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Nicolas Lémery e Seus Filhos Louis e Jacques Na Royal Academy of Sciences (2 Parte)
Nicolas Lémery e Seus Filhos Louis e Jacques Na Royal Academy of Sciences (2 Parte)
Abstract
The first part of our study of the activities of Nicolas Lémery and his sons Louis and Jacques at the Académie royale des
sciences began with a description of the structure of the Académie as a result of its reformation in 1699. Then we
explained how Nicolas Lémery performed his duties at the Académie beginning from 1699 until his death in 1715. In this
second part we are concentrating in a similar way on the activities of Nicolas’s son Louis for the Académie, where he was
a member from 1700 to 1743.
Résumé
La première partie de notre étude sur les activités de Nicolas Lémery et de ses fils Louis et Jacques à l’Académie des
sciences a commencé par une description de la structure de l’Académie après la réforme de son organisation en 1699.
Nous avons ensuite expliqué comment Nicolas Lémery a répondu à ses obligations à l’Académie de 1699 à sa mort en
1715. Dans cette deuxième partie, l’étude a porté sur les activités de Louis Lémery pour cette Académie dont il fut
membre de 1700 à 1743.
Catellani Patrizia, Console Renzo, Bonnemain Bruno. Nicolas Lémery et ses fils Louis et Jacques à l’Académie royale
des sciences (2e partie). In: Revue d'histoire de la pharmacie, 98e année, N. 371, 2011. pp. 351-370;
doi : 10.3406/pharm.2011.22344
http://www.persee.fr/doc/pharm_0035-2349_2011_num_98_371_22344
Louis avait de nombreux centres d’intérêt, dont l’un des premiers fut la
nutrition. Dans ce domaine, il écrivit très tôt, en 1702, un traité qui fait encore
référence, le Traité des Aliments (qui fut traduit en anglais et en italien) et un
autre ouvrage, la Dissertation sur la Nourriture des Os qui fut présenté à
l’Académie en 1704 et publié comme un traité à part la même année. La carrière
de Louis comme médecin fut brillante : il eut une longue carrière au célèbre
Hôtel-Dieu et pour la famille royale. Il eut aussi finalement le poste prestigieux
de professeur de chimie au Jardin Royal des Plantes, que son père Nicolas n’avait
pas pu obtenir. Louis était très assidu aux séances de l’Académie et prit la parole
à de nombreuses reprises. Après s’être concentré sur la chimie, il s’intéressa plus
tardivement à l’anatomie, et plus spécialement aux causes de la naissance de
monstres, c’est-à-dire de fœtus présentant de graves malformations. Louis présenta
aussi des études nouvelles concernant des sujets déjà travaillés par son père.
La proposition pour la candidature de Louis à l’Académie fut discutée le
3 février 1700. Comme on peut le voir dans le compte rendu de cette séance,
l’assemblée décida de présenter sa candidature au roi, mais sans que son père,
bien que présent, ne participe à la discussion. Ceci n’aurait pas été considéré
comme légitime. On peut lire dans le compte rendu du 6 mars 17002 : « M.r le President
m’a donné a lire a la Compagnie une lettre de Mgr. le Comte de Pontchartrain
qui luy est addressée et dattée de Versailles du 3. Mars 1700. Par laquelle il luy
mande que le Roy a agréé M.r Lemery le Fils pour eleve de M.r Tournefort. »
L’admission de Louis à l’Académie fut facilitée par toute une série d’événements.
Comme nous l’avons vu, le pensionnaire chimiste Bourdelin était mort et Nicolas
Lémery avait été promu pour le remplacer ; Geoffroy, l’élève de Homberg, avait
été nommé associé pour remplacer Nicolas ; on donna Berger, un élève de Joseph
Pitton de Tournefort, à Homberg comme élève ; et Louis entra à l’Académie
comme élève de Tournefort. Celui qui lut la lettre à l’assemblée fut (bien sûr) le
secrétaire Fontenelle, qui rédigeait aussi le compte rendu. À l’époque, le président
était Jean-Paul Bignon, membre honoraire, le neveu du comte Louis de Pontchartrain
(1643-1727), l’auteur de la lettre en tant que chancelier de Louis XIV. Le célèbre
botaniste pensionnaire Joseph Pitton de Tournefort (1656-1708) et Nicolas, le père
de Louis Lémery, étaient présents, mais Louis n’était pas encore là. Il vint pour la
première fois à l’Académie à la session du 10 mars suivant.
