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ÉNERGIE ET CLIMAT DANS LA LOI PORTANT ENGAGEMENT NATIONAL

POUR L’ENVIRONNEMENT

Christophe Krolik

Lavoisier | « Revue juridique de l’environnement »

2010/5 n° spécial | pages 185 à 199


ISSN 0397-0299
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ÉNERGIE ET CLIMAT DANS LA LOI
PORTANT ENGAGEMENT NATIONAL
POUR L’ENVIRONNEMENT
Christophe KROLIK
Doctorant au CRIDEAU-OMIJ de Limoges
Lauréat du prix Alexandre Kiss de l’UICN
De nombreux signes témoignent de la non-viabilité de notre mode de dévelop-
pement, notamment concernant l’énergie et le climat. Les rapports se multiplient
sur les considérables conséquences qu’aura la raréfaction du pétrole sur l’éco-
nomie et la politique extérieure 1. L’institution d’un « Grenelle de l’environne-
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ment » comportait une symbolique forte : engager un New Deal de l’environne-
ment, préoccupation urgente et d’envergure reposant sur une négociation
multipartite (Etat, collectivités, associations, syndicats et professionnels) 2. Par le
vote de deux lois, le Grenelle de l’environnement intègre désormais le droit posi-
tif. Dans l’esprit originel, ces dispositions visent à un changement de modèle de
développement 3. Il convient d’étudier si les moyens juridiques adoptés permet-
tent de réaliser ce changement. Les dispositions nouvelles se caractérisent par
des objectifs incomplets (I), des droits émergents (II) et des moyens mitigés (III).

I. – DES OBJECTIFS INCOMPLETS


L’incomplétude des objectifs est révélée par une orientation qui demeure par-
tielle (A) bien qu’ils soient relayés par la notion émergente d’évaluation énergé-
tique (B).

A) UNE ORIENTATION PARTIELLE


L’efficacité de la loi Grenelle 2 risque d’être réduite à cause d’objectifs restreints
définis dans la loi Grenelle 1 (1) et de leur portée juridique limitée (2).

1. Un contenu restreint
La loi Grenelle 1 contient des objectifs plus ambitieux que ceux adoptés par
l’UE. Tel est le cas du dessein de disposer de constructions neuves à énergie
positive d’origine renouvelable d’ici 2020, là où le droit de l’Union se limite à des
bâtiments à consommation d’énergie quasi nulle 4. Le législateur s’engage à por-

1. CGIET et CGEDD, Rapport relatif à la limitation de l’impact des évènements climatiques majeurs sur le
fonctionnement des réseaux de distribution d’électricité, no 2009/20/CGIET/SG, 01/06/2010 ; « L’armée alle-
mande prédit le pire une fois le pic pétrolier atteint », Le Monde, 11 septembre 2010.
2. P. Deumier, « Qu’est-ce qu’ "un Grenelle" ? », RTD civ., 2008, p. 63.
3. « Le Grenelle Environnement », Rapport du rapporteur général T. Tuot, p. 6.
4. Loi no 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’envi-
ronnement, JORF no 0179 du 5 août 2009, article 4 ; directive no 2010/31/UE du Parlement européen et du
Conseil du 19 mai 2010 sur la performance énergétique des bâtiments, JOUE no L 153/13 du 18 juin 2010,
article 9.

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ter la part des énergies renouvelables à au moins 23 % de la consommation


d’énergie finale en 2020, ce qui constitue une reprise de l’annexe I de la directive
no 2009/28/CE 5. La loi Grenelle 1 se distingue par des objectifs novateurs comme
celui d’une division par quatre des émissions de gaz à effet de serre entre 1990
et 2050 6.
Mais cette loi se caractérise également par la non-reprise d’objectifs du Groupe I
– Lutter contre les changements climatiques et maîtriser l’énergie tels que l’inter-
diction à la vente des appareils les plus consommateurs d’électricité, une taxe
sur le kérosène ainsi que l’ambition de faire des DOM une vitrine de l’excellence
climatique. Pire, la loi Grenelle 2 omet de mettre en œuvre des objectifs figurant
dans Grenelle 1 tels que la contribution « climat-énergie » censurée par le
Conseil constitutionnel, reportée sine die et substituée à la tentative de son intro-
duction aux frontières de l’UE 7. Tel est également le cas concernant la prise en
compte de l’impact des émissions de gaz à effet de serre dans le prix des biens
et des services et le soutien au mécanisme d’ajustement aux frontières pour
lutter contre le dumping écologique 8. La loi Grenelle 2 est enfin constituée de
dispositions symboliques telle que la définition de la précarité énergétique qui,
bien que précisant le droit à l’énergie, ne revêt qu’une portée juridique limitée 9.
Ce portrait mitigé se cumule à la portée limitée de ces objectifs.
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2. Une portée limitée
La portée juridique des objectifs de la loi Grenelle 1 s’explique par le caractère
en principe non contraignant des dispositions figurant dans les lois d’orienta-
tion 10. Elles sont par nature dispensées de portée juridique, contrairement à
l’exigence de normativité exigée par le Conseil constitutionnel pour les autres
catégories de lois 11. Leur méthode de rédaction témoigne d’une volonté de ne
pas conférer de portée normative, l’emploi du futur étant en principe banni en

