà leur gré. Et les pauvrespolitiques,qui ont ces
puissancespourinterlocutrices,sontlivré-e-s auxbêteset aux coupsde dent
de l'universthéâtro-médiatique.EdithCressonn'a pas eu unepolitiquefort
de cellede sonprédécesseur
différente nide cellede sonsuccesseur. Mais les
médias se sont déchaînéscontreelle, en partiebien sûr parce que la

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LeDœuff 51

misogynie est forteen France,dans les médiascommeailleurs,en partie


aussi parce que, médiatiquement parlant,elle n'avait pas construit un
personnagequi "passe", comme on dit la
"passer rampe", au théâtre
justement. La sanction étaitinéluctable, radios et chaînesde télévision ayant
besoin,pournousoffrir notrerationd'images,que les personnages publics
soienttalentueux de leurpointde vue.On regrette que la presseécrite,qui en
n'a
principe pas besoin que les personnages politiques soientscéniquement
bons,aitfaitchorus.Mais aprèstout,mêmela presseécrite,mêmequandil
s'agit de questionsditesspirituelles, a besoinde se référer au mode de
des
présencescénique acteurs, et des actricess'il y en a. Sans hasard,la curie
romaine a choisipourPape nonseulement unPolonaisbienréactionnaire (ce
qui nousrenvoieà unchoixpolitique)maisde plusunprélatqui,au moment
de son investiture, avaittoutde la vedettede Holy...Days On Ice. On est
moderne au Vatican,on saitqu'il fautpercerdansles médiasetl'on prendau
sérieuxla devinette italienne:"Pourquoin'y a-t-ilplusde grandscomédiens
au théâtre? C'estqu'ilssonttousdansl'Église!"28Pas tous:il y en a aussien
politique, encoreque leurthéâtre ne soitpas desmeilleurs.
Si doncla représentationpolitiques'écarteplusque jamaisde la
questionprécise de la pourse rapprocher
délégation, davantagedes artsdu
spectacle,il fautdemander au mouvement pourla parités'il entend, quantà
lui,s'axerautourde la questionde la représentation scéniqueou autourde
cellede la délégation, étantentenduqu'unmouvement qui ne veutpasjouer
le jeu de la délégation, mais seulement celui de l'image,a déjà décidéde
laisser le terrainde la décision proprement politiqueaux puissances
constituées ou personnes ditesmorales.Faut-ilcomprendre que les femmes,
pourmoitié dansles assemblées,y incarneraient,sur un mode la
allégorique,
moitiédu paysque sontles femmes? L'argumentaire, telqu'il se présente,
tourneautourde cettenotion-làde représentation, plutôtque de celle de
délégation, laquellesupposerait une instancedéléguante(les électricesde
tellecirconscription, ou des électriceset des électeurs), instancequi soit
reconnuecommedétentrice d'un mandatqu'elle remetà des délégué-e-s,
pourun laps de tempsdéterminé et sur des pointsprécisque l'on peut
énumérer. Plusencore,danscetteperspective mandatrice, on représente,non
tantdes personnes, que des idéesou des choixqui ontreçula majoritédes
suffrages.En effet,les représentant-e-s du peuple sont supposé-e-s

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52 LeDœuff

représenter moralement, nonles personnes qui ontvotépourelles ou eux,


maisl'ensemblede leurcirconscription et plusencoreles intérêts généraux
de la communautéglobale, tels qu'elles et ils voient ces intérêts.
Pratiquement,compte tenu de la règle par la majorité,elles et ils
représentent, nonleursélectrices et électeurs,maisles choixqui ontreçu(à
tortou à raison)l'approbation du plusgrandnombredes votant-e-s: encore
faut-ilavoiroffert des choixpréciset nonsa personneseulement, avec ses
caractéristiques de sexe et de look. Par conséquent, s'il y a crise de la
ce n'est les
représentativité, pas parceque "imagesrenvoyées à unpeuplepar
sa classe politique"ne reflètent pas la diversitéde la nation,alorsque les
assembléesélues devraient être"non seulement l'émanationde la nation,
maissonreflet, l'instanceparlaquellecelle-cise donneà voir";ce n'estpas
qu'il y auraitinadéquation entrel'imageet l'instancequi se reflète (comme
ditÉ. Viennot), maisparceque,dansles choixqui sontproposésau peuple
souverain, il n'y a rienqui corresponde aux intérêts morauxde pansentiers
du peuple, voire aux intérêtsde qui que ce soitqui aitvie,chairet projets.
C'est l'absencede référence aux véritables droitsdes femmesen général,
dansle discoursdes politiquesde l'un etl'autresexe (si bienque ces droits
ne fontjamaispartiedes choixpolitiques qu'un-evotant-e peutfaire)qui fait
en
qu'on peutparier, effet, d'une non-représentationfemmesdans les
des
instances élues.

L'IDENTIFICATION
La délégation maintient d'uncontrôle
la possibilité parl'instance
déléguante, etd'unereconduction ou d'unretrait du mandat, selonle rythme
crééparle calendrier ce est
électoral, qui peu mais toujoursça. Mêmesi ce
contrôles'exercerarement dansde bonnesconditions, il constitue quelque
chosedonton n'a aucuneraisonde se priver. Surtout au profitd'unprincipe
"symbolique", dit FrançoiseGaspard,"hautement symbolique", renchérit
Éliane Viennot,principequi créeraitenfinune "adéquationdes images
renvoyées à un peupleparsa classepolitique", et permettrait
précise-t-elle,
de rompre,enfinaussi, "avec l'équation 4femmes=victimes, exclues,
minorisées, appropriées',qui est opérante comme analyseconceptuelle et
politique,maismortelle commeproductrice d'identifications".Miséricorde!
si Éliane Viennotnous livreici le fondde sa pensée,non seulement elle

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Le Dœuff53

confirme que la paritéqu'elle veut est de Tordrede la représentation-


spectacle(l'imagede soi de chacunese jouantdansl'imageque la classe
politiquedonne),mais encoreelle nous la baille belle sur un prétendu
décalage entreune analyseconceptuelleet des identifications réputées
"mortelles".Opérantecommeanalyse conceptuelleet politique,mais
mortelle...
qu'est-ceque cela veutdire?Que ce qui estvraien théorie(vrai
toutcourt?)n'estpas bonpourle moralou le psychique? "Mortel"même:le
motestfort.Se savoiropprimée, ou savoirque d'autresle sontde manière
est
dramatique, mortifère, selon elle. Ceci constitue
premièrementun aveu,
deuxièmement uneânerie,mêmepsychologiquement parlant.
L'aveu, c'est qu'au fond,la paritéreviendrait à offriraux
femmes, y compris à cellesqui subissent discriminations à l'embauche, viols
(familiauxou non), violences conjugales, déni de droitquand elles
demandent une I.V.G. (etc.), une compensation de typesymboliqueou
imaginaire(entendez donc "illusoire"),parce qu'elles pourraient trouver
enfinuneidentification positivedansle Parlement. On a déjà entendu cela à
proposde la ViergeMarie et des saintes,dontla représentation dans
l'hagiographie disentcertain-e-s,
garantirait, une sortede "libération dans
l'imaginaire" pour les femmes de la religion concernée29. Je sais bien que,
dès la Constitution de 1958,le Palais Bourbona été surnommé "le Palais
désaffecté", maistoutde même,cela répugne à ma sensibilitérépublicaine et
démocrate de le voirêtremissurle mêmeplanque l'iconographie religieuse.
Certes,il y a des événements que l'on consomme avec jubilation.La
marchande dejournauxau coinde la ruemetendLibé avecunairtoutchose,
en murmurant, "ça y est,c'est fait!",le jour où FlorenceArtaudgagnela
Coursedu Rhum.Elle estémue,etje suisémuede voirsonplaisir.Le jour
où EdithCressonestnomméePremière ministre,c'est la boulangère qui se
rengorge, avec biend'autres.Du pointde vue psychologique et du jeu des
identifications, les deux événements sont strictement
identiques: maisn'est-
ce pas là que le batblesse,justement? Politiquement parlant, on auraitpeut-
êtrepu espérer du secondqu'il soitplusque le premier, etplusqu'uncoupde
théâtreau demeurant manqué.
"Rompreavec l'équation'femmes=victimes',mortellecomme
productrice n'est
d'identifications", pas un motd'ordre
propreà É. Viennot:
c'est la formulequi, sous une version ou une autre, inaugure le

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54 LeDœuff

postféminisme. L'aveu ici consisteà poserqu'il y a aujourd'hui des femmes


qui sontmoins oppriméesque d'autresou qui, à tortou à raison,se
considèrent telles,et qu'ellestrouvent mortifère touteidentification à celles
d'entrenousquile sontplusqu'elles,ou de manière plustragique. Si ce n'est
pas l'annonced'une rupture de solidaritéde sexe,ça, c'est rudement bien
imité.On voitainsise dessiner uneopposition entreles femmesde pouvoir,
qui pourront se féliciter d'êtredéjà dans l'avenirradieux,et celles qui
souffrent de malheursbienréels,les premières se construisant surla base
d'un refus d'identificationaux secondes, tout en se proposant à
l'identification de celles-ci,pourqu'elles se sentent mieux.Un tel schéma,
selonÉ. Viennot, devraitbattre enbrèche"l'infériorité qui demeure...jusque
dansles têtesdesfemmes elles-mêmes". Ce n'estpas seulement ramener une
représentation égale de femmes dans les assemblées au niveau d'un simple
faitpsycho-tonique, commela victoire de FlorenceArtaud. Π y a plusgrave:
dans une telleperspective, si des députéesse débrouillaient pourne rien
savoirde la souffrance qui découle des situationsde discrimination ou
d'oppression n'est
(carl'oppression pas seulement un conceptthéorique, cela
se vit,etmal),alorsce refusde savoirne serait jamaisqu'uneffet secondaire
d'unedécisionplusprofonde, et radicale,de refusd'identificatioa Le refus
d'identification de femmes... auxfemmes (d'embléesoupçonnées d'être des
victimes) est partouten ce moment,y compris lorsque l'équation
"femmes=victimes" n'est pas spécialement mise en avant Ainsi, à un
colloque aux États-Unis en 1993, Michelle Perrot faitune communication
rigoureusement exemptede références à unstatut pathétique quelconquedes
-
femmes parolede femme, pas tracede victimat dansl'objet"femmes" de
son discours!Pourtant une autreFrançaise,FrançoiseGaillard,l'inteipelle
vivement: "Vous avez commencévotrecarrière en travaillantsurla classe
ouvrière;maintenant, vous vous occupez des femmes:MichellePerrot,
pourquoicet intérêt constant pourles victimes?" Traduction: vous avez dit
"femmes", j'ai entendu "victimes", or je ne veux pas entendre parlerdes
victimes. Ditunefemme...