La première communication à l’Académie de Louis Lémery que nous avons pu
retrouver date du 29 mai 1700 et concernait quelques éléments extraordinaires observés
au cours d’une autopsie à laquelle Louis avait assisté. Bien qu’il soit officiellement
présent comme botaniste, il intervint pour sa première communication sur un sujet
d’anatomie. Cependant, moins de trois mois plus tard, le 18 août, il intervint sur un sujet
de botanique3 : « M.r Lemery le Fils a l’occasion du scorbut qui devient plus commun
en France qu’il n’etoit a donné une description et differentes distillations du Cochlearia,
qui en est un tres bon remede. » Un résumé donne ensuite quelques explications.
Nicolas Lémery et ses fils à l’Académie royale des sciences 353
Louis poursuivit l’étude des plantes contre le scorbut, comme nous le verrons,
mais on trouve d’abord une intervention de sa part le 16 février 1701 sur un sujet
de chimie. Le secrétaire nota4 : « M.r Lémery le Fils a lu un Discours sur les Eaux
minerales de Passy dont il a fait des Experiences tres exactes, sur lesquelles il
fonde differentes reflexions. » C’est la première intervention de Louis sur la
chimie qui sera son sujet de prédilection.
En 1702, Louis devint l’élève de son père. Nous allons montrer ici comment cela
s’est produit. Comme nous l’avons indiqué dans la première partie de cette étude,
à l’été 1702, Nicolas Lémery perdit son élève Adrien Thuillier qui mourut. Pour le
remplacer, il fut décidé que le meilleur candidat serait Louis, l’élève de Tournefort.
Cela signifiait qu’il fallait trouver un nouvel élève à Tournefort et l’assemblée
recommanda Pierre-Jean-Baptiste Chomel (qui fut par la suite associé botaniste).
Ces changements furent annoncés par le secrétaire au début de la session du
26 juillet 17025 : « J’ay lû à la Compagnie une lettre de M.r de Pontchartrain par
laquelle il mande à M.r l’abbé Bignon que le Roy a agréé M.r Chomel pour eleve
de M.r de Tournefort, et M.r Lémery Fils pour eleve de M.r Lémery. »
L’étape suivante pour Louis à l’Académie fut sa nomination comme associé
chimiste dix ans plus tard, et voici ce qui lui en donna l’opportunité : dans les
comptes rendus de la séance du 9 juillet 1712, on s’aperçoit que l’associé
chimiste de Langlade avait demandé à devenir associé chimiste vétéran car il ne
pouvait plus être un membre actif de l’Académie ; le roi accepta sa requête et
l’Académie chercha donc un successeur ; le 20 juillet, l’assemblée décida de
proposer au roi un successeur pour de Langlade ; le choix de la majorité, comme
le voulait la procédure du règlement, se porta sur Lémery le Fils et l’Apothicaire
Rivière. Dans le compte rendu du 3 août, on peut lire6 : « J’ay lû à la Compagnie
une lettre de M.r de Pontchartrain du 1.er Aoust, par laquelle il me fait l’honneur
de me mander que le Roy a choisi M.r Lémery le Fils pour la place d’associé
Chimiste […]. M.r Lémery qui manquoit d’eléve pour la promotion de M.r son
Fils a nommé à sa place M.r Lémery le Cadet. »7
La promotion de Louis signifiait qu’il n’était plus considéré comme botaniste
mais comme chimiste. Dès lors, Louis prépara et lut un grand nombre de
communications et mémoires pour l’Académie. Nous en verrons quelques-uns en
détail. Certains thèmes reviennent régulièrement, aboutissant à des séries de
mémoires. La plupart concernait la chimie, mais certains portaient sur l’anatomie
ou la physiologie. Trois ans plus tard, Louis atteignit le plus haut grade de
l’Académie en devenant pensionnaire chimiste à la place de son père. Comme
nous l’avons vu précédemment, début 1715, Nicolas avait demandé à se retirer
de la participation aux activités de l’Académie pour raisons de santé. Il fallait
donc le remplacer comme le prévoyait le règlement. On peut lire dans le compte
rendu du 13 mars 17158 : « On a procedé selon la forme ordinaire à la
nommination de trois sujects pour la place de Pensionnaire Chimiste vacante par
354 Revue d’Histoire de la pharmacie
– Fer (1706-1713)
Le premier sujet que Louis Lémery traite dans ses Mémoires concerne de nombreux
aspects de la chimie du fer : ses caractéristiques, sa présence dans la nature, là où on
ne l’a pas encore cherché, ses réactions chimiques, les prétendues productions
artificielles du fer, et comment il agit dans l’organisme en tant que médicament. Louis
était convaincu que le fer était un très bon remède contre plusieurs maladies. Il pensait
par conséquent nécessaire de clarifier autant que possible la nature du fer par des
expériences de chimie, qui auraient amené à des médicaments plus efficaces (bien que
Louis lui-même ne pensât pas créer de nouveaux médicaments).