5. Loi no 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’envi-
ronnement, préc., article 2 ; directive no 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009
relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, JOUE
no L 140/16 du 5 juin 2009.
6. Loi no 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’envi-
ronnement, préc., article 2.
7. Cons. const., décision no 2009-599 DC du 29 décembre 2009 ; loi no 2009-967 du 3 août 2009 de
programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, préc., article 2-II ; Ph. Billet,
« L’invalidation de la "contribution carbone" », JCP A, no 4, 25 janvier 2010, p. 31-35 ; F. Labrousse (dir.),
E. Merlant et A.-C. Urbain, « L’abandon de la taxe carbone en France », BDEI, no 27, mai 2010, p. 37-41 ;
P. Thieffry, « La taxe carbone contraire à l’objectif de lutte contre le changement climatique », AJDA 2010,
p. 1 ; W. Mastor, « La contribution carbone à la lumière de la décision du Conseil constitutionnel du
29 décembre 2009 : chronique d’une mort – et d’une renaissance ? – annoncées », AJDA 2010, p. 277 ;
B. Le Baut-Ferrarese, « Européenne, la taxe carbone doit-elle l’être ou à défaut ne pas être ? », Env., no 6,
étude 12, juin 2010 ; « Une taxe carbone aux frontières de l’UE ? », Europol. énerg., no 770, 13 janvier 2020,
p. 1.
8. Loi no 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’envi-
ronnement, préc., article 2.
9. Loi no 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, JORF no 127 du 2 juin
1990, p. 6551, article 4 : « Est en situation de précarité énergétique au titre de la présente loi une personne
qui éprouve dans son logement des difficultés particulières à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire
à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses
conditions d’habitat » ; P. Pelletier, A. de Quéro et B. Lapostolet, Groupe de travail précarité énergétique,
15 décembre 2009.
10. Article 34 de la Constitution : « des lois de programmation déterminent les objectifs de l’action de
l’Etat » ; Ph. Billet, « Grenelle 1 de l’environnement », J.-Cl. env., fasc. 1, 1er décembre 2009.
11. Le coup d’arrêt à la prolifération des « lois bavardes » et le rappel de l’exigence de « normativité »
pesant sur la loi figure dans les décisions no 2005-512 DC du 21 avril 2005 sur la loi d’orientation et de
programme pour l’avenir de l’école et no 2005-516 DC du 7 juillet 2005 sur la loi de programme fixant les
orientations de la politique énergétique.

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légistique. Ces objectifs présentent également des limites du fait de leur carac-
tère essentiellement quantitatif, conduisant néanmoins à l’émergence en droit
français de la notion d’évaluation énergétique.

B) UNE ÉVALUATION ÉNERGÉTIQUE ÉMERGENTE


L’évaluation énergétique s’inscrit dans le prolongement de l’évaluation environ-
nementale. Elle vise à inciter le porteur de projet à adopter les meilleures solu-
tions pour parvenir à une amélioration qualitative et à une réduction quantitative
de l’énergie. Son champ d’application est étendu puisqu’elle est susceptible de
concerner tout type de projet (construction, aménagement, activité, plan et
programme, règlement et loi). Elle est caractérisée par des instruments d’éva-
luation (1) mais aussi par l’absence de modèle méthodologique générique (2).