Certes,prendreconnaissance du vécu de souffrance des autres


femmes esttoujours uneexpérience bouleversante
et ce, qu'on se débrouille
ou nonpourne pas tropen savoirde la siennepropre.Π ne manquerait plus
que ça, d'ailleurs,qu'il en aille et
autrement, qu'on puissedécouvrir, par

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Le Dœuff55

exemple,l'existencede l'excisionsans re*»entir de choc! À l'époque de la


luttepourl'avortement, si certainesse sontlimitées nous
à jouerles stratèges,
des
apportant "lignes"trotskistes, maçonnes ou roses dontnous n'avionsque
faire,la plupartd'entrenousavonsété militantes de terrain,ce qui voulait
direparticiper à des avortements illégaux,organiser desvoyagesen buspour
-
la Hollande avanttout,et c'étaitle plusdifficile, écouterles femmesen
demanded'avortement Jen'avaispas 25 ans,j'avoue avoireu du malà tenir
le coup,carle mondequeje découvrais, à travers
la parolede ces femmes, je
-
ne l'auraispas imaginéfût-cedansun cauchemar alorsmêmeque mon
proprevécun'étaitpas sanstracesou cicatrices du mêmeordre,tracesque,
commebien d'autres,je laissais de côté commeje pouvais. Aprèsles
permanences du MLAC, je rentrais chezmoilessivée.Un jour,j'ai finipar
caleret déciderque le travail
théorique - surl'oppression, éventuellement
- seraitde la guimauveà côté, et les manifs,distributions de tracts,
réunions, du purplaisirpar comparaison, mêmepourqui n'aime pas les
réunions .

Depuis cetteexpérience, j'ai gardéune admiration sans bornes


pourles femmes (etquelqueshommes)de terrain, quiontla forced'écouterà
longueur de semaine le récit
de vécus Si l'on doitse donnerdes
difficiles.
la première
identifications, des miennesestlà, verscellesqui accomplissent
le plus dur.Depuis les années70, j'ai renouéde façonintermittente, mais
seulement intermittente, aveccettepratique de terrain, m'occupant telle
en de
fillettebrutaliséepar son père,de tellevoisinebattuepar son mari,ou en
allantà Saint-Brieuc écouterle lamentable procèsen diffamation intenté à
Claudineparsonpère.Claudineaussiestunmodèle,unbonmodèle,comme
toutescellesqui ontétéviolées,battuesou ontsubide moindres chocsetqui
veulentrelever la tête:"Femmesbattuespas vaincues",disaitBettyFoumier
au colloquesurSimonede Beauvoir.Victimes peut-être,maisdéployant une
résistance formidable, et maintenantleur dignitéjusqu'auxportes de l'enfer.
Non,pas victimes d'ailleurs- ce motque le papierd'É. Viennotme souffle
n'estpasjuste.Unjour,j'ai écritunbreftextesurle violparincestesousle
contrôlede Claudine,et elle m'a rigoureusement interdit le mot,"on n'est
pas des victimes, il ne fautpas dire'les victimesdu viol parinceste',mais
'les femmesqui ont subi l'inceste'".Pauvretéde la langue,qui n'a pas
produit unsubstantif autreque "victime" pourdésigner la personnequi subit,

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56 LeDœuff

maisclartémerveilleuse de cellequi saitque,pourse retrouver et agir,afin


que le violne soitplusjamais subipard'autres, il fautchoisiravec soinles
motsetne rienlaisserau hasard.Et quandon vouspariede violparinceste
ou de discrimination à l'embauche,vous protestez, dames-citoyennes, en
disantqu'il fautrompreavec l'équationfemmes=victimes? Et ce n'estpas
avecle couragede cellesqui réaffirment leurdignité que vousaimeriezvous
identifier?Moi si, ou alors,s'il fautvivrepar procuration et dans la
problématique de l'identification
imaginaire à une femmeformidable ou
radieuse,qui faitdes chosesmerveilleuses,Catherine Deneuve,MarieCurie,
Virginia Woolf ou notre amie DelphineSeyrig me semblentde bien
meilleures figuresde projectionque les politiciennes.L'avenirnousréserve
peut-être quelquesfiguresde femmespolitiquesqui nous ferontdécoller
aussi.Déjà, je croisen avoircroisé- non,je ne vous diraipas lesquelles,
j'ai troppeurd'êtredéçuedemainet vous le seriezaussi.Mais justement,
elles ontgagnémonestime,nonen s'éloignant, maisen se rapprochant de
nous.
J'avais promisde montrer que l'aveu d'É. Viennotétaitde
surcroît uneânerie.Ce qui est"mortel" n'estpas de se reconnaître "exclues,
minorisées, appropriées",mais de l'êtreen ne le reconnaissant
pas,ou (pour
passerdu psychologique au politique)en n'ayantni le droitni la possibilité
de le dénoncer.On suffoquede manqued'expression. À l'inverse,toutes
cellesqui ontfaitune ou des expériences terriblessaventque, lorsqu'elles
ont enfintrouvéun espace d'expression, une communauté dans laquelle
échangerdu direpourensuiteagir,elles,nous,avonstrouvéla possibilité
d'unereprise de soi. Le goûtbourgeois veutque l'on cacheles saletésetles
malheursque les rapports d'oppression créent.Mais le goûtprogressiste,
qu'il se diserévolutionnaireou réformiste, veutqu'onexercesonintelligence
pourtrouver les moyensd'empêcher ces saletés.Encorefaut-ild'abordles
étalerau grand jour.

MIGNONNES, ELLES VOIENT ROUGE SOUS LA ROSE


Les tenantesde la pariténous demandent notresoutiensans
et déjà nousle fontpayer(!) en associantle motd'ordrede
contrepartie,
paritéà une plus granderestriction
des possibilités quantaux
d'expression
crimescommisà l'égard des femmes.De plus,je ne crois pas qu'une

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Le Dœuff57

révisionde la Constitution, instituantun scrutinproportionnel à seulefinde


rendrepossibleune paritéobligatoire des deux sexes dans les assemblées
élues,fasse partie l'agendapolitiquedes partispolitiquesactuels,et qui
de
peut changerl'actuelleConstitution, sinon ceux qui sont représentés à
l'Assembléeet au Sénat?Et qu'est-ceque ça voudraitdire?Qu'un parti
quelconquene se décideraità présenter des candidatesque si les autres
étaientobligésd'enfaireautant? us sontmignons, quandon ypense.Chacun
d'eux ne reconnaîtrait l'égalité des chancesde leurs militantesface à
que si on l'y forçait,
l'investiture en forçant toutle monde.Car enfin,si un
partipuis un autre découvre tout à coup qu'il seraitjuste d'avoir des
assembléeséluescomposéesmoitié-moitié, rienne l'empêchede passeraux
actesdirectement et d'ouvrirsimplement la mainpourcueillirles fraises.
Autantreconnaître qu'aucunn'esttrèsdisposéà fairerégner l'équitéen son
sein,ce dont on se doutait. Mais si aucunne l'est,ce n'estpas de si tôtque la
questionseradébattue au Congrès!
Un des grandsobstaclesempêchant la démocratie de devenir plus
conforme à son concept,c'est que le peuplesouverain ne peutpas choisir
librement ses représentant-e-s, sinondans le petitéventailque les divers
lui Rien
partis proposent. que cela estun scandale,que la trèsfaiblemixité
parmiles candidat-e-s à nos suffrages révèle.Mais comment s'y prennent-
ils?N'est-cepas la tâchedes femmes qui sontdansdes partispolitiquesque
de raconter comment, au fildes réunions, et par le jeu du leadership, les
éventuellespostulantes à l'investituresontécartées,et les idées que les
militant-e-sde base peuventémettre, concernant un mieux-être des femmes
en général,balayées?Là, pourle coup,je suissûreque les deuxvontde pair,
et que les mêmesstratégies sontmises en œuvrepour marginaliser les
militantesetpourécarter toutela forcede proposition féministequi pourrait
émanerde la base. Bon: si vous nous racontiez?Décrivez donc ces
mécanismes, ces coupsde force,ces verrouillages! Π y a eu,dansla glorieuse
époquedes années70, au moinsdeuxgroupesde femmesappartenant à des
partispolitiques,"Ellesvoientrouges"pourle PC et"Mignonnes, allonsvoir
sousla rose"pourle PS: elles constituaient des forcescritiques à l'intérieur
de leurpartirespectif et,mêmesi elles n'ontpas ditpubliquement toutce
qu'ellesavaientsurle cœurà l'époque,ensuiteil leurestarrivéde chuchoter
des récits- commentFr. Mitterands'est débrouillépour mettrela

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58 LeDœuff

commissions Occupant des questions-femmes sous surveillance,par


exemple.Racontez-nous tout!Nous sommestouteouïeetnousavonsbesoin
de savoircomment, dans le détail,ils s'y prennent, non seulement pour
évincerles aspirantes à l'investiture, nonseulement pouromettre toutalinéa
surles droitsdes femmesdans leurdiscours,mais aussipourfaireque la
plupart des femmes qui enfinobtiennent leurinvestiture etsontparfoisélues
arriventlà commeen boutde course,en n'ayantplusunetraître idée à elles.
Vidées,à moinsqu'ellesn'aientétépropulsées là en tantque femmesliées
d'une manièreou d'une autre à un homme important, ce qui ne vautpas
mieuxmaisvouslaisseplusfraîches. On auraremarqué qu'en deuxfoiscinq
ans de pouvoirsocialiste, les femmeshiérarques de ce partine se sontpas
disputéles fonctions de ministre des droitsdes femmes.À partYvette
Roudy, aucune ne voulait de ce portefeuille, niMichèleAndré,ni Véronique
Néiertz,qui a renâclétantqu'elle a pu avantd'accepterla charge,et ne l'a
priseque lorsquele marchélui a été mis en main:c'est ça, ou quitter le
gouvernement. Mais qu'est-cequ'ils vous font à toutes dans les partis
politiquespourque vous en soyez là? Au lieu de demander notre appuisous
la formed'unblanc-seing, racontez-nous plutôtcomment ils déstabilisentla
solidaritéde sexe que vous auriez sûrementsinon! Si vous observez
Vomerta, c'est que vous admettez que votrepartiest un gangou que ses
intérêtsvoustiennent plusà cœurque mêmela parité.Jeme souviensd'avoir
entenduJanineMossuz-Lavaudire,au coursd'une réuniontrèsrestreinte,
que le PS avaituneloi interne stipulant qu'il doitprésenter aux élections une
proportion de femmeségale à celle des militantes du parti.Voilà une loi
interne raisonnable,qui n'a jamaisétéobservée:en 1988,le PS comptait à la
base 40 % de femmes, disait-elle, et présenta moinsde 10 % de candidates
aux Législatives.On se souvientd'un dessin de Plantu saluant une
protestation de femmessocialistesà ce sujet Bonneidée,que de protester
publiquement: faites-leplussouvent! Mais vousvoudriezque les partisde ce
genre-là, qui composent les assemblées élues, fassent une loi
constitutionnelleles contraignant à se débrouiller pourque les assemblées
soientparitaires, et qu'ils observent cetteloi ensuite?Π faudrait vraiment
beaucoup d'émeutes dans la rue les
pourobliger coupables(vos camarades
hommes) à devenir agents de la justicequ'ils refusent de pratiquer, donc
leurspropresgendarmes. Certes,unecertaine nuitdu 4 août,des privilégiés
ontvotél'abolition de leursprivilèges. Mais si l'histoirevoulaitse répéter sur

