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Aux origines des

mathématiques Les éléments

Présentation par Élise Davignon


UTA050 – À la pointe du savoir
6 février 2020
«O mon roi en ce pays il y a des routes privées et des chemins
royaux, mais en géométrie, il n’y a qu’une voie pour tous.»

Ménechme, à Alexandre le Grand.


Proclus attribue une citation similaire à Euclide d’Alexandrie
plan de la présentation
chapitre I : la genèse des mathématiques
- en Amérique
- en Asie
- dans le bassin méditerranéen et en Europe
- en Grèce
chapitre II : les Éléments géométriques
- Livre I : définitions, propositions
- Livres II à IV
chapitre III : les nombres et les ratios
- Livres V à X
chapitre IV : au-delà
- Livres X à XIII
- Résonnances modernes
Chapitre I : la
genèse des
mathématiques
Un bref tour du monde (lacunaire) de l’historique des
mathématiques primitives.
Avis : l’histoire n’est pas ma discipline de prédilection. Il se peut que des erreurs
subsistent.
-3000 -2000 -1000 -500 0 500 1000 2000

Civilisations d’amérique centrale


Olmèques Teotihuacan, Maya Aztèques

Géométrie solide
Calendrier précis
Système de numération vicésimal
Zéro !

Amérique
Les Européens n’ont pas fait attention de préserver les traces et c’est très dur de savoir de
quoi ça avait l’air…
-3000 -2000 -1000 -500 0 500 1000 2000

Inde
Période Védique Période classique

Système de Combinatoire Zéro


numération, Géométrie Trigonométrie (!)
Grands nombres Hypoténuse (!) Système de numération moderne
2 Théorie des sommes infinies (!)
Maths très modernes…

Chine
Shang Zhou Qin Han Tang Song/Yuan Ming Qing

Système décimal Géométrie Positions décimales Zéro Importation


nombres négatifs théorique (!) Pi=3 ? 3.154 ? Combinatoire des maths
Arithmétique Rudimentaire Division, racines (triangle de occidentales
Pi=3.1415926 fractions pascal)
Algèbre linéaire
Thm. du reste

Asie
Les mathématiques en Inde

-800 à -200 : Śulba-Sūtras


règles pour la construction d’autels
Certaines connaissances géométriques
(Pythagore, par exemple)

IIe siècle av. J.C. : Pingala


Mathématicien qui découvre des notions d’analyse
combinatoire.

De 400 à 1600 : Période classique


Développement de la trigonométrie
Développement du système de numération moderne
(0, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9)
Début de calcul différentiel !

Manuscript Bakhshali
III-IVe siècles, Pakistan
Première apparition connue du zéro en Inde
Les mathématiques en Chine

Ca. -200 : Le tyran Qin ordonne de brûler plusieurs


livres
On ne sait donc pas grand-chose des maths avant ça.

Dynastie Han (environ -200 à 200)


Les Neuf Chapitres contiennent des problèmes
d’arithmétique, géométrie, proportions, etc.
Début de l’algèbre linéraire

Xe-XIIIe siècles : progrès en trigonométrie, géométrie


algébrique, théorie des nombres

Les Neuf Chapitres sur l’art Mathématique


IIe-Ier siècles av. J.-C.
Traité mathématique de la dynastie Han
-3000 -2000 -1000 -500 0 500 1000 2000

Égypte ancienne
Prédynastique Ancien, moyen, nouvel empire période romaine

Système de numération rudimentaire, arithmétique


Géométrie de base pour les travaux civils
Monde arabe

Géométrie, algèbre.
Transmission, conservation, extension des écrits grecs

Ancienne Mésopotamie
Sumer Akkad Babylone Perse

Système de Base 60 Géométrie, Calculs


numération, racines carrées, astronomiques
arithmétique hypoténuse (!!) Rome Europe Monde globalisé

Grèce

Système de numération rudimentaire.


