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Problèmes D'investiture (De La Parité, Etc)
Problèmes D'investiture (De La Parité, Etc)
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Problèmesd'investiture
(De la parité
9etc.)
Résumé Abstract
L'EFFET RITZ
Si l'on découpaittous les articlesde presse susceptiblesde
s'avérerutilesunjourou l'autre,nos trois-pièces-cuisine deviendraientvite
inhabitables.Tant pis, rapportons de mémoirequelque chose qui fitla
premièrepage de quotidiensbritanniques, il y a quelques années. Un
déjeunerfutorganiséau Savoy (ou peut-être était-ceau Ritz) par une
associationqui s'appellele 300 Group,laquellea pourbutd'œuvrer à rendre
le Parlement anglaismixte, moitié-moitié. Π y a environ600 sièges aux
Communes, d'où le nom du groupe.Ce jour-là,l'invitéed'honneurétait
MmeThatcher, alorsPremière ministre,et,quandarrivala piècemontéequi
le dessert,
constituait uneofficière en uniforme lui confiagracieusementson
épée d'apparat.Ainsiéquipée,Maggie,qui ritaux éclats,tranche hardiment
le gâteau.Clic: les journalistesétaientlà, et le lendemainla photoparaît,
sauvageet de
Ainsi,aprèsdouze ou quinzeans de libéralisme
restrictions sousla houlette
effrénées,
budgétaires d'unefemmespectaculaire
puis d'un monsieurtoutgris,la gratuité est en trainde
de l'avortement
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à Timpossibilité,
réfléchir pource groupe, de direquoique ce soit:le faitque
contraception et avortement soientlibres,c'est-à-direqu'il n'y ait pas
d'obstaclelégal à l'accès aux modes de contrôle seraitau fond
de la fertilité,
la seule base d'accord entrele libéralismeavancé (souvenez-vousde
l'époquegiscardienne, pourtrouver un équivalent français)etunepenséede
gauche.La simpleabsenced'obstaclelégalestunechoseacquiseici depuis
longtemps (à l'exceptiond'un pointqui concerneles fillestrèsjeunes):on
n'a plusà enparler, nià gaucheni à droite, etcettebasecommune potentielle
n'a plusde pertinence. La divergence pourrait s'amorcerquandon réfléchit
aux conditions concrètes ou matérielles de l'exercicedes droitsreproductifs.
À droite,la maximegénérale, concernant toutetles droitsdes femmes, c'est
"faitesce que vous voulez,maispayezvous-même; la libertésortde votre
porte-monnaie; grattez vos fonds de tiroirs".Une penséeprogressiste digne
de ce nom devraitprendreen compte,aussi sérieusement que la liberté
formelle, les conditions matérielles, en l'occurrence le prixde la liberté,et
pourtoutes.Les politiciennes du 300 Groupne se mettront jamais d'accord
là-dessus,ni sur le reste,qui està l'avenant.
Autrechosecreusel'écartentreles damesdu 300 Groupet mes
copines.Ces dernières se préoccupent toutesde "issues",c'est-à-direde
chosesprécises.Si on lesinterroge surdes sujetsconcrets, ellessaventce qu'il
en est.À leurcontact, j'ai compris unecertaine tournure d'espritqu'ellesne
formalisentpas,maissemblent comme
pratiquer ellesrespirent,et qui est,je
crois,une grandebase du féminisme. Jedoutequ'il soitfaciled'acclimater
cettetournure d'espriten France,où le goûtgéométrique pourles lignes
simples5 bloquetropsouventla priseen comptedu concretet du détaildes
phénomènes. En toutcas, voici:la première responsabilité d'une féministe,
c'estde savoir,autant qu'ellepeut,des chosesqui concernent les femmes, et
dontle patriarcatinterdit Lesbiennes
la connaissance. ou hétéros,ellessavent,
etdansle détail,ce qu'il fauten effet
savoir,sur la situationactuelledesdroits
reproductifs,les discriminations que le systèmejudiciairefaitsubiraux
femmes,les violences familiales,sur les groupesde self-helpde la
communauté lesbienne etles lieuxde recoursofferts auxfemmes battues, etc..
