Le prophète Schotaib était du nombre des enfants d'Abra-
ham , non par Isaac ni par Ismaël, mais par Madian. Son nom est Jethro en hébreu et Schdatl en arabe. Il était fils de San eoun, fils (YAnkà, fils de Madian, GISd'Abraham. Sa mère descen— dait de Loth. Quelquegpersonnes disent que Schoeaïb n'était pas du nombredey enfants d'Abraham, mais descendantd'un homme qui avait cru à Abraham, au pays de Babylone, et qui, lors de l'émigration d'Abraham, avait été en Syrie avec ce prophète. Schoeaib était aveugle, et aucun prophète n'a été aveugle excepté lui. Malgré sa cécité et sa faiblesse, lorsqu'il reçut le don de prophétie, il ne craignit pas que son peuple le fit périr. Scho caib était extrêmement éloquent, et avait la repartie prompte. Notre prophète l'a appelé leprédicateurdesprophètu, à cause de l'excellence des paroles qu'il dit son peuple. Scb(faïb était un prophète revêtu du caractère d'apôtre, et il habitait une ville dont le oom est Madian, située en Syrie. Cette ville existe encore aujourd'hui ; c'est un lieu agréable, plein d'arbres et de verdure. Dieu donne au peuple de Schoeaib le nom d'Aéhdb-al-Aika quand il dil : rLes habitantsde la forêt ont accuséde men- pesongeceux qui ont été envoyésde Dieu, lorsque Schoeaib rleur dit : Est—ce que vous ne craindrez pas Dieu?' (Sur. XXVI,vers. 176.) Or le mot aika, qui se trouve dans ce verset, signifie en arabe la même chose que ghaidha, c'est-à-dire un bois agréable. 268 CHRONIQUE DE TABARI. Dieu avait donné aux habitants de la forêt des richesses considérables. Ces gens adoraient les idoles et avaient des balances et des mesures fausses. Chaque homme possédait deuxbalances et deuxmesures ; les unes pour acheter, elles étaient plus fortes; et les autres pour vendre, celles-ci étaient plus faibles. Ils avaient des dirbems qu'ils donnaient par compte et non au poids; et tous ceux qui donnaient ces dir- hems en Ôtaient quelque peu, mais de manière qu•on ne s'aperçot pas que le dirhem avait perdu de sa valeur. MoChammed-ben-Djarirdit dans son ouvrageque les habi- tants de Madian et ceux de la forêt sont deux peuples diffé- rents, vers lesquels Scho caib fut envoyé en qualité de prophète ; mais cette assertion est inexacte. Les savants, les auteurs de commentairesdu Coran, d'histoires et de chroniques , nous apprennent que les habitants de la forêt étaient tous des Madianites, et c'est la vérité. Ne vois-tu pas que Dieu, quand il parle des Madianites, les désigne comme falsifiant les ba- lances et les mesures? Il dit : r Nous avons envoyé vers Madian Yleur frère Schoeaib, qui dit : mon peuple, servez Dieu; Nvous n'avez pas d'autre Dieu que lui. Déjà une démonstra- r tion manifeste vous est venue de la part de votre Seigneur; rrcndcz donc justes la mesure et la balance. m(Sur. VII, vers. 83.) El, d'autre part, Dieu dit encore: rLes habitantsde la rforêt ont accusé de mensongeceux qui ont été envoyés de rDieu, lorsque Schoeaib leur dit : Est-ce que vous ne crain- rdrez pas Dieu? Je suis pour vous un envoyé fidèle : craignez YdoncDieu, et obéissez-moi.Je ne vous demande pas de ré- rcompensepour ce que je vousdis. Je n'attends ma récom- ypengeque du Seigneur de toutes les créatures.Rendezjuste pelamesure, et ne soyez pas de ceux qui retranchent quelque e.chose.Et pesezavec une balance (Sur. xxvt, vers. 76 PARTIE 1. CHAPITRE LXVI'. et suiv.) Il est évident, d'après cela, que les Madianites et