Développement de la géométrie en système axiomatique rigoureux et étendu
Sections coniques, solides platoniciens. Début de la théorie des nombres.

Europe, Méditerranée, moyen orient


Système de numération des anciens égyptiens :
1 10 100 1000 10 000 100 000 1 000 000

Système «additif» : on trace le symbole autant de fois qu’il faut pour


obtenir la valeur désirée

Début du Papyrus Rhind


~ -1600 (Xve dynastie)

Reproduction d’un extrait du Papyrus de Moscou


~ -1700 (XIIIe dynastie)
Les anciens égyptiens avaient un système de numération et une
connaissance pratique de la géométrie.
Système sexagésimal =1 = 70 (ou 70/60, ou 70 x 60, ou…)
babylonien
= 10 Valeurs par positionnement
Chaque chiffre vaut 60 fois
Notation «additive» pour plus que la position à sa
Tablette YBC 7289 : droite.
les chiffres de 1 à 59
Entre -1900 et -1600 Ambiguïté !
Un carré, des diagonales et des nombres…

= 30

= 1 24 51 10

= 42 25 35
= 30

= 1 24 51 10

= 42 25 35

Conversion en notation décimale moderne


1 24 51 10 = 1 + 24/60 + 51/3 600 + 10/216 000 = 1,41421296
2 = 1,41421356

42 25 35 = 42 + 25/60 + 35/3 600 = 42,4263889


30 x 2 = 42,4264069
Mathématiques en grèce
Système de numération similaire à celui des romains
(I, II, III, IV, V, VI, VII, VIII, IX, X, etc.)

Géométrie très développée

Manuscrit D’Orville
Constantinople, 888
Aujourd’hui à la Bodleian Library
Propositions 5 à 7 du Livre III
Les treize livres des Éléments d’Euclide
Progrès des mathématiques dans le monde Arabe

Conservation et traduction en arabe des œuvres grecques

Développements importants de l’Algèbre (Al-Jabr)

Abrégé du calcul par la restauration et la comparaison


Bagdad, IXe siècle, Al-Khwarizmi
la géométrie dans l’antiquité grecque
Avant Euclide
Théétète d’Athènes
c. -417 à c. -391 ou -369
(incertain)
Théorèmes et constructions de
nombres irrationnels.
Ami de Platon et Socrate
(Platon a écrit un dialogue sur
lui !)

Eudoxe de Cnide
c. -380 à c. -337
Plusieurs théorèmes sur les
aires, les volumes et les
proportions
Thalès de Milet Pythagore Aristote
~-625 à ~-547 ~ -580 à ~ -495 -384 à -322
Théorème de Thalès « 𝑎2 + 𝑏2 = 𝑐2 » Déduction logique

𝑝⊃𝑞
c
b 𝑞⊃𝑟
a ⇒𝑝⊃𝑟
Après Euclide


Archimède Apollonios de Perga
-287 à -212 Fl. -200
Spirale d’Archimède Étudie les sections coniques
Méthode d’exhaustion
Approximation de pi
Eurêka!

223 22
<𝜋<
71 7
Euclide
Fl. ~ -300
Ce qu’on connait nous vient principalement du commentaire de Proclus (Ve siècle).

« Donnez-lui trois sous, puisqu’il doit faire gain de ce qu’il apprend !»


Quelques références
• Plofker, Kim (2009), Mathematics in India: 500 BCE–1800 CE,
Princeton, NJ: Princeton University Press
• Katz, Victor (2007), The Mathematics of Egypt, Mesopotamia, China,
India and Islam : A Sourcebook, Princeton, NJ : Princeton University
Press
• Boyer, Carl B. (1968). A History of Mathematics. New York, United
States: John Wiley & Sons.
Chapitre II : les
Éléments
géométriques
La pensée mathématique systématisée.
Livres I, II, III, IV
La différence dans l’approche
• L’approche pratique • L’approche philosophique
Résoudre des problèmes Développer un système de raisonnement déductif
Traductions
• En anglais : Thomas L. Heath (1908, seconde édition en 1925, re-
publié chez Dover en 1956)
• En français : Bernard Vitrac (1990), aux presses universitaires de
France.
structure des Éléments

livres
préambule contenu
notions
définitions demandes propositions
communes
les demandes seraient les notions communes
aujourd’hui appelées sont des postulats
« postulats ». d’ordre général. énoncé démonstration

les démonstrations sont


conduites rigoureusement par
la logique d’Aristote.
le livre I
livre I – Définitions

