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PARTIE 1, CHAPITRE LXVII.

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CHAPITRE LXVII.
HISTOIRE DU PROPHÈTE scuo C AiB.

Le prophète Schotaib était du nombre des enfants d'Abra-


ham , non par Isaac ni par Ismaël, mais par Madian. Son nom
est Jethro en hébreu et Schdatl en arabe. Il était fils de San eoun,
fils (YAnkà, fils de Madian, GISd'Abraham. Sa mère descen—
dait de Loth. Quelquegpersonnes disent que Schoeaïb n'était
pas du nombredey enfants d'Abraham, mais descendantd'un
homme qui avait cru à Abraham, au pays de Babylone, et
qui, lors de l'émigration d'Abraham, avait été en Syrie avec
ce prophète.
Schoeaib était aveugle, et aucun prophète n'a été aveugle
excepté lui. Malgré sa cécité et sa faiblesse, lorsqu'il reçut
le don de prophétie, il ne craignit pas que son peuple le fit
périr. Scho caib était extrêmement éloquent, et avait la repartie
prompte. Notre prophète l'a appelé leprédicateurdesprophètu,
à cause de l'excellence des paroles qu'il dit son peuple.
Scb(faïb était un prophète revêtu du caractère d'apôtre, et il
habitait une ville dont le oom est Madian, située en Syrie.
Cette ville existe encore aujourd'hui ; c'est un lieu agréable,
plein d'arbres et de verdure.
Dieu donne au peuple de Schoeaib le nom d'Aéhdb-al-Aika
quand il dil : rLes habitantsde la forêt ont accuséde men-
pesongeceux qui ont été envoyésde Dieu, lorsque Schoeaib
rleur dit : Est—ce que vous ne craindrez pas Dieu?' (Sur.
XXVI,vers. 176.) Or le mot aika, qui se trouve dans ce verset,
signifie en arabe la même chose que ghaidha, c'est-à-dire
un bois agréable.
268 CHRONIQUE DE TABARI.
Dieu avait donné aux habitants de la forêt des richesses
considérables. Ces gens adoraient les idoles et avaient des
balances et des mesures fausses. Chaque homme possédait
deuxbalances et deuxmesures ; les unes pour acheter, elles
étaient plus fortes; et les autres pour vendre, celles-ci étaient
plus faibles. Ils avaient des dirbems qu'ils donnaient par
compte et non au poids; et tous ceux qui donnaient ces dir-
hems en Ôtaient quelque peu, mais de manière qu•on ne
s'aperçot pas que le dirhem avait perdu de sa valeur.
MoChammed-ben-Djarirdit dans son ouvrageque les habi-
tants de Madian et ceux de la forêt sont deux peuples diffé-
rents, vers lesquels Scho caib fut envoyé en qualité de prophète ;
mais cette assertion est inexacte. Les savants, les auteurs
de commentairesdu Coran, d'histoires et de chroniques ,
nous apprennent que les habitants de la forêt étaient tous des
Madianites, et c'est la vérité. Ne vois-tu pas que Dieu, quand
il parle des Madianites, les désigne comme falsifiant les ba-
lances et les mesures? Il dit : r Nous avons envoyé vers Madian
Yleur frère Schoeaib, qui dit : mon peuple, servez Dieu;
Nvous n'avez pas d'autre Dieu que lui. Déjà une démonstra-
r tion manifeste vous est venue de la part de votre Seigneur;
rrcndcz donc justes la mesure et la balance. m(Sur. VII, vers.
83.) El, d'autre part, Dieu dit encore: rLes habitantsde la
rforêt ont accusé de mensongeceux qui ont été envoyés de
rDieu, lorsque Schoeaib leur dit : Est-ce que vous ne crain-
rdrez pas Dieu? Je suis pour vous un envoyé fidèle : craignez
YdoncDieu, et obéissez-moi.Je ne vous demande pas de ré-
rcompensepour ce que je vousdis. Je n'attends ma récom-
ypengeque du Seigneur de toutes les créatures.Rendezjuste
pelamesure, et ne soyez pas de ceux qui retranchent quelque
e.chose.Et pesezavec une balance (Sur. xxvt, vers. 76
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et suiv.) Il est évident, d'après cela, que les Madianites et les
habitantsde la forêt n'étaient qu'un même peuple, et qu'ils
vivaientdans le méme pays. Nous voyons par le Coran que
appela peuple Dieu, et, dans les discussions
qui s'élevèrententre Scho•aïbet lesMadianites,il à
toutce que ceux-cilui dirent. On lit dans le Coran : RNOus
•avonsenvoyé vers Madian leur frère Schocaib,etc. Parmi
Madianiles, la une crurent et les autres ne crurent point.