Le premier et le second Mémoires furent présentés en 1706. Le premier était
intitulé Diverses Experiences et Observations Chymiques et Physiques Sur le Fer
& sur l’Aimant. Il fut lu au début de cette année-là et débute par ces mots18 : « Le Fer
est de toux les metaux le plus commun, & cependant celui qui merite d’avantage
l’attention des Physiciens & des Medecins. Les Physiciens trouvent dequoi se
occuper en considerant avec quelle facilité la matiere magnetique passe au travers
de ses pores, & les effets surprenans qu’elle produit sur ce metal; & les Medecins
ne peuvent assez l’étudier, puisqu’il est souvent un excellent specifique dans
plusiers maladies. […] Il est donc important de s’instruire le plus qu’il est possible
de la nature particuliere de ce metal, des differentes metamorphoses dont il est
susceptible, & de celles qui peuvent le rendre plus ou moins propre à produire de
bons effets dans nos corps. C’es dans cette vûë que j’ai fait un assez grand nombre
Nicolas Lémery et ses fils à l’Académie royale des sciences 357
peu, dans les plantes et que le fer trouvé par Louis venait des produits utilisés au
cours de son expérience par l’apport accidentel de fer dans ces processus. Louis
commence son Mémoire par un résumé de ce qu’il pensait avoir démontré dans
sa publication précédente. Il répond ensuite à une objection de Geoffroy à la
théorie de Louis Lémery. Geoffroy avait en effet déclaré qu’il avait créé du fer
artificiel à partir de plusieurs produits sans la présence de plantes, et que le fer
apparaissant par calcination des plantes avait été créé pendant le processus de
calcination. La réponse de Louis avait été que toutes les subtances utilisées par
Geoffroy pour son expérience étaient connues comme contenant déjà du fer.
Par conséquent Geoffroy n’avait pas créé du fer mais l’avait simplement extrait
des subtances mises en œuvre. « Je réponds donc que les matieres dont
M. Geoffroy se sert, & qu’il mêle ensemble pour la production de son fer
artificiel, sont toutes soupçonnées, & à juste titre, de contenir réellement du fer. »
Durant l’été 1707, Louis Lémery s’intéresse à une découverte qu’il avait faite
récemment sur le fer. Il publia un mémoire sous le titre Reflexions et Observations
Diverses Sur une vegetation Chimique du Fer, & sur quelques experiences faites à
cette occasion avec differentes liqueurs acides & alkalines, & avec differens métaux
substituez au Fer. Comme Louis l’explique lui-même, cette végétation chimique du
fer n’était pas une plante, bien qu’il parle d’arbre, mais un produit chimique créé pour
la première fois. Lisant les différentes façons de produire cet arbre, on peut
comprendre qu’il s’agit d’une cristallisation par évaporation d’une solution
concentrée de sel de fer, qui se développe dans un récipient, un verre conique. Après
une introduction dans laquelle Louis explique pourquoi les chimistes utilisent le
terme « arbre » pour des substances qui n’étaient pas des plantes, il décrit en détail
ce qu’il a fait pour obtenir plusieurs sortes d’arbre de Mars, et explique pourquoi
certaines expériences ont fourni de plus beaux arbres. Il explique également qu’il a
essayé d’autres métaux que le fer et d’autres solvants mais qu’aucun n’a donné ce
résultat à l’exception de l’argent avec le fameux arbre de Diane.