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Le Dœuff59

ce point,les leadersdes partispolitiquesn'ontpas besoind'obtenirune


convocation du Congrèspourcela: il leursuffit
de prendre la décisioninterne
de présenter autant de femmes que d'hommes, et de dire qu'ils le feront
désonnais,toujours. Π ne tientau fondqu'à eux...Et ils le ferontsansdoute,
dès l'instant
qu'ils penserontqu'il en coûtetropcher,électoralement, de ne
pasle faire.
Et si c'étaitde cela qu'il s'agissait?Le mouvement pourla parité
pourraitfortbienêtreun ballond'essai,ou une sondedestinéeà voirsi le
thèmede la paritéestchosepayante ou nondu pointde vuede l'arithmétique
Le thèmede la parité,
électorale. le faitd'en parler,ou la monstration d'une
paritéen acte, comme dans la constitution de quatrelistes pour les
η
Européennes, ne faut pas croire que les partisne sontjamais soucieux
d'expérimenter les "thèmes", les mots,les gadgetsetles colorisde la casaque
souslaquelleils vontcourir, η seraitparanod'imaginer le contraire. Mais on
peutpratiquer la philosophie du soupçonunpeu plus loin. Car enfin,autant
une paritéqui seraitpropulséepar une responsabilisation des électriceset
électeurs,et qui s'appuieraitsur un programme détaillé,est une idée
politiquement claire,autant unprojetde paritéconstitutionnellement imposée
paraîtsi bizarre et si peu de l'ordre du possibleproche,qu'il faut biense
demander à quoiellepeutcorrespondre. L'hiverdernier (93-94),j'ai proposé
de parierqu'on allaitbeaucoupentendre parlerdu mouvement pourla parité
avantles Européennes,et que présenterune liste moitié-moitié serait
considérécommela chose à faire30.Qu'ensuite,on en entendrait moins
parier,encoremoinssousla formed'uneloi qui présupposerait unerévision
de la Constitution. Mais qu'au momentdes prochaines Présidentielles,les
leaders hommes ayant conduit une liste paritaireaux Européennesse
vanteraienthautet fortde l'avoirfaitPuis,et que ceci leuraitétéprofitable
ou non pour les Présidentielles, on n'en entendrait plus parlerpour les
Législatives qui suivraient, en
ou peut-être parlerait-on, maissansle mettre
en acte.Le mouvement auraitaccomplisonoffice:mettre l'idée en pratique
pourdes électionsqui comptent pourdu beurre(carle Parlement Européen
n'a guèred'attributions), pour qu'elle served'ornement de campagneà
certainshommesdans la courseà l'Elysée.Mais quandon en arrivera à
l'étape(semi)sérieusedes Législatives31, hélas,toutle mondeauraoublié,
ou l'on devraconstater avec chagrinque les sectionslocalesdes partis,qui

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60 LeDœuff

décidentplusou moinsdesinvestitures, n'ontpas compris le message,ah! ce


une
qui prouvebienqu'il faut loi, et l'on va à
travailler l'obtenir unjour.La
questionpeutrester suspendue ainsipendant quelquessiècles,caren France
on saitfairedurerle plaisir,etpendant ce temps-là personne n'iradireque le
coupleroyalde la paritéestnunique,si l'on veut vraiment cette paritéetdes
députéesqui aienttroisidéesintéressantes pournousdansla tête,il fauts'y
prendreautrement. Je n'ai trouvépersonnequi veuillepariercontrece
canevas.
Autrepari:il n'estpas excluqueles Vert-e-s ou le PC proposent à
nos suffrages, pourles Présidentielles,unecandidate. Jen'y croisguèrecar
on voit d'ici les machos de ces deux partisagiter spectred'EdithCresson
le
pourinculquer à leurscamaradesla certitude que cettePremière a bousillé
pourlongtemps les chancesdes femmespolitiquesd'êtreprisesau sérieux
parles Français-e-s pourles rôlesde premier plan.Imaginons toutde même:
l'un de ces deux partisprésenteaux Présidentielles une femmequ'on va
supposerêtreune femme"bien"de notrepointde vue. Que faitle groupe
pourla parité,comptetenudu faitqu'il y a dans ce groupeune majorité
socialisteet des femmesde droite?η soutient, en disantque, puisquela
personne quiprésidela République ne peutpas êtreelle-même moitié-moitié,
il fautune alternance? que cettecandidate-ci seraitla bienvenue, car elle a
uneconscienceaiguëdes questions-femmes? Je n'en crois et
rien, j'imagine
le mouvement la
pour parité rentrantsous terreet se le tempsque ce
taisant,
problèmeépineuxsoit passé, ou inventant vivementune rhétorique qui
l'idée que,pourdes raisonsévidentes
justifierait de parité,c'est Rocard qu'il
fautsoutenir Chirac
(versionsocialiste), ou un autre les
(pour paritaristes de
droite).Rienn'estimpossible, auxbordsde la Seine.Souvenons-nous: c'est
au nomde la libération des femmes etde la différence d'unêtre-femme sans
riende communavec les hommesque Psychéponaguèrenous plaçaient
toutessousl'égidede Lacan,PèreSalvateur desdifférences!
Loinde moila tentation la chose,mêmetellequ'elle se
de traiter
présente, On verraà l'usage ce qu'il en advient,au
d'attrape-nigaud-e.
momentdes Présidentielles et au momentdes Législatives.Et comme
l'optimisme estchoseincurable,on peuttoujours se direque l'Histoirea des
il sortira
ironies,et que, dialectiquement, peut-être du débatpouret contre
une paritévenue du haut et sans programme, quelque chose que le

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Le Dœuff61

mouvement présent laissesoigneusement en dehorsde lui:la découverte, par


le corpsélectoral, de la marged'actionqui restela sienne,doncla nôtre,si
nousnousen donnonsla peine,et un sainprincipede solidarité des élues
avecl'ensembledes femmes. Peut-être, en asticotant le mouvement actuelde
la paritéjusqu'à ce qu'il se dote d'un programme, en lui refusant des
tant
signatures qu'il n'aura pas consenti cet effort, pourrions-nous le mettre
surde meilleurs rails.En suggérant à cellesqui y sontde reméditer à leur
façonla conclusiondu livrede GlennaMatthews(1992), concernant les
femmes engagées dans la vie publique:"Si, dès l'instant qu'ellesaccèdent à
unofficepublic,ellesdoiventsur-le-champ abjurer leuridentité-femme, elles
seront toujours moins que leurs collègues hommes" (p. 242). La
problématique de l'identité n'étantpas la mienne,je proposed'écrireà la
place: "Si unefemme politique, dès lorsqu'elleveutbriguerunoffice public,
doitabjurersa solidaritéavec les autresfemmes, elle sera toujoursmoins
qu'unhomme politique.Réciproquement, unefemme politiquequi s'engage
du côtéde la solidarité avec les autres femmes vaudra toujours plusqu'unet
mêmedeuxhommes politiques'"Si nous arrivions à leurfaireentendre ce
message,nousaurionsgagnéunepartie:c'estsurcettesolidarité qu'il faudra
les juger.Mais vraiment, pourun petitNoël procheou lointain, offrez-moi
une situation expérimentale comme je les aime! Non pas une candidate à
l'Elysée,maisdeux,deuxdansdes partispourmoi acceptables. J'adorerais
me demander si l'une estmieuxque l'autre,etje voudraistellement voirla
du la si
têtedes fondatrices groupepour parité possibilité la leurétait offerte
d'apporter soutienet suffrages ou à uneVerteou à uneCommuniste ou aux
deux...

QUANT AU PHOTOCOPILLAGE _
Avantde conclure,abordonsun pointde moindreimportance,
maisagaçanttoutde même.F. Gaspardditque l'auteurede L'Étudeet le
rouet,un ouvragequi "débouchenotamment sur une exigencede mixité
parfaitedans l'administration
publique","curieusement, n'évoque pas les
assembléesélues".J'aidéjà indiquéque c'est faux,maisil fautcompléter:
"Tiens?etmaintenanton reconnaît qu'on a lu monbouquin?".Quel progrès,
depuisAu PouvoirCitoyennes! ', qui passaitjoyeusement sous silence,et on
aimeraitsavoirpourquoi,une lecturepourtant décelablede mon travail.

N.Q.F. 1995 Vol. 16, N° 2

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62 LeDœuff

Lequel,en effet, débouchait surl'idée qu'il fautque les instances de décision


deviennent mixtes,moitié-moitié: le "quatrième cahier"reprenait un long
articledéjà publiédansLes TempsModernesen 1981, etqui avaitproposéla
mêmeidéeen tempsutile,ou du moinsen étais-jealorspersuadée.Quoi! la
Gauchevenaitd'arriver aux affaires:en novembre 81,je l'exhorteà légiférer
de
pour "imposerà tous les jurys concours, ou d'examen en général
d'ailleurs,qu'ils soient strictement mixtes, moitié-moitié, c'est-à-dire
isomorphes à la sociétéau nomde laquelleils vaquent'(MichèleLe Dœuff,
1981). Et je commentais, deux pages plus loin,la situation politiqueen
disant:"Pourune fois,nous avonsdu tempsdevantnous; six ans et demi
exactement pourcréerl'irréversible;pourtant il convient de se hâterpuisque,
etc." Jen'avais riencompris,à l'époque. Jene savais pas encoreque les
idéespourfaireprogresser la causedes femmes, c'estbon seulement quand
la Gaucheest dans l'oppositioaQuandj'ai reprisce travailen 88-89,je
commençais à y voirplusclair.À l'heurequ'il est,voyantcomment l'idée
d'une mixitémoitié-moitié est utilisée,je croiscomprendre quel genrede
distorsionles gens de pouvoirpeuventsubirà une propositionet un
raisonnement féministes.