les habitantsde la forêt n'étaient qu'un même peuple, et qu'ils vivaientdans le méme pays. Nous voyons par le Coran que appela peuple Dieu, et, dans les discussions qui s'élevèrententre Scho•aïbet lesMadianites,il à toutce que ceux-cilui dirent. On lit dans le Coran : RNOus •avonsenvoyé vers Madian leur frère Schocaib,etc. Parmi Madianiles, la une crurent et les autres ne crurent point. IRShabitants de la Syrie, ayant eu connaissance de la mis- ston prophétique de Scho taib , accoururent de toutes les villes , pourle voir et entendre sa parole. Es Madianites se plaçaient surle chemin , eŒayaient tous ceuxqui entraient dans la ville pouraller voir Schotaib,et disaient: Prenezgardeà ne point croireà Schocaib, car il est insensé, et il trompe les hommes ave des paroles.Sehoeaibdit aux Madianites,commeon le roit dans le Corau : Ne vous tenez pas Sur chaque roule, el n'effr•ayez pas les hommes. Ne détournez pas de la droite voie elui qui croit à Dieu. Ap*s cela , Schoraib rappela aux Madia- nites bienfaits de Dieu, en disant, comme on le voit dans le Coran (sur. '11, vers. el suiv.) : r Rappelez—vous que vous métiezun petit nombre, et Dieu a multipliévotrerace.' Et *ho eajb menaçait les Madianites des mêmes châtiments que Dieuavait infligésaux peuplesqui étaientavanteux. leur disait; Et voyezquelle a été la Gude ceux qui oul rait le sur la terre. C'est-à-dire: Considérezles hommes qui ont été avant vous et qui ont fait le mal Sur la terre; voyez ce qui leur est enfin arrivé, et la manièredont Dieu les a dé— truiu, commele peuple de Noé, le peuple de lloud, le peuple de Çâli'h et le peuple de Loth. Ensuite Sch(faib fortifiale Cœurdes fidèles qui n'avaient point cru aux paroles des Ma— 'hanites,et il leur dit : Si une partie d'entre vouscroit h la 270 CHRONIQUE DE TABARI. chose pour laquellej'ai envoyé, et si Vautre partie n'y croit , attendezpatiemmentjuM1u'àce que Dieu juge entre nous, car il est le meilleurdes juges. test-à-dire : Si une partied'entre vouscroità ma parole,qu'ils prennent patiencejusqu'à ce que Dieujuge entre moi, vous et les autres. Quand Dieuvoudra,il lesfera périr et nous daivrera d'eux.Onvoitdans le Coranque les grandset les principaux d'entre les Madianites dirent Schoeaib : 1) Schocaib,nous te chasseronsde cette villeavectous ceuxqui Ontcru à ta pa- role , afin que toi et eux vousreveniezà notre religion. Schoeaib répondil: Jamaisaucunde nousne retourneraà votrereli— gion; si nousy retournions, nousserionsmenteursà l'égard de Dieu.Nousavonsdit : Il a pas d'autreDieuque lui, et après œla nous deviendrionspolythéisteset nouspren- drionsun autredieu! Nousne devonspas retournerà votre religion, excepté par la volonté de Dieu. Si vous nous chassez de la ville, nous avonsconfianceen Dieu. dit encore : Seigneur,prononceavecjusticeentrenouset ce peuple: tous Ceuxd'entre nousqui sont dans la droitevoie, prête- leur ton secours;et tousceuxqui sontégarés,fais-lespérir. Tu es le meilleurde tousICSj.. Ensuiteles grandsd'entre le peuple de Schoeaibcontinuèrent d'effrayerles petits en disant : SI vous obéissezà Schocaib,il vousen arrivera mal, car vous abandonnerez la religion de vos pères et de vosaïeux, et nous YOUS de la villepour toujours: vous serez Chasserons contraints de renonœr à votre pays et à vos possessions, et voussouffrirez du dommagedans votrereligionet dans vos biens temporels.Malgréces défensesque les grands faisaient