À la fin de 1708, Louis Lémery présenta un nouveau mémoire contre la théorie
de Geoffroy, sous le titre de Nouvel Eclaircissement sur la prétenduë production
artificielle du Fer, publiée par Becher, & soûtenuë par M. Geoffroy. Geoffroy avait
déclaré qu’en mélangeant l’argile à l’huile de lin, ou à l’huile de vitriol, ou à l’huile
de térébenthine, il avait obtenu beaucoup plus de fer que venant de l’argile seul, et
que par conséquent, ce fer a été créé en mélangeant l’argile et les autres substances.
Louis Lémery lui répondit qu’en plus du fer qu’on obtient facilement de l’argile,
qu’on pouvait en extraire plus grâce à l’action de ces huiles sur l’argile ; selon
Louis, cette explication était beaucoup plus simple que la théorie de Geoffroy qui
était inutile et douteuse. Nous pensons que Louis avait raison, car nous savons que
produire des éléments à partir d’autres n’a pas été possible avant le XXe siècle.
Au début de 1713, Louis Lémery présenta son dernier Mémoire sur le fer.
Ce dernier ne poursuit pas la discussion avec Geoffroy et se focalise sur l’usage
Nicolas Lémery et ses fils à l’Académie royale des sciences 359
médical du fer. Il s’intitule Examen De la maniére dont le Fer opere sur les
liqueurs de notre Corps, & dont il doit étre préparé pour servir utilement dans la
Pratique de la Médecine. L’objectif de l’auteur est surtout de démontrer les bons
et mauvais procédés de préparation des médicaments, qui peuvent permettre ou
empêcher au fer d’avoir ses propriétés thérapeutiques. À plusieurs reprises au cours
de ce mémoire, Louis considère que les eaux minérales ferrugineuses sont
d’excellents remèdes. Dans son mémoire, Louis indique que le fer est un excellent
remède pour plusieurs maladies, et en particulier pour les problèmes circulatoires.
Selon lui, le fer est un mélange d’une substance huileuse et d’un métal, et il est
facile à dissoudre. Cependant, il considérait que de nombreux remèdes à base de
fer étaient préparés de façon inadaptée par calcination, car cette opération détruit
la partie huileuse et ne laisse qu’un résidue insoluble inutile. À l’inverse, la limaille
de fer très fine est très intéressante car toutes les composantes du métal sont encore
présentes. Pour Louis Lémery, le fer est utile pour l’organisme de deux façons :
il donne de l’huile au sang et retire les sels de ce dernier.
Louis, qui n’oublia jamais qu’il était médecin, mentionna également l’usage
médical du vitriol, mais insista sur le fait que seul le vitriol à base de fer pouvait servir
à cet usage, car celui à base de cuivre pouvait être très dangereux. Son commentaire
(dans le résumé paru dans Histoire de l’Académie) est le suivant20 : « Le Vitriol pris
interieurement est d’un grand usage dans la Medecine, mais c’est celui dont la base
est le fer, car si le Cuivre y dominoit, il pourroit être tres dangereux. La noirceur
qu’une solution de Vitriol prendra par la Noix de Galle, & les differens degrés de cette
noirceur, feront reconnoître, s’il contient di fer, & s’il y a quelque mêlange de cuivre. »
Dans le second et le troisième Mémoires (1735-1736), Louis est spécialement
intéressé par l’analyse chimique de plusieurs vitriols naturels et plus encore par
celle du simple vitriol blanc et celle de deux vitriols appelés respectivement
Vitriol d’Angleterre et Vitriol d’Allemagne, afin de voir les différences entre eux.
Il expliqua que ces différences provenaient du fait que tous les vitriols contiennent
un alun mais en proportion variable, ce qui détermine leur couleur. Parmi les trois
vitriols, le vitriol blanc contient plus d’alun que celui d’Allemagne, qui lui-même
en contient plus que le vitriol d’Angleterre. Dans le plus tardif de ces Mémoires
(intitulé Second Mémoire sur les Vitriols, car Louis n’avais pas pris en compte
son premier Mémoire de 1707), on peut constater que l’auteur revient deux fois
sur sa recommandation de ne pas utiliser les vitriols à base de cuivre « dont on
doit toûjours redouter l’usage intérieur » et « où le Cuivre sur-tout est toûjours
suspect & à redouter ». Le principal objectif de son quatrième et dernier Mémoire
sur les vitriols et l’alun (1736) avait pour objet de répondre aux objections faites
à ses théories, mais ne présente que peu de nouvelles idées ou expériences.