Car, si l'on veutinterroger quelquesreprisesclandestines, non


avouées,maisopérantun détournement d'intention,on peuten trouver qui
sontsignificatives. Dans L'Étude et le rouet,il étaitquestionde la fichue
devise républicaine,et de son non moins fichutroisièmeterme,la
donc l'alliance entreles frères.Ma polémiquecontrecette
"fraternité",
fraternité
n'estpas passéeinaperçue. ontretenu
C'est ce que lesjournalistes
le plus:manifestement, cela frappel'imagination. Gaspard,Servan-Schreiber
etLe Gall onttrouvéle tourdigned'êtrecopiéetl'ontrepris, sansindication
de provenance, mais en en changeant le sens:je proposaisde substituer à
cette"fraternité"caduquele termede "solidarité", conceptque je pensais
ouvert, enfin
ouvrant l'espacepolitique non seulement aux sœurs,maisaussi
à cellesetceuxqui ne sontpas de la famille, la fraternité
dénotantidentitéde
sexe et redoutablecommunauté de sang. Et je m'en suis expliquée à
plusieursreprisespar la suite - ouvrir ainsiauxfemmes n'estpas seulement
ouvrirfemmes,ni aux seules sœurs.En outre,la solidaritécontient une
promesse moraleetpolitiquequiva au-delàde la simpleidéed'uneinsertion
de femmesdansdes instances de décision;c'est l'engagement de se sentir

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Le Dœuff63

responsable de toutesetde tous.Quel ne futdoncpas monbonheur de voir


que Gaspard,Servan-Schreiber etLe Gall avaientrepris le schémad'unrejet
du troisième termede la devise,mais en proposant parité" à la place de
ladite"solidarité",refermant doncla problématique surla seulequestionqui
estla leur^! On dépouilleeton détourne? En outre,si ellesontrepris parfois
monhabitudede dire(et depuis81) "moitié-moitié", substituerle termede
"parité"à celuique j'ai pu utiliserde "mixitémoitié-moitié" tendà glisser
dansle débatuneidéesubreptice: que les instanceséluesseraient commeles
commissions paritaires, de
chargées régler certainslitiges entreemployeurs
et employé-e-s. Face à cetteidée,induitede façonsourdeparle choixdu
vocabulaire, il estparticulièrementgrave- et contradictoire - de direque
"la paritén'a pas pourobjectif de faireque des femmes dansles assemblées
représentent les femmes" (contributionde Fr. Gaspard).D'une main,on
laisse entendreque l'Assemblée deviendraitcomme une commission
danslaquelledes représentant-e-s
paritaire, des deuxsexestravailleraient à
atténuer les conflitsfemmes-hommes; de l'autre,on dispensela moitié
féminine de laditecommission paritairede se sentir
responsable de sonsexe.

Quantà la polémiquemenéeparÉ. Vitmotpourle recoursà la


loi et contrela seule volontéde "changerles mentalités", (alorsqu'elle-
mêmepsychologise tout)elle calquele raisonnement constantde monvieil
articledes TempsModernes, reprisdansle quatrième cahierde L'Étudeetle
rouet.À unesacréenuanceprèstoutde même,etqui faittoutela différence.
Toutau longde cetessai,je ricanaisà proposde l'idée selonlaquelle"on a
faitassez de lois commeça, maintenant ce sontles mentalités qu'il faut
changer", en l'attribuant
à sa véritableauteure,MoniquePelletier, secrétaire
d'État aux droitsdes femmesdans le gouvernement de RaymondBarre
jusqu'enmai 1981.Pas "au mouvement féministe des années1970",comme
le faitÉ. Viennot!!!C'est un déplacement scandaleux,et politiquement
significatif,
que d'attribuerau Mouvement une âneriebienlâche,due à une
ministre baniste,puisreprise parFr.Mitterand à l'occasiondu 8 mars1990,
et réépingléecommetelle dans mon "interpellation des politiques"au
Colloque"Europe&EUes" de 199133. Cela revient à déplacersurnousun
refusd'agirqui futet estencorele faitde gensde pouvoir!et c'est grosde
s' attribuer
le raisonnement critique,alors qu'il fat tenud'abordpar une
femmequi futdu Mouvement des années70 et ne le reniepas. Inversion

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64 LeDœuff

- etc'estcommeça que vouspensezétablir


pureetsimpledesternies votre
crédibilité
à nosyeux?
Le plusdésagréable restele déplacement de terrainet de temps.
L'objet surlequelj'avais cogité,c'étaitles instancesde décisionqui sont
nommées parl'État Même si, au passage,j'ai ditdeuxmotsdes instances
élues,je ne voulaispas m'étendre surce point,parceque les instances élues
le sontpar le peuplesouverain, ou du moinsle croyais-jeencore.Mon
raisonnement visaitce qu'unedécisionétatique pouvaitfaire,etce en 1981,à
un momentoù j'imaginaisque les gens que nous venionsd'élireet de
préposerà la machined'État, étaientde bonne volonté,même s'ils
manquaientd'idées, η s'agissait foncièrement de l'embauchedans la
fonction publique, de l'État comme le plusgrosemployeur du pays,et gros
coupablede discriminations sexistesà l'embaucheou après,η ne s'agissait
pas de représentation maisd'emploi- des quotasiniquesqui existent pour
protéger les hommespour les concoursd'écoles d'instits,et des quotas
progressistes (qui n'existentpas) pour protégerl'égale évaluationdes
candidatesà d'autresconcours.Jen'étaispas favorable aux quotas,même
ceux qui peuventparaître progressistes, car raisonner en termesde quotas
les
parmi reçu-e-s revient à anticiper du résultatd'un recrutement L'idée de
rendre les jurysqui fonctionnent commeserviced'embauchémixtesmoitié-
moitiéétaitproposéecommemoyende corriger le sexismeexistant dansla
plus grosseentreprise française, la fonction publique,sans passerpar les
quotas. Comme les jurés sont statutairement nomméspar l'État,rienen
théorie ne s'opposerait à ce qu'unedécisionlégalesoitprise,contraignant les
diversservicesde l'État à observercettemixitémoitié-moitié dans les
instances qu'il nomme et prépose au recrutement des fonctionnaires.
En théorie,
c'étaitsimple,facile(uneloi auraitsuffi)etcela aurait
changé l'accès aux publiquespourdéjàdesmilliers
professions de femmes, à
supposer, commeje le supposeencore,qu'unjuryparprincipe mixte,moitié-
moitié,évalue des candidat-e-s autrement qu'un jurycomprenant - par
exemple- neufhommeset unefemmealibi,qui saitqu'elle estlà comme
telle. Et dans le cas de jury d'embauché,on n'a pas à demanderun
programme politiqueaux femmes,non plus qu'aux hommes,qui sont
appelé-e-s y siéger,ni de connaissance
à des dossiersqui nousintéressent
"Un nombreégal de femmeset d'hommesau jury de l'agrégationde

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Le Dœuff65

mathématiques": dansce cas on peutvraiment dire"de femmes" toutcourt,


etnon,commeon doitabsolument le fairepourles instances "de
politiques,
femmes connaissant de l'avortement,
bienla situation duharcèlement sexuel,
de sexepeutse retenir
etc."Le critère dansce cas,parcequ'onn'a pas à faire
jouer un doublecritèrede sexe et de compétencesocio-politique tenant
comptedes aspirationsetdesbesoinsdesfemmes.
Je persisteà penserqu'une telle loi, appliquéeà l'embauche
publique,changerait le fonctionnement de cetteembauche, etqu'on pourrait
en cogiterune, sans doute plus difficileà imaginermais tout aussi
importante, pourles servicesdu personnel dansle secteur privé.Jesais aussi
qu'unedes troisauteures de AuPouvoir,AnneLe Gall,avaitcommencé par
reprendre explicitement cette idée de L'Étude et le rouet. À au moins deux
réunionspubliquesauxquellesje suis intervenue, j'ai eu le plaisirde
l'entendre,au coursdu débat,appuyer monproposportant surles instances
nomméespardes "et comme dit Michèle, on s'en sortira pas si on n'obtient
pas une loi-cadrequi..."Mais, au moment de la confection de Au Pouvoir,
plouf, amnésie subite,gommagecompletd'une source d'inspiration
verbalement reconnue jusqu'alors,et transposition du toutsurun plan qui
n'est pas celui des instancesnommées,du moinsen principe.Le mérite
indirectde la campagnepourla paritédes élu-e-sestd'ailleursde nousfaire
découvrirque, si un raisonnement sur des instancesnomméespeut se
transposer si facilement surdes instances élues,c'estque ces dernières sont
nomméesaussi,nonparl'Étatcommepuissanceabstraite maispardespartis
politiques,leursleaders,baronsou parrains, et sans que la questiondu
programme politiquesoitjugéepluspertinente dansce cas que dansceluide
de
l'agrégation mathématiques! C'est diredans quelleconfiision se trouvele
débatsurla démocratie aujourd'hui. Un faitn'en demeurepas moinsclair:
aucunedes politiquesqui aujourd'hui réclament notreappui,et qui onteu
connaissance de montravailen tempsutile,à un moment où leurpartiétait
aux affaires, n'a faitquoi que ce soitpourque cettequestionde la mixité
moitié-moitié dansles instances nomméesparl'Étatprogresse. Et Simone
il
Veil, aujourd'huiministre, n'y a pas si longtempssignatairede la
Déclarationd'Athènes, laquelleénonceque "la démocratie imposela parité
dans la représentation et l'administration des nations",ne s'est pas
manifestée encorecommes'efforçant de faireprogresser l'égaliténumérique

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66 LeDœuff

des femmeset des hommesdansl'administration ou les jurysqui gèrentla


vie professionnelle
d'un nombreconsidérable d'entrenous.Elle s'occupe
plutôtd'un et
plan-famille d'une allocationparentale, contrelesquelson
pouvaitlire,dans un récentN.Q.F., un appel de diversesassociations
féministes!
La contradiction
n'a pas mislongtemps à apparaître,
entrefemme
de pouvoiretfemmes toutcourt,etce n'estpas fini.

QUANT AUX FRAISES..


En attendantd'avoirfaitle tourdes contradictions de ce genre,
soulevonsla questionqui importe:commentfairepour que réapparaisse
maintenant dansle discoursambiantet la consciencecollectivela listedes
propositions que nousaurionsà faire,propositions que le thèmevide de la
paritéconstitutionnelle
surmarginalise? Et comment fairepourqu'uneautre
idée de la mixitémoitié-moitié, par action cette fois d'un électorat
manifestant sonexistence etsa capacitéà articulerdes propositions, trouveà
Je
émerger? penseque que ce nous avons su fairedans les années 70, nous
savonsencorele faire.Prenonsl'exemplede l'articlede la loi Veil qui
discrimine"la femmeétrangère" et soumetson droità Γ I.V.G. à des
conditions administrativesétroites(il fautêtrerésidente en Franceet avoir
des papiersen ordre),articlehonteux, qui faitque nos amies du Planning
voientchaquejour dansleurspermanences des immigrées pourlesquelles
elles ne peuventmalheureusement rien.Une mobilisation sur ce point,
exigeantl'abrogation de cet "en
article,qui ajouterait plus,que les partis
politiquesprésententun nombreégal de femmeset d'hommesà toutesles
élections,car nous boycotterons ceux qui ne le fontpas!", si elle était
possible,pourraitfournirle scheme permettantde toujourslierpropositions
préciseset souci de voirles partislâcherun peu, sur pressiondu corps
électoral,leurpolitiquede mâles.Le schemearticulerait la revendication
concrèteet l'idée globaled'une mixitédes instancesde décisiond'une
manièrequi me paraîtessentielle: le pointconcretd'abord,concernant les
droitsetle bien-êtrede femmesqui ne sontpas parlementaires; la paritéen
plus et en toilede fond,commece qui peuttoujoursvenirs'ajouterà une
lutteparticulière.
Jene choisispas l'exempleau hasard:s'il estun groupe
socialdontles intérêts
matériels etmorauxne sontjamaisprisen comptesur
le terrainde la représentation,c'est bien celui des femmesimmigrées ou

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Le Dœuff67

exiléespolitiques,η estbienconnuque mêmeles gensou associations qui


défendent les personnesde l'immigration se réfèrent commeparun
toujours,
mécanisme intellectuel auxhommes.C'estnotreresponsabilité
irréfoimable,
à toutes,dames-citoyennes disposantd'unepuissancede voteetd'action,de
nous solidariseravec celles auxquellesla loi Veil dénieun droitque nous
avonsjugé naguèreimportant pourellesetnous,etqui aujourd'hui repartent
d'uneconsultation dansun centrede planificationfamilialesansvoirtrouvé
d'aide.

