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LA BOÎTE À OUTILS

DU Responsable
R&D

■ Fabrice
Devaux
Maquette de couverture : Maogani
Maquette intérieure : Nord Compo

© Dunod, Paris, 2010


ISBN : 978-2-10-055069-2
Remerciements
Remerciements

Ce livre est dédié aux copains du radeau de l’Agence de l’innovation indus-


trielle.
Il s’est nourri des échanges animés entre ingénieurs, économistes et finan-
ciers venus de plusieurs secteurs industriels et publics pour la création de
l’Agence, ainsi que des discussions avec les porteurs de projets de R&D
rassemblant des entreprises grandes, moyennes et petites.
Il doit aussi beaucoup aux expériences partagées avec les collègues de
France Télécom, d’Alcatel-Lucent et d’Essilor.
Ce livre n’aurait pu voir le jour sans le soutien, les encouragements et les
créations graphiques de Véronique, mon épouse. Je la remercie du fond
du cœur.
Merci aux relectrices Véronique, Francette et Sophie.
En espérant, enfin, que ce livre puisse donner une image fidèle de la diver-
sité et de la richesse de la recherche et développement (R&D) aux jeunes
et aux étudiants…

3
Avant-propos

La plupart des entreprises n’hésitent plus à investir dans la recherche et


développement (R&D). Pour beaucoup, elle est un vivier de compétences et
d’idées au cœur de l’entreprise. Dans un monde ouvert et concurrentiel, où
chacun a accès aux mêmes ressources, la R&D est surtout un investissement
qui doit apporter à l’entreprise des produits et des services qui lui permettent
de se démarquer. Pourtant, selon l’étude « Innovation 2007 » du Boston
Consulting Group auprès de nombreuses entreprises, le retour sur investis-
sement reste trop aléatoire, le temps de développement excessif et la coor-
dination des moyens et des hommes difficile. Cet ouvrage rassemble les
outils que le responsable de R&D peut utiliser pour répondre à ces difficultés.

La R&D, un métier aux multiples visages


À l'instar du marketing, du contrôle de gestion ou de la communication, la
R&D est un métier essentiel de l'entreprise. Selon les secteurs, la fonction
R&D est désignée par bureau d'études, direction technique, ingénierie,
laboratoire ou centre de recherche. Dans tous les cas, il s'agit de dévelop-
per des connaissances techniques spécifiques au-delà de l'état de l'art et
de les articuler pour proposer un nouveau produit ou un service.
Les connaissances techniques sont enseignées dans les écoles et les univer-
sités. Les activités de recherche, en laboratoire ou en entreprise, permettent
de repousser les frontières de la connaissance dans le cadre d’une commu-
nauté technique et de construire les savoir-faire de l'entreprise. L'ingénieur
utilise ensuite ces connaissances pour élaborer des objets ou des concepts
innovants.

Au cœur de l'entreprise
À partir de ces connaissances et des savoir-faire, le responsable de R&D
propose et développe les produits et services les plus adaptés aux besoins
de l'entreprise et du marché. Coordonnant de multiples domaines d’activité
(technique, humain, projet, financier, juridique) sur des échéances à long
terme, il pilote le futur de l'entreprise.

4
Avant-propos
Face à cette responsabilité, le responsable de R&D utilise des outils multi-
ples, regroupés ici dans cinq dossiers transversaux et trois dossiers spécifi-
ques à la recherche, aux projets et aux produits. Les outils des cinq premiers
dossiers s’appliquent à l’ensemble des activités de R&D : fixer une direction,
protéger les inventions, financer, évaluer, gérer les ressources humaines de
R&D, stimuler la créativité. Les outils des trois dossiers suivants s’appliquent
sélectivement à certaines entités selon leur distance au marché. Le dossier
« Développer la recherche et collaborer » rassemble des outils pour les acti-
vités scientifiques. Le dossier « Manager la R&D par les projets » intéresse
les laboratoires plus orientés vers l’application ainsi que la R&D industrielle.
Le dossier « Concevoir un produit » rassemble les outils spécifiques au déve-
loppement industriel de produits ou de services dans des centres de R&D
industriels ou appliqués.
Fabrice Devaux – boiteaoutils.retd@gmail.com

2.
Évaluer et
financer la R&D

valo
D

Pro l’inno
la R&

rise
orga iriger et

6. Développer la recherche
tég
3. et
r
1.

et collaborer
er ation
niser
D

7. Manager la R&D
par les projets

8. Concevoir un produit

les es
5 4. per ain
la Stim . p um
cré ule v elo s h &D
at r e
ivi Dé urc en R
té s o
res

dossiers transversaux
dossiers par stade de R&D

5
Sommaire

Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

Dossier 1 Diriger et organiser la R&D . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10


Outil 1 Caractériser les stades de R&D . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
Outil 2 La trajectoire technologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
Outil 3 La feuille de route . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
Outil 4 Organiser et localiser la R&D . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
Outil 5 Faire ou acheter ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
Outil 6 Choisir le bon partenariat R&D . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
Outil 7 Le partenariat R&D client-fournisseur . . . . . . . . . . . . . . 32
Outil 8 Innover par les normes et les standards . . . . . . . . . . . 34
Dossier 2 Évaluer et financer la R&D . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
Outil 9 Cibler les résultats de la R&D . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
Outil 10 Estimer la valeur d’un projet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
Outil 11 L’arbre de décision . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
Outil 12 L’évaluation des choix techniques . . . . . . . . . . . . . . . 48
Outil 13 Amortir les dépenses de R&D . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
Outil 14 Financer avec les aides publiques (France) . . . . . . . . . 54
Outil 15 Le crédit d’impôt recherche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
Outil 16 Financer avec les aides publiques (Europe) . . . . . . . . . 62
Outil 17 La notification d’une aide d’État à la CE . . . . . . . . . . . 66
Dossier 3 Protéger et valoriser l’innovation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70
Outil 18 Identifier les innovations à protéger . . . . . . . . . . . . . . 72
Outil 19 Protéger les savoir-faire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74
Outil 20 Les fiches innovation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
Outil 21 Déposer un brevet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
Outil 22 Définir une stratégie de propriété intellectuelle . . . . . . . 84
Dossier 4 Développer les ressources humaines en R&D . . . . . . . . 88
Outil 23 La cartographie des compétences . . . . . . . . . . . . . . . 90

6
Sommaire
Outil 24 La pyramide des effectifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92
Outil 25 Créer des niveaux d’expertise . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94
Outil 26 La transmission d’expérience . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96
Dossier 5 Stimuler la créativité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98
Outil 27 La boîte à idées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100
Outil 28 Les groupes de créativité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102
Outil 29 La créativité structurée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106
Outil 30 La méthode TRIZ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108
Outil 31 Les méthodes marketing . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110
Dossier 6 Développer la recherche et collaborer . . . . . . . . . . . . . 112
Outil 32 Expérimenter et simuler . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114
Outil 33 Le plan d’expérience . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118
Outil 34 Organiser un laboratoire de recherche . . . . . . . . . . . 122
Outil 35 Faire un état de l’art technique . . . . . . . . . . . . . . . . 124
Outil 36 Publier un article scientifique . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126
Outil 37 Optimiser la notoriété . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128
Outil 38 La charte de recherche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132
Outil 39 Le transfert de technologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134
Outil 40 Valoriser la R&D . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136
Outil 41 Monter un projet collaboratif . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138
Dossier 7 Manager la R&D par les projets . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142
Outil 42 Optimiser la prise de décision . . . . . . . . . . . . . . . . . 144
Outil 43 Lancer un projet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146
Outil 44 Décomposer un projet en tâches . . . . . . . . . . . . . . . 148
Outil 45 Planifier un projet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 150
Outil 46 Suivre un projet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 154
Outil 47 La gestion dynamique de projet . . . . . . . . . . . . . . . . 158
Outil 48 Le retour d’expérience . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160
Dossier 8 Concevoir un produit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162
Outil 49 Exprimer un besoin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164
Outil 50 L’analyse fonctionnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166
Outil 51 Le cahier des charges fonctionnel . . . . . . . . . . . . . . . 170
Outil 52 L’analyse de la valeur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172
Outil 53 Le jalonnement de la vie produit . . . . . . . . . . . . . . . 176
Outil 54 Le cycle en V . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 180
Outil 55 L’analyse des défaillances . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 184
Glossaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 188
Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 190

7
Mode d’emploi

La Boîte à outils,
mode d’emploi
Une double page de présentation de la thématique
Les outils sont
classés par dossier

L’intérêt du métier vu Un menu déroulant


par un expert en R&D des outils

8
Les outils du responsable R&D sur 2 ou 4 pages

Mode d’emploi
Une signalétique
claire

La représentation
visuelle
de l’outil

Les apports
de l’outil
et ses limites
L’outil L’essentiel
en synthèse en anglais

Un cas pratique
Un approfondissement, commenté
pour être plus
opérationnel

L’indispensable

9
Dossier

1
Diriger
1
et organiser
la R&D
Dossier

L ’activité de recherche et développement (R&D) représente souvent


l’axe majeur de la stratégie d’innovation de l’entreprise. Sa mission
principale est alors la mise au point de produits et services nouveaux.
Selon les cas, les dépenses de R&D peuvent représenter une part impor-
tante du budget de l’entreprise. En microélectronique, par exemple,
elles atteignent 20 % du chiffre d’affaires de l’entreprise.

Situer sa R&D
Le terme R&D rassemble sous une même appellation des activités très diffé-
rentes, de la recherche fondamentale au bureau d’études. La caractérisation
des activités selon la méthode de Frascati permet de situer la R&D entre
ces extrêmes. Elle est indispensable pour bénéficier de l’aide publique.
L’entreprise se situe dans un écosystème technique et économique. Ses pro-
duits font partie d’une ou plusieurs chaînes de valeur, où chacun est le
fournisseur de l’autre. La connaissance de cet environnement est d’autant
plus importante que l’innovation émerge souvent des échanges et des par-
tages aux interfaces entre les acteurs d’une chaîne de valeur.

Donner une direction technique


Le responsable de R&D n’est pas forcément l’expert le plus pointu du
domaine. Il doit a minima construire une vision des évolutions technologi-
ques du domaine. Il peut s’appuyer sur la trajectoire technologique de
l’entreprise pour déterminer les évolutions les plus probables à court terme.
Les feuilles de route technologiques constituent des outils de partage entre
plusieurs acteurs d’un même écosystème industriel.

10
1 • Diriger et organiser la R&D

Dossier 2
Organiser la R&D
Plusieurs structures d’organisation existent du laboratoire central de R&D
aux unités essaimées. Une question importante dans les grands groupes est
aussi la localisation de la R&D : synergies en central, proches des clients,
dans les pays à bas coût, etc.
L’organisation dépend aussi de la réponse à « Développer soi-même ou
acheter une technologie nouvelle ? ». Le responsable de R&D contribue à
répondre à cette question difficile.

Interagir
Plusieurs études ont montré qu’une des missions principales du responsable
de R&D est l’articulation des activités de R&D avec le reste de l’entreprise.
En amont, le marketing fixe les objectifs de développement des nouveaux
produits : contenu, date de mise sur le marché, etc. La R&D participe à de
nombreuses actions avec le marketing : élaboration des feuilles de route
produit, participation de clients avancés à la création de nouveaux produits
(lead users), laboratoire d’usage où les clients sont observés, etc. En aval,
le développement industriel accueille les résultats du projet de développe-
ment pour sa mise en production et sa mise sur le marché.
Le responsable de R&D interagit avec les autres entreprises (alliances, four-
nisseurs, clients), les entités de normalisation et les organismes publics sus-
ceptibles de contribuer au financement d’activités de R&D.
Ce dossier détaille quelques outils essentiels pour chacun de ses axes de
direction.

■ Les OUTILS
1 Caractériser les stades
Partenaires de R&D ...................... p. 12
Standards 2 La trajectoire
technologique .............. p. 16
Trajectoire
technique

3 La feuille de route ....... p. 20


Interagir

gir

4 Organiser et localiser
a
Inter

la R&D ....................... p. 24
nis
Orga er 5 Faire ou acheter ? ....... p. 28

Situer 6 Choisir le bon


Acheter

la R&D partenariat R&D ........... p. 30


Faire

< choix >


Direction générale 7 Le partenariat R&D
client-fournisseur .......... p. 32
L o c a li s e r Interagir
dans l’entreprise 8 Innover par les normes
et les standards............ p. 34
Marketing Production

11
Outil 1 Caractériser les stades de R&D
Les stades de R&D selon le manuel
de Frascati

Mise sur
le marché

Nouvelles
Savoir-faire
connaissances
Nouvelles en vue de
orientées Produit
connaissances développer
vers une
un produit
application
Dépenses de R&D

Prototype

Démons-
trateur

Concept

Théories Préséries Séries


Modèles

Recherche Recherche Développement Développement Industrialisation et


fondamentale expérimentale expérimental industriel commercialisation

Distance au marché

En résumé I n sigh t s
La R&D rassemble des activités très variées. Elles peu- The R&D term encompasses very diverse activities.
vent être regroupées, selon le manuel de Frascati, en They can grouped together in R&D stages defined by
stades de R&D de recherche fondamentale à déve- the Frascati manual from basic research to industrial
loppement industriel. Les stades sont caractérisés par development. Stages evolve towards an increased
leur proximité à la commercialisation (distance au proximity to the market. They distinguish themselves
marché). Ils se distinguent par un objectif propre by specific objectives (new knowledge for example),
(nouvelles connaissances par exemple), des livrables deliverables (prototypes) and an increasing cost.
(prototype) et un coût croissant.

12
1
1 • Diriger et organiser la R&D

Outil
Pourquoi l’utiliser ? • Rassembler ces facteurs sur un dia-
gramme « distance au marché » - « orga-
nisation ».
Objectif • Ajouter les livrables majeurs.
Les activités de R&D sont classifiées selon Le coût
les stades de R&D de recherche fondamen- Méthodologie et conseils
est multiplié
tale à développement industriel. Il est alors Les projets et les études peuvent être trans-
plus facile de comparer ses activités de par un facteur verses à plusieurs stades de R&D. Le
R&D avec celles des partenaires ou des découpage peut s’inspirer du cycle de
2à4
concurrents. La classification permet aussi développement, de jalons ou de niveaux
d’adapter l’organisation, le niveau de à chaque prédéfinis de maturité technique.
dépense et le mode de management de la stade de R&D. Attention de ne pas juger une activité sur
R&D selon chaque stade. son apparence scientifique ou sa com-
plexité. Une visualisation au microscope
Contexte électronique peut être utilisée aussi bien en
recherche fondamentale qu’en production.
Pour beaucoup, la R&D constitue l’ensem-
Il vaut mieux rechercher l’objectif de cha-
ble des activités techniques qui précèdent
que activité pour pouvoir caractériser le
la production de nouveaux produits ou ser-
stade de R&D.
vices. Les activités de R&D se distinguent
Le coût d’une activité est un bon indicateur
plus finement par « leur distance au mar- du stade de R&D. Plus l’activité est proche
ché ». À partir du stade de recherche fon- du marché, plus il faut en effet prévoir des
damentale, les résultats vont devenir plus dépenses importantes, notamment en
appliqués et leur maturité va évoluer vers démonstrateurs, prototypes ou préséries.
celle nécessaire pour la production.
Les stades utilisés sont ceux du manuel de
Frascati. Ils permettent de distinguer fine-
ment plusieurs stades quelle que soit la
diversité des domaines de R&D. Les prati-
ques sont en effet très différentes dans
l’automobile, les études pharmaceutiques,
les logiciels ou les sciences humaines.
Cette classification est aussi utilisée par les
administrations pour évaluer l’éligibilité Avantages
des activités à des financements publics.
✔ Classifier
les activités de R&D selon
Ceux-ci s’arrêtent généralement aux activi- des stades universels.
tés de développement expérimental.
✔ Justifier
l’éligibilité d’activités de R&D
à un financement public.

Comment l’utiliser ? Précautions à prendre


✔ Se concentrer sur l’objectif de chaque

...
Étapes activité plutôt que sur sa nature.
• Découper la R&D selon les facteurs exis-
tants : entités organisationnelles, projets,
études, sources de financement.

13
Outil 1 Caractériser les stades de R&D (suite)

Comment être plus efficace ?

Le manuel de Frascati ou d’améliorer considérablement ceux qui


La création de l’Europe s’est accompagnée existent déjà.
d’un besoin de mieux cerner les activités de
R&D d’un point de vue statistique. Une pre- L’interface entre le développement
mière « Méthode type proposée pour les expérimental et industriel
enquêtes sur la recherche et le développe- Cette interface marque la limite des activités
ment expérimental » a été publiée en 1963 de R&D précompétitives qui sont suscepti-
à l’occasion d’une conférence à Frascati bles d’être aidées par des financements
(Italie) sous l’égide de l’OCDE (Organisa- publics. D’une manière générale, le déve-
tion de Coopération et de Développement loppement expérimental vise des améliora-
Économiques). La version 2002 est la 6e édi- tions et s’arrête quand les résultats obtenus
tion de ce manuel. Il définit trois stades de sont potentiellement commercialisables en
R&D décrits ci-dessous, à l’exclusion des l’état. Le manuel de Frascati précise des cas
activités d’enseignement et de services particuliers importants comme les prototy-
scientifiques (bibliométrie, collecte de don- pes, les outillages, les logiciels ou les essais
nées, normalisation…). cliniques. Par exemple les dépenses d’une
installation pilote de production peuvent être
Les définitions des trois stades de R&D prises en compte dans la limite où des essais
La recherche fondamentale consiste en des en vraie grandeur sont nécessaires pour
travaux expérimentaux ou théoriques entre- mettre au point des procédés nouveaux.
pris principalement en vue d’acquérir de
nouvelles connaissances sur les fondements Les services
des phénomènes et des faits observables, Il est plus difficile d’identifier la R&D dans
sans envisager une application ou une utili- le secteur des services car les livrables sont
sation particulière. plus abstraits. De plus, la R&D est souvent
La recherche appliquée consiste également répartie entre plusieurs départements et plu-
en des travaux originaux entrepris en vue sieurs domaines. Dans ce contexte les critè-
d’acquérir des connaissances nouvelles. res discriminants sont la nouveauté, les
Cependant, elle est surtout dirigée vers un métiers et la distance au client.
but ou un objectif pratique déterminé. Citons quelques exemples :
Le développement expérimental consiste en • Étude de nouvelles méthodes ou instru-
des travaux systématiques fondés sur des ments permettant de mesurer les attentes des
connaissances existantes obtenues par la consommateurs ;
recherche et/ou l’expérience pratique, en • Procédures de localisation et de suivi
vue de lancer la fabrication de nouveaux logistique ;
matériaux, produits ou dispositifs, d’établir • Recherche de nouveaux concepts de
de nouveaux procédés, systèmes et services voyages et de vacances.

14
1
1 • Diriger et organiser la R&D

Outil
Cas des Stades de R&D dans une banque
Recherche Recherche Développement Développement
POLE DE
RECHERCHE NATIXIS Expérimental Appliquée Expérimental Industriel
MÉTIERS
Recherche économique • publications •diffusion •publication • économistes
•analyses économiques dans revues d’informations restreinte • économètres
sur 40 pages économiques sur les marchés aux clients
•suivi des marchés • statisticiens
• études •analyse pour
de taux de changes, économiques besoins internes, Bac+5
d’actions • indicateurs recommandations et au-delà
* Patrick Artus Fondation Natixis
Recherche crédits •publications •recommandations
•analyse du marché restreintes aux aux clients •« stratégistes »
des crédits clients crédit
•utilisation de base
•suivi de 5 secteurs •constitution de de données
bases de données
•analystes
Recherche actions •analyses financiers
•suivi d’environ financières
seniors (160)
350 sociétés
•veille techno- •ingénierie financière
Recherche quantitative •modélisation des logique •proposition en •ingénieurs
•évaluation des instruments financiers •exploitation de interne financiers
produits financiers •statistiques nouveaux outils de nouveaux •mathématiciens
•analyse des risques du risque financiers produits financiers •statisticiens
et modélisation * Michel Grouhy

Proposition de stades de R&D pour les activités des pôles de recherche de Natixis (réalisé d’après le document de référence
Natixis 2008 et les données sur le site internet Natixis en août 2009 http://cib.natixis.com/)

• Lesstades de R&D • des études, de la documentation et des indica-


dans les services bancaires teurs accessibles à la communauté financière et
économique.
La recherche est une priorité stratégique de la
banque de financement et d’investissement Na-
tixis. Répartie en plusieurs de pôles d’expertise, • Les critères
elle fait partie des services support à la direction
générale au même titre que les ressources humai- La recherche est constituée de pôles d’experts di-
nes ou le secrétariat général. Les résultats princi- rectement rattachés à la direction. Le savoir dif-
paux sont : fuse jusqu’à l’opérationnel puis au client (forma-
tion interne, publications, conseils). La
• des orientations stratégiques pour la direction et
classification en stades de R&D dépend essentiel-
les business divisions ;
lement du résultat visé de l’activité. Autres indi-
• des publications d’analyses et de données pour les ces : les métiers des personnels, la présence de
services internes (traders) et les clients ; personnalités en interface entre la société et le
• des propositions de nouveaux produits au dépar- monde académique, et le financement (ici une
tement « opérations » ; fondation). ■

15
Outil 2 La trajectoire technologique
La trajectoire produit – savoir-faire
d’un fabricant d’équipements de taillage
de verres pour opticiens

Meuleuse fraisage
numérique
Meuleuse perçage
manuelle Meuleuse 3 axes
à gabarit rainage
Meuleuse chanfreinage
PRODUITS

motorisée

1960 1980 2000


meules meulettes forêts fraises
Outils de coupe

Mécanique
SAVOIR-FAIRE

3 axes

Moteurs

Asservissements, logiciel embarqué

Interface homme-machine

En résumé I n sigh t s
La trajectoire technologique est l’histoire conjuguée The technological path is the combined history of the
des produits et des savoir-faire de l’entreprise ou de company products and know-how (or of the consid-
l’entité R&D considérée. La mise en regard de cette ered R&D entity). Comparing the path with the prod-
expérience et de la feuille de route produit permet uct roadmap allows to make sure of the coherence of
de s’assurer de la cohérence de la stratégie produit the product strategy and to anticipate changes in
et d’anticiper les changements de compétences en R&D competences or even disruptive changes (light-
R&D, voire les ruptures (éclair sur la figure). ning in the figure).

16
2
1 • Diriger et organiser la R&D

Outil
Pourquoi l’utiliser ? • Mettre en regard avec la feuille de route
produit pour les années futures.

Objectif Méthodologie et conseils


Tracer la trajectoire technologique d’une Il n’y a pas La trajectoire peut être réalisée par un
entité de R&D consiste à reconstruire l’his- groupe de travail constitué pour une partie
de vent
toire des savoir-faire et des produits. Elle d’anciens.
permet de s’assurer de la cohérence des favorable L’historique des produits est généralement
objectifs et de la vision de l’évolution des bien documenté. L’évolution des savoir-
pour celui
produits avec la capacité réelle de l’orga- faire peut être partiellement reconstruite
nisation. qui ne sait par les compétences des personnes en
où il va. place et leur ancienneté. La difficulté est
Contexte d’évaluer les compétences perdues, le plus
(Sénèque) souvent par le départ des personnes.
Tout comme une personne, une entreprise
ne peut évoluer que selon ses compétences Il est utile de distinguer les raisons princi-
accumulées et son expérience. Étant donné pales d’évolution des produits. En voici
les savoir-faire capitalisés au cours du quelques exemples : l’augmentation régu-
temps, une structure de R&D ne peut être lière d’un facteur de performance (fré-
contrainte de sortir notablement de sa tra- quence des processeurs par exemple), la
pression des prix, de nouveaux usages,
jectoire naturelle. Le responsable de R&D
etc.
doit confronter cette tendance naturelle
Il peut arriver que des compétences soient
avec les besoins du marché et les innova-
présentes sans être utilisées pour des pro-
tions apportées par la concurrence. Si la
duits. Le responsable de R&D doit s’effor-
différence est faible, l’entité R&D pourra se
cer d’en comprendre les raisons pour sortir
doter des moyens nécessaires pour acqué-
de cette situation de sous-exploitation des
rir de nouvelles compétences et mettre au
savoir-faire disponibles.
point de meilleurs produits. Si la différence
Nota : un savoir-faire non remis en cause
est trop grande, l’entité doit faire face à
par des besoins nouveaux tend à disparaî-
une rupture technologique. Il faut alors
tre par défaut d’apprentissage.
déployer des moyens spécifiques.

Avantages
Comment l’utiliser ? ✔ Assurerune cohérence entre les ambitions
d’une entité R&D et ses compétences.
Étapes ✔ Préciser les changements majeurs auxquels
l’entreprise doit se préparer.
• Construire l’histoire des produits mis sur
le marché, y compris les échecs commer-
ciaux. Précautions à prendre
• Retrouver les compétences et les savoir-
✔ S’assurer que l’entité R&D a toujours
faire présents dans l’entreprise au cours du besoin d’apprendre pour garder

...
temps. les personnes motivées.
• Tracer les évolutions produit et compé-
tences en soulignant les évolutions conti-
nues et les ruptures.

17
Outil 2 La trajectoire technologique (suite)

Comment être plus efficace ?

Les cinq trajectoires technologiques désireux de tester les dernières techniques


Bien que chaque cas soit particulier, il est (lead users).
possible de s’aider de l’exemple de cinq tra-
jectoires type. Développées par K. Pavitt, Les compétences de cœur
elles proviennent de l’analyse de deux mille G. Hamel et C.K. Prahalad ont observé en
innovations au Royaume-Uni. 1990 que la seule poursuite de l’efficacité
1) Les entreprises puisent leurs technologies et du rendement court terme pouvait
principalement chez leurs fournisseurs (agri- conduire à une perte des compétences de
culture ou textiles, par exemple). Leur trajec- l’entreprise. Face à cette tension financière,
toire dépend donc d’acteurs externes. ils proposent un management orienté par les
2) Les sociétés de production de masse compétences. Ils définissent en particulier
(matériaux, automobile…) puisent leur les compétences de cœur. Elles constituent
savoir-faire dans les activités d’ingénierie, la les racines profondes de l’entreprise (les
production, les bureaux d’études ou les four- adhésifs pour 3M ou les moteurs à deux
nisseurs. Elles les intègrent progressivement temps pour Honda).
dans des systèmes complexes qui font leur Dans ce contexte, il est utile de cerner les
spécificité. compétences principales de l’entreprise et
3) Les entreprises à dominante scientifique de les mettre en correspondance avec les
développent leurs technologies par leur R&D produits existants. Cette analyse peut aussi
(électronique, chimie, biotechnologie). Leur conduire à des propositions de diversifica-
trajectoire se nourrit d’avancées en recher- tions.
che amont.
4) Les banques, les éditeurs, les opérateurs Les ruptures techniques
de télécommunications sont des exemples Les trajectoires ne sont pas forcément conti-
d’entités dominées par l’information. Leurs nues. Il incombe au responsable de R&D
innovations proviennent des technologies de d’anticiper les ruptures techniques pour per-
l’information. Elles tendent vers la mise en mettre à l’entreprise de se préparer. Or les
place de systèmes d’information complexes. entités de R&D tendent à produire un certain
5) Les fournisseurs spécialistes (instrumenta- conservatisme technique. Il existe plusieurs
tion, équipements, applications) construisent moyens pour pousser à penser out of the
leur trajectoire par leur capacité de concep- box : veille technique, étude de diversifica-
tion. Ils s’appuient en général sur des clients tion, structures R&D « sorties », etc.

18
2
1 • Diriger et organiser la R&D

Outil
Cas de la Matrice technologies-produits
d’un fabricant de composants optoélectroniques
Niveau de besoin dans produits

Niveau Laser Amplifi-


Diviseur
Technologies de Lasers Photodiodes de cateur
1→ n
maîtrise puissance à fibre

Croissance épitaxiale × × ×
***

Fabrication sur plaque × × ×


***

Passivation ** ×× ×××

Circuits électroniques – ×××

Couplage avec fibre × × ××


**

Fibre optique – × ×

Fibre optique dopée ×


*

Réseau sur fibre × ×


*

• La matrice technologies-produits • Analyse de la société


Elle constitue un outil simple et efficace du Cette société fabriquait des composants
management par les compétences. Les com- optoélectroniques pour le marché des télécom-
pétences et les savoir-faire sont tout d’abord munications. Ses compétences de cœur corres-
inventoriés, éventuellement avec l’aide d’un pondent à celles nécessaires pour la conception
intervenant extérieur. Ils sont listés dans la de lasers, le produit principal. L’opportunité de
première colonne du tableau avec un niveau diversification aux photodiodes se heurte à la
de maîtrise quantifié. Les colonnes contien- faible maîtrise des circuits électroniques rapi-
nent l’évaluation de l’importance de ces tech- des. L’extension aux lasers de puissance a né-
nologies par famille de produit. Il est alors pos- cessité des efforts importants pour maîtriser les
sible d’évaluer l’adéquation de la stratégie technologies de passivation et de réseau sur fi-
produits avec les compétences principales de bre. La fabrication des amplificateurs à fibre et
l’entreprise. des diviseurs semble hors portée. ■

19
Outil 3 La feuille de route
La feuille de route produit – projet – étude

2011 2012 2013 2014


Produits : 10G WDM+
Lasers 2,5G
HP
10G
Photo- APD
diodes 2,5G

Projets :

XENON
ARGON
HYDRE
Xe +
HELIUM

Études :

NMAT
PUMP

Nouveau produit Nouvelle option Retrait du marché

En résumé I n sigh t s
La feuille de route produit est le plan de mise sur le The product roadmap plans new product and service
marché des nouveaux produits et services. Il inclut market launches. It includes ends of life and market
les fins de vie et les retraits de marché. Il est soutenu withdrawals. It is supported by a development plan
par un plan de développement et d’études. Ces plans and another one for research. They are used to
permettent de mieux dimensionner les efforts de R&D dimension more precisely the R&D resources and
et de synchroniser les départements de l’entreprise. coordinate the company departments.

20
3
1 • Diriger et organiser la R&D

Outil
Pourquoi l’utiliser ? • Affiner chaque proposition (contenu,
coût, revenus,…)

Objectif Méthodologie et conseils


La feuille de route constitue le plan produits La feuille L’établissement d’une feuille de route
et services de l’entreprise. Sa construction nécessite la participation de toute l’entre-
permet de transformer une vision stratégi- de route
prise pour être à la fois fructueuse, perti-
que en lignes d’actions. La feuille de pro- produit est nente et suivie. Le marketing exprime le
duit est aussi un outil de management besoin et assemble la feuille de route. La
interne permettant à l’ensemble des confidentielle. R&D propose des solutions techniques. Les
acteurs, la R&D en tête, d’adhérer à un Des extraits autres acteurs, comme la production ou les
ensemble d’objectifs et de travailler en
coordination. sont partagés achats, apportent eux aussi des avis pro-
fessionnels pour alimenter les débats.
avec En tant que collectivité, les entreprises ont
Contexte
les partenaires. une personnalité avec des points forts et
Les entreprises sont le plus souvent organi- des points faibles. Une structure jeune peut
sées en départements fonctionnels : marke- avoir tendance à proposer des solutions
ting, R&D, achats, production, etc. Une ambitieuses mais irréalistes. Une autre
feuille de route commune leur permet de res- ayant subi un échec peut s’avérer trop pru-
ter coordonnés. Pour qu’elle soit effective, dente. Cette connaissance de l’historique
elle doit être partagée par tous les acteurs est nécessaire pour mieux anticiper les tra-
de l’entreprise. Elle n’est donc pas une vers naturels et les corriger.
vision venue du haut, mais plutôt la rencon- Les dirigeants doivent fixer dès le début les
tre de trois éléments : les besoins du client, limites essentielles pour éviter que des
les contraintes financières et stratégiques de groupes de travail ne se perdent dans des
l’entreprise et l’expérience du personnel. directions inutiles. En même temps, ils doi-
vent s’abstenir de donner leur avis trop tôt
sous peine d’avoir une feuille de résultat
Comment l’utiliser ? qui ne reflète que leur opinion.

Étapes Avantages
• Formaliser la stratégie de la direction ✔ Mobilise l’entreprise autour d’objectifs
de l’entreprise ainsi que les limites et les long terme.
contraintes.
• Les décliner en objectifs par ligne de pro-
duits et y associer des groupes de travail : Précautions à prendre
– Collecter les besoins du client et les
✔ Commencer par une phase créative puis
évolutions possibles de l’environnement. trier selon des critères quantifiables
– Laisser les groupes proposer des solu- (revenus, coûts, compétences) dans un
tions sans contrainte a priori (brainstor- second temps.
ming). ✔ Recommencer à zéro la feuille de route

...
– Dans un deuxième temps, évaluer plus périodiquement.
finement chaque solution et prioriser.
• Valider les propositions principales avec
la direction de l’entreprise.

21
Outil 3 La feuille de route (suite)

Comment être plus efficace ?

La feuille de route produit, avec ses dates donner les actions publiques pour aider un
prévisionnelles de nouveaux produits, est un secteur. Par exemple, l’établissement de
document tenu secret, vis-à-vis des concur- tarifs de rachat de l’énergie solaire est une
rents en particulier. La feuille de route tech- conséquence de la feuille de route des tech-
nologique, pour sa part, a vocation à être nologies photovoltaïques.
partagée. Elle développe la vision commune
de plusieurs acteurs sur une technologie (les Étapes à suivre
microprocesseurs par exemple) ou un thème La première étape du processus est la défi-
(les transports urbains…). nition de l’objectif collectif reprenant la tech-
nologie (par exemple « les composants
Les vertus GaN pour les télécommunications ») ou le
La constitution d’une feuille de route techno- thème (« Accroître les énergies renouvela-
logique nécessite les efforts conjoints de plu- bles à 20 % de toutes les formes d’éner-
sieurs entreprises et entités de R&D. Ils se gie »). Il est utile de bien cerner les limites
justifient par l’amélioration de l’efficacité et les contraintes à prendre en compte. Il
d’un écosystème industriel et par un soutien faut en particulier trouver les facteurs dont
accru des pouvoirs publics. l’évolution permettra à chaque acteur
L’efficacité est améliorée grâce à une d’adapter son activité selon l’évolution
meilleure coordination des acteurs d’un éco- générale (la fréquence d’horloge des pro-
système. Par exemple, une feuille de route cesseurs, le coût au kilo du silicium solaire,
sur les robots industriels permet aux fabri- etc.).
cants, aux clients, aux fournisseurs et aux La deuxième étape est la phase créative :
laboratoires de faire émerger un consensus contributions de chacun aux évolutions des
sur les évolutions possibles dans ce secteur. technologies, évaluations de l’environne-
De fait, ils vont diriger leurs actions pour ment, groupes de travail sur les problémati-
synchroniser leurs besoins mutuels et attein- ques du thème, etc.
dre les évolutions prédites. La dernière phase est la convergence. Les
contributions sont sélectionnées et priori-
Interagir avec l’État sées. Un document est rédigé et soumis à
Le soutien public est un moyen efficace pour l’approbation de l’ensemble des acteurs.
pousser les acteurs d’un écosystème indus- Au cœur de cette activité de coordination,
triel à coopérer. À ce titre, la Région, l’État il existe le plus souvent une structure com-
ou la Communauté européenne demandent mune qui permet l’animation : groupe de
souvent aux acteurs sollicitant des aides travail, rapports, événements, publications.
publiques d’établir une feuille de route com-
mune dans leur domaine. Cela permet Il existe plus d’un millier de feuilles
d’assurer que les financements ne sont pas de route technologiques
dispersés dans des actions divergentes. disponibles au grand public via
Grâce à elle, il est aussi plus facile de coor- internet.

22
3
1 • Diriger et organiser la R&D

Outil
Cas de la Feuille de route de la microélectronique
Nœuds : 130 nm 90 nm 65 nm 45 nm 32 nm

KrF + HT ArF + HT -> ArF + PSM -> ArF + Immersion EUV / ArF+HRI
Lithographie

STI (HDP-CVD) STI (other)


Isolation

poly Si Metal
Électrode
porte
SiON SiON/High-k -> High-k
Isolation
porte
CoSi2 NiSi Raised S/D NiSi
RTA->spike anneal Spike anneal-> laser anneal /laser anneal
Jonction

Barrière PVD – Ta/Cu CVD – Ta (N)/Cu Direct plating


/ métal

Diélectrique FSG (k=3.6) SiOC (k=3.0 -> 2.6) Low-k (2.4-2.6) Low-k (2.2-2.4)
Inter-couche

Mobilité Canal Si contraint-> SSOI -> CanalGe


Résistance SD (100) Canal-p TR -> (110) face TR Metal-SD

Source : Réalisé d’après la feuille de route 2007 de la société Renesas

• Lafeuille de route de la société Au fur et à mesure de la mondialisation des


Renesas en microélectronique échanges, le partage et l’établissement de
feuilles de route se sont établis à une échelle
Dans l’exemple ci-dessus, l’entreprise Rene- continentale : Europe, Japon, Taiwan, États-
sas exprime sa vision des technologies néces- Unis, etc. Les associations correspondantes
saires pour fabriquer des transistors MOS de (ESIA, JEITA, SIA…) se sont enfin assem-
taille décroissante (130 à 32 nm). Ainsi les blées pour créer une structure internationale
techniques de lithographie doivent évoluer au telle que l’ITRS (International Technology
fur et à mesure de la diminution des transis- Roadmap for Semiconductors). Cette struc-
tors. Pour les plus petits, il sera nécessaire de ture met à jour et propose une évolution des
faire appel à une lithographie fonctionnant besoins produit, des paramètres clés et des
avec des rayonnements ultra-violets (UV). changements technologiques majeurs.
Au lieu de se mettre en concurrence, les en-
• Unedémarche au niveau treprises de microélectronique ont donc choisi
mondial de réduire les risques de développement en
partageant les informations en amont. Les
L’industrie microélectronique doit faire face à changements majeurs tels qu’une nouvelle
des investissements de plus en plus impor- technique de lithographie ou une grille en ma-
tants, que des acteurs isolés ne peuvent déci- tériau à haute permittivité sont ainsi anticipés
der. Dans les années 1980, les industriels ont de manière synchronisée par plusieurs acteurs
collaboré à travers des structures nationales. simultanément. ■

23
Outil 4 Organiser et localiser la R&D
La typologie des centres de R&D

Recherche Recherche Développement Développement


fondamentale appliquée expérimental industriel
Distance
du
marché
Centralisé
Au Dans centre de profit
+ Vision long terme
cœur + Efficacité
– Valorisation difficile
– Innovation incrémentale
Spécialisé
+ Excellence scientifique
– Myopie technique
Commun Commun public-privé
En public-privé + Synergies techniques
partage + Idées neuves – Management difficile
– Confidentialité

« Sorti » « Projeté »
+ Innovation + Efficacité, coût …
Aux de rupture – Dispersion
bords – Divergence

Distance
du cœur de
l’entreprise

En résumé I n sigh t s
La R&D peut être organisée et répartie en plusieurs The R&D activities can be organized and distributed
centres de R&D spécifiques. Il en existe plusieurs in several specific R&D entities. They can be classi-
types selon les besoins et le contexte : le laboratoire fied into several types according to the needs and the
central, la R&D intégrée à la business division, le context : the central laboratory, the R&D embedded
laboratoire en commun avec un organisme de in the business division, the laboratory in common
recherche public ou une autre société, l’équipe de with a public research body or another company, the
R&D « sortie » du reste de l’entreprise pour pouvoir R&D team “thrown out” from the rest of the com-
innover et l’entité « projetée » pour se rapprocher pany to be able to innovate and the “off-shore” entity
des marchés locaux. to get closer to local markets.

24
4
1 • Diriger et organiser la R&D

Outil
Pourquoi l’utiliser ? • Prévoir des structures « sorties » pour les
activités nouvelles ou en rupture.
• Selon la répartition des marchés, prévoir
Objectif
des unités « projetées » sur d’autres conti-
L’organisation en centres de R&D vise à Le modèle nents.
répartir les ressources dans des entités
dédiées à une mission spécifique. Elle vise du grand
Méthodologie et conseils
à s’assurer que les objectifs principaux de laboratoire
la R&D sont réalisés aussi bien à court En plus de la structuration en centres de
terme qu’à long terme. Cela inclut notam- centralisé, R&D, il est fréquent de séparer les activités
ment la mise sur le marché de nouveaux type IBM de recherche, de développement et
produits, l’anticipation des principales évo- d’industrialisation. Ce choix résulte d’un
lutions technologiques, l’adaptation aux ou Xerox, compromis entre un professionnalisme
marchés locaux et les orientations stratégi- n’est plus accru pour chaque entité et les difficultés
ques de l’entreprise. de coordination. En pratique, hors recher-
considéré che amont, la R&D peut rester intégrée
Contexte comme pour 1 à 3 nouveaux produits par an. Au-
Il n’existe évidemment pas de structure par- delà, elle est séparée en deux, voire en
faite ou idéale. L’organisation évolue, la panacée. trois au-delà de 20 produits par an.
s’adapte, parfois oscille, selon les besoins Nota : la typologie s’applique essentielle-
et le contexte. Elle est souvent modifiée ment à l’organisation de la R&D privée.
mais rarement remise à plat. Dans le secteur public, il est difficile de
S’il est gratifiant de démarrer un nouveau remettre en cause l’existence ou la taille des
centre de R&D, il est plus difficile de le réo- laboratoires et instituts. Pour dynamiser ces
rienter ou de l’arrêter. Un centre de R&D entités, des structures virtuelles sont créées.
est en effet constitué de personnels spécia- Elles fonctionnent avec des personnels déta-
lisés accumulant de la compétence sur des chés des laboratoires existants. Il est alors
échelles de l’ordre de la dizaine d’années. possible d’atteindre une masse critique,
Son inertie naturelle s’oppose à des chan- d’être visible et de rivaliser avec des struc-
gements trop importants : apparition tures comparables sur d’autres continents.
d’autres technologies, évolution des
besoins du marché, réduction de l’effort
nécessaire, etc. Il faut donc bien définir la
Avantages
mission et ses limites dès le début, surtout ✔ L’organisation permet aux personnels
pour les entités les plus loin du marché. de R&D de mieux se situer et d’orienter
leurs efforts vers un objectif précis.

Comment l’utiliser ? Précautions à prendre


✔ Prévoirdes ressources pour la coordination
Étapes et le management quand l’organisation
• Répartir les activités selon les stades de devient complexe (5 à 25 %).
R&D. ✔ Fixer précisément la mission de chaque

...
• Rassembler autant que possible les acti- centre de R&D.
vités amont.
• Segmenter le reste en entités séparées
selon le nombre et la taille des projets.

25
Outil 4 Organiser et localiser la R&D (suite)

Comment être plus efficace ?

La R&D intégrée dans un centre de profit spécialisation est utile pour l’exploration de
Les ressources de R&D sont intégrées fonc- nouveaux domaines (les supraconducteurs à
tionnellement dans la business division. haute température critique par exemple) ou
L’objectif essentiel est de mettre sur le mar- pour construire de nouvelles compétences
ché de nouveaux produits. Les indicateurs avec un partenaire. Alcatel et Fujitsu ont par
sont les coûts et les délais de développe- exemple mis en commun leur R&D sur les
ment, la qualité du produit mis sur le mar- équipements de télécommunications mobiles
ché, son coût de revient, etc. L’inconvénient 3G dans le cadre d’une joint-venture.
principal est la mise au second plan des L’inconvénient majeur d’un centre spécialisé
fonctions d’innovation et de développement est sa propension à pousser la technologie
des compétences. Les produits sont amélio- qu’il maîtrise, parfois au détriment d’autres
rés de manière incrémentale au détriment techniques plus adaptées au problème à
de l’anticipation de nouvelles technologies. résoudre.
Le laboratoire central de recherche
Les unités de R&D « sorties »
Cette structure est commune aux grandes
entreprises multinationales : Xerox, Alcatel- L’entreprise peut éprouver des difficultés à
Lucent, IBM, etc. Elle permet de se concen- développer des activités déviant trop forte-
trer sur les évolutions majeures susceptibles ment de sa trajectoire technique. Pour favo-
d’influencer les marchés de l’entreprise. Ras- riser le développement d’activités
semblant une masse critique d’experts, elle radicalement nouvelles, il faut parfois les
fait progresser l’état de l’art mondial. Les sortir du cadre contraignant de la R&D :
savoir-faire développés sont stratégiques équipe délocalisée, « start-up » virtuelle ou
pour l’ensemble des business division. De structure juridique séparée. La société SUN
par leur taille et leur influence, de tels cen- a, par exemple, dû isoler les activités liées
tres de R&D sont susceptibles d’influencer au logiciel Java.
les normes ou les politiques publiques. Ils
constituent aussi d’excellentes vitrines tech- Le centre de R&D thématique
nologiques pour les clients.
L’inconvénient principal est la difficulté à Il mobilise des ressources pour résoudre un
transférer des résultats aux business divi- problème donné. Il peut associer des acteurs
sions, les clients internes. privés et publics. En devenant plus visibles
et plus utiles à la collectivité, les centres thé-
Le centre de R&D spécialisé matiques permettent d’obtenir plus facile-
Il s’agit d’atteindre un niveau d’excellence ment des financements publics ou les dons
scientifique dans un domaine précis. Cette de fondations.

26
4
1 • Diriger et organiser la R&D

Outil
Cas de la Délocalisation d’une équipe de R&D
d’une entreprise d’équipement mécanique
Facteur de décision de la localisation de la R&D Risque Opportunité Commentaire

À former. Forte rotation


Utilisation de compétences locales Faible des personnels.

Aides locales à l'implantation Faible

Adaptation des produits


Remontées des besoins client Stratégique en local.

Proximité des organismes normalisateurs Très faible

Mais observation
Risque de contrefaçons Moyen à la source des contrefaçons.

Système juridictionnel
Défense des droits de propriété industrielle Fort peu favorable.

Motivation principale.
Attention
Fournisseurs à faibles coûts Stratégique Attention réactivité élevée
qualité
demandée.