Sans parlerdes milleet un petitsréseauxd'entrepreneuses. Dans la villede
V**, troisretraitéesontmontéunesociétéde taxisqui ne transporte que des
femmes etdes enfants. Ellesne peuvent fairede la publicitésur ce point,mais
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PATRICIENNES
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CLASSEMENT
partissontplusrétrogrades
Certains etla proportion
que d'autres,
est
de femmesqu'ils présentent plus Π
faible. y a là une de les
possibilité
classer,en supposantque la proportion de femmesprésentéesest un
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D'AUTRES EXEMPLES
En raisonnant de la sorte,je m'inspirede choses d'origine
américaine. Toutd'abord,d'une idée due à unejeune femmenoire,Mary
FairBuiks11.À la findes années1940,avecunecinquantaine d'autres, elle a
créé dans l'Alabama le Women'sPoliticalCouncil(WPQ, groupedont
l'actionpolitiqueavaitpourligne:se faireinscrire surles listesélectorales
(unbutpourles femmes afro-américaines, nonunepossibilité, à l'époque)et
allerinterrogerles gensqui se présentent pourun mandatElles réclamaient
doncdroitde voteetvéritable exercicedu statut d'électrice,qui est,avantde
déposerun bulletin dansuneurne,de pouvoirposerdes questionsaux gens
qui briguentun officeélectif.Ce que je constate, danstoutela littérature de
l'actuelmouvement françaispourla parité, c'estl'absenceradicalede l'idée
qu'on puisseallerdiscuter de piedfermeavecdes candidat-e-s ou les inviter
à venirs'expliqueren public sur leurs projets.Où sont les réunions
électoralesd'antan,dansles bistrots ou sous les préauxdes écoles?Kirsten
Riberhold medisaitunjourque les Danoisesvoulantfairede la politiqueont
trouvéune à une leur chemindans les instancesélectivesgrâce au fait
qu'ellesse sontengagéesà fonddanscettepratique, qui consisteà tenirdes
réunionsavec les gens. Petità petit,et une à une, elles ont acquis la
considération de leursélectrices et électeurs, parceque la réunionsous le
préaud'une école estune épreuvede véritéterrible: c'est là qu'on montre
qu'on connaît ou non les dossiers. En France,depuisbelle lurette,les
candidat-e-svous pondentun peu de littérature, sous la formede
communiqués, et n'engagentplus le dialogueavec leurschèreset chers
électricesetélecteurs.Pourtant, il suffitde le vouloirpourque cela se fasse.
En 1988, avec une associationde jeunes scientifiques, j'ai organiséau
Collègede Franceune réunionoù furent conviésles collègues,la presseet
les candidatsà l'électionprésidentielle,à l'exception évidemment de celuidu
FrontNational.Le RPR a décliné,ce qui étaitdéjà une prisede position,
RaymondBarrea envoyéune longuebafouille,qui futlue en public,P.
Juquins'estexcusé,le PC etle PS ontenvoyéchacundes représentants qui
Le débatfatintéressant,
étaientaussi des scientifiques. et le journaliste de
Libé qui étaitvenu,VincentTardieu,a cuisinéle représentant du PS aussi
bienque nousautres, avantde publierunpapiersurla question, η estcapital
de cuisinerles postulant-e-s, de refuserde recevoirpassivementleur
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commeunehostie,et de leurmontrer,
littérature qu'on tientà
au contraire,
engagerundébatL'exercicede la citoyenneté, ce n'estpas seulement d'aller
voter,c'estbienausside faire les à un
comparaître aspirant-e-s mandat, etle
mouvement féministe
estparfaitement capablede fairece qu'uncollectif de
a pu faire.Tiens,si je suis en formeau momentdes
jeunes scientifiques
prochaines et en France(ce qui estloind'êtresûr),chicheque...
élections,
Mes chèrescompatriotes, si vousprévoyez d'êtreen formeau moment de la
prochaine échéance,pourquoine penseriez-vous pas d'oresetdéjà à quelque
chosecommeça?
L'autremoded'actiond'origineaméricaine qui mériteraitde faire
école dans le vieux monde,c'est celui du NationalWomen'sPolitical
Caucus [ComitéPolitiqueNationaldes Femmes],fondéen 1971, dont
l'actionnationaleest répercutée au niveaulocal par des comitésou des
associations indépendantes. L'idée de ce Caucusc'est,à la fois,de pousser
des femmes à êtrecandidates à des mandatset de lutter pourdes questions
féministes. C'est au niveaulocal que l'idée marche:il fauttoujoursun
groupeimplantédans tellerégionou telleville; le groupefaitsavoiraux
partisdu coin qu'on exige d'eux qu'ils présentent des femmesou une
femme,ayant des vues précises surtelleou tellequestion,ou sinongareà
eux.Dans quelquesituation que ce soit,on a toujours un "gareà vous"à la
disposition des partispolitiques, ne serait-cequ'en menaçant de s'abstenir.