au peuplerelativementà Schoeaib,eclui-ciappelaittoujoum à DieulesMadianites,et leur disait,mmmeon le voitdans le. Coran (sur. XI,vers. 86 et suiv.) : ftNe commettez pas le PARTIE 1, CHAPITRE LXVI'. *mal sur la terre de Dieu, pour écarter et détourner les créa- tores de la voie de Dieu; et ne vous servezpas de fatsses ba- r lances et de faussegmean•es. Ce qui vous est réservé auprès 'de Dieu vaut mieux pour vous, si vous êtes croyants. C'est- à-dire: Lorsque, méprisant votre petit gain, vousrendrez justes vosbalanceset vosmesures,Dieuvousdonneraunerécom- et bénira ce que vous possédez; et, par cette récompense deDieu et cette bénédiction, biens que vouspossédezseront augmentés, tandis que Ceque vous volez est peu de chose.Ils lui répondirent: Schoeaib, notre religionne dit pas ce que tu nous Nousne renoncerons pas au culte de ces idoles que nos adorées,et tu ne nous empêcheraspas de faire, au sujetde nos biens, tout ce que nous voudrons: si nous le voulons,nous donnerons peu, et si nous le voulons, nous donne- ronsdavantage.Tu es un hommedouéd'intelligence et qui suit la droite voie. Orcesparoles étaientuneffet de leur ignorance; ilslesdisaient à Schoeaibpar moquerie,commeon dit à un hommegans intelligence, Tu es un hommedatingué, et à un hommeauquel on veut reprocher sa mauvaise conduite, Tu a bmmequi tuil le droitcEn : et cela par manière de moquerie.Schoeaibdit aux Madianites: Qu'en pensez-vous ? Si jai un titre authentique de ma mission, de la part de mon maitre,et m'est échu un sort heureux, cn fait des biens de cemonde, sort qui vient de lui, puis-je ne pas accomplir missionqu'il m'a donnéeet me dispenser à ses ordre?Je ne veuxpas, en vouséloignant des chosesque je 'Ousdéfends, m'en réserverpour moi•même la jouisance aclusive. lorsque les Madianites dirent à Schotaib, Reviens à notre religion, il répondit, Je ne le pourrai pas, car vous dis : Yadorezpag les idoles, je vouginterdis cette adoration. Com- 212 CHRONIQUE DE TABARI. après cela, m'ordonnez-vousde faire ce que je sous (lélònds?Schocaibdit encore, comme on le voit dans Coran : Tant. que je le pourrai, je m'appliquerai au bien. vient de Dieu. Je me confie en Dieu et je tourne 111011 rs lui, afin qu'il me garde des choses dont vous Ille faites l". mon peuple, n'allez pas encourir le châti- ment liar Illimitié pour moi et par oppositionh ma personne. P11issit•z-v011S n'être pas atteint du châtimentqui a atteint le 06, ou le peuple de Houd, ou le peuple de Çàli'li, 011le peuplede Loth, qui n'est pas éloigné de vous. Ce qui est arrivé à ce peuples vousarrivera. Ensuite Schocaïb (lit Itnplorezla clémence de votre Seigneur et retournez à lui. (('.erles,mon Sei eur est miséricordieuxct aimant. Les Madianites dirent . Schocaïb, nous ne savons pas ce que lu dis. Et ils le savaient;mais ils disaient cela par mépris. lorslluequelqu'un parle, que tu sais ce qu'il dit, et que til cependaut te moquer de ses paroles et les mépri- SPI', 111(lis : .le ne comprends pas tes discours. Les Madianites ajoutaient : Nous voyons que tu es faible au milieu de nous. En , SchoCaibétait aveugle et faible , quoique très-éloquenL Les Madianites dirent encore à Schotaib : Si ce n'eût été ta cerfes nous t'aurions lapidé. C'est-à-dire : Si ta fa- lilille et les tiens n'étaient pas si nombreux, nous te lapide- rions. Et ils ajoutaient : Tu n'es pas respectable pour nous; mats a causedes tiens nous t'honorons. Scho«aibdit : mon peuple, est-ce que mes proches sont plus dignes de respect pour vousque Dieu? Vous ne placez Dieu qu'après eux, et vousne pas Dieu, tandis que vousvousinquiétez des hommes ? Dieu sait ce que vous faites. Schoeaib dit encore : r0 peuple, agissez selon votre condition, et certesj'agirai la niienne.m (Sur. 11, vers. 95 et suiv.)Ces paroles ne PARTIE 1, CHU'ITRE LXVII. 