• La localisation d’un centre des équipements mécaniques pour plusieurs


de R&D secteurs. Elle envisage de développer quel-
ques produits en Chine pour augmenter leur
Les centres de R&D peuvent être maintenus part de marché sur l’Asie.
au cœur de l’entreprise ou au contraire im-
Les deux facteurs clés sont, dans ce cas, la
plantés dans des zones plus éloignées. Cela
peut être pour se rapprocher des marchés propriété industrielle et la proximité du client.
émergents, comme la Chine ou l’Inde, ou Il existe en effet un fort risque de contrefaçon.
pour profiter de la puissance capitalistique de Ce risque est limité par l’étroitesse du marché
pays tels les États-Unis. L’implantation de la visé. Une présence locale permet de plus de
R&D est une décision importante, d’autant mieux détecter les contrefaçons et d’entamer
plus qu’elle est médiatique et susceptible des poursuites locales.
d’affecter l’image de l’entreprise, en interne Le retour direct des clients permet d’adapter
comme en externe. plus rapidement les produits. La participation
à des organismes professionnels locaux abou-
tit à une meilleure connaissance des besoins.
• Les facteurs de décision
La difficulté essentielle est le travail avec les
Ils sont regroupés dans le tableau ci-dessus et fournisseurs locaux pour tenir un coût de re-
illustrés pour le cas d’une entreprise fabricant vient sans sacrifier la qualité. ■

27
Outil 5 Faire ou acheter ?
Diagramme d’aide à la décision
d’achat d’une technologie

Besoins du marché

Long terme Transitoire

Potentiel de profits
Réguliers Court terme

Retombées

Uniques à l’entreprise Utiles à d’autres

Exploitation des compétences


Toute la vie du produit Pendant le développement

Coût d’acquisition
Élevé Faible

Coût de sortie
Élevé Faible

FAIRE : 4
COLLABORER : 2
ACHETER : 1

En résumé I n sigh t s
Une entreprise ne peut développer en interne l’ensem- A company cannot develop internally all the neces-
ble des technologies nécessaires pour la réalisation de sary technologies for its products fabrication. The
ses produits ou de ses services. Le responsable de R&D R&D manager thus has to choose which technologies
doit donc choisir quelles technologies seront déve- will be developed internally and how the others will
loppées par la R&D et comment les autres seront be acquired outside. The diagram of decision-making
acquises à l’extérieur. Le diagramme d’aide à la contains the main criteria of this crucial choice for
décision reprend les critères principaux de ce choix the company. An intermediate way consists in
crucial pour l’entreprise. Une voie intermédiaire collaborating.
consiste à collaborer.

28
5
1 • Diriger et organiser la R&D

Outil
Pourquoi l’utiliser ? • La somme donne une indication sur la
meilleure décision.

Objectif Méthodologie et conseils


La grille d’évaluation aide à déterminer la Il est souvent Les critères doivent être évalués comme
meilleure stratégie vis-à-vis d’une nouvelle
peu efficace pour une décision d’investissement majeur,
technologie à maîtriser : la développer en c’est-à-dire avec la direction, le contrôle de
interne ou la sous-traiter à un tiers. Si de développer gestion, le marketing, la production et les
aucune de ces deux possibilités ne se déta- en interne autres directions importantes. En théorie,
che, une voie intermédiaire consiste à la cette décision peut être prise selon les cri-
développer en partenariat avec un tiers. Le des technologies tères financiers habituels : retour sur inves-
savoir-faire et la propriété intellectuelle bien maîtrisées tissement, valeur actuelle nette, etc. En
sont alors partagés. pratique, il est difficile d’évaluer les consé-
ailleurs. quences multiples à l’échéance de plu-
Contexte sieurs années : formation, après-ventes,
barrières à l’entrée ou à la sortie, etc.
La maîtrise d’une nouvelle technologie ou
L’appréciation nécessite donc une certaine
d’un nouveau savoir-faire nécessite des
expérience.
efforts de R&D importants sur plusieurs
La décision d’achat peut se concrétiser de
années. Dans certains cas, la maîtrise
plusieurs manières : sous-traitance, licen-
d’une technologie est déterminante et
ces onéreuses, prestataires, etc. Entre faire
affecte la valeur de l’entreprise sur les mar-
et acheter, il existe de nombreuses voies
chés. Le responsable de R&D détermine la intermédiaires. Le co-développement est un
meilleure manière de gérer ses investisse- partage des coûts, des risques et de la pro-
ments selon les besoins de l’entreprise. La priété intellectuelle, par exemple. ■
tendance naturelle des personnels de R&D
est de développer en interne pour augmen-
ter les compétences propres et minimiser
les dépendances externes. Il est souvent
préférable cependant de se concentrer sur
quelques technologies clés et de laisser à
des tiers la maîtrise des technologies qu’on
ne peut exploiter totalement.

Comment l’utiliser ? Avantages


✔ Savoir décider de développer en interne
Étapes ou de sous-traiter permet de se concentrer
• Identifier la technologie à développer en sur l’essentiel.
interne ou à sous-traiter.
• Évaluer les six critères principaux en pla- Précautions à prendre
çant une barre dans le diagramme à gau-
che, au milieu ou à droite. Selon ✔ Limiter à quelques experts
l’importance du critère, utiliser deux, voire la représentation technique dans le comité
de décision.
trois barres.

29
Outil 6 Choisir le bon partenariat R&D
Tableau de choix d’un partenariat R&D

CLAUSES RELATIVES
À LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE*
Partager Exploitation
OBJECTIFS Technologies FORMES DE
des droits des résultats
DE PARTENARIAT pré-existantes PARTENARIAT
de PI* de PI*

Obtenir un résultat R&D Peu •Expertise


Rare Rare
pour l’entreprise de partage •Prestation
•Sous traitance

Co- Accord Accord •Cabinet de développement


Partager
propriété de licence de licence •Collaboration R&D
une activité R&D
•Partenariat client/fournisseur

Partager des objectifs


Co- Accord Accord •entité R&D commune
de R&D
propriété de licence de licence (GIE, GIP, JV …)
dans un domaine

Co-propriété Licences Licences •Participation à des normes


Ouvrir les résultats
ou patent pool diverses diverses •Association de standard
de R&D
•Laboratoire d’usage

En résumé I n sigh t s
Les entités de R&D doivent engager de nombreux R&D entities have to engage in numerous partnerships
partenariats pour rester efficaces, créatives et à la to remain effective, creative and on the top in their
pointe de leur domaine. La forme de ces partenariats domain. The implementation of these partnerships is
est déterminée par des paramètres multiples. L’objec- determined by multiple parameters. The objective is
tif est précisé en premier. Les conditions sur la pro- clarified in the first stage. The conditions on intellec-
priété intellectuelle sont déterminantes : droits sur la tual properties are determining: property rights on
création, accords d’exploitation et accès aux techno- creative activities (foreground), agreements of exploi-
logies préexistantes.
tation and access to background technologies.

30
6
1 • Diriger et organiser la R&D

Outil
Pourquoi l’utiliser ? Les droits de propriété sur les résultats sont
souvent réclamés par l’industriel ou par
le financeur prédominant. Pour concilier
Objectif les exigences, il est possible d’opter pour
Il existe de nombreuses formes de partena- Une bonne la copropriété dans des conditions à pré-
riat R&D. Le bon choix consiste à marier ciser : domaines, quote-part, nécessité
stratégie
la meilleure forme juridique aux objectifs d’accords préalables à l’exploitation, res-
et intérêts de chacun. Les clauses relatives de coopération trictions, etc.
à la propriété intellectuelle sont particuliè- Les organismes publics, qui ne peuvent
permet
rement importantes pour l’équilibre à long exploiter les résultats en propre, peuvent
terme du partenariat. à la R&D réclamer des royalties. Plus généralement,
de se consacrer les règles de partage des revenus d’exploi-
Contexte tation de chaque partenaire doivent être
La R&D est une activité réclamant de nom- à l’essentiel. déterminées.
breuses relations avec l’extérieur. Pour son Il ne faut pas oublier de négocier l’accord
fonctionnement, elle a recours à des parte- aux technologies préexistantes. Pour
nariats lui permettant d’obtenir plus rapide- exploiter les nouveaux résultats, il faut en
ment des résultats qu’en essayant de effet parfois recourir à des technologies
développer les compétences par elle- maîtrisées par l’autre. Il convient donc de
même. Au-delà de la R&D, l’entreprise peut faire un inventaire détaillé des technolo-
se tourner vers des partenariats qui enga- gies maîtrisées par chacun et de négocier
gent toute l’organisation : entreprise com- les droits antérieurs dès le début. Ils pren-
mune, standards, etc. nent souvent la forme de concession de
licences limitées et non cessibles.
Un critère important dans le choix du par-
Comment l’utiliser ? tenariat est le financement public. Il existe
en effet de nombreuses possibilités de
financement français ou européen favori-
Étapes
sant les collaborations entre entreprises et
• Préciser le type d’objectif du partenariat organismes de recherche. ■
(colonne 1).
• Déterminer le partage des droits de pro-
priété intellectuelle. Avantages
• Négocier l’accès aux technologies
✔ Trouver la meilleure forme juridique
préexistantes et la répartition des revenus
d’un partenariat R&D.
issus des droits partagés de propriété intel-
lectuelle. ✔ Permettre le développement à long terme

• Fixer la forme du partenariat des partenariats.


(colonne 4).
Précautions à prendre
Méthodologie et conseils
✔ Prendre le temps de se connaître avant
Plus l’intérêt des partenaires est clair, plus il
de s’engager dans un partenariat.
est facile de choisir la meilleure forme de
partenariat. Un coup d’essai est parfois ✔ Se concentrer sur l’exploitation
nécessaire pour bien définir les objectifs par- des résultats plutôt que sur les droits
de propriété intellectuelle.
tagés de partenaires qui se connaissent peu.

31
Outil 7 Le partenariat R&D client-fournisseur
La synchronisation de la R&D
dans la chaîne de valeur

R&D Industrialisation

R&D Industrialisation

Sans partenariat R&D client-fournisseur Mise


R&D Industrialisation sur le
marché

Avec partenariat R&D client-fournisseur


R&D Industrialisation

R&D Industrialisation

Mise
R&D Industrialisation sur le
marché

En résumé I n sigh t s
Le partenariat R&D entre un client et un fournisseur The joined customer-supplier R&D partnership is a
consiste à faire collaborer directement les services direct collaboration between the R&D activities of a
R&D du client et du fournisseur. Pour la conception customer and a supplier. The customer may then
de ses futurs produits, le client utilise les produits de design his new products based on the next generation
prochaine génération de son fournisseur, sans atten- of the supplier’s ones, without waiting their industri-
dre leur industrialisation et leur commercialisation. alisation and market launch.
Ce type de collaboration amont peut être généralisé This kind of partnership can be extended to the actors
aux acteurs d’une même chaîne de valeur ou d’une of a value chain or of an industrial sector.
filière industrielle.

32
7
1 • Diriger et organiser la R&D

Outil
Pourquoi l’utiliser ? gagnant-gagnant peut être trouvé. Pour
cela, il faut identifier les composants du
produit les plus critiques pour les perfor-
Objectif mances.
Le partenariat R&D client-fournisseur syn- Le partenariat Un premier contact permet de présenter
chronise les activités R&D de sociétés suc- mutuellement les activités et les besoins de
client-fournisseur chacun. Choisir les interlocuteurs pour évi-
cessives dans la chaîne de valeur d’une
filière industrielle. Il permet de mettre sur est souvent ter de retomber dans la relation client-four-
le marché des produits beaucoup plus rapi- nisseur déjà établie.
utilisé
dement. Généralement, l’intérêt d’une collabora-
dans un cadre tion amont est spontanément perçu dès les
Contexte premiers contacts. Il peut s’agir, sans être
national
En l’absence d’un tel mécanisme, la R&D exhaustif :
d’une entreprise doit attendre la stabilisa- pour mieux – de développer de meilleurs produits
tion des produits de ses fournisseurs princi- grâce à une meilleure connaissance des
affronter
paux pour pouvoir confirmer les besoins d’un client spécifique ;
orientations de ses activités de R&D et de les concurrents – d’utiliser des outils de mesure de son
ses produits. Par exemple, la filière indus- client hors de sa portée ;
d’autres pays.
trielle des cellules solaires se décompose en – de sceller un contrat d’approvisionne-
sociétés centrées sur les activités suivantes : ment long terme.
extraction pour fournir du silicium en vrac, L’étape finale consiste à formaliser
transformation en silicium métallurgique, l’accord trouvé à travers un projet commun
purification en silicium de grade solaire, de R&D et un accord juridique. Le projet
fabrication des cellules solaires, mise en reprend les objectifs communs, les moyens
panneaux. L’innovation ne se transmet que mis en œuvre, les activités prévues et le
lentement à travers cette chaîne de valeur management mis en place. Un contrat per-
car chaque société dissimule ses orienta- met de formaliser les obligations des par-
tions jusqu’au moment de la commerciali- ties afin que les intérêts mutuels puissent
sation des produits. En situation de être tenus. ■
compétition internationale, il est souhaita-
ble d’accélérer et d’améliorer le cycle Avantages
d’innovation de l’ensemble de la filière.
✔ Le partenariat client-fournisseur accélère
la mise sur le marché des produits.

Comment l’utiliser ? ✔À plus grande échelle, il rend la filière


industrielle plus efficace et concurrentielle.

Étapes
Précautions à prendre
• Identifier les fournisseurs.
• Cerner les intérêts mutuels. ✔ Négocier une période d’exclusivité pour
• Définir un programme de travail et un éviter que les compétiteurs bénéficient trop
rapidement des progrès du fournisseur.
accord de partenariat.
✔ Assurer la confidentialité.
Méthodologie et conseils ✔ Accepter de rester à son niveau
La première tâche consiste à identifier les de la chaîne de valeur pour instaurer
la confiance entre client et fournisseur.
fournisseurs avec lesquels un accord

33
Outil 8 Innover par les normes et les standards
Le processus d’élaboration des normes ISO

Filière TC/SC

1
NP
(proposition d’étude
nouvelle)
Produits

1er

2
CD (projet de Comité)
Édification du consensus
entre experts ou ISO/PAS (Spécification
publiquement disponible)
FILIÈRE RAPIDE

DIS ou ISO/TS

3 Édification du consensus (Spécification technique)


au sein de TC/SC
ISO/TR (Rapport technique)
pour document non normatif

4
Texte final pour traitement
Enquête sur DIS (projet
comme FDIS (projet final
de Norme internationale)
de Norme internationale)

5
Vote formel sur FDIS
Texte final de la Norme
(contrôle d’épreuve
internationale
par le secrétariat)

6 Publication
de la Norme internationale
Norme internationale ISO

En résumé I n sigh t s
Les normes ISO (International Standard Organisation) ISO (International Standard Organization) standards
sont obtenues par un processus visant à obtenir un are obtained through a wide consensus of an industrial
large consensus d’un écosystème industriel et des auto- ecosystem and the public authorities. Starting with a
rités publiques. À partir d’un besoin exprimé lors du need expressed during the technical committee, a project
comité technique, un projet de norme est établi par un of standard is established by a group of experts. This
groupe d’experts. Ce projet est détaillé au fur et à project is detailed according to the feedbacks of the com-
mesure des retours du comité et des pays. Après être mittee and the countries. After having been through the
passé par les stades DIS et FDIS, il devient une norme DIS and FDIS stages, it becomes an official standard.
officielle.

34
8
1 • Diriger et organiser la R&D

Outil
Pourquoi l’utiliser ? Comment l’utiliser ?
Objectif Étapes
L’établissement d’une norme vise à définir ISO provient • Faire reconnaître son besoin par son sec-
des règles et des caractéristiques parta- teur industriel et le faire approuver par le
gées par une très large communauté. Les du grec isos, comité technique (phase 1).
normes ISO (International Standard Orga- signifiant égal. • Assembler une proposition technique
nisation) reflètent un consensus entre tous dont les spécifications sont acceptables
les acteurs d’un secteur industriel, les grou- par la majorité (phases 2, 3,4).
pements professionnels, les organismes de • Faire approuver formellement le projet
recherche et les gouvernements des pays de norme. La norme est alors publiée au
membres. catalogue ISO. (phases 5,6).
In fine, l’établissement d’une norme permet
l’émergence de nouveaux marchés. Des Méthodologie et conseils
normes telles que l’ISA (Industry Standard
L’ensemble du processus nécessite un à deux
Architecture) ont facilité l’interconnexion
ans au minimum. Il existe une filière rapide
des cartes électroniques et ont permis au
pour les projets réalisés dans d’autres orga-
marché de la micro-informatique de se
nisations à vocation normative.
développer considérablement.
Il est préférable de ne pas restreindre la
norme par des conditions d’accès à la pro-
Contexte
priété intellectuelle. Cela risque en effet de
L’établissement des normes naît du besoin limiter son utilisation. Si nécessaire, l’ISO
de s’entendre entre plusieurs acteurs. Long- impose que des conditions d’accès soient
temps initiées et gérées par les collectivités raisonnables et non discriminatoires
publiques, les normes deviennent industriel- (RAND en anglais).
les au début du XXe siècle, plus particulière- Pour gagner du temps, l’ISO propose des
ment aux États-Unis et dans l’électronique. formats plus flexibles comme l’accord
Elles se développent rapidement depuis. Il d’atelier international.
en existe aujourd’hui plusieurs dizaines de
milliers, dont une partie seulement est réel-
lement exploitée.
Les normes industrielles correspondent le
plus souvent au besoin d’interopérabilité
ou de communication entre les parties de
systèmes plus larges (télécommunications, Avantages
transport…). En rendant les produits subs-
✔ Favoriser l’émergence de nouveaux
tituables, les normes permettent certes le
marchés en rendant des produits
développement du marché global mais interopérables ou compatibles.
elles diminuent aussi les barrières pour les
concurrents.
Précautions à prendre

...
✔ Veiller aux normes concurrentes.

35
Outil 8 Innover par les normes et les standards (suite)

Comment être plus efficace ?

La norme est l’outil de standardisation le regroupements professionnels optent pour


plus abouti. Il en existe d’autres, dont les un format ouvert. Ils s’engagent notamment
variations se mesurent par deux critères : la à donner soit un accès gratuit, soit des licen-
taille de la communauté de consensus (d’un ces de coût raisonnable à tout demandeur.
seul acteur à l’ensemble d’un écosystème Un standard ouvert, tel que celui des CD-
industriel) et les conditions d’accès à la pro- ROM, permet aux clients et aux fabricants
priété intellectuelle (gratuité, royalties, par de n’utiliser qu’un seul système. Dans ce
contrat spécifique, etc.). Culturellement les cas, le standard a dû s’imposer face à
Européens tendent à aborder les normes par d’autres standards défendus par d’autres
une approche réglementaire alors que les communautés d’intérêt.
États-Unis favorisent une approche commer- Le logiciel libre (Open Office) est un exem-
ciale. ple de fonctionnement en standard ouvert et
accès gratuit.
La norme
Elle est délivrée par de grands organismes Le standard propriétaire
tels que l’ISO, l’Afnor (Agence Française de Certaines entreprises choisissent d’imposer
Normalisation) ou l’ITU-T (International Tele- leurs spécifications comme standard de
communication Union). Ils s’appuient sou- facto. L’accès au standard est restreint et
vent sur les travaux réalisés dans des payant. Un contrat spécifique est souvent
organisations spécialisées ou des forums, obligatoire. Apple, par exemple, fonc-
tels le W3C (World Wide Web Consortium) tionne avec ses propres standards qu’ils
ou l’association DVB (Digital Video Broad- licencient à des partenaires. Contrôlant
casting). l’ensemble de la technologie, Apple peut
L’ISO, par exemple, publie environ 16 000 garantir une grande qualité de service.
normes, révisées tous les cinq ans. Les nor- Autres exemples : Microsoft et la suite
mes sont généralement libres d’utilisation. Si bureautique ou la société Soitec délivrant
l’accès à un droit de PI est nécessaire, il doit des substrats avancés.
l’être de manière non discriminatoire et
dans des conditions raisonnables. Accords multipartenaires
À noter : le mot norme n’existe pas en À défaut de standard, il est possible de réa-
anglais. Il peut être traduit par standard de liser des accords entre plusieurs fabricants
jure. (ou Multi Source Agreement). Par exemple,
le groupement XFPMSP rassemble des fabri-
Le standard ouvert cants de composants optoélectroniques. Il a
Un large consensus peut être obtenu autre- pour but de créer des accords multipartenai-
ment que par le recours à un grand orga- res sur les émetteurs et récepteurs 10 Gb/s
nisme. Par exemple, le format pdf s’est de petite dimension. Ils spécifient notam-
imposé comme un standard de facto. Pour ment les boîtiers, les connecteurs et les pro-
soutenir leur diffusion à grande échelle, des tocoles.

36
8
1 • Diriger et organiser la R&D

Outil
Cas du Standard de diffusion de télévision
pour mobile DVB-SH

1 Diffusion satellite en bande S


•Mobilité
•Couverture nationale et européenne
2 Diffusion par relais GSM en bande S
•Couverture urbaine et dans les bâtiments
•Capacité additionnelle
3 Diffusion unicast par relais GSM en 3G
•Nombre illimité de canaux
1 •Interactivité

Bande S

Source : Alcatel-Lucent

• Un système hybride terrestre phone, puces) et propose le standard DVB-


et satellitaire de diffusion SH au groupe DVB (Digital Vidéo Broadcas-
de la télévision sur mobile ting). Ce standard doit trouver sa place parmi
d’autres : le DVB-H poussé à l’origine par
De nombreuses études de marché soulignent le Nokia, MediaFlo un standard propriétaire de
potentiel de la diffusion de la téléphonie sur mo- la société Qualcom, le S-DMB utilisé en Co-
bile. Pourtant la diffusion par le 3G est limitée rée et des velléités de la Chine d’assembler
en capacité et l’utilisation du standard DVB-H son propre standard. Tout en conduisant en
est restreinte à certains pays par l’usage de la
parallèle un projet collaboratif avec ses parte-
bande UHF. Alcatel-Lucent émet l’idée d’un
naires, Alcatel-Lucent obtient en deux ans
nouveau système diffusant en bande S simulta-
l’approbation du standard par le groupe DVB
nément en satellite et en terrestre via les relais
et l’ETSI (European Telecommunications
GSM. Ce système permettrait un déploiement
Standards Institute).
rapide à l’échelle européenne.
En parallèle, il demande à l’ITU l’accès à la
bande S pour un usage hybride terrestre et sa-
• Une démarche de longue haleine tellitaire. Étant donné la nouveauté de l’ap-
Pour développer son système, Alcatel-Lucent proche, il faut obtenir l’accord de la Commis-
s’allie avec d’autres fabricants (satellite, télé- sion européenne, puis celui du parlement… ■

37
Dossier

2
Évaluer
2
et financer
la R&D
Dossier

L a R&D est avant tout un investissement de l’entreprise visant à géné-


rer des revenus futurs, tout comme la recherche amont est un inves-
tissement de la société pour créer de l’activité et du progrès. En termes
financiers, la R&D présente l’inconvénient majeur de ne porter ses fruits
que dans un horizon lointain. Il est difficile d’en évaluer le risque, et
donc la valeur.

Pour autant, beaucoup de projets R&D sont déviés ou arrêtés non pas
à cause des difficultés techniques mais à cause d’un changement de
la valeur potentielle : diminution des charges financières, prise en
compte tardive du marché accessible, évolution de la concurrence,
nouvelle réglementation, etc. L’évaluation des résultats est donc au
cœur du management de la R&D.

La valorisation financière

Le principe de prudence conduit souvent à comptabiliser les dépenses de


R&D comme une charge dans les comptes de l’entreprise. Cette approche
est très réductrice par rapport à la valeur de la R&D. Elle tend à l’éloigner
des niveaux de décision les plus élevés de l’entreprise où la question de la
R&D se résume à un simple problème d’attribution de budget. D’un point
de vue comptable, il est heureusement maintenant possible d’amortir une
partie des dépenses de R&D et de les considérer comme des actifs.
Il existe plusieurs méthodes pour valoriser les projets, dont plusieurs seront
détaillées.

38
2 • Évaluer et financer la R&D

Dossier 2
Au bout du compte, le rendement financier du projet doit correspondre au
moins au rendement du capital de l’entreprise, soit 8 à 25 % selon les sec-
teurs. L’apport de fonds publics peut contribuer à diminuer le risque finan-
cier initial.

La valorisation des connaissances amont :


trop d’incertitudes ?

Les connaissances issues de la recherche sont caractérisées par une diffu-


sion large et l’absence a priori d’application précisément identifiée. Le cal-
cul de la valeur du projet est rendu très aléatoire par l’importance du risque
et l’éloignement des premiers revenus. À ce titre, ces activités se déroulent
dans des organismes publics ou sont aidées plus ou moins par des fonds
publics. Les décisions stratégiques ne peuvent s’appuyer sur une valorisation
précise. Elles reposent alors sur des éléments plus qualitatifs. Un comité ad
hoc peut, par exemple, inventorier des applications éventuelles et des élé-
ments tels que la taille des marchés ou le nombre de concurrents.

La part immatérielle

La valeur de la R&D ne se réduit pas à celle de ses projets. Elle est fixée
in fine par les marchés financiers. Or la valeur de l’entreprise sur le marché
financier est souvent plus élevée que la valorisation comptable. Une partie
de cette différence peut être attribuée aux valeurs immatérielles portées par ■ Les OUTILS
la R&D : compétences, réputation, potentiel, etc.
9 Cibler les résultats
de la R&D .................. p. 40
10 Estimer la valeur
d’un projet ................. p. 42
11 L’arbre de décision ..... p. 46
12 L’évaluation des choix
techniques .................. p. 48
13 Amortir les dépenses
de R&D ...................... p. 52
14 Financer avec les aides
publiques (France) ........ p. 54
15 Le crédit d’impôt
recherche ................... p. 58
16 Financer avec les aides
publiques (Europe) ...... p. 62
17 La notification d’une aide
d’État à la CE ............. p. 66

39
Outil 9 Cibler les résultats de la R&D
Exemple d’analyse FoPASPI
du laboratoire central d’un grand
équipementier télécom français

Mesure
Stades Résultats Revenus Coûts Priorité
de la valeur

Tous Formations Pas de revenu direct. Coût de formation Temps consacré 20 %


techniques ou de prestations à la formation
pour l’ensemble des experts de niveau en R&D.
de l’entreprise équivalent
sur le marché

Recherche Publications Accès à des communautés Investissement Coûts de recherche. 5 %


de connaissances d’experts. nécessaire
nouvelles. Constitution d’un par un nouveau
capital d’expertise. venu pour entrer
sur le marché.

Développe- Acquisition Revenus de transferts Revenus générés + Coûts R&D 30 %


ment de savoir-faire. de technologie. plan d’affaires spécifiques
Prototypes. Licences. Prestations des produits
Démonstrateurs. d’expertise. développés
Unités pilote. Exploitation interne. en interne.

Développe- Standards. Normes. Contrôle indirect Part de marché Part des experts 20 %
ment Collaborations. d’une part sécurisée. dédiés aux activités.
de marché par influence
sur des réglementations
ou standards.

Développe- Produits Revenus associés Plan d’affaires. Coûts 5%


ment et de services à la commercialisation de développement.
industriel des produits.

Tous Image Prise de part Affaires et clients Participation 20 %


de l’entreprise de marché supplémentaires aux conférences,
attribuables salaires
à la réputation R&D. de personnalités, etc.

En résumé I n sigh t s
Les principaux résultats de R&D sont obtenus par The main results of R&D are obtained by analysis of
analyse du tableau FoPASPI (Formation, Publications, the TiPASPI board (Training, Publications, Acquisi-
Acquisition de savoir-faire, Standards, Produits, tion of know-how, Standards, Products, Image).
Image). Chaque catégorie de résultat conduit in fine Every category of result leads ultimately to revenues.
à des revenus. Leurs méthodes d’évaluation sont le Evaluation methods are generally specific. A value
plus souvent spécifiques. Une comparaison des comparison of every category can then lead to target
valeurs des principaux résultats peut alors mener à some objectives.
cibler les objectifs.

40
9
2 • Évaluer et financer la R&D

Outil
Pourquoi l’utiliser ? Il faut constituer un groupe de personnes
expérimentées avec un point de vue affai-
res, marketing et production.
Objectif Pour les laboratoires limités au développe-
L’outil permet de déterminer les objectifs La R&D ment, la valorisation nécessite l’expertise
prioritaires d’une structure de R&D. Elle de spécialistes de la valorisation et de la
met en regard les objectifs principaux conduit propriété intellectuelle. La difficulté de la
répertoriés par le tableau FoPASPI et la à de multiples valorisation consiste à imaginer et à trou-
valeur apportée à l’entreprise. ver des applications dans des domaines
résultats. souvent très différents de celui dans lequel
Contexte il a été développé. Par exemple, un maté-
Les résultats apportés par la R&D à la riau plastique mis au point pour les réac-
valeur créée par l’entreprise sont de plu- teurs nucléaires peut être utilisé et licencié
sieurs natures. L’objectif principal est sou- pour des pneus de voiture ainsi que pour
vent connu et partagé dans l’entreprise ou des emballages ménagers. Selon la taille
le laboratoire : concevoir de nouveaux du laboratoire, un groupe spécialisé dans
produits ou maîtriser de nouvelles techno- la valorisation permettra d’optimiser le
logies. Les autres résultats sont moins taux de valorisation des résultats. L’évalua-
connus et leur importance varie d’une tion de ce taux peut être obtenue par com-
entreprise à l’autre : formation des person- paraison avec des sociétés similaires.
nes pour l’entreprise, image, accès aux Pour les organismes publics, l’analyse est
réseaux, etc. Ils peuvent néanmoins contri- plus complexe. Il faut considérer comme
buer de manière importante au succès de revenu le surcroît d’activité et de richesse
l’entreprise. Mieux reconnaître les résultats créé dans les entreprises grâce à l’action
ciblés permet de leur attribuer les ressour- de l’organisme. Cette analyse nécessite
ces nécessaires et de mettre en place un alors une certaine prise de distance. ■
suivi adéquat.

Comment l’utiliser ?
Étapes
• Constituer un groupe de sponsors de la
R&D (dirigeants, investisseurs, utilisateurs).
• Détailler chaque objectif FoPASPI et illus- Avantages
trer par des cas concrets.
✔ Reconnaissance et optimisation de toutes
• Estimer la valeur potentielle de chaque les fonctions de la R&D.
résultat et le coût associé.
• Hiérarchiser avec une note de 0 à
100 %. Précautions à prendre
✔ Exigerla participation de personnes ayant
Méthodologie et conseils une vue à la fois large et précise
Pour les entreprises, la valorisation des de l’impact de la R&D sur l’entreprise
résultats est liée à la commercialisation des (ou sur la société pour les organismes
publics).
produits et à la prise de part de marché.

41
Outil 10 Estimer la valeur d’un projet
Le plan d’affaires simplifié

Approche descendante : Approche ascendante :


Marché global Marché • Enquête
⇒ segment 1 (x %) accessible • Nb utilisateurs type A
⇒ segment 2 (y %) • Nb utilisateurs type B

Part de marché

Estimation des revenus

Coûts variables

Coûts fixes
(investissements, frais fixes,
– outils de fabrication,
administration)

– Coûts de développement
du projet R&D

Valeur
= Flux d’argent du projet

Année 1 2 3 5

En résumé I n sigh t s
La valeur d’un projet R&D réside essentiellement The value of a R&D project lies mainly in the
dans les revenus que son exploitation permettra de incomes generated by its exploitation. The simpli-
générer. La méthode du plan d’affaires simplifié fied business plan consists in evaluating the poten-
consiste à évaluer approximativement les revenus tial turnover of the targeted products and in
potentiels des produits visés par le projet de R&D et subtracting the estimated costs. The project value
d’en soustraire les dépenses estimées. Le flux net is the net cash flow.
représente la valeur financière du projet.

42
10
2 • Évaluer et financer la R&D

Outil
Pourquoi l’utiliser ? • Estimer les coûts fixes nécessaires à la
prise de part de marché (usine, publicité…).
• Calculer le flux d’argent en déduisant
Objectif des revenus l’ensemble des coûts.
L’évaluation d’un projet de R&D dans sa Ce plan
phase initiale permet de décider de la per- Méthodologie et conseils
d’affaires
tinence d’investir des moyens humains et L’estimation du marché par la méthode des-
financiers. Dans le cadre d’un portefeuille simplifié cendante est la plus accessible. Le cas illustré
de projets, l’évaluation contribue à la à la page suivante est un dispositif médical
est aussi
sélection des projets. Pour l’investisseur ou de traitement de l’hyperparathyroïdie. Le
le financier, l’évaluation du projet est une un réflexe point de départ est la population mondiale.
étape importante. pour les Elle est multipliée par le pourcentage de per-
sonnes atteintes de cette maladie, puis par
Contexte entrepreneurs. le taux de variantes non traitées par l’appro-
L’estimation de la valeur d’un projet de che classique. Les résultats de cette approche
R&D par la méthode des plans d’affaires peuvent être optimistes.
simplifié est particulièrement adaptée lors- L’estimation du marché par la méthode
que la finalité en termes de produits ou de ascendante est plus réaliste et plus difficile
services est clairement identifiée. Elle est à mettre en œuvre. Dans le cas illustré, une
utile pour aider aux décisions importantes enquête peut être réalisée dans plusieurs
telles que le lancement d’un nouveau pro- centres de dialyse. L’hyperparathyroïdie
jet, la sélection dans un portefeuille de pro- conduit en effet à une insuffisance rénale
jets ou un arrêt. traitée dans de tels centres. Le marché
accessible est directement déduit des résul-
Elle est applicable pour les projets plus
tats de cette enquête et du nombre de cen-
amont tant que le périmètre d’activité reste
tres de dialyse en Europe.
dans la même entreprise. Il est plus difficile
La valeur in fine du projet provient des flux
de l’utiliser quand il y a transfert entre des
financiers calculés : valeur des investisse-
organismes de recherche et des entreprises.
ments nécessaires, revenus nets lorsque le
produit est sur le marché, etc.

Comment l’utiliser ? Avantages


Étapes ✔ Justifier
une demande de financement
public ou privé pour un projet de R&D.
• Définir les produits et les services visés.
• Évaluer le marché accessible par une
analyse du marché globale (approche des- Précautions à prendre
cendante) et par une enquête de marché
✔ Confronter les données et la méthodologie
(approche ascendante). avec des personnes d’autres horizons
• Estimer la part de marché atteignable en (entrepreneurs, financiers…).
fonction des atouts et faiblesses, des ressour- ✔ Prévoir une estimation haute et une

...
ces disponibles et des autres facteurs clés. estimation basse.
• En déduire une prévision de chiffre
d’affaires. Déduire les coûts variables (coûts
de revient, de vente, de logistique…).

43
Outil 10 Estimer la valeur d’un projet (suite)

Comment être plus efficace ?

La méthode du plan d’affaires simplifié développement vaut 2 M€ avant son lance-


aboutit à une prévision de rentrées et de sor- ment pour un taux d’actualisation de 10 %.
ties d’argent. L’analyse de ces flux finan-
ciers permet au financeur (direction de Taux de rendement interne (TRI)
l’entreprise, banque, organisme public…) Une autre manière d’analyser les flux finan-
de comparer différentes hypothèses. La ciers est de les comparer à un placement
méthode des flux actualisés est la plus utili- financier ordinaire avec une phase de capi-
sée. talisation et une phase de revenus. Le taux
de rendement interne (TRI) du projet est
L’actualisation obtenu en cherchant le taux d’actualisation
La valeur d’un euro varie avec le temps. menant à une VAN égale à zéro (la formule
Pour le grand public, la variation est expri- est disponible sous Excel). Dans l’exemple
des dispositifs médicaux, le TRI est de 16 %.
mée par l’inflation. Pour l’homme d’affaires,
Un taux plus faible aurait probablement
le taux de l’argent investi varie de 4-5 %
conduit à l’arrêt immédiat du projet étant
(aucun risque) à 20-30 % (risques très éle-
donné les risques et l’immobilisation sur une
vés). Il existe des valeurs de référence par
longue période de l’argent investi.
secteur. Par exemple, le taux de l’argent
investi dans le médical est d’environ 15 %.
Autres analyses
Une analyse à long terme exige donc
Ces deux indicateurs sont très utilisés pour
d’actualiser les flux financiers, c’est-à-dire
comparer entre eux des projets. Il faut pren-
de les rapporter à leur valeur présente. Un
dre en compte aussi l’exposition financière
taux d’actualisation constant est utilisé pour
(– 4,4 M€ dans l’exemple), le point d’équi-
prendre en compte le secteur ou le risque.
libre (2019 dans le cas), etc. Attention tou-
Les flux financiers sont ensuite dépréciés de
tefois à ne pas se perdre dans des chiffres
ce taux chaque année. Dans l’exemple ci- dont la pertinence est très relative à plus de
contre les flux financiers de 2017 sont dimi- trois ans d’échéance. L’important est à cher-
nués de 50 % par rapport à la valeur de cher dans l’histoire qui accompagne l’ana-
référence de 2009, pour un taux d’actuali- lyse : le business case.
sation annuel de 10 %.
La valeur actualisée nette (VAN) est la Cette méthode permet de calculer
somme des flux financiers futurs corrigés de la valeur actuelle nette (VAN)
ce taux d’actualisation. Elle représente la d’un projet ainsi que son taux
valeur en euros d’aujourd’hui des revenus de rentabilité interne (TRI)
futurs. Dans l’exemple ci-contre, le projet de et le point d’équilibre.

44
10
2 • Évaluer et financer la R&D

Outil
Cas du Projet de développement
d’un dispositif médical
Estimations
en millions d’euros 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 Total

(a) Dépenses de R&D 1,0 1,0 1,0 4,0

(b) Développement
0,5 1,0 0,5 2,0
industriel

(c) Ventes 0,2 0,5 1,0 3,0 6,0 10,0 12,0 12,3 45,0

(d) Autres dépenses 0,2 0,4 0,7 2,1 3,6 6,4 8,4 9,2 31,0

(e) Flux net = c – (a + b + d) –1,0 –1,5 –2,0 –0,5 0,1 0,3 0,9 2,4 3,6 3,6 3,1 9,0

(f) Taux équivalent (TRI sur e) 16 %


(g) Actualisation =
1/(1+10 %)^n 100 % 91 % 83 % 75 % 68 % 62 % 56 % 51 % 47 % 42 % 39 %

(h) Valeur actualisée nette


à 10% (cumul e x g) –1,0 –2,4 –4,0 –4,4 –4,3 –4,1 –3,6 –2,4 –0,7 0,8 2,0 2,0

• Un dispositif pour traiter par an. Étant donné les coûts de développe-
l’hyperparathyroïdie ment (3 M€), de l’unité d’assemblage (2 M€)
et des dépenses de fonctionnement, le projet
Les parathyroïdes sécrètent la parathormone devrait permettre un résultat net d’environ
favorisant la régulation des taux de calcium et 3 M€ par an à partir de 2018.
de phosphore dans le sang. Une hyperpara-
thyroïdie peut être primaire ou secondaire. Un
• Indicateurs financiers
nouveau dispositif à ultrasons permet de trai-
ter les glandes parathyroïdes pour les cas se- L’analyse des flux financiers (ligne e) montre
condaires, en alternative à un traitement mé- que le projet est équivalent à un placement à
dicamenteux. un taux de 16 %, un taux suffisamment élevé
pour justifier le risque technique et le blocage
de l’investissement sur cinq ans.
• Plan d’affaires
L’analyse de la valeur actualisée est effectuée
Le marché visé initial doit être limité à la avec un taux de comparaison de 10 %. Ce der-
France étant donné les difficultés sur le plan nier correspond pour le holding financier en
réglementaire et les conditions d’accès aux charge de l’affaire au taux habituel dans son
autres marchés. Le marché européen ne se- domaine d’investissement (le médical). La va-
rait accessible qu’à un horizon de trois ans. leur actualisée nette (VAN) du projet est de
Les revenus pourraient alors atteindre 12 M€ 2 M€. ■

45
Outil 11 L’arbre de décision
Arbre à trois niveaux et calcul de
la valeur actuelle nette (VAN)

P.U. = 50 c
6% 30 000
30 % (coût 3 000)

P.U. = 70 c
50 % (coût 1 500) 10 % 15 000
Techno 1
Coût 6 000
20 % Échec 4% – 9 000
20 %

P.U. = 50 c
30 % (coût 3 000) 9% – 3 000

P.U. = 70 c
50 % (coût 1 500) 15 % – 6 000
COÛT Techno 2
3 000 Coût 3 500
30 % 20 % Échec 6% – 6 500

P.U. = 70 c
90 % (coût 1 500) 9% 500
Techno 3
Coût 1 200
10 % 10 % Échec 1% – 4 200

40 % Échec 40 % – 3 000

Exploration Développement Industrialisation Probabilité VAN estimée

VAN moyenne = 723

En résumé I n sigh t s
L’arbre de décision reflète les évolutions possibles The decision tree reflects the possible evolutions of
d’un projet de R&D de son début jusqu’à la commer- a R&D project, from its start to the marketed prod-
cialisation du produit final. La valeur actuelle nette uct. The net present value (NPV) of each branch
(VAN) de chaque branche est estimée. La probabilité is estimated. The probability of each scenario is
de chaque scénario est obtenue en multipliant les obtained by multiplying those of each node. The
probabilités à chaque nœud de l’arbre. La somme sum of all the products yields the mean value of
des produits donne l’espérance de valeur du projet. the project.

46
11
2 • Évaluer et financer la R&D

Outil
Pourquoi l’utiliser ? Méthodologie et conseils
Les jalons peuvent être des points de déci-
sion importants dans le déroulement du
Objectif projet R&D. Ils peuvent aussi matérialiser
L’arbre de décision décrit les évolutions Les arbres des risques ultérieurs : risque de ne pas
possibles d’un projet de R&D selon les de décision atteindre un coût de production donné, ris-
choix et les résultats obtenus lors de l’avan- que de mise sur le marché, etc.
cement du projet. L’outil permet d’estimer permettent L’arbre de décision est typiquement établi
la valeur moyenne en prenant en compte de calculer en début de projet. Dans cette phase de
les probabilités et les valeurs finales de définition, l’arbre de décision peut mettre en
chaque branche. l’espérance évidence des branches menant à des
mathématique échecs. En supprimant dès le départ ces
Contexte « branches mortes », il est possible de res-
Il est souvent irréaliste de supposer qu’un de la valeur treindre le nombre d’éventualités à risque et
projet de R&D va se dérouler de manière du projet. ainsi de maximiser les chances de succès.
linéaire et selon le plan initial. Plus les ris- L’arbre peut être mis à jour au fur et à
ques sont importants, les échéances lointai- mesure de l’avancement. Les probabilités
nes et la recherche amont, plus il est utile et les valeurs sont affinées en même temps
de jalonner l’évolution du projet. À chaque que le projet est mieux maîtrisé. ■
jalon, le projet peut évoluer de plusieurs
manières : choix entre plusieurs technolo-
gies exploratoires, décision go/no go,
recherche de nouveaux partenaires, etc.
L’évaluation du projet doit alors prendre en
compte toutes les possibilités, c’est-à-dire
non seulement les opportunités de gain
mais aussi les risques de pertes.

Comment l’utiliser ?
Étapes
• Identifier les jalons qui ont un impact
déterminant sur la valeur finale du projet Avantages
(part de marché, prix de vente, coût de
développement). ✔ L’espérance de gain en cas de succès est
mise en balance avec les risques de
• Déterminer les éventualités à chaque
pertes.
jalon et estimer leur probabilité.
• Calculer la valeur de chaque scénario
possible ainsi que sa probabilité totale Précautions à prendre
(produit des probabilités de chaque nœud
✔ Se concentrer sur les décisions modifiant
de la branche).
le plus la valeur du projet.
• La moyenne des valeurs pondérées par
les probabilités de chaque branche corres- ✔ Multiplier
les estimations des probabilités
auprès des membres du projet.
pond à l’espérance de valeur du projet.

47
Outil 12 L’évaluation des choix techniques
Les quatre axes d’évaluation
et leur compromis

Option A ou B ?

Retard Coût
A=?€ A=?€
de mise du produit x
B=?€ sur le marché B=?€
quantité

A=?€ Réduction Coût A=?€


des de
B=?€ B=?€
performances développement

En résumé I n sigh t s
Les choix techniques ont souvent de nombreuses Technical choices often have numerous consequences
conséquences hors du domaine purement technique. beyond the purely technical domain. À methodology
Une méthodologie de décision permet d’éviter les choix of decision allows to avoid arbitrary choices. The
arbitraires. L’outil présenté consiste à quantifier finan- present tool consists in quantifying financially the
cièrement les impacts selon quatre axes principaux. La impacts according to four main criteria. The decision
décision est alors plus facile à prendre et à partager. is then easier to make and to share.

48
12
2 • Évaluer et financer la R&D

Outil
Pourquoi l’utiliser ? • Comparer quantitativement les quatre
facteurs de choix et décider.

Objectif Méthodologie et conseils


L’outil vise à faciliter le choix entre plu- La plupart Dans cette approche, l’évaluation finan-
sieurs options lors de l’avancement d’un cière est volontairement simplifiée afin que
des choix
projet de R&D. Il peut s’agir de choix tech- chacun puisse se l’approprier. Il n’est donc
niques (faut-il réaliser cette pièce en acier techniques pas utile de détailler des plans d’affaires
ou en composite ?) ou de méthodologie mais plutôt de définir des règles simples
peuvent
(faut-il sous-traiter ce sous-ensemble ?). permettant d’évaluer l’impact de chaque
Chaque option est évaluée selon quatre se décider paramètre.
axes permettant de favoriser, selon les grâce La décision est alors souvent évidente. Le
priorités, le temps de mise sur le marché, simple fait de se mettre autour d’une table
le coût de développement, le coût produit à une et de définir les différents scénarios permet
ou la qualité du produit. quantification souvent de réduire les choix possibles.
L’évaluation doit ensuite mettre en évi-
Contexte selon dence des différences importantes sur les
Le bon déroulement d’un projet de R&D quatre axes. quatre axes. Celles-ci sont à comparer aux
dépend en grande partie de la capacité priorités du projet : délai, coût, etc.
de l’équipe à choisir entre plusieurs Si l’évaluation ne permet pas de trancher
options. En l’absence de méthodologie, les de manière évidente, c’est que le choix n’a
décisions deviennent rapidement arbitrai- pas un impact majeur sur le projet.
res, voire conflictuelles. La plupart des
choix techniques ont en effet des consé-
quences multiples sur les coûts, la tenue
des délais, la maintenabilité, les possibili-
tés d’évolution, etc. Pour éviter les choix
arbitraires, il faut s’efforcer de prendre de
la distance et de partager les critères de
décision.