À ce stade, Louis admet que tout le monde n’est pas d’accord avec son avis
concernant la matière du feu, car c’est en opposition avec des opinions répandues
sur la nature du feu. Louis continue ensuite en formulant des objections possibles
à sa théorie et les réfutant alors longuement une à une. Ce processus dialectique,
trop complexe à résumer, continue sur 15 pages jusqu’à la fin du Mémoire.
Un sujet important discuté en détail dans ce dernier est de savoir comment la
matière de feu émise par le soleil atteint la terre.
plus près la dissolution de différents sels dans l’eau et présenta trois nouveaux
mémoires sur ce sujet entre 1724 et 1727. Leurs titres sont Observation Nouvelle et
Singuliére Sur la Dissolution successive de plusieurs Sels dans l’Eau commune
(fin 1724), Second Memoire, ou Reflexions Nouvelles sur une Précipitation Singuliere
de Plusieurs Sels par un Autre Sel (printemps 1727) et Troisiéme Memoire ou
Réflexions Nouvelles Sur une Précipitation singuliére de plusieurs Sels par un autre
Sel (printemps 1727 également).
Tous ces mémoires reprennent le sujet de 1716 et ajoutent des observations,
expériences, remarques et conclusions avec force détails. Tout ceci ne contredit
pas les travaux précédents de Louis, et malheureusement nous n’avons pas ici la
place de résumer tous ces résultats de Louis.
– Nitre (1717)
En 1717, un débat eut lieu à l’Académie à propos de la nature du nitre. Selon les
dictionnaires modernes, le nitre est synonyme de salpêtre brut, c’est-à-dire
principalement du nitrate de potassium avec un peu de nitrate de sodium. Une des
questions que Louis Lémery et ses collègues cherchaient à résoudre était l’origine
du nitre présent en abondance sur terre, mais pas dans les mines. Le résultat de ses
études, au début de l’été 1717, fut présenté par Louis sous la forme de deux
mémoires, Premier Memoire sur le Nitre et Second Memoire sur le Nitre. Nous
avons ici repris quelques remarques qui apparaissent dans le résumé imprimé dans
l’Histoire de l’Académie. Les mines de salpêtre ou nitre n’existent pas, alors qu’il
en existe pour le sel gemme, l’alun, le vitriol et le soufre. On avait noté qu’après
l’avoir collecté, le nitre réapparaissait dans le même sol si on l’exposait pendant un
certain temps à un air froid et humide, comme cela peut se produire dans une cave.
On en avait conclu que la source de nitre était l’air chargé de petites particules
nitriques. Louis rejeta cette hypothèse en déclarant que ni l’air ni la terre n’étaient
la source de nitre, ce qui peut paraître paradoxal. Louis explique donc sa théorie :
il existe des plantes dont on extrait facilement du bon salpêtre. Les plantes
contiennent beaucoup de sel fixe et peu de sel volatil. Le principe du nitre, en
s’unissant au sel fixe, forme du salpêtre. Nous avons donc une source de salpêtre
naturel d’origine végétale. Le nitre a également une origine animale.
Contrairement aux plantes, les animaux ont très peu de sel fixe et beaucoup de
sel volatil. Quand le principe du nitre s’associe aux sels volatils, il se transforme
en sel ammoniacal nitreux, qui est extrait de la terre quand les animaux déposent
leurs excréments ou là où leurs carcasses se putréfient. Louis considère que tout
le salpêtre artificiel provient de cette source.
des Sels fixes. C’est une synthèse générale de ce que les auteurs, dont Louis lui-
même, ont publié à propos de la possibilité pour les sels fixes de devenir volatils
par un processus chimique. Dans certains cas, le sel volatil résultant n’avait
jamais été vu et c’était donc une découverte.
Dans son Mémoire, Louis décrit une expérimentation longue et complexe,
avec des résultats surprenants, déjà obtenus auparavant et reconfirmés plus
récemment, à base d’huile de tartre, le fer dissous et le sublimé corrosif. Pendant
cette étude, Louis fut étonné de l’odeur très acre d’un sel volatil d’ammoniac très
fort. Ceci le confirma dans l’idée qu’il avait créé un nouveau sel alcalin volatil.