I.1. Un point est ce dont il n’y a aucune partie. .


livre I – Définitions

I.1. Un point est ce dont il n’y a aucune partie. .


livre I – Définitions

I.2. Une ligne est une longueur sans largeur.


I.3. Les limites d’une ligne sont des points.

3’. L’intersection de deux lignes qui n’ont pas de partie commune est un point.

.
livre I – Définitions

I.2. Une ligne est une longueur sans largeur.


I.3. Les limites d’une ligne sont des points.

I.3’. L’intersection de deux lignes qui n’ont pas de partie commune est un point.

.
livre I – Définitions

I.4. Une ligne droite est celle qui


est placée de manière égale par
rapport aux points qui sont sur
elle.
livre I – Définitions

I.4. Une ligne droite est celle qui


est placée de manière égale par
rapport aux points qui sont sur
elle.
livre I – Définitions
I.5. Une surface est ce qui a
seulement longueur et largeur.
I.6. Les limites d’une surface sont
des lignes.
I.7. Une surface plane est celle qui
est placée de manière égale par
rapport aux droites qui sont sur
elles.*

6’. L’intersection de deux surfaces qui n’ont aucune


partie commune est une ligne.

Ça n’a pas d’importance en 2D…


livre I – Définitions

I.8. Un angle plan est l’inclinaison,


l’une sur l’autre, dans un plan, de
deux lignes qui se touchent l’une
l’autre et ne sont pas placées en
ligne droite.
I.9. Et quand ces lignes sont
droites, l’angle est appelé
rectiligne.
livre I – Définitions

8. Un angle plan est l’inclinaison,


l’une sur l’autre, dans un plan, de
deux lignes qui se touchent l’une
l’autre et ne sont pas placées en
ligne droite.
9. Et quand ces lignes sont droites,
l’angle est appelé rectiligne.
livre I – Définitions
I.10. Et quand une droite ayant été élevée sur
une droite, fait les angles adjacents égaux entre
eux, chacun de ces angles est droit et la droite
qui a été élevée est appelée perpendiculaire à
celle sur laquelle elle a été élevée
I.11. Un angle obtus est celui qui est plus grand
qu’un droit.
I.12. Un angle aigu est celui qui est plus petit
qu’un droit.
livre I – Définitions

I.13. Une frontière est ce qui est limite de


quelque chose
I.14. Une figure est ce qui est contenu par
quelque(s) frontière(s).
livre I – Définitions
I.15. Un cercle est une figure plane contenue par une ligne
unique (celle appelée circonférence) par rapport à laquelle
toutes les droites menées à sa rencontre à partir d’un unique
point parmi ceux qui sont placés à l’intérieur de la figure, sont
(jusqu’à la circonférence du cercle) égales entre elles.

I.16. Et le point est appelé centre du cercle.

I.17. Et un diamètre du cercle est n’importe quelle droite


menée par le centre, limitée de chaque côté par la
circonférence du cercle, laquelle coupe le cercle en deux parties
égales.

I.18. Un demi-cercle est la figure contenue par le diamètre et la


circonférence découpée par lui; le centre du demi-cercle est le
même que celui du cercle.
livre I – Définitions
I.19. Les figures rectilignes sont les figures contenues par des droites;
trilatères : celles qui sont contenues par trois droites;
quadrilatères : celles qui sont contenues par quatre droites; tri- quadri- multilatère
multilatères : par plus de quatre.