1. Des instruments multiples d’évaluation


L’innovation se caractérise d’un point de vue organique par l’institution d’un
comité de suivi des énergies renouvelables au sein du Conseil supérieur de
l’énergie, chargé d’évaluer la progression vers l’objectif de 23 % d’énergie renou-
velable dans la consommation d’énergie finale en 2020 12.
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Sur le plan matériel, l’évaluation énergétique se manifeste par un renforcement
de l’étude de faisabilité des approvisionnements en énergie, dont la réalisation
est obligatoire pour tout nouveau bâtiment ou extension d’une superficie hors
œuvre nette totale supérieure à 1 000 m2 et lorsque le coût total prévisionnel des
travaux de rénovation est supérieur à 25 % de la valeur du bâtiment 13. Un décret
en Conseil d’Etat précise les conditions dans lesquelles le maître d’ouvrage
atteste de sa réalisation au moment du dépôt du dossier de demande de permis
de construire 14. Ce principe est étendu à la prise en compte de la réglementation
thermique au moment du dépôt du dossier de demande de permis de construire
et à l’issue des travaux.
L’article L. 128-4 du Code de l’urbanisme impose pour toute opération d’amé-
nagement foncier soumise à étude d’impact, la réalisation d’une étude de faisa-
bilité sur le potentiel de développement en énergies renouvelables de la zone
et sur l’opportunité de raccordement à un réseau de chaleur ou de froid recou-
rant aux énergies renouvelables et de récupération.
L’article L. 229-25 du Code de l’environnement prévoit l’obligation de réaliser un
bilan des émissions de gaz à effet de serre pour l’Etat, les régions, les dépar-
tements, les communes et leur groupement de plus de 50 000 habitants, les
personnes morales de droit public employant plus de 250 personnes et les per-
sonnes morales de droit privé de plus de 500 personnes, l’objectif étant de

12. Loi no 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l’électricité et du gaz, JORF du 9 avril 1946
p. 2651, article 45 ; modifiée par la loi no 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour
l’environnement, JORF no 160 du 13 juillet 2010, article 84.
13. Article L. 111-9 et 10, R. 111-22 du CCH. Sont exemptés d’étude les constructions provisoires ; bâti-
ments à usage agricole, artisanal ou industriel ; les bâtiments servant de lieux de culte ; les extensions des
monuments historiques classés ou inscrits à l’inventaire. Article R. 111-22-1 du CCH : elle comprend une
analyse des solutions d’approvisionnement en prenant compte les énergies renouvelables, la production
combinée de chaleur et d’énergie, les systèmes de chauffage et de refroidissement collectif, les pompes
à chaleur et chaudières performantes. Elle présente les avantages et inconvénients des solutions étudiées,
tient compte des extensions envisageables et précise les raisons de la solution retenue.
14. Articles L. 111-9, alinéa 4, et L. 111-9-1 du CCH ; G. Durand-Pasquier, « Bilan d’étape sur les propo-
sitions du projet de loi Grenelle 2 : un bouquet de dispositions retouchant les mutations, locations et construc-
tions d’immeubles comme la gestion des copropriétés ! », Construction - Urbanisme, no 7, alerte 61, juillet
2010.

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réduire les consommations d’énergie des bâtiments existants d’au moins 38 %


d’ici 2020 15. Il est rendu public, actualisé tous les trois ans et constitue l’instru-
ment de référence pour l’élaboration du plan climat-énergie territorial qui doit en
tenir compte 16.
Ces instruments se caractérisent pourtant par l’absence de méthode commune.

2. L’absence de méthode commune


La politique énergétique est clairement marquée par des objectifs quantitatifs et
une orientation par source d’énergie plutôt que par méthode. Or, si les énergies
renouvelables peuvent s’avérer favorables à l’environnement, elles peuvent éga-
lement être contre-productives (cas de certains biocarburants, de centrales
hydroélectriques démesurées ou d’éoliennes concernant le paysage...). Le droit
de l’Union tend par conséquent à compléter ces objectifs quantitatifs par des
évaluations au cas par cas 17. Elles traduisent l’insuffisance des choix in abstracto
pour des mesures davantage fondées sur des évaluations in concreto. L’absence
de « propreté » intrinsèque d’une source d’énergie conduit à porter l’attention
sur son mode d’exploitation par l’homme.
Le droit positif manque d’un concept fédérateur répondant à cette exigence. Il
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pourrait trouver sa source dans l’« énergie propre », pouvant être définie comme
une méthode visant à une amélioration qualitative et une réduction quantitative
de l’énergie. Elle reposerait sur cinq critères : améliorer la sobriété et l’efficacité
énergétique ; intégrer le cycle énergétique ; prendre en compte la renouvelabilité
de la ressource ; partager équitablement les énergies minières ; valoriser l’éner-
gie 18. Un bilan énergétique, unifié au niveau législatif dans le Code de l’énergie,
pourrait instituer une procédure commune à appliquer pour tout projet suscep-
tible d’impacter significativement l’énergie. Ce bilan, dont le contenu pourrait
s’inspirer de législations étrangères, comporterait un rapport comprenant une
description du projet, ses principales caractéristiques en matière d’utilisation de