Γ
La fuite de l'électorat, abstention-sanction n'a rien à voir avec
l'absentéisme - c'estd'ailleursbienla volatilisation d'unepartiejusque là
... fidèle(!) de "son" électorat, en clairla désertiond'un pourcentage de
suffrages de femmes, qui a faitsi malau PS récemment
Dans la stratégie
des Américaines, la pressionvientd'électrices
organisées.Elle a pour méritede rappelerénergiquement que c'est Sa
le
Majesté peuplequi décide, et de poserque la fractionféministe décideet
surcritèrede sexe et surprojetspolitiques.Le bénéficede ces multiples
actionslocalesesten trainde se fairesentirau niveauglobal,aprèsplusde
20 ans de mobilisation.Déjà, en 1989,à des électionspartielles, on vitdes
candidats êtrepénalisésparcequ'ils étaientcontrele droità l'avortement, et
NOW putafficher, commepourun matchde foot,le score"Geoige: zéro.
Nous: trois".Les dernièresélectionsfédéralesaux États-Unis ontportéau
Congrèsplusde femmesayantun programme netet clairsurcettequestion
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EFFETS DE GENRE
Les instancesde décisionne sontjamais des lieux pour des
"masses" de qui-que-ce-soit. Rien ne sauraitdispenserde réfléchir aux
modalités du rapport entreces instancesetles masses.Pourl'instant, le fond
de l'argumentaire du mouvement pourla parité,c'est que l'existencedes
femmes à la base auraitunefonction d'unefuture
dejustification présencede
50 % de femmesau Parlement et dansles autresassemblées.Mais c'est là
raisonner à l'envers,chèresconcitoyennes! Ce qu'il convientde poser,ce
de
n'estpas tantun rapport justification, parla base,de la composition des
assemblées,qu'un rapport d'obligationmoraleet politiquedes assemblées
vis-à-visde la base. Quellessontles obligations d'un parlement, qu'on va
la
supposermixte,vis-à-visde plusgrande moitié du pays? Ah - quandon
pose le problème commecela,on commenceà voirse dessinerunelistede
mesuresà prendre, une listeun peu hétéroclite peut-être,avec des points
mieuxconnusque d'autres, mieuxexploréspar25 ansde féminisme actifen
France,etpeut-être ressent-onle besoinde se réunir
pours'informer les unes
les autres,discuteretchercher unaccord?Un petitprogramme communbien
détailléetbienprécis,technique même?Là vouscommenceriez à meplaire...
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si nousvousdonnonsaujourd'hui
À l'inverse, notrecaution,nousentérinons
votre silence et nous laissons donc se constituerune idée de parité
représentative fondéesur l'insensibilitéaux problèmesdes femmesen
général:etcombiende sièclesmettrontnospetites-nièces ensuite
à contester
fondatrice?
cetteinsensibilité
Les politiques de l'un ou l'autre sexe ne tiennentpas
nécessairement leurspromesses, maistoutde même,en généralils en font,
ou du moins en faisaient-ils naguère.Or, voilà qu'on nous demande
carrément un chèqueen blanc,puisquenotreappuiest sollicité,alorsque
l'effortd'articulerdes propositions n'estpas consenti.Si propositionsil y
avait, au moins on pourraitjuger. Au moins les femmessusceptibles
d'exercerdes mandatsélectifsou ministériels engagéesà
se seraient-elles
quelquechose(quitte, EdithCressonet SimoneVeil ontsignéla
ensuite,...).
Déclarationd Athènes, qui énonceque "la démocratie imposela paritédans
la représentation et l'administration des À
nations". la bonneheure,maisà
quoi cela les engage,toutcomptefait?À continuer à êtreélues?Π faudrait
pouvoircroire,et de manièreaveugle,aux "effets de genre",c'est-à-direau
boutdu compteà unenatureféminine forcémenten phaseavec les besoins
nécessairesde toutesles femmes,pourimaginerqu'un pouvoirpolitique
mixtemoitié-moitié forcément
remplirait notreattente.Surtouten France,et
dansunmicrocosme aussiréduitquele PalaisBourbon.