I.20. Parmi les figures trilatères est


un triangle équilatéral celle qui a les trois côtés égaux;
isocèle celle qui a deux côtés égaux seulement;
scalène celle qui a les trois côtés inégaux.
équilatéral isocèle scalène
I.21. De plus, parmi les figures trilatères est
un triangle rectangle celle qui a un angle droit;
obtusangle celle qui a un angle obtus;
acutangle celle qui a les trois angles aigus.

Rectangle obtusangle acutangle


livre I – Définitions
I.22. Parmi les figures quadrilatères, est
un carré celle qui est à la fois équilatérale et rectangle;
est oblongue celle qui est rectangle mais non équilatérale;
un losange celle qui est équilatérale mais non rectangle;
un rhomboïde, celle qui a les côtés et les angles opposés égaux les uns aux autres
mais qui n’est ni équilatérale, ni rectangle;
et que l’on appelle trapèze les quadrilatères autres que ceux-là.

carré oblong losange rhomboïde trapèze


(rectangle) (parallélogramme)
livre I – Définitions
I.23. Des droites parallèles sont celles qui étant dans le même plan et
indéfiniment prolongées de part et d’autre, ne se rencontrent pas, ni
d’un côté ni de l’autre.
livre I – Demandes (postulats)

1. Qu’il soit demandé de mener une ligne droite de tout point à


tout point.

2. Et de prolonger continûment en ligne droite une ligne droite


limitée.

3. Et de décrire un cercle à partir de tout centre et au moyen de


tout intervalle.
livre I – Demandes (postulats)

4. Et que tous les angles droits soient égaux entre eux

5. Et que, si une droite tombant sur deux droites fait les angles
intérieurs et du même côté plus petits que deux droits, les deux
droits indéfiniment prolongées, se rencontrent du côté où sont les
angles plus petits que deux droits.*
livre I – Demandes (postulats)

4. Et que tous les angles droits soient égaux entre eux

5. Et que, si une droite tombant sur deux droites fait les angles
intérieurs et du même côté plus petits que deux droits, les deux
droits indéfiniment prolongées, se rencontrent du côté où sont les
angles plus petits que deux droits.*
livre I – Notions communes
1. Les choses égales à une même chose sont aussi égales entre
elles.

2. Et si, à des choses égales, des choses égales sont ajoutées, les
touts sont égaux.

3. Et si, à partir de choses égales, des choses égales sont


retranchées, les restes sont égaux.

4. Et les choses qui s’ajustent les unes aux autres sont égales entre
elles.

5. Et le tout est plus grand que la partie.


livre I – Notions communes
1. Les choses égales à une même chose sont aussi égales entre
elles. transitivité

2. Et si, à des choses égales, des choses égales sont ajoutées, les
touts sont égaux.

3. Et si, à partir de choses égales, des choses égales sont


retranchées, les restes sont égaux.

4. Et les choses qui s’ajustent les unes aux autres sont égales entre
elles.
translations, rotations, réflexions : isométries

5. Et le tout est plus grand que la partie. théorie de la mesure


les propositions
typologie des propositions
typologie « ancienne »
Type Problème Théorème (au sens ancien)
« Construire une figure avec telles « La figure donnée a telles
propriétés. » propriétés. »
Lemme Constructions «de base» : Outils déductifs simples permettant
Résultat intermédiaire perpendiculaires, parallèles, de progresser plus rapidement dans
relativement évident, pratique et bissections. des arguments.
Ex. : Props. I.1-3, 9-12, 22, 23, 31, 42, 46. Congruence d’angles, de triangles.
utile
typologie moderne

III.1, 17, … Théorie des parallèles.