À la fin de son Mémoire, Louis indique qu’il doit compléter son expérience et
qu’il le fera dans un avenir proche. Mais nous n’avons trouvé aucune trace d’un
mémoire ultérieur sur ce sujet à l’Académie.
premier Mémoire à l’aide d’une analogie23 : « Je suppose deux Edifices, qui ayent
à peu-prés la même forme exterieure, quoi-que construits avec des materiaux
differents & differemment arrangés les uns par rapport aux autres. Si pour découvrir
cette difference de materiaux, & leur arrangement different dans l’un & dans
l’autre Edifice, on s’avisoit de détruire chacun de ces Edifices, & d’en faire […]
une espece de décomposition ou d’Analise par le secours d’un agent actif &
violent, […] ne seroit propre […] par la force & la vivacité naturelle de son
mouvement qu’à les réduire […] en poussiere; dans cette espece de chaos […]
seroit-il bien possible de distinguer & de reconnoître la nature & la difference des
materiaux qui seroient entrés dans la composition de chaque Edifice ? Ne pouroit-
il pas même arriver que la poussiere resultante de la démolition d’un Edifice
paroîtroit semblable à celle de l’autre Edifice ? D’où l’on ne manqueroit pas de
conclure que les deux Edifices auroient été bâtis avec les mêmes materiaux, quoi-
qu’ils l’eussent réellement été avec des materiaux differents. »
Comme nous l’avons mentionné, ce Mémoire est très important pour ceux qui
s’intéressent à l’origine de la Poudre des Chartreux, mais nous n’avons malheu-
reusement pas la place ici pour le décrire en détail. Ceux qui peuvent lire l’an-
glais peuvent en trouver une présentation exhaustive dans le journal anglais
Pharmaceutical Historian en 200924.
– L’origine des monstres et la controverse avec Winslow (1724-1741)
Dès 1724, Louis Lémery montra son intérêt pour ce qu’on appelait des
monstres en présentant un Mémoire intitulé Sur un Fœtus Monstrueux.
Un monstre était un fœtus avec des anomalies anatomiques, allant de problèmes
mineurs n’affectant pas la santé des enfants qui survivaient, jusqu’à des
anomalies susceptibles d’engager le pronostic vital. Habituellement, les
chercheurs s’intéressaient aux fœtus humains mais la notion de monstres
s’appliquait aussi aux animaux et aux plantes.
En 1738, c’est-à-dire quatorze ans plus tard, Louis s’intéressa à nouveau aux
monstres comme l’indique la publication de deux Mémoires ayant pour titre
Sur les Monstres; Premier Mémoire, Dans lequel on examine quelle est la cause
immédiate des Monstres et Second Mémoire sur les Monstres, où il essaya
d’expliquer l’origine de ces monstres. À l’époque, les anatomistes savaient que
les animaux, y compris l’homme, provenaient d’œufs produits par les femelles et
fécondés par le sperme mâle. Mais il ne savait pas pourquoi les fœtus qui en
résultaient pouvaient présenter des malformations. Il en résulta un débat sur les
origines possibles de telles anomalies. Deux théories dominaient : ou bien on
considérait que ces anomalies étaient purement accidentelles, ou bien que les
œufs étaient anormaux dès l’origine et par nature. Louis Lémery était un ardent
défenseur de la première hypothèse, et son collègue Jacques-Benigne Winslow,
un anatomiste suédois actif à Paris et à l’Académie, était le plus ardent défenseur
de la deuxième thèse. Louis présenta six nouveaux Mémoires sur le sujet
en 174125, ces cinq premiers ayant pour titres Troisiéme Mémoire sur les
Monstres a Deux Testes, Dans lequel […] j’examine de plus près que je ne l’ai
fait jusqu’ici, la formation de ces Monstres par les causes accidentelles, Seconde
Partie du Troisiéme Mémoire sur les Monstres a Deux Testes, Dans laquelle on
examine les parties de la Poitrine & de la Région Épigastrique du Monstre dont
il s’agit particuliérement dans ce Mémoire, Derniére Partie du Troisiéme
Mémoire sur les Monstres a Deux Testes, Dans laquelle on examine les parties
ombilicales & hypogastriques du Monstre […], Quatriéme Mémoire sur les
Monstres, et Seconde Partie du Quatriéme Mémoire sur les Monstres. À la même
époque, Winslow, qui avait continué à écrire sur ce sujet, présenta un important
nouveau Mémoire intitulé Observations Anatomiques Sur un Enfant né sans
Tête, sans Col, sans Poitrine, sans Cœur, sans Poulmons, sans Estomac, sans
Foye, sans Ratte, sans Pancreas, sans une partie des premiers Intestins, &c.