IRShabitants de la Syrie, ayant eu connaissance de la mis-
ston prophétique de Scho taib , accoururent de toutes les villes ,
pourle voir et entendre sa parole. Es Madianites se plaçaient
surle chemin , eŒayaient tous ceuxqui entraient dans la ville
pouraller voir Schotaib,et disaient: Prenezgardeà ne point
croireà Schocaib, car il est insensé, et il trompe les hommes
ave des paroles.Sehoeaibdit aux Madianites,commeon le
roit dans le Corau : Ne vous tenez pas Sur chaque roule, el
n'effr•ayez
pas les hommes. Ne détournez pas de la droite voie
elui qui croit à Dieu. Ap*s cela , Schoraib rappela aux Madia-
nites bienfaits de Dieu, en disant, comme on le voit dans
le Coran (sur. '11, vers. el suiv.) : r Rappelez—vous que vous
métiezun petit nombre, et Dieu a multipliévotrerace.' Et
*ho eajb menaçait les Madianites des mêmes châtiments que
Dieuavait infligésaux peuplesqui étaientavanteux. leur
disait; Et voyezquelle a été la Gude ceux qui oul rait le
sur la terre. C'est-à-dire: Considérezles hommes qui ont
été avant vous et qui ont fait le mal Sur la terre; voyez ce
qui leur est enfin arrivé, et la manièredont Dieu les a dé—
truiu, commele peuple de Noé, le peuple de lloud, le peuple
de Çâli'h et le peuple de Loth. Ensuite Sch(faib fortifiale
Cœurdes fidèles qui n'avaient point cru aux paroles des Ma—
'hanites,et il leur dit : Si une partie d'entre vouscroit h la
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chose pour laquellej'ai envoyé, et si Vautre partie n'y
croit , attendezpatiemmentjuM1u'àce que Dieu juge
entre nous, car il est le meilleurdes juges. test-à-dire :
Si une partied'entre vouscroità ma parole,qu'ils prennent
patiencejusqu'à ce que Dieujuge entre moi, vous et les
autres. Quand Dieuvoudra,il lesfera périr et nous daivrera
d'eux.Onvoitdans le Coranque les grandset les principaux
d'entre les Madianites dirent Schoeaib : 1) Schocaib,nous te
chasseronsde cette villeavectous ceuxqui Ontcru à ta pa-
role , afin que toi et eux vousreveniezà notre religion. Schoeaib
répondil: Jamaisaucunde nousne retourneraà votrereli—
gion; si nousy retournions, nousserionsmenteursà l'égard
de Dieu.Nousavonsdit : Il a pas d'autreDieuque lui,
et après œla nous deviendrionspolythéisteset nouspren-
drionsun autredieu! Nousne devonspas retournerà votre
religion, excepté par la volonté de Dieu. Si vous nous chassez
de la ville, nous avonsconfianceen Dieu. dit encore :
Seigneur,prononceavecjusticeentrenouset ce peuple:
tous Ceuxd'entre nousqui sont dans la droitevoie, prête-
leur ton secours;et tousceuxqui sontégarés,fais-lespérir.
