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ANEMIES MACROCYTAIRES

L. Mauvieux
Item N°297
Les anémies macrocytaires sont les anémies au cours desquelles le volume globulaire moyen (VGM)
est supérieur à 100 fL (ou µ3)
Elles peuvent être :
− arégénératives le plus souvent
• moelle pauvre ou envahie
• moelle érythroblastique (riche en précurseurs de la lignée rouge)
=> Carence en B12 / Ac. folique (anémies caractérisées par le terme
« mégaloblastiques »
=> Myélodysplasie (anémie réfractaire)
− régénératives (hémolyse / hémorragie)
On peut considérer deux grands groupes dans les anémies macrocytaires :
• d’origine carentielle (mégaloblastiques)
• d’origine non carentielle

I- ANEMIES CARENTIELLES :
La maturation des précurseurs érythroblastiques implique :
1) des divisions cellulaires (donc synthèse d’ADN)
2) une synthèse d’hémoglobine (ARN=>protéine)
Lors d’une carence en vitamine B12 ou en folates, la synthèse d’ADN se fait mal, et les mitoses sont
ralenties, alors que la maturation du cytoplasme (et donc la synthèse d’Hb) se poursuit à une vitesse
normale => asynchronisme de maturation, qui conduit à l’arrêt plus précoce des mitoses et une
macrocytose (augmentation de taille des éléments érythroblastiques = mégaloblastose).

Diagnostic biologique :

A REALISER AVANT TOUT TRAITEMENT

Le plus souvent une anémie macrocytaire est d’installation très progressive, ce qui permet au patient
de « bien la tolérer » assez longtemps.

A l’hémogramme, la seule modification de départ est l’augmentation du volume globulaire qu’on ne


peut rattacher à aucune cause lorsqu’elle est isolée. Par la suite, l’aspect le plus classique est celui
d’une pancytopénie.
• L’anémie est sévère avec un taux d’hémoglobine bas : des valeurs égales ou inférieures à 7 g/dL
sont fréquentes.
• Le VGM dépasse 100 fL pour atteindre parfois des valeurs de 130 voire 140 fL.
• normochrome (TCMH augmenté mais CCMH normale),
• arégénérative (réticulocytes est bas < 100 Giga/L)
• Le frottis sanguin montre les anomalies morphologiques des globules rouges : anisocytose,
anisochromie, poïkilocytose, avec la présence de corps de Jolly et d’anneaux de Cabot.
• leucopénie habituelle avec neutropénie
• les PNN présentent une hypersegmentation du noyau (5 à 6 lobes)
• plaquettes normales ou abaissées ; cette baisse peut être très importante lorsque la maladie est
avancée ; les plaquettes peuvent être de grande taille

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Le myélogramme
-Présente des aspects caractéristiques :
-Moelle riche (dans toutes les lignées)
-Dysérythropoïèse marquée avec présence de mégaloblastes, qui sont des précurseurs
érythroblastiques de grande taille, au cytoplasme basophile (bleu) et à la chromatine « perlée » qui
donne un aspect bleuté de la moelle à l’observation au microscope.
- asynchronisme de maturation nucléocytoplasmique
- Noyau jeune avec cytoplasme hémoglobiné
La conséquence de cette importante dysérythropoïèse est une érythropoïèse inefficace, qui explique
l’augmentation de la bilirubine non conjuguée et des LDH dans le sang périphérique.
Les sidéroblastes sont augmentés mais sans couronne
Le gigantisme cellulaire touche les autres lignées :
Myélocytes et métamyélocytes au noyau « rubanné »
Métamyélocytes géants (signe indirect dans les formes décapitées)
Hypersegmentation du noyau des PNN
Monocytes géants
Mégacaryocytes hypersegmentés, plaquettes parfois géantes

Autres examens biologiques :


a – signes d’hémolyse modérée :
Ferritine : normale ou élevée
LDH et Bilirubine non conjuguée : élevés (témoin de hémolyse intra-médullaire)
b - Dosages vitaminiques :
*A. Folique : carence si taux sérique < 4 µg/j
et/ou taux érythrocytaire < 150 µg/j
*B12 : carence si taux sérique < 200 pg/ml
c - Fer sérique : normal ou modérément augmenté

ANEMIES PAR CARENCE EN VITAMINE B12

A- Maladie de Biermer :
Type même de la carence en vit.B12
Due à un défaut en facteur intrinsèque (FI) qui n’est plus secrété par les cellules pariétales du fundus à
la suite d’une atrophie importante de la muqueuse gastrique, elle-même due probablement à un
phénomène auto-immun.
La maladie de Biermer est la cause la plus importante d’anémie mégaloblastique.

Clinique :
Anémie – Atteinte gastrique – Atteinte neurologique
1. Anémie :
Signes habituels avec en plus : un subictère conjonctival ou généralisé
Bouffissure de la face dans les formes de découverte tardive
2. Signes digestifs :
Glossite de Hunter : se développe de la périphérie vers le centre. Gêne précoce à l’ingestion.
Langue dépapillée, lisse brillante.
Diarrhée capricieuse.

