Vous êtes sur la page 1sur 7

Aux origines de la langue française,

par Frédéric MALMARTEL

Pourquoi la langue française n'est pas une langue latine.

Le but de cet exposé est de démontrer que contrairement à une légende qui a la vie dure, la
langue française n'est pas issue de la langue latine. Ce qui a pour conséquence que ce que
l'on nous raconte sur la signification des mots "issus" du latin est tout simplement faux!

A Monsieur Aurégan.

I.

LA BELLE LEGENDE

Nous avons tous appris à l'école la fable suivante:

En 52 avant Jésus Christ, Jules César envahit la Gaule, alors Celte.


Puis les Gaulois vont oublier purement et simplement leur langue celtique pour parler le latin!

En 476 après Jésus Christ lorsque l'Empire Romain d'Occident disparaît, le territoire qui
deviendra la France est alors peuplé de Gallo-Romains parlant tous latin et qui assimiliront
rapidement les Francs et autres Wisigoths égarés dans le secteur! Ces derniers se mettant à parler
sagement latin, comme tout le monde, non mais sans blague!

Bref au Vem, VIem, VII siècle et suivants l'ensemble des habitants de la Francia Occidentalis
parlent un excellent latin qui toutefois va petit à petit dégénérer.

Nos ancêtres les Gaulois, mélangés d'envahisseurs divers auraient donc gentillement oublié leur
langue celtique originale pour se mettre à parler le latin. D'abord parfaitement (!), puis de moins
en moins bien, jusqu'à ce que leur langue devienne... le français.

II.

LES ANOMALIES

La gentille fable racontée ci-dessus comporte trois principales anomalies:

1. La supposée langue celtique de nos ancêtres les Gaulois n'a pas pu disparaître ainsi.

o La langue française ne compte aujourd'hui, en tout et pour tout que...50 mots


d'origine gauloise

o En dehors de la Bretagne colonisée seulement APRES après la chute de l'Empire


Romain d'Occident, il n'existe aucune région en France où soit attesté l'usage d'un
dialecte celtique à travers l'Histoire.

Si l'ensemble des habitants de la Gaule avaient parlé une langue celtique jusqu'en 52
avant Jésus Christ, il serait forcément resté dans la France d'aujourd'hui, bien plus que
50 mots d'origine gauloise! Et l'usage de dialectes celtiques aurait aussi perduré dans le
temps dans de nombreux coins de France.

Les habitants de la Gaule n'ont JAMAIS parlé une langue celtique, ni avant ni après
l'invasion romaine.

2. L'écart existant entre les langues française et latine est bien trop important pour que
le français soit issu du latin.

o Nous savons aujourd'hui lire, pratiquement sans difficulté, un texte de Montaigne


(1533-1592 ) qui a 500 ans d'âge. Nous devrions donc, en toute rigueur être
capables, sinon de lire, au moins de déchiffrer et de comprendre le sens général
d'un texte latin du Vem siècle, la distance temporelle séparant Montaigne du Vem
siècle n'étant que deux fois celle qui nous sépare de Montaigne. Or, nous savons
que ce n'est pas du tout le cas.

o Le français médiéval du XIem siècle ne comprend pratiquement pas de


déclinaisons. Or le latin en comporte six.. Il est difficile d'envisager une telle
simplification de notre langue en seulement cinq siècles. Les langues à
déclinaisons que nous connaissons aujourd'hui en Europe, allemand ou russe par
exemple, ne se sont pas simplifiées à cette vitesse! pourtant les états qui les ont
portées ont subi ces cinq derniers siècles largement autant d'invasions
destructrices, que la Gaule n'en connu entre les cinquième et onzième siècle.

L'immense majorité des habitants de la Gaule n'a JAMAIS parlé le latin

3. L'existence des variantes dialectales présentes en France est incompatible avec une
origine unique, latine, de toutes ces langue ou dialectes, dits "latins".

Raisonnons par l'absurde et imaginons que la Gaule ait parlé uniformément latin à la fin
du Vem siècle. Des variantes dialectales se seraient alors créées, correspondantes aux
entités politiques ou de civilisations apparues entre la fin de l'Empire Romain et
aujourd'hui. Or, entre le Vem siècle et aujourd'hui, AUCUNE entité politique ou de
civilisation n'a jamais englobé dans un même ensemble la Wallonie, l'ïle-de-France et la
Suisse Romande. Or ces trois régions pratiquent des "dialectes", très proches, à savoir,
pratiquement le français classique.

La conclusion est que:

Les lignes de séparation existantes entre les dialectes dits "latins" de la langue
française sont ANTERIEURES à la colonisation de la Gaule par les Romains.

Elles correspondent à des séparations de populations ayant eu lieu avant la conquête de


la Gaule par les Romains.

III.

LE SCENARIO LE PLUS VRAISEMBLABLE

Des anomalies décrites ci-dessus, nous déduisons le scénario le plus vraisemblable.

Le scénario le plus probable est le suivant:


Autour de 2000 avant Jésus Christ, les Indo-Européens arrivent en Europe.
Parmi ces derniers, il y a une population "proto-latine" c'est à dire parlant une langue dont seront
issus plus tard le français ET le latin.
Les Proto-Latins s'installent entre autres, en Gaule comme en Italie.
Autour de 800 avant Jésus Christ, des Celtes conquièrent la Gaule. Ils s'assimilent rapidement au
peuple conquis et se mettent à parler eux-même, entre eux et avec les peuples qu'ils ont soumis
une langue proto-latine qui n'est autre qu'un très vieux français.
Les envahisseurs de langue celtique vont s'assimiler au peuple qu'ils ont conquis et pratiquer sa
langue exactement comme plus tard les Normands s'assimileront aux Français et oublieront leur
langue germanique pour ne pratiquer que le français.
En 52 avant Jésus Christ, les Romains conquièrent la Gaule.
Les habitants de la Gaule d'alors qui en ont besoin, n'ont aucun mal à parler le latin qui est une
langue proche de la leur. Ces gens sont les commerçants, les politiques, les militaires mais PAS
l'ensemble de la population.
Les habitants de la Gaule qui en ont besoin vont se mettre à pratiquer le latin d'autant plus
facilement que cette langue est proche de la leur. Il s'est passé ce qui se passera plus tard, par
exemple en Ukraine où, à l'époque de l'Union Soviétique, les Ukrainiens qui voulaient faire
carrière se mettaient aisément au russe, sans que pour autant l'Ukraine ne devienne globalement
russophone.
Puis, lorsque l'Empire Romain s'efface, les habitants de la Gaule arrêtent de pratiquer le latin
comme seconde langue, pour ne plus parler que l'ancien français.

Un scénario compatible avec les anomalies pointées ci-dessus.

Avec ce scénario, il n'y a plus d'anomalie.

1. La langue de nos ancêtres habitant la Gaule avant l'arrivée des Romains ne disparaît pas.

Cette langue, plus proche du vieux-français du Moyen-Âge que du latin, va simplement évoluer
vers... le français tel qiue nous le parlons.

En dehors de la Bretagne tardivement colonisée, il n'y aucune trace de pratique d'un quelconque
dialecte celtique en France pour la simple raison que, dans aucune région, les habitants de notre
pays n'ont jamais parlé durablement de langue celtique!

2. L'écart existant entre les langues française et latine s'explique.

Dans ce scénario, le latin n'est pas l'ancêtre de la langue française mais seulement une langue
"soeur" ou "cousine"! Le français et le latin ont simplement un ancêtre commun qui est une
langue proto-latine. Le français se sépare du latin non pas il y a 1500 ans comme on voudrait
nous le faire croire, mais peut-être il y 4.000 ou 5.000 ans, voire plus, bien avant, en tout cas, la
conquête de la Gaule par César. On comprend bien alors l'écart important qui existe entre les
deux langues.

3. L'existence des variantes dialectales présentes en France se comprend.


Les séparations des population pratiquant par exemple langue d'Oc et langue d'Oïl, se sont faites
à des périodes antérieures à la conquête romaine. Il est même possible que la séparation entre ces
langues soit apparue AVANT que les peuples qui les parlent n'occupent la Gaule!

IV.

CONSEQUENCES.

Cette thèse a plusieurs conséquences.

Je laisse au lecteur le soin de les envisager. Je citerai les deux principales.


1. La première est non des moindres, est redoutable, puisqu'elle est tout simplement
que...L'ENSEMBLE DE NOS DICTIONNAIRES SONT FAUX!

Je parle pour ce qui concerne l'étymologie. Pour expliquer l'origine de la plupart des mots de
notre langue, les auteurs de nos dictionnaires font appel au latin et pensent sottement tomber
juste, puisque le mot latin ressemble bien souvent au mot français!

C'est ainsi que le mot "Ourse", pour nos dictionnaires est censé venir du latin "Ursa"; alors que la
forme originelle indo-européenne "rksos" est franchement aussi proche du français que du latin!

2. La deuxième conséquence est blessante pour notre amour-propre, puisqu'elle est que: NOUS
NE SOMMES PAS, NI PAR LA CULTURE NI PAR QUOI QUE CE SOIT D'AUTRE,
LES DESCENDANTS DES FIERES LEGIONS DE ROME OU DES BRILLANTS
ECRIVAINS LATINS!

Nos ancêtres les Gaulois ont pratiqué à un moment de leur histoire, le latin, comme seconde
langue, pour avoir accès à toutes les richesses de l'Empire Romain, celà d'autant facilement que la
langue internationale de l'époque était proche de leur langue maternelle, un facteur qui explique
parmi d'autres, la réussite de l'intégration, comme nous dirions aujourd'hui(!), des Gaulois à
l'Empire! Puis lorsque l'Empire a disparu les Gaulois ont tout simplement cessé de parler latin
pour que ne le conserver qu'à l'état de langue écrite...morte!
Nous ne sommes pas plus les descendants des Romains que les Ukrainiens ne sont ceux des
Russes!

V.

POURQUOI UNE TELLE ERREUR?

Les paramètres de l'exacte solution de l'origine de la langue française sont assez simples, et
somme toute connus depuis longtemps des historiens comme des linguistes. On est alors en droit
de se demander POURQUOI, pourquoi tant d'aveuglement au cours de tant de siècles, dans
l'erreur!

Les erreurs tenaces ne sont pas rares en Histoire, leur cause est souvent que, simplement, elles
rendent service! Elles apportent des certitudes là où l'on souhaite en avoir et gratifient les gens
qui souhaitent l'être!

L'erreur de nos linguiste consistant à faire passer le français pour une langue latine rend service.
Elle nous permet de trouver des origines à notre langue et accessoirement d'asseoir l'autorité de
ceux qui prétendent connaître les origines de la langue française puisqu'ils connaissent le latin.
VI.

TRAVAUX ULTERIEURS

Il sera intéressant de réfléchir à l'origine des autres langues, dites "latines":

- espagnol,
- catalan ( Andorre ),
- portugais,
- italien,
- romanche ( Suisse ),
- roumain,
- moldave ( Moldavie )

pour ne prendre que les langues ayant un statut de langue officielle à l'échelle d'un état.

Il est probable que ces langues ont une origine semblable au français, et ne descendent pas plus
que lui du latin.

A noter le cas particulier du roumain et du moldave, qui reprennent beaucoup de traits propres à
l'espagnol, et ont sûrement
été importées sur place, il y a 2000 ans, dans les bagages de légionaires de l'empereur Trajan
originaires de l'actuelle Espagne.

Retour au début de l'exposé.

Vous aimerez peut-être aussi