Nicolas Lémery et ses fils à l’Académie royale des sciences 367
– Borax (1728-1729)
En 1728, Louis Lémery sentit que parmi les sels minéraux, le borax était l’un
des produits insuffisamment connus en raison de la difficulté des chimistes pour
l’analyser. Louis réalisa par conséquent un grand nombre d’expériences et, en
1728-1729, décrivit ses méthodes et ses résultats dans deux longs Mémoires
intitulés Experiences et Reflexions sur le Borax ; D’où l’on pourra tirer quelques
lumieres sur la nature & les propriétés de ce sel, & sur la maniere dont il agit,
non soulement sur nos liqueurs, mais encore sur les métaux dans la fusion
desquels on l’employe ; Premier Mémoire, et Second Mémoire sur le Borax.
On peut donner un résumé des conclusions qualitatives de Louis à partir de ses
Mémoires. Dans son premier Mémoire, et au début du second, il indique que le
borax absorbe les acides minéraux et végétaux et forme avec eux des sels ; qu’il
s’agit de vrais sels alcalins naturels, qui existent sans être synthétisés,
contrairement aux sels alcalins ordinaires obtenus chimiquement ; que l’action
du borax sur les acides est différente de celle des sels alcalins ordinaires sur les
368 Revue d’Histoire de la pharmacie
mêmes acides, et que le borax n’est pas naturellement volatil et résiste à un feu
intense qui serait suffisant pour évaporer les sels les moins volatils ; et que le
borax contient une substance grasse que l’on ne trouve pas uniquement dans les
sels impurs extraits de la terre, mais aussi dans les sels purs obtenus par procédé
chimique. La partie finale du second Mémoire contient de nombreux autres
détails résultant des observations de Louis au cours de ses expériences, avec
également de nombreuses considérations qui pouvaient les expliquer.
Ovale. Second Mémoire Dans lequel on fait voir qu’on ignore le premier & le
principal usage du Trou ovale, & de quelques autres parties qui ne se trouvent, ou
qui n’ont de function indispensablement nécessaire que dans le Fœtus; Que si ce
premier usage du Trou ovale n’eût pas tant tardé à se faire connoître, il eût prévenu
& empêché toutes les contestations qui se sont élevées à la fin du dernier Siécle, &
dans celui-ci entre de célébres Anatomistes de cette Académie & de l’Europe, sur
la Circulation du Sang dans le Fœtus : Qu’enfin il y a lieu de croire que la
découverte de ce premier usage, dont on va faire part à l’Académie, terminera
toutes ces contestations, & décidera la question qui y a donné lieu.
Le long titre du second Mémoire explique bien pourquoi Louis était convaincu
du fait que l’Académie devait divulguer les informations connues sur ce sujet.
Aujourd’hui, nous savons que le trou ovale est une ouverture du septum entre
l’oreillette droite et l’oreillette gauche du cœur fœtal, présente chez le fœtus, mais
normalement fermée peu après la naissance. La fonction de cette ouverture est de
permettre un passage du sang qui, autrement, irait aux poumons du fœtus. La plus
grande partie du sang de l’oreillette droite du fœtus va dans l’oreillette gauche à
travers le foramen ovale. Après la naissance, l’ouverture se ferme quand le
nouveau-né respire pour la première fois et que la circulation pulmonaire se met en
route. La compréhension qu’en avait Louis Lémery était la même que ce que nous
connaissons aujourd’hui.
Notes et références
1. Transcrits dans les Procès-Verbaux, puis publiés dans L’Histoire de l’Académie royale des
sciences. Les éloges des académiciens morts récemment, en accord avec l’idée du président
Bignon, étaient lus par le président au cours de la première des deux séances publiques après leur
mort (c’est-à-dire immédiatement après Pâques ou le jour de la Saint Martin).