La plusgrosseassociationde femmes, en France,c'est l'Action
Catholique Générale Féminine - 35 000 adhérentesaux dernières
nouvelles.Voilà un groupecomposéexclusivement de femmes, qui, surla
question des droits n'a
reproductifs, jamais ditautrechose que Vaticanet
le
la hautehiérarchiecatholique.Vousmedirezque ces damessontréunies par
un principeconstitutif,qui estjustement l'obéissanceà l'autoritéromaine.
Mais ce que montre précisément ce mauvaisexemple,c'estque le genreest
une donnéeplus faibleque le principede constitution d'une association.
Vouspouvezréunir autantde femmes que vousvoudrezdansuneassociation
ou une instance quelconque: si le principe d'adhésion renvoie
essentiellementà unediscipline,d'Égliseou de parti- ornos camaradesde
la pariténe mettent pas en questionla discipline de partiqui estla leur-
vousaurezautantde femmes disciplinéesqu'il y a d'adhérentes,etpersonne
n'aurarienà y gagner.S'il estpossibleà l'Église Catholiqueen Francede
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la troisième,
tirer, "et pas de projetpourl'avenir",ah! la troisième estune
hypothèse sévère: et s'il étaitau-dessus des forcesdes socialistesde faire
mieuxs'ils revenaient au pouvoir? Plusrienà dire,maisle thèmede la parité
pourcacherle rien.Rocaid a entériné (pourles Européennes, s'entend)la
parité.La paritéetquoi?Eh bien,la parité.La paritéetriend'autre,la parité
à la place de toutle reste,et l'on regrette de constaterque Gisèle Halimi
trouvele mêmetourde passe-passecommode:elle a entrepris unedémarche
auprèsdu Président de la Républiquepourlui demander une réforme de la
constitution en ce sens,elle est allée aux Européennes arméede ce mot
d'ordre,maistoutce que l'Europepourrait fairequantà nosdroits, toutesles
-
lacunes de Maastricht dontelle a su quelque chose au momentdu
référendum - pfiff toutcela s'estévaporé.La paritéà la française, ce n'est
pas pourfairemieuxentendre telleou tellerevendicationprécise,encore
-
moinspourla faireaboutir c'est à la place."Soutenez-nous eton ne vous
prometrien":si nous acceptonsun pacte aussi léonin,nous avalisonsla
désinvolture avec laquelleles politiquesde l'un etl'autresexenoustraitent,
eux et elles qui nous considèrent commejustebonnesà les soutenir, pour
rien.Cela reviendrait aussià accepterl'effacement actueldu politique,pire
encore:sonexténuation absolue16.
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ON FERME!
La problématique du mouvement pourla paritéestporteuse d'un
effetde clôturevoire de forclusion,que je trouveflagrantdans la
contributiond'ÉlianeViennot.Quandelle dit"unrégimequi empêche,dans
les faitssinondans les textes,l'accessionau pouvoirde la moitiéd'une
nationn'estpas unedémocratie", il y a déjà un glissement entre"la moitié
d'une nation"ou du corpsélectoralet la moitiédes instancesde pouvoir.
Mais quand elle qualifie le partagedu pouvoir politique (dans les
assemblées)de "une des dernières grandesbataillesencoreinscritessur
l'échéancierde la 'libération
des femmes'", on entend, outrela difficultéà
nommer notrelibération
sansguillemets, uneespècede bruitde fond,comme
celui qui annoncel'heurede la fermeture... "Une des dernièresbatailles
encoreinscrites"...
Françaises,encoreuneffort, etaprès,on ferme!Similaire,
un peu différent mais finalement du mêmeordre,est l'argument que j'ai
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L'INCONNUE DU XX
Par contraste, on doitsouligner l'extrêmemodération du propos
de FrançoiseGaspard:"La paritén'a pas pourobjectifde faireque des
femmesdansles assembléesreprésentent les femmes....La conquêtede la
égalitédesfemmes
stricte etdeshommesdansles assemblées, qu'ellessoient
nationalesou locales,est symbolique et ses effetspeuventêtreimportants
socialement"Là, au moins, on est dansle registredu "on ne vous promet
rienet on vous le dittoutde suite"!Mais alors,on ne comprend plustrès
bien.Si les femmesparlementaires ne représententpas les femmes, comme
parailleursles hommesparlementaires ne nousreprésentent pas nonplus,et
je croyaisque c'étaitlà le problème,nous sommes donc ramenées à l'idée
que, avec ou sans parité,de toutemanièreles femmesne serontjamais
représentées.Π nousreste,pourtoutpotage,le symbolique et les effets qui
être
"peuvent importants socialement".Le possible,accroché de surcroît à
uneréforme constitutionnellepourle moinshypothétique.