Tu es le meilleurde tousICSj.. Ensuiteles grandsd'entre
le peuple de Schoeaibcontinuèrent d'effrayerles petits en
disant : SI vous obéissezà Schocaib,il vousen arrivera mal,
car vous abandonnerez la religion de vos pères et de vosaïeux,
et nous YOUS de la villepour toujours: vous serez
Chasserons
contraints de renonœr à votre pays et à vos possessions, et
voussouffrirez du dommagedans votrereligionet dans vos
biens temporels.Malgréces défensesque les grands faisaient
au peuplerelativementà Schoeaib,eclui-ciappelaittoujoum
à DieulesMadianites,et leur disait,mmmeon le voitdans
le. Coran (sur. XI,vers. 86 et suiv.) : ftNe commettez pas le
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*mal sur la terre de Dieu, pour écarter et détourner les créa-
tores de la voie de Dieu; et ne vous servezpas de fatsses ba-
r lances et de faussegmean•es. Ce qui vous est réservé auprès
'de Dieu vaut mieux pour vous, si vous êtes croyants. C'est-
à-dire: Lorsque, méprisant votre petit gain, vousrendrez justes
vosbalanceset vosmesures,Dieuvousdonneraunerécom-
et bénira ce que vous possédez; et, par cette récompense
deDieu et cette bénédiction, biens que vouspossédezseront
augmentés, tandis que Ceque vous volez est peu de chose.Ils
lui répondirent: Schoeaib, notre religionne dit pas ce que
tu nous Nousne renoncerons pas au culte de ces idoles que
nos adorées,et tu ne nous empêcheraspas de faire,
au sujetde nos biens, tout ce que nous voudrons: si nous le
voulons,nous donnerons peu, et si nous le voulons, nous donne-
ronsdavantage.Tu es un hommedouéd'intelligence et qui suit
la droite voie. Orcesparoles étaientuneffet de leur ignorance;
ilslesdisaient à Schoeaibpar moquerie,commeon dit à un
hommegans intelligence, Tu es un hommedatingué, et à un
hommeauquel on veut reprocher sa mauvaise conduite, Tu
a bmmequi tuil le droitcEn : et cela par manière de
moquerie.Schoeaibdit aux Madianites: Qu'en pensez-vous ?
Si jai un titre authentique de ma mission, de la part de mon
maitre,et m'est échu un sort heureux, cn fait des biens
de cemonde, sort qui vient de lui, puis-je ne pas accomplir
missionqu'il m'a donnéeet me dispenser à ses
ordre?Je ne veuxpas, en vouséloignant des chosesque je
'Ousdéfends, m'en réserverpour moi•même la jouisance
aclusive.
lorsque les Madianites dirent à Schotaib, Reviens à notre
religion, il répondit, Je ne le pourrai pas, car vous dis :
Yadorezpag les idoles, je vouginterdis cette adoration. Com-
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après cela, m'ordonnez-vousde faire ce que je
sous (lélònds?Schocaibdit encore, comme on le voit dans
Coran : Tant. que je le pourrai, je m'appliquerai au bien.
vient de Dieu. Je me confie en Dieu et je tourne
111011 rs lui, afin qu'il me garde des choses dont vous
Ille faites l". mon peuple, n'allez pas encourir le châti-
ment liar Illimitié pour moi et par oppositionh ma personne.
P11issit•z-v011S
n'être pas atteint du châtimentqui a atteint le
06, ou le peuple de Houd, ou le peuple de
Çàli'li, 011le peuplede Loth, qui n'est pas éloigné de vous.
Ce qui est arrivé à ce peuples vousarrivera. Ensuite Schocaïb
(lit Itnplorezla clémence de votre Seigneur et retournez à
lui. (('.erles,mon Sei eur est miséricordieuxct aimant. Les
Madianites dirent . Schocaïb, nous ne savons pas ce que
lu dis. Et ils le savaient;mais ils disaient cela par mépris.
lorslluequelqu'un parle, que tu sais ce qu'il dit, et
que til cependaut te moquer de ses paroles et les mépri-
SPI', 111(lis : .le ne comprends pas tes discours. Les Madianites
ajoutaient : Nous voyons que tu es faible au milieu de nous.