2. Procès-Verbaux - Académie royale des sciences, tome XIX, 1700, f 101r.
3. Note 2, f 340r.
4. Procès-Verbaux - Académie royale des sciences, tome XX, 1701, ff 61v-69v.
5. Procès-Verbaux - Académie royale des sciences, tome XXI, 1702, f 295r.
6. Procès-Verbaux - Académie royale des sciences, tome XXXI, 1712, ff 301rv.
7. M. Lémery le Cadet était bien sûr Jacques, le deuxième fils de Nicolas. À propos de
Jacques, nous verrons que la proposition de Nicolas fut ensuite recommandée par ses collègues au
roi, et que Jacques devint ainsi également membre de l’Académie.
8. Procès-Verbaux - Académie royale des sciences, tome XXXIV, 1715, f 51r.
9. Note 8, f 63r.
10. Procès-Verbaux - Académie royale des sciences, tome XXXVI, 1717, ff 139rv.
11. Histoire de l’Académie royale des sciences - Année M.DCCXLIII, Paris, Imprimerie
Royale, 1746.
370 Revue d’Histoire de la pharmacie
12. Marie-Anne devint cependant reine plus tard, en se mariant au roi Joseph I de Portugal.
Ils eurent trois enfants.
13. Procès-Verbaux - Académie royale des sciences, tome LXII, 1743, p. 259.
14. Note 11.
15. Contrairement, par exemple, au Traité de l’Antimoine de son père Nicolas.
16. Histoire de l’Académie royale des sciences - Année MDCCII, Paris, Gabriel Martin, Jean-
Baptiste Coignard, & les Frères Guérin, 1743.
17. De laquelle nous disposons de l’édition suivante : L. Lémery, Traité des Aliments,
2e édition, Paris, Pierre Witte, 1705.
18. Histoire de l’Académie royale des sciences - Année MDCCVI, Paris, Jean Boudot, 1707.
19. Note 18.
20. Histoire de l’Académie royale des sciences - Année MDCCVII, Paris, Gabriel Martin, Jean-
Baptiste Coignard fils, H. Louis Guérin, 1730.
21. Histoire de l’Académie royale des sciences - Année MDCCIX, Paris, Jean Boudot, 1711.
22. Histoire de l’Académie royale des sciences - Année M.DCCXI, Paris, Imprimerie Royale, 1730.
23. Histoire de l’Académie royale des sciences - Année MDCCXIX, Paris, Imprimerie Royale, 1730.
24. P. Catellani et R. Console, « A Chronological Outline of the History of the Poudre des
Chartreux, or Carthusian Powder, or Mineral Kermes - Part Two »; in Pharmaceutical Historian,
2009, 39 (4), p. 50-59.
25. Bien qu’imprimés dans le volume de l’Histoire de l’année 1740 (publié en 1742), ces
Mémoires furent présentés à partir d’août 1741.
Résumé
Nicolas Lémery et ses fils Louis et Jacques à l’Académie royale des sciences (2e partie) – La première
partie de notre étude sur les activités de Nicolas Lémery et de ses fils Louis et Jacques à l’Académie
des sciences a commencé par une description de la structure de l’Académie après la réforme de
son organisation en 1699. Nous avons ensuite expliqué comment Nicolas Lémery a répondu à ses
obligations à l’Académie de 1699 à sa mort en 1715. Dans cette deuxième partie, l’étude a porté sur
les activités de Louis Lémery pour cette Académie dont il fut membre de 1700 à 1743.
Summary
Nicolas Lémery and their sons Louis and Jacques at the Académie royale des sciences (2e part) –
The first part of our study of the activities of Nicolas Lémery and his sons Louis and Jacques at
the Académie royale des sciences began with a description of the structure of the Académie as a
result of its reformation in 1699. Then we explained how Nicolas Lémery performed his duties at
the Académie beginning from 1699 until his death in 1715. In this second part we are concentrating
in a similar way on the activities of Nicolas’s son Louis for the Académie, where he was a member
from 1700 to 1743.
Mots-clés
Académie royale des sciences, XVIIe siècle, XVIIIe siècle, Louis Lémery, Nicolas Lémery, chimie,
pharmacie, Louis XV.