Que faire,sinoncréerdes comitéslocaux "femmesd'ici -


femmes d'ailleurs",etpourquoipas,fairerenaître le MLAC de ses cendres?
Aprèstout, si dans les années70, nous avons trouvé assez de médeciennes
militantes capablesde pratiquer, en le disant,des avortements alorsillégaux
pourles Françaiseset cellesqui ne l'étaientpas, dansles années90, nous
devrionsen trouverautantou plus qui n'aientpas perdula compétence
médico-chirurgicale adéquate.S'il est vrai que nous risquerionsd'être
débordées parunfluxde frontalières espagnoles, allemandes ou italiennes,la
législationou les conditions pratiquesde ces pays restreignant l'accès à
il
l'I.V.G., y auraitlà justementune manière de contesterunpointdutraité de
Maastricht, qui certes la
prévoit libre circulationdes personnes, des bienset
des services,mais ce dans le cadreseulement des droitsreconnuspar le
mêmetraité, etl'avortement n'enfaitpas partie.Maastricht n'a pas conduità
l'abrogation des restrictions
de la loi Veil concernant "la femme étrangère",
mêmepourles femmes européennes!
D'autrepaît,si nous reprenons l'idée de comitésde femmes
allantinterviewer les candidat-e-s
aux suffrages du peuple,rienn'empêche
que ces comitéssoientconstitués d'électrices et de femmesqui ne le sont
pas. Aller faire entendre à des élu-e-s potentiel-le-sce qu'immigrées et
exiléespolitiquesontà direpourleurproprecompte,ce seraitfinalement
pluspertinent que de réclamerseulement le droitde votepourles immigrés
de l'un et l'autresexe. Car si les assembléesélues légifèrent surquelque
chose- ce donton douteparfois- elleslégifèrent aussi surle destinde
celles et ceux qui ne fontpas partiedu corpsélectoral,mais viventici.
J'ignore si de tellesactionssontpossibles,et si une solidaritévéritable
peut
se déployer. Jesais seulement ceci: ellespeuventdémarrer demainà Caen,
Belfortou Villeurbanne,sans qu'une réformede la Constitution soit

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68 LeDœuff

sansqu'un demi-million
nécessaire, soitrécolté- elles sont
de signatures
doncinfiniment plusà la portéed'unevolontéféministed'agirque toutce
que le mouvement la se
pour parité propose. Ce ne sera pas facile,
peut-être
mais au moinsun tel projet- que j'offreà qui veut,avec mes vœuxde
réussite- ne présupposepas d'avoirmis Paris en bouteillesavantde
commencer à changer
le réel.

FIDÉLITÉS
Si je metscetteidée horscopyright, alorsque la questiondu
copillagene me semblepas anodine,c'est qu'elle n'est jamais que la
recommandation d'êtrefidèlesà ce que nousavonsfaitensembleil y a 20
ans.Alorsque,quanddes idéessontreprises sansindication de provenance,
elles sontrégulièrement détournées d'environ180 degrés.Bien des choses
me tracassent dans ces gestesd'appropriation illicites.Tenez: Françoise
Armengaud (1993) dansN.QF., et DanielleFougeyrollas-Schwebel (1993)
dansFuturAntérieur ontnotéqu'untextede Boundieuavaitcopieusement
pompéle travaild'un certain nombred'entrenous,y comprisL'Étudeet le
rouet.Aucunedespluméesn'a pensé:
"Vousnousfaisiez,Seigneur,
En nouspompantbeaucoupd'honneur."
C'est désagréabled'êtrespoliée.Politiquement pariant,il est
insupportable que cela soitfaitpourmettre votretravailau serviced'une
pensée qui est justementaux antipodesde la vôtre - le message
fondamental de Bourdieuétanten l'occurrence: les féministes sonttellement
arriéréessur la questiondes rapportsde sexe (pensez donc, toutes
qu'il fautque je m'y mette,et j'en profitedonc pour
différentialistes)
une
reproclamer supériorité mâle. Π est trèsimportant
intellectuelle que
plusieurs d'entrenous aientremarquéque ladite supérioritéintellectuelle
renvoyait en faità des "emprunts" subreptices à des travauxde féministes
escamotées.Au moinsdeuxarticlesdénonçant le larcin,des conversations
qui sontallées bon traindansle milieuconcerné, c'est un début Jecrois
d'ailleursque ColetteGuillaumin a identifiédansle textede Bourdieudes
piratagesqui ont échappé à d'autres lectricessagaces:un de ces jours il
faudraitfaireunconcoursà qui endétectera le plus!

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Le Dœuff69

Mais,dansla facilité aveclaquelleles unsetles unespratiquent la


dépouille(puisqu'ilest aussi des femmesqui recopient), il fautlire autre
choseencoreque la rapineet le détournement: il fauty voirl'idée que le
travaild'une femmene lui appartient pas, il n'appartient à personneet se
trouveà la disposition de toutle monde:il n'y a qu'à se servir!C'est,comme
disaitl'ancien droit,une res nullius,une chose sans détentaire™.Par
conséquent, chaquefoisque la forcede travailou les fruits du travaild'une
femmesont ainsi constituésen chose publique,que d'autrespeuvent
accapareret s'arrogercommeils veulent,ceux et celles qui se servent
indiquent qu'elle,la femmeen question, n'existepas. Qu'elle n'existepas
commedétentaire légitime de sa forcede travail, etqu'ellen'existepas tout
court.Dans le piratagelittéraire ou théoriquede nos travaux,on voit à
l'œuvreune structure analogueà cellequi organisele travaildomestique, et
que ChristineDelphy,ColetteGuillauminet quelques autresont bien
analysée(voirColetteGuillaumin, 1978,dansQuestions Féministes, la revue
qui a précédéN.QF.). Une petite inadvertance de temps tempsestune
en
chose,normalequandune idée estdansl'air,un pillagesystématique, c'est
autrechose. Si un jour j'ai deux minutes, je concocteraiun articlesur
quelquesexemplesparticulièrement gratinés - oui,j'en connais,et vous
aussi d'ailleurs,de plus flagrants encoreque celuide Bouidieu,et de plus
comiquesà raconter. En attendant, le simplefaitque les tenantes de la parité
nousdemandent de les soutenir sansrienpromettre en échangeet,pardessus
le marché,se montrent peu scrupuleuses d'un pointde vue intellectuel,
capablesde fairemainbassesurle travaild'autresfemmes pourle retourner,
montre quel statutellesconfèrent aux femmes, les femmesen général,non
celles "de pouvoir"qu'elles sont un statutde masse à laquelle on peut
arracher, commeon veutetpourrien,des chosesque l'on juge intéressantes
poursoi-même:idées,signatures ou suffrages. Elles nous voientcomme
plumablesà merci,priéesen outrede cachernos souffrances et nos intérêts
moraux, qu'ellesjugent, à tortet comme leurs confrères, irreprésentables.
MichèleLe Dœuff

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70 LeDœuff

NOTES
sonttirésdu Guardian,6 juin 1994.
1. Tous ces renseignements
2. J'ailaisséinachevéeuneanalysede Maastricht Commeje memetsmaintenant à
la rédactionde ce qui auraitdû êtrele secondvolumede L'Étudeet le rouet,vous
l'aurezsansdoutedansce livre.
3. SelonunsondagepubliédansEspace socialetreprissousformede notulegrosse
commeuntimbre poste(maisde collection)dansLibération du 18janvier1991,75
% desFrançaissontfavorables au remboursement de l'I.V.G.. Si vousajoutez,à vue
de nez, 15 % de radins,contrele remboursement maispourla liberté(il existedes
gens comme cela, j'en connais), vous pouvez risquerl'approximation suivante:
environ90 % des Françaissontpour la libertéde l'LV.G., et 75 % pour le
remboursement Un gouvernement etunparlement qui s'aviseraient le
de restreindre
principelégal de l'LV.G. se couvriraientde ridiculeséancetenante, auprèsd'une
énormeparuedu corpsélectoral:aucunparlement, aucungouvernement ne peutse
permettreune chose pareille.
4. Dans la salle d'attented'un cabinetmédicalcollectif, on trouveun paquetde
fichesd'information, disantceci: "Selon une étuderécente, parmiles femmesen
demanded'avortement, 70 % savaient[au moment du rapportsexuel]qu'il y avait
risquede grossesse(pas de contraceptionou uncondomdéchiré)."Et dansles 30 %
il fautcompter
restant, s'étaitfissuré.
cellesqui n'ontpas su que le préservatif "Si
toutescellesqui ontconscience du
sur-le-champ risque à
recouraient la contraception
d'urgence, au moins100000 avortements paran dansle seulRoyaumeUni seraient
évités."La ficheexpliquequ'on a 72 heurespourrecourirà la pilule dite du
lendemain, et5 jourspourse faireplacerunstériletde rattrapage.
Milleexcuses!
5. Jene saisplusde qui estla formule.
6. Exempleà ne jamais oublierles député-e-s communistes ontproposéde faire
passerle délailégalde l'LV.G. de dixà douze le
semaines; gouvernement socialiste
enarguant
a bloquél'initiative, ce
de qu'il ne faut
pas remettre
en causedes "délicats
équilibres"(voirinterview de MichelSapin,ministre de la justice,dans Projets
Féministes,n° 1,mars1992).
7. Voir,dansN.QJ7.,1994,vol. 15,n°2,pp. 75-76,l'appelde diversesassociations
féministes
contre de SimoneVeil.
le plan-famille
8. "Les femmesserontélectriceset éligiblesdans les mêmesconditions que les
hommes": selon FernandGrenier,telle est la formulation qu'il proposa à
l'Assembléeconsultativeprovisoire réunieà Algeren mars1944,au nomdu groupe
communiste. Selon lui, elle auraitservide base au décretinstituant
le vote des
femmes.Mes remerciements à Jean Llasera qui a découpé pour moi, dans
L'Humanitédu 25 mars1994,unpapierreproduisant uncourrier
de F. Grenierdéjà