Avantages
Comment l’utiliser ? ✔ L’amélioration du processus de décision
permet de rendre le projet de R&D plus
Étapes efficace (délai, coût, qualité).
• Formaliser les différents scénarios à
départager A, B, C… Précautions
• Détailler l’impact sur la date de mise sur
le marché, sur le coût produit, sur le coût ✔ Définir la démarche dès le début du
projet : méthode de décision, priorité du
de développement et sur les performances. projet entre délai, coût et qualité, et facteur

...
• Évaluer l’impact financier d’un retard de de quantification du retard et de la qualité.
mise sur le marché.
• Évaluer l’impact sur les ventes d’une
diminution des performances.

49
Outil 12 L’évaluation des choix techniques (suite)

Comment être plus efficace ?

Les mauvais choix techniques sont souvent les moyens le plus efficaces pour déterminer
découverts en fin de projet, c’est-à-dire cette valeur. Quand le temps ou les ressour-
lorsqu’il est trop tard pour les corriger. Une ces sont insuffisants, il est utile de disposer
faible partie peut être décidée sur la base d’un échantillon représentatif de personnes
de critères purement techniques. Les autres pouvant représenter le client ou l’utilisateur.
nécessitent la mise en balance de critères Par défaut, il est utile d’estimer grossière-
tels que le coût, le délai ou la maintenance. ment la valeur de chaque fonction à réaliser
dès le début du projet, avant même que les
Évaluation du retard de mise sur le choix se présentent et influencent les évalua-
marché tions.
Dans ce contexte, le coût d’un retard est un
indicateur important. Son estimation néces- Évaluation de l’impact coût
site une bonne connaissance du marché et
Les options entraînent des variations de coût
du client. Voici trois cas extrêmes :
de développement et de coût de revient du
• L’impact d’un retard est négligeable. Les
clients sont fidèles, les prix évoluent peu, la produit ou du service. L’impact sur le coût
concurrence est faible ou lente. produit nécessite une bonne connaissance
• Les non-ventes dues au retard ne sont pas des éléments qui affectent le coût de revient
récupérables car la concurrence est impor- du produit, notamment le coût d’achat des
tante et les clients volatiles. Le coût du retard composants et le coût de fabrication.
correspond aux marges perdues des non- L’impact d’une variation de coût produit est
ventes. simplement le produit du surcoût par la
• L’ensemble des ventes sont affectées car quantité totale de produits qui seront fabri-
l’image de l’entreprise se détériore. Le coût qués jusqu’au prochain produit.
du retard est alors équivalent au profit perdu Attention cependant aux économies ponc-
sur l’ensemble des ventes de l’entreprise. tuelles qui impliquent des dépenses supplé-
mentaires ailleurs : influence sur les autres
Évaluation de l’impact des performances composants, assemblage plus difficile, inter-
La valeur d’une fonctionnalité ou de son vention supplémentaire en après-vente, etc.
niveau de performance se mesure par la
propension du client à acheter. La percep- Pour faire les bons choix,
tion de cette valeur est souvent très différente l’ingénieur doit pouvoir
selon les personnes de l’équipe projet. appréhender quantitativement
L’étude de marché, l’observation de compor- les conséquences des choix
tement ou l’étude de prix sont probablement pour l’entreprise.

50
12
2 • Évaluer et financer la R&D

Outil
Cas du Choix d’un type de batterie
pour une nouvelle perceuse

Marché : 5 millions d’unités/an


Part de marché visée : 10 %
Coût du produit : 80 € Marge cumulée totale :
Prix de vente : 115 € 52 500 000 €
Durée de vie du produit 3 ans
Durée du projet 24 mois
Coût du projet : 9 000 000 €

Mise sur le marché Coût produit Coût développement Performances


Options Impact Impact Impact Part Impact
de batterie Délai Surcoût Impact
marge marge coûts de marché marge

Ni-Cd (ancienne) +2 mois 2 187 500 € –1 € 1 500 000 € Équivalent


+3 mois 1 125 000 € –3 % –15 750 000 €
Ni-MH (objectif initial) 0€ 0€ 0 € nominal 0€ 0% 0€

Équivalent
Li-ion (opportunité) –9 mois –9 843 750 € 3 € –4 500 000 € –1 125 000 € 1% 5 250 000 €
–3 mois

• Conflit chez un fabricant batterie Li-ion, de par sa légèreté, permettrait


d’outillage électromécanique de gagner 1 % de part de marché, soit environ
5 M€ de marge cumulée sur la durée de vie
La société a lancé un projet de développement du produit.
d’une nouvelle perceuse. Trois mois après son
D’un autre côté, étant donné la forte concur-
lancement, un ingénieur revenant d’une expa-
rence, le coût d’un retard de mise sur le mar-
triation au Canada remet en question le choix
ché est estimé à 100 % du profit perdu, soit
de la nouvelle batterie Ni-MH. Ce type de
batterie est déjà dépassé ! L’équipe est divisée environ 1,5 million d’euros par mois. Or le
en trois camps : garder l’option prévue pour temps supplémentaire pour la mise au point et
tenir le planning, viser un meilleur produit la validation de la batterie Li-ion est de
avec une batterie Li-ion et le retour à la bat- 9 mois ! À ceci s’ajoute le surcoût du compo-
terie Ni-Cd des modèles précédents pour rat- sant entraînant 4,5 M€ de diminution de
traper le temps perdu en discussions. marge cumulée.
Au final l’équipe s’accorde pour rester sur
l’option nominale. Il est aussi décidé d’éva-
•À la recherche d’un compromis
luer quelques modifications mineures per-
Une équipe marketing et R&D s’attache à mettant le passage ultérieur aux batteries
évaluer les trois scénarios. L’utilisation d’une Li-ion… ■

51
Outil 13 Amortir les dépenses de R&D
Répartition en charges et amortissements

Recherche fondamentale

Recherche appliquée

AMORTISSEMENTS
CHARGES

Développement expérimental

Développement industriel

En résumé I n sigh t s
Certaines dépenses de R&D peuvent être amorties au Some R&D expenses can be paid off in the same way
même titre que d’autres investissements. S’il répond à as other investments. If it answers precise criteria, a
des critères précis, un projet de R&D peut être inscrit R&D project can be registered as an asset in the com-
à l’actif des comptes de l’entreprise. Les dépenses cor- pany accounts. The corresponding expenses may be
respondantes peuvent être étalées sur plusieurs exerci- spread over several accounting years.
ces comptables.

52
13
2 • Évaluer et financer la R&D

Outil
Pourquoi l’utiliser ? finaliser le développement industriel et la
commercialisation.
• Inclure dans le périmètre les marques et
Objectif les brevets.
Certains coûts de R&D peuvent être amortis La loi • Amortir les dépenses selon les règles de
sur plusieurs années. Cette comptabilisa- dépréciation en vigueur et la durée esti-
du 18 avril
tion permet notamment de faire face à une mée.
augmentation importante des dépenses de 2006 • Remettre à jour annuellement la valeur
R&D sur une période limitée. Plus généra- du projet et les amortissements selon
a précisé
lement, les dépenses de R&D ne sont plus l’avancement.
considérées comme des charges mais les critères
comme des actifs incorporels, augmentant Méthodologie et conseils
d’immobilisation
d’autant la valeur de l’entreprise. Les nouvelles normes nécessitent une éva-
des activités luation plus systématique des résultats de
Contexte R&D, une meilleure communication entre la
de R&D.
Le principe de prudence amène souvent à R&D, la finance et le management et une
gérer la R&D comme un centre de coût. Un mise à jour des systèmes d’information
budget lui est alloué annuellement et les comptables.
dépenses sont ventilées selon des coeffi- Pour distinguer les parties d’un projet de
cients arbitraires dans les coûts de revient R&D qui peuvent être amorties de celles
des produits. qui seront prises en compte en charges, il
Cette approche est réductrice car elle tend est intéressant de s’appuyer sur le cycle de
à éloigner la R&D des niveaux de décision développement de l’entreprise. ■
les plus élevés de l’entreprise. Le manage-
ment de la R&D est réduit à l’attribution
d’un budget. Il néglige la valeur apportée.
Face à ce problème, les normes comptabi-
lité (PCG, IAS), évoluent dans le sens d’une
prise en compte des projets de R&D.
Depuis 2005, les dépenses des projets doi-
vent être capitalisées et les dépenses amor-
ties sur une période correspondant à la
durée de vie des produits visés. Avantages
✔ Le projet de R&D est considéré comme un
investissement et non comme une charge.
Comment l’utiliser ? ✔ Les dépenses sont réparties sur plusieurs
périodes comptables.
Étapes
• Classifier les activités de R&D selon les Précautions à prendre
stades de Frascati : recherche amont,
appliquée, développement expérimental et ✔ Lesfuturs amortissements diminuent le
budget de R&D des années suivantes.
industriel.
• Identifier les projets de R&D s’appuyant ✔ La capitalisation de dépenses de R&D peut
sur une faisabilité technique, un marché s’avérer incompatible avec l’éligibilité au
crédit d’impôts recherche.
accessible et une capacité financière pour

53
Outil 14 Financer avec les aides publiques (France)
Matrice de choix des dispositifs
d’aide publique à la R&D en France

PME GRAND ORGANISME


< 250 pers. < 5 000 pers. GROUPE PUBLIC
• Jeune Entreprise • Financement public
Toute activité R&D Innovante (JEI) direct
expérimentale
• Crédit d’impôt recherche (CIR) : 30 à 50 % jusqu’à100 M€ • Par entreprise, via CIR

• Aide au partenariat
Avant projet technologique (APT) :
Étude subvention OSEO région

Projet R&D • Aide au projet R&D :


seul avance remboursable OSEO

Projet R&D • avance rem- • Par PME : 30 %


avec grand compte boursable 30 % Passerelle OSEO

Labellisation pôle puis comité de mutli-financement (projet jusqu’à environ 3 M€ )


Projet R&D collaboratif • OSEO : avance remboursable PME
pôle de compétitivité • Conseil régional : subvention
• Fonds unique Interministériel : subvention
• ANR : subvention laboratoires

Projet R&D collaboratif • OSEO ISI : subvention et avance


France remboursable pour projet 10 M€ max

Projet R&D collaboratif


Europe • cf. 7e programme cadre CEE

En résumé I n sigh t s
Il existe de nombreux dispositifs, au niveau national Several public funding authorities, at the national or
ou régional, pour aider l’entreprise à investir plus local level, can help companies to invest more in R&D
dans les activités de R&D et ainsi à prendre plus de activities, and so to take more risk. The matrix above
risques. La matrice ci-dessus aide à choisir le dispo- allows to choose the most adapted funding scheme
sitif le plus approprié selon quelques facteurs princi- according to a few simple factors.
paux faciles à déterminer.

54
14
2 • Évaluer et financer la R&D

Outil
Pourquoi l’utiliser ? – Type d’activité :
• Les activités de R&D sont-elles limitées à
la recherche et au développement expéri-
Objectif mental (cf. manuel Frascati 2002) ?
La matrice ci-contre permet de déterminer Les aides • S’agit-il d’un projet de R&D limité à
les dispositifs d’aide publique applicables l’entreprise, réalisé avec un grand compte
publiques ou dans un cadre collaboratif plus large ?
aux activités de R&D. L’aide contribue à
optimiser le financement de la R&D. Elle françaises • Choisir les dispositifs d’aide adaptés à
permet surtout à l’entreprise de prendre l’aide de la matrice ci-contre.
concernent
plus de risques dans l’exploration de solu-
tions innovantes. les activités Méthodologie et conseils
de R&D Si l’entreprise est une PME au sens commu-
Contexte nautaire, le statut de jeune entreprise inno-
qui se déroulent vante (JEI) est particulièrement intéressant.
En France, les principaux bailleurs sont
OSEO (fusion de l’ANVAR et de la sur le territoire La plupart des dispositifs d’aide ont des
BDPME, banque des PME), les Régions et conditions préférentielles (taux d’aide plus
national. élevés) pour les PME.
l’État (incluant impôts, fonds unique inter-
ministériel, agence nationale de la recher- Tous les cas ne sont pas couverts. Le gou-
che…). Les aides sont octroyées sous forme vernement choisit d’orienter l’aide publi-
de subventions et d’avances remboursa- que selon ses priorités. Les grands groupes
bles. Dans ce dernier cas, les sommes per- ont, par exemple, accès à peu de disposi-
çues sont reversées ultérieurement selon tifs parce qu’ils sont aidés de manière
des conditions prédéfinies. Pour l’entre- importante à travers le crédit d’impôt
recherche. Les organismes publics sont plu-
prise, l’avance remboursable est un finan-
tôt aidés pour les projets par l’agence
cement fiable pour des activités risquées
nationale de la recherche (ANR).
pour lesquelles aucun autre investisseur tra-
ditionnel (banque, capital risque) n’inter-
viendrait seul.

Avantages
Comment l’utiliser ? ✔ Augmenter la prise de risque des activités
de R&D.
Étapes
✔ Optimiser le financement de l’entreprise.
• Pour toutes les entreprises, appliquer le
crédit d’impôt recherche en priorité.
• Déterminer les facteurs principaux affec-
Précautions à prendre
tant le choix d’un dispositif d’aide : ✔ Définir dès le départ la limite entre ce qui
– Type d’entreprise : peut être partagé et ce qui doit rester au
• PME au sens communautaire (< 250 per- sein de l’entreprise.
sonnes, cf. recommandation de la Com- ✔ Prévoir des ressources dédiées pour le

...
mission dans le Journal Officiel L 124 du suivi administratif.
20 mai 2003) ?
• Grand groupe (>2 000 ou 5 000 per-
sonnes, selon les cas) ?

55
Outil 14 Financer avec les aides publiques (suite)

Comment être plus efficace ?

L’obtention d’une aide publique nécessite la gories précises comme dépenses de person-
rédaction d’une demande d’aide. Sa qualité nels, dépenses de fonctionnement,
détermine en grande partie les chances de amortissements, etc.
succès auprès du comité de sélection. Cha-
que entité a son propre format de demande Exploitation des résultats
d’aide. Les dossiers comportent en général Cette partie est déterminante pour le finan-
les parties suivantes. ceur car elle lui permet d’évaluer l’impact
de sa contribution en termes de création
L’objectif et le contexte d’activités et d’emplois. Pour les projets les
L’objectif technique doit être suivi de la des- plus amont, il faut s’efforcer de convaincre
cription des ruptures technologiques par du potentiel et de l’ampleur des retombées.
rapport à un état de l’art. Il faut ensuite pré- Pour les projets plus industriels, de véritables
ciser les impacts du projet en termes de fina- plans d’affaires sont demandés afin d’ana-
lités pour les partenaires (produits lyser la cohérence de la finalité du projet,
commercialisés). Les retombées pour la col- mais surtout de la réelle intention des
lectivité peuvent aussi justifier le recours à acteurs d’exploiter les résultats en cas de
une aide publique. succès.
La description des partenaires du projet est
particulièrement importante (activité com- La partie contractuelle
merciale, acquis techniques, organisation, In fine la demande d’aide se traduira par
personnes clés, etc.) ainsi que leur complé- un ou plusieurs contrats. Quand un format
mentarité. est imposé, il est conseillé de se le procurer
et de l’analyser. Il n’est pas rare que les ver-
La description du projet sements d’aide soient conditionnés à l’éta-
Elle sera lue par les experts en charge de blissement d’accords de consortium signés.
l’évaluation. L’activité du projet doit être La soumission de la demande d’aide peut
clairement structurée pour faciliter sa com- aussi nécessiter l’établissement de mandats
préhension progressive : découpage en de représentation et de négociation entre les
lots, enchaînements des activités, points de acteurs du projet et le chef de file.
décision, livrables, acteurs, moyens, etc. Les accords de propriété intellectuelle entre
Les évaluateurs accordent généralement de les acteurs constituent la partie délicate des
l’attention à la description de la gouver- accords de consortium.
nance du projet : modalités de décision,
gestion des risques, mécanismes d’adapta- Étant donné l’effort nécessaire
tion, procédures de contrôle, gestion des pour réaliser un bon dossier
partenaires, etc. de demande d’aide,
Les coûts du projet sont détaillés lot par lot une présélection avec dossier
dans une annexe financière selon des caté- simplifié est parfois mise en place.

56
14
2 • Évaluer et financer la R&D

Outil
Cas du Projet KEOPS de la société Imaginec
Projet KEOPS II Projet KEOPS IV
Projet KEOPS I Projet KEOPS III
8 M€ 8 M€
5 M€ 9 M€
Cadre : Pôle de Cadre : auto-
Cadre : CEE Cadre : région
compétitivité financement

Infineon 12 M€
(Allemagne • Aide 40 % CEE
et France)

2 M€
• Aide 30 % CEE 4 M€ 2 M€
CEA-LETI • Aide 100 % CIR
• Support 30 % • Aide 100 % CIR
(organisme via Imaginec
Imaginec via Imaginec
public)

1 M€ 3,5 M€ 7 M€ 8 M€
Imaginec • Aide 50 % CEE • Aide 50 % OSEO • Aide 40 % région • Non aidé
(PME) • CIR 25 % • CIR 25 % • CIR 30 %

0,8 M€ 0,5 M€
ST Micro- • Aide 40 % CEE • Aide 40 % FUI
electronics • CIR 5 % • CIR 5 %
(grand groupe)

Recherche Recherche appliquée Développement Industrialisation

Maturation du projet

• Un nouveau capteur grands groupes Infineon et STMicroeletro-


microélectronique nics, et le CEA-LETI. La phase de recherche
appliquée, KEOPS-II, sera financée grâce à la
La société Imaginec a été créée par deux an- labellisation par le pôle Minalogic à Grenoble.
ciens ingénieurs de recherche du CEA-LETI. Le développement expérimental est lui aidé
Ils élaborent un projet visant à explorer, déve- par la Région. L’industrialisation, phase IV du
lopper et mettre sur le marché un nouveau projet, est entièrement autofinancée par Ima-
capteur microélectronique pour le marché ginec.
médical. Pour les phases I à III, le crédit d’impôt recher-
che vient en complément des autres aides et
• Un financement adapté en finance à 100 % la collaboration avec le CEA-
fonction de la progression du LETI dans la phase II.
projet Au global, Imaginec investit progressivement
et au fur et à mesure que les risques sont le-
Le projet est divisé en quatre selon la maturité vés : 250 k€ , 880 k€ , 2,1 M€ et 8 M€ suc-
du développement. Un financement européen cessivement. ■
sera demandé pour la phase d’exploration en
amont effectuée en collaboration avec les

57
Outil 15 Le crédit d’impôt recherche
Calcul du crédit d’impôt recherche

Dépenses R&D doublées Subventions


assiette Avances remboursables
Organismes
de recherche

+ 200 % – 100 %
x3 *
0%
* 0%
Crédit x3
Impôt
Recherche

x 30 %*

+ 100 %

Dépenses R&D acceptées

Amortissements, personnels,
fonctionnement, brevets & normes, veille

* 30 % en-dessous de 100 M€ et 5 % au-delà. Taux augmenté à 50 % pour PME et nouveaux entrants.

En résumé I n sigh t s
Le crédit d’impôt recherche (CIR) est une aide fiscale The “crédit d’impôt recherche” (CIR) is a tax
destinée à augmenter les dépenses de R&D. Son credit intended to support R &D activities. The
assiette couvre une grande partie des dépenses de calculation basis includes most R &D expenses as
R&D dès lors que les activités sont suffisamment long as the corresponding activity is sufficiently
amont. Le taux d’aide est de 30 %, voire plus impor- upstream. The support rate is 30 % or even more
tant pour les collaborations avec des organismes important for collaborations with public labora-
publiques et pour les jeunes entreprises. tories and for small companies.

58
15
2 • Évaluer et financer la R&D

Outil
Pourquoi l’utiliser ? • Le contrôle de gestion, en liaison avec le
responsable R&D, adapte le suivi des
dépenses en fonction des critères d’éligibi-
Objectif lité du CIR.
Le crédit d’impôt recherche (CIR) est un Le CIR • En fin d’année civile, les justificatifs sont
avantage fiscal destiné à soutenir les acti- collectés et le formulaire 2069A est rempli.
est déclaré
vités de R&D expérimental des entreprises.
Il permet de financer 30 % des dépenses sur l’année civile Méthodologie et conseils
de R&D éligibles. Le CIR intervient aussi en
par le Les jeunes entreprises innovantes, particu-
complément des activités de R&D déjà
lièrement intéressées par le CIR, peuvent
financées par d’autres aides publiques formulaire
(État, collectivités, Europe…). À noter : les manquer de ressources administratives
2069 A pour pouvoir le mobiliser. Il est possible de
dépenses liées aux jeunes docteurs et aux
collaborations avec les organismes publics (4 feuillets). sous-traiter une partie de ces activités.
sont aidées à un taux très important, attei- Pour les grandes entreprises, le CIR peut
gnant 100 % pour les jeunes entreprises être mobilisé en central par les spécialistes
innovantes. financiers et fiscaux. Les responsables
opérationnels de R&D ne sont pas toujours
Contexte au courant qu’une partie de leur activité
De par La loi de Finances 2008 (arti- est financée par l’État. Cela peut s’avérer
cles 69 et 70), le CIR devient l’aide publi- contre-productif quand des collaborations
que principale aux activités de R&D. Limité R&D sont arrêtées faute de financement
auparavant à 40 % de l’accroissement des apparent.
dépenses et à 16 M€, la portée de cet
avantage fiscal est augmentée considéra-
blement : 30 % d’aide jusqu’à 100 M€ de
dépenses et 5 % au-delà, 50 % pour les
jeunes entreprises, assiette doublée pour
les collaborations avec les organismes
extérieurs, etc.
Avantages
Le CIR est de plus mobilisable sous forme ✔ Le CIR diminue le risque financier lié aux
d’avoir fiscal dans certaines conditions. Il activités de R&D amont.
améliore de plus le compte de résultat.
✔ Ilpermet d’augmenter les collaborations
avec la recherche publique.

Comment l’utiliser ? Précautions à prendre


Étapes ✔ Le CIR peut s’avérer incompatible avec les
critères de capitalisation des projets de
• L’effort de mobilisation du CIR est-il justi- R&D.
fié ? (typiquement oui pour des dépenses
✔ Pour les grands groupes, le CIR devrait
de R&D amont non capitalisées supérieu-
être répercuté dans les comptes des

...
res à 500 k€).
centres de profit incluant la R&D.

59
Outil 15 Le crédit d’impôt recherche (suite)

Comment être plus efficace ?


Même si les procédures ont été allégées à 75 % des dépenses de personnel (200 %
considérablement, la demande de crédit pour les doctorants).
d’impôt recherche (CIR) nécessite un effort Les activités de R&D sous-traitées sont éligi-
important. Il inclut une adaptation du sys- bles si les sociétés privées ou les experts sont
tème comptable de l’entreprise et un support indépendants et labellisés par le Ministère.
juridique et administratif. Elles sont éligibles et comptent double si
elles sont confiées à des organismes publics
Éligibilité selon les stades de R&D
de recherche, des universités ou des centres
Le CIR ne concerne que les activités de R&D techniques industriels indépendants.
très en amont de la mise sur le marché. Les
Les frais de brevet sont généralement accep-
stades éligibles de recherche fondamentale,
tés à l’exclusion des dépôts de dessin,
recherche appliquée et développement expé-
modèle ou marque.
rimental sont décrits précisément dans le
Les activités de normalisation sont prises en
manuel de Frascati (voir outil 1). Ce n’est pas
tant la complexité qui caractérise une activité compte à hauteur de 50 % de leur coût. Les
mais son éloignement de la commercialisa- dépenses de veille technique sont limitées à
tion. Sont par exemple à exclure : les projets 60 000 € par an.
visant le développement d’un produit identi- Prise en compte des autres aides
fié et réputé faisable, les pilotes industriels, publiques
les préséries, l’outillage pour la production,
l’ingénierie, les activités d’enseignement et Les aides publiques reçues de l’État, des col-
les adaptations aux normes. lectivités territoriales et de l’Union européenne
Pour être éligible, les activités R&D doivent doivent être déduites de la base de calcul du
aussi pouvoir justifier d’un objectif visant à CIR. Les avances remboursables sont traitées
dépasser l’état de l’art des techniques. de la même manière. La perte de CIR est res-
tituée lors du remboursement de l’avance.
Dépenses prises en compte
Les dépenses prises en compte sont les Imputation
dépenses de R&D éligibles stricto sensu. Le CIR est déduit lors du paiement du solde
Les dotations aux amortissements sont consi- de l’impôt. Pour les petites entreprises
dérées, par exemple, au prorata de leur uti- (<250 personnes) le CIR est remboursé
lisation aux stades de R&D éligibles et de leur immédiatement. L’excédent d’impôt non
partage avec d’autres entités. encore imputé peut être remis à l’escompte
Les salaires des chercheurs et techniciens sont auprès de BNP Paribas, d’OSEO ou de la
retenus au prorata du temps passé sur les Société Générale.
activités éligibles. La qualification des person-
nels concernés doit pouvoir être justifiée par Les renseignements peuvent être
la nature de leur activité, par leur diplôme ou obtenus auprès du service CIR
par référence au barème de formation à cinq du Ministère de l’Enseignement
niveaux du Ministère de l’éducation natio- supérieur et de la Recherche ou via
nale. Les doctorants comptent double. le réseau DRRT. De nombreux
Dans un souci de simplification, les dépen- professionnels peuvent aussi être
ses de fonctionnement (secrétariat, adminis- consultés pour les formalités et les
tration, consommables, etc.) sont forfaitisées adaptations de l’entreprise.

60
15
2 • Évaluer et financer la R&D

Outil
Cas du Dossier de justificatif de la société OMNION

Société OMNION
Justificatif pour le crédit d’impôt recherche
Projets R&D
Salaire brut Nombre Date
Personnes Diplôme Titre
annuel d’heure embauche VAL XL2010 SuperY X42 Heures Charges
Ingénieur
Alain BRAUD Mines de recherche 48 450 € 1 602 h 01/06/03 800 802 1 602 48 450 €
Mastère Responsable
Philippe DERVO opto + thèse équipe YAG 55 050 € 1 602 h 01/09/01 1200 200 1 400 48 109 €
INSA Lyon
Slimane DEROUICHE + Thèse Chef de projet 63 600 € 1 598 h 01/12/94 1598 1 598 63 600 €
Ingénieur
Cécile LAPLACE ESPCI de recherche 57 300 € 1 598 h 03/01/99 900 698 1 598 57 300 €
Responsable
Paul N’GUYEN X + thèse groupe laser 79 575 € 1 598 h 05/08/92 215 220 480 915 45 564 €
Master
John ZAO Berkeley Thèse de doctorat 42 300 € 1 602 h 02/02/03 820 300 300 202 1 622 42 828 €
DÉPENSES DE PERSONNEL 8 735 305 851 €

Catégories Forfait Charges Heures Frais


Chercheurs et techniciens 75 % 263 023 € 7 113 197 267 €
Thèse de doctorat 200 % 42 828 € 1 622 85 656 €
DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT 282 923 €

Catégories Date achat Acquisition Amorti avant Résiduel Durée Dotations


Microscope électronique 05/02/03 2 567 200 € 1 026 880 € 1 026 880 € 5 ans 171147€ 171147€ 171147€ 513 440 €
Réacteur OMVPE 3 01/01/05 3 122 000 € 2 497 600 € 5 ans 624400€ 624 400 €
Autres équipements 1 278 076 € 639 038 € 319 519 € 79880€ 79880€ 79880€ 79880€ 319 519 €
AMORTISSEMENTS 1 457 359€

Collaborations Date début Budget total Durée Dotations


CEA – LETI 05/02/03 2 567 200 € 5 ans 432000 € 432 000 €
CETIM 02/05/03 230 000 € 2 ans 46000 € 38333€ 84 333 €
DÉPENSES DE R&D CONFIÉES À DES ORGANISMES PUBLICS 516 333 €

TOTAL DES DÉPENSES ÉLIGIBLES ET RETENUES 2 562 466€

La société Omnion vise à commercialiser des • la déclaration résumée ci-dessus ;


lasers de puissance pour la thérapie par pro- • les feuilles d’imputation ;
ton. Après deux ans d’existence, la société
• les dossiers de lancement de projet incluant
décide d’optimiser le financement du départe-
l’état de l’art, les objectifs, les verrous techno-
ment de R&D constitué de six personnes. Une
logiques et la description des travaux à réaliser ;
personne est affectée à temps plein ainsi
qu’un budget de support juridique et adminis- • les justificatifs d’avancement (livrables, réa-
tratif. Elle demande en parallèle le statut de lisations, publications, brevets…).
« jeune entreprise innovante ». Il est soumis annuellement au commissaire au
compte.
• Le dossier justificatif
La société Omnion adapte son système comp- • La mobilisation du CIR
table pour que les dépenses de R&D puissent Le montant du CIR est de 1 539 400 € , soit
être affectées aux quatre projets en cours. Une 100 % des dépenses de R&D confiées à des or-
procédure de déclaration hebdomadaire d’im- ganismes publics et 50 % pour les autres. La
putation des heures de travail est mise en place. somme sera mobilisée en avance grâce à la
Le dossier justificatif comprend : participation d’OSEO. ■

61
Outil 16 Financer avec les aides publiques (Europe)

En résumé I n sigh t s
L’administration européenne dispose de nombreux dis- The European administration proposes several ways
positifs pour soutenir l’innovation. Le 7e programme to foster innovation. The 7 th framework program
cadre (FP7) propose notamment des outils pour aider (FP7) contains in particular many tools to support
les activités de R&D, de la recherche amont et explora- R&D activities ranging from exploring scientific fron-
toire aux projets collaboratifs et ciblés en passant par tiers to targeted collaborative projects and network-
de nombreuses actions de mise en réseau au niveau ing actions at the European level.
européen.

62
16
2 • Évaluer et financer la R&D

Outil
Pourquoi l’utiliser ? • Remplir les formulaires via l’EPSS (Elec-
tronic Proposal Submission Service) avant
la date limite.
Objectif • Après la procédure d’évaluation, négo-
Les outils de financement européens visent Il est cier avec la CEE les conditions de finance-
à stimuler les activités de R&D à l’échelle ment.
européenne. Beaucoup de participants indispensable
apprécient aussi l’opportunité de collabo- de débuter Méthodologie et conseils
rer entre entités européennes. Ils consti- Il est nécessaire de prévoir des ressources
tuent un cadre idéal pour étendre son par une visite pour explorer, faire du lobby, préparer les
périmètre d’activité au-delà du cadre natio- détaillée dossiers. Le chef de file doit prévoir des
nal ou régional. moyens plus importants, notamment sur le
du site
plan juridique.
Contexte Cordis Il est souvent préférable de bien s’entendre
L’Europe dispose de moyens considérables (http:// sur le contenu de la collaboration avant de
pour financer les activités de R&D ainsi se lancer dans la rédaction des documents
que toutes démarches innovantes visant à cordis.europa. demandés dans les formulaires. La rédac-
créer des activités nouvelles. Le budget du eu/fp7) tion d’un bon dossier nécessite une expé-
7e programme cadre est d’environ 50 mil- rience qu’il est possible d’acquérir à travers
liards d’euros pour la période allant de les services de sociétés spécialisées.
2007 à 2013. Les principaux programmes
sont les projets collaboratifs, dont certains
aidés par une association public-privé
appelée « Joint Technology Initiative », les
réseaux d’excellence, les actions de coor-
dination ERA-net des projets nationaux, les
aides aux infrastructures de R&D et le pro-
gramme EUROSTARS dédié spécifique-
ment aux PME.

Avantages
Comment l’utiliser ? ✔ Favoriser la coopération transnationale à
travers des projets de R&D.
La demande d’un financement européen
✔ Permettrede lancer des activités de
doit être anticipée 12 à 18 mois avant la recherche exploratoire aidée à 100 %.
date prévisionnelle de lancement de projet.

Étapes Précautions à prendre


• Déterminer un outil du FP7 (comme ✔ Prévoirles ressources nécessaires pour le
l’aide aux projets collaboratifs de R&D). support administratif.
• Sélectionner le prochain appel à candi- ✔ Rencontrer le project officer à Bruxelles

...
dature correspondant au domaine d’intérêt. pour bien cerner les facteurs de succès.
• Rechercher des partenaires européens.
• Établir un programme de travail et les élé-
ments principaux du contrat de consortium.

63
Outil 16 Financer avec les aides publiques (suite)

Comment être plus efficace ?

Le volet « Coopération » du 7e programme ment des projets intégrés par une taille plus
cadre (FP7) soutient les activités de R&D petite (1 à 5 M€ de dépenses).
dans dix domaines stratégiques gérés indé-
pendamment : santé, alimentation, technolo- La synchronisation des projets nationaux
gies de l’information, nanosciences, Une partie du financement est consacrée à
énergie, environnement, transport, sciences l’harmonisation des initiatives nationales.
humaines, espace et sécurité.
Les actions ERA-NET donnent, par exemple,
un cadre pour permettre aux acteurs natio-
La recherche collaborative
naux d’harmoniser leur programme de tra-
La majeure partie du budget du volet « Coo- vail. Les actions ERA-NET + permettent
pération » est destinée à aider des projets d’organiser une animation et des appels
de R&D collaboratifs : européens via un financement spécifique.
• Les réseaux d’excellence (network of excel-
lence ou NoE) visent à rassembler durable- Les plates-formes technologiques
ment les expertises trop souvent fragmentées
(Joint Technology Initiatives ou JTI)
à l’échelle européenne pour atteindre un
niveau d’excellence mondial. Le programme Dans quelques domaines particuliers, la
de travail de 5 à 7 ans inclut des thèmes taille des investissements et les enjeux justi-
d’études et d’échanges partagés par plu- fient de mettre en place une structure de par-
sieurs partenaires dans au moins trois pays tenariat public-privé long terme. Dans ce
différents. Le financement concerne en prio- cadre, les acteurs industriels et publics tra-
rité les activités de vie du réseau. vaillent étroitement pour promouvoir la com-
• Les projets intégrés (Integrated Project ou pétitivité européenne. Les conditions de
IP) se distinguent par leur taille (> 10 M€ financement sont spécifiques à chaque JTI et
de dépenses) et par leur objectif appliqué. le plus souvent multiples avec des abonde-
Ils visent à développer des connaissances ments nationaux et européens aux investis-
pouvant mener rapidement à de nouveaux sements privés.
produits, processus ou services. De tels pro- Ainsi ENIAC (European Nanoelectronics Ini-
jets englobent généralement les étapes de tiative Advisory Council), un JTI créé pour
recherche amont et de développement expé- rendre l’industrie microélectronique compé-
rimental sur une durée de 5 ans. titive au niveau mondial, publie des appels
Les projets STREP (Specific Targeted à projet de R&D. Les premiers projets sont
Research Project) se distinguent principale- sélectionnés depuis 2009.

64
16
2 • Évaluer et financer la R&D

Outil
Cas des Projets collaboratifs STREPs
9 8 7

Evaluation by Evaluation
Invitation to
funding program summary
negotiate
committee report

10 11 6

Grant
1 Final Final
agreement
evaluation evaluation
Prepare project :
– find partners
– fill part A & B

5
3 4
2
Acknowledgement Evaluation Invitation to
Coordinator by independent hearings
– Submit Project of receipt
expert
through EPSS

• Des projets de R&D ciblés Les formulaires à remplir sont habituels aux
projets européens. La partie A est un formu-
Les projets STREPs (Specific Targeted Re-
laire administratif comportant les informa-
search European Projects) visent à produire des
tions sur les participants et la proposition de
résultats utilisables pour développer ensuite un
projet. La partie B rassemble le programme de
produit, un service ou un processus industriel.
travail dans un format standard de rapport.
Les résultats peuvent être des connaissances,
Les documents sont soumis sous forme de fi-
des simulations, des prototypes ou des démons-
chier pdf via un portail web.
trations.

• Financement
• Un management plus souple que
les projets intégrés La CEE apporte une aide financière sur la base
des coûts réels et complets des activités de R&D.
Les projets STREPs rassemblent au moins
Les coûts indirects (administration, assistance,
trois partenaires des États de la CEE ou des
frais d’établissement, etc.) sont admis sous
pays associés (Albanie, Israël, Suisse, Tur-
quie… voir liste sur site Cordis). Ils comptent forme de forfait ou de coûts réels selon les cas.
généralement 5 à 10 partenaires pour un bud- Les activités de R&D sont financées à 50 %
get de 1 à 4 M€ sur une durée de 18 à 36 mois. jusqu’au stade de développement expérimental
Un coordinateur est désigné par le consortium et à 75 % pour les laboratoires publics. Les PME
pour monter le projet et le soumettre à la bénéficient de bonus. Les activités de coordina-
CEE. tion et de management sont aidées à 100 %. ■

65
Outil 17 La notification d’une aide d’État à la CE
Mise en balance d’une aide d’État
supportant un projet de R&D

– R&D
+ R&D

défaillance de marché
effet d’incitation
nécessité de l’aide effet d’assèchement

moyen d’action adapté pouvoir de marché

proportionnalité de l’aide

Effets positifs de l’aide Effets négatifs de l’aide


Source : d’après www.europeaneconomics.com

En résumé I n sigh t s
De par le Traité de Rome de la Communauté euro- As stated in the Rome treaty starting the European
péenne (CE), les aides d’État sont interdites. Elles ne Community, State aids are forbidden. They are
sont autorisées qu’à titre dérogatoire. Lorsque l’aide authorized only in certain cases. When a State aid
d’État octroyée à une entreprise pour un projet de R&D granted to an R&D project exceeds about ten million
dépasse une dizaine de millions d’euros, l’autorisation Euros, the authorization must be requested from the
doit être demandée à la Direction Générale de la Directorate General for Competition in Brussels.
Concurrence de Bruxelles. Celle-ci mettra en balance They will balance the positive effect of the R&D
les effets positifs de l’aide pour la collectivité avec les project for the common interest and the negative
effets négatifs en termes de distorsion de concurrence. effects, namely the resulting distortion of competition
and trade.

66
17
2 • Évaluer et financer la R&D

Outil
Pourquoi l’utiliser ? • Si la décision est positive, communiquer
les éléments à masquer dans la décision
de la DGC qui sera publiée sur le site
Objectif internet.
L’outil vise à obtenir de la part de la Com- La bible est • Dans le cas contraire, la décision peut
mission Européenne l’autorisation de ver- être l’ouverture d’une enquête directe
le Journal auprès des concurrents, une procédure lon-
ser une aide d’État à un projet de R&D.
Officiel gue et incertaine visant à déterminer
Contexte l’impact de l’aide.
de l’UE
L’article 87 du Traité CE précise que les Méthodologie et conseils
aides d’États sont interdites par défaut. C323/4
Elles sont autorisées dans certains cas défi- Les entreprises sont habituées à démontrer
du
nis par la Direction Générale de Concur- le faible risque du projet de R&D ainsi que
30/12/2006 l’importance des revenus qu’il va générer.
rence (DGC) sur la base des textes
Ce type d’argument est à proscrire. Dans
européens. La DGC autorise l’aide ou
le cadre d’une notification, cela signifie
lorsqu’une mise en balance montre que les
« encadrement qu’un financeur privé peut se passer d’une
effets positifs pour les intérêts communs
aide publique. Il vaut donc mieux laisser
sont supérieurs aux effets négatifs de dis- RDI ».
la plume à des économistes et des juristes.
torsion des échanges et de la concurrence.
Il convient en particulier de ne s’en tenir
La notification individuelle est obligatoire qu’à l’essentiel. Il est recommandé par
lorsque l’aide attribuée est supérieure à exemple de dire ce qui va être démontré,
7,5 M€. de démontrer ce qui est annoncé et de
conclure sur ce qui a été démontré.
L’entreprise s’efforcera de faire ressortir les
Comment l’utiliser ? intérêts communs pour la société : diffusion
de connaissances, création d’emplois, nou-
velles activités, création d’une norme, etc.
L’autorité publique ayant octroyé l’aide Il existe des avocats et des économistes
(OSEO, ministère, ANR…) constitue une spécialisés, dont certains sont localisés à
équipe de travail avec un économiste Bruxelles près des locaux de la DGC.
(ministère, consultant…), un juriste (de
l’entreprise porteuse du projet par exem-
ple) et des experts indépendants. Lorsque
l’aide est octroyée, elle informe dès que
possible la DGC. Avantages
Étapes ✔ Obtenir rapidement une autorisation de
recevoir une aide d’État importante.
• Rédiger un argumentaire et envoyer le
dossier de notification parfaitement relu.
• Attendre le jeu de questions de la DGC Précautions à prendre
(maximum deux mois). ✔ Se tenir à une ligne argumentaire

...
• Fournir sous 20 jours les éléments sup- cohérente et professionnelle.
plémentaires.
• Réitérer jusqu’à la décision publiée par
la Commissaire déléguée à la DGC.

67
Outil 17 La notification d’une aide d’État à la CE (suite)

Comment être plus efficace ?

Les subventions et avances récupérables que grâce à une rentabilité améliorée et à


Il est plus difficile de justifier des aides d’État un apport de trésorerie.
sous formes de subventions. Un barème est Au-delà des chiffres, un examen approfondi
indiqué selon les stades de R&D (voir Outil par la DGC requiert des pièces justificatives
1) : l’intensité de l’aide peut être 100 % telles que des procès-verbaux de conseils
pour la recherche fondamentale, 50 % pour d’administration ou d’autres documents
la recherche appliquée et 25 % pour le confidentiels.
développement expérimental. Des primes
sont ajoutées pour les PMEs (+20%) et pour Le risque
des coopérations entre entités indépendan- Il est important de souligner le niveau de ris-
tes (+10%). que du projet pour montrer que celui-ci ne
Plus la distance au marché est petite, plus il pourrait être réalisé sans aide. Le risque
est intéressant d’utiliser les avances récupé- technique est justifié par la nouveauté, l’état
rables, notamment pour le développement de l’art et l’avis d’experts indépendants. Le
expérimental. L’intensité de l’aide peut alors risque peut aussi être de nature industriel ou
être supérieure au barème. Il faut définir les financier (investissements irréversibles, bar-
rières à la sortie, etc.). Cumulée avec le ris-
modalités de remboursement en cas d’issue
que commercial (méconnaissance du
favorable et calculer le taux équivalent du
marché, nouveaux clients), la prime de ris-
prêt que constitue l’avance. Ce taux doit
que peut alors atteindre 10, 20 ou 30 % par
être supérieur au taux de référence et
rapport au taux de référence.
d’actualisation (JO C 273 du 9/9/1997).
Défaillances de marché
L’incitativité de l’aide
Le marché est réputé efficace pour générer
La pierre angulaire de la plupart des argu- les projets de R&D qui en valent la peine.
mentaires réside dans l’incitativité de l’aide. Ainsi, pour que l’aide d’État puisse préten-
Celle-ci doit modifier le comportement du dre être légitime, il faut démontrer qu’aucun
porteur de projet. Grâce à l’aide, il accroît acteur n’entreprend sans aide le même type
la taille, la portée ou le rythme du projet. de projet, et en expliquer les raisons. L’aide
L’incitativité est démontrée par une analyse se justifie particulièrement lorsque des
contradictoire des scénarios avec et sans acteurs sont amenés à coopérer pour la pre-
aide. Il faut justifier dans chaque cas des mière fois. La clause d’alignement peut aussi
montants d’investissements et des flux de tré- être invoquée pour s’aligner avec des aides
sorerie. Les analyses financières doivent distribuées par des pays tiers depuis trois
démontrer qu’il est plus rentable a priori de ans. Elle est souvent invoquée pour la micro-
ne pas faire le projet, mais que, grâce à électronique, largement subventionnée dans
l’aide, l’entreprise est prête à prendre le ris- tous les grands pays.

68
17
2 • Évaluer et financer la R&D

Outil
Cas de la Notification du programme TVMSL
porté par Alcatel-Lucent
NE
COMMISSION EUROPÉEN

7
Bruxelles, le 10.V.200
C(2007) 1954 final

Demande de financement
13 février 2006
par Alcatel-Lucent 3.5.5. Conclusion
ramme de R&D
dère que l’aide au prog
la Commission consi concurrentiel des
Octroi de l’aide (154) En conséquence, re à pertu rber le fonctionnement
de natu
TVMSL n’est pas l’intérêt commun.
proportion contraire à
19 avril 2006 par l’Agence de l’innovation marchés visés dans une

industrielle 3.6. Mise en balance


bénéficiaires
ns d’EUR accordées aux
ant inférieur à 7,5 millio s par les
(155) Les aides d’un mont de compatibilité prévu
répondent aux critères
Envoi d’un rapport autres qu’Alcatel-Lucent I.
adrement R&D&
10 juillet 2006 chapitres 5, 6 et 8 de l’enc
à Alcatel-Lucent
préliminaire à la DGC ant supérieur à 7,5
millions d’EUR accordée en
(156) L’aide d’un mont 8. À l’issue de son exam
aussi les critèr es des chapitres 5, 6 et
vérifie elle
on estime que :
approfondi, la Commissi ;
de marché identifiées
23 octobre 2006 Questions préliminaires – l’aide vise à remédier
à plusieurs défaillances
ion adapté ;
de la CEE – l’aide const itue un moye n d’act
itation ;
– l’aide a un effet d’inc
;
– l’aide est proportionnée marchés visés
ment concurrentiel des
20 décembre 2006 Envoi du formulaire – l’aide n’est pas de natur
e à perturber le fonctionne
à l’intérêt commun.
de notification à la DGC dans une mesu re contr aire
les effets positifs de
mission considère que
ces éléments, la Com effets négatifs en confo
rmité
(157) Au regard de cent l’emportent sur les
uée à Alcat el-Lu
l’aide attrib R&D&I.
itre 7 de l’encadrement
Questions officielles avec les critères du chap
9 février 2007
des économistes 4. DÉCISION
atible avec le traité CE
r l’aide comme comp
a décidé de considére
(158) La Commission e 87, para graphe 3, sous c).
son articl
en application de
tion.
Envoi des réponses de ma haute considéra
6 mars 2007 le Ministre, à l’assurance
Veuillez croire, Monsieur
de la France Par la Commission

Neelie KROES
Décision de la CEE Membre de la Commissi
on
15 mai 2007
à la France

• Le programme TVMSL • Argumentaire

Il vise à développer un système hybride terres- La DGC répond par plusieurs pages de ques-
tre et satellitaire de diffusion de la télévision sur tions détaillées et compliquées. Réunions
téléphone mobile. Porté par Alcatel-Lucent, le d’urgence, demande de délai, coups de télé-
projet associe un écosystème de petites et phone aboutissent à un recentrage sur l’argu-
grandes entreprises. L’Agence de l’innovation mentaire principal : le standard DVB-H est
industrielle lui octroie une aide de 37,6 millions ouvert et bénéficie à la collectivité. De nou-
d’euros dont 16 millions de subventions et veaux justificatifs sont fournis (lettre certifiée
21,5 millions d’avances remboursables. du management par exemple).
Un rapport préliminaire est envoyé à la DGC Après plusieurs échanges officieux, la déci-
pour tâter le terrain. Un jeu officieux de ques- sion positive, signée de la Commissaire dé-
tions de la DGC permet d’avancer et de rédi- léguée à la DGC, est enfin publiée. Elle est
ger l’argumentaire final. L’aide est notifiée. positive ! ■

69
Dossier

3
Protéger
3
et valoriser
l’innovation
Dossier

L es créations innovantes constituent un patrimoine précieux pour la


croissance et le développement de l’entreprise. À ce titre, elles doi-
vent être identifiées, protégées et valorisées.