15. Loi no 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, préc., article 75 ;
cet objectif est fixé l’article 48 f) de la loi no 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise
en œuvre du Grenelle de l’environnement, préc. ; Ph. Billet, « Grenelle de l’environnement : Acte 1 en
plusieurs tableaux », Env., novembre 2009, p. 18.
16. S. Padilla et C. Guyard, « Bilan carbone : une vision globale des émissions de gaz à effet de serre »,
Environnement & Technique, no 252, décembre 2005, p. 39-43.
17. Commission européenne, mise en demeure no 2009/2225 du 8 octobre 2009 ; Commission euro-
péenne, avis motivé no 2005/2312 du 20 novembre 2009 ; CJUE, 4 mars 2010, affaire C-241/08, AJDA 2010,
p. 468.
18. L’amélioration de la sobriété énergétique vise à réduire les consommations d’énergie tandis que l’effi-
cacité énergétique désigne le fait d’agir pour maintenir la même unité de production (d’un bien ou d’un
service) sans réduire la qualité ou le rendement de la production, tout en réduisant la quantité d’énergie
requise pour générer cette production. L’analyse du cycle énergétique consiste à apprécier la chaîne
énergétique complète, y compris les activités liées à la prospection, à l’exploration, à la production, à la
conversion, au stockage, au transport, à la distribution et à la consommation des différentes formes d’éner-
gie, le traitement et l’élimination des déchets, ainsi que le déclassement, la cessation ou la clôture de ces
activités, l’impact énergétique devant être réduit au minimum. Il doit intégrer l’analyse du cycle de vie des
produits consistant en une évaluation de leur impact environnemental en considérant toutes les étapes de
leur vie. Les ressources renouvelables telles les forêts peuvent ne pas s’épuiser, à condition que le rythme
de prélèvement ne dépasse pas la capacité de régénération et d’accroissement naturel. Le concept de
renouvelabilité de la ressource peut être défini selon les travaux de Mary Sancy comme « une régénération
de la chose frugifère » : M. Sancy, « L’énergie solaire et le droit : analyse de droit comparé, éléments pour
l’élaboration d’un système juridique cohérent favorisant le recours à cette forme d’énergie », thèse de droit,
Arlon, Fondation universitaire luxembourgeoise, 1994, p. 79. Maîtriser la renouvelabilité de la ressource
implique de définir un seuil maximum d’exploitation en tenant compte des effets de l’exploitation sur l’ensem-
ble du système. Le recours aux énergies minières réduit le stock disponible et appelle au partage en faveur
des populations qui en sont dépourvues. Il faut surveiller le rythme d’épuisement et introduire des méthodes
de recyclage et d’économie pour faire en sorte que les ressources ne disparaissent pas avant que l’on ait
trouvé des substituts convenables.

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l’énergie et les mesures visant à économiser l’énergie ; une évaluation du niveau


de performance énergétique en comparaison avec des projets similaires parti-
culièrement performants ; une description du système d’organisation mis en
place pour contrôler, suivre et gérer l’utilisation de l’énergie ; des recommanda-
tions permettant d’améliorer le niveau de performance énergétique et recourir
aux énergies de substitutions 19. Il reviendrait au porteur de projet d’adopter les
mesures adéquates pour éviter, réduire et compenser cet impact énergétique.
A cet effet, l’acquisition de certificats verts et d’économie d’énergie pourrait servir
d’instrument de compensation de dernier ressort.
La loi reconnaît également de nouveaux droits.

II. – DES DROITS RÉFORMÉS


Ces droits sont constitués du droit de produire de l’énergie renouvelable (A) et
du droit à l’information sur l’énergie (B).

A) LE DROIT DE PRODUIRE DE