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LeDœuff71

publiéle 18 avril1991.Grenier ditaussiqu'enavril1943,alorsà Londresauprèsde


De Gaulle,il avaiteu l'occasiondéjà de souleverla questiondu votedes femmes. À
Londres, où les femmes votaient
pour le Parlement une
depuis génération,pouret les
assembléeslocales depuispresqueun demi-siècle! Grenierne soufflepas motde
cela,sonrécitse centrant exclusivement surla scènefrançaise, etmêmesurl'histoire
interne duP.C. - si bienqu'il écritque "unepremière brèchefut[ouverte] cinqans
le
après Congrès de Tours", η n'estpasjuste de fairecommencer l'histoire
de notre
droitde voteen 192S, mêmequandon ne parleque de la France!Néanmoins,
retenons des femmesa étéprononcéeà la Libérationsurle mode
que l'éligibilité
indiquépar Grenier, "dans les mêmesconditions que les hommes". Mais,justement,
on ces
quand regarde conditions, peut on déceler qu'elles n'offrentpas les mêmes
chancesaux femmesdésireusesde briguerun mandatqu'aux hommes,du moins
danslespartisréellement telsqu'onles connaît
existants,
9. Un silencequi n'estpas forcément fortuit.
Les Vert-e-sne sontpas toujours clair-
e-s surles questionsqui noussontchères,les droitsreproductifs notamment Une
mouvanceruraliste, anti-I.V.G.,parfoisanti-contraception aussi (j'en ai même
rencontrés qui étaientanti-crèches),
vousassureque riende toutcela n'estnaturel,
doncc'està bannir. À l'inverse,
unetendance qui considère que la surpopulation du
globeestsourcemajeurede pollution jureque les stérilisations
forcéesne sontpas si
forcéesque ça, vu la bonnechosequ'elles sont J'espèreque ces deux tendances
antagonistes s'annihilent,commedeuxscorpions dansunebouteille. Et tantque les
Vert-e-s auront de
pourpolitique présenter un nombre égal de femmes etd'hommes
aux élections,on pourraconsidérer que la sex-idéologiemajoritaire de ce partin'est
ni le ruralisme anti-droits
reproductifsnila trèssinistre
propension à nousstériliser.
Mais le jouroù ellesetils abandonnent ce principe de mixitémoitié-moitié, il faudra
s'alarmer sérieusement
10. On peut formuler des motsd'ordre:si, dans la gammede partisqui vous
semblent ou
peu prouacceptables, il en estunqui présente unecandidate dansvotre
votez
circonscription, pour elle! S'il y en a épluchezle
plus d'une,félicitations,
matériel
électoraletdécidez.S'il n'yen a aucune,toujours parmiles partisqui vous
semblentplus ou moinsacceptables, votez pour celui qui, au plan national,a le
mieuxpratiqué de la parité!
le principe
11. Sur MaryFair Burks,le WPC, et le NWPC dontje parle plus loin, mes
informationsviennentde GlennaMatthews(1992). L'analyse proposéeici est
largementde moncru.
12. Sur l'impulsionde Mme FrançoiseHéritier-Augé, présidentedu Conseil
Nationaldu sida,des mesuresimportantesontétéprisesen 1991,visantà protéger
les droitsdes séropositifset des personnesrelevantde "groupesà risque":
auxassureurs
interdiction de faireréférence,
dansleursquestionnaires,
à la vieprivée

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72 LeDœuff

et à la sexualité;interdiction de demander un testde dépistagede séropositivité en


dessous d'un capital garantide 1 millionde francs;enfin,"conventionsur
l'assurabilitédes personnesséropositives",qui permetaux séropositifsdéjà
diagnostiqués de contracter un emprunt immobilier, garantipar une assurance-vie,
moyennant une"surprime" (les journauxversle 28 février et le 3 septembre 1991).
Cettedernière mesurea sembléinsuffisante à MmeHéritier-Augé, maisce n'estpas
ce que je veuxsouligner. Toutesces mesuressontad hoc,et visentexplicitement la
du
question sida, non celle,plusgénérale, des maladies graves.Ce n'estun secret
pourpersonnequ'en 1985,j'ai eu un vilaincane«·.En 1991,me sentant bien,j'ai
vouluréaliserun vieuxrêvede maisonà la campagne:besoinde me projeter dans
l'avenir, fairepousserquelques rosiers..
.Pour cela,il fallait
un emprunt équivalant à
unan de salaire.Jem'adresseà la Casden-BP,qui avaitmeséconomies.Jeleurdis
que j'ai eu uncancersixans auparavant, ce qu'ils auraient devinéde toutemanière,
quandbienmêmeje ne l'auraispas su,le questionnaire posantdesquestions précises
surla chirurgie ou les traitements subisdansles annéesprécédentes. La Casden-BP
me réponditqu'il leur fallaitdix ans de guérisonet d'absence complètede
traitement. Jeme fache(et vousimaginezsûrement ce que cela faitau morald'être
réputée inassurable),etje vaisà la banqueconcurrente, uneagenceB.NP.. Là, il leur
suffisait de cinq ans de guérison.Je trouvela secondechaumièrede ma vie (la
première s'étantenvoléetandisqueje paperassais avecla Casden),maispatatra, une
mini-rechute survient, "de la rigolade"dirale cancérologue qui m'enguériten trois
semaineset certifia parécritque je me portaiscommeun charme.La B.N.P. et la
compagnie d'assurance qui garantitses prêtsne voulurent cependantplus rien
entendre: revenezdans cinq ans! et ma secondechaumières'envola commela
première. Alors,unspécialiste britannique de prêtsimmobiliers melaissaespérerun
emprunt etuneassurance-vie en Angleterre, dontj'aime tantla campagne.Jetrouve
le cottagede ma vie;noussommesmaintenant en 1992,etcela faitunan etdemique
je chercheà êtrereconnuecommeviablepar un systèmesocial.Zut,l'assurance
anglaise se dégonfleaussi, et le prêteuravec elle, malgréla garantied'une
hypothèque. Le consultanta une idée d'enfer:en tantque fonctionnaire, j'ai
sûrement droità un capital-décès garantipar l'État,et il me trouveune filiale
anglaised'unebanquefrançaise qui,moyennant untestament luiléguantce capital-
décès,m'avancerait les sous.On entamele processus, je rentre enFranceetj'appelle
uneadministratrice du CNRS qui me dit:"mais,ma chère,vousêtescélibataire et
sans enfants, vous n'y avez pas droit,pas plus que moi qui suis dans la même
situation!"J'étaisdans de beaux draps,mais cetteaimabledame me conseille
d'appelerla MGEN,ma mutuelle. Youpee!oui,mêmeaux célibataires sansenfants,
la MGEN garantit uncapital-décès: je n'eus doncplusqu'à rédigermontestament
- sous la contrainte - et à enfinmenermonprojetà bien,uninstaller dans un
cottageoù,patatra, une nouvelle tumeur se manifesta, enlevée par unechirurgienne
anglaisede grandtalent,qui ne me retint que deuxjourset demià l'hôpital.Le

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Le Dœuff73

cancerde 198S avaitété dramatique; je sais désormaisqu'il y en a d'autresqui


(conséquencesnerveuseset socialesmisesà part)s'apparentent à des angines,et
devraient êtrede touteurgencedédramatisés. Les plus gravesaussi d'ailleurs,car
pluson dédramatise, pluson aide la personne à faireface.Peu aprèsl'achatde mon
cottage,invitéeparMarie-France Briveà Toulouse,j'apprispar sa compagneque
Marie-France, alorsen rémission, avaitbesoind'un emprunt pourdes travauxde
copropriété, η fallutexpliquerà Irèneles tracasseries qui les attendaient,et l'astuce
pour s'en tirer.Irène se chargead'annoncer la sale nouvelle à Marie-France, qui
m'enparlaensuite;je n'oublierai jamaissonvisageau coursde cetteconversation:
un chagrinpoignants'y peignaitJ'ai alors pris consciencede l'ampleurde la
souffrance qu'il ya à êtresocialementmisedansl'antichambre de la mort,etdéchue
de droitsqui sontciviques,parcequ'unemaladierôde.Cettesouffrance, qui s'ajoute
à cellede la maladieetdes traitements,je l'avaisvécuemoi-même, en cherchant à la
direetà l'endiguer en mêmetemps.Jela retrouvais, pluslisible,surle visaged'une
autrecombattante - qui devaitnousquitter peuaprès.
En 1991, la convention sur l'assurabilité des séropositifs a été présentéepar le
gouvernement commeunepremière mondialeet unmodèlepourd'autrespays.Un
sacré modèle, oui! Parfaitement sexiste. En effet,le groupe des personnes
surtout
séropositives, en 1991, composéessentiellement
est d'hommes, plutôtjeunes,
souventcadresmoyensou supérieurs. Qu'un groupede maladesfassel'objetde
c'est normal,maisqu'il fassel'objetd'unesollicitude
sollicitude, exclusivemérite
qu'on s'interroge. D'autant que, si l'on considère un autre groupe,celui des
personnesayant été soignées pour un cancer, on trouve qu'il est composé
essentiellementdefemmes, vu le caractère trèsrépandudes cancersdu seinetdu col
etles grandeschancesde guérison
de l'utérus, de ces deuxcancers.Des femmesde
tousles milieuxsociaux,etd'âgesrelativement divers.Un groupemoinsintéressant?
ad
La convention hoc,passée 1991, en est absolument sexistedans ses effets. Et
quandle ConseilNationaldu sida,présidéparFrançoiseHéritier- Auge,a demandé,
dès 1990,que les questionnaires d'assurancene demandent rien,fût-cede manière
détournée,surle stylede vie ou la sexualitéde la personne, personne ne savaitsans
doute,ou ne s'est pas soucié de savoir,que ces questionnaires comportent des
rubriquesoù apparaissent les motsde "chirurgie", "cobalt","radiothérapie", "service
de chimiothérapie", mots-clefs qui vous demandent de manièredétournée si vous
avez été soigné-epourun cancer,mêmesi on vous a caché,commecela se fait
encore,le nomde la maladie,η y a unesollicitude étatiqueplusgrandevis-à-visdes
que vis-à-visdes maladesdu cancerguéri-e-s
séropositifs ou en rémission; forceest
de poserque la composition socialerespective des deuxgroupesy estpourquelque
chose.Mais la conclusion que je tirede cetteexpérience, qui futabominable, c'est
ni
que nul-le, femme ni homme, n'a une connaissance infusedu dossier complexedit
"des risquesaggravés", queet le caractère sexiste d'une dispositionlégale ou