Une formalisation progressive des connaissances

En amont du processus de création, les connaissances sont partagées et


transmises par le système éducatif. Ces connaissances sont utilisées par les
chercheurs pour explorer et construire de nouvelles connaissances spécia-
lisées. Ils en déduisent des théories, des modèles ou des concepts qui sont
publiés dans des journaux scientifiques.
En utilisant ces connaissances publiques et spécialisées, les ingénieurs et
techniciens de R&D construisent un savoir-faire, ensemble formalisé de
connaissances utilisables pour des applications valorisables.

La propriété intellectuelle (PI), un actif incorporel

La propriété intellectuelle est constituée par les droits de propriété sur les
créations intellectuelles, qu’elles soient techniques, esthétiques ou artisti-
ques. Il peut s’agir de propriété industrielle (brevets, marques, dessins), de
droits d’auteur ou de certificats d’obtention végétale.
Ces droits permettent principalement d’exploiter les résultats et d’en tirer les
profits tout en interdisant à un tiers de l’utiliser sans autorisation.
Les droits de PI permettent aussi aux laboratoires de transférer leurs résultats
vers l’industrie et de percevoir des revenus en retour.

70
3 • Protéger et valoriser l’innovation

Dossier 2
Brevetabilité
Tout n’est pas brevetable. Les idées, les théories, par exemple, ne peuvent
pas être protégées. En quelques mots, seules les solutions techniques à un
problème pratique sont éligibles à un dépôt de brevet. Cela peut concerner
un nouveau produit, un procédé de fabrication ou une application nouvelle
d’une technologie existante.
Trois critères doivent être démontrés. La création doit apporter un élément
nouveau par rapport à l’état de l’art. Ensuite la solution technique doit être
le résultat d’une activité inventive. Enfin, la solution technique doit être utile
et conduire potentiellement à des débouchés commerciaux.

Protection des logiciels


Les logiciels ne sont pas brevetables en Europe. C’est le droit d’auteur qui
s’applique et permet au développeur d’éviter que ses lignes de code soient
recopiées sans autorisation.

Les stratégies des droits du savoir


Le savoir-faire et les droits de propriété intellectuelle peuvent devenir un
formidable levier pour développer de nouvelles affaires et une arme redou-
table pour freiner la concurrence. Il appartient à chaque R&D et à chaque
entreprise de déterminer sa stratégie dans ce domaine. Il existe de nom-
breuses variantes : secret, échanges croisés, patent pool, champs de mines,
standards, etc.
Ce dossier détaille les principaux outils que le responsable de R&D est amené
à mettre en place et à utiliser pour protéger et valoriser les résultats obtenus.

■ Les OUTILS
Droits 18 Identifier les innovations
Juristes, de propriété à protéger .................. p. 72
comptables intellectuelle
(brevets) 19 Protéger
les savoir-faire ............ p. 74
Ingénieurs,
techniciens Savoir-faire 20 Les fiches innovation ... p. 78
21 Déposer un brevet ....... p. 80
Chercheurs Développement des connaissances
22 Définir une stratégie
de propriété
intellectuelle ................ p. 84
Grand public,
étudiants Transmission des connaissances

71
Outil 18 Identifier les innovations à protéger
Les créations intellectuelles
d’un réveil

Savoir-faire (secret) Dessins (dépôt)


– Double compensation – Design du produit
thermique du quartz – Forme de la grande
– Conception compacte touche d’arrêt sonnerie
et robuste avec éclairage clignotant
– Procédé de fabrication
de la coque en plastique

Savoir-faire (brevets) Marques


– Affichage de l’heure – Entreprise
sur le mur via un projecteur – Nom du produit
intégré dans un réveil
– Logiciel de synchronisation
via un canal FM

Droits d’auteur
Standards (normes) – Mélodies de sonnerie
– Protocoles d’échanges – Logiciels
avec horloge atomique – Pictogrammes

En résumé I n sigh t s
La mise au point d’un produit nécessite des formes Product development requires several types of cre-
multiples de créativité : conception technique, pro- ativity: technical work, manufacturing process,
cédé de fabrication, design ou marque. Il existe pour design or brands. For each one, there is a protection
chacune des méthodes de protection et des droits method and specific rights. Intellectual property
adaptés. Les droits de propriété intellectuelle soumis rights protect the know-how and the models. They
à un dépôt protègent notamment les savoir-faire et are based on a filing process. Copyrights protect the
les modèles. Les droits d’auteur protègent les activités creative activities such as music or graphics. A spe-
créatives telles que la musique ou les graphismes. Un cific regime exists for databases.
régime spécifique existe pour les bases de données.

72
18
3 • Protéger et valoriser l’innovation

Outil
Pourquoi l’utiliser ? • Inclure dans la réflexion les dessins et
modèles : design du produit, interface
homme-machine, logos, pictogrammes,
Objectif formes particulières, etc.
Il s’agit d’inventorier les créations intellec- Toutes • Protéger les marques et noms associés
tuelles susceptibles d’être protégées par au produit et ses déclinaisons.
les formes • Déposer les créations artistiques pour le
des droits de propriété intellectuelle (dont
les droits d’auteur). L’objectif principal est de création droit d’auteur : animations graphiques ou
de préserver son droit d’exploitation et sonores, textes, logiciels, etc.
intellectuelle
d’éviter une copie partielle ou totale par
des concurrents. valorisables Méthodologie et conseils
peuvent Les savoir-faire tenus secrets doivent abso-
Contexte lument être tracés. Si un concurrent dépose
être protégées. un titre de propriété intellectuelle sur un
Il est souvent plus facile d’améliorer que
d’innover. Les droits de propriété intellec- procédé tenu secret par l’entreprise, il peut
tuelle donnent un avantage décisif aux pré- empêcher son exploitation à moins de pou-
curseurs, à ceux qui prennent le risque de voir prouver que ce procédé existait et était
concevoir un nouveau produit ou un nou- utilisé dans l’entreprise auparavant.
veau service. À l’heure d’internet et de l’exploitation
Les savoir-faire essentiels sont générale- massive des données, la protection des
ment brevetés ou tenus secrets. Il ne faut bases de données peut devenir un enjeu
pas oublier pour autant de protéger majeur pour l’entreprise. Leur constitution,
d’autres éléments distinctifs comme le si elle correspond à une activité créative
design, les interfaces homme-machine, etc. originale, est protégée par un régime spé-
Ces éléments sont en effet visibles et dis- cifique. Il existe d’autres modes spécifiques
tinctifs pour l’acheteur et peuvent être aisé- pour les variétés végétales, les masques uti-
ment copiés. lisés en électronique ou les appellations. ■

Comment l’utiliser ?
Étapes
• Identifier les savoir-faire essentiels pour
réaliser le produit et choisir le mode de
protection le plus adapté : Avantages
– Brevet. Les concurrents peuvent pren-
✔ Assurer le droit d’exploitation et bloquer
dre connaissance du procédé ou de les concurrents.
l’idée, mais ne peuvent l’exploiter sans
autorisation pendant 20 ans.
– Secret. Les concurrents sont libres de Précautions à prendre
l’exploiter s’ils ont acquis la même maî-
✔ Assurer la traçabilité des savoir-faire tenus
trise. secrets.
– Partage. Le savoir-faire est partagé
✔ Protéger le design et les graphismes.
avec d’autres acteurs économiques.

73
Outil 19 Protéger les savoir-faire
La confidentialité

Accès :
• Zones sensibles
• « Badgeages »
• Serveurs sécurisés
• Mots de passe
Juridique :
• Contrats de travail
• Accords de confidentialité
pour les tiers
Documents :
• Marquage
• Règles de diffusion
• Identification

En résumé I n sigh t s
Le savoir-faire tenu secret ne peut être protégé que The secret know-how can be protected only if effec-
si des mesures effectives ont été prises pour en limiter tive actions have been taken to limit its access.
l’accès. La confidentialité est obtenue en contrôlant Confidentiality is obtained by checking person
les accès des personnes aux lieux et aux serveurs accesses to dedicated zones and to data servers, by
informatiques, en limitant la diffusion des documents limiting the distribution of documents and by making
et en s’assurant que les personnes sont soumises à sure of the obligation of confidentiality of every per-
l’obligation de confidentialité. son detaining part of the know-how.

74
19
3 • Protéger et valoriser l’innovation

Outil
Pourquoi l’utiliser ? • Identifier les personnes clés et s’assurer
que le contrat de travail contient une
clause de confidentialité.
Objectif
La figure ci-contre résume les actions princi- « Tout fait Méthodologie et conseils
pales à mener pour limiter l’accès au savoir- L’étape la moins intuitive est l’identification
quelconque
faire. Il s’agit de pouvoir démonter que le du savoir-faire à protéger. Il faut en effet
savoir-faire est délimité et que sa diffusion de l’homme, du recul pour être capable d’évaluer la
est contrôlée au sein de l’entreprise. valeur des savoir-faire acquis par l’entre-
qui cause
prise. Il est donc préférable de faire appel
Contexte à autrui à des personnes ayant une large expé-
rience de l’entreprise. Une astuce pour
Un savoir-faire est un ensemble organisé un dommage,
séparer le bon grain de l’ivraie : imaginer
de connaissances acquises au cours du
oblige celui que le savoir-faire considéré doit être trans-
temps par des tentatives répétées, des
féré sur un nouveau site éloigné.
essais ou des expérimentations. Il n’est pas par la faute
L’obligation de discrétion, notamment
forcément technique mais peut être lié à la
duquel concernant les secrets de fabrication, est
connaissance du marché ou aux achats
sous-entendue dans tout contrat de travail.
par exemple. il est arrivé,
Elle s’impose donc à tous les salariés. Une
Le savoir-faire n’est pas protégé en lui- à le réparer. » obligation de confidentialité est cependant
même. Par contre, le vol de fabrique peut parfois ajoutée pour souligner son impor-
être sévèrement puni. La société VF diffu- (article 1382 tance aux yeux de l’employeur. Signalons
sion, par exemple, a été condamnée à du code civil) aussi la clause d’invention qui implique
12 millions d’euros pour détournement de que toute invention réalisée par le salarié
savoir-faire du fabriquant de soutien-gorge dans le cadre de l’exécution de son travail
Chantelle. Dans ce dernier cas, il a fallu appartient à l’employeur. La clause de non-
démontrer au préalable que toutes les concurrence protège, quant à elle, les
mesures avaient été prises pour limiter secrets d’affaires.
l’accès au savoir-faire identifié. Le secret Une mobilisation des salariés peut aussi être
de la fabrication du Coca est, lui, toujours obtenue par une charte de confidentialité.
bien gardé…

Avantages
Comment l’utiliser ? ✔ Prouver sa bonne foi en cas de tentative
de vol de secret de fabrique.
Étapes ✔ Mieux délimiter le savoir-faire utile à
• Déterminer précisément les savoir-faire à l’entreprise.
conserver secret.
• Limiter les accès aux zones concernées Précautions à prendre
et aux serveurs informatiques contenant les
✔À l’heure de la numérisation, accorder des
informations.
ressources à la gestion des données

...
• Marquer les documents avec un « confi- informatiques.
dentiel » et limiter leur diffusion aux per-
sonnes ayant signé un accord de
confidentialité.

75
Outil 19 Protéger les savoir-faire (suite)

Comment être plus efficace ?

Les dangers du secret non formalisé évolutions et de retrouver l’origine d’une


Une idée répandue est qu’il est astucieux de idée nouvelle.
ne pas formaliser un savoir-faire pour éviter
sa diffusion. Cette méthode risque cepen- Les cahiers de laboratoire
dant d’entraîner de graves conséquences en Véritables journaux de bord, ils sont remplis
cas de détournement par un tiers de ce par les ingénieurs et les chercheurs au fur et
savoir-faire. En l’absence de preuves, il à mesure de leurs travaux (à l’encre indélé-
devient en effet impossible de démontrer bile, bien entendu). Les cahiers numérotés
que le savoir-faire était préexistant. Le voleur sont datés et signés par leur auteur. Le
peut alors interdire son exploitation ! caractère probatoire peut être accentué par
une datation d’huissier.
La traçabilité, un potentiel de preuve
Les dépôts probatoires
Il existe de nombreuses manières d’établir
la traçabilité des savoir-faire tenus secrets. Ils visent à laisser une preuve d’existence
Nous détaillons ci-dessous les cahiers de datée chez un tiers indépendant. De simples
laboratoires et les dépôts probatoires. copies suffisent pour les droits d’auteur (logi-
Citons-en quelques autres : les mémo-inno- ciel, graphisme, création artistique). Une
vations rédigés en interne et soumis aux réu- forme répandue est l’enveloppe Soleau
déposée à l’Institut National de la Propriété
nions brevet, les manuels d’utilisation
Intellectuelle (INPI). Il est aussi possible de
interne, les dossiers d’investissement, etc.
recourir aux huissiers et aux notaires, parte-
La mise en place d’outils de traçabilité
naires à la fois fiables et indépendants. Ils
s’avère très utile pour les collaborations R&D
peuvent tracer des éléments plus variés :
entre plusieurs sociétés. Ils contribuent à
documents volumineux, enregistrements télé-
résoudre des conflits sur la paternité d’idées phoniques, reproductions d’œuvres uni-
nouvelles. ques, etc.
Les contrats de collaboration définissent en La société des gens de lettres (SGDL) pro-
général : pose plusieurs outils pour déposer les
• les connaissances antérieures (back- œuvres écrites. La société civile des auteurs
ground) rassemblant les technologies multimédia (SCAM) accepte des dépôts
préexistantes à la collaboration. Elles sont sous forme de documents, de CD ou de cas-
listées le plus précisément possible ; settes. L’agence pour la protection des pro-
• les connaissances nouvelles (foreground) grammes (APP) défend les intérêts des
issues des travaux réalisés dans le cadre de auteurs de logiciels. Plusieurs dispositifs sont
la collaboration. Les rapports et les présen- proposés pour déposer et dater les logiciels
tations des travaux permettent de tracer les et les bases de données, dont le Logibox.

76
19
3 • Protéger et valoriser l’innovation

Outil
Cas de l’Enveloppe Soleau de l’INPI

• Dépôt à l’Institut National de la • Les conditions


Propriété Intellectuelle (INPI) L’enveloppe Soleau peut être commandée à
L’enveloppe Soleau permet de constituer une l’INPI par internet ou par courrier. Les élé-
preuve de création à moindre frais (15 € ments constitutifs de l’invention (schémas, des-
+ frais d’envoi). Elle est constituée par une sins, photos…) doivent pouvoir être contenus
enveloppe en deux parties contenant chacune dans une enveloppe de format A5 de moins de
une copie identique de la création. Un exem- 5 mm d’épaisseur. Il peut s’agir de sept feuilles
plaire est renvoyé au créateur et l’autre est A4 pliées en deux. La matière est libre. Elle doit
conservé par l’INPI. En cas de litige, les enve- néanmoins pouvoir être perforée par laser.
loppes sont ouvertes par huissier. Leur carac- L’enveloppe est ensuite envoyée à l’INPI avec
tère probatoire est incontestable. accusé de réception. La date enregistrée est celle
Les enveloppes Soleau ne confèrent pas de de la réception. La partie « créateur » lui est en-
droit de propriété. Elles permettent essentiel- suite renvoyée cachetée et perforée par courrier.
lement de dater une création. En cas de dépôt Elle ne doit être ouverte en aucun cas. Il vaut
ultérieur de brevet par un tiers, le créateur donc mieux conserver une copie de son contenu.
conserve le droit d’exploiter son savoir-faire L’autre partie est conservée cinq ans par l’INPI
pour son propre profit. avec une possibilité de renouvellement unique. ■

77
Outil 20 Les fiches innovation
Exemple de fiches innovation

TITRE Fiche 1823


A/ Problème à résoudre C/ Description de > Avantages
la nouvelle solution et inconvénients

+ + –
B/ Meilleures solutions D/ Démonstration
existantes et faisabilité

> Limites de ces solutions

AUTEURS : Soumise à décision  secret


DATE : Dépôt brevet publiée

En résumé I n sigh t s
La fiche innovation est un document court qui permet The innovation card is a short document which
de formaliser une idée, une proposition d’innovation. allows to formalize an idea or an innovative pro-
C’est la première étape du processus menant au dépôt posal. It is the first stage of the process leading to the
de brevet. C’est aussi une opportunité de constituer patent registration. It is also an opportunity to estab-
une base de données, image du savoir-faire de l’entre- lish a data base reflecting the company know-how.
prise.

78
20
3 • Protéger et valoriser l’innovation

Outil
Pourquoi l’utiliser ? • Définir le circuit et la méthode de déci-
sion de dépôt d’un brevet.
• Proposer une fiche innovation contenant
Objectif au moins :
La fiche innovation formalise une idée de La fiche – le problème à résoudre ;
brevet pour la soumettre à avis ou à un – les solutions existantes et les défauts
innovation est des meilleurs d’entre elles ;
comité de sélection. Si l’idée doit être
tenue secrète, la fiche innovation, dûment la première – la description de la nouvelle solution.
datée, constitue un élément de preuve de • Assurer la traçabilité de la fiche : signa-
formalisation tures, marquages, approbations, etc.
son existence. L’assemblage des fiches
d’innovation permet enfin de constituer une d’une idée.
base de données reflétant le savoir-faire de Méthodologie et conseils
l’entreprise. Les idées ainsi formalisées conduiront soit
au dépôt d’un titre de propriété intellec-
Contexte tuelle, soit au secret (par exemple si le pro-
Le chemin de l’idée au titre de propriété cédé est invérifiable), soit à l’abandon de
intellectuelle est long. Si l’idée peut surgir protection (publication). Dans tous les cas,
de n’importe qui, la rédaction du brevet les fiches doivent être gardées et pouvoir
nécessite l’effort soutenu d’un expert pour être consultées ultérieurement (pour éviter
aboutir à un document de 20 à 50 pages de réinventer par exemple).
dans lequel chaque mot est mûrement Constituant une image du savoir-faire, ces
pesé. La fiche innovation constitue l’une fiches doivent être traitées comme des
des premières étapes conduisant au bre- documents confidentiels et leur diffusion
vet. Elle est rédigée par les inventeurs eux- limitée. ■
mêmes sur environ deux pages. Malgré
son format court, la fiche sera utile à de
nombreuses personnes :
– aux inventeurs pour préciser leur idée ;
– au marketing pour évaluer l’intérêt du
marché ;
– aux décideurs pour évaluer la pertinence
d’un investissement ;
– aux professionnels de la propriété intel-
lectuelle pour faire les recherches d’anté-
riorité, juger de la brevetabilité et évaluer Avantages
la portée et la force d’un éventuel brevet.
✔ Améliorerl’efficacité du processus menant
au dépôt de brevet.

Comment l’utiliser ? ✔ Constituer une base du savoir-faire de


l’entreprise.

Étapes Précautions à prendre


• Rassembler les acteurs pertinents pour
créer un processus brevet (qualité, R&D, ✔ Assurer la confidentialité et la traçabilité
de ces fiches.
direction, marketing, licensing…).

79
Outil 21 Déposer un brevet
Chronologie du dépôt de brevet

CONFIDENTIEL PUBLIC ET PROTÉGÉ PUBLIC

1er dépôt en France


Rapport de recherche Fin du brevet en France
Dépôt du brevet hors France (délai maximal)
Fin du brevet à l’étranger
Publication de la demande de brevet
Délivrance du brevet

T
mois

mois

mois

7 ans

ans

ans
T + 20

T + 21
T + 10

T + 12

T + 18

T+3à

Brevet France

Autres brevets nationaux

En résumé I n sigh t s
Le brevet est un titre de propriété intellectuelle confé- The patent is a deed of intellectual property confer-
rant à son propriétaire un monopole d’exploitation ring to his owner a right of exploitation in the country
dans le pays qui le délivre. Le dépôt de brevet est une where it is delivered. The patent registration is a long
procédure longue. Il faut environ trois ans pour obtenir procedure. Approximately three years are needed to
un brevet. En contrepartie, la propriété est conférée obtain a patent. In return, the property is conferred
pour vingt ans. L’extension du brevet à d’autres pays for twenty years. The extension of the patent in the
peut être décidée un an après le dépôt initial. other countries must be decided about one year after
the initial deposit.

80
21
3 • Protéger et valoriser l’innovation

Outil
Pourquoi l’utiliser ? Méthodologie et conseils
Le rapport de recherche réalisé par l’OEB
est une opportunité d’évaluer plus en détail
Objectif
la valeur de son brevet. Quelle est l’éten-
Le dépôt de brevet assure à son proprié- Les entreprises due de la protection conférée par le brevet
taire le monopole d’exploitation pendant (portée) ? Comment se compare-t-il avec
une durée déterminée. Il peut exploiter lui- peuvent
les brevets détenus par des concurrents ?
même, concéder des licences ou céder le faire appel Quelle est l’intention réelle de l’exploiter,
titre.
aux conseils totalement ou en partie ? Ces réflexions
permettront notamment de décider de
Contexte en propriété l’extension du brevet à d’autres pays.
En France, le propriétaire du brevet est le intellectuelle Les revendications (claims) déterminent la
premier qui dépose. Ce n’est donc pas for- portée et sont donc particulièrement
cément l’inventeur. Si ce dernier n’a pas (cncpi.fr). importantes. Elles peuvent être modifiées
déposé de brevet, et qu’il peut prouver sa au cours de la procédure d’examen. Les
bonne foi, il peut toutefois exploiter le bre- revendications débutent généralement
vet pour son bénéfice personnel. par l’objet et se terminent par la liste des
L’employeur est propriétaire des créations caractéristiques. Pour plus de clarté, cer-
réalisées par ses employés dans le cadre taines revendications sont exprimées,
de leur mission. Des dispositions particu- sous forme de plusieurs revendications
lières doivent être prises pour les autres dépendantes.
catégories de personnel (stagiaires notam-
ment).

Comment l’utiliser ?
Étapes
• Rédiger le brevet avec les parties suivan-
tes : résumé, description (incluant l’état des
techniques et le problème résolu par
l’invention), figures et liste de revendica- Avantages
tions.
• Déposer le brevet à l’Institut national de ✔ Le brevet confère un monopole
la propriété intellectuelle (INPI). d’exploitation pendant 20 ans.
• Décider de l’éventuelle extension à ✔ Un portefeuille de brevets permet de se
d’autres pays sur la base du rapport de protéger de revendications d’un
recherche délivré neuf mois après par concurrent.
l’Office européen des brevets (OEB).
• Négocier avec l’examinateur et amélio-
rer les revendications jusqu’à la délivrance
Précautions à prendre

...
du brevet. ✔ Ne breveter que ce qui est vérifiable.
• Payer les annuités, soit environ 35 € au
début et 600 € en fin de vie du brevet
pour la France.

81
Outil 21 Déposer un brevet (suite)

Comment être plus efficace ?

Mettre en place une organisation aussi surveiller les titres des autres et s’y
de la propriété intellectuelle opposer le cas échéant.
Si l’entreprise a peu d’expérience, la pre- Il existe enfin de nombreux cas d’interdé-
mière étape est de désigner une personne pendances : un brevet peut nécessiter
volontaire pour défendre l’intérêt de la l’application d’un autre brevet détenu par
démarche dans l’entreprise. Les éléments un tiers. Il faut alors négocier des autorisa-
suivants sont à définir avec des personnes tions spécifiques.
expérimentées ou le conseil d’un cabinet en
propriété intellectuelle : une fiche de propo- L’exploitation de la PI
sition d’idée, un comité de sélection chargé
Pour les organismes publics, cette étape est
d’évaluer les fiches (experts techniques, mar-
appelée « valorisation ». Cela consiste à
keting, directeurs, experts PI) et une procé-
trouver des applications possibles dans
dure de soumission des fiches idée. La
l’industrie puis à négocier des cessions
procédure inclut idéalement une validation
des auteurs pour éviter les conflits de pater- (vente de droits) ou des accords de licence
nité. (location de droits).
Pour les entreprises, la première étape est
Les premiers dépôts la surveillance des contrefaçons. Une
En pratique, le brevet est plutôt écrit par un réponse graduée est généralement utilisée :
professionnel ou par une personne du ser- simple information, mise en demeure puis
vice central de la PI. Une partie de la valeur procédure judiciaire.
du brevet dépend en effet de la clarté de la Selon les cas, les entreprises valorisent aussi
rédaction et de l’utilisation d’un langage leur propriété intellectuelle à travers un ser-
spécifique et codifié. L’inventeur doit surtout vice « valorisation » ou « licensing ». Cette
s’attacher à bien répondre aux questions du démarche peut être justifiée pour des bre-
rédacteur et relire attentivement le docu- vets dont le domaine d’application dépasse
ment. Ce dernier point n’est pas trivial tant le cadre de l’entreprise. Elle peut prendre
le langage utilisé est peu parlant pour un de multiples formes au-delà de la cession ou
non-spécialiste. de la licence : échanges croisés, patent
pools, franchise, cession en capital sous
L’entretien de la PI forme d’apport, etc.
Une fois l’entreprise propriétaire de plusieurs
titres de propriété intellectuelle, il faut les Une charte de propriété
entretenir et les exploiter. L’entretien consiste intellectuelle peut être diffusée
à s’acquitter des annuités et à répondre aux dans l’entreprise pour
procédures éventuelles d’opposition. Il faut homogénéiser les pratiques.

82
21
3 • Protéger et valoriser l’innovation

Outil
Cas de la Veille brevet avec espacenet.com

• Lesbrevets, une mine • La veille active


d’informations Trop souvent, les bases de brevets ne sont
Grâce à internet, les bases de brevets se consultées qu’au moment du dépôt. Il est
sont considérablement démocratisées. Il est pourtant aujourd’hui possible de consulter les
maintenant possible d’accéder aux brevets brevets existants dès la première idée. Cela
internationaux les plus récents grâce à des évite de redécouvrir ce qui a été fait par un
méthodes de recherche par mot-clé. tiers ou… par sa propre entreprise parfois !
La quantité d’informations contenue dans les Une veille active prend peu de temps ; il suffit
bases de brevets est considérable. Plus de la de consulter régulièrement un ou deux sites
moitié des informations contenues dans les de référence avec quelques mots clés prédé-
35 millions de brevets ne peuvent être trou- finis : technologies, concurrents, application
vées ailleurs. Contrairement aux moteurs de principale, etc.
recherche comme Google ou Yahoo, les Voici quelques bases : www.inpi.fr pour
bases brevets s’appuient sur une structuration les marques, modèles et statuts brevets,
solide de documents écrits selon un format www.espacenet.com pour les brevets euro-
précis. Il est donc possible de trouver des péens et patft.uspto.gov pour les brevets
informations très précisément et rapidement. américains. ■

83
Outil 22 Définir une stratégie de propriété intellectuelle

Les six stratégies principales


de la propriété intellectuelle

S
opportuniste

R F ouverture

pu
er

bli
vet

dominante

er
bre

savoir-faire

i
défensive
Garder secret

f
partenariale

Z
minimaliste

En résumé I n sigh t s
La stratégie de propriété intellectuelle détermine l’uti- The intellectual property strategy determines the use
lisation du savoir-faire et des droits associés. Elle of the know-how and its rights. The actors in the
oriente et mobilise les acteurs vers une gestion cohé- company follow a consistent management of the cre-
rente des activités créatives (protection, mise au ative activities (protection, secret, publication). The
secret, partage). Elle s’exprime comme une combi- company strategy is expressed as a combination of the
naison de six stratégies principales, selon les capa- six main strategies, depending on the capabilities of
cités de l’entreprise et selon son environnement the company and its economic environment.
économique.

84
22
3 • Protéger et valoriser l’innovation

Outil
Pourquoi l’utiliser ? à s’opposer activement en cas de tenta-
tive d’utilisation de ses droits.
– Partenariale : le savoir-faire est déve-
Objectif loppé en commun, notamment lors des
La stratégie de propriété intellectuelle (PI) L’importance projets de R&D en partenariat, ou les
mobilise les ressources liées à l’innovation joint-ventures.
de la stratégie
vers le projet de l’entreprise ou la mission – Ouverte : le savoir-faire est ouvert et
du laboratoire. de PI est partagé à travers un standard, voire est
déterminée cédé libre de droits.
Contexte
Pour les entreprises en création, la PI cons- par la valeur Méthodologie et conseils
titue souvent un des actifs principaux. Pour de l’innovation La stratégie doit ensuite être diffusée et
les entreprises matures, la PI est une arme déclinée en plan d’actions. Les actions pré-
au service du développement. Elle définit dans
cisent la veille technique, les procédures de
l’exploitation et la valorisation des savoir- l’entreprise. collection d’idées et de sélection, la rému-
faire et de l’innovation. nération des inventions, l’organisation
(coordinateur PI, pôle brevets, service licen-
sing, etc.), les ressources pour le recours
Comment l’utiliser ? aux professionnels de la PI et du juridique
et les règles de dépôts à l’étranger.
Étapes
• Préparer les facteurs déterminants selon
les trois axes suivants : la volonté de
l’entrepreneur ou des actionnaires, les
acteurs du marché (portefeuilles brevets,
comportements, stratégies) et ses spécifici-
tés (barrières à l’entrée, accords, nor-
mes…) et la capacité interne à innover.
• Adapter la stratégie de l’entreprise selon
les six stratégies principales suivantes : Avantages
– Minimaliste : l’entreprise se contente
✔ Donne la cohérence aux actions liées à
de préserver son droit d’exploitation.
l’innovation.
– Défensive : construction d’un porte-
feuille brevets pour protéger tous les ✔ Évite les décisions dans l’urgence.
savoir-faire existants, ainsi que les évo-
lutions possibles à moyen terme, en Précautions à prendre
incluant le droit des tiers.
– Dominante : le portefeuille brevet est ✔ Faire appel à des personnes
un « champ de mines ». La majorité des expérimentées tant pour les capacités
internes de l’entreprise que pour la
brevets servent de monnaies d’échange
connaissance du marché et des

...
en cas de litige. concurrents.
– Opportuniste : à ce stade, l’entreprise
se sert de la PI comme un de ses outils
de développement majeur. Elle est prête

85
Outil 22 Définir une stratégie de propriété intellectuelle (suite)

Comment être plus efficace ?

Mis à part le cas des employés dont les son titre de propriété. Citons le copyright
créations réalisées dans le cadre de leur « © auteur 2009 » ou les avertissements
mission sont propriété de l’employeur, il de type « Toute utilisation sans le consen-
faut prévoir une convention adaptée avec tement exprès de… ». Ces mentions peu-
les autres catégories de personnels, et vent être apposées sur tous les supports
notamment les stagiaires. physiques ainsi que les supports électroni-
De même, des clauses spéciales avec les ques tels que les sites web et les fichiers.
prestataires et les sous-traitants doivent être Cette démarche assertive permet de se pro-
négociées pour que la propriété intellec- téger contre les atteintes par négligence.
tuelle générée appartienne au commandi-
taire. Les activités des projets de Protection de la copie
collaboration R&D, enfin, doivent bien être
précisées pour pouvoir identifier la pro- Il existe de nombreuses façons d’empêcher
priété d’une éventuelle invention. la copie d’une création. La démarche qui
consiste à piéger son œuvre pour être en
Le droit des tiers mesure de pouvoir démontrer ultérieure-
Il peut arriver qu’une invention brevetée ne ment l’acte de copie est légale, si elle ne
puisse être exploitée qu’à l’aide d’un pro- porte pas préjudice à des tiers.
cédé breveté par un tiers. Cela peut notam- Il est ainsi possible d’introduire des fautes
ment arriver quand la solution constitue un volontaires dans du texte, des erreurs dans
perfectionnement d’un procédé déjà bre- des bases de données, du code inutile
veté. Il faut alors négocier une cession ou dans un logiciel, etc. Le tatouage numéri-
un accord de licence pour pouvoir exploi- que (digital watermark) permet d’inclure
ter le brevet. un message visible ou invisible dans une
image ou une vidéo.
La revendication Notons enfin que des mesures techniques
Dès qu’une démarche de dépôt de brevet comme le cryptage ou le brouillage peuvent
est engagée, il faut considérer les moyens être légalement utilisées pour empêcher
à mettre en œuvre pour faire respecter sa l’accès à des données protégées par le droit
propriété. La première étape est tout sim- d’auteur. Le contournement de ces mesures
plement l’affirmation claire et visible de techniques est sanctionné pénalement.

86
22
3 • Protéger et valoriser l’innovation

Outil
Cas de l’Architecture des ordinateurs

Architecture ouverte Format propriétaire

• Normes et standards Tout composant ou logiciel fonctionnant sur


ces ordinateurs doit être approuvé et vérifié
La stratégie de propriété intellectuelle n’est par Apple.
pas limitée au brevet et au secret. Dans de
nombreux cas, en effet, il est plus intéressant
de partager un savoir-faire collectif que de dé- • Avantages et inconvénients
velopper des savoir-faire spécifiques. Les raisons de mettre en commun des savoir-
Les ordinateurs utilisent par exemple des faire pour réaliser des standards sont variées :
standards ouverts permettant l’interopérabi- interopérabilité, développement d’applica-
lité de leurs éléments : cartes PCI (Peripheral tions exigeant un seul standard (Blue-Ray par
Component Interconnect) standardisées par exemple), contrôle du marché, baisse des
Intel ou cartes ISA (Industry Standard Archi- coûts de développement ou exigence des pou-
tecture) normalisées à l’IEEE, etc. Ces stan- voirs publics en échange de subventions.
dards ouverts sont accessibles à tous, soit gra- À l’opposé, de nombreuses firmes préfèrent
tuitement soit dans des conditions financières conserver l’ensemble des droits et l’exclusi-
raisonnables et non discriminantes (FRAND). vité afin de maximiser le profit, de contrôler
À l’opposé, l’entreprise Apple a développé la le fonctionnement ou de gérer l’image. Les or-
plupart de ses ordinateurs avec une architec- dinateurs Apple sont par exemple réputés plus
ture et un fonctionnement propriétaires. fiables (notamment face aux virus). ■

87
Dossier

4
Développer
4
les ressources
humaines en R&D
Dossier

Des travailleurs pas tout à fait comme les autres

La valeur de la R&D réside essentiellement dans les savoirs des hommes et


des femmes qui la composent. Les garder motivés et efficaces est une vraie
difficulté et un enjeu majeur pour la R&D.
Les personnels de R&D sont des travailleurs intellectuels. Leur niveau d’étude
est élevé. Ils sont en général peu substituables et souhaitent prendre part à
la gouvernance et à l’action stratégique.
Évoluant dans le monde des idées et des concepts, les chercheurs appré-
cient les autres pour leurs connaissances et leur intelligence. En général, ils
favorisent la rationalité, la justice et les grands principes.

Expert, un modèle de réussite personnelle

L’expert capitalise au cours de nombreuses années des connaissances tech-


niques. Il construit en même temps une réputation.
L’expert est pour l’entreprise une ressource précieuse qui demande un enga-
gement sur la durée. Sa valeur provient de sa maîtrise technique dans un
domaine stratégique. L’engagement est lié au grand investissement person-
nel de l’expert : 10 ans, 20 ans, voire toute une carrière. Quand le marché
évolue, l’expert peut se retrouver bloqué avec des connaissances qui ne
sont plus utiles.
Tout aussi indispensables pour l’entreprise sont les autres personnels de R&D
avec des compétences techniques larges. Celles-ci permettent de lier les
développements spécifiques et de concevoir les produits et les services.

88
4 • Développer les ressources humaines en R&D

Dossier 4
La mobilité des personnels de R&D

La R&D est souvent la porte d’entrée de l’entreprise. La réorientation vers


le marketing, la production ou l’après-vente peut être facilitée par des com-
pétences de management de projet. En se réorientant, le chercheur aban-
donne une partie importante de son expertise qui, jusqu’à cette étape,
représentait aussi sa valeur pour la communauté technique. La sortie de la
R&D est donc une épreuve pour laquelle il faut se préparer, par exemple
en acquérant un second diplôme en cours de carrière.

La motivation des personnels de R&D

Le chercheur est surtout motivé… par son travail ! C’est souvent un pas-
sionné, avec qui il faut passer beaucoup de temps pour argumenter afin
que l’effort de chacun concoure à un résultat collectif.
Ce n’est pas l’argent qui pousse le chercheur à exceller. Il peut par contre
s’avérer plus touché que d’autres par la valeur symbolique d’une augmen-
tation ou d’un bonus. Le chercheur se montre en effet très sensible à la
reconnaissance de la qualité ou de l’utilité de son travail.
L’atteinte d’objectifs ou de résultats peut être un facteur de motivation pour
les stades les plus proches du développement. La prime de résultat n’est
pour autant probablement pas toujours un outil très efficace dans le milieu
de la R&D. Il est en effet difficile d’apprécier les résultats de R&D, et plus
encore de distinguer la part de chaque personne dans les résultats globaux.

■ Les OUTILS
23 La cartographie
des compétences ......... p. 90
24 La pyramide
des effectifs ................. p. 92
25 Créer des niveaux
d’expertise ................. p. 94
26 La transmission
d’expérience .............. p. 96

89
Outil 23 La cartographie des compétences
Le diagramme réseau des compétences d’un fabricant
d’équipements de taillage de verres pour opticiens

Plasturgie
10
Mécanique Compétence de cœur taillage

Cinématique Connaissance produits

Asservissement Simulation système


0

Électronique numérique
Logiciel embarqué

IHM Électronique de puissance

Développement sur PC Optique


État des compétences

Besoin en compétences

En résumé I n sigh t s
La cartographie des compétences représente graphi- The competency chart maps the technical skills
quement les compétences techniques acquises par les acquired by the R&D staff. The difference with the
personnels d’une entité de R&D. Les écarts avec le needed level of skills can be used to build a training
besoin peuvent être utilisés pour bâtir un plan de for- and recruitment plan. The competency chart is an
mation et de recrutement. La cartographie est une application of the management by skills. It allows
application du management par les compétences. Ce a better evaluation of everyone and supports the
dernier permet de mieux évaluer les personnes indivi- career’s plan.
duelles et de prévoir les parcours professionnels.

90
23
4 • Développer les ressources humaines en R&D

Outil
Pourquoi l’utiliser ? – additionner la fréquence de l’échelle
de notation par personne pour obtenir
son profil de compétences.
Objectif
Les compétences individuelles sont éva- Méthodologie et conseils
La gestion
luées pour les domaines techniques. La Il est utile de distinguer les compétences
cartographie des compétences permet tout
des emplois qui caractérisent le cœur de l’activité de
d’abord aux managers d’établir un cadre et des l’entreprise. Elles sont généralement acqui-
d’évaluation pour chaque personne, de ses uniquement par expérience, sont indis-
proposer des formations adaptées et
compétences pensables aux produits et ne peuvent être
d’envisager des parcours professionnels. (GPEC) sous-traitées facilement. Celles de Canon,
Elle permet ensuite une comparaison avec par exemple, sont la mécanique de préci-
les compétences nécessaires pour que la
est imposée sion, l’optique de qualité et la microélec-
R&D remplisse sa mission. Un plan par la loi tronique. La plupart de leurs produits
d’actions peut être élaboré à partir des s’appuient sur ces compétences clés.
écarts observés. Pratiquée régulièrement,
de cohésion L’échelle de notation doit être la plus claire
l’évaluation des compétences permet aussi sociale (2005). possible et être largement partagée. Une
d’observer les dérives et les métiers à description de chaque niveau rappelle que
risques. l’évaluation ne concerne que les compéten-
ces pratiquées. Par exemple : 1-débute, 2-
Contexte applique, 3-maîtrise, 4-domine.
Pour faciliter le travail d’évaluation, les
Dans le cadre de l’entreprise, la compé-
compétences peuvent être divisées en sous-
tence est un savoir agir évaluable par rap-
catégories. Plus la compétence est simple
port à un objectif. Elle est liée à des moyens
et concrète, plus elle est facile à évaluer.
de travail, s’apprend et doit être maintenue
Le référentiel métier peut s’inspirer de clas-
ou développée sous peine de régresser.
sifications statistiques (INSEE, BIPE…) et de
Enfin, elle est reconnue par la collectivité,
l’observatoire des métiers de la branche
et le management en particulier.
d’activité concernée. ■

Comment l’utiliser ? Avantages


✔ Harmoniser les entretiens individuels et
Étapes l’évaluation des compétences techniques.
• Définir le référentiel des compétences ✔ Partager une photographie des compétences
par métier ainsi que l’échelle de notation. et les écarts par rapport au besoin.
• Évaluer les compétences individuelles
lors des entretiens individuels et des chan- Précautions à prendre
gements de poste.
• Ajuster éventuellement la cohérence ✔ Installerla démarche dans le temps
et la régularité.
avec une deuxième évaluation par des
référents techniques. ✔ Éviter
les systèmes trop complexes
• Analyser le tableau des compétences : ou administratifs.
– additionner les évaluations individuel- ✔ Relativiserles résultats forcément très
les pour obtenir un niveau collectif dans dépendants du regard des managers
directs de chacun.
une compétence ;

91
Outil 24 La pyramide des effectifs
Exemple de pyramide
d’un laboratoire de 9 permanents

Études Capitalisation Management Recherche


R&D 15,5 2,5 3 Contrats 2

Coût
Répartition des activités salarial
Management R&D (2) 140 k€
Ingénieurs R&D confirmés (3) 165 k€
Ingénieurs R&D débutants (4) 180 k€
Post-docs et thésards (6) 180 k€
Stagiaires (8) 160 k€

En résumé I n sigh t s
Les entités de R&D sont souvent composées de quelques R&D structures often work with a core of permanant
permanents encadrant des personnels dont la présence staff managing several people staying for a limited
est limitée dans le temps. La pyramide des effectifs duration. The workforce pyramid allows a fine tuning
permet d’ajuster la répartition idéale des personnels of the R&D staff distribution according to the people
de R&D selon leur profil. Les facteurs d’optimisation profile. The optimization criteria are connected to the
sont liés au temps consacré par chaque profil de per- total time dedicated by every profile of staff to key activ-
sonnel à des activités clés pour la structure de R&D. ities for the R&D structure.

92
24
4 • Développer les ressources humaines en R&D

Outil
Pourquoi l’utiliser ? Comment l’utiliser ?
Objectif Étapes
L’outil vise à déterminer le nombre idéal C’est souvent • Distinguer les profils (nature de contrat,
de personnes en contrat à durée détermi- durée de travail, diplômes…).
née (stagiaires, intérimaires, thèses de doc-
les stagiaires
• Déterminer les activités clés selon la fina-
torat, post-doc…) et de permanents. Leur et les thésards lité de la structure R&D : développement
répartition dépend de la finalité de la struc- technique, capitalisation, spécification,
ture R&D (recherche amont, bureau d’étu-
qui réalisent
représentation, management, etc.
des, etc.) et de l’apport de chaque profil. l’essentiel • Évaluer pour chaque profil le temps
consacré à chaque activité.
Contexte
du travail
• Pour une répartition d’effectif donnée, cal-
La performance d’une structure de R&D dans les culer le temps total pour chaque activité.
dépend de la variété de compétences • Ajuster la répartition des effectifs pour
laboratoires.
nécessaires pour couvrir les sujets d’étu- obtenir une répartition cohérente du temps
des. Il faut notamment des experts pointus total pour chaque activité.
dans les domaines clés et des ingénieurs à
large spectre de compétences pour permet- Méthodologie et conseils
tre la communication et la synchronisation Voici quelques exemples de règles permet-
des activités. tant d’ajuster la pyramide des effectifs :
Il faut ensuite prendre en compte l’apport – temps de travail d’étude technique
de chacun selon son profil d’activité : tra- = 50 %-60 % du temps total ;
vail technique, capitalisation, coordina- – temps de coordination = 5 à 20 % du
tion, représentation, recherche de contrats, temps total selon la proximité au marché ;
etc. Un expert confirmé, par exemple, n’uti- – temps de capitalisation = 10-20 % du
lise qu’une faible partie de son temps à temps de travail technique.
l’activité technique proprement dite. Le Les règles sont à ajuster en fonction des
reste du temps est utilisé typiquement pour finalités et des objectifs de la structure de
des conseils, la participation à des événe- R&D. ■
ments et l’évaluation du travail des pairs.
À l’opposé, un doctorant va consacrer la
majorité de son temps au travail de recher-
che et le reste à la rédaction d’un mémoire.
Chaque personne a sa trajectoire profes-
sionnelle. Il faut par exemple beaucoup
Avantages
de temps pour former un expert. Seuls ✔ Une méthode objective pour la répartition
quelques-uns persévèrent suffisamment des effectifs.
longtemps, les autres évoluent vers des ✔ Une structure d’effectif adaptée
métiers techniques moins pointus, du aux besoins.
management de projets ou d’autres
métiers dans l’entreprise.
Précautions à prendre
✔ Sortir des effectifs officiels les stagiaires
et les thésards afin que les plafonds
de recrutement ne les affectent pas.