Ex. : Props. I.4-8, 13-21, 24-30, 33-41, 43,
45, …
«Théorème» au sens moderne Constructions ayant des applications Résultats théoriques de grande
Résultat important, intéressant en pratiques ou une importance importance, peu évidents,
soi, ayant des applications. théorique significative : Quadrature «surprenants», souvent très généraux
des figures, : Somme des angles intérieurs d’un
inscriptions/circonscriptions triangle, Théorèmes de Pythagore, de
Ex. Props. I.44, II.14, IV.11, IV.15, IV.16, … Thalès.
Ex. Props. I.32, 47, 48, …

48
constructions de base (livre I)
Propositions I.1 à I.3: Triangle équilatéral; déplacer, aligner un segment sur un autre segment.
Proposition I.9, 10 : Bissections d’angles, segments.
Proposition I.11, 12: Perpendiculaires à partir d’un point sur la droite, ailleurs.
Proposition I.22: Triangle quelconque à partir des côtés.
Proposition I.23: Déplacer un angle rectiligne sur un point quelconque
Proposition I.31: Par un point donné, monter une droite parallèle à une droite donnée.

Triangle Alignement de
Déplacement Bissections,
équilatéral segment.
de segment perpendiculaires Déplacement d’angle, construction
(prop. 1) (prop. 3)
(prop. 2) (props. 9 à 12) Construction d’un d’une droite parallèle.
triangle à partir des (props. 23, 31)
côtés (prop 22) 49
théorème:
inégalité du triangle

Proposition I.20
Dans tout triangle, deux côtés pris
ensemble de quelque façon que ce soit sont
plus grands que le côté restant.
théorème:
inégalité du triangle

Proposition I.20
Dans tout triangle, deux côtés pris
ensemble de quelque façon que ce soit sont
plus grands que le côté restant.

Preuve nécessaire ?
Les sophistes argumentaient qu’un âne n’aurait pas
besoin de preuve pour choisir le chemin le plus court
vers une carotte…
théorème:
somme des angles intérieurs d’un triangle

Proposition I.32
Dans tout triangle, un des côtés étant
prolongé, l’angle extérieur est égal aux deux
angles intérieurs et opposés, et les trois
angles intérieurs du triangle sont égaux à
deux droits.
théorème
de Pythagore

Proposition I.47
Dans les triangles rectangles, le carré sur le
côté sous-tendant l’angle droit est
[équivalent en aire] aux carrés sur les côtés
contenant l’angle droit.
les livres II, III et IV
le livre II
• Constructions pour résoudre des
équations quadratiques.
• Quadrature des polygones !
le livre III

• Constructions, théorèmes sur les


cercles
le livre IV
• Constructions de polygones
inscrits/circonscrits dans des
cercles
Chapitre III : les nombres et les ratios
Livres V à XI, dans le désordre.
Les nombres (entiers) (positifs)

10

On connait les nombres…


Des problèmes ?

Une infinité de nombres?


Un ordre particulier pour les nombres?

?* Un plus petit nombre?


Des problèmes ?

« C’t’ivident ! »
-- Euclide, c.a. 300 av. J.-C.

Pas d’axiomes, pas de postulats, pas de demandes…


Les grandeurs

Longueur d’un segment Volume d’un solide


Mesure d’un angle
Aire d’une figure

Nombres réels ?
Les grandeurs

NON !
• On donne toujours une grandeur
comme un certain ratio par
rapport à une grandeur-étalon
• qu’on appelle unité
• et c’est pas pour rien.
Pensez-y : L’instruction « Coupe-moi un
• Les ratios sont les nombres réels. morceau de bois de longueur 2 » n’a pas de
Les grandeurs ne sont pas des sens à moins qu’on sous entende « mètres » ou
« pieds »…
nombres (au sens moderne) !
les entiers
Livres VII, VIII, IX
livre VII – Définitions

VII.1 Est unité ce selon quoi


chacune des choses existantes est
dite une.
VII.2 Et un nombre est la multitude
composée d’unités.
livre VII – Définitions

VII.1 Est unité ce selon quoi


chacune des choses existantes est
dite une.
VII.2 Et un nombre est la multitude
composée d’unités.
livre VII – Définitions

VII.3 Un nombre est une partie


d’un nombre, le plus petit du
plus grand, quand il mesure* A
le plus grand.
B
VII.4 Et des parties, quand il
ne le mesure pas.
VII.5 Et un multiple, le plus
A est un multiple de B; B est une partie de A.
grand du plus petit, quand il Attention ! Ici, comme dans tout Euclide, les nombres sont
représentés par des segments, même si la longueur d’un segment
est mesuré par le plus petit. n’est pas considérée comme un « nombre » au sens moderne.

