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Imagerie médicale

Indications de l’examen
tridimensionnel par
CBCT avant l’avulsion
de la 3e molaire
mandibulaire
Depuis son introduction en odontologie dans les années 2000, la
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tomographie volumique à faisceau conique de la face ou CBCT


(Cone Beam Computed Tomography) est devenue un examen
complémentaire très accessible aux chirurgiens-dentistes, Nour KHATTAB
notamment avec l’augmentation du nombre de machines dans les Interne DESCO
cabinets dentaires [1]. Par conséquent, son usage par les praticiens Paris V

s’est considérablement accru ces dernières années, particulièrement


Ihsène TAIHI-NASSIF
lorsqu’il s’agit de l’avulsion de la 3e molaire mandibulaire. MCU-PH en chirurgie orale
Cependant, dans un souci de radioprotection de ses patients, le Paris V
praticien doit justifier de l’indication et du choix de la technique
d’imagerie en s’appuyant sur les éléments de l’examen clinique ainsi
que sur le cliché panoramique dentaire de première intention.

L
L’avulsion des 3 es molaires, commu-
nément appelées « dents de sagesse »,
et plus spécifiquement celle des
3es molaires mandibulaires (3es MM),
est une procédure chirurgicale très
fréquente. Elle représente 95 % des
extractions dentaires chez les jeunes
hospitaliers spécialisés), avec près de
400 000 interventions comptabilisées
sur l’année 2013 [3].
Lorsque l’indication d’avulser la 3e MM
est posée, cette dernière peut présenter
de multiples situations cliniques.
l Selon le degré de rhizagenèse : la
la muqueuse (dent sous-muqueuse),
soit par de la muqueuse et du tissu
osseux (dent intra-osseuse) ;
– retenue ou enclavée : lorsque l’érup-
tion s’est arrêtée du fait d’un obstacle.
Une partie de la couronne de la 3e MM
peut devenir visible en arrière de la
entre 16 et 21 ans aux États-Unis [2]. 3e MM peut être un germe ou une dent 2e molaire, on dira que la dent est en
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En France, selon les données de la mature avec une rhizagenèse achevée. désinclusion ;
Caisse Nationale d’Assurance Maladie l Selon sa position, elle peut être (fig. 1 – sur arcade : lorsque la couronne est
des Travailleurs Salariés (CNAMTS), les à 3) : complètement visible.
avulsions des dents de sagesse sont en – incluse : lorsque le sac péri-coro- Dans la littérature, la probabilité
nette augmentation ces dernières naire de la 3e molaire mature ne pré- de rétention de la 3e MM est estimée
années, quelle que soit la structure sente pas de communication avec la à 57,58 % des cas, sans différence
d’accueil (cabinets de ville, centres de cavité buccale. Dans ce cas, la 3e MM observée entre les hommes et les
santé, établissements privés, services est recouverte soit uniquement par de femmes [4].

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1 à 3 Différentes positions de la 3e MM lors de l’indication d’extraction.

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1 Troisième MM incluse. 2 Troisième MM enclavée ou retenue. 3 Troisième MM sur arcade.