93
Outil 25 Créer des niveaux d’expertise
Grille d’expertise des experts
en optoélectronique

Niveau technique Apports Référence

Leadership reconnu Force de proposition Reconnu au-delà de l’entreprise.


sur un ensemble Invité régulièrement
E de composants
pour la direction.
Catalyseur d’innovation. en congrès. Influence auprès
optoélectroniques. des autorités publiques.

Solutions complexes au-delà


Maîtrise globale Reconnu comme une référence
de l’état de l’art. Exploration
d’un composant en interne. Interventions
D (photodiode, laser,
de nouveaux domaines.
Proposition d’outils, concept, régulières en congrès.
coupleur). Transmission du savoir.
produits. Prise de risque.

Maîtrise globale Solutions dans un domaine Spécialiste reconnu


d’un métier. élargi. Prise en compte dans son métier.
C Connaissances de toutes les contraintes Interventions dans
d’une partie des composants. du métier. Analyse de risque. des congrès. Pédagogie.

Maîtrise d’une partie Solutions dans métier, Reconnu


d’un métier
B (simulation – épitaxie –
en collaboration
avec les spécialises.
par les spécialistes du métier.
Réputation interne.
process).

Connaissances théoriques.
A En cours d’apprentissage. Ponctuels. –

En résumé I n sigh t s
Une communauté technique définit les critères permet- A technical society defines the criteria to evaluate
tant d’évaluer et de reconnaître le niveau d’expertise and recognise the expertise level of its members.
de ses participants. Ces niveaux constituent une Those levels form a parallel ladder to the official job
échelle parallèle à la classification officielle des postes classification. It allows to recognize the improve-
dans l’entreprise. Elle permet de reconnaître la pro- ment of competence without necessarily changing
gression de la compétence des personnes sans néces- the job function or position.
sairement changer leur fonction ou leur positionnement.

94
25
4 • Développer les ressources humaines en R&D

Outil
Pourquoi l’utiliser ? professionnelle (par exemple la Société
française des chimistes).
• Sinon définir une grille selon le modèle
Objectif ci-contre applicable à l’ensemble de la
Une échelle de niveaux parallèle à la clas- Dr Spock R&D.
sification officielle des postes vise à donner • Utiliser cette grille lors des entretiens indi-
est un expert viduels.
une perspective d’évolution aux personnels
de R&D ayant choisi la voie de l’expertise de niveau A7 ! • Ajuster et stabiliser la grille selon les
technique. Par exemple un chimiste peut remarques et les répartitions obtenues.
être apprécié, indépendamment de sa
position hiérarchique ou fonctionnelle, Méthodologie et conseils
selon des niveaux d’expertise tels que L’utilisation de critères définis par une
junior, confirmé ou senior. organisation professionnelle indépendante
Cette échelle peut être associée éventuelle- comporte de nombreux avantages pour
ment à une politique spécifique de valori- l’entreprise : légitimité renforçant la valeur
sation : rémunération, prime, acquisition de l’échelle parallèle, indépendance vis-à-
de points liberté, etc. vis de la hiérarchie, cérémonies et remises
publiques de distinctions. À défaut, il est
Contexte possible de créer une structure interne ras-
L’acquisition de compétences techniques semblant la communauté technique : uni-
nécessite un investissement personnel sur versité interne, académie technique, etc.
une grande durée. Pour autant, cette accu- Une personnalité faisant référence doit être
mulation des connaissances mène rare- disponible pour son animation. Attention,
ment à un changement de poste ou de toutefois, que le processus d’évaluation
rémunération. Elle est même parfois insuf- n’aboutisse pas à distinguer des niveaux
fisamment reconnue. Les personnels de d’expertise proportionnellement au rang
R&D n’ayant bénéficié d’aucune évolution hiérarchique. ■
de poste ou de rémunération peuvent
d’ailleurs s’estimer dévalorisés par rapport
à d’autres personnes dans des métiers de
l’entreprise conduisant à des évolutions
(apparemment) plus rapides.
Inversement, un manager ou les ressources
humaines peuvent trouver arbitraire que la
rémunération d’un poste donné varie forte-
ment d’une personne à l’autre. La défini-
tion d’une échelle d’expertise permet de Avantages
mieux les justifier.
✔ Favoriser l’évolution des experts et
reconnaître leur progression.

Comment l’utiliser ? Précautions à prendre


✔ Évaluer les niveaux plus objectivement.
Étapes
• S’appuyer si possible sur des niveaux ✔ Attribuer
les plus hauts niveaux à des non
managers.
d’expertise définis par une organisation

95
Outil 26 La transmission d’expérience
L’engagement d’un expert au cours de sa carrière

Expert Missions
senior stratégiques
reconnu

Jeune
expert

Formations
Enseigne
ment

Expertise Coaching
Capitalisation de connaissance

Consultant

Arrivée dans R&D Départ programmé

En résumé I n sigh t s
La mission principale d’un expert est d’accumuler de The main mission of an expert is to accumulate
la connaissance et des savoir-faire utiles à l’entreprise. knowledge and know-how useful for the company.
Sa deuxième tâche est la transmission d’expériences His second objective is the expertise transmission to
aux nouveaux arrivants afin de préserver et faire vivre newcomers in order to preserve living strategic skills.
les compétences stratégiques. Cela se concrétise par It translates into time devoted to capitalization and
du temps consacré à la capitalisation et à la formation. training. À transmission plan allows to optimize the
Un plan de transmission permet d’optimiser le transfert know-how transfer to the youngest.
de compétences aux plus jeunes.

96
26
4 • Développer les ressources humaines en R&D

Outil
Pourquoi l’utiliser ? Méthodologie et conseils
Le statut d’expert est plus ou moins officia-
lisé selon les entités de R&D. Dans le cadre
Objectif de la transmission d’expérience, il est
La transmission d’expérience vise à préser- La connaissance important d’y associer un niveau d’enga-
ver le patrimoine de l’entreprise ou de gement pour la capitalisation et la forma-
l’entité R&D. Elle est aussi une manière de
s’acquiert
tion. La capitalisation se mesure par
rendre plus rentable le processus de forma- par l’édition de plans, de notes, de rapports
tion des experts qui requiert de longues
années d’investissement.
l’expérience. publiés et approuvés. Et la formation par
le temps passé à former des collègues
Tout le reste moins expérimentés.
Contexte Le plan de transmission est abordé au plus
n’est que
Le départ d’un expert représente le plus tard une dizaine d’années avant la
souvent une perte importante de savoir- de l’information. retraite. Il est conseillé toutefois de l’abor-
faire construit au cours de nombreuses (A. Einstein) der le plus tôt possible. L’expert peut en
années. Même si elle est un peu moins effet souhaiter entamer une deuxième car-
d’actualité, l’expérience transmise est par- rière dans un autre domaine. L’évolution
ticulièrement précieuse à ceux qui appren- des technologies est telle qu’il est en effet
nent et prennent le relais. Erreurs, échecs, difficile garder un niveau suffisant tout au
méthodes, recettes, trucs, tout est utile. Une long de sa carrière. ■
partie se transmet par écrit mais le plus
précieux est souvent dans le reste.
La motivation et la participation de l’expert
sont indispensables aux projets de capita-
lisation et de transmission d’expérience.

Comment l’utiliser ?
Étapes
• Définir les critères requis pour accéder
aux niveaux d’expertise.
Avantages
• Lorsqu’un expert est arrivé à son plus ✔ Valoriser le rôle de l’expert
haut niveau, solliciter régulièrement son dans l’entreprise.
support pour des missions stratégiques. ✔ Assurer le renouvellement
• Convenir d’un plan de transmission et la transmission d’expérience.
incluant par exemple : un plan de forma-
tion de jeunes ingénieurs, du temps libre
pour de l’enseignement, une date de
Précautions à prendre
départ programmée et les besoins éven- ✔ Ne pas brider l’initiative et l’enthousiasme
tuels après cette date. des nouveaux arrivants ; laisser tenter
• Suivre l’application du plan et le mettre ce que les experts jugent impossibles.
à jour annuellement. ✔ Ne pas tout vouloir transmettre ; laisser
du champ libre pour que l’expérience
obsolète se perde.

97
Dossier

5
Stimuler
5
la créativité
Dossier

Le côté obscur de l’efficacité

La recherche de l’amélioration de la R&D mène généralement à un déve-


loppement produit plus rapide et moins coûteux. Cette efficacité peut cepen-
dant se développer au détriment de la créativité : les processus étouffent les
initiatives et l’innovation devient incrémentale. Lorsque les concurrents avan-
cent dangereusement ou que le succès tarde, la R&D découvre alors qu’elle
peine à proposer de nouvelles orientations. Innover devient la priorité. Un
climat créatif ne se construit cependant pas en un jour. La créativité a notam-
ment besoin de processus ouverts où la gestion des opportunités importe
autant que celle des risques. Cela nécessite une plus grande tolérance pour
les comportements individualistes, les intuitions et les échecs.

Pas de créativité sans tension

Deux ingrédients semblent indispensables à la créativité : les contraintes et


les conflits (constructifs) d’interfaces.
En l’absence de contrainte, la R&D explore tous azimuts, enfle et s’essouffle
comme un artiste peignant sur une toile infinie. Les contraintes et les limites
permettent de mobiliser les acteurs sur la nécessité de trouver. Des ressour-
ces limitées, de nouvelles lois ou des objectifs marketing peuvent être des
contraintes mettant la recherche sous tension. L’important est que la
contrainte soit objective et s’impose à tous. Il vaut mieux impliquer le per-
sonnel de R&D dans l’inacceptable réalité plutôt que de la maintenir dans
la tour d’ivoire d’un univers idéal ou qui n’arrivera jamais. Cela peut se

98
5 • Stimuler la créativité

Dossier 5
concrétiser par des analyses de la concurrence, des examens de retours
client ou des visites sur le terrain.
Les experts constituent une source essentielle de créativité. Pour faire émer-
ger les bonnes idées, il faut souvent organiser des rencontres, des débats,
voire des confrontations. Attention cependant aux incompréhensibles que-
relles d’experts. Le responsable de R&D doit encourager l’émergence
d’ingénieurs de recherche moins spécialisés et à plus large vue pour faire
le pont entre les communautés de spécialistes.

Les méthodes créatives

L’équipe, lorsqu’elle tourne bien, est le réceptacle idéal de ces contraintes


et de ces échanges : elle les absorbe, plus ou moins facilement, les digère
et accouche, le cas échéant, de propositions. L’esprit d’équipe s’entretient,
comme en d’autres domaines, par le partage équitable des résultats et des
retombées, par un manager averti et par la sélection de chercheurs non
seulement brillants mais capables d’échanger.
Il existe de multiples outils pour stimuler la créativité. Nous aborderons les
techniques les plus classiques tels que les groupes de créativité, le brains-
torming ou les techniques marketing d’écoute client. Citons aussi les activités
de veille technique, les primes, les distinctions et autres facteurs de fierté
individuelle ainsi que l’attribution d’un budget pour travailler sur des projets
libres ou hors système (cf. IBM, 3M).
Un dispositif doit permettre le tri et l’évaluation des idées en vue d’une
décision : comité ad hoc, concours interne ou un simple exposé oral. Peu
importent les modalités de ce tri, l’important est la valeur qui lui est accordée
par l’équipe dirigeante.

■ Les OUTILS
27 La boîte à idées ........ p. 100
28 Les groupes
de créativité............... p. 102
29 La créativité structurée p. 106
30 La méthode TRIZ ....... p. 108
31 Les méthodes
marketing ................. p. 110

99
Outil 27 La boîte à idées
La collecte d’idées et la sélection
par catégorisation

En résumé I n sigh t s
La collecte d’idées ouvre le processus de créativité Collecting ideas opens the process of creativity to
à l’ensemble du personnel. Face aux idées reçues the entire staff. Faced to established and well-
et entendues, la boîte à idées permet d’ouvrir des known ideas, the suggestion box allows to open new
voies d’explorations et d’améliorations. Elle suscite paths to improvements or disruption. It generally
de plus l’adhésion de tous et stimule la créativité de is well accepted by the staff whose creativity is
l’organisation. stimulated.

100
27
5 • Stimuler la créativité

Outil
Pourquoi l’utiliser ? • Sélectionner les meilleures idées.
• Communiquer les résultats et les actions
prévues.
Objectif
La boîte à idées est l’outil de base de la Le mot kaizen Méthodologie et conseils
créativité. Elle est utilisée pour recueillir les Il est préférable de quantifier l’objectif de
idées des salariés d’une entreprise ou d’un ( ) est la
l’opération (10 idées, 3 brevets par per-
département. L’objectif principal est d’aug- fusion des deux sonne…) et de lister les domaines visés et
menter le nombre et la qualité des sugges- ceux non concernés. L’animation peut être
tions. En R&D, la collecte d’idées est une mots signifiant
réalisée par une petite équipe centrale et
première étape menant à la fiche innova- respectivement relayée par les managers de proximité.
tion puis au brevet. Elle permet de capita-
liser et de tracer les bonnes idées. « changement » Les critères d’évaluation doivent être com-
préhensibles par tous et sans ambiguïté
et « bon ». pour susciter la participation. Un comité,
Contexte un jury, la direction ou une personnalité
Mettre en place une collecte n’est pas aussi indépendante sont désignés pour mener
facile que l’image de la boîte à idées le l’évaluation et la sélection. La rétribution
suggère. Il faut en effet encadrer soigneu- (prime, cadeaux ou prix) est un facteur de
sement le processus pour que les résultats motivation important.
soient accessibles et correspondent au Dans certains cas, il est préférable de gar-
besoin de l’entreprise. Une structure d’ani- der l’anonymat lors de l’évaluation des
mation dédiée est fort utile pour organiser idées.
et coordonner ces actions. Ceci est facilité par l’utilisation des systè-
La boîte à idées est un concept ancien. Le mes d’information : soumission via intra-
processus participatif de collecte n’a cepen- net, outils de gestion documentaire ou
dant été remis au goût du jour que dans les logiciels spécialisés.
années quatre-vingt-dix avec les cercles La figure ci-contre montre l’utilisation de
qualité. Ceux-ci visent à faire participer quatre catégories pour sélectionner les
l’ensemble du personnel à la résolution des idées. Ces catégories peuvent être asso-
problèmes. Dans la même lignée, le kaizen ciées à des couleurs comme dans la clas-
est synonyme d’amélioration continue à tra- sification proposée par Mark Raison. ■
vers la participation de tous.

Comment l’utiliser ?
Avantages
Étapes
✔ Augmente le nombre d’idées et fait
• Désigner les animateurs du processus. participer l’ensemble de l’entreprise.
• Définir l’objectif, les critères d’évaluation
✔ Stimule la créativité.
et les règles.
• Collecter les idées selon le format pres-
crit et accuser réception. Précautions à prendre
• Évaluer les idées, éventuellement avec
un dossier complémentaire pour les ✔ Définirsi l’opération est ponctuelle
ou récurrente.
meilleures d’entre elles.

101
Outil 28 Les groupes de créativité
L’individu propose des idées
avec le support du groupe

En résumé I n sigh t s
Le groupe de créativité consiste à mobiliser une équipe The creativity group mobilizes a team to propose
de personnes pour proposer des solutions à un pro- solutions to a problem or to answer a need. À com-
blème ou pour répondre à un besoin spécifique. Un petent animator leads the group through several
animateur compétent guide l’assemblée à travers plu- phases: impregnation, going away and convergence.
sieurs phases : l’imprégnation, l’éloignement et la During this progress, the animator creates a positive
convergence. Lors de ce cheminement, l’animateur crée atmosphere during which every person feels confi-
une ambiance positive où chaque personne se sent en dent to propose and to contribute to the results.
confiance pour proposer et contribuer aux résultats.

102
28
5 • Stimuler la créativité

Outil
Pourquoi l’utiliser ? • Faire émerger des propositions lors de
la phase de convergence.
• Synthétiser et classer les propositions.
Objectif
Les groupes de créativité mobilisent l’éner- La créativité Méthodologie et conseils
gie d’une équipe pour apporter des solu- Un animateur est nécessaire pour aider le
tions nouvelles à un problème. Celui-ci d’un groupe
groupe à surmonter le changement de
peut être une question technique, une amé- est moins mode de travail. Il faut commencer par
lioration de procédé, une transformation mettre le groupe en confiance, le plus sou-
de l’existant, de nouveaux produits ou des originale
vent en dehors des lieux habituels de tra-
concepts disruptifs. mais plus vail.
Il est préférable de choisir des tempéra-
ouverte
Contexte ments complémentaires pour les membres
La créativité est souvent portée par quel- que celle du groupe. Citons la catégorisation de
ques individus particulièrement expérimen- G. Puccio : le clarificateur, le générateur
de l’individu.
tés et imaginatifs. Le responsable de R&D d’idées, le développeur, le réalisateur.
favorise autant que possible cette créativité Il est important de charger émotionnelle-
individuelle en améliorant les compétences ment le problème à résoudre par des jeux
et en restant à l’écoute des propositions. de rôles ou d’autres techniques d’appro-
La créativité individuelle est cependant priation. À l’issue de la phase créative, il
limitée par les biais et les préjugés (préfé- est normal d’éprouver un certain chaos.
rence pour ce qui est maîtrisé, intérêts per- Dans la phase suivante, les membres de
sonnels…). Une idée individuelle, en étant l’équipe sont à l’écoute les uns des autres
associée à une personne, peut aussi ne et se risquent à essayer de construire des
pas être adoptée par la collectivité. formes cohérentes. L’individu est alors
Le groupe de créativité apporte une très comme le funambule qui se lance. Il doit
grande puissance de propositions. Plus être soutenu par l’ensemble du groupe.
consensuelles, ses idées sont facilement
adoptées et leur mise en œuvre est plus
efficace. Elles sont par contre moins origi-
nales. Pour cette raison, les groupes de
créativité sont moins adaptés à la recher-
che amont.
Avantages
✔ Multiplier les idées nouvelles.
✔ Faciliter
l’adoption des idées
Comment l’utiliser ? pour leur application ultérieure.

Étapes Précautions à prendre


• Constituer un groupe et choisir un anima- ✔ Ne pas inclure le client dans le groupe,
teur. ni l’expert de référence.
• Imprégner le groupe avec le problème à ✔ Préciser
d’emblée les règles

...
résoudre. d’appropriation des idées.
• Favoriser, lors d’une première phase
créative, l’émergence d’idées en mettant
en suspens le jugement et l’évaluation.

103
Outil 28 Les groupes de créativité (suite)

Comment être plus efficace ?

Les techniques de dissociation par détour D’autres reposent sur la projection d’images
Elles s’appliquent dans la phase d’éloigne- abstraites sans rapport direct avec le pro-
ment pour des problèmes bien délimités : blème. En décrivant ce qu’il y voit, le groupe
amélioration d’un produit, transformation fait ressurgir d’autres manières d’appréhen-
d’un procédé, etc. Il s’agit de casser les liens der le problème. Les images peuvent être
habituels entre les éléments du problème. des dessins allégoriques, des photos de
Voici par exemple un dizaine de catégories grands ensembles, etc.
de verbes, proposée par Guy Aznar, pour
« jouer » avec le problème et le désarticu- Les techniques par analogie
ler: agrandir, diminuer, prendre l’opposé, Elles sont adaptées à la résolution de pro-
combiner des éléments indépendants, éco- blèmes technologiques. Étudiées notamment
nomiser ou gaspiller, isoler ou supprimer un par W. J.J Gordon, elles visent à déplacer
élément, rechercher des contradictions. la résolution du problème sur un autre
Un autre ensemble de techniques fait se ren- domaine analogue.
contrer deux univers complètement indépen- Les domaines d’analogie varient selon
dants. Par exemple, l’amélioration de la l’objectif : la nature, l’histoire, la mécanique
synthèse du benzène avec la fabrication des pour un problème biologique, le symboli-
pyramides. Une matrice de croisement est que, etc. L’analogie avec le vivant est parti-
utilisée pour suggérer des rapprochements culièrement puissante. C’est la démarche de
et arriver à une prise de distance. la bionique.

Les techniques de détour projectives Le brainstorming


Il s’agit de créer de nouveaux produits, Proposé par Alex Osborn en 1938, le brains-
voire de proposer des concepts en rupture. torming est devenu une technique populaire.
Les techniques projectives s’éloignent Il vise à mitrailler le problème et à générer
encore plus du rationnel que les précéden- une grande quantité d’idées. Facile à mettre
tes. Elles nécessitent des personnes habi- en œuvre, il est souvent réalisé avec des pan-
tuées à la créativité. neaux et des post-it. Le principe essentiel est
Les techniques d’identification consistent à que chacun s’exprime librement et que le
demander à chacun de s’imaginer qu’il est jugement est suspendu. Il faut ensuite classer
une partie du problème. Une approche effi- et évaluer les propositions.
cace est le mime. Par exemple : « je suis
dans la boîte de vitesse… ». L’individu ou Le cadre des séances est d’autant
le groupe avance pas à pas dans la plus éloigné du lieu de travail
compréhension du problème et des solutions que la prise de distance doit être
surgissent. grande.

104
28
5 • Stimuler la créativité

Outil
Cas de la Carte mentale de résolution
du chirping

Ingénierie
Zone de variation Oui mais forte pertes des matériaux ?
d’indice nul ?
Dispositifs de modulation Modulation Relation de Kramers-Konig
2
à électroabsorption Modulateurs synchrone
Dispositif de modulation en série ? Modulation Équivalent à
3
interférométrique asynchrone
la modulation
Moduler le flux synchrone
En éteignant/allumant lumineux sans Répertorier
les matériaux
la source lumineuse 1 modifier sa phase ? Oui si n1e1=n2e2
Le shutter a indice Avec deux shutters ? ☺ Et contraste ok sur un graphe
Par occultation ? absorption - indice
différent de l’air !

Réalisé sous Mindmap Freemind 0.8

• La modulation de phase • Les cartes mentales


résiduelle ou chirping
Le concept de ces cartes heuristiques fait
Les télécommunications par fibre optique uti- suite aux travaux du psychologue Tony
lisent la modulation du flux lumineux pour Buzan en 1970. La présentation d’une démar-
coder et transmettre des données. À très haut che intellectuelle par une arborescence reflète
débit, il est constaté que les bits lumineux se la tendance à réfléchir par associations, intui-
déforment au fur et à mesure de leur propa- tions et mots clés.
gation dans la fibre. Le phénomène s’explique
Il existe des applications dédiées pour la repré-
par l’effet conjugué de la dispersion chromati-
sentation des cartes mentales. Certaines sont
que de la fibre et de la modulation résiduelle
gratuites (Freemind, Xmind, ViewYourMind,
de la phase de la lumière (phénomène appelé
etc.). D’autres sont payantes comme iMind-
en anglais chirping).
Map ou Mindmanager.
Moduler la lumière sans affecter sa phase est
un problème nouveau pour les fabricants de Face à l’engouement pour cet outil, souli-
composants optoélectroniques. La recherche gnons l’existence de limitations. Les représen-
de solutions est illustrée ici par l’utilisation tations heuristiques peuvent par exemple
d’une carte mentale. rapidement devenir difficiles à comprendre
par d’autres personnes que l’auteur. ■

105
Outil 29 La créativité structurée
Les chapeaux de Bono

BLANC ROUGE NOIR

L’information, L’intuition, La prudence,


les données les émotions le jugement

JAUNE VERT BLEU

La vision positive, Les idées nouvelles, Contrôle


l’optimisme la créativité du processus

En résumé I n sigh t s
La créativité structurée vise à faire émerger de nouvel- The structured creativity aims at bringing to the fore-
les idées par une démarche rationnelle. Pour enrichir ground new ideas by a rational approach. To enrich
la réflexion, le problème est analysé sous plusieurs the reflection, the problem is analysed under several
angles. Par exemple, mettre les chapeaux ci-dessus points of view. For example, putting the hats above
permet d’analyser un même problème sous plusieurs allows several analysis of the same problem. The
angles. La réflexion peut alors s’enrichir et mener, par reflection can then grow richer and lead, by an indi-
un travail individuel, à des propositions construites. vidual work, to mature propositions.

106
29
5 • Stimuler la créativité

Outil
Pourquoi l’utiliser ? • Répétition des trois étapes précédentes
jusqu’à finalisation des contributions indi-
viduelles.
Objectif • Évaluation et sélection.
À l’opposé du brainstorming qui mène à La pensée
grand nombre d’idées non ordonnées, la Méthodologie et conseils
latérale
technique de la pensée latérale est une La durée de travail entre chaque présenta-
démarche créative structurée pour mener à consiste tion varie, selon la difficulté du sujet, de
un nombre limité d’idées construites et cinq minutes à une semaine. L’animateur
à se déplacer
cohérentes. accompagne le travail individuel de créa-
pas à pas tivité en provoquant des déplacements de
Contexte point de vue. L’utilisation des six chapeaux
dans
Face aux méthodes stimulant l’intuition uti- est vite apprise. Chaque personne se sent
lisées dans les années quatre-vingt, le rationnel. plus légitime à intervenir et l’équipe fonc-
Edward Bono prône un cheminement créa- tionne mieux.
tif restant dans le domaine de la rationa- Selon Edward Bono, il est aussi possible
lité. Dans ce contexte, la pierre angulaire de sortir du rationnel en utilisant par exem-
de la créativité est l’effort individuel et la ple l’absurde ou l’imaginaire. Dans ce cas,
rigueur. il recommande de commencer sa phrase
Pour sortir des schémas prédéfinis, la par « Po ». Par exemple « Po : et si les
méthode de la pensée latérale propose une motos avaient trois roues ? ».
progression pas à pas où les déplacements L’équipe peut aussi être animée en utilisant
sont obtenus par des provocations aléatoi- la méthode Delphi. Celle-ci est générale-
res. L’utilisation des chapeaux de Bono est ment utilisée pour extraire un avis global
l’exemple le plus connu. En adossant un d’un panel d’experts. Elle consiste à faire
des six chapeaux, l’individu peut exprimer écrire à chacun sa recommandation, à
plusieurs raisonnements sans se contredire. tourner les papiers et à faire construire une
Bien que le cheminement reste rationnel, il nouvelle recommandation à partir de la
ne suit pas nécessairement la logique. Il est précédente, et ainsi de suite. ■
donc possible de dissocier le problème
pour mieux trouver des solutions.

Comment l’utiliser ?
Étapes
• Présentation de l’objectif à l’équipe.
• Travail en individuel pendant une durée Avantages
prédéterminée.
• Présentation tour à tour des résultats de ✔ Apporter des idées plus abouties que les
chacun. groupes de créativité.
• Échanges, discussions et suggestions de
développement. Précautions à prendre
✔ Motiver et mettre en confiance l’équipe.

107
Outil 30 La méthode TRIZ
La matrice des contradictions TRIZ

Paramètre à ne pas dégrader


1 2 3 4 5 … 39

Productivité
d’un objet

d’un objet

d’un objet

d’un objet

d’un objet
Longueur

Longueur
statique

statique

Surface
mobile

mobile

mobile
Masse

Masse


Masse d’un 15,8 29,17 35,03
1 objet mobile x x x
29, 34 38,3435. Modification
… de paramètre
24,37
Masse d’un 10,01 • Modifier l’état 01,28
physique d’un objet
2 objet statique x x x x … forme de gaz, de liquide
(ex : sous
Paramètre à améliorer

29,35 15,35
Longueur d’un 08,15 15,17 ou de solide) 14,04
3 objet mobile x x x …
29,34 4 • Changer la concentration
28,29
ou la consistance
Longueur d’un 35,28 30,14
4 objet statique x x x x • Modifier
… le degré de flexibilité
40,29 7,26
• Modifier la température
Surface d’un 2,17 14,15 10,2
5 x x x …
objet mobile 29,4 18,4 34,2
… … … … … … … … …
35,26 28,27 18,04 30,07 10,26 …
39 Productivité x
24,37 15,3 28,38 14,26 34,31

En résumé I n sigh t s
La méthode TRIZ s’appuie sur une liste de principes The TRIZ method relies on a list of creative principles
inventifs répertoriés par l’analyse d’un très grand obtained from the analysis of a very large number of
nombre de brevets. Elle propose des solutions géné- patents. It proposes generic solutions having already
riques ayant déjà été utilisées pour résoudre des pro- been used to resolve similar problems. The matrix of
blèmes similaires. La matrice des contradictions, par contradictions, for example, points out the creative
exemple, recense les principes inventifs pour amélio- principles to improve a parameter (the weight for
rer un paramètre (le poids par exemple) sans dégra- example) without degrading another one (the length
der un autre (la longueur dans l’exemple). in the example).

108
30
5 • Stimuler la créativité

Outil
Pourquoi l’utiliser ? Méthodologie et conseils
La méthode peut être utilisée seul ou en
groupe.
Objectif Il est possible de se familiariser avec la
La méthode TRIZ vise à améliorer l’inventi- Teoriya méthode en utilisant la matrice des contra-
vité technique en explorant des analogies
Resheniya dictions sur www.triz40.com. Après avoir
extraites d’une grande masse de brevets. modélisé le problème sous forme de
L’hypothèse de départ est que la plupart Izobreatatelskikh contradictions entre les paramètres, la
des inventions utilisent des principes simi- matrice indique les principes inventifs à
Zadatch :
laires pour résoudre les mêmes compromis. appliquer pour optimiser un paramètre
Plutôt que de réinventer la roue à chaque Théorie sans en dégrader un autre. Dans l’exemple
fois, la méthode TRIZ propose une démar- de Résolution ci-contre, il s’agit d’alléger un produit tout
che systématique pour développer l’inven- en conservant sa longueur.
tivité. Elle permet notamment de consolider des Problèmes Les associations TRIZ peuvent aider à aller
et développer un portefeuille de brevets. Inventifs plus loin via des publications, des forums
et des consultants.
Contexte Un algorithme générique nommé ARIZ
La méthode a été développée dans les regroupe l’ensemble des outils de la
années cinquante par Genrikh Saulovich méthode TRIZ. Il peut être appliqué comme
Altshuller. Travaillant dans un bureau bre- une démarche systématique. ■
vet, il s’attelle à discerner des principes
inventifs génériques applicables dans une
grande base de brevets. Il continue son tra-
vail dans un goulag à l’époque de Staline
et publie sa théorie de résolution des pro-
blèmes inventifs. Un véritable mouvement
se développe dans les années soixante-dix
pour promouvoir et développer la méthode
TRIZ. Il existe maintenant une association
française, européenne (www.etria.com) et
mondiale (www.triz.org).

Comment l’utiliser ?
Avantages
Étapes
• Décrire le problème spécifique à étudier ✔ Élargir
le champ inventif en se référant à
une méthode.
par un schéma fonctionnel.
• Extraire les mécanismes génériques ✔ Augmenter la portée des brevets.
répertoriés par la méthode TRIZ.
• Lister les solutions génériques connues. Précautions à prendre
• Explorer l’application de ces principes
inventifs au problème à résoudre. ✔À utiliser pour animer des discussions
techniques.
• Trier les idées les plus intéressantes.

109
Outil 31 Les méthodes marketing
La méthode de l’utilisateur averti
(lead user)

Source : © Ioannis Kounadeas – fotolia.com

En résumé I n sigh t s
Les utilisateurs avertis sont des clients particulièrement en The lead users are customers particularly ahead of
avance sur le marché. Ils cherchent à disposer de pro- the market. They try to have products much better
duits bien meilleurs que ceux qui existent. Frustrés, ils than the existing ones. Frustrated, they even try to
essaient même de les adapter par eux-mêmes. Leur par- adapt them by themselves. Their participation in the
ticipation au processus d’innovation permet à l’entre- process of innovation allows the company to exit from
prise de sortir du cycle d’innovation incrémentale de ses the cycle of incremental innovation and to project
produits et de se projeter vers des besoins spécifiques itself towards specific needs, which probably look like
ressemblant probablement au marché de demain. the market of tomorrow.

110
31
5 • Stimuler la créativité

Outil
Pourquoi l’utiliser ? – par l’organisation d’événements où les
clients avancés peuvent participer.
• Participation de l’utilisateur averti au pro-
Objectif cessus créatif :
L’intervention d’un utilisateur averti dans la La méthode – dans la phase concept par un atelier
création de nouveaux produits et services de travail avec plusieurs utilisateurs aver-
permet de mieux anticiper les évolutions du du lead user tis dans des domaines complémentaires
marché. Il permet en outre à l’entreprise de a été et des spécialistes techniques ;
préparer les ruptures technologiques. – dans la phase de définition par le test
proposée de maquettes ;
Contexte par Eric – dans le développement par la contri-
L’innovation en termes de produits et de ser- bution à la validation des prototypes.
von Hippel
vices est le fruit de la collaboration étroite
entre la R&D et le marketing. Plusieurs en 1986. Méthodologie et conseils
méthodes de créativité marketing permettent L’utilisateur averti n’a généralement pas
de mieux marier leurs compétences et points besoin d’être rétribué car il est fortement
de vue : le recours aux clients avancés, les motivé par l’amélioration des produits.
« focus group », les produits concepts, les L’innovation provient aussi de la rencontre
laboratoires d’usage, etc. de plusieurs lead users dans des domaines
La méthode du lead user consiste à faire complémentaires. Nortel, par exemple, a
intervenir dans le processus d’innovation recensé des utilisateurs de ses applications
des clients ayant une forte motivation à web dans des domaines très spécialisés :
conserver de l’avance sur le marché et une juridique, médical et tracking.
capacité à imaginer des solutions nouvel- La méthode est particulièrement adaptée
les. La plupart d’entre eux ont une expé- aux biens industriels avec un temps de
rience d’utilisation intense du produit et ont développement long. Elle nécessite de plus
déjà essayé de l’adapter à leur besoin de partager des informations confidentiel-
avec leurs propres moyens. les au-delà du périmètre de l’entreprise. ■
Par exemple le VTT (vélo tout terrain) a
été inventé par deux bricoleurs frustrés de
ne pouvoir descendre en vélo les pentes
du mont Tamalpais (San Fransisco). Les
mountain bikes se sont ensuite répandus
rapidement.
Avantages
Comment l’utiliser ? ✔ Prévoirplus rapidement les innovations
majeures attendues par les clients
de demain.
Étapes ✔ Se préparer aux ruptures technologiques.
• Identification des utilisateurs avertis :
– par sélection de communautés d’inté- Précautions à prendre
rêts spécialisées ;
– par recommandations d’experts dans ✔ Prévoir des conditions adaptées
plusieurs secteurs autour du domaine pour la confidentialité et les droits
de propriété intellectuelle.
principal ;

111
Dossier

6
Développer
6
la recherche
et collaborer
Dossier

Quand la recherche est séparée du développement


Notre pays est riche de laboratoires et de grands organismes de recherche
créés par l’État, notamment dans les années 1945-1960, pour maîtriser des
domaines stratégiques (CNRS, INRIA, ONERA, CNES…).

Le monde d’en haut et le monde d’en bas


L’écosystème de l’innovation est illustré sur la figure ci-contre : le monde
d’en haut, où évoluent les acteurs économiques, et le monde d’en bas,
source de connaissance et savoir-faire.
L’entreprise est symbolisée par l’arbre. Il puise la sève (le savoir) par ses
racines (les activités de recherche), la canalise dans le tronc (le développe-
ment) et la transforme en feuilles et en fruits (les services et les produits).
Le monde d’en haut est alimenté par le soleil (l’argent) qui stimule notam-
ment la croissance des arbres. Il est peuplé d’acteurs commerciaux et finan-
ciers (les oiseaux) souvent peu intéressés par le monde d’en bas.
Le monde d’en bas doit être irrigué par de l’eau (l’action publique). Il est
constitué de nombreux éléments minéraux et organiques (écoles, laboratoi-
res, projets de recherche, associations, organismes, la défense, etc.).

Les barrières au développement


La centralisation des moyens de recherche permet d’atteindre une masse
critique, d’être visible, de bâtir de grandes infrastructures ou d’attirer des
experts de grande renommée. Elle entraîne aussi des difficultés spécifiques :
• barrière à la valorisation et au transfert des résultats de recherche ;

112
6 • Développer la recherche et collaborer

Dossier 6
• justification permanente d’existence ;
• priorités variables selon les financeurs, les dirigeants ou la politique ;
• critères de succès parfois déconnectés du monde économique ;
• risques de dérives par rapport à la mission publique.

Les objectifs du responsable


de recherche
En pratique, la mission première du responsable de R&D est avant tout de
développer la richesse scientifique et humaine de son laboratoire : niveau
d’expertise technique, rigueur de la méthodologie scientifique, capacité à
modéliser et qualité des publications scientifiques.
Les personnels de laboratoire bénéficient généralement d’une sécurité
d’emploi qui leur permet de se projeter dans le long terme. Le management
s’exerce alors principalement par influence et le style est collaboratif.
L’objectif principal est la notoriété des activités de recherche de ses équipes.
Comme dans d’autres professions, la notoriété se construit dans le temps
selon le mécanisme dit des « avantages cumulatifs ».
Si les recherches sont suffisamment appliquées, il existe aussi un objectif
de financement et de valorisation.
C’est dans ce contexte que sont présentés une dizaine d’outils spécifiques
aux activités de recherche fondamentale et appliquée.

■ Les OUTILS
32 Expérimenter
et simuler ................. p. 114
33 Le plan d’expérience . p. 118
34 Organiser un laboratoire
de recherche ............ p. 122
35 Faire un état
de l’art technique ...... p. 124
36 Publier
un article scientifique p. 126
37 Optimiser la notoriété p. 128
38 La charte de recherche p. 132
39 Le transfert
de technologie .......... p. 134
40 Valoriser la R&D ....... p. 136
41 Monter un projet
collaboratif ............... p. 138

113
Outil 32 Expérimenter et simuler
La méthode scientifique :
Faraday à la Royal Society

En résumé I n sigh t s
La méthode scientifique est un processus collectif de The scientific method is a collective process to
construction du savoir. Elle repose sur une démarche increase the knowledge corpus. It rests on an experi-
expérimentale et une approche théorique. Les obser- mental methodology and a theoretical approach. The
vations expérimentales sont partagées, critiquées et experimental observations are shared, reviewed and
reproduites. Les théories font l’objet d’un débat reproduced. The theories are discussed within the sci-
contradictoire dans la communauté scientifique. Des entific community. Experiments are led to confirm or
expérimentations sont conduites pour confirmer ou refute the new theories.
réfuter les théories nouvelles.

114
32
6 • Développer la recherche et collaborer

Outil
Pourquoi l’utiliser ? rience, changement de manipulateur,
critique des collègues de recherche,
métrologie ;
Objectif – publier les observations expérimenta-
La méthodologie scientifique vise à cons- Roger Bacon les en les documentant suffisamment
truire un corpus de connaissances partagé pour qu’elles puissent être critiquées et
(1214–1294)
par la communauté scientifique. Le corpus reproduites.
est constitué d’une partie théorique et est l’un • L’approche théorique est une itération
d’observations expérimentales pour la d’hypothèses et d’expérimentations visant
des pères
confirmer. La méthodologie garantit le à les confirmer :
sérieux et la rigueur du travail de recherche. de la méthode – Construire en parallèle une nouvelle
scientifique. théorie permettant d’expliquer les phé-
Contexte nomènes observés.
L’approche scientifique est récente dans – Imaginer des expérimentations visant à
l’histoire de l’humanité. L’approche expéri- réfuter ou à confirmer la nouvelle théorie.
mentale ne s’est généralisée qu’à partir du • Le processus converge lorsqu’un consen-
e
XVIII siècle. Les activités de recherche fonda- sus est atteint sur le phénomène observé et
mentale et appliquée sont aujourd’hui struc- la théorie permettant de l’expliquer.
turées par cette approche dans le monde
entier : expérimentation, publication dans Méthodologie et conseils
les journaux scientifiques et revues critiques Dans la pratique, les équipes de recherche
par les pairs (peer reviews). se concentrent soit sur la théorie, soit sur
La tentation existe cependant de se libérer l’expérimentation. Plusieurs théories
de la contrainte du consensus de la com- coexistent tant que des expérimentations
munauté scientifique, notamment quand il décisives ne permettent pas de décider
existe une valorisation ou une exposition
celle qui répond le mieux aux observa-
médiatique. Le premier réflexe, devant de
tions. Les meilleurs laboratoires sont sou-
nouveaux résultats scientifiques, reste donc
vent ceux qui permettent d’associer les
de vérifier leur reproductibilité par d’autres
meilleurs théoriciens aux expérimentateurs
équipes et l’avis des pairs à travers les
les plus habiles.
publications.

Avantages
Comment l’utiliser ? ✔ La méthode scientifique garantit la rigueur
et l’acceptation par la communauté des
experts.
La méthode scientifique comprend une
démarche expérimentale et une approche
théorique. Précautions à prendre
✔ Se porter volontaire auprès d’un journal
Étapes
scientifique pour les activités de revues

...
• La démarche expérimentale consiste à : critiques (peer review).
– s’assurer de la reproductibilité des
observations expérimentales à l’intérieur
du laboratoire : répétition de l’expé-

115
Outil 32 Expérimenter et simuler (suite)

Comment être plus efficace ?

L’approche scientifique ne peut être réduite phénomènes observés avec un minimum de


à une seule méthode. La méthodologie impli- coefficients d’adaptation. Ce modèle forma-
que cependant toujours quatre phases : le lise la compréhension des observations.
doute, la formulation de la question, la
recherche des réponses possibles, la sélec- L’expérimentation
tion ou la validation des réponses. Ce che- L’expérience est une reproduction de phéno-
minement s’effectue à la fois dans le réel et mènes naturels dans un environnement
dans la théorie qui le représente.
contrôlé : le laboratoire, la chambre de col-
lision de particules ou le réacteur chimique.
L’observation et la modélisation
L’objet de l’expérience est de cerner les fac-
L’observation consiste à observer attentive- teurs influençant le phénomène, de détermi-
ment le déroulement de phénomènes natu- ner leur amplitude et de comprendre
rels sans les perturber. La méthode s’impose l’origine ou la cause du phénomène.
quand il est difficile d’interagir avec les phé- L’expérimentation se distingue de l’observa-
nomènes observés : climatologie, astrophy- tion par une intention initiale : démontrer
sique ou géologie. Elle est aussi utilisée une nouvelle théorie, tester une explication
quand il existe naturellement de nombreuses ou un modèle. L’expérience est ensuite
variations des phénomènes étudiés : scien- conçue spécifiquement pour y répondre.
ces humaines, économie, etc. Bien qu’appa-
Le talent d’un expérimentateur consiste à
remment passive, l’observation nécessite à
trouver l’expérience décisive, celle où un
la fois rigueur et intuition. Elle est d’ailleurs
seul phénomène peut être analysé et facile-
souvent la première étape des grandes
ment reproduit sans risque de variables
découvertes scientifiques.
cachées ou indirectes.
L’observation conduit à la modélisation du
réel. La modélisation empirique consiste à
analyser les données observées par des La simulation numérique
méthodes statistiques. Les meilleurs coeffi- L’ordinateur est de plus en plus utilisé en
cients d’une formule générale sont calculés mathématiques pour des démonstrations
afin de minimiser les écarts entre le calcul dont la complexité dépasse les possibilités
et le mesuré. Si les phénomènes peuvent être humaines ou pour trouver des exceptions
ainsi modélisés avec une précision suffi- qui permettent d’infirmer des propositions
sante, ils ne sont pas pour autant compris et mathématiques.
les formules ne peuvent être généralisées.
Une modélisation de plus haut niveau impli- La théorie quantique prédit
que une explication de l’observation sous que, dans l’infiniment petit,
forme d’enchaînements d’événements maîtri- l’observation d’un phénomène
sés par la théorie. Il est alors possible lève l’indétermination
d’obtenir une formule rendant compte des et donc l’influence.

116
32
6 • Développer la recherche et collaborer

Outil
Cas de la Simulation d’un crash test

Simulation du choc frontal d’une Citroën C6

• La simulation numérique en prenant en compte une distribution aléa-


toire des paramètres d’entrée. Leur sensibilité
La simulation numérique est très utilisée par sur les résultats en sortie est ainsi quantifiée.
les ingénieurs pour prédire l’évolution de phé-
nomènes complexes. Les exemples sont nom-
breux, de la propagation d’une onde électro- • Exemple du crash test
magnétique à la simulation d’une explosion de véhicules
nucléaire. Les constructeurs automobiles partagent de-
La puissance de calcul des ordinateurs permet puis une vingtaine d’années leur modélisation
de résoudre des ensembles d’équations ma- de la déformation des véhicules lors d’un ac-
thématiques provenant d’une modélisation cident et des impacts sur les passagers. Affi-
très complète du phénomène observé. Celle- nés au cours du temps et des essais, les mo-
ci peut prendre en compte des phénomènes dèles sont suffisamment maîtrisés pour
physiques multiples à plusieurs échelles : dé- permettre de réduire le nombre de crash tests.
formation mécanique avec écoulement d’un Ils incluent la modélisation du comportement
fluide et échange thermique par exemple. du corps humain dans ces cas extrêmes.
La méthode de Monte-Carlo est utilisée Les simulations s’avèrent aussi indispensables
quand le phénomène est très sensible à des lors de la conception de la voiture. Les
paramètres non maîtrisés (en météorologie ou contraintes de sécurité sont ainsi prises en
en physique des particules par exemple). Elle compte dès le début et le risque de reconcep-
consiste à multiplier le nombre de simulations tion est minimisé. ■

117
Outil 33 Le plan d’expérience
Étude d’une réaction chimique
selon un plan d’expérience

Concentration réactif B
Type de solvant

A
ctif
a

n
tio
a
ntr
e
onc
C

Source : © Stefan Rajewski – fotolia.com

En résumé I n sigh t s
Le plan d’expérience consiste à planifier des cam- The design of experiments consists in planning cam-
pagnes d’expérimentations en vue d’optimiser l’ana- paigns of experimentations to optimize the analysis of
lyse des résultats selon des méthodes statistiques. Le the results according to statistical methods. The num-
nombre et le type d’expériences sont optimisés pour ber and the type of experiences are optimized to
obtenir la réponse recherchée du système étudié. obtain the best response of the studied system.