273 sont point un commandement, mais une menace. Schoeaïb ajouta : Vous saurez bientôt gur qui tombera un châtiment qui le couvrirade honte, et qui est menteur. Attendez l'événe- ment, certes je l'attendrai avec vous. Les Madianites répon- dirent : On t'a ensorcelé, et tu es devenu fou et un homme qui parle trop. Tu es un homme semblable à chacun de nous ; et pourquoi Dieu t'aurait-il accordé le don de prophétie, et ne nous l'aurait-il pas accordé? Nouspensons que tu mens; si lu dis la vérité et que tu sois prophète, fais tomber une por- lion du ciel sur la terre, afin que nous voyionsque tu es un prophète de Dieu. Scho taih abandonna les Madianites à Dieu , et il dit : Dieu sait ce que vous faites. Or, dans le Coran, Dieun'a parlé d'aucun prophète qui ait eu avec son peuple autantde discussionsque Schoeaib, et qui ait donné des ré- ponsesplus fortes aux objections qui lui étaient faites. Notre prophètea dit : Scho<aû)est le prédicateur des prophètes.Et cela cause de l'excellence des discussions et des répliques que Dieu rapporte de lui. Ensuite , lorsque le temps du châtiment fut arrivé, sans que les Nadianites eussent cru, Dieu les punit, comme il l'a dit lui-même : Et lorsque notre ordre arriva , nous sauvâmes , par enotre miséricorde, Scho caib et ceux qui avaient cru avec lui , pet un bruit violent assaillit ceux qui avaient été injustes. Et ele matin ils furent trouvés dans leurs maisons, étendus morts sur la terre, comme s'ils n'avaient jamais habité ce Elieu-là.' (Sur. XI, vers. 97.) Et dans un autre passage Dieu dit encore : « Ils l'accusèrent donc de mensonge , c'est pourquoi Rils furent assaillis par le châtiment du jour des ténèbres. (Sur. xxvl, vers. 189.) Or, lorsque Dieu voulut punir les Madianites, il se fit sen- tir dans leur ville une grande chaleur, et ils ne pouvaient 18 CHRONIQUE DE TABARI. trouver de repos ni nuit ni jour. Alors.ils s'en allèrent à one parasange de la ville. Un nuage parut qui cachait le soleil dans ce lieu-là. Tous ceux qui avaient pu sortir de la ville se tinrent sous ce nuage, espérant trouver quelque soulagement à la chaleur. Et lous ceux d'entre les femmes, les enfants et les vieillanls qui ne furent pas en état de quitter la ville res- tèrent dans les maisons, espérant qu'il y ferait plus frais. Dieu fit descendre du nuage un feu qui brûla les Madianites, comme le poisson qu'on fait cuire dans une poêle. Et Gabriel poussa un cri effrayant, et tous ceux qui étaient dans les maisonsrendirent l'âme, à cause de la terreur que leur ins- pira ce cri. Scho•aib et les croyants qui étaient avec lui furent seuls sauvés. Diou nous apprend dans Ic Coran que ceux qui avaient accusé Schocaib de mensonge périrent tous, de telle sorte qu'il ne resta d'eux aucune trace dans le monde. Schoeaib conünua d'habiter la même ville avec les croyants, et la race de ceux—ci devint nombreuse. Scboeaib vécut jusqu'à l'époque où Moïse, parti d'Égypte, arriva auprès de lui. Ses biens et ses troupeaux devinrent nombreux. II donna sa fille à Moïse.