*mesurer : diviser exactement


livre IV – Définitions

VII.12 Un nombre premier est celui


qui est mesuré par une seule unité.

Voici par exemple 23, nombre premier de choix


livre VII – Définitions

VII.16 Un nombre est dit multiplier


un nombre quand, autant il y a
d’unités en lui, autant de fois le
multiplié est ajouté à lui-même, et
qu’il est produit un certain nombre.
VII.17 Et quand deux nombres
s’étant multipliés l’un l’autre,
produisent un certain nombre, le
produit est appelé (nombre) plan,
7 × 4 = 28
et les nombres qui se sont multipliés
l’un l’autre, ses côtés.
livre VII – Définition

A
VII.21 Des nombres sont en proportion
quand le premier du deuxième, et le B
troisième du quatrième, sont C
équimultiples, ou la même partie, ou D
les mêmes parties.

A, B, C et D sont en proportion car A


est le triple de B et C est le triple de
D. On dit que « A est à B comme C
est à D ».
théorème fondamental de l’arithmétique
(props. VIII.31 et IX.14)

Tout nombre peut être décomposé de


façon unique en un produit de facteurs
premiers dont il est le plus petit commun
multiple.
infinité des nombres premiers (Prop. IX.20)

Les nombres premiers sont plus


nombreux que toute multitude de
nombres premiers proposée.
les nombres réels
Livres V
Pourquoi on a besoin de plus ?

Quel ratio entre le côté du carré vert


et celui du carré rouge ?
Ben non !
Peut-on l’exprimer par un ratio
d’entiers ?

On doit avoir une définition du ratio plus générale, qui permette de comprendre
le rapport entre, par exemple, le côté d’un carré et sa diagonale. Ou entre le
diamètre d’un cercle et sa circonférence…
Livre V – Définitions
V.1 Une grandeur est une partie
d’une grandeur, la plus petite de
la plus grande, quand elle mesure
la plus grande.
V.2 Et multiple, la plus grande de
la plus petite, quand elle est
mesurée par la plus petite.
V.3 Un rapport est la relation, Ici l’angle bleu mesure l’angle vert.
telle ou telle, selon la taille, qu’il
y a entre deux grandeurs du
même genre.
livre V – Définitions

V.4 Des grandeurs sont dites avoir


un rapport l’une relativement à
l’autre quand elles sont capables,
étant multipliées, de se dépasser
l’une l’autre. On peut couvrir le triangle avec plusieurs
copies du carré. On peut couvrir le carré
avec plusieurs copies du triangle. Les
aires du carré et du triangle ont un
rapport entre elles.
livre V – Définitions

V.4 Des grandeurs sont dites avoir


un rapport l’une relativement à
l’autre quand elles sont capables,
étant multipliées, de se dépasser
l’une l’autre.
Même multiplié, le segment ne dépassera
jamais la droite infinie. Les deux
grandeurs n’ont pas de rapport.
livre V – Définitions

V.4 Des grandeurs sont dites avoir


un rapport l’une relativement à .
l’autre quand elles sont capables,
étant multipliées, de se dépasser
l’une l’autre.
Même multiplié, le point ne pourra
jamais dépasser le segment. Le segment
et le point n’ont donc pas de rapport.
livre V – Définitions