3. Signes neurologiques :
• Sclérose combinée de la moelle
*SPECIFIQUE d'un déficit en B12, elle associe :
1) syndrome cordonal postérieur : troubles de la sensibilité profonde, paresthésies,
aréflexie, ataxie, sensibilité au diapason diminuée

2) syndrome pyramidal : parésies des 4 membres, paraplégie


- Aggravation si traitement par folates lors d'une carence en B12

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• Troubles neuropsychiatriques :
- troubles mnésiques
- syndrome dépressif
- hallucinations
- somnolence

Examens complémentaires spécifiques :


− Taux sérique de la vitamine B12 : Effondré : < 100 pg/ml

− Folates sériques : Ne sont pas abaissés dans la maladie de Biermer

− Test de SCHILLING :
* Etude de l'absorption de la vitamine B12* seule :
1) saturation de l'organisme en B12 par une injection de B12 froide en IM
2) absorption orale de B12* seule (Co58*)
3) étude de la radioactivité des urines : normalement élimination > 10 % de la
radioactivité de B12* absorbée
*Etude de l'absorption de la vitamine B12* + FI
L'épreuve est en faveur d'un déficit en FI si dans les urines < 10 % radioactivité absorbée avec
B12* seule et > 10 % radioactivité absorbée avec B12* + FI

Etude immunologique :
− Anticorps anti-cellules pariétales gastriques : ils sont de type IgG et sont retrouvés dans le
sérum de la plupart des sujets malades
− Anticorps anti-FI :
Ces anticorps sont présents dans le sérum dans environ 60% des cas et dans le suc gastrique dans près
de 75 % des cas.
2 types d'anticorps (IgG) : Ac bloquants la liaison B12-FI (type I) et Ac précipitants le complexe B12-
FI (type II)
L’association avec d’autres auto-anticorps est possible : surtout anticorps anti-thyroïde, anti-tubules
rénaux.
L’association avec d’autres maladies auto-immune est possible : thyroïdite de Hashimoto, maladie de
Basedow, maladie d’Addison, hypogammaglobulinémies acquises.

Etude gastrique par fibroscopie.


Montre une atrophie du corps de l’estomac avec une présence d’aires nacrées. Des images de polypes
sont possibles.
A l’histologie : disparition de la muqueuse gastrique et parfois son remplacement par une muqueuse
de type intestinal.

Le tubage gastrique pratiqué à l’occasion de la fibroscopie permet :


de doser le FI et les anticorps anti- FI
de monter l’achlorhydrie histamino-résistante avec un déficit en acide chlorhydrique libre et
en pepsine.

Traitement et évolution de la maladie de Biermer


Le traitement de la maladie de Biermer consiste en l’administration de vit.B12 par voie parentérale
(l’hydroxocobalamine est la plus active et la mieux retenue dans l’organisme).
Habituellement, la dose est de 1000 γ par voie intramusculaire, une fois par jour pendant la première
semaine, puis 2 fois par semaine pendant un mois et ensuite 1 fois par mois à vie.

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Les modifications hématologiques sont alors rapides :
Lignée érythrocytaire :
Les réticulocytes augmentent rapidement dès le 5e jour.
Le nombre de globules rouges s’élève suivi par le taux de l’hémoglobine puis par
l’hématocrite ; le VGM redevient normal graduellement.
La reprise d’une érythropoïèse normale aura pour conséquence une chute du taux du
fer sérique qui sera perceptible à partir de la 3e semaine ; un traitement substitutif transitoire
répare cette carence.
La correction de la leucopénie et de la thrombopénie se fait dès la première semaine.
L’hémogramme redevient normal au bout de 6 à 8 semaines.
Au niveau de la moelle, les corrections se font également rapidement : dès le 3e jour, les
érythroblastes basophiles normaux cohabitent avec les mégaloblastes qui devraient disparaître au bout
d’une semaine environ.
On assiste en même temps à une correction de tous les signes cliniques : troubles digestifs
régressent en premier puis les troubles neurologiques.
Le pronostic est donc favorable ; convenablement et régulièrement traité, le malade n’a pas à
craindre de rechutes.
Toutefois, dans un très petit pourcentage de cas, la survenue d’un cancer de l’estomac est
possible.

B- Autre causes de carence en vitamine B12


Carence d’apports.
Elle est rare en France. Elle peut se voir chez les végétariens stricts.
Carence d’absorption.
Elle se voit au cours de nombreuses anomalies touchant le tube digestif :
Gastrectomie totale : la carence se développe en quelques années.
Gastrectomies partielles : ne sont en cause que lorsqu’elles sont étendues
Amputation de l’iléon terminal
Maladies de l'iléon distal: par ex Crohn
Maladie d'Imerslund : auto-Ac anti-récepteur B12-FI, protéinurie tubulaire associée
Carence par détournement.
Elle se rencontre au cours de pullulation du tube digestif par des agents infectieux :
bothriocéphale, bactéries rencontrées parfois au décours de certains actes chirurgicaux.
L’agent infectieux utilise alors à son profit la vit.b12 qui n’est plus disponible pour le sujet.
Anomalies congénitales.
Des anomalies du métabolisme des cobalamines ont été décrits à tous les niveaux : FI,
récepteurs du FI (maladie de Imerslund), déficits en transcobalamines I et III avec signes
neurologiques, en transcobalamine II accompagnée d’une mauvaise disponibilité de la vit.
B12.
Carences d’origine iatrogène.
Certains médicaments peuvent abaisser le taux sérique de vit. B12 : biguanides, colchicine,
néomycine.