En , SchoCaibétait aveugle et faible , quoique très-éloquenL
Les Madianites dirent encore à Schotaib : Si ce n'eût été ta
cerfes nous t'aurions lapidé. C'est-à-dire : Si ta fa-
lilille et les tiens n'étaient pas si nombreux, nous te lapide-
rions. Et ils ajoutaient : Tu n'es pas respectable pour nous;
mats a causedes tiens nous t'honorons. Scho«aibdit : mon
peuple, est-ce que mes proches sont plus dignes de respect
pour vousque Dieu? Vous ne placez Dieu qu'après eux, et
vousne pas Dieu, tandis que vousvousinquiétez des
hommes ? Dieu sait ce que vous faites. Schoeaib dit encore :
r0 peuple, agissez selon votre condition, et certesj'agirai
la niienne.m (Sur. 11, vers. 95 et suiv.)Ces paroles ne
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sont point un commandement, mais une menace. Schoeaïb
ajouta : Vous saurez bientôt gur qui tombera un châtiment qui
le couvrirade honte, et qui est menteur. Attendez l'événe-
ment, certes je l'attendrai avec vous. Les Madianites répon-
dirent : On t'a ensorcelé, et tu es devenu fou et un homme
qui parle trop. Tu es un homme semblable à chacun de nous ;
et pourquoi Dieu t'aurait-il accordé le don de prophétie, et
ne nous l'aurait-il pas accordé? Nouspensons que tu mens;
si lu dis la vérité et que tu sois prophète, fais tomber une por-
lion du ciel sur la terre, afin que nous voyionsque tu es un
prophète de Dieu. Scho taih abandonna les Madianites à Dieu ,
et il dit : Dieu sait ce que vous faites. Or, dans le Coran,
Dieun'a parlé d'aucun prophète qui ait eu avec son peuple
autantde discussionsque Schoeaib, et qui ait donné des ré-
ponsesplus fortes aux objections qui lui étaient faites. Notre
prophètea dit : Scho<aû)est le prédicateur des prophètes.Et
cela cause de l'excellence des discussions et des répliques
que Dieu rapporte de lui.
Ensuite , lorsque le temps du châtiment fut arrivé, sans que
les Nadianites eussent cru, Dieu les punit, comme il l'a dit
lui-même : Et lorsque notre ordre arriva , nous sauvâmes , par
enotre miséricorde, Scho caib et ceux qui avaient cru avec lui ,
pet un bruit violent assaillit ceux qui avaient été injustes. Et
ele matin ils furent trouvés dans leurs maisons, étendus
morts sur la terre, comme s'ils n'avaient jamais habité ce
Elieu-là.' (Sur. XI, vers. 97.) Et dans un autre passage Dieu
dit encore : « Ils l'accusèrent donc de mensonge , c'est pourquoi
Rils furent assaillis par le châtiment du jour des ténèbres.
(Sur. xxvl, vers. 189.)
Or, lorsque Dieu voulut punir les Madianites, il se fit sen-
tir dans leur ville une grande chaleur, et ils ne pouvaient
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trouver de repos ni nuit ni jour. Alors.ils s'en allèrent à one
parasange de la ville. Un nuage parut qui cachait le soleil
dans ce lieu-là. Tous ceux qui avaient pu sortir de la ville se
tinrent sous ce nuage, espérant trouver quelque soulagement
à la chaleur. Et lous ceux d'entre les femmes, les enfants et
les vieillanls qui ne furent pas en état de quitter la ville res-
tèrent dans les maisons, espérant qu'il y ferait plus frais.
Dieu fit descendre du nuage un feu qui brûla les Madianites,
comme le poisson qu'on fait cuire dans une poêle. Et Gabriel
poussa un cri effrayant, et tous ceux qui étaient dans les
maisonsrendirent l'âme, à cause de la terreur que leur ins-
pira ce cri. Scho•aib et les croyants qui étaient avec lui furent
seuls sauvés. Diou nous apprend dans Ic Coran que ceux qui
avaient accusé Schocaib de mensonge périrent tous, de telle
sorte qu'il ne resta d'eux aucune trace dans le monde. Schoeaib
conünua d'habiter la même ville avec les croyants, et la race
de ceux—ci devint nombreuse. Scboeaib vécut jusqu'à l'époque
où Moïse, parti d'Égypte, arriva auprès de lui. Ses biens et
ses troupeaux devinrent nombreux. II donna sa fille à Moïse.

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