V.4 Des grandeurs sont dites avoir


un rapport l’une relativement à .
l’autre quand elles sont capables,
étant multipliées, de se dépasser
l’une l’autre.
Même multiplié, le point ne pourra
jamais dépasser le segment. Le segment
et le point n’ont donc pas de rapport.
livre V – Définitions
V.5 Des grandeurs sont dites être dans le
même rapport, une première
relativement à une deuxième et une
troisième relativement à une quatrième
quand des équimultiples de la première et
la troisième ou simultanément dépassent,
ou sont simultanément égaux ou
simultanément inférieurs à des
équimultiples de la deuxième et la
quatrième, selon n’importe quelle
multiplication, chacune à chacune, et pris
de manière correspondante. Remarquez que lorsque les grandeurs sont des
nombres, cette définition revient exactement à
celle qu’on a vue plus tôt.
livre V – Définitions
V.5 Des grandeurs sont dites être dans le
même rapport, une première
relativement à une deuxième et une
troisième relativement à une quatrième
quand des équimultiples de la première et
la troisième ou simultanément dépassent,
ou sont simultanément égaux ou
simultanément inférieurs à des
équimultiples de la deuxième et la
quatrième, selon n’importe quelle
multiplication, chacune à chacune, et pris
de manière correspondante.
A B C D
livre V – Définitions
V.7 Et quand parmi les
équimultiples, d’une part le
multiple de la première dépasse
le multiple de la deuxième et
que d’autre part le multiple de
la troisième ne dépasse pas le
multiple de la quatrième, alors
la première grandeur est dite
avoir un plus grand rapport
relativement à la deuxième que Cette définition introduit la notion de la relation d’ordre
celui de la troisième à la entre les rapports. Elle est fondamentale car elle
permettra d’ordonner les nombres réels !
quatrième.
livre V – Définitions
V.7 Et quand parmi les
équimultiples, d’une part le
multiple de la première dépasse
le multiple de la deuxième et
que d’autre part le multiple de
la troisième ne dépasse pas le
multiple de la quatrième, alors A B C D
la première grandeur est dite
avoir un plus grand rapport
relativement à la deuxième que Cette définition introduit la notion de la relation d’ordre
celui de la troisième à la entre les rapports. Elle est fondamentale car elle
permettra d’ordonner les nombres réels !
quatrième. Ici, A:B = 2/3 > 1/2 = C:D
ouf…
plus d’explications sur les rapports
sur les ratios : explications supplémentaires
• La définition la plus importante (V.5) concerne l’égalité entre deux ratios.
• Dans le livre VII, on définit l’égalité entre ratios de nombres (entiers
positifs), en termes de « parties d’entiers ».
• Pour des grandeurs générales, cette définition n’est pas suffisante – il existe
des ratios qu’on ne peut exprimer ainsi.
• L’astuce brillante dans la définition V.5 consiste à considérer des suites de
multiples entiers de deux grandeurs, et à regarder comment ces suites
« s’intercalent ».
• On définit alors que deux paires de grandeurs sont dans le même ratio si
les paires de suites correspondantes s’intercalent de la même façon.
sur les ratios : exemple
• La diagonale d’un carré est proportionnelle à son côté.
sur les ratios : exemple
• Autrement dit, étant donnés deux carrés, le côté de l’un est à la
diagonale de l’un comme le côté de l’autre est à la diagonale de
l’autre.
sur les ratios : exemple
• Pour le prouver, il suffit de constater que si on intercale les suites
de multiples entiers d’un côté de carré (A ou C) et de sa diagonale
(B ou D), alors
• les suites s’intercalent toujours de sorte que
• 𝐴 < 𝐵 < 2𝐴 < 2𝐵 < 3𝐴 < 4𝐴 < 3𝐵 < 5𝐴 < 4𝐵 < 6𝐴 < 7𝐴 < 5𝐵 < 8𝐴 < 6𝐵 < ⋯

• Les alternances sont les mêmes pour C et D, et ce jusqu’à l’infini.