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74 LeDœuff

administrative ne sautepas nécessairement aux yeux.J'avaiscertesentendu parler,


longtemps avantd'êtremoi-même malade,de la difficultéqu'il y a à contracter
un
une
emprunt; collègue mariéequi avaiteu un cancer m'avait dit que l'emprunt était
au nomde son marià cause de cela. Jene savaispas que c'étaittoujoursvraien
octobre1991,uneMadame-je-sais-tout m'ayant juré,en 85,que c'étaitde la parano.
Si je n'avaispas faitl'expérience crucialeducontraire,je croiraisencoreaujourd'hui
la est les
que question régléepour gens guéris d'un cancer.Pour les problèmes
et
légaux administratifs, ce n'est pas seulement les convictions politiquesqui
comptent, encoremoinsle genredontles convictions découlent ou nedécoulent pas,
maisla connaissance précisede l'étatd'unequestion, doncdes dossiers.
desMilleetune",que je reconnais
13. Le "Manifeste avoirsignéetfinancé.
le sportdansles droitsdes femmes
14. Elle a réussià réintroduire d'ailleurs.N'a-t-
elle pas décoréune cycliste?Mieux: j'ai vu un jour le détaildes subventions
accordéesparson ministère à des associations. Une sommeconsidérable, peut-être
plusgrandeque celle accordéeau Planning, étaitallouéeà un groupede la région
Rhône-Alpes s'occupantde promouvoir l'accès desfemmes auxcoursesde Formule
Un.Jen'ai pas osé photocopier le document, maisunehistorienneconsciencieuse du
tempsprésent devraitpouvoirle retrouver.
15. C'est ce que j'ai crucomprendre un certainaprès-midi. Dans Le Monde,je lis
unepucedu genrenouvelle-arrivée-au-moment-où-on-boucle-le-joumal, annonçant
que Roussel-Uclaf avaitdécidéde retirer la RU 486 du marché.J'empoigne mon
téléphone, composele numérodu ministère des droitsdes femmes, etj'expliqueà la
standardiste ce qui m'amenaitUne femmebien,la standardiste, qui joint ses
lamentations aux miennes, et décrètequ'en effetil fallaitalertertoutde suiteles
politiqueslà-haut,"je vouspasseunechargéede mission". La chargéede mission(je
ne saispas qui,ellene s'estpas nommée)fîtsemblant de nepas êtreau courant, mais
ne manifesta aucunesurprise devantla nouvelle(on avaitdû m'en passerune qui
mentait mal:elle savaitdéjà).Jeluidemandece que le ministère comptait faire,elle
répondque le ministère considère que ce n'estpas de son ressort, qui confirme
ce
l'idéeque le ministère avaitétémisau courant avantlesjournaux. Jel'assureque les
groupesde femmesne comprendraient pas que le ministère n'intervienne pas. "Le
groupeauquel vous appartenez mais
peut-être, d'autresassociations de femmes sont
contrece RU 486, et au ministèrenous sommesen contactavec toutesles
associations."Réfléchissonsdeux minutes:quel groupede femmesa pu se
prononcer contrele RU? À partl'ActionCatholiqueFéminine, je ne vois pas. Or
ceci se passe à un momentoù "Psychépo"alias "Alliancedes Femmespourla
démocratie" avaitses entréesdirectesau ministèrede MichèleAndré,etoù les liens
entreladiteActionCatholiqueFéminineet la susnomméeAlliancesontdevenus
patents:je pense que "les groupes[qui] sontcontrele RU" désignaitT'Action
Catho"avec ou sansleursacolytes.Naturellement, je peuxmetromper, le ministère

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Le Dœuff 75

a pu prendreses ordresailleurs,et mon interlocutrice inventer des groupesde


femmes hostilesau RU là où il avaiten faitunedéputéeU.D.F. qui faisaitcampagne
contre,et une tropcélèbreanimatrice d'un mouvement contrel'avortement en
général,parRU ou autrement L'hypothèse de l'ActionCatholiqueFémininereste
cependantvraisemblable.
16. Ce pointde l'analysedoitbeaucoupà uneconversation
que j'ai eu à Lausanne
avec FrançoiseMessantet Silvia Ricci,féministes
de longuedate,fortréticentes
aussià l'égarddu mouvement pourla parité.
17. Elle veutrireaussi quand elle lie la questiondu développement des études
féministesà uneparitéparlementaire. La créationde postesd'enseignement ou de
recherche d'un-eministre
est de la responsabilité de l'éducationnationale, de son
adjoint-epourl'enseignement supérieuretla recherche, et,pourles études-femmes,
d'uneministre desdroitsdesfemmes. Éventuellement desRégions,celles-cifourrant
de plusen plusleurnez dansles questionsd'enseignement, etj'avoue ne pas savoir
quoi en penser.En toutcas, lierla questionde ces créationsde postesà la paritédu
parlement esttotalement fallacieux.
du 11-5-93.
18. Libération
19. Au moment de la première cohabitation, on a cruque la Francen'avaitpas un
régime aussi présidentiel qu'il y paraît. Constitution
La dit "le Présidentde la
Républiquenommele premierministre" mais quand l'arrivéed'une majoritéde
droiteà l'Assembléeapparutinéluctable en 86, on comprit que le Président ne peut
nommer qu'unpremier ministre acceptablepar le Parlement S'il y a des limitesau
le
choix,par Président, d'un-e premier-e ministre, ce choix reste tout de même sien.
Le ou la premier-e ministre constitue son gouvernement aprèsnégociation avec le
chefde l'État,qui en outrepeuts'octroyer un "domaineréservé"commeil ou elle
l'entend.Et,faceau législatif, le gouvernement a pouvoirde bloqueruneproposition
de loi,saufs'il y a, au seinde l'Assemblée,unrapport de forcesconsidérable pour
cetteproposition, rapportde forcesclairavantmêmele débatparlementaire. Le
gouvernement socialistea eu le de la
pouvoir bloquer proposition communiste de
fairepasserles délaisde la loi Veil de dixà douzesemaines;de la mêmemanière, le
gouvernement de Chiraca bloqué en 86 une proposition émanantde députésde
droiteet d'extrême-droite de ne plusrembourser l'avortement En revanche, quand
FrédériqueBredinet SégolèneRoyal ont proposédes amendements concernant
l'abandond'enfants et les violencessurmineur-e-s, elles ontréussià les pousser
du
jusqu'audébat,malgrél'opposition gouvernement (socialisted'ouverture) etsans
l'appuidu groupesocialiste, carellesavaientdéjà unemajorité derrière elles,grâceà
l'appui du groupecommuniste et de certainssocialistes,les mitterandistes pour
parler clair,l'ordre étant venu en cette affairede l'Elysée. Deux femmes ont pu se
bagarrer avec succès, parce que la présidence aidait en sous-main, avec les

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communistes, contrele gouvernement,qui,lui,parla bouched'uneministre,


plaidait
pourle statuquo. Depuisdes années,les gouvernements sontsystématiquement
du
ne disentleurmotque si la présidence
côtédu statuquo,etles député-e-s cherchele
conflit
avecsonpropre gouvernement,avecuncongrèsde Rennesen vue!
20. Conseilde l'Europe,"Rapportsurles idéauxdémocratiques
et les droitsdes
femmes",cité par FrançoiseGaspardin Diplômées,n° 168, mars 1994, et de
nouveau,maissous uneformedifférente,dansle numéroprécédent
de N.QF.y"La
parité'pour'"(Gaspard,1994).
21. Le Sénatn'estpas élu parnousautres,électrices et électeursde base,c'est une
émanation de la Républiquedes notables, ce dontunedémocratie ne devraitpas se
vanter.L'obligerparle hautetunedisposition constitutionnelleà êtremixtemoitié-
moitié,en le traitant
commeuneinstancenommée(puisquece n'estpas nousqui
rélisons),de faitobligerles partisà constituer pourle Sénatdes listesqui soient
composées sur le modèle"une-un-une-un" seraitunebonneidée,qui ne reviendrait
pas à dessaisirencoreles simplescitoyen-ne-s d'un contrôle surle programme des
postulant-e-sau Sénat,puisquede toutemanièrenousn'en avonsaucun,et que le
Sénatest,plus clairement que n'importe quelle autreassemblée,nommépar les
baronsdespartispolitiques. Comment se fait-il
que le débatsuruneparitérégléepar
le hautse focalisesurl'AssembléeNationale,qui estde notreresponsabilité, enfin
unpeu,etdélaisseunSénatvieillisousle plusredoutable desharnais?
22. Une amie qui chercheà obtenirma signaturede me dire: "Tu sais, [les
dirigeantes du mouvement] se sontfixépourobjectif d'enrécolterundemi-million".
J'ignore si l'on peutrécolta*cinq cent millesignatures un
pour principe proposésans
formulation précise,ni rédactionà la virguleprès,d'une refonte à
constitutionnelle;
monsens,ce seraitgravequ'on puisse.Quoi qu'il en soit,si le mouvement pourla
paritéétaità mêmede récolter ce demi-million de signatures,
ellesauraient
aussivite
fait,et aussifacilement, de créerunpartiféministe! J'ai entendudire(maisc'est à
vérifier)que des Suédoises mijotent d'en créer un, pour notamment mais pas
seulementmaintenirle taux de femmesau Parlement,ce taux étanttombé
récemment à 33 %, ce quiestgrave!
23. Pourle mouvement laïqueje ne sais pas, pourle mouvement féministeje ne
pensepas,maispourd'autresassociations commeles syndicatsje croissavoirceci,
qu'unjournaliste de Lïbé m'a expliquéunjour.Quandunpartipolitiquearriveaux
disonsquandle premier
affaires, ministreou desministresimportants sontchoisisen
son sein,uncontrat dit"de verrouillage"estpasséentrece partiet les syndicats ou
associationsqui sontdans son orbiteet lui ontapportédu soutiensur la scène
Les contrats
électorale. de verrouillage
enquestion - documents écritsetsignés,s'il
-
vousplaît prévoient que le-sministre-sconfierontà despersonnes du syndicat ou
de l'associationdes postesde conseillers,chargés de mission,
etc., dans tel et tel

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Le Dœuff77

ministère, avec possibilité de trancher tellequestionmaisnontelleautre,ouvrirou


fermer tel dossiermais non tel autre,à charge,pourl'associationou le syndicat
signatairede l'accordde verrouillage de se tairestrictement,pendanttoutela durée
de validitéde ce contrat, surtel,telet telpoint η ne faut pas s'étonner dès lorsde
curieuses"mises en vacances" du mouvementassociatif,quand les amis du
mouvement considéré sontau pouvoiretque les étatsmajorsde telleassociation ou
tel syndicat fournissent le personnel de l'administration centrale.VincentTardieu
m'a expliquéqu'il arrivenéanmoins qu'un ministre s'adjoigneun syndicaliste sans
le verrouiller,niverrouiller le syndicat auquelil appartient,ce qui n'estpas innocent
nonplus.L'exempledonnépar moncamaradejournaliste, c'est celui du Recteur
Durand, animateur du Syndicat Autonome (droitepenchantversl'extrême), que
JacquesChirac a pris comme conseillerpour la rechercheet l'enseignement
supérieur en 86,ce,commeon sait,pourla plusgrandejoie des étudiants et dèsjuin
86 de jeuneschercheurs dontle recrutement au CNRS futsuspendubrutalement Si
Devaquet fut ministre et un
fantoche, jouet dans les mains du SyndicatAutonome,
c'estque celui-cin'étaitpas verrouillé du tout:pas moyende demander à ce syndicat
de mettre telleou tellequestionen sourdine. Jenecroispas qu'en 1981la gaucheait
jugé nécessairede verrouiller les associationsféministes, mêmecelles qui étaient
structurées: elle n'a pas nécessairement eu besoinde recourir à unetelletechnique,
hélas,pourobtenir unétatde grâceprolongé. Mais cela pourrait venirunjour,etje
medemandesi ce n'estpas déjà cela que Léon Blumavaiten têtequandil proposaà
Louise Weiss un poste,à condition qu'elle metteun bémolà sa revendication du
droitde votepourles femmes.Il est toutà l'honneurde Louise Weiss d'avoir
répondu:"Jene veuxpas êtrenommée, je veuxêtreélue",unepenséequi retrouve
biendureliefence moment (voirFlorenceMontreynaud etal., 1989:247).
24. Voulez-vousmontrucpourévaluerle degréd'opportunisme d'unepoliticienne
vis-à-visdu féminisme? Celles qui se sontbattues,y comprisphysiquement,pour
êtreau premier rangde la maniftriomphale de septembre 1979,maisqui ontséché
celle de 82, ontprouvéqu'elles étaientà nos côtés,pardonà notretête,quandil
maisqu'ellesne nousconnaissent
s'agitde volerau secoursde la victoire plusquand
entrenousetleurscamarades
il y a unaffrontement au gouvernement
25. Si toutcela vous intéresse, à MichèleLe Dœuff(1986). Si la
reportez-vous
bibliothèqueoù vous avez vos habitudes
n'avaitpas ce volume,si votrelibraire
préféré-eavait d'aventurequelques difficultésà se le procurer(mésaventure
communepourplus d'un titred'étudesféministes, est-ilpas vrai?),essayez"Le
Divan",placeSt Germain à Parisou chuchotez l'adressede l'éditeur.
à votrelibraire
Alidades,B.P. 18,76310 SteAdresse.
26. Voyezla noteprécédente, maisje ne veuxpas vousfairelanguirla découverte
(1983),dansunlivre
de cetteoriginedu termede "playboy'' estdueà lisa Jardine
sur Shakespeareet les femmes(chap. I). Les prédicateurs contrele
vitupéraient