Car,sans doute,les effetsd'une paritépeuventêtreimportants,
maisbien,et seulement, surle modede l'éventuel, qui n'estpas certaindu
tout.On peut en juger a posteriorisur une situationpolitique"réelle".
L'Angleterre ayantconnu,à la findu xixesiècleet au débutde celui-ci,un
mouvement nombreux, radicalet sociologiquementtrèsdivers,exigeantle
droitde votepourles femmes, les Anglaisesayantobtenuce droit,dansles
premières années du siècle,pource qui est des électionsmunicipaleset
cantonales,et à la finde la Première GuerreMondialepource qui est des
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UN PEU DE PHILOSOPHIE
La représentation se diten au moinsdeuxsens;l'un estde l'ordre
du spectacle(représentationthéâtrale),l'autreestjuridiqueou politique.En
ce second sens,une personnepeut agirpour une autreen vertud'une
délégationd'autorité dûmentconférée, et cela est vrainon seulement des
individu-e-sque l'on ditnaturel-le-s(vousou moi)maisaussides personnes
morales,fictives,collectivesou artificielles:une firmejuridique qui
représenteune compagniecommercialequelconque,sa cliente,est une
personne moralequi en représente une autre,et dansce cas on esttrèsloin
des individu-e-sque,parcontraste, on appellenaturel-le-s.
Mais le contraste
n'estpas si net:quandvous ou moi déléguonsun pouvoird'agiren notre
nom,nous nous conduisonscommedes "personnes", des êtresjuridiques
relevantde la mêmecatégorieque les personnes morales,non commeles
êtresvivantsou les individu-e-sconcrets, pardéfinition nonsubstituablesles
unsaux autres,que nous sommes. Votre voisin de ne
palier peutpas assister
à uneréunion de locataires,il vousconfie,à vousqui êtesuneindividue par
définition
distincte de lui,un pouvoirpourle représenter. L'acte mêmede
délégationprésuppose que lui et vous soyez,en cetteaffaire, de purssujets
juridiques,sans qualification particulière,car, si vous pouvez représenter
votrevoisin de palier,vous ne sauriezen revanchel'incarner,ce que
personne,au reste,ne vousdemande:l'actejuridiquede délégation suppose,
commeje l'ai expliquéailleurs, unecésureentrele "je" etle "moi",un"je ne
suispas ce que je suis"25,doncunepertedu concretde ce qu'on est,dans
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strictes
de similitude, visantà faireillusionde présence:le sexe,d'abord,
sans doute,puis l'âge, η y a encoreun quartde siècle,il pouvaitarriver
qu'unefemmede cinquante ansjoue Juliette
ou Chimène, maisdéjà il y a un
quartde sièclecela ne "passaitplus",les critiques la chose,et il
critiquaient
étaitclair que l'idée d'une coïncidenceaussi exacte que possible des
de la comédienne
caractéristiques avec ceuxdu rôleétaitdevenuela norme.
Les gros plans du cinéma et de la télévisionont achevé de rendre
incontournablel'exactitudedansl'illusionthéâtrale.
La situationactuellede la notionde représentation nousinviterait
dès lorsà mieuxdistinguer deuxnotionsde représentation: l'unejuridique,
qui esten faitdélégation d'unpouvoirprécissurtelsujetavecmandat(sans
que quiconqueprétende incarner qui que ce soit);l'autrethéâtrale,qui joue
surl'illusiond'uneprésencequasi réelleet surl'identité. On peutprendre
actedu faitque le contrasteentreles deuxs'estcreuséau coursde l'histoire,
etque désormais on a en faitdeuxidéesde représentation qui se superposent
mal. Mais, dans cettedualité,où faut-ilmettre la représentation politique
aujourd'hui? du côtédu modèle juridiqueou du côté du théâtre?Or voilà que
toutà coup,la superposition du schemejuridiqueet du schemethéâtral se
et
retrouve, plus que jamais, avec toute sa gamme de malentendus ou de
manipulations la
possibles, représentation théâtrale politiqueétantsusceptible
d'escamoterla questionjuridico-politique, pourtantessentielle,de la
délégation sur base de mandat. Le politique est lieu d'une double
représentation,où l'une,qui n'est pas la meilleure, tendà l'emporter sur
l'autre.