ANEMIES PAR CARENCE EN FOLATES

L’expression hématologique est identique à celle de la carence en vit.B12. L’expression clinique ne


diffère que par l’absence de signes d’atteinte neurologique.

Les causes :
Insuffisance d’apports.
C’est une cause très répandue. Les réserves en folates ne sont pas importantes et par
conséquent elles peuvent rapidement s’épuiser.
Dénutrition dans les pays pauvres
Cuisson prolongée des aliments

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Femmes enceintes (multiparité) : circonstance la plus connue, associée souvent à une
carence en fer
Nourrissons
Besoins accrue de la moelle au cours des anémies hémolytiques chroniques : thalassémie,
hémoglobinopathies, surtout lorsqu’elles sont associées à des malnutritions.

Malabsorption.
Résections jéjunales étendues
Sprue tropicale
Maladie de Whipple
Maladie coeliaque accompagnée des signes habituelles de la souffrance du grêle : ↓ taux
d’albumine, ↓ taux du calcium, ↓ de la vit. B12 parfois.
Sclérodermie
Blocage de l’absorption par certains médicaments dont les antiépileptiques et les contraceptifs
oraux (voir infra)

Causes toxiques.
En premier, il faut citer l’alcoolisme chronique qui combine une fuite urinaire des folates,
une interruption du cycle entérohépatique et une malabsorption. La macrocytose reste modérée
dépassant rarement 110 fl.

Certains médicaments
Antifoliques = inhibiteurs de la dihydrofolate réductase, (DHFR) méthotrexate,
triméthoprime, triamtérène, pyriméthamine
Inhibiteurs de l’absorption des folates
salazopyrine
antiépileptique :
hydantoïnes surtout, à l’origine d’une malabsorption ou d’un catabolisme accru
contraceptifs oraux : rôle mineur
d’autres médicaments, comme l’aspirine, la cholestyramine

Causes congénitales
Rares. Elles sont le plus souvent dues à un défaut d’absorption et se traduisent très tôt après la
naissance par une diarrhée, un retard psychomoteur, des convulsions, une ataxie et sur le plan
hématologique par une mégaloblastose.

TRAITEMENT ET EVOLUTION
Administration par voie orale d’acide folique, quotidiennement puis hebdomadairement jusqu’à
reconstitution des réserves.

L’administration par voie intramusculaire d’acide folinique doit être réservée à des cas particuliers.
La durée totale du traitement dépend de l’étiologie.

L’hémogramme apprécie le suivi du traitement :


Crise réticulocytaire dès le 6e jour ; normalisation progressive de l’hémogramme :
chronologiquement, le chiffre des GR se normalise d’abord, puis le VGM.
Le myélogramme montre une disparition rapide et progressive de la mégaloblastose : il
devient normal dès le 3e, le 4e jour.
Un traitement martial peut être instauré à partir de la 3e semaine.

Tous les autres paramètres biologiques se normalisent rapidement : bilirubine, LDH.


Disparition progressive des signes cliniques digestifs.

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II- Anémies macrocytaires non carentielles :
Anémies iatrogènes
Ce sont le plus souvent les inhibiteurs de la synthèse de l’ADN qui sont en cause :
- Produits anti-cancéreux :
Inhibiteurs de la synthèse des bases puriques : 6-mercaptopurine, thioguanine, Azathioprine
Inhibiteurs de la synthèse des bases pyrimidiques : Aracytine, 5FU
Inhibiteurs de la synthèse des désoxyribonucléotides
Antifoliques : Méthotrexate
Inhibiteurs de la synthèse des désoxyribonucléotides : Hydroxyurée (Hydréa®)
- anti-infectieux : salazopyrine, triméthoprime (Bactrim®) pyriméthamine (Malocide®)
- anti-inflammatoires : colchicine
- diurétiques : triamtérène
- anti-épileptiques : hydantoïnes barbituriques

Anémies des hémopathies


Anémies réfractaires, anémie sidéroblastique idiopathique acquise
Leucémies
Erythroleucémies

Maladies congénitales exceptionnelles


Il faut citer :
L’acidurie méthylmalonique
L’acidurie orotique (pyrimidines)
Le déficit en 5 méthyltétrahydrofolate transférase (métabolisme des folates)
Syndrome de Lesch-Nyhan (purines) : liée à l’absence d’une enzyme nécessaire au
métabolisme des purines, l’hypoxanthine-guanine phosphoribosyl transférase (=
encéphalopathie hyperuricémique).
Les carences en thiamine (AMM thiamine-dépendante)

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