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78 LeDœuff

en généralet contreces "playboys"dontle charmeambigutroublait


théâtre les
cœursetbrouillait ethomosexualité
entrehétérosexualité
la frontière masculines.
27. La pressebritannique présenterégulièrement Delors commele vrai futur
Π
candidatsocialisteauxPrésidentielles.estprudentd'imaginer le pireetde penserà
pouréviterune chose pareille.Quid d'une granderéunionoù l'on
des stratégies
inviterait candidat-e-s
les divers-e-s à la Présidence
(saufceluique voussavez)pour
leurposerles questionsles plusembarrassantesetles plustechniques surdes points
que vousdevinez?Delorsou pas, il fautprojeter uneréunioncontradictoire de ce
genre,et qui ne soitpas truquéede fonden combled'avancepar l'Alliancedes
Femmesou le mouvement pourla parité.
28. Mes remerciements qui m'a faitdécouvrir
à GregPolletta, cettebienbonne.
29. J'aimerais lireunbonarticlesurla théorie de V'qffidamento", dontj'ai entendu
parler: avant de se
hurler, documenter En
d'avantage! gros(si j'ai biencompris),
l'idée suivantea courschez des copinesitaliennes: il estbon pourcellesqui sont
sans voix et sans espoirde trouver un lienpsycho-politique avec une qui, elle, a
trouvéle moyend'émergerdu lot communfaitaux femmes.Celle qui n'a rien
apporte sonsoutienpratique etça faitdubienà la première
à cellequi s'en estsortie,
dans sa tête,car toutce qu'elle donne,elle le reçoiten retoursous la formed'un
mieux-être psychologiquedanssonidentité de femme.Mes informatrices italiennes
sontdignesde foi,maisj'avoue avoirdu mal à croirequ'on en soità proposerun
trucqui tientde la tradition
féodale(unevassalisation, unhommage au féminin!) et
des piresabusque la psychanalyse a légitimés parle biaisde la théorie
du transfert
Si quelque lectricede N.QJF.pouvaitm'indiquerde la littérature à ce sujet,je
promets mareconnaissanceéternelle.
30. Accessoirement, c'étaitaussibiende ne pas intervenir de façoncritiquesurla
questionde la paritéavantles Européennes. Les placessurla listesocialisteétaient
chères,dès la déconfiture n'ayantpas,en règlegénérale,
de la gauche:les politiques
d'autremétierque celui de politiques,quand leurpartiperd le pouvoir,ils se
retrouvent sans emploini raisonsociale.Commele Parlement Européenn'a pas
d'attributions importantes,les nouveauxsans-emploi ontconsidéré qu'unsiègedans
ce Parlement seraitune excellentemaisonde retraite politique.Π ne fallaitpas
contesterle droitégaldes femmes et
politiques des hommes à jouirde cetteretraite,
qui leurménageune raisonsociale et un statutpourl'avenir,s'il y en a un. En
revanche, il fautse tenirprêtesdès maintenant (été94) à ne pas se laisserberneretà
ne pas reconnaître à des leadershommes,qui ontfaitprécédemment la preuvede
leurincurie faceauxdroitsdes femmes, desbénéfices qu'ilschercheront à empocher
au moment desPrésidentielles sanss'engagersuruncataloguede questions-femmes:
maintenant, il fautmettreenévidencel'insuffisance de cetteseuleparité.
31. Les législativesne sont malheureusement
que semi-sérieuses
car, dans la

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Le Dœuff79

Constitutionde la Ve République,le Parlement a trèspeu de marged'actionet


voirnotes6 et 19. S'il fautl'aval du gouvernement
d'initiative, pourqu'un projet
soitmisen débat,cela en ditlongsurla dominancede l'exécutifsurle législatif.
Finalement,le Parlement a surtout
le pouvoird'imposer, nonun premier ministre,
maisla couleurd'un premierministre, au Président de la République.Ensuite,il
fonctionnecommeunechambre d'enregistrement qui a le droitde refuserd'entériner
de loi gouvernementales.
les propositions On comprend les
que député-e-s sèchentsi
souvent!C'est unerévisionprofonde de la Constitution qu'il nous faut- pourque
la Républiqueretrouve un visagedémocratique. De fait,et comptetenuaussi des
pouvoirsexceptionnels qui sontconférés à la personnequi présidela République,
noussommesdansunrégimede despotisme à duréedéterminée.
électif
32. En parcourant ce bouquin,j'ai été frappéepar un autresilence: quid de
l'Allemagne, etnotamment des Vert-e-s allemand-e-s qui ontmisen pratique depuis
le
longtemps partage féminin-masculin des mandats électifs?quid du faitque même
le SPD a comprisqu'il lui fallaitobserver une proportion d'au moins 40 % de
femmes?quid des Vert-e-sfrançaisqui n'ont pas attenduqu'une réforme
spectaculaire soitfaite(ou ne le soitpas) pourpratiquer l'égaliténumérique? quiddu
300 Groupbritannique? Il y a une clôturenationale(l'Hexagoneest uneîle, et le
nombril du monde)etuneclôture alorsque les sourcesd'inspiration,
partisane, surle
de la vieélective,
terrain viennent dudehors.Ce nombrilisme hexagono-socialiste est
une stratégie: malgréla meilleuremixitémiseen place par les Allemand-e-s, la
législationallemande en matière d'avortement continue d'être lamentable; le 300
Groupse construit surla base d'un lâchageradicaldes préoccupations féministes...
tousles exemplesétrangers qui permettraientde jugersurpiècede la validitéde la
paritésontpasséssoussilence,euxqui montreraient que cetteparité-là ne suffit pas.
Le plus extraordinaire, c'est qu'une lectricemoyenned'un livrecomme "Au
Pouvoir!"est susceptible de connaître elle-mêmeces exemples,et de s'apercevoir
qu'on se payesa tête.Quantaux exemplesaméricains que je donne,eux qui sont
plus encourageants mais une
supposent responsabilisation de groupeslocaux de
citoyennes, ils sontmoins connus; mais si
enfin, les auteures ontmisla mainsurla
prosede JeaneJ.Kirkpatrick (une dametrèsloindu basismedes exemplesque je
donne),ellesauraient pu aussiavoireu ventdes initiatives commecellede MaryFair
Burks,du Women'sPoliticalCouncilou du NationalWomen'sCaucus. Le choix
politique,estpatent* J.J.Kirkpatrick futnomméeambassadeure auprèsde l'ONU;
de
les groupesdontje parleprocèdent l'idée que les citoyen-ne-s élisentleurs
représentant-e-s...toutle discoursdu mouvement de la paritéest construit surle
fantasme d'être-enfîn-nommée, etparquelDieu-le-Père, je vousle demande?
n° 6, été 1991et dansles Actesdu
publiéedansFuturAntérieur,
33. Interpellation
Colloque(MFPF).
34. "Détentaire":néologismeque je propose; l'Académie dit "détenteurou

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détentrice".Jecherchedes techniques qui réduisent le nombrede "ou" et de tirets


marquantque les deux sexes sont comprisdans l'énoncé. La fabrication de
néologismes épicènes(comme"détentaiie") paraîtpossible.J'aiplushardidansmon
sac: quid d'une règle grammaticale stipulantque lorsqu'unsubstantif est mi-
masculinmi-féminin, - "les député-e-s" ou "les enseignant-e-s"- on accorde
l'adjectif,non au mixtemarquépar -e- mais au féminin? "Les travailleuses et
travailleursau Smigontété stupéfaites d'apprendre que...", "femmes et hommes
candidatesaux élections...". Ceci seraitun équivalent, en francophonie, du "S/œ"
universel,désormaispassé dansles bonnesmœursen anglophonie: si vous voulez
dire"il ou elle", ditesdirectement "elle". Exemple:"Thepsychologist can never
observethephenomena
directly she is supposedly .... theindividual's
studying
expression of her thoughts", etc. (Paul Johnston,1993). Cela allège
considérablement
le style.

RÉFÉRENCES
ARMENGAUD,Françoise(1993). "PierreBourdieu'grandtémoin'?".Nouvelles
14 (3), 83-88.
Féministes,
Questions
FOUGEYROLLAS-SCHWEBEL, Danielle (1993). FuturAntérieur,
supplément
Féminismes
au Présent.
GASPARD,Françoise(1994). "De la parité:genèsed'un concept,naissanced'un
mouvement".
NouvellesQuestions Féministes, 15 (4), 29-44.
GUILLAUMIN, Colette (1978). "De la transparence des femmes:nous sommes
toutesdes fillesde vitrières". n°4,novembre.
Féministes,
Questions
JARDINE,Lisa (1983).StillHarpingonDaughters.Harvester.
JOHNSTON,Paul (1993). Wittgenstein: theInner.Londres:Routledge.
Rethinking
LE DŒUFF, Michèle (1981). "L'employeurpublic". Les TempsModernes,
novembre dansMichèleLe Dœuff,1989:268).
(repris
LE DŒUFF, Michèle (1986). "Genèsed'une catastrophe"
(post-faceà William
VénusetAdonis).Paris:Alidades.
Shakespeare,
LE DŒUFF, Michèle(1989).L'Étudeetle rouet.Paris:Seuil.
LE DŒUFF, Michèle (1991). "Un mondeou deux:convivanceou séparation?".
Lausanne.
Présences,
MATTHEWS,Glenna(1992). TheRiseofthePublicWoman.New York/Oxford:
Press.
OxfordUniversity
MONTREYNAUD, Florence,et al. (1989). Le XXe siècle des femmes. Paris:
Nathan.

N.Q.F.1995Vol.l6,N°2

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