AU THÉÂTRE CE SOIR
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qui compte,ce n'estpas ce que Ton fait,les dossiersque Ton ouvreou que
Ton reprend,mais commenton apparaît("sympathiqueaux jeunes",
aux vieillesdames","énergique","forcetranquille"),il est
"irrésistible
inévitableque l'exercicede ce genrede fonctions produise, mêmechez des
gens normalement constitués au départ,des attitudesdélirantes.Π a été
de la
délirant, part de la gauche, de s'aliéner
unemouvance féministequi est
bien plus largequ'il n'y paraît,et de se l'aliénerpour rien,finalement
Apporter des retouches à la loi Veil (parexemple)ne lui auraitriencoûté,et
lui auraitpermisde conserver l'estimed'un bon nombred'électriceset
le déliredespolitiques,
d'électeurs: ça nousconcernedoncetde près.
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L'IDENTIFICATION
La délégation maintient d'uncontrôle
la possibilité parl'instance
déléguante, etd'unereconduction ou d'unretrait du mandat, selonle rythme
crééparle calendrier ce est
électoral, qui peu mais toujoursça. Mêmesi ce
contrôles'exercerarement dansde bonnesconditions, il constitue quelque
chosedonton n'a aucuneraisonde se priver. Surtout au profitd'unprincipe
"symbolique", dit FrançoiseGaspard,"hautement symbolique", renchérit
Éliane Viennot,principequi créeraitenfinune "adéquationdes images
renvoyées à un peupleparsa classepolitique", et permettrait
précise-t-elle,
de rompre,enfinaussi, "avec l'équation 4femmes=victimes, exclues,
minorisées, appropriées',qui est opérante comme analyseconceptuelle et
politique,maismortelle commeproductrice d'identifications".Miséricorde!
si Éliane Viennotnous livreici le fondde sa pensée,non seulement elle
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QUANT AU PHOTOCOPILLAGE _
Avantde conclure,abordonsun pointde moindreimportance,
maisagaçanttoutde même.F. Gaspardditque l'auteurede L'Étudeet le
rouet,un ouvragequi "débouchenotamment sur une exigencede mixité
parfaitedans l'administration
publique","curieusement, n'évoque pas les
assembléesélues".J'aidéjà indiquéque c'est faux,maisil fautcompléter:
"Tiens?etmaintenanton reconnaît qu'on a lu monbouquin?".Quel progrès,
depuisAu PouvoirCitoyennes! ', qui passaitjoyeusement sous silence,et on
aimeraitsavoirpourquoi,une lecturepourtant décelablede mon travail.
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sansqu'un demi-million
nécessaire, soitrécolté- elles sont
de signatures
doncinfiniment plusà la portéed'unevolontéféministed'agirque toutce
que le mouvement la se
pour parité propose. Ce ne sera pas facile,
peut-être
mais au moinsun tel projet- que j'offreà qui veut,avec mes vœuxde
réussite- ne présupposepas d'avoirmis Paris en bouteillesavantde
commencer à changer
le réel.
FIDÉLITÉS
Si je metscetteidée horscopyright, alorsque la questiondu
copillagene me semblepas anodine,c'est qu'elle n'est jamais que la
recommandation d'êtrefidèlesà ce que nousavonsfaitensembleil y a 20
ans.Alorsque,quanddes idéessontreprises sansindication de provenance,
elles sontrégulièrement détournées d'environ180 degrés.Bien des choses
me tracassent dans ces gestesd'appropriation illicites.Tenez: Françoise
Armengaud (1993) dansN.QF., et DanielleFougeyrollas-Schwebel (1993)
dansFuturAntérieur ontnotéqu'untextede Boundieuavaitcopieusement
pompéle travaild'un certain nombred'entrenous,y comprisL'Étudeet le
rouet.Aucunedespluméesn'a pensé:
"Vousnousfaisiez,Seigneur,
En nouspompantbeaucoupd'honneur."