118
33
6 • Développer la recherche et collaborer

Outil
Pourquoi l’utiliser ? • Réaliser les essais.
• Analyser les résultats par régression mul-
tilinéaire et par l’analyse de la variance.
Objectif
Les plans d’expérience visent à trouver Les plans Méthodologie et conseils
empiriquement les facteurs optimisant la La réponse doit être aussi répétable que
réponse d’un système à étudier : le dosage d’expérience possible et facile à mesurer.
de plusieurs médicaments pour obtenir un utilisent Le choix des facteurs repose sur des hypo-
effet thérapeutique, la température et la
l’analyse thèses et des expériences précédentes.
pression pour optimiser la croissance d’un
Leur nombre doit être réduit le plus possi-
cristal, etc. L’influence de chacun des fac- statistique
ble (< 5 environ). Ils peuvent être quantita-
teurs est quantifiée dans le même temps.
de la variance tifs (concentration d’un réactif) ou
Des méthodes de criblage évoluées per-
mettent de plus de réduire au minimum le de données qualitatifs (type de réactif). Le plan complet
nombre d’expériences. consiste à faire varier les n facteurs selon
expérimentales. leurs p valeurs, soit pn expériences. Par
Contexte exemple, un plan de trois facteurs à trois
valeurs chacun nécessite 27 expériences.
Les plans d’expérience sont particulière-
La réponse au 1er ordre est le plus souvent
ment utilisés quand le phénomène à étu-
une combinaison linéaire des facteurs. Les
dier dépend de multiples paramètres dont
coefficients sont obtenus par une régres-
l’influence n’est pas quantifiable a priori,
sion linéaire multiple.
soit parce que le système étudié n’est pas
modélisable (médecine, biologie, généti- Si l’expérience est influencée par des fac-
que) ou trop complexe (chimie, physique teurs aléatoires, il est préférable d’augmen-
du solide). ter le nombre d’expériences en gardant
Les plans d’expérience sont nés des tra- des facteurs constants deux à deux
vaux de Ronald Fisher en agronomie et en (méthode des carrés latins).
analyse statistique des données au début
du siècle. Il a proposé notamment des
méthodes pour réduire le nombre d’échan-
tillons au minimum.
Avantages
Comment l’utiliser ? ✔ Gain de temps et d’efficacité dans la
quantification de l’influence des facteurs
expérimentaux.
Étapes
• Définir précisément l’objectif du plan Précautions à prendre
d’expérience et choisir la ou les réponses
du système étudié. ✔ S’assurerde la répétabilité et de la rigueur
• Identifier les facteurs principaux à faire du protocole de mesure.
varier pour optimiser la réponse. ✔ Choisir des valeurs robustes pour tous les

...
• Construire la campagne d’essais selon la facteurs de l’expérience.
méthode de criblage adaptée. La plus sim-
ple est le plan factoriel complet comportant
toutes les combinaisons possibles.

119
Outil 33 Le plan d’expérience (suite)

Comment être plus efficace ?

Le plan factoriel complet est le plan d’expé- a) Les plans factoriels fractionnaires
rience le plus simple. Il nécessite cependant Nous avons vu qu’un plan factoriel complet
le plus grand nombre d’expériences. Les nécessite 2n expériences pour l’étude de n
plans factoriels fractionnaires permettent de facteurs pouvant prendre deux valeurs. Ce
réduire ce nombre. Il en existe de nombreux nombre peut être diminué à 2n-1 en réduisant
autres : plans composites centrés, réseaux le ne facteur à l’interaction des autres. Dans
de Doehlert, etc. l’exemple ci-dessous, le plan complet de deux
facteurs A et B est utilisé pour construire un
plan fractionnaire de trois facteurs A, B et C.

A B AxB A B C
1 –1 –1 +1 1 –1 –1 +1
2 +1 –1 –1 2 +1 –1 –1
3 –1 +1 –1 3 –1 +1 –1
4 +1 +1 +1 4 +1 +1 +1

b) Les plans D-optimaux d) Les plans pour les sciences humaines


Plus complexe, cette méthode prend en Précurseur dans le domaine des plans
compte les contraintes entre plusieurs fac- d’expérience, l’agronomie utilise plusieurs
teurs (par exemple p2 – p1< 5 bar) et un plans d’expérimentation type. Dans l’exem-
nombre d’expériences quelconque fixé a ple du carré latin ci-dessous, trois traite-
priori. En termes mathématiques, le facteur ments A, B, C sont comparés dans trois
D à optimiser est la somme des valeurs pro- séries de trois blocs d’expérimentations.
pres de la matrice d’expérimentation. La Chaque traitement est présent une seule fois
détermination du meilleur plan d’expérience dans chacune des lignes (séries) et des
est obtenue par calcul itératif à partir d’une colonnes (blocs).
proposition initiale intuitive.
a b c

c) Réduire l’influence du bruit I A B C

La méthode de Taguchi est une approche des II B C A


plans d’expérience prenant en compte III C A B
l’influence de facteurs non désirables tels que Mentionnons enfin la méthode en double
le bruit ou les défaillances. La procédure aveugle utilisée en recherche pharmaceuti-
inclut la définition de ces facteurs aléatoires que. Elle permet de s’affranchir de la sub-
et l’utilisation de matrices d’expérimentation jectivité du patient et de l’examinateur en
orthogonales spécifiques. utilisant des placebos. La taille des groupes
doit être optimisée pour que la réponse
observée soit significative d’un point de vue
statistique.

120
33
6 • Développer la recherche et collaborer

Outil
Cas de la Recherche d’optimum
Paramètre B par la méthode du simplex

C D

B
A

Paramètre A

• La méthode du simplex veau point (D) symétrique par rapport aux


deux points restants (B et C).
La recherche empirique d’un optimum est
réalisée par l’algorithme du simplex mis au En appliquant cette règle itérativement, le tri-
point par W. Spendley en 1962. Elle est illus- plet de point converge vers l’optimum. La
trée ici par la recherche d’un point maximum deuxième règle doit être utilisée à la fin : si le
dans un espace à deux dimensions (paramè- nouveau point trouvé correspond à un point
tres A et B). déjà éliminé précédemment, il faut éliminer le
Les trois premiers points expérimentaux sont second moins mauvais.
A, B et C. La première règle du simplex est L’optimum est atteint lorsque le simplex
que le point correspondant à la plus mauvaise tourne autour d’un point pivot (non illustré
valeur (A) est éliminé et remplacé par un nou- ici). ■

121
Outil 34 Organiser un laboratoire de recherche
La structure d’un laboratoire de recherche public

Employeur

Ministères Autres
Universités (labo,
Écoles Organismes
industrie,…)
Équipements
Dotation

Partager
propre

Locaux

– ATER – Chercheurs – Personnels


dédiés une grande
– Maître conf. – Ingénieurs infrastructure
Financement

– Prof. Univ. – Techniciens – Thésards

Agences
financements

publiques
Démontrer
Autres

– Post-docs l’utilité
Industrie pour
– Stagiaires
– Visiteurs la collectivité
Dons

Transmettre Rayonner
le savoir dans un domaine
scientifique

En résumé I n sigh t s
Les laboratoires de recherche doivent prendre en Research laboratories have to take into account sev-
compte des missions multiples : enseignement, recher- eral goals: teaching, research, coordination of a sci-
che, animation d’une communauté scientifique et valo- entific community and transfer to the industrial
risation. Cela se traduit par une diversité de moyens et world. It is translated by a variety of means and
de financements. Le bon fonctionnement nécessite une financing. The everyday operation requires a good
cohérence entre les moyens et les missions principales. coherence between the means and the main missions.

122
34
6 • Développer la recherche et collaborer

Outil
Pourquoi l’utiliser ? lité pour la collectivité des activités de
recherche.

Objectif Méthodologie et conseils


L’organisation d’un laboratoire de recher- Le laboratoire Dans certains domaines, il est judicieux de
che consiste notamment à répartir les mettre en place des grandes infrastructures
de recherche
dépenses selon les diverses ressources. Il de recherche telles que des lasers de puis-
faut optimiser le fonctionnement et les est le cadre sance, des accélérateurs de particules ou
objectifs pour correspondre aux besoins des sources de rayonnement X. Il faut alors
de travail
de chacun des financeurs, public ou privé. rassembler des financements exception-
des chercheurs. nels, voire créer des structures dédiées
Contexte (CERN, ITER…).
Il existe une volonté politique pour que les
Dans tous les pays du monde, l’organisa-
moyens de recherche se rassemblent, tant
tion de la recherche est proche de l’ensei-
pour accroître l’efficacité de recherche que
gnement et des universités. Ces dernières
pour atteindre un rayonnement comparable
exigent une mission d’enseignement mais
à celui d’autres structures de recherche à
n’ont pas forcément les moyens de financer
l’étranger. Cela s’est traduit par la création
les activités de recherche à un niveau
d’organismes de recherche dédiés
suffisant. Des organismes de recherche
(INSERM, INRIA…). La tendance
contribuent à renforcer les laboratoires aujourd’hui est à la mise en réseau, à la
pour qu’ils puissent atteindre le niveau création de structures virtuelles nationales ou
d’excellence dans le domaine visé. internationales et aux pôles régionaux (pôles
de compétitivité en France ou clusters). ■

Comment l’utiliser ?
Étapes
• La mission d’enseignement est définie
par l’université. Celle-ci s’engage sur le
financement d’infrastructures et de person-
nels (attachés temporaires d’enseignement
et de recherche (ATER), maîtres de confé-
rence, professeurs d’université).
• La mission de recherche est définie par Avantages
plusieurs acteurs : l’université, des organis-
✔ Équilibrerles activités en fonction des
mes de tutelles et des acteurs tiers. Ils four- missions et des ressources.
nissent la dotation du laboratoire.
L’objectif essentiel est en général l’excel-
lence scientifique, mesurée par la notoriété Précautions à prendre
du laboratoire. ✔ La différence de statuts entre les personnels
• Les autres financements proviennent de nécessite une attention en termes de
projets collaboratifs avec d’autres labora- ressources humaines, de capitalisation de
toires et des industriels. Les objectifs sont données et de protection de la propriété
intellectuelle.
des projets. Il s’agit aussi de montrer l’uti-

123
Outil 35 Faire un état de l’art technique
La recherche bibliographique

Recherche

Acteur 1

Acteur 2
du domaine de recherche

Références
Élargissement

principales :
Mots – thèses
Thème clés Acteur 3
– review papers Synthèse
initial – brevets
– rapports

Acteur 4

Acteur n

En résumé I n sigh t s
L’état de l’art scientifique et technique est obtenu par The state of the scientific and technical art is
une recherche bibliographique. Cette étape est le obtained by a bibliographical work. This stage is the
préalable à toute activité d’étude, de recherche ou prerequisite to any activity of research or engineering.
d’ingénierie.

124
35
6 • Développer la recherche et collaborer

Outil
Pourquoi l’utiliser ? • Rechercher à partir des mots clés et des
acteurs de nouvelles références bibliogra-
phiques.
Objectif • Sélectionner de proche en proche les
Avant de débuter une étude, une recherche Des recherches références les plus significatives : rapports,
ou une conception technique, une étude mémoires, thèses, etc.
bibliographique est réalisée. Elle livre un biblio- • Analyser et synthétiser les résultats.
état de l’art préalable et rassemble les graphiques
idées, les propositions, les réalisations qui Méthodologie et conseils
ont été publiées ou brevetées dans le professionnelles Les laboratoires ont souvent accès à des
domaine visé. Elle permet d’éviter les réin- peuvent être ressources documentaires payantes
ventions et rend l’activité de recherche comme les revues scientifiques. À défaut,
mieux ciblée. réalisées
des recherches sur internet sont d’autant
par l’INIST. plus pertinentes que de nombreux résultats
Contexte sont rendus disponibles par les chercheurs
Les activités de recherche visent spécifique- eux-mêmes. Le moteur Google Scholar
ment à apporter des éléments nouveaux répertorie de nombreux résultats en
par rapport à l’état de l’art. Toute thèse de incluant le nombre de citations. Les
doctorat, par exemple, doit inclure un état moteurs Scirus et NDLTD sous VTLS sont
de l’art scientifique afin de montrer l’origi- particulièrement riches en références. Le
nalité du travail réalisé. De même une pro- CCSD (Centre pour la Communication
position de brevet n’est acceptée que si sa Scientifique Directe) rassemble des thèses
nouveauté est démontrée par une recher- de doctorat françaises. ■
che d’antériorité.
Cet état de l’art est d’autant plus précieux
que les découvertes et les résultats de R&D
s’avèrent être souvent des redécouvertes
ou des modifications de résultats précé-
dents.
Comme les entités de R&D publient ou bre-
vètent leurs résultats, l’état de l’art inclut
celui du laboratoire lui-même, reflet de sa
capitalisation des savoirs.

Comment l’utiliser ? Avantages


✔ Minimise le risque de redécouverte.
Étapes
✔ Enrichit la réflexion de départ.
• Définir précisément le thème de départ.
• L’élargir à des sujets proches. Cette
étape contribue fortement à l’exhaustivité Précautions à prendre
et la qualité du résultat final. Une première ✔ Ne retenir que les références les plus
liste de mots clés est assemblée. significatives.
• Chercher les acteurs principaux dans les
✔ Vérifier la qualité des références.
domaines retenus.

125
Outil 36 Publier un article scientifique
Un article dans une revue scientifique

En résumé I n sigh t s
La publication d’un article scientifique dans une The publication of a scientific paper in dedicated
revue spécialisée est un des moyens essentiels du journals is the principal mean for the researcher to
chercheur pour communiquer ses résultats. Les élé- communicate its results. The new elements com-
ments nouveaux par rapport à l’état de l’art sont pared to the state of the art are described and dis-
décrits et discutés selon un format strict incluant titre, cussed according to a strict template including title,
auteurs, résumé, discussions, conclusions, remercie- authors, summary, discussions, conclusions, thanks
ments et références. and references.

126
36
6 • Développer la recherche et collaborer

Outil
Pourquoi l’utiliser ? pagne. La liste des auteurs nécessite
beaucoup d’attention : ordre, omission,
affiliation, tout doit être discuté.
Objectif La partie la plus importante pour la visibi-
La publication dans une revue vise à enri- La publication lité de l’article est le résumé (abstract).
chir l’état de l’art scientifique et technique Limité à 100 ou 200 mots, il sera visible
de nouveaux éléments. Elle explique les en ligne par les moteurs de recherche.
résultats afin que la communauté scientifi- est plus rapide La qualité scientifique et méthodologique
que puisse les vérifier et les utiliser. du travail se juge dans le corps du texte :
mais raisonnement, données, figures et tables.
Contexte son impact La conclusion, reprenant les termes de
La publication est le résultat principal des l’abstract, est suivie de remerciements aux
est plus faible. financeurs et collaborateurs non cités en
activités de recherche fondamentale. Pour
la recherche appliquée, le dépôt de bre- auteur. La fin de l’article contient la liste
vet précède la publication. Elle contribue numérotée des références. La rigueur du
aussi à la reconnaissance de l’activité raisonnement s’appuie sur la qualité des
créative et au rayonnement de l’équipe de articles cités. Les références citées seront
recherche. créditées d’une citation supplémentaire.
Le pair est le plus souvent un chercheur
d’un autre laboratoire. Bien qu’anonyme,

Comment l’utiliser ? il est possible de le reconnaître avec de


l’expérience. quelle que soit la différence
de point de vue, il faut répondre à ses
Étapes questions de manière constructive. Si vous
• Choisir la revue scientifique la plus estimez que son avis n’est pas partial,
adaptée. soumettre à une autre revue. ■
• Écrire l’article en suivant strictement les
recommandations et le soumettre à l’édi-
teur.
• Attendre sa réponse : acceptation avec
ou sans corrections, refus avec ou sans
possibilités de resoumettre. Elle est élabo-
rée selon l’avis de pairs (reviewers).
• Soumettre les corrections et les révisions
et valider la version finale.
Avantages
✔ Marquer l’antériorité de la découverte.
Méthodologie et conseils ✔ Accroîtrele rayonnement de l’équipe
Le choix de la revue est un compromis de recherche.
entre sa visibilité et la probabilité d’être
accepté. Avant d’aborder un article
(paper) dans une revue majeure (journal),
Précautions à prendre
il vaut mieux se faire un nom avec une note ✔ Faire relire l’abstract par son entourage.
(letter) dans une revue moins cotée ou une
✔ Expliquer les hypothèses.
publication en ligne plus rapide.
Le titre doit être court (<12-15 mots) et ✔ Référencer toutes les affirmations
et les évidences.
accrocheur. Une liste de mots clés l’accom-

127
Outil 37 Optimiser la notoriété
Les éléments du rayonnement
d’un laboratoire

Statuts d’expert
– Reviewers
– Évaluateurs
pour la CEE …

Thème
de recherche Quelques chercheurs
buzz words « stars »
(facteur H élevé)

Large
équipe
Valorisation
industrielle

LIVRES

Review
papers Université
ou Institution
Publications réputée
dans journaux
visibles
impact factor
Histoire
dans le domaine
CONFERENCES
INVITED PAPERS

Source : © Onidji – fotolia

En résumé I n sigh t s
Le rayonnement d’un laboratoire n’est pas déterminé The laboratory reputation is not only determined by
uniquement par la qualité des travaux scientifiques. the quality of the scientific works. There is a process
Il existe une logique du succès et de la notoriété. Il in success and fame building. It is worth knowing
vaut mieux connaître ces lois afin de prendre en those rules to take into account the main success fac-
compte les bons éléments et accroître son impact sur tors and increase its impact on the scientific and eco-
le monde scientifique et économique. nomic world.

128
37
6 • Développer la recherche et collaborer

Outil
Pourquoi l’utiliser ? • Se laisser inviter dans les comités scien-
tifiques.

Objectif Méthodologie et conseils


Si la notoriété n’est pas une fin en soi, elle « À celui qui a, Cette démarche n’est évidemment pas
n’en demeure pas moins le critère principal appliquée telle quelle par les responsables
d’évaluation. Même si la qualité des tra- il sera
de laboratoire car leur attention se porte
vaux techniques reste le vrai objectif, beaucoup principalement sur la qualité du travail
l’amélioration du rayonnement du labora- scientifique. Si cette liste est un peu irrévé-
toire est une arme puissante pour augmen- donné
rencieuse, c’est pour mieux mettre en évi-
ter ses moyens, démultiplier son impact sur et il vivra dence les vecteurs principaux du succès.
la communauté scientifique et améliorer la En pratique, le choix des sujets de thèse
valorisation industrielle. dans
est déterminant. Le succès des résultats
l’abondance, conditionnera la carrière du chercheur et,
Contexte donc, la réputation du laboratoire. La taille
mais à celui
Selon l’adage, le succès appelle le succès. de l’équipe à l’origine des publications
De même, le principal facteur pour accroî- qui n’a rien, peut être augmentée en publiant de manière
tre la notoriété future est la notoriété déjà il sera tout pris, commune avec plusieurs laboratoires.
acquise. La théorie des avantages cumula- Un indicateur pratique de la réputation est
tifs explique ce phénomène. Ainsi l’effet même le nombre d’invitations à participer aux
Matthieu est l’observation selon laquelle comités scientifiques des journaux et des
ce qu’il
les chercheurs les plus reconnus reçoivent conférences ainsi qu’aux évaluations réali-
plus de mérite que leurs collègues à travail possédait. » sées à la demande d’institutions publiques
égal. Dans ces conditions, l’important est Saint Matthieu (ministère, agence de financement, CE).
la pente de départ, c’est-à-dire la notoriété
des premiers résultats. Ils permettent
d’obtenir du crédit et des moyens supplé-
mentaires, qui permettront à leur tour
d’avoir d’autres résultats et d’accroître
encore plus la réputation. Et ainsi de suite.

Comment l’utiliser ?
Avantages
Étapes
✔ L’améliorationde la notoriété entraîne un
• Choisir un domaine de recherche por-
accroissement de moyen et un impact plus
teur. fort.
• Se faire accueillir par une ou plusieurs
institutions renommées.
• Publier les premiers résultats dans des
Précautions à prendre
journaux dont le facteur d’impact est élevé. ✔ Asseoirla notoriété sur une qualité

...
• Faire croître son équipe avec des cher- éprouvée de résultats scientifiques.
cheurs susceptibles de publier à leur tour.
• Si l’ambition est grande, recruter un
chercheur senior de grande réputation.

129
Outil 37 Optimiser la notoriété (suite)

Comment être plus efficace ?

Le facteur d’impact des journaux (impact conférences et les publications rédigées


factor) dans une autre langue que l’anglais. Le
E. Garfield a créé, en 1958, l’Institut de nombre moyen de citation varie considéra-
l’information scientifique (ISI) avec le soutien blement d’un domaine à l’autre : de 3 en
de l’administration américaine. Il publie mathématiques, 8 en physique à 16 en bio-
périodiquement les données extraites de chimie. Il peut aussi exister des inexactitudes
l’analyse des publications scientifiques : le sur des noms identiques, des laboratoires
SCI (Science citation index) et le JCR (Jour- d’appartenance ou des changements de
nal Citation Reports). Le facteur d’impact est carrière. Enfin les pratiques varient considé-
le ratio du nombre moyen de citations des rablement d’un secteur à l’autre : ordre des
articles d’une revue dans les deux années auteurs, autocitations, etc.
qui suivent leur parution par le nombre
d’articles publiés sur une année. Publish or perish
En l’absence d’autres indicateurs de valori-
Les sources de données sation de l’activité de R&D, les publications
Les données proviennent le plus souvent restent la référence principale pour l’évalua-
d’ISI, aussi appelé Web of knowledge. Cet tion. Étant donné les enjeux (salaires, pos-
organisme est maintenant une entreprise pri- tes, carrières), il existe un risque de
vée rachetée par Thomson. Scopus.com est pratiques sujettes à controverses : la publi-
une alternative développée par Elsevier. cation à l’identique dans plusieurs journaux,
Dans les deux cas, les organismes de le saucissonnage de résultats en plusieurs
recherche s’acquittent d’un montant forfai- articles et l’autocitation. Des calculs d’index
taire de l’ordre de 10 000 €. Charge à eux de citation élaborés permettent de s’en
de réaliser les calculs de facteurs de cita- affranchir partiellement (voir facteur H ci-
tions et d’en modérer les interprétations. contre par exemple). D’autres suggèrent que
Google Scholar est une base de données le nombre de publications pertinentes pour
accessible au grand public. se porter candidat à des postes importants
devrait être limité à 3 ou 5…
L’analyse des données bibliométriques
Il existe un risque de dérive important dans Le classement de Shanghai
l’utilisation des données bibliométriques. des organismes de recherche
Celles-ci ne peuvent être utilisées qu’en sup- est calculé sur le nombre
port d’une analyse plus large réalisée par de publications dans deux revues
des professionnels. Citons quelques limita- scientifiques et sur le nombre
tions. Elles omettent une partie importante de prix Nobel. Il est très connu
de la littérature scientifique : les livres, les mais aussi très contesté.

130
37
6 • Développer la recherche et collaborer

Outil
Cas du Calcul de l’indice H
200

180

160

140
Nombre de citations

120

100

80

60 Facteur H = 12
12 papiers ont été cités
40 au moins 12 fois

20
12
0
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22
Papiers publiés
Calcul du facteur H de l’auteur

• L’indice H ayant été citées n fois au moins. Dans l’exem-


ple ci-dessus, les douze premières publications
Jorge E. Hirsch est professeur de physique à ont été citées au moins douze fois. L’indice H
l’université de Californie à San Diego. Il est vaut 12 bien que la première soit citée 193 fois
connu pour sa proposition d’un nouveau fac- et que l’auteur ait publié environ 200 papiers
teur bibliométrique. Cet indice, dit H, prend et communications.
en compte à la fois la quantité d’articles pu-
bliés et leur impact sur la communauté scien-
• Limites et prudence
tifique. Il recommande, par exemple, une va-
leur de 12 pour un poste d’université, de 20 L’indice H croît avec le temps même si le
pour un professeur ou un membre d’une chercheur s’arrête de publier. Il est par ailleurs
société savante et au-dessus de 45 pour son peu pertinent si le nombre de publications est
admission à une académie des sciences. faible. Ainsi Albert Einstein n’a publié que
quelques articles dans son début de carrière
mais leur retentissement a été très grand. Son
• Calcul du facteur facteur H était cependant limité à 10 à ce
Il repose sur la liste des publications et leur moment-là.
nombre de citations. Il est obtenu dans On observe que le facteur H évolue en
l’exemple ci-dessus par Google Scholar. Le moyenne comme la racine carrée du nombre
facteur H est le nombre n de publications de publications. ■

131
Outil 38 La charte de recherche
Les risques liés à la réputation
et les actions à mettre en place

Sanctions
PERTE D’INTÉGRITÉ
– plagiat
– subjectivité, Procédure de dénonciation
dérive collective
Cahier de labo
– fraude

CONFLITS D’INTÉRÊTS
Audits ciblés
– influence du financeur
– responsabilité
publique et privée Limitation des mandats
sur un seul acteur
Transparence
des embauches

DÉRIVE DE LA MISSION
PUBLIQUE
– résultats réservés Charte, directive, déclaration
– résultats non publiés

PEUR DU PROGRÈS
– progrès trop rapide Comité
– éthique du vivant d’éthique

PREVENIR TRAITER SANCTIONNER

En résumé I n sigh t s
La charte de recherche est la clé de voûte d’un plan The research charter is the keystone of an action plan
d’actions visant à protéger activement la réputation to protect actively a research body or an academic
d’un organisme de recherche ou d’une entité acadé- entity reputation. It gives the assurance that the pub-
mique. Elle assure les acteurs tiers du respect de la lic mission and the ethics are taken into account and
mission publique et de l’éthique ainsi que de la res- that the researcher behaves with responsibility and
ponsabilité et de l’intégrité du chercheur. integrity.

132
38
6 • Développer la recherche et collaborer

Outil
Pourquoi l’utiliser ? d’un plan d’actions. Il est possible de s’ins-
pirer d’exemples au Danemark, en Suisse
ou aux États-Unis. Les National Institutes of
Objectif Health (NIH), par exemple, exigent l’exis-
La charte de recherche vise à donner La liberté tence de règles moralisatrices avant de dis-
confiance aux acteurs extérieurs d’une tribuer des fonds.
entité académique ou d’un organisme de du milieu La communication est réalisée via une
recherche. Ces acteurs incluent le public académique charte, une déclaration ou une directive.
au sens large, l’État, les partenaires indus- Pour être crédible, elle doit inclure des
triels, les fondations ainsi que les autres est indissociable règles de comportement, une liste d’inter-
bailleurs de fonds privés. de l’intégrité dits et les mesures à prendre en cas
d’infraction.
Contexte et de la La mise en place d’audits ciblés est parti-
Dans une époque où les craintes sont responsabilité. culièrement flexible et efficace. Le ciblage
amplifiées par la loupe des médias, les est réalisé par l’évaluation de facteurs à ris-
organismes de recherche doivent anticiper que : liberté et autonomie, exposition
les risques et les actions de communica- médiatique, niveau de compétition, enjeux
tion. Il ne suffit pas d’avoir des chercheurs financiers et importance du financement.
de haut niveau pour assurer une image La recommandation de la CE du
intègre. Il existe en effet toujours un risque 11 novembre 2005 inclut une charte euro-
résiduel de dérive (fraude, plagiat, conflit péenne du chercheur ainsi qu’un code de
d’intérêts…) susceptible de semer le doute. conduite pour le recrutement. ■
Le grand public porte par ailleurs des
attentes sur l’éthique et une anxiété quant
au progrès. Il attend des chercheurs un
comportement responsable, voire un enga-
gement, face à la société, aux médias et
aux décideurs publics.

Comment l’utiliser ?
Étapes
• Lister et prioriser les risques susceptibles
d’altérer la bonne réputation de l’orga- Avantages
nisme de recherche.
• Réaliser un plan d’actions couvrant les ✔ Construire une image qui donne
trois volets prévenir-traiter-sanctionner en confiance.
s’aidant de la figure ci-jointe. ✔ Encourager l’ouverture dans le
• Communiquer en interne, puis en externe. recrutement.

Méthodologie et conseils Précautions à prendre


La démarche doit être menée par et avec
les personnels de recherche. Ils sont les ✔ Protéger les personnes ayant eu le courage
de dénoncer.
premiers à comprendre et à bénéficier

133
Outil 39 Le transfert de technologie
Les éléments essentiels
d’un transfert technologique

Convention de collaboration

Redevances Contrat de propriété intellectuelle


– Licences (domaines, zones)
– Redevances…
–…

Plan de développement
– Plan de travail
– Jalons
– Plans de repli
– Engagement de moyens
– Transfert de personnes
–…

Soutien Financement du développement Financement


public privé
– Personnes
– Investissements
– Plans de repli
–…

En résumé I n sigh t s
Une technologie mise au point dans un laboratoire The results obtained in a public laboratory are trans-
est transmise à un acteur privé. Un programme de mitted to a private actor. A shared development
développement commun permet de rendre cette tech- project transforms those scientific results into a set of
nologie plus industrielle et commercialisable. Ce robust technologies compatible with industrial devel-
transfert s’accompagne d’accords sur l’exploitation opment. The transfer comes along with agreements
de la propriété intellectuelle. Il peut être financé par on the exploitation of intellectual property. It can be
des fonds publics spécifiques. financed by specific public funds.

134
39
6 • Développer la recherche et collaborer

Outil
Pourquoi l’utiliser ? Méthodologie et conseils
Le rapport de recherche est le mode de
transfert le plus simple. Viennent ensuite :
Objectif l’expertise ponctuelle, la collaboration puis
Le transfert de technologie désigne une Le moteur le détachement de personnel.
transmission de connaissances d’un labo- Pour obtenir un partage réel du risque de
de recherche
ratoire public à une entité privée. La fina- développement, il vaut mieux envisager
lité est le développement de nouveaux de Kelkoo est toutes les éventualités, et non pas que le
produits et services. Il s’accompagne d’une succès. Le laboratoire s’engage à consa-
le résultat
cession de droit de propriété intellectuelle. crer des moyens dans les cas identifiés.
d’un transfert L’entreprise doit être aussi fortement moti-
Contexte vée pour être capable de maintenir ses res-
de technologie
sources quels que soient les événements
Le transfert de technologie est difficile car
de l’INRIA. qui l’affectent.
la prise de risque est dissymétrique. Le ris-
L’expérience montre que le transfert est
que supplémentaire pris par l’industriel se
plus efficace lorsqu’il est accompagné par
justifie par une espérance de gain plus
des personnes : séjour d’un ingénieur dans
importante. L’acteur privé doit néanmoins
le laboratoire pour préparer le transfert,
être rassuré sur l’engagement du labora-
détachement d’un chercheur, travail de
toire en cas de difficultés.
thèse en interface, etc.
Le transfert de technologie peut aussi être
De nombreuses structures telles que les
réalisé du laboratoire central d’une entre- CRITT (Centres régionaux d’innovation et
prise vers les centres de profit. Les paramè- de transfert) proposent des prestations
tres restent identiques mais l’entente est techniques et des conseils pour faciliter les
plus complexe car rarement formalisée par transferts. Environ 40 sont labellisés CRT
un contrat. (Centre de ressources technologiques). Des
agences régionales de valorisation orien-
tent vers les sources de financement les
Comment l’utiliser ? plus appropriées. ■

Étapes
• Attendre que les motivations de part et
d’autre soient solides !
• Un plan de travail détaillé est défini
Avantages
selon l’accompagnement nécessaire au ✔ L’entreprise
obtient plus rapidement et
transfert. Il inclut des jalons pour le suivi et à moindre coût une avance technologique.
des plans de repli en cas de difficultés ou
d’échec partiel.
• Après négociation des accords de pro-
Précautions à prendre
priété intellectuelle et leurs rémunérations, ✔ Les accords de propriété intellectuelle
une convention de collaboration est établie doivent inclure les limites en termes
en incluant les méthodes de management de zones de vente, domaine d’application
et volumes de fabrication.
du projet.
• Un financement public est recherché en ✔ Signer des accords de non-divulgation
pour les phases de préparation.
parallèle.

135
Outil 40 Valoriser la R&D
Le triptyque des activités
de valorisation

Transferts technologiques

Prestation de R&D
Cessions PI
Licences PI

Essaimage

Études de marché
Exploitation PI
Prospection

Financement
Écoute

Primes

Conseils
Veille

LES PRODUITS
€€€
L’APPROCHE LES AIDES
COMMERCIALE À LA VALORISATION
€€ €€

En résumé I n sigh t s
La valorisation est l’activité ultime des organismes de The transfer of research results is the ultimate activity
recherche appliquée. Elle justifie les investissements of public laboratories. It justifies the public invest-
publics en R&D par la création d’activités nouvelles ments in R&D by the creation of new activities in the
dans le secteur privé. Ces activités seront sources de private sector. These activities will induce supple-
richesses supplémentaires pour l’ensemble de la mentary wealth for the overall society. The transfer
société. Le transfert de savoir-faire se manifeste aussi of know-how is realised through licensing, develop-
par l’octroi de licences, des cessions de brevets, des ment collaborations or company spin-offs.
prestations d’accompagnement, de l’essaimage, etc.

136
40
6 • Développer la recherche et collaborer

Outil
Pourquoi l’utiliser ? Méthodologie et conseils
Pour bien appréhender le marché de la
valorisation, il faut, dans un premier temps,
Objectif
oublier les certitudes techniques et appren-
La valorisation de la R&D consiste à rendre La valorisation dre à écouter les entreprises pour bien cer-
utilisable les résultats de R&D et à accompa- ner leur besoin. Il est utile de prendre du
gner leur transfert vers des acteurs privés. est à l’interface temps et de rencontrer personnellement les
Au-delà des revenus supplémentaires qu’elle du monde responsables d’entreprise.
apporte, la valorisation constitue aussi un La création d’une cellule de valorisation
moyen important pour justifier de la mission technique
n’est légitime que par une activité suffi-
publique de l’organisme de recherche. et économique. sante. L’ordre de grandeur est une per-
Elle nécessite sonne dédiée à la valorisation pour
Contexte environ 50 à 100 personnes en R&D. En
La valorisation est un des objectifs princi- des dessous de ce seuil critique, les activités
paux des organismes publics de recherche compétences sont distribuées sur plusieurs personnes.
appliquée. Les revenus générés (licences, Une partie des activités d’approche et de
cessions de brevets, redevances…) peu- variées support peut s’appuyer sur des associa-
vent représenter selon les cas 5 à 30 % du dans les deux tions professionnelles et des entités
coût total des activités de recherche. publiques telles que les agences de déve-
Seuls les grands organismes de R&D appli- domaines.
loppement, les Conseils régionaux, les
quée peuvent se doter de moyens spécifi- Chambres de commerce, OSEO ou les
ques de valorisation. La structure dédiée pôles de compétitivité.
CEA Valorisation, par exemple, va
La valorisation des activités de recherche
jusqu’au financement en fonds propres
plus amont est possible via les organismes
d’entreprises nouvelles.
de recherche plus appliquée. Par exemple,
Nota : Certaines entités sont spécialisées
le CNRS peut collaborer avec le CEA pour
dans la prestation de R&D (Bertin Technolo-
valoriser des activités de R&D auprès de
gies par exemple). Elles sont regroupées
l’industriel Schneider. ■
sous le nom de SRC (Sociétés de recherche
sous contrat). La valorisation des activités de
R&D devient alors une activité lucrative indé- Avantages
pendamment de toute mission publique.
✔ La démarche de valorisation oriente
les activités de R&D vers une visibilité
et une utilité plus grande pour la société.
Comment l’utiliser ? ✔ Les revenus de la valorisation constituent
un surcroît de financement, qui peut être
Étapes réinvesti pour générer de nouvelles études.

• Définir les résultats de R&D que le labo-


ratoire peut envisager de valoriser (bre- Précautions à prendre
vets, savoir-faire, etc.)
✔ Vendre les prestations au prix du marché
• Étudier le « marché » : recherche de par-
pour éviter de fausser la concurrence.
tenariat industriel, rencontres et écoute
d’industriels… ✔ Conserverdes profils très techniques
• Développer l’activité au fur et à mesure même pour les fonctions les plus
commerciales de la valorisation.
des succès.

137
Outil 41 Monter un projet collaboratif
Les étapes de maturation
du projet collaboratif

CONTRAT
DE CONSORTIUM

Accords
de propriété
intellectuelle

Accords
de gouvernance

Définir
Rechercher Financer
le plan
des partenaires les activités
de travail

Motivation
initiale

En résumé I n sigh t s
Monter un projet collaboratif entre plusieurs labora- Starting a collaborative project between several lab-
toires et d’autres entités de R&D nécessite de trouver oratories and other R&D entities requires finding an
un accord sur plusieurs plans. Le premier est celui agreement on several issues. The first one is definition
des activités de R&D de chacun dans le plan de tra- of each activity in the work plan. The second one is
vail. Le second est celui du management des activités the management and the coordination of the actors.
et de la coordination des acteurs. Le dernier porte The last one concerns intellectual property rights and
sur les droits de propriété intellectuelle et l’exploita- the exploitation of the results.
tion des résultats.

138
41
6 • Développer la recherche et collaborer

Outil
Pourquoi l’utiliser ? Le financement en particulier génère de
nombreuses contraintes. Pour diverses rai-
sons, les projets ne sont jamais financés
Objectif uniquement sur dotations ou sur fonds pro-
Il existe différentes motivations pour tra- Les projets pres. Le recours à un financement extérieur
vailler en projet collaboratif au niveau de implique des règles de sélection qui varient
la R&D. La plus fréquente est la nécessité collaboratifs fortement d’un financeur à l’autre.
de progresser sur un sujet sur lequel per- sont Dans certains cas, le financement peut être
sonne ne possède la totalité de la maîtrise. privé : thèse de doctorat, contrats avec une
Une autre est d’atteindre une masse criti- particulièrement entreprise, financement par dons. Un
que et d’améliorer l’impact des travaux. pertinents financement public partiel est souvent
Autre cas : le projet associe des fournis- nécessaire pour surmonter les obstacles de
seurs de technologie et des utilisateurs pour les stades collaboration naturelle. L’Agence Natio-
potentiels, voire tous les acteurs d’une précompétitifs nale de la Recherche distribue des finan-
chaîne de valeur. cements à des projets collaboratifs de
de R&D.
recherche fondamentale ou appliquée
Contexte
incluant des laboratoires et des industriels.
Le projet collaboratif consiste à mobiliser Les pôles de compétitivité fédèrent d’autres
les ressources de plusieurs acteurs vers un sources de financement pour favoriser
seul et même objectif. Une fois l’objectif l’émergence d’écosystèmes économiques
atteint, le projet est terminé et les ressour- forts (FUI, OSEO, régions, etc.). La Com-
ces utilisées pour d’autres activités. Il existe munauté européenne propose de nom-
des formes de collaboration plus perma- breux outils de financement aux projets de
nentes comme les laboratoires mixtes ou
R&D européens ainsi qu’à la constitution
les plates-formes techniques.
de réseaux scientifiques. Tous ces finan-
ceurs proposent des outils pour aider à la
recherche de partenaires.
Comment l’utiliser ?
Étapes
• Préciser la motivation à collaborer.
• Rechercher les partenaires.
• Définir un plan de travail. Avantages
• Choisir les modes de financement en
fonction des critères de sélection. ✔ Être plus efficace en travaillant à plusieurs.
• Définir les accords de gouvernance.
• Finaliser le contrat de consortium en
incluant les accords de propriété intellec-
Précautions à prendre
tuelle ✔ Formuler les exigences de propriété
intellectuelle le plus tôt possible.
Méthodologie et conseils ✔ Signer des accords de confidentialité dès

...
Bien entendu la méthode n’est pas linéaire. les phases préliminaires de discussion.
Il est souvent nécessaire de revenir en
arrière pour obtenir un ensemble cohérent
pour les trois étapes 2, 3 et 4.

139
Outil 41 Monter un projet collaboratif (suite)

Comment être plus efficace ?

Les instances de gouvernance tique, il est difficile de suivre plus de 20 à


La qualité de la gouvernance est un indica- 30 activités dans un même ensemble.
teur de succès important pour les financeurs. Bien que beaucoup d’attention soit donnée
Sa définition commence par la désignation au plan de travail, celui-ci est souvent obso-
du chef de file qui assemble le projet et le lète dès le début des travaux. Il doit être
soumet. adapté continuellement pour prendre en
La gouvernance est généralement structurée compte les résultats obtenus, les aléas et les
autour d’un comité de direction, d’un comité opportunités.
exécutif et d’un comité technique. La taille Un plan de travail complexe et détaillé ne
et l’importance de chacun varient selon le favorise pas la flexibilité nécessaire. À
contexte du projet. l’inverse un découpage en plusieurs strates
Le comité de direction est une instance de indépendantes entre elles et disposant de
décision pour les grands événements du pro- leur logique propre permet une reconfigura-
jet : orientations stratégiques, budgets ou tion plus rapide. Les jalons apportent de la
nouveaux partenaires. Il est composé en flexibilité au plan de travail en prévoyant
général d’un représentant de chaque parte- dès le début une décision à prendre. Dans
naire du projet. ce contexte, il est utile de préciser le proces-
Le comité exécutif coordonne les activités sus de modification du plan de travail.
des partenaires au quotidien. À sa tête, le
coordinateur du projet fait le lien entre le
Les projets d’infrastructures
comité de direction et les niveaux opération-
nels. Il gère sur le terrain la mise en appli- Il faut distinguer les projets d’infrastructure
cation du plan de travail. Il s’assure aussi et les plates-formes techniques. Ils visent la
de la collecte des données, de l’avancement mise en place de moyens qui seront utilisés
des livrables ainsi que du reporting finan- dans un deuxième temps pour atteindre un
cier. objectif et créer de la valeur. N’ayant pas
Le ou les comités techniques émettent des de logique économique en propre, il est plus
avis sur les résultats des travaux. Ils permet- difficile de convaincre les financeurs habi-
tent d’arbitrer des choix techniques ou de tuels.
suggérer des orientations au projet. Les grands projets d’infrastructure (lasers de
puissance, télescopes, accélérateurs, sour-
Le plan de travail ces de particules) peuvent s’appuyer sur des
Il comprend un découpage en lots, sous- instituts publics (CEA par exemple) ou des
lots,… jusqu’à l’activité élémentaire. En pra- structures dédiées (CERN, ESA…).

140
41
6 • Développer la recherche et collaborer

Outil
Cas de L’accélérateur de particules LHC

Source : CERN LHC © André Montaud – fotolia.com

• Un grand projet scientifique • Des difficultés liées à la taille du


international projet
Le grand collisionneur de hadrons ou LHC Le projet LHC, de par son ampleur mondiale,
(Large Hadron Collider) est le plus puissant ac- a posé des problèmes de management spéci-
célérateur du monde. Il est installé dans un fiques. En particulier, le CERN, grand labora-
tunnel circulaire de 27 km en Suisse. Plus de toire international orienté vers l’excellence, a
9 000 aimants supraconducteurs refroidis à dû s’adapter pour traiter rigoureusement avec
1,9 K (– 271,3 °C) maintiennent les particules des firmes industrielles, notamment dans le
sur une orbite circulaire et les accélèrent domaine de la gestion de configurations.
jusqu’à 7 TeV. Pour atteindre ces températu- Des sous-ensembles complets ont été distri-
res, il faut 10 000 tonnes d’azote et 60 tonnes bués, selon les financements, entre les parti-
d’hélium liquides. cipants et des fournisseurs. La gestion des
Des détecteurs ultra-sensibles, répartis dans configurations n’est plus basée sur un logiciel
quatre expériences (Atlas, CMS, Alice, maison mais sur un logiciel existant adapté.
LHC-B) doivent permettent de détecter de Des fichiers spécifiques d’assemblage et de
nouvelles particules, dont le fameux boson de tests suivent l’évolution du projet tandis que
Higgs. des procédures permettent de traiter les de-
mandes de modification. ■

141
Dossier

7
Manager la R&D
7
par les projets
Dossier

Le mode projet
Les retards prohibitifs et les dépassements de budget constituent le frein
principal à l’investissement en R&D. Le travail en mode projet est la réponse
adaptée à ces dépassements. Il convient particulièrement aux activités de
R&D et au développement de produits. Dans ce dernier cas, il faut par
exemple coordonner les activités des centres d’expertises en R&D avec les
autres services (marketing, production, qualité, achats…).
Même s’il se généralise depuis le début des années quatre-vingt-dix, le
management par projet demeure un changement important pour les orga-
nisations. Le projet est par définition l’affectation transitoire de ressources
à l’atteinte d’un objectif précis et limité dans le temps. Il s’oppose souvent
aux structures hiérarchiques orientées vers des missions permanentes. Sa
mise en place et son optimisation s’étale fréquemment sur de nombreuses
années. Nous nous concentrons ici sur les outils fondamentaux. Les outils
plus évolués sont accessibles dans la littérature (voir références) et auprès
des organisations professionnelles de management projet (AFIS, PMI).

Tenir ses objectifs de coûts et de délai


Le directeur R&D est souvent le responsable principal de la tenue des objec-
tifs des projets. Même si les petits retards sont inévitables (pour maintenir
la motivation des équipes, par exemple), il peut s’appuyer sur les recom-
mandations suivantes pour éviter les dérives importantes.
a) Environ 30 à 50 % du temps entre l’idée et la commercialisation résident
dans la prise de décision. L’outil 42 « Optimiser la prise de décision » per-
met à l’organisation de décider plus rapidement du lancement du projet.