L’avulsion des 3es MM peut présenter des indications laire dans le but d’évaluer la difficulté de l’intervention
d’ordre thérapeutique ou préventif. Les nouvelles et d’adapter sa décision thérapeutique (avulsion
recommandations de la Haute Autorité de Santé complète de la dent, coronectomie ou abstention
(HAS) (mai 2019) préconisent l’avulsion des 3es MM thérapeutique). Cette analyse doit se faire en respec-
après évaluation du rapport bénéfice/risque, dans tant les principes de radioprotection : justification de
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les cas suivants [3] (fig. 4 à 12). l’indication, limitation des doses et optimisation (prin-
l 3e molaire non conservable en présence d’un symp- cipe ALARA : As Low As Reasonably Achievable).
tôme et/ou à cause d’une pathologie liés à cette dent : Le panoramique dentaire, malgré ses limites en ter-
fracture ou pathologie carieuse (fig. 4) sans possibilité mes de déformation des structures et de superposi-
de reconstitution, pathologie pulpaire ou péri-apicale tions, représente l’examen complémentaire avec le
(fig. 5), pathologie infectieuse – péri-coronarite réci- plus de recul et, par conséquent, le plus utilisé. il
divante (fig. 6), abcès, cellulite... –, ou pathologie kys- permet d’apprécier les rapports du canal mandibu-
tique (fig. 7), tumorale ou parodontale (fig. 8). laire avec les apex dentaires dans le sens vertical. Il
l Germe de 3 e molaire non susceptible d’évoluer est indiqué systématiquement avant l’avulsion de la
favorablement, dans le but d’anticiper les difficultés 3e MM [3]. Une méta-analyse récente montre l’ab-
ou complications potentielles futures liées à l’édifi- sence de supériorité du CBCT dans la prévention
cation des racines (fig. 9). des lésions du NAI en comparaison avec le panora-
l En présence de résorption de la dent adjacente ou mique dentaire [7]. Cependant, certaines situations
en prévention d’une telle résorption (fig. 10). radiologiques, notamment la superposition des apex
l En présence d’un risque local de pathologie paro- dentaires avec le canal mandibulaire ou une néces-
dontale sur la 2e molaire (fig. 11). sité d’analyser la dimension vestibulo-linguale,
l 3e molaire perturbant l’occlusion ou non fonction- nécessitent le recours au CBCT. Les autres indica-
nelle (sans antagoniste) (fig. 12). tions du CBCT seront détaillées plus loin.
l L’avulsion d’une 3e molaire n’est pas recomman-

dée pour prévenir l’encombrement antérieur.


Cependant, comme tout acte chirurgical, l’avulsion de
Le CBCT, caractéristiques
la 3e MM comporte des risques de complications, et méthode
dont la plus redoutable est l’hypo-esthésie labio-men- La tomographie volumique à faisceau conique de la
tonnière, liée à une lésion réversible ou irréversible du face ou CBCT (Cone Beam Computed Tomography)
nerf alvéolaire inférieur (NAI). Le facteur de risque est une technique radiographique qui autorise une
majeur d’une lésion du NAI est le positionnement imagerie de l’ensemble du complexe maxillo-facial.
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des racines de la 3e MM par rapport au canal mandi- Apparue dans les années 1990 [8], le CBCT – con-
bulaire [5]. L’incidence d’une atteinte du NAI dans les trairement au scanner traditionnel qui effectue plu-
7 jours suivant la chirurgie de la 3e MM est de 1 à 5 %, sieurs coupes linéaires – réalise une seule rotation et
alors que la persistance de l’atteinte du NAI au-delà envoie un faisceau ouvert, conique, lui permettant
de 6 mois post-opératoires peut atteindre 0,9 % [6]. de balayer l’ensemble du volume. Ce volume peut
Il est donc indispensable de prévenir cette complica- donc être exploré dans les différents plans de
tion par une analyse radiologique pertinente du rap- l’espace grâce à un logiciel adapté. Ainsi, les doses
port des racines de la 3e MM avec le canal mandibu- d’exposition du CBCT sont 1,5 à 12 fois plus faibles

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4 à 12 Les principales indications d’avulsion de la 3e molaire selon les recommandations de la HAS (mai 2019).

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que celles du scanner médical conventionnel, avec Présence d’une lésion ostéolytique
des performances techniques en termes de préci- ou ostéo-condensante
sion qui sont comparables au scanner [9]. La présence d’une lésion ostéolytique sur une
En 2009, la reconnaissance du CBCT par la HAS 3e MM est liée à une perte de densité osseuse cau-
comme bon outil à part entière de la pratique odon- sée par un processus de résorption. Ceci est sou-
tologique a permis sa large diffusion en France. En vent causé par les tumeurs ou les kystes des maxil-
2012, cette technique est entrée dans le cadre de laires (fig. 13 et 14). Parmi ces derniers, on retrouve
remboursement par la CCAM quand il s’agit d’une le plus fréquemment le kyste inflammatoire apical
indication à visée diagnostique et non implantaire (78 % des kystes des maxillaires) et le kyste follicu-
(Code CCAM : LAQK027). laire (12 %) [11].
Dans le cadre des avulsions des 3 es MM, le CBCT Concernant les 3es molaires incluses, la prévalence
devient peu à peu le moyen privilégié de leur explora- des tumeurs et des kystes odontogéniques est
tion, remplaçant ainsi le scanner [1]. Cependant, son estimée à 5,3 % (0,5 % et 4,4 % respectivement).
indication ne doit pas être systématique et doit se limi- Les kystes inflammatoire apicaux touchent à
ter seulement aux cas pour lesquels les bénéfices médi- eux seuls 4,7 % des 3 es molaires incluses, alors
caux seront suffisants, en regard du risque encouru que les kystes folliculaires touchent 2,1 % de ces
avec l’exposition aux rayonnements ionisants [10]. dents [12].
Concernant les lésions ostéo-condensantes, ces
entités restent très rares en rapport avec la
Indications du CBCT dans le 3e MM. Citons principalement les odontomes, avec
cadre de l’avulsion des 3es MM une prévalence estimée à 0,1 % des 3es molaires
La HAS a publié en 2019 des recommandations de incluses [12].
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bonne pratique concernant l’avulsion de la


3e molaire et définissant les indications de l’examen
radiographique tridimensionnel. Ces indications sont
énumérées et illustrées ci-dessous [3].

13 et 14 Patiente de 36 ans en bonne santé générale, présentant un kyste osseux solitaire mandibulaire droit.

13

13 Panoramique dentaire montrant une volumineuse lésion


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ostéolytique en rapport avec les racines de la 48, se


superposant au nerf alvéolaire inférieur.

14

14 CBCT indiqué pour définir les limites de la lésion ainsi que


sa relation avec le nerf alvéolaire inférieur (NAI marqué en
rouge).

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Lorsque les radiographies conventionnelles suggèrent un lien direct entre la 3e MM et le
canal du NAI (fig. 15 à 19)

15

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18

15 Panoramique dentaire montrant une superposition de la 48


avec le canal mandibulaire.
16 CBCT indiqué. On observe un rapport étroit avec le NAI qui
est positionné en vestibulaire par rapport à la 48.
17 Patiente de 39 ans, en bonne santé générale. Superposition
de la 48 avec le canal mandibulaire, avec un obscurcissement
de la racine mésiale. Indication de réaliser un CBCT pré-
opératoire.
18 et 19 Patiente de 17 ans, en bonne santé générale.
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18 Panoramique dentaire montrant un détournement et une


interruption de la ligne corticale du canal mandibulaire en
regard des apex de la 48.
19
19 CBCT indiqué.

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Pour préciser les rapports


anatomiques de la dent avec les
structures voisines : dents
adjacentes (fig. 20 et 21)

20 et 21 Patient de 25 ans, en bonne santé générale.

20 21

20 Panoramique dentaire montrant une superposition de la 48 21 CBCT indiqué : pas de résorption radiculaire au niveau
avec la racine distale de la 47. de la 47.
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Non-indications du CBCT l en présence de germes des 3es molaires (fig. 23


et 24).
Le CBCT n’est pas indiqué dans les deux cas sui-
vants [13] :
l lorsque les racines dentaires sont éloignées du

canal mandibulaire (fig. 22) ;

25 Schéma récapitulatif des indications et non-indications du


CBCT avant l’avulsion de la 3e MM.

22
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22 Panoramique dentaire avec 48 à distance du canal


mandibulaire. CBCT non indiqué.
23 Panoramique dentaire montrant les 38 et 48 à l’état de
germe (stade 4 de Nolla). CBCT non indiqué.
24 Panoramique dentaire montrant les 38 et 48 à l’état de
24
germe (stade 7 de Nolla). CBCT non indiqué.

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En résumé
(fig. 25)

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Conclusion décision de recourir ou non au CBCT. Ce dernier


n’est pas recommandé si les informations utiles peu-
Plusieurs études ont démontré l’efficacité diagnos- vent être apportées par la radiographie convention-
tique du CBCT pour aider à préciser la position et les nelle 2D moins irradiante (panoramique).
rapports de certains éléments anatomiques, et Concernant l’indication d’un CBCT préopératoire
notamment ceux du canal mandibulaire avec la avant l’extraction de la dent de sagesse maxillaire,
3e MM incluse. Cette évaluation était satisfaisante celui-ci doit être effectué dans des cas exception-
et nettement supérieure à la radiographie panora- nels et après évaluation du rapport bénéfice/risque.
mique [3]. En effet, les informations apportées par la radiogra-
Le jugement clinique du praticien, fondé sur l’anam- phie panoramique restent dans la plupart des cas
nèse, l’examen clinique et l’interprétation des clichés suffisantes pour poser l’indication de l’avulsion et
radiographiques de première intention, oriente la effectuer cet acte dans les meilleures conditions. l

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