C'est désagréabled'êtrespoliée.Politiquement pariant,il est
insupportable que cela soitfaitpourmettre votretravailau serviced'une
pensée qui est justementaux antipodesde la vôtre - le message
fondamental de Bourdieuétanten l'occurrence: les féministes sonttellement
arriéréessur la questiondes rapportsde sexe (pensez donc, toutes
qu'il fautque je m'y mette,et j'en profitedonc pour
différentialistes)
une
reproclamer supériorité mâle. Π est trèsimportant
intellectuelle que
plusieurs d'entrenous aientremarquéque ladite supérioritéintellectuelle
renvoyait en faità des "emprunts" subreptices à des travauxde féministes
escamotées.Au moinsdeuxarticlesdénonçant le larcin,des conversations
qui sontallées bon traindansle milieuconcerné, c'est un début Jecrois
d'ailleursque ColetteGuillaumin a identifiédansle textede Bourdieudes
piratagesqui ont échappé à d'autres lectricessagaces:un de ces jours il
faudraitfaireunconcoursà qui endétectera le plus!
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NOTES
sonttirésdu Guardian,6 juin 1994.
1. Tous ces renseignements
2. J'ailaisséinachevéeuneanalysede Maastricht Commeje memetsmaintenant à
la rédactionde ce qui auraitdû êtrele secondvolumede L'Étudeet le rouet,vous
l'aurezsansdoutedansce livre.
3. SelonunsondagepubliédansEspace socialetreprissousformede notulegrosse
commeuntimbre poste(maisde collection)dansLibération du 18janvier1991,75
% desFrançaissontfavorables au remboursement de l'I.V.G.. Si vousajoutez,à vue
de nez, 15 % de radins,contrele remboursement maispourla liberté(il existedes
gens comme cela, j'en connais), vous pouvez risquerl'approximation suivante:
environ90 % des Françaissontpour la libertéde l'LV.G., et 75 % pour le
remboursement Un gouvernement etunparlement qui s'aviseraient le
de restreindre
principelégal de l'LV.G. se couvriraientde ridiculeséancetenante, auprèsd'une
énormeparuedu corpsélectoral:aucunparlement, aucungouvernement ne peutse
permettreune chose pareille.
4. Dans la salle d'attented'un cabinetmédicalcollectif, on trouveun paquetde
fichesd'information, disantceci: "Selon une étuderécente, parmiles femmesen
demanded'avortement, 70 % savaient[au moment du rapportsexuel]qu'il y avait
risquede grossesse(pas de contraceptionou uncondomdéchiré)."Et dansles 30 %
il fautcompter
restant, s'étaitfissuré.
cellesqui n'ontpas su que le préservatif "Si
toutescellesqui ontconscience du
sur-le-champ risque à
recouraient la contraception
d'urgence, au moins100000 avortements paran dansle seulRoyaumeUni seraient
évités."La ficheexpliquequ'on a 72 heurespourrecourirà la pilule dite du
lendemain, et5 jourspourse faireplacerunstériletde rattrapage.
Milleexcuses!
5. Jene saisplusde qui estla formule.
6. Exempleà ne jamais oublierles député-e-s communistes ontproposéde faire
passerle délailégalde l'LV.G. de dixà douze le
semaines; gouvernement socialiste
enarguant
a bloquél'initiative, ce
de qu'il ne faut
pas remettre
en causedes "délicats
équilibres"(voirinterview de MichelSapin,ministre de la justice,dans Projets
Féministes,n° 1,mars1992).
7. Voir,dansN.QJ7.,1994,vol. 15,n°2,pp. 75-76,l'appelde diversesassociations
féministes
contre de SimoneVeil.
le plan-famille
8. "Les femmesserontélectriceset éligiblesdans les mêmesconditions que les
hommes": selon FernandGrenier,telle est la formulation qu'il proposa à
l'Assembléeconsultativeprovisoire réunieà Algeren mars1944,au nomdu groupe
communiste. Selon lui, elle auraitservide base au décretinstituant
le vote des
femmes.Mes remerciements à Jean Llasera qui a découpé pour moi, dans
L'Humanitédu 25 mars1994,unpapierreproduisant uncourrier
de F. Grenierdéjà
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