142
7 • Manager la R&D par les projets

Dossier 7
b) Il faut définir soigneusement le projet avant de se mettre à la table à
dessin. Trop souvent des spécifications essentielles sont oubliées ou des par-
ties prenantes reviennent sur leurs besoins ou leurs engagements. Un lan-
cement détaillé et largement partagé évite une cause de retard majeure : le
retour en arrière.
c) Le risque de retard augmente exponentiellement avec la taille et l’ambi-
tion des projets. Plus le projet est long, par exemple, plus il s’expose à des
erreurs de planification, qui elles-mêmes allongent la durée du projet, etc.
Il est donc préférable de travailler avec un portefeuille de petits projets.
d) La cohésion de l’équipe projet est essentielle. Elle peut être renforcée en
travaillant en plateau-projet. L’essentiel est que les personnes soient à por-
tée d’oreilles les unes des autres.
e) Le chef de projet doit être suffisamment technique pour comprendre les
activités du projet et leur attribuer des priorités sans être expert pour
conserver la distance nécessaire à l’évaluation de l’avancement.

S’organiser en projet

L’entreprise dans son ensemble apprend graduellement l’organisation pro-


jet. Le pouvoir donné aux chefs de projet et les mécanismes de négociation
des ressources sont deux indicateurs importants. Une manière efficace de
s’améliorer est la mise en place d’un retour d’expérience à chaque fin de
projet.
La structure de project office est souvent créée à l’occasion de l’affectation
d’un chef de projet expérimenté. Il faut pouvoir cependant justifier quanti-
tativement son apport (meilleure tenue des objectifs, coûts de développe-
ment moindres…) pour maintenir la structure sur une longue durée.

■ Les OUTILS
42 Optimiser la prise
de décision .............. p. 144
43 Lancer un projet ......... p. 146
44 Décomposer un projet
en tâches ................. p. 148
45 Planifier un projet ...... p. 150
46 Suivre un projet ........ p. 154
47 La gestion dynamique
de projet ................... p. 158
48 Le retour d’expérience p. 160

143
Outil 42 Optimiser la prise de décision
Les revues d’opportunités pour améliorer
les décisions en amont du projet

1
Le fuzzy front-end
1

1 5
Développer les idées
Détecter les idées

20
Sélectionner

1 Projet
5 Décision
de développement

1 20
5
1

1 5
1

En résumé I n sigh t s
La période précédant le lancement de projet (fuzzy The fuzzy front-end preceding the project kick-off is
front-end) est souvent excessivement longue. Ce délai often excessively long. It can be improved by reviewing
peut être réduit en jalonnant cette période de revues opportunities regularly. The objective is to detect new
d’opportunités régulières. L’objectif est de détecter ideas, to develop them and then to select them for a
les idées, de les développer puis de les sélectionner final decision of project creation.
pour la création d’un projet.

144
42
7 • Manager la R&D par les projets

Outil
Pourquoi l’utiliser ? • Affecter les meilleures opportunités aux
personnes adéquates pour développement
en cinq pages.
Objectif • Développer les meilleures d’entre elles en
Le fuzzy leur consacrant un peu plus de ressources.
L’optimisation de la prise de décision vise
à améliorer le délai entre la première idée • Analyser les opportunités développées et
front-end
et la commercialisation du produit ou du sélectionner celles qui feront l’objet d’un
est la période projet ou d’une faisabilité.
service. Elle rend l’entreprise plus apte à
saisir les opportunités et à développer les d’indécision
innovations. Méthodologie et conseils
précédant Les étapes ci-dessus peuvent être réalisées

Contexte le lancement dans le cadre de revues d’opportunités


régulières (bimensuelles par exemple).
Les entreprises dépensent beaucoup d’un projet. Elles rassemblent la R&D, le marketing, le
d’énergie pour accélérer la dernière phase business développement, les ventes et la
des projets. C’est à ce moment que le direction.
retard est pleinement perçu et comparé à Une réelle amélioration est obtenue en
l’attente du client. Le sentiment d’urgence mesurant le temps de décision entre la pre-
provoque des plans d’actions précipités, mière idée soumise et la réunion de lance-
une présence accrue du management et ment de projet. L’attribution des tâches à
des dépenses supplémentaires. Il est pour- des personnes précises est un autre moyen
tant avéré qu’un projet est d’autant plus dif- efficace.
ficile à modifier qu’il est proche de la Une telle démarche nécessite une atmos-
phase finale. En d’autres termes, il faut phère propice à l’innovation : esprit
déployer une très grande énergie pour un d’équipe, ouverture, acceptation du risque
faible résultat. et de l’échec, disponibilité, etc.
À l’opposé, la modification en amont du Le nombre d’idées peut être accru en réa-
projet est aisée et aboutit à des résultats lisant une activité de veille (environnement,
appréciables en gain de temps. Il a été concurrence, marchés) et en analysant les
observé qu’entre la première idée et la attentes client par des outils marketing tels
mise sur le marché, environ 30 à 50 % du que les laboratoires d’usage, les groupes
temps était nécessaire pour seulement déci- de discussion ou la sélection de clients
der du lancement de projet. C’est donc avancés (voir Dossier 5). ■
dans cette phase mal définie (fuzzy front-
end) que réside le plus grand potentiel Avantages
d’amélioration du délai de développement.
✔ Mettredes produits sur le marché plus
rapidement.

Comment l’utiliser ? ✔ Rendre l’entreprise plus réactive


et innovante.

Étapes
Précautions à prendre
• Passer au crible les idées lors de revues
régulières. Se limiter à un format d’une ✔ Impliquer la direction dans
le développement des opportunités.
page.

145
Outil 43 Lancer un projet
La réunion de lancement de projet

Lettre Cahier
de des
mission charges

RN SB e
f
Équipe projet (noyau)
Expert

j
Client

Sponsor

K
Autres
parties
Plan prenantes
projet initial
Direction

Go ?

Lancement de projet

En résumé I n sigh t s
Le lancement de projet consiste à faire valider les The formal launch of a project consists in having all
objectifs et le plan projet par l’ensemble des parties the stakeholders approving the objectives and the pre-
prenantes. Il est rédigé par le noyau de l’équipe pro- liminary scope statement. It is drafted by the kernel
jet et soumis à l’approbation générale. Ce lancement of the project team and subjected to the general
formel donne la possibilité à l’équipe de s’approprier approval. This formal launch empowers the project
le projet et de commencer à définir précisément les team to precise further the scope statement.
activités en fonction des objectifs.

146
43
7 • Manager la R&D par les projets

Outil
Pourquoi l’utiliser ? • Préparer un plan projet initial (chef de
projet).
• Lancer le projet en validant le plan avec
Objectif la Direction, le noyau projet, le client et les
Le lancement de projet transfère la respon- Un projet autres parties prenantes.
sabilité des initiateurs du projet au noyau
hâtivement Méthodologie et conseils
de l’équipe projet en charge de sa réalisa-
tion. En mettant tout le monde autour de la lancé risque La lettre de mission précise l’intention de
table, l’ensemble des conditions sont clai- ceux qui initient le projet. Elle donne des
fortement
rement définies. Cela permet d’éviter des indications sur les objectifs coût-délai-qua-
remises en question ultérieures. L’équipe de dériver lité, en précisant les priorités ou les com-
projet peut se concentrer sur les détails de promis possibles.
en coûts
la définition du projet sans craindre une Exiger en tant que chef de projet que le
remise en cause majeure de l’objectif glo- et délais. cahier des charges soit complet et qu’il ne
bal et des moyens associés. puisse plus être modifié ultérieurement.
Sinon repousser la réunion de lancement.
Contexte Le plan projet est préparé par le noyau de
La phase de lancement est l’étape du pro- l’équipe projet. Il exprime une proposition
jet la plus « sensible » : la moindre modifi- répondant à la double demande de la let-
cation a un impact important sur le tre de mission et du cahier des charges. Il
déroulement du projet. Dans l’enthou- contient typiquement l’objectif, les caracté-
siasme initial, il est souvent tentant d’avan- ristiques visées, les critères d’acceptation,
cer rapidement sur certains sujets bien les limites, les livrables exigés, les contrain-
définis au détriment de ceux à éclaircir. tes, les hypothèses, l’organisation du pro-
Chaque partie prenante tente aussi de jet, les risques principaux identifiés, les
maximiser son intérêt indépendamment de jalons principaux, un premier découpage
celui des autres. Le marketing, par exem- en bloc d’activités, une estimation initiale
ple, exige le plus de fonctionnalités alors des coûts, etc. ■
que la Direction souhaite limiter les coûts
de développement au minimum. Une réu-
nion de lancement permet aussi de traiter
ces sujets conflictuels et de convenir du
meilleur compromis.
Avantages
✔ Synchroniser l’ensemble des parties
Comment l’utiliser ? prenantes sur les objectifs et les moyens.
✔ Permettreà l’équipe projet
Étapes de se concentrer sur la définition détaillée
du plan projet.
• Faire désigner un champion dans
l’équipe de direction.
• Demander à ce sponsor une lettre de Précautions à prendre
mission représentant les intentions de
✔ Prendre l’avis des experts.
l’entreprise.
• Obtenir (ou contribuer à) un cahier des ✔ Comparer si possible avec des projets
similaires terminés.
charges complet.

147
Outil 44 Décomposer un projet en tâches
La tâche à l’intersection de plusieurs
logiques

Chemin projet

Arborescence produit

Tâche

Logique d’organisation

En résumé I n sigh t s
Le cadre et la structure étant clarifiés, le projet est The objectives and the structure being clarified, the
décomposé en tâches élémentaires. Elles constituent project is broken down into elementary tasks. They
des unités de travail à l’intersection de plusieurs logi- are working bits at the intersection of several
ques : l’arborescence produit, le cheminement projet, domains: the product breakdown, the project path,
l’organisation, les livrables contractuels, etc. the organization, the contract deliverables, etc.

148
44
7 • Manager la R&D par les projets

Outil
Pourquoi l’utiliser ? Méthodologie et conseils
La structure comprend souvent six niveaux.
Les trois niveaux supérieurs sont réservés
Objectif
aux activités intégrées pour le manage-
La décomposition en tâches élémentaires La ment ou le client : programmes, projets,
finalise la phase de définition du projet. ensembles intégrés, etc. Les trois autres
Elle permet d’affiner le plan de travail et décomposition niveaux sont purement techniques. Par
les coûts de développement. Elle est aussi en tâches exemple : domaines, groupes de travail
un préalable au démarrage opérationnel : thématique, ateliers spécifiques.
attribution des tâches, mise en place d’un est la traduction Pour les grands projets, les tâches peuvent
suivi, etc. de work être répertoriées par des numéros repre-

Contexte breakdown nant ces six niveaux : X-Y-Z-a-b-cc par


exemple.
La décomposition en tâches est précédée structure Il est préférable de valider la décomposi-
par les objectifs du projet (cahier des char- ou WBS. tion avec le contrôle de gestion (tâches
ges, spécifications, date visée, etc.) et la quantifiables), les équipes (tâches claires
préparation du lancement (contexte, défi- et attribuables), le suivi de projet (tâches
nition des participants, budget global…). avec un objectif précis) et d’autres parties
La logique du cheminement projet est prenantes selon le contexte. ■
exprimée, par exemple, sous forme d’un
diagramme de Gantt et les livrables prin-
cipaux sont listés. La décomposition en
tâches élémentaires consiste à rassembler
les activités dans des unités de travail à
l’intersection de ces différentes logiques :
par partenaire, par livrable, par sous-
ensemble produit, etc.

Comment l’utiliser ?
Étapes
• Identifier les logiques qui structureront la
décomposition : partenaires, coûts, livra-
bles, sous-ensembles, etc.
• Définir les tâches élémentaires à leur Avantages
intersection en incluant au minimum les
dates de début et de fin, l’objectif quantifié ✔ Décrire le plan de travail avec précision.
et le coût de développement. ✔ Permettre un suivi de l’avancement
• Rassembler les tâches élémentaires pour et des coûts.
constituer le plan de travail.
Précautions à prendre
✔ Limiter
le nombre de tâches élémentaires
au minimum nécessaire.

149
Outil 45 Planifier un projet
Le diagramme de Gantt

Date Avancement
actuelle à date

Bar
commencé de résumé
ou fini

Période
Début à Début de congé
Dépendance avec décalage
Début à Fin 1 sem

En résumé I n sigh t s
Le diagramme de Gantt est une représentation graphi- The Gantt chart is a graphic representation of the
que du plan projet. Il résume sous forme de barres project schedule. It summarizes in the form of bars the
les activités principales du projet. L’avancement à main project activities. The progress to date is
date est exprimé par le remplissage de la barre. expressed by the filling of the bar. Other graphic
D’autres options graphiques permettent d’affiner les options may detail the project plan : dependencies,
détails du plan projet : dépendances des activités, milestones, periods of holidays, etc.
jalonnements, périodes de vacances, etc.

150
45
7 • Manager la R&D par les projets

Outil
Pourquoi l’utiliser ? Dans ce dernier cas, la durée probable dr
est obtenue à partir de la durée optimiste
(tout va bien – do), de la durée pessimiste
Objectif (cas le pire – dp) et de la durée moyenne
Le diagramme de Gantt est plutôt un outil Au début estimée (dm) selon la formule : (do + dp
de communication qu’un outil de planifica- + 4 dm)/6.
tion. Il a pour objet principal de montrer à
des années
Les diagrammes de Gantt peuvent être
la direction et aux équipes les grandes 1900, enrichis de nombreux autres éléments. Les
lignes du projet et l’avancement prévu et à logiciels de gestion de projet (Open Work-
date. Il permet à tous les acteurs de se syn-
Henry Gantt
bench, Microsoft Project…) incluent les
chroniser sur les étapes principales et de représente barres de résumé de phase et les dépen-
discuter des évolutions possibles en cas de dances entre activités. La dépendance la
difficulté.
l’avancement
plus commune est appelée finish-to-start :
d’un programme une tâche commence quand la précédente
Contexte est terminée, avec éventuellement un déca-
par ce
Avec le cahier des charges, le budget glo- lage prédéfini (lag). Il existe d’autres
bal et les dates visées, le responsable pro- diagramme. dépendances telles start-to-start pour les
jet peut élaborer la décomposition en activités qui commencent en même temps
tâches et l’évaluation du planning et des par exemple.
ressources. Le planning est illustré avec ce Pour faciliter la lecture, plusieurs jalons
diagramme. peuvent être ajoutés à une barre d’activité.
Ils permettent de suivre et de tracer l’avan-
cement en fonction d’événements précis.

Comment l’utiliser ?
Étapes
• Décomposer le projet en tâches.
• Évaluer la durée de chacune.
• Assembler les tâches en activités princi-
pales.
• Juxtaposer à la liste des activités des bar-
res sur une échelle de temps. Avantages
✔ Informerlargement sur le contenu
Méthodologie et conseils du planning et son avancement à date.
La durée de chaque tâche peut être esti-
mée de plusieurs manières :
– le jugement d’un expert ;
Précautions à prendre
– la comparaison avec des projets similai- ✔ Utiliserdes réserves financières en cas
res ; d’incertitudes et les évaluer régulièrement.
– l’estimation paramétrique : la durée ✔ Prévoir un diagramme global pour
dépend de paramètres comme le nombre la communication et d’autres plus détaillés

...
de lignes de codes ou le nombre de pour les équipes.
canaux d’un récepteur ;
– l’évaluation selon la méthode des trois
points.

151
Outil 45 Planifier un projet (suite)

Comment être plus efficace ?

La représentation en graphes calculé représente la dispersion de la date


Pour les projets comportant un grand nom- de fin.
bre de tâches interdépendantes, des repré- Les activités non critiques peuvent être déca-
sentations sous forme de graphes permettent lées d’une marge calculable. Cela peut être
de mieux appréhender la date la plus pro- mis à profit pour niveler l’utilisation des res-
bable de fin. En particulier le diagramme sources humaines et financières. Le nivelle-
PERT (Programme Evaluation and Review ment optimise en particulier le recours aux
Technique) représente le projet comme un experts, aux prestataires, aux pôles de com-
ensemble d’états liés par les activités du pro- pétences, etc.
jet. Inventé en 1956 à l’occasion du pro-
gramme américain Polaris, le diagramme Comment accélérer un projet ?
PERT permet de calculer le délai et les ris- Devant le constat de retard, il est parfois
ques de projets de grande ampleur. nécessaire d’accélérer le déroulement prévu
du projet. Il existe deux techniques d’accé-
Le chemin critique lération de projet : le crashing et le fast-trac-
king.
Dans la représentation PERT, le chemin cri-
Le crashing consiste à accélérer des tâches
tique est le chemin dont la durée est la plus
critiques en acceptant une augmentation du
longue. Contrairement aux autres, les états
coût. Il est utilisé quand le coût du retard est
du chemin critique n’ont pas de marges
élevé au regard des coûts nécessaires pour
libres : les activités qui les précèdent et qui
obtenir un gain de temps.
les suivent ne peuvent être retardées sous
Le fast-tracking consiste à faire en parallèle
peine de retarder l’ensemble du projet. Il
ce qui devrait être fait en série. Il n’implique
convient donc de les suivre avec plus
pas nécessairement de surcoût.
d’attention.
Si les deux techniques peuvent effectivement
mener à une livraison plus rapide, elles aug-
Le diagramme PERT
mentent aussi le risque et peuvent aboutir
Associés aux statistiques, les réseaux PERT à… des retards ! Elles sont donc à utiliser
permettent de calculer les probabilités avec prudence.
d’avance et de retard. Il est, par exemple,
possible de varier les paramètres de durée Il incombe au chef de projet
de quelques activités critiques pour étudier d’utiliser les outils de planification
leur impact sur la durée globale du projet. avec discernement. Plus l’outil
Pour une distribution probabiliste normale, est complexe, plus les résultats
les dispersions de durée des activités s’addi- sont théoriques. L’analyse
tionnent selon une loi quadratique sur le che- des tâches critiques par l’équipe
min critique. L’écart-type de la durée ainsi projet est la référence.

152
45
7 • Manager la R&D par les projets

Outil
Cas du Diagramme PERT du projet Icare

PROJET ICARE
Activité
B. SIMS installé Diagramme PERT
(délai dr)
11 16
a (11) f (6) État

A. Début b (15) C. ECP installé e (4) E. HFET fabriqué g (3) F. HFET mesuré G. Validation
0 0 15 15 19 19 22 22 h (6) 28 28

c (10) d (6)
D. GaN épitaxié Chemin Date Date
10 13 critique au plus tôt au plus tard

DURÉE DES ACTIVITÉS (semaines)


ACTIVITÉS Moyenne (dm) Optimiste (do) Pessimiste (dp) Prise en compte (dr) Écart-type (σ)
a Installation SIMS 10 6 20 11 2,3
b Installation ECP 15 12 18 15 1,0
c Epitaxie GaN 9 8 16 10 1,3
d Lithogravure 6 5 7 6 0,3
e Gravure ECP 3 3 9 4 1,0
f Calibration 6 5 7 6 0,3
g Mesure fréquence max 3 3 3 3 0,0
h Analyse 6 5 7 6 0,3
Durée chemin le plus long : 28 1,5

• Le projet Icare en gras) et sa durée est 28 semaines. La date


au plus tôt de chaque état est obtenue en ad-
Le projet Icare vise à valider un nouveau tran- ditionnant les durées des activités de gauche
sistor haute fréquence HFET. Il est fabriqué à droite. Les dates au plus tard sont obtenues
à partir d’un matériau encore mal maîtrisé : le en remontant de la fin, de la droite vers la gau-
nitrure de gallium ou GaN. Le projet est dé- che. La différence entre la date au plus tôt et
composé en huit activités numérotées de a à la date au plus tard est la marge libre. Elle vaut
h. Les activités lient les événements, indexés trois semaines pour l’état D, par exemple.
de A à G, selon le réseau logique ci-dessus.
L’écart-type sur la durée du projet peut être
La durée des activités dr est estimée par la for- estimé à partir des écarts-types des activités
mule des trois points (do + dp + 4 dm)/6. critiques. Ceux-ci sont obtenus par la for-
mule σ = (dp – do)/6. L’écart-type total est
• Analyse du diagramme PERT donné par la racine carrée de la somme des
carrés des écarts-types des activités critiques.
Le chemin critique est le chemin le plus long. Dans le cas présent, la durée du projet est 28
Il est composé des activités b, e, g, h (flèches +/– 1,5 semaine. ■

153
Outil 46 Suivre un projet
La méthode simplifiée du suivi
selon la courbe en S

Écart
budgétaire
Coûts cumulés

Dépenses
réelles

Budget
initial

Temps Retard
prévu

En résumé I n sigh t s
Le suivi du projet est réalisé en traçant l’évolution The project follow-up is based on a plot of the cumu-
des coûts cumulés en fonction du temps. La courbe lative costs versus time. The initial curve is obtained
initiale provient de la planification détaillée des from the cost and duration estimates of the elementary
tâches élémentaires. Sa forme ressemble générale- tasks. Its shape is most of the time an S. The actual
ment à un S. Les dépenses réelles suivent une courbe expenses follow a similar curve. Its extrapolation leads
similaire. Son extrapolation conduit au décalage tem- to the time shift of the project and the deviation of
porel du projet et à l’écart des coûts de développe- development costs with regard to the initial budget.
ment par rapport au budget initial.

154
46
7 • Manager la R&D par les projets

Outil
Pourquoi l’utiliser ? • Les décalages selon les axes x et y entre
les courbes en S donnent la tenue du délai
et l’écart au budget.
Objectif
Le suivi de projet vise à déterminer l’avan- Le suivi réel Méthodologie et conseils
cement du projet. Celui-ci est exprimé en
vs budget La forme en S reflète le démarrage progres-
termes de dépenses réalisées et est com- sif, la montée en puissance et la fermeture
paré aux coûts prévus. La comparaison permet du projet. C’est une forme moyenne, ne sui-
avec la courbe idéale en S permet d’esti-
une première vant aucune formule mathématique et qui
mer la tenue du délai et la tenue des peut être tracée à la main. Dans ces condi-
dépenses. estimation tions, l’extrapolation de la courbe des coûts
de l’avancement réels est qualitative. Elle repose sur une esti-
Contexte mation budgétaire sincère des coûts du
De par la complexité de leurs tâches, les d’un projet. reste à faire. Le délai du projet à la fin doit
projets de R&D sont difficiles à suivre. être cohérent avec le décalage de la courbe
L’avancement des activités techniques, en dans sa phase de forte croissance.
particulier, est difficile à cerner avec des Il est possible d’utiliser d’autres indicateurs
indicateurs simples. Le recours au jugement que les coûts cumulés. Les ressources impu-
des experts donne des résultats très varia- tées, par exemple, permettent de séparer
bles selon les personnes consultées. le temps travaillé des achats et des inves-
Dans ce contexte, le suivi de projet tente tissements. Ils suivront plus souvent la
d’évaluer ce qui a été fait par rapport à courbe en S.
ce qui était prévu de faire. Le simple suivi L’outil est peu adapté pour les projets de
des dépenses n’est pas suffisant. Un dépas- R&D amont car l’objectif est difficile à quan-
sement de budget peut être dû, par exem- tifier. Son intérêt est aussi limité lorsque le
ple, à un retard important ou à un coût mode projet est peu établi et que l’alloca-
supplémentaire de certaines tâches. Pour tion des ressources est peu pratiquée.
les projets simples, l’utilisation de la
courbe en S permet de mieux séparer les
coûts de développement de l’avancement
vers le résultat final.
Avantages
✔ Donne une vision globale et objective de
Comment l’utiliser ? l’avancement projet.
✔ Aide l’entreprise à s’organiser en mode
projet.
Étapes
• Établir un plan projet détaillé incluant les
tâches élémentaires.
Précautions à prendre
• Estimer pour chaque tâche la date cible ✔ Prendre le temps nécessaire pour définir et
et le coût. Tracer la courbe des coûts cumu- planifier le projet initial.
lés prévus en fonction du temps. Interpoler ✔ Utiliser
surtout pour les projets bien ciblés

...
une courbe en S initiale. en termes de résultats.
• Lors des suivis de projets, calculer les
coûts cumulés à date et extrapoler la
courbe en S des coûts réels.

155
Outil 46 Suivre un projet (suite)

Comment être plus efficace ?

Suivi avec valeur acquise (earned value dépense trop important qui se compensent.
analysis) Pour éviter cette ambiguïté, le département
Le suivi simple des dépenses ne permet pas de la défense américain a mis au point la
de séparer les déviations dues à des retards méthode de suivi en S avec valeur acquise.
de celles provenant du dépassement de bud- Dans cette approche, trois indicateurs sont
get. Par exemple, un niveau de dépense estimés pour chaque tâche élémentaire du
dans les limites du budget prévu peut cacher projet :
un retard au démarrage et un niveau de

Indicateur Abréviation Description

Coût planifié CP Coût budgétisé du travail prévu

Coût réel CR Coût réel du travail fait et constaté

Valeur acquise VA Coût budgétisé du travail fait et constaté

La clé de cette approche réside dans le cal- sement des dépenses par rapport à ce qui
cul de la valeur acquise. Elle représente le est planifié.
coût du travail réalisé selon l’estimation uti- La variance temporelle est vt = VA – CP.
lisée au budget initial. Une manière simple L’indice de performance délai IPD = VA/
d’obtenir VA est de multiplier l’avancement CP. Une valeur inférieure à 100 % indique
de la tâche exprimé en % par son coût un retard du projet (voir exemple ci-contre).
prévu. Il est fréquent de limiter les avance-
ments à quelques valeurs discrètes (0, 50 et Coût prévisionnel
100 % par exemple). L’estimation du reste à faire peut se faire de
Pour faciliter l’estimation de la valeur acquise, trois manières :
il est souhaitable de diviser les tâches en plu- a) Chaque tâche non terminée est ré-estimée
sieurs sous-tâches plus courtes. Dans ce cas, individuellement. C’est la méthode la plus
la majorité des sous-tâches sont faciles à éva- réaliste et la plus longue.
luer car finies ou non commencées. Un exem- b) La courbe des coûts réels se réaligne sur
ple est donné sur la page ci-contre. celle des coûts planifiés. Le budget à l’achè-
vement est égal à CR + (budget initial – VA).
Analyse des courbes en S Les causes de retard ou de surcoûts sont maî-
Le suivi projet contient trois courbes : les trisées.
coûts planifiés, les coûts réels et les valeurs c) La courbe des coûts réels évolue selon la
acquises. À la date du suivi, la variance en tendance initiale. Le budget à l’achèvement
coût est donnée par vc = VA-CR et l’indice est estimé par CR + (budget initial – VA)/IPC.
de performance coût par IPC = VA/CR. Une La date d’achèvement peut être extrapolée
valeur inférieure à 100 % indique un dépas- de manière similaire avec l’indice IPD.

156
46
7 • Manager la R&D par les projets

Outil
Cas de la Courbe en S du projet Icare

CP CR VA
Budget
initial a 100 105 150

b 150 140 150

Budget c 30 32 30
à l’achèvement
d 50 45 40
Coûts cumulés

e 200 180 120

Activités
Variance
Valeur
délai f 60 65 60
acquise VA

Variance g 70 0 0
Dépenses coût
planifiées CP
h 100 0 0

Coûts
réels CR
Temps Temps

• Calcul des coûts du projet • Courbe en S


Comme détaillé dans l’outil précédent, le pro- Les trois coûts ci-dessus sont tracés en fonc-
jet Icare vise à valider un nouveau transistor tion du temps sur le graphique de gauche.
haute fréquence HFET utilisant du nitrure de L’indice de performance coût vaut 110 % : le
gallium. Les activités a à g sont évaluées en niveau de dépense est inférieur à celui prévu
fonction de leur coût planifié (sur la barre), du (à activité égale). L’indice performance délai
degré d’avancement (sous-barre) et du coût est de 75 %, ce qui signifie un avancement
réel. Les coûts planifiés (CP), réels (CR) et la plus lent que prévu.
valeur acquise (VA) sont indiqués dans le Si la tendance est confirmée, la durée du
tableau à droite des barres. projet sera dépassée d’environ 25 % et le coût
inférieur de 10 %. ■

157
Outil 47 La gestion dynamique de projet
La gestion des demandes de modifications

Plan Demande
Cahier de
de Livrables
des manu-
manage-
charges facturing
Lancement ment
Exécution
et définition
Indica-
Modifi-
teurs
cations
exécutées

Mise à jour Modifica-


du plan tions
de mana- refusées
Suivi
gement
Mise à jour Modifica-
cahier tions
des acceptées Recom- Prévisions
charges mandation reste
de modifi- à faire
Intégration cation
Fermeture Comité
de décision

En résumé I n sigh t s
Un projet ne peut se réduire à l’exécution d’un plan A project is more than the strict implementation of a
soigneusement préparé. Il doit prendre en compte les carefully prepared plan. It has to take into account the
évolutions extérieures. Et saisir les occasions de s’amé- environment evolutions and to capture the opportuni-
liorer selon les résultats. Pour cela, un ensemble de ties to improve. For that purpose, a set of rules is pre-
procédures est mis en place dès le début du projet. pared from the start of the project. It encompasses the
Elles formalisent l’analyse des demandes de modi- analysis of the change requests, the proposal of solu-
fication, la proposition de solution, la décision et tions, the decision and the implementation.
l’implémentation.

158
47
7 • Manager la R&D par les projets

Outil
Pourquoi l’utiliser ? • Constituer des comités ayant autorité
pour approuver les DM et les recomman-
dations associées.
Objectif • Inclure la procédure dans le plan de
La gestion des modifications du projet est Le plan management.
anticipée par la mise en place de procé-
projet Méthodologie et conseils
dures spécifiques. Elles permettent au
projet de s’adapter rapidement et efficace- doit pouvoir
Le format des DM peut s’inspirer des sept
ment aux changements : nouvelles deman- s’améliorer questions QQOQCCP (Qui fait Quoi ?
des client, problème technique inattendu, Où ? Quand ? Comment ? Combien ? et
opportunités, etc. au fur Pourquoi ?).
et à mesure Il y a généralement deux comités de déci-
Contexte sion : un comité technique et un comité de
de management réunissant toutes les parties
Les phases de lancement et de définition
prenantes. Pour éviter une dérive des spé-
de projet nécessitent de nombreuses réu- l’avancement.
cifications et du projet, il est important de
nions et la rédaction de documents
documenter plus particulièrement les DM
comme le plan de management. La tenta-
affectant le cahier des charges et de les
tion est alors grande de ne plus rien modi-
faire approuver largement.
fier en phase d’exécution : le chef de
La gestion des modifications permet aux
projet se borne à ce qui a été défini au grands projets de saisir des opportunités
début. Si cette attitude est probablement et de s’adapter. Pour les petits projets, elle
sage dans beaucoup de situations (mode apporte plus de rigueur et de cohérence
projet peu mature, sollicitations désordon- dans les décisions.
nées, etc.), elle n’est pas optimale. Il est Lorsque le projet est un développement de
en effet difficile de tout anticiper dès le produit, la gestion des DM s’élargit à la
début du projet. Un fonctionnement effi- gestion des configurations. C’est dans le
cace doit prendre en compte la néces- domaine du développement logiciel que le
saire adaptation à ce qui n’était pas plus d’outils et d’applicatifs ont été déve-
prévu et aux variations non prévisibles de loppés : base de données d’anomalies,
l’environnement. tests de non-régression, gestionnaires de
versions, etc. ■

Comment l’utiliser ?
Étapes Avantages
• Classifier les types de modifications à
prendre en compte : technique, cahier des ✔ Saisir les opportunités.
charges, partenaires, etc. ✔ Améliorer le produit par la prise en compte
• Formaliser la demande de modification des remontées terrain.
(DM) : objet, motivation, conséquences,
priorité. Précautions à prendre
• Définir pour chaque type de DM les per-
sonnes qualifiées pour proposer des solu- ✔ Préciserles limites de ce qui est
modifiable.
tions et des recommandations.

159
Outil 48 Le retour d’expérience
Enseignements à tirer en fin d’un projet

Base de données Plan d’actions

Enseignements

Produits Projet Technique Mise sur le marché

Équipe projet

Partenaires Direction Animateur

En résumé I n sigh t s
Le retour d’expérience consiste à s’arrêter pour tirer The experience feedback consists in having a pause
les enseignements principaux d’un projet. Dans des at the conclusion of a project to assemble the main
domaines prédéfinis (technique, produits, après- learned lessons. In predefined domains (technical,
vente…), les équipes proposent les points à capitali- product, after-sales,…), the team proposes the posi-
ser et les suggestions d’améliorations. Celles-ci nour- tive teachings to be capitalized and suggests several
riront des bases de données de bonnes pratiques et improvements. These lessons will feed databases of
serviront pour des actions d’amélioration. Attention good practices and will serve for actions of improve-
le retour d’expérience n’est pas une évaluation du ment. Attention the experience feedback is not an
succès ou de l’échec du projet mais une introspection assessment of the project results but an examination
sur les méthodes de travail. of the methods and ways.

160
48
7 • Manager la R&D par les projets

Outil
Pourquoi l’utiliser ? Méthodologie et conseils
Dans un format minimal, le REX peut être
réalisé lors d’une revue direction ou qua-
Objectif lité. Pour les projets plus importants, il est
Le retour d’expérience (REX) vise à tirer les Le retour préférable d’y consacrer au moins deux
enseignements sur le déroulement d’un pro- demi-journées pour toute l’équipe. Un ani-
d’expérience
jet, incluant les points positifs à capitaliser et mateur indépendant permet d’apporter la
les pistes d’améliorations. In fine, il contri- est un des outils neutralité et le recul.
bue à l’amélioration continue des processus Il est important de segmenter les réflexions
principaux
projet, de l’entreprise et des produits. selon les domaines retenus et de faire par-
de l’amélioration ticiper les intervenants extérieurs idoines
Contexte (partenaires de R&D, fournisseurs…).
continue.
Les résultats peuvent être capitalisés par
Le retour d’expérience est un des leviers
des bonnes pratiques, des bases de don-
principaux de l’entreprise apprenante.
nées d’enseignements (notamment dans les
C’est une pause programmée consacrée à grandes entreprises) et des propositions
l’introspection et au partage. Il agit géné- d’actions préventives ou correctives. Le
ralement sur trois niveaux : l’équipe, le pro- REX peut aussi être utilisé de manière
duit et l’entreprise (à l’exclusion du niveau continue dans une communauté de prati-
individuel pour lequel il existe des outils ques. Il s’agit alors de capitaliser une expé-
comme le coaching ou le 360°). rience commune. ■
Les freins au retour d’expérience sont
cependant réels : difficulté à s’arrêter
(signe de non-engagement, peur de passer
en mode réflexion, coûts), crainte d’expo-
ser des échecs ou des limites personnelles,
résistance aux changements…

Comment l’utiliser ?
Étapes
• Définir précisément les domaines visés
(technique, fonctionnement, produits, four-
nisseurs, résultats commerciaux…). Avantages
• Assembler les éléments d’ancrage : indi-
✔ Amélioration continue du mode projet,
cateurs, résultats principaux, faits saillants. des produits et de l’entreprise.
• Collecter les points positifs et les sugges-
tions d’améliorations (entretiens, réunions,
questionnaires…). Précautions à prendre
• Synthétiser et faire valoriser par l’équipe ✔ Concentrer les discussions
les enseignements principaux. sur les enseignements au détriment
• Partager les résultats et enrichir les bases de celles sur l’appréciation du projet
et de son bilan.
de données de gestion de la connaissance.

161
Dossier

8
Concevoir
8
un produit
Dossier

C
’est la finalité de la R&D, du bureau d’étude, de l’ingénierie ou
de la direction technique : fournir à l’entreprise les nouveaux pro-
duits et les services innovants dont elle a besoin pour se développer.

Le développement en cascade

Face à un produit nouveau à concevoir, l’approche naturelle est l’empirisme


dont la particularité est de mettre les problèmes en cascade. Face à la dif-
ficulté de s’entendre sur les choix techniques, les ingénieurs réclament des
spécifications. Celles-ci leur permettent de départager les solutions techni-
ques envisagées. De proche en proche, les choix techniques et les spécifi-
cations sont affinés, puis la conception du produit et le cahier des charges
sont finalisés… en même temps !

Les défauts de l’empirisme

Si la méthode fonctionne pour des produits simples, elle aboutit souvent à


des produits qui s’avèrent être des échecs sur le marché. Il faut alors repren-
dre la conception. Citons quelques exemples :
• le produit est trop performant là où ce n’était pas nécessaire, ou vice-
versa ;
• le produit est trop cher ou trop tardif par rapport au besoin ;
• le produit est difficile à maintenir, à déployer ;
• le produit doit être entièrement reconçu pour prendre en compte une régle-
mentation négligée.

162
8 • Concevoir un produit

Dossier 8
La valeur d’un produit est dans la
qualité de sa conception
Si l’ingénieur a tendance à concevoir un produit directement sous l’angle
technique, c’est qu’il valorise naturellement le produit par le contenu tech-
nique du produit. La valeur perçue par le client ou par l’entreprise est cepen-
dant tout autre. Le client valorise l’usage et le service rendu. Il en déduit le
prix qu’il est prêt à payer. L’entreprise valorise le produit par la part de
marché saisie (time-to-market, image…) et par la maîtrise des risques finan-
ciers. Les dépenses liées à une mauvaise conception peuvent en effet être
rédhibitoires : coûts de production trop élevés, dépendance vis-à-vis
d’approvisionnements critiques, maintenance lourde, etc. In fine, la valeur
du produit est surtout dans l’adéquation du produit aux besoins du client
et de l’entreprise.

Les produits complexes nécessitent une approche


progressive et maîtrisée
Plus le produit développé est complexe (voiture, satellite, centrale
nucléaire…), plus l’approche de conception doit être progressive, réfléchie
et structurée. Les ingénieurs ont développé et mis au point des méthodes
de conception qui répondent à ces enjeux. Les quelques outils présentés
dans ce dossier obligent à analyser le besoin, à le traduire en fonction, à
spécifier puis vérifier, à valider, etc. Au bout du compte, le produit corres-
pond au besoin client dans les meilleures conditions de coût pour l’entre-
prise et le produit reste compétitif.

■ Les OUTILS
49 Exprimer un besoin ... p. 164
50 L’analyse fonctionnelle . p. 166
51 Le cahier des charges
fonctionnel ............... p. 170
52 L’analyse de la valeur . p. 172
53 Le jalonnement
de la vie produit ....... p. 176
54 Le cycle en V ............ p. 180
55 L’analyse
des défaillances ........ p. 184

163
Outil 49 Exprimer un besoin
La maîtrise d’ouvrage, acteur
de l’expression du besoin

Demandes

Entretiens Enquêtes Observation

Maîtrise d‘ouvrage

Besoin

Simulations Chiffrages Scénario

Maîtrise d’œuvre

En résumé I n sigh t s
L’expression du besoin est l’étape initiale de la Expressing the need is the first step in designing a new
conception d’un nouveau produit ou d’un service. product or a new service. It starts with an initial
Elle part de demandes exprimées par des clients ou request expressed by customers or users to end with a
des utilisateurs pour aboutir à un besoin pertinent, need expressed in a relevant, clear, simple and com-
clair, simple et complet. Elle est un des livrables prin- plete way. Expressing the need is one of the main task
cipaux de la maîtrise d’ouvrage et constitue la réfé- of the project sponsor and the main input to the
rence pour la maîtrise d’œuvre. project manager.

164
49
8 • Concevoir un produit

Outil
Pourquoi l’utiliser ? • Exprimer les besoins principaux sous une
forme pertinente, compréhensible, simple
et complète.
Objectif
L’expression du besoin vise à transformer Ma demande Méthodologie et conseils
les attentes d’un client en un besoin utilisa- L’équipe maîtrise d’ouvrage doit pouvoir
ble comme donnée d’entrée pour un pro-
initiale
jouer le rôle du client : exprimer des sou-
jet. Elle est initiée par le commanditaire du est une villa haits et les évaluer (en vue de les payer).
produit à concevoir. La collecte des souhaits est réalisée par des
à la mer.
entretiens, des enquêtes ou des observa-
Contexte Mon besoin tions.
L’expression du besoin est très utilisée pour principal La capacité à évaluer les besoins est plus
les grands systèmes (d’information, de télé- difficile à mettre en place. Il faut utiliser des
communications, de transport) afin est un grand limites telles que le délai, le coût, la durée
d’extraire les besoins des clients utilisa- appartement de développement pour obliger l’utilisateur
teurs. à trier ses souhaits. Des systèmes plus inno-
Lister de manière exhaustive les exigences près du travail. vants de valorisation des besoins peuvent
des utilisateurs ne suffit pas. Les études aller jusqu’à l’utilisation de jetons à répar-
montrent par exemple que les utilisateurs tir, un aspect ludique ou un véritable sys-
utilisent moins de 25 % des fonctions tème de pari. ■
demandées. C’est précisément le rôle de
la maîtrise d’ouvrage de cerner le besoin
principal et valorisable.

Comment l’utiliser ?
Étapes
• Distinguer la maîtrise d’ouvrage par sa
double capacité à exprimer les exigences
et à les financer.
• Collecter les demandes des utilisateurs.
• Identifier le maître d’œuvre par sa capa-
cité technique à chiffrer, évaluer, modéliser Avantages
les demandes.
✔ Concevoir un système qui répond
• Avec l’aide du maître d’œuvre, cons-
au besoin principal et éviter les « usines
truire une représentation du système résul- à gaz ».
tant des demandes (taille, poids, coût,
✔ Éviter les solutions qui ne répondent pas
durée, dessins, etc.).
réellement au besoin.
• Demander aux utilisateurs de prioriser
ou modifier les demandes en fonction de
la représentation du système et des Précautions à prendre
contraintes financières.
• Par itérations successives, converger vers ✔ Éviter d’exprimer les demandes sous forme
de solutions.
les besoins principaux.

165
Outil 50 L’analyse fonctionnelle
Le diagramme de la pieuvre

Ordinateur

Main Œil
FP1

FC4
Produit « souris »
FC3
FP2

FC2
FC1 Énergie
Bureau

Normes

En résumé I n sigh t s
L’analyse fonctionnelle est une méthode visant à défi- Function Analysis is a technique used to define and
nir et à détailler les fonctions du produit attendu, detail all the functions expected from a new product.
avant même d’envisager un mode de réalisation. Un It is performed before any consideration of practical
groupe de travail commence par définir l’environne- implementation. First a working group defines the
ment du produit. Le besoin est ensuite traduit en fonc- product environment. Then the need to be satisfied
tion de service (ou principale - FP) et en contraintes by the product is translated into a list of service func-
(FC). tions and constraints.

166
50
8 • Concevoir un produit

Outil
Pourquoi l’utiliser ? Les fonctions principales sont exprimées
sous forme d’un verbe d’action exprimant
une finalité. On peut distinguer les fonc-
Objectif tions d’usage (désigner un point sur
L’analyse fonctionnelle permet d’invento- Écouter le client l’écran) des fonctions d’estime (être com-
rier l’ensemble des fonctions attendues pact). Les fonctions contraintes traduisent
d’un produit pour répondre à un besoin ini- avant de foncer une contrainte de conception liée à la prise
tial. Elle aboutit au cahier des charges sur la table en compte d’un acteur de l’environnement
fonctionnel utilisé ensuite par les ingénieurs (consommer peu d’énergie, être ininflam-
pour proposer des solutions techniques. à dessin. mable).
Pour que l’analyse soit exhaustive, procé-
Contexte der en deux étapes. La première approche
La tendance naturelle de l’ingénieur est de part du besoin et aboutit à toutes les fonc-
démarrer immédiatement les activités de tions nécessaires a priori. Une deuxième
conception une fois le concept identifié. passe affine l’analyse en reprenant des
Bien que rapide, cette méthode réduit produits analogues ou précédents.
d’emblée le champ des solutions techni- Il est important de privilégier l’écoute client
ques et contraint les fonctionnalités possi- et d’approfondir chaque besoin. Truc :
bles. En procédant de cette manière, il demander pourquoi trois fois.
n’est pas rare d’oublier certaines fonctions
importantes. Au final, le produit doit être
en partie redéveloppé ou son coût réduit.
L’analyse fonctionnelle force à définir
l’objectif complet avant de tracer le pre-
mier coup de crayon.

Comment l’utiliser ?
Étapes
• Déterminer les états de vie du produit
(actif, en veille, en maintenance, stocké…). Avantages
• Pour chaque état de vie, identifier sur un
✔ Concevoir un produit dont le mode
diagramme les acteurs de l’environnement de réalisation, et donc le prix, est le mieux
du produit. adapté au besoin du client.
• Définir les fonctions principales (FP) du
produit par un lien entre plusieurs acteurs.
• Établir de manière similaire les fonctions Précautions à prendre
contraintes (FC). ✔ Raisonner en faisant abstraction
des solutions.
Méthodologie et conseils
✔ Attentionaux fausses contraintes issues

...
L’analyse fonctionnelle est idéalement exé- de choix implicites.
cutée par un groupe de travail de moins
de dix personnes représentant le besoin :
chef de produit, marketing, usager, etc.

167
Outil 50 L’analyse fonctionnelle (suite)

Comment être plus efficace ?

L’analyse fonctionnelle est la première étape Une méthodologie simple et intuitive


de l’analyse de la valeur. Depuis sa création La première étape est la constitution d’une
en 1940, plusieurs méthodologies ont été équipe multidisciplinaire d’une dizaine de
proposées. En 1965, Charles Bytheway, personnes et d’un animateur. La première
ingénieur de la société Sperry Univac, pro- activité peut consister à écrire sur des post-
pose la méthode FAST (Function Analysis Sys- it les fonctions du produit ou du service visé.
tem technic) à la convention internationale de
Il est important que la formulation d’une
la Society of American Value Engineers.
fonction soit un verbe et un nom.
Dans un deuxième temps les post-it sont
La méthode FAST
disposés sur un tableau pour répondre au
Elle repose sur l’utilisation d’un diagramme double sens de lecture « Pourquoi ? » et
regroupant les fonctions du produit selon un « Comment ? ». Il s’agit d’un processus ité-
axe de lecture à double sens. Une lecture ratif. La fonction de plus haut niveau est
de gauche vers la droite, permet de passer
placée à gauche. La fonction suivante est
d’une fonction à la suivante en répondant à
celle qui répond le mieux à la question
la question « comment ? ». Par exemple, la
« Comment ? ». Une fois le raisonnement
fonction « Projeter une présentation »
de gauche à droite terminé, il faut essayer
répond au comment de la fonction « Trans-
de remonter à partir des fonctions les plus
mettre des informations ». Inversement une
lecture de la droite vers la gauche répond à gauches en répondant à la question
au questionnement « pourquoi ? ». Par « Pourquoi ? ». Les deux processus sont
exemple, la fonction « Projeter une présen- répétés jusqu’à ce que l’ensemble
tation » répond au pourquoi de la fonction devienne cohérent et satisfaisant pour le
« Générer de la lumière ». groupe.
Au lieu d’aboutir à une simple liste de fonc- L’axe haut-bas peut être utilisé pour ordon-
tions, le diagramme FAST produit repré- ner les fonctions selon une autre logique :
sente les fonctions et leurs dépendances. ordre causal (« Quelle est la cause ? »,
Cette dernière information est précieuse « Quelle est la conséquence ? ») ou hiérar-
pour mieux apprécier ensuite les paramètres chisation des fonctions de l’accessoire à
de réalisation et les priorités. l’indispensable. Des fonctions contraintes
Le diagramme FAST technique est une peuvent être ajoutées par un code couleur
variante souvent utilisée pour les sous- pour indiquer qu’elles doivent être minimi-
ensembles à un niveau plus proche de la sées. Des sous-systèmes peuvent être déga-
conception. gés en rassemblant des blocs fonctionnels.

168
50
8 • Concevoir un produit

Outil
Cas du Service « changer un pare-brise
en une heure »

COMMENT POURQUOI

Facturer Utiliser
et payer le système
d’information

Appliquer Préparer
un procédé l’outillage, Former
de changement l’utiliser des opérateurs
rapide et le ranger

Changer Analyser Définir la liste Modéliser


des modèles Définir
de pare-brise le type la fréquence l’implantation
en 1 heure de pare-brise pour 80 % des besoins
des besoins

Fonction de sortie Fonctions d’entrée

• L’analyse fonctionnelle Le diagramme FAST a permis à l’équipe


appliquée à la mise au point chargée de la mise au point de ce nouveau
d’un nouveau service service de détailler les fonctions essentielles à
réaliser pour aboutir à la fonction principale
L’analyse fonctionnelle, et la méthode FAST en partant de fonctions d’entrée : définir l’im-
en particulier, peut être appliquée non seule- plantation du garage, former des opérateurs,
ment à des produits mais aussi à des services. utiliser le système d’information de l’entre-
La mise au point d’un nouveau service suit les prise. Il en résulte trois systèmes désignés par
mêmes étapes que celles d’un nouveau pro- les blocs en pointillé. L’étape suivante est
duit. Le cas illustré ici est l’analyse fonction- d’associer à chaque fonction un coût, des res-
nelle par la méthode FAST d’un service sources, un objectif quantitatif ou d’autres
consistant à changer un pare-brise en une paramètres pour aboutir au cahier des char-
heure. ges fonctionnel. ■

169
Outil 51 Le cahier des charges fonctionnel
Le CdCF du dispositif pointeur (souris)

Fonction Exigences Niveau Flexibilité Vérification Validation


Rafraîchissement
de la position 20 Hz Faible
et l’affichage du curseur
Désigner un endroit Déplacement du curseur Mesure sur banc
de simulation Test d’usage
de l’écran en fonction proportionnel à la position
FP1 du déplacement de la main
a) minimum de mouvement sur panel
a) W 200 pixels utilisateurs
de la main avec panel
a) W résolution de l’écran automatiquement
d’écrans
(pixel) selon écran b) ajustable
b) M mouvement de la main b) M 10 à 30 cm par utilisateur
maximum selon utilisateurs
1% de déviation Mesure sur banc Test d’usage
Détecter le contact Fidélité de la lecture
FP2 avec bureau du mouvement
sur une plage Moyenne de simulation sur panel
écran de mouvement utilisateurs
Être compatible Certification
FC1 avec norme CE
Rayonnement lumineux Classe D Aucune
fournisseur
Aucune

Hystérésis < 5 % Test d’usage


Mesure de l’hystérésis
FC2 Glisser sur le bureau Absence de blocage sur 10 mouvements Moyenne
sur panel de matériaux
sur panel
maximum utilisateurs

Durée de vie avec


2 mW
Consommer Puissancemètre une pile standard
FC3 peu d’énergie
Puissance consommée en mouvement Moyenne
dans les deux modes lors du test usage
200 µW en repos
= 350 h

Être agréable Design moderne Test d’usage sur


FC4 à regarder et haut de gamme
Grande Aucune
panel utilisateurs

En résumé I n sigh t s
Le cahier des charges fonctionnel (CdCF) est l’abou- The project specification is the main outcome of the
tissement de la phase initiale d’analyse des besoins. request analysis. It allows to start the product design
Il permet de démarrer la conception avec une défi- with a complete and precise definition of the expec-
nition complète et précise des attendus. Il détaille tations. For each identified function, the requirement
pour chaque fonction retenue, le niveau d’exigence, is detailed together with the verification method of
la manière de le vérifier en fin de conception ainsi the technical specifications and the validation of the
que la méthode de validation du besoin. initial request.

170
51
8 • Concevoir un produit

Outil
Pourquoi l’utiliser ? Méthodologie et conseils
L’établissement des niveaux d’exigence
requiert un travail d’équipe aux interfaces
Objectif de plusieurs groupes : les utilisateurs, la
L’établissement du cahier des charges fonc- Un modèle maîtrise d’ouvrage, le responsable projet,
tionnel (CdCF) vise à fournir de manière les concepteurs, la qualité, etc. Étant
complète et précise les données de départ très complet
donné le coût élevé que peut engendrer un
pour l’équipe en charge de la conception de CdCF oubli, il vaut mieux prendre le temps de
du produit. Il est constitué notamment de vérifier son contenu auprès de toutes les
l’ensemble des exigences fonctionnelles. est disponible
personnes impliquées dans l’élaboration
dans la norme du produit.
Contexte
Afnor X50-151. Nous avons inclus dans le CdCF les métho-
Le CdCF est à la fois le principal résultat des de vérification et de validation. Les
de la maîtrise d’ouvrage et le document de tests de vérification permettent de vérifier
référence pour la maîtrise d’œuvre. Il part que les exigences fonctionnelles sont
de la liste des fonctions obtenues par une atteintes, par exemple sur les premiers pro-
méthode d’analyse fonctionnelle. Les spé- totypes. Les tests de validation assurent que
cifications fonctionnelles sont ensuite utili- les spécifications techniques correspondent
sées pour définir l’architecture du produit bien au besoin. La définition de ces tests
puis les exigences des sous-ensembles ou permet en effet à l’équipe technique de
des composants. La qualité de la concep- mieux appréhender les objectifs et mini-
tion et le succès du produit dépendent for- mise les corrections en phase finale.
tement de la complétude et de la précision Il est possible que certaines exigences
du CdCF. s’avèrent inatteignables, insuffisantes ou
moins prioritaires. Il faut donc prévoir un
mécanisme de mise à jour de ce document
Comment l’utiliser ? de référence. ■

Étapes
• Débuter par la liste des fonctions à
accomplir (voir analyse fonctionnelle).
• Déterminer les critères permettant de Avantages
caractériser chaque fonction.
• Évaluer le niveau à atteindre pour cha- ✔ C’estune étape incontournable
que critère ainsi que sa flexibilité (maxi- dans la conception d’un nouveau produit.
mum, indispensable, +/–20 %...). ✔ Ilfavorise le dialogue entre le demandeur
• Définir la méthode qui permettra de véri- et le projet.
fier que le niveau de chaque critère est
atteint.
• Indiquer comment valider l’adéquation
Précautions à prendre
de chaque niveau spécifié au besoin utili- ✔ Valider le contenu par des entretiens
sateur. avec les représentants de tous les métiers
impliqués.
✔ Identifierles méthodes de vérification
et de validation.

171
Outil 52 L’analyse de la valeur
Analyse de la valeur appliquée
à un produit

Évaluation
de la satisfaction client
par fonction

Satisfaction
Valeur =
Coût

Emploi des ressources


et analyse des coûts

En résumé I n sigh t s
L’analyse de la valeur est une méthodologie de tra- Value analysis is a working method for a group to
vail de groupe visant à optimiser la satisfaction client optimise customer satisfaction without increasing
sans sacrifier le coût. Dans cette approche, la valeur cost. In this approach, the product value is measured
du produit se mesure par la qualité du compromis by the ratio of performance and capability to supply
entre les fonctions visées et l’emploi des ressources resources. In other words, the targeted product is not
pour y parvenir. En d’autres termes, le produit visé only of high quality but also economically sound and
est non seulement performant et répondant au besoin competitive.
du client mais aussi économiquement viable et
compétitif.

172
52
8 • Concevoir un produit

Outil
Pourquoi l’utiliser ? fonctions à satisfaire en priorité selon le
profil de satisfaction.
• Itérer jusqu’à la convergence des propo-
Objectif sitions du groupe.
L’analyse de la valeur est utilisée en com- L’analyse
plément de l’analyse fonctionnelle pour Méthodologie et conseils
s’assurer que les ressources sont
de la valeur
Détailler le plus possible l’objectif et ses
employées au mieux pour les fonctions les a été créée limites. Exemple d’objectif : « Réduire le
plus importantes, c’est-à-dire celles qui coût de l’agrafeuse ZK40 de 20 % ». Il
apportent le plus de satisfaction au client.
par Lawrence
faut demander : est-il possible de changer
Miles en 1945 de modèle d’agrafe ? Faut-il prendre en
Contexte
pour optimiser compte des contraintes de temps, de nor-
L’analyse de la valeur s’applique potentiel- mes, de dépenses ? Est-il bien exact que
lement à l’optimisation de tout système l’utilisation l’acier Z6C13 est imposé par la norme ?
pour lequel il est possible de définir des de matériaux Dans ce dernier cas, par exemple, il peut
fonctions, des missions ou des buts d’une s’avérer que le matériau est simplement
part et des ressources à utiliser d’autre rares. cité en exemple. La norme n’impose en fait
part. Elle doit être utilisée idéalement en que l’utilisation d’un acier inoxydable avec
début de conception pour tous les nou- au moins 0,05 % de carbone. Le
veaux produits. En pratique, malheureuse- Z2CN18, moins coûteux, peut donc être
ment, elle est souvent utilisée dans un candidat…
second temps pour répondre à un besoin
de réduction de coût.

Comment l’utiliser ?
L’analyse de la valeur débute avec l’ana- Avantages
lyse fonctionnelle. Celle-ci peut être réali-
sée avant ou être intégrée dans la ✔ Permettreaux équipes de développement
démarche. de communiquer et d’atteindre un
consensus.

Étapes ✔ Concevoir un produit optimisé selon les


besoins de l’utilisateur.
• Définir précisément l’objectif de la
démarche.
• Constituer un groupe de travail multimé- Précautions à prendre
tiers (<10 personnes).
✔ Se focaliser uniquement sur la réduction de
• Évaluer le profil de satisfaction désiré coût risque de dégrader le produit. Laisser
des fonctions. une marge d’amélioration fonctionnelle
• Assembler une liste initiale d’idées visant ou une possibilité de différentiation.
à atteindre l’objectif (brainstorming). ✔ Mettre le besoin client au centre

...
• Décomposer les coûts du produit et les des discussions.
répartir par fonction.
• Trier et analyser les idées du groupe en
optimisant la répartition des coûts sur les

173
Outil 52 L’analyse de la valeur (suite)

Comment être plus efficace ?

Les analyses de la valeur La répartition des coûts


L’analyse de la valeur a été créée pour les La répartition des coûts sur les fonctions
composants lors de la Seconde Guerre mon- doit être la plus objective possible. Si le
diale, dans un contexte où les matières pre- sous-ensemble participe à la réalisation de
mières étaient rares. La méthode s’est plusieurs fonctions, identifier la fonction
ensuite généralisée pour s’appliquer aux principale visée par le sous-ensemble. Rai-
sous-ensembles et aux produits. Elle optimise sonner ensuite en surcoût pour les autres
la valeur V définie par le rapport niveau de fonctions en évaluant le coût supplémen-
performance P sur le coût C. taire spécifique. Par exemple, le coût de la
dalle LCD du téléviseur doit être attribué en
Le niveau de performance P grande partie à la fonction « afficher une
Pour un composant électronique, P peut être image ». Un coût supplémentaire peut être
la rapidité d’un processeur et C son coût. évalué pour que cette dalle corresponde à
Pour un produit, P est par exemple le prix que la fonction « être compatible avec la norme
le client est prêt à payer pour la fonction. CE ».
Dans tous les cas, l’essentiel est d’aboutir à
une hiérarchisation des fonctions. Un travail de groupe
Il est d’usage de distinguer les fonctions sui-
vantes : L’analyse de la valeur s’apparente plutôt à
• les fonctions fondamentales qui doivent un projet. Son efficacité dépend des mêmes
être absolument réalisées pour que le pro- paramètres : clarté de l’objectif (ce qu’on
duit soit reconnu comme tel (recevoir un pro- peut changer, ce qu’il n’est pas possible de
gramme et l’afficher pour une télévision) ; modifier…), implication du management,
• les fonctions secondaires dont la réalisa- richesse de l’équipe projet, etc.
tion apporte une satisfaction supplémentaire Il vaut mieux privilégier des personnes à
(la beauté du design, l’option affichage pho- compétences larges et nouvelles plutôt que
tos d’une clé USB) ou un niveau de perfor- des experts ou des directeurs. Ces derniers
mance différentiant (rafraîchissement à doivent être consultés au début lors de la
100 Hz des écrans plats LCD) ; définition de l’objectif et des contraintes. Les
• les fonctions d’intégration qui permettent experts pourront être consultés pour répon-
au système de fonctionner avec l’environne- dre à des questions spécifiques du groupe
ment (le châssis, le raccordement…). de travail.

174
52
8 • Concevoir un produit

Outil
Cas du Dispositif pointeur (souris)

électronique

Coussinets
et capteur
plastique

Circuit
Satisfaction Importance

Capot
Fonctions Exigences Total

LED
client de la fonction

FP1 Rafraîchissement de
la position et l’affichage Très bien Secondaire ** 3,20 € 3,20 €
Désigner un endroit du curseur
de l’écran en fonction Déplacement
du déplacement du curseur proportionnel
de la main Bien Indispensable 1,50 € 1,50 €
à la position
de la main
FP2 Détecter le contact Fidélité de la lecture
Bien Secondaire *** 0,50 € 1,00 € 0,20 € 1,70 €
avec bureau du mouvement
FC1 Être compatible Rayonnement
Indifférent Indispensable 0,10 € 0,10 €
avec norme CE lumineux
FC2 Glisser sur le bureau Absence de blocage Très insuffisant Secondaire * 0,50 € 0,20 € 0,70 €
FC3 Consommer Puissance
Insuffisant Secondaire *** 1,00 € 0,50 € 1,50 €
peu d’énergie consommée
FC4 Être agréable Design moderne
Bien Secondaire * 2,50 € 2,50 €
à regarder et haut de gamme
Sous-total 3,00 € 6,20 € 1,60 € 0,40 € 11,20 €

• Amélioration d’un pointeur nécessite un coût supplémentaire de 50 cents.


L’adaptation à la norme CE n’entraîne un sur-
Les fonctions du pointeur sont définies par le coût que de 10 cents, lié aux variations de prix
cahier des charges fonctionnel. Elles sont clas- des fournisseurs de LED selon le type d’ho-
sées par le marketing en « indispensable » ou mologation.
« secondaire ». Ce dernier attribut comprend
Les données sont intégrées dans le tableau
trois niveaux d’importance : *, ** ou ***. Une
coût-fonction ci-dessus. Il met en correspon-
enquête sur un panel de cinq clients permet de
dance le degré de satisfaction de chaque fonc-
quantifier la satisfaction du produit existant.
tion avec son coût. Son analyse permet de
Le groupe extrait de la nomenclature les coûts cerner des pistes d’améliorations. Par exem-
de fabrication. Il estime ensuite la répartition ple, la carte électronique peut être reconçue
des coûts de chaque sous-ensemble sur les en attribuant plus de priorité à la consomma-
fonctions impliquées. Par exemple, le coût du tion de puissance (FC3 insuffisante coûtant
sous-ensemble LED-capteur est associé prin- 1,50 €) et moins au rafraîchissement (FP1 sur-
cipalement à la détection de mouvement. La satisfaite coûtant 3,20 €). ■
version LED pour consommer peu d’énergie

175
Outil 53 Le jalonnement de la vie produit
Exemple de cycle de vie produit

Vie
Mise au point Fin de vie
produit
Développement

et après-ventes
sur le marché
Conception

Vie produit

du marché
Recherche

industriel

Garantie
Retrait
Mise

En résumé I n sigh t s
La vie du produit est découpée en phases de la nais- The product life cycle is defined as a succession of
sance au retrait du marché : concept, développe- phases from the first idea to the market launch :
ment, production, etc. Le contenu et l’objectif de concept, development, production, etc. The content
chaque phase sont détaillés selon le type de produit and objective of each phase is defined according to
et le contexte de l’entreprise. Les jalons sont des the product type and the company context. The life
revues de décision permettant de passer d’une phase cycle milestone is a decision review allowing to go
à la suivante. from one phase to the next one.

176
53
8 • Concevoir un produit

Outil
Pourquoi l’utiliser ? • Établir pour chaque phase les activités,
les livrables, les responsabilités et les critè-
res de passage.
Objectif • Mettre en place des mécanismes de mise
Le cycle de vie définit les grandes phases Comme un être à jour du cycle de vie.
du développement au retrait du marché.
humain, Méthodologie et conseils
L’objectif de ce découpage est de mieux
définir les activités, les responsabilités et un produit naît, La mise en place d’un cycle de développe-
les niveaux de performance propres à cha-
se construit, ment nécessite plusieurs années avant de
que phase. Il permet aussi de rassembler porter ses fruits. Il vaut mieux commencer
l’entreprise autour des décisions importan- devient adulte, progressivement pour que les acteurs
tes de la vie du produit : lancement com-
puis vieillit s’approprient parfaitement l’outil.
mercial, arrêt de production, etc. Les durées sont liées au temps de vie pro-
et meurt. duit. Ce dernier varie d’un secteur à
Contexte l’autre : 6 mois pour les ordinateurs,
Le jalonnement du cycle de vie produit est 10 ans pour les voitures ou 50 ans pour
un processus transversal impliquant une centrale nucléaire. Typiquement le
l’ensemble de l’entreprise. Il est idéalement découpage en grande phase est 25 %
lié à un mode de fonctionnement projet. Le pour la mise au point, 50 % pour la vie du
chef de projet oriente et structure les acti- produit et 25 % pour la phase de retrait
vités en fonction du prochain jalon. (démantèlement, garantie…). La mise au
Le jalonnement des phases en amont de point est typiquement divisée en 3 à 7 pha-
l’industrialisation est aussi appelé cycle de ses de développement de durées égales. ■
développement. Ce dernier formalise le
degré de maturité du développement à tra-
vers une liste de critères à atteindre.

Comment l’utiliser ?
Le critère de succès de cet outil est avant
tout l’appropriation par l’ensemble de Avantages
l’entreprise. Il faut donc prendre soin
✔ Coordination transversale facilitée.
d’impliquer un grand nombre de person-
nes à travers des groupes de travail. La ✔ Meilleureadaptation de l’entreprise
démarche est pilotée par un chef de projet. aux exigences du produit
dans ses différentes phases.

Étapes ✔ Outil de suivi pour le management.

• Définir les grandes phases du cycle de


vie telles que « mise au point », « vie pro- Précautions à prendre
duit », « fin de vie ».
✔ Vérifierque le cycle de vie correspond
• Détailler en phases plus petites pour à la réalité sur les produits précédents.
assurer une cohérence d’activité et une
durée limitée par rapport au temps de vie ✔ Impliquer l’ensemble des services
de l’entreprise.
produit.

177
Outil 53 Le jalonnement de la vie produit (suite)

Comment être plus efficace ?

Le cycle de développement produit La maturation du développement produit


La phase de développement est une des plus Le cycle de développement est une tentative
délicates à suivre. En phase commerciale ou d’encadrer la maturation du produit de
en fin de vie, il est possible de mesurer l’idée à la mise sur le marché. Cette matu-
l’avancement (ventes, retour de pièces ration peut se mesurer selon trois axes prin-
défectueuses, etc.) et les actions correctives cipaux.
ont des effets rapides. En phase de dévelop- Premièrement le développement conduit à
pement, il y a peu d’indicateurs et les avis une amélioration des performances. L’éva-
semblent diverger entre les experts techni- luation de ces dernières nécessite le déploie-
ques, les concepteurs, les services de pro- ment de moyens spécifiques : identification
duction, la logistique, le marketing, etc. du cahier des charges fonctionnel et des exi-
gences techniques, mise en place de
Le cycle de développement, l’ossature moyens de vérification, détection des écarts,
de la R&D etc. Il ne faut pas oublier en ce domaine les
La modélisation et le jalonnement du cycle exigences de fiabilité, souvent difficiles à
de développement produit répondent à cette mesurer.
difficulté. Tous les cycles de développement Le deuxième axe de maturation est l’indus-
se ressemblent (voir cas ci-contre) mais il est trialisation. Même si toutes les performances
nécessaire de les redéfinir précisément pour sont atteintes sur des prototypes, il peut en
chaque entreprise. Les méthodes de déve- effet rester beaucoup de chemin à parcourir
loppement d’une carte électronique, par pour fabriquer le produit en série. La pro-
exemple, sont très différentes de celui d’un gression sur cet axe se mesure par les mar-
moteur à réaction. Dans le premier cas, tout ges de conception, par l’utilisation
est conçu et simulé sur ordinateur alors d’équipements industriels et de composants
qu’un moteur nécessite plusieurs prototypes grande série ainsi que par la validation sur
avant de valider une faisabilité. D’autres un nombre d’échantillons de plus en plus
facteurs influencent le cycle de développe- grand.
ment : la taille de l’entreprise (PME ou grand Le dernier axe de maturation est lié aux
groupe), volume de production (petite, aspects commerciaux et économiques :
moyenne ou grande série), la localisation identification des marchés et des revenus
géographique, etc. potentiels, retours clients, etc.
In fine le cycle de développement est spéci-
fique à l’entreprise. Pour les revues de décision,
prévoyez des outils prédéfinis
avec les questions à aborder et,
si possible, une évaluation
indépendante.

178
53
8 • Concevoir un produit

Outil
Cas du Processus de développement
de nouveaux substrats
PHASES ACTIVITÉS LIVRABLES CRITÈRES

– identification de nouveaux – projets R&D collaboratifs


Recherche

– 5 échantillons démontrant l’attente


A-Exploration concepts – état de l’art
des performances clés
de concept – études de faisabilité – publications
– analyse propriété intellectuelle
en laboratoire – dépôt brevet

– études des briques


– analyse des risques techniques – faisabilité des briques technologiques nouvelles
technologiques nouvelles
B-Définition – cahier des charges – disponibilité des moyens
– identification des clients
– plan de développement – analyse de la concurrence
partenaires
Développement

– assemblage des briques – 5 échantillons avec 90 % des fonctionnalités


– CdCF et AMDEC fonction
technologiques – premiers éléments de fiabilité
C-Démonstrateur – plan d’intégration industriel
– évaluation des partenaires – 20 substrats en ligne hors étapes nouvelles
– processus de fabrication
et des fournisseurs – plan d’affaires
– AMDEC processus – démarrage des tests de fiabilité et premiers résultats
Mise en place de la ligne
D-Intégration – plan de contrôle – 200 substrats pour ligne pilote
pilote
– échantillons de recherche – plan de financement

– plan d’équipement industriel – 100 % fonctionnel et durée de vie démontrée


E-Optimisation Optimisation des procédés
– échantillon produit – 10 séries non consécutives de 200 substrats

– plan de production – validation du client partenaire


Industrialisation

Mise en place de ligne


F-Pré-série – livraison au client partenaire – 4000 substrats avec rendement > 85 %
de fabrication
– certifications – logistique mise en place
– mesure des rendements
Évaluation et optimisation – procédé qualité
G-Qualification – plan de qualification
de l’outil de production – plan de lancement commercial
– échantillons commerciaux

• Déploiement d’un nouveau client potentiel dès la phase de définition. Ce


processus dernier a accès plus tôt que les autres aux
substrats nouveaux. Il peut ainsi fournir des
Ce fabricant de substrats semiconducteurs composants plus performants en avance par
fournit des substrats avancés aux fabricants rapport au marché. L’entreprise, de son côté,
de composants microélectroniques. Sept pha- prend le risque de dévoiler ses projets mais
ses ont été identifiées en amont de la mise sur gagne la validation en amont par un client
le marché d’un nouveau substrat produit, important.
dont cinq au niveau développement et deux
en industrialisation. Ces phases ont été pro-
posées par le comité de direction puis modi- • Les revues de décision
fiées par le groupe de travail chargé de mettre Le passage d’une phase à l’autre est décidé
en place le premier processus de développe- lors d’une réunion de jalon. Les livrables iden-
ment produit. Il est appliqué depuis plusieurs tifiés dans le tableau sont discutés ainsi que
années et amélioré chaque année. les critères de décision. Si la décision est
Le processus de développement implique no- positive, les objectifs de la phase suivante
tamment un partenariat privilégié avec un sont présentés. ■

179
Outil 54 Le cycle en V
Le cycle de développement en V

Besoin Validation
client

Cahier
des charges Vérification
fonctionnel fonctionnelle

Tests
Architecture d’intégration

Exigences Tests
techniques techniques
unitaires

Développement
par métier

En résumé I n sigh t s
Le cycle en V est une des procédures de développe- The V model is a development process widely used in
ment les plus utilisées dans l’industrie et les services. the industry and for new services. The definition
Le chemin de définition, bras descendant du V, mène pathway -the V arm going down- starts with the cus-
du besoin client aux exigences techniques par tomer need and ends with the technical specifica-
métier. Le développement est réalisé au niveau de tions. The technical developments are then realized
chaque métier. Dans le bras montant du V, des tests in each domain. In the up going arm, tests are real-
sont réalisés pour aboutir à la validation finale du ized to lead to customer validation.
client.

180
54
8 • Concevoir un produit

Outil
Pourquoi l’utiliser ? Étapes
• Détailler chaque bloc d’activité pour les
développements spécifiques de l’entre-
Objectif prise.
Le cycle en V structure le processus de La référence • Identifier pour chacun les interfaces, les
développement en phases successives. ressources et les responsabilités.
L’avantage principal est que le développe- du cycle en V
• Mettre en place une structure pour faci-
ment proprement dit ne commence que a été établie liter les activités et piloter l’évolution de la
lorsque l’ensemble des exigences techni- conception (project office, qualité…).
ques est établi. Le risque de découvrir tar- en 1991
divement un problème est minimisé. Cette par K. Forsberg Méthodologie et conseils
méthode est particulièrement adaptée pour
Les deux piliers du cycle en V sont la néces-
des systèmes complexes incluant plusieurs et H. Mooz.
sité d’une analyse globale et exhaustive
technologies (optique, mécanique, électro-
avant de débuter les activités de dévelop-
nique…).
pement et la vérification systématique de
l’atteinte des objectifs. Les résistances
Contexte
apparaissent généralement au niveau de
Le cycle en V a été mis au point aux États- l’analyse (trop lourd, trop de papier, évi-
Unis en 1980 pour le développement de dent…) et au niveau des tests (inutiles, pas
systèmes satellite intégrant des technolo- le temps ou pas préparés).
gies multiples. Indépendamment, le Minis- Pour ces deux raisons, la mise en place du
tère allemand de la défense avait cycle en V est adaptée aux projets de
commandité une procédure de développe- grande taille (>20 personnes en techni-
ment pour les projets logiciels. Le concept que) et pour lesquels le risque technique
du cycle en V a été ensuite codifié à travers ou d’usage prime par rapport au délai.
plusieurs publications dans les années
quatre-vingt-dix.
La spécificité de ce modèle de développe-
ment est la maturation progressive du sys-
tème du niveau général aux détails de
développement. Elle minimise les risques
de redéveloppement. Avantages
✔ Minimiserles risques de redéveloppement
aux dépens du temps.
Comment l’utiliser ? ✔ Mettreen face de chaque spécification
un moyen de vérification.
L’implémentation du cycle en V implique
de nombreux services de l’entreprise. Sa Précautions à prendre
mise en place initiale ne peut s’effectuer
✔ Prévoir les moyens et le temps pour les tests
que dans une démarche de changement et
et les vérifications.
d’adaptation de l’organisation.
✔ Peut être inadapté si l’architecture est mal

...
maîtrisée.

181
Outil 54 Le cycle en V (suite)

Comment être plus efficace ?

La variété des méthodes dont on s’aperçoit tardivement qu’il n’est


de développement pas techniquement possible.
De nouvelles méthodes de développement
sont apparues depuis une quinzaine La méthode en double V
d’années, principalement sous l’influence La méthode en V ignore le besoin de matu-
des besoins croissants en développement ration parallèle et interactif de l’architecture
logiciel. Nous illustrons rapidement les spé- du système et des développements techni-
cificités, les avantages et inconvénients de ques. Pour des systèmes complexes sous
chacune. contrainte temporelle, la méthode en double
V permet une évolution plus parallèle des
La méthode en cascade niveaux du système (éléments, sous-systè-
mes, assemblages, sous-assemblages, com-
C’est la méthode la plus ancienne. Elle
posants).
repose sur la décomposition du projet en
livrables successifs. Ainsi le livrable « fonda-
Les méthodes agiles
tions » doit être réalisé et vérifié avant le
livrable « murs », lui-même suivi par le livra- Des méthodes plus réactives et moins formel-
ble « fenêtres ». les sont apparues depuis les années 2000.
L’avantage principal réside dans la valida- Elles impliquent le client ou le demandeur.
Au total, c’est la satisfaction du besoin client
tion au plus tôt des étapes ayant des
qui est visée et non la satisfaction des termes
conséquences importantes. De plus le travail
du contrat de développement.
est bien défini et structuré à chaque niveau.
Les méthodes sont diverses mais l’important
Le désavantage principal provient de la dif-
réside dans les valeurs qui sont partagées
ficulté à revenir en arrière si une donnée
et appliquées. Tout d’abord l’équipe et les
nouvelle doit être prise en compte.
capacités de travail en collectif sont mises
au premier plan ainsi que la communication
La méthode en V
directe (par opposition aux rapports écrits).
Cette fois le développement ne commence Ensuite la livraison de résultats intermédiai-
que lorsque l’ensemble des exigences tech- res rapides au client favorise une conver-
niques est connu. Relativement mécaniste, le gence efficace. Le client participe aux
processus ne prévoit pas les démarches par développements pour donner un feed-back
essais successifs ou les interactions entre les rapide. La flexibilité est favorisée par rap-
niveaux besoin, architecture et technique. À port à la planification, notamment pour sui-
la limite, la méthode peut aboutir à un projet vre l’évolution des besoins du client.

182
54
8 • Concevoir un produit

Outil
Cas du Développement d’un système
de diffusion pour la télévision mobile

Release R0 Release R1 Release R2

Spec. Tests Spec. Tests Spec. Tests

Démo lab CdCF R1 CdCF R2


Besoins Étude marché avec une borne (Clients
Démo terrain
(clients
Démo terrain
utilisateur simulée et cabinet X)
avec 3 bornes
et cabinet X)
sur une ville

Spécifications Compatibilité
Comparaison Spécifications Simulation Spécifications
système 100 %
Système initiales
à la norme système R1 capacité système R2
DVB-SH
DVB-SH (mkt P1,P2) et couverture (mkt P1,P2)
(mkt P1,P2) (Extérieur)

Comparaison
Architecture
Conception intiale
Tests Architecture R1 Tests Architecture R1 simulation –
Architecture (Équipe Core)
de capacité (Équipe Core) de capacité (Équipe Core) mesuré
(Équipe Core)

Standard Mesure
Mesure
Standard DVB-SH de performances
Lien satellite DVB-SH
synchronisme
et spécifications S avec
(hélicoptère)
(P1) hélicoptères

Répéteur Répéteur
Mesure Répéteur Mesure Répéteur
Validation
de couverture DVB-SH R1 de performances DVB-SH R2
sur borne GSM DVB-H
(P0,P1) (P1) (Extérieur) (P1)
client
(P1)

Vérifications
Terminal Terminal Tests de latence Terminal
des
DVB-SH R1 et de rapidité DVB-SH R2
de réception (P3) (P1) (P3)
performances
(P3)

Composant Tests sous pointe


Composant DVB-SH R2 et intégré
terminal (P4) (P3,P4)

• Unsystème complexe Le système est donc développé en parallèle


à maturation parallèle avec trois niveaux d’itérations prédéfinis R0,
R1 et R2. Chaque itération permet d’évaluer
Le système comprend plusieurs niveaux : les la convergence de l’ensemble du système par
liens satellite-borne, le réseau terrestre, les rapport au besoin. Pour chaque niveau évo-
terminaux, les composants de réception et de luant indépendamment, le développement
décodage. Il n’est pas envisageable de définir suit une procédure de type cycle en V. Le
rigoureusement les niveaux les uns après les tableau ci-dessus identifie les spécifications et
autres. À cette complexité s’ajoute celle de la les moyens de vérification ou de validation. ■
coordination des partenaires P1, P2, P3 et P4.

183
Outil 55 L’analyse des défaillances
Le diagramme en arêtes d’Ishikawa
pour l’analyse d’un défaut observé

Matières Méthodes Machines

Cause Cause
Cause Cause
Cause Cause
Défaut
observé

Cause Cause
se

se
au

au

Cause
-c

-c
us

us
So

So

Milieu Main-d’œuvre

En résumé I n sigh t s
L’analyse des défaillances englobe des outils permet- Failure analysis encompasses tools to analyse, to
tant d’analyser, de prévoir et de corriger les anticipate and to correct possible failures of a process,
défaillances d’un procédé, d’un produit, d’un service a product, a service or a system. The fish bone dia-
ou d’un système. Le diagramme en arêtes d’Ishikiwa gram of Ishikiwa in particular allows to search for the
en particulier permet de rechercher les causes d’un main causes of a observed defect.
défaut observé.

184
55
8 • Concevoir un produit

Outil
Pourquoi l’utiliser ? Méthodologie et conseils
Le classement en familles de causes peut
s’appuyer sur les 5 M : matières (entrants
Objectif fondamentaux), matériel (machines, équi-
Le diagramme d’Ishikawa aide à détermi- Il n’y a pas pements, logiciels), méthodes (modes opé-
ner les causes d’un phénomène dégradant ratoires), milieu (environnement) et main-
de hasard…
la qualité d’un procédé, d’un produit ou d’œuvre (l’humain). Aux 5 M peuvent
d’un système. Il est surtout utilisé dans le seulement s’ajouter trois autres M selon le type de
cadre de la résolution de problèmes. défaut observé : les mesures, les moyens
des imprévus.
financiers et le management.
Contexte La défaillance observée peut être la consé-
quence d’une cascade de causes. Pour
Sur les routes tracées du plan de dévelop-
simplifier, il est préférable de préciser dès
pement, l’apparition d’un problème de
le départ la profondeur de l’analyse : 2, 3
fonctionnement, d’une panne ou d’un voire 4 (c’est-à-dire cause de cause de
défaut de performance est malvenue et trai- cause de cause).
tée dans l’urgence. Malheureusement les La sélection des causes principales néces-
défauts ont souvent des causes multiples et site de mettre en œuvre des savoir-faire
dépendantes. variés : analyse statistique des retours
Plutôt qu’une analyse individuelle et une (dont le diagramme de Pareto), observa-
correction ponctuelle, il est préférable de tions et mesures sur produits défectueux,
rassembler un groupe de travail compétent simulation des effets d’une cause, modifi-
pour rassembler l’ensemble des causes cations afin de vérifier une hypothèse, etc.
possibles. Cette méthode est inspirée d’un L’analyse d’un problème selon le diagramme
théoricien de la qualité, Kaoru Ishikawa. d’Ishikawa est une première étape vers
Elle s’inscrit dans la ligne des cercles de l’apprentissage et l’appropriation des outils
qualité. de l’analyse des défaillances. Pour les systè-
mes complexes, il est nécessaire de recourir
aux arbres d’erreurs et aux AMDECs (voir

Comment l’utiliser ? page suivante). Ceux-ci prennent en compte


les interdépendances entre les causes.

Étapes Avantages
• Décrire le défaut constaté de manière
exhaustive (voir les questions QQOQCCP) ✔ Faire participer l’équipe à l’analyse d’un
problème.
• Constituer un groupe de travail réunis-
sant un large spectre de compétences. ✔ Construire une vue exhaustive des causes
possibles.
• Inventorier les causes possibles (brains-
torming).
• Classer les causes en familles et sous- Précautions à prendre
familles.
✔ Prévoirun document annexe pour détailler

...
• Trier en évaluant la probabilité et l’effet les causes inventoriées.
de chaque cause.
• Vérifier les opinions.
• Proposer les causes principales.

185
Outil 55 L’analyse des défaillances (suite)

Comment être plus efficace ?

L’analyse des modes de défaillance, de Les effets


leurs effets et de leur criticité (AMDEC) Dans cette étape sont répertoriées les
L’AMDEC est une technique d’analyse struc- conséquences des défaillances retenues
turée de travail en groupe pour détecter les précédemment. Les effets concernent le
défaillances et leurs effets, et définir les fonctionnement du produit mais aussi la fia-
actions à entreprendre pour les supprimer. bilité, la disponibilité, la sécurité et la main-
Utilisée initialement pour l’analyse des sys- tenabilité.
tèmes militaires américains en 1940, elle est
récupérée par l’industrie aérospatiale en La criticité
1960. L’AMDEC est devenue partie inté- Un tableau est constitué pour répertorier
grante des outils qualité et est utilisée dans l’ensemble des défaillances et leurs effets
de nombreux secteurs industriels. détaillés. Pour chaque ligne, il faut évaluer
Bien que similaires dans leur déroulement, la gravité (G), la probabilité d’apparition ou
il existe plusieurs AMDEC selon l’objet étu- la fréquence (F) ainsi que le degré de non-
dié : procédé, produit, système, etc. détection de la défaillance (ND).
Il est préférable de déterminer précisément
Les défaillances et leurs modes les niveaux d’évaluation avant toute ana-
L’AMDEC débute par une analyse fonction- lyse. Par exemple, les niveaux de gravité G
nelle complète. Il faut ensuite bien distinguer peuvent être : 1 – panne occasionnelle et
les domaines de l’objet étudié (prenons un supportable, 2 – défaut gênant pouvant être
moteur par exemple), de celui des effets (la réparé à distance, 3 – obligation d’envoyer
voiture tombe en panne) et du domaine des un réparateur, 4 – obligation de remplacer
causes (défaillance d’un piston). Ces derniè- le produit. Pour le paramètre ND : 1 – détec-
res peuvent aussi être l’objet d’une AMDEC tion à 100 %, 2 – détection dans 30 % des
composant. cas, 3 – détection aléatoire, 4 – pas de
Les fonctions sont ensuite étudiées une à détection.
une. Il existe typiquement 5 modes de La criticité de la défaillance est exprimée
défaillance génériques : perte totale, fonc- par le produit des trois paramètres G x F
tionnement intempestif, refus de s’arrêter, x D. Les défaillances à haute criticité font
refus de démarrer, mode dégradé. Pour l’objet d’une gestion des risques : le pro-
chaque mode, il faut inventorier les causes blème peut être corrigé, prévenu, anticipé
possibles (avec un diagramme Ishikawa par par une solution de remplacement ou
exemple). accepté en l’état.

186
55
8 • Concevoir un produit

Outil
Cas de L’AMDEC d’un émetteur optoélectronique

Mode
Fonction Effets Contrôle Causes G F ND C Action
de défaillance

Émettre Dérive de Atténuation Mesure Échauffement Sélection épitaxie


un rayonnement la longueur dans les filtres en sortie Épitaxie 3 1 3 9 Contrôle système
lumineux d’onde Propagation de filtre
détériorées

Défaut de fabrication
Pas Perte de contact
Puissance faible Mesure Réseau Bragg Sélection
de rayonnement 4 1 2 8
ou nulle de puissance défectueux back-end
laser
Désalignement

Contact électrique
Moduler Contraste Propagation Mesure
Signal éléectique 2 2 1 4 Risque accepté
le rayonnement insuffisant détériorée de puissance
inadapté
Épitaxie
Propagation Signal électrique
Chirping Aucun appliqué 3 1 4 12 Contrôle système
détériorée
Échauffement

• Le produit • L’AMDEC

L’AMDEC est réalisée lors de la conception Une partie du tableau de l’AMDEC est illus-
d’un module destiné à émettre une lumière trée ci-dessus. Il est réalisé par une équipe
modulée selon des informations binaires pour constituée du chef de projet, du responsable
être ensuite propagée dans de la fibre optique. qualité, du chargé de produit marketing, du
Il est constitué d’un laser semi-conducteur, responsable de fabrication et d’un ingénieur
d’un circuit de refroidissement, d’un circuit système qui représente l’utilisateur.
électronique de commande, d’une photodiode Un certain nombre d’actions sont mises en
pour mesurer la puissance moyenne et d’un place suite à cette AMDEC. D’une part, la
dispositif de couplage entre le laser et la fibre sélection des composants sera renforcée en
optique. La lumière émise doit être un signal mettant en place des bancs de mesure spéci-
laser centré autour de la longueur d’onde de fiques. D’autre part, le suivi du système global
1,55 µm. intégrant ce module sera modifié pour prendre
en compte des défaillances difficiles à mesurer
autrement comme le chirping. ■

187
Glossaire

Acronymes français
AFIS Association Française d’Ingénierie Système
Afnor Agence Française de Normalisation
AMDEC Analyse des modes de défaillances, de leurs effets et de leur
criticité
ANR Agence Nationale de la Recherche
APT Aide au partenariat technologique (OSEO)
ATER Attachés temporaires d’enseignement et de recherche
AVR Avance remboursable
CCSD Centre pour la Communication Scientifique Directe
CdCF Cahier des Charges Fonctionnel
CEA Commissariat à l’énergie atomique
CE ou CEE Communauté des États européens
CIR Crédit d’impôt recherche
DGC Direction générale de la concurrence de la Commission euro-
péenne
DGE Direction générale des entreprises
EPA Établissement public à caractère administratif (École polytech-
nique, académie des technologies…)
EPIC Établissement public à caractère industriel et commercial
(ADEME, CEA, IFREMER,…)
EPST Établissement public à caractère scientifique et technologique
(CNRS, INRA, CEMAGREF, INSERM…)
FP7 7e programme cadre de la CEE
FUI Fonds unique interministériel
FoPASPI Formation, Publications, Acquisition de savoir-faire, Standards,
Produits, Image
GIP Groupement d’intérêt public (ANR par exemple)
GPEC Gestion prévisionnel des emplois et des compétences

188
Glossaire
INIST Institut de l’Information Scientifique et Technique
JEI Jeune Entreprise Innovante
INPI Institut National de la Propriété Intellectuelle
ISI Projets collaboratifs d’Innovation Stratégique Industrielle (OSEO)
R&D Recherche et développement
RDI Recherche, développement et innovation
MOE Maîtrise d’œuvre
MOA Maîtrise d’ouvrage
OEB Office Européen des Brevets
OMPI Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle
PCG Plan comptable français
QQOQCCP Qui fait Quoi ?, Où ? Quand ? Comment ? Combien ? et
Pourquoi ?
PI Propriété intellectuelle
PME Petite et Moyenne Entreprises
TRI Taux de rentabilité interne
VAN Valeur Actualisée Nette

English acronyms
DGC Directorate General for Competition
DoE Design of Experiment
EPSS Electronic Proposal Submission Service
FAST Function Analysis System Technique
FMEA Failure Mode and Effects Analysis
FP7 7 th frame program
FRAND Fair, Reasonable And Non Discriminatory
JTI Joint Technology Initiative
IAS International Accounting Standard
IP Integrated Project
ISO International Standard Organisation
ISI Institute of Scientific Information
MSA Multi Source Agreement
NDLTD Networked Digital Library of Theses and Dissertations
PERT Programme Evaluation and Review Technique
PMI Project Management Institute
RAND Reasonable And Non Discriminatory
SCI Science Citation Index
STREP Specific Targeted Research European Projects
USPTO United States Patent and Trademark Office
W3C World Wide Web Consortium
WBS Work Breakdown Structure

189
Bibliographie

Y. DE KERMADEC, P. BREESE, La propriété intellectuelle au service de l’inno-


vation, 2e édition, Repères pratiques, Nathan, 2010
CÉCILE DEJOUX, Gestion des compétences et GPEC, Collection Les Topos,
Dunod, 2008.
“Innovation 2007, A BCG Senior Management Survey”, J.-P. ANDREW,
H.L. SIRKIN, K. HAANAES, D.C. MICHAEL, publié par le Boston Consulting
Group (www.bcg.com/documents/file15063.pdf)
GÉRARD LANDY, AMDEC. Guide pratique, 2e édition, Éditions Lavoisier,
2007.
J. TIDD, J. BESSANT, K. PAVITT, Managing innovation: integrating technolo-
gical, market and organizational change, 3e édition, John Wiley & Sons,
2005.
S. FERNEZ-WALCH, F. ROMON, Management de l’innovation : de la straté-
gie aux projets, Vuibert, 2006.
GUY AZNAR, Idées, 100 techniques de créativités pour les produire et les
gérer, Éditions d’Organisation, 2005.
G. ALTSHULLER, 40 Principes d’Innovation, traduit du russe et édité par
A. Sérédinski, 2004.
J. ANTONY, Design of Experiments for Engineers and Scientists, Éditions
Butterworth-Heinemann Ltd, 2003.
HAROLD KERZNER, Project Management, a system approach to planning,
scheduling and controlling, 8e édition, Éditions John Wiley & Sons, 2003.
Manuel de Frascati, 6e édition, Éditions OCDE, 2002
P.G. SLITH, D.G. REINERSTSEN, Developing products in half the time: new
rules, new tools, 2e édition, Éditions John Wiley & Sons, 1998.

190
Bibliographie
Page de collection à venir

191
Achevé

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