A 2A 3A 4A 5A 6A 7A 8A 9A 10A 11A 12A


A B
B 2B 3B 4B 5B 6B 7B 8B 9B
C 2C 3C 4C 5C 6C 7C 8C 9C
C D
D 2D 3D 4D 5D 6D 7D
les coupures de Dedekind
• On identifie les nombres réels à
l’ensemble des façons de
« couper » les nombres rationnels
en deux parties.
A 2A 3A 4A 5A 6A 7A 8A 9A 10A 11A 12A
A B
B 2B 3B 4B 5B 6B 7B 8B 9B
C 2C 3C 4C 5C 6C 7C 8C 9C
C D
D 2D 3D 4D 5D 6D 7D

𝐴 𝑛 𝑛
Pour toute paire 𝑚, 𝑛, on détermine si 𝑚 est plus petit
𝑚𝐴>𝑛𝐵⇔ > 𝐴 𝐴 𝐶
ou plus grand que 𝐵. On dit que 𝐵 = 𝐷 si ils séparent
𝐵 𝑚 les rationnels au même endroit. C’est EXACTEMENT ce
que fait Euclide !
proportions geometriques
Livre VI
Livre IV – Définitions

VI.1 Des figures


rectilignes semblables
sont celles qui ont les
angles égaux un par un et
dont les côtés autour des
angles égaux sont en
proportion.
théorème de Thalès
Proposition VI.2
Si une droite coupe un triangle parallèlement à la base, le plus petit
triangle est semblable au plus grand.
proportionnalité d’aires

Proposition VI.1
Les aires de triangles ou de
parallélogrammes ayant la
même hauteur sont
proportionnelles à leurs bases.
proportionnalité d’Aires
Proposition VI.19
Les aires de triangles semblables sont entre elles comme le rapport
doublé* entre les côtés homologues des triangles.
*le carré
Chapitre IV : au-delà

Livres X, XI à XIII
Résonnances modernes
(In)commensurabilité : Définition

X.1 Les grandeurs commensurables


sont celles qui sont mesurées par la
même grandeur, et sont
incommensurables celles qui n’ont
aucune commune mesure. Les trois côtés de ce triangle
rectangle sont commensurables.

⋯ Le côté d’un carré


et sa diagonale sont
incommensurables.

Ici ça passe proche,


mais c’est pas tout à
fait ça!
livre X : classification des irrationnels

• À l’époque, on connaît mal les nombres irrationnels.


• Le livre X (presque 25% de tous les livres des Éléments) est consacré à
tenter de donner une classification des nombres irrationnels.
• Il s’agit d’un exercice qui aujourd’hui paraît entièrement futile…
livres XI à XIII : géométrie solide
• Le livre XI fait introduit des notions de
base de géométrie en 3D.
• Le livre XII donne des propositions
concernant les proportions entre les
volumes et les surfaces de solides.
livres XI à XIII : la géométrie solide
• Le livre XIII se consacre presque exclusivement à la construction des
cinq solides platoniciens.

Cube
Octaèdre Icosaèdre
Dodécaèdre Tétraèdre
résonnances modernes

• Euclide jette les bases de plusieurs disciplines modernes :


• la géométrie, bien sûr, mais aussi
• L’algèbre
• La théorie des nombres
• L’analyse
• plusieurs de ses idées sont des formes primitives des notions qui,
encore aujourd’hui, sont au cœur de notre compréhension des
mathématiques.
« En lisant Euclide, j'ai rencontré plein de formulations
étranges, et d'autres qui m'étaient étrangement familières. Les bizarreries
anachroniques côtoient des sursauts presque prophétiques, et sur fond de
jolies figures tracées par erreur au marqueur permanent sur mon tableau blanc, ce
sont les racines, profondes mais connectées, des mathématiques
que j'aime, qui ressortent en filigrane. Un peu comme les premières esquisses de
poulet qu’un paléontologue découvrirait avec émotion dans le fossile d’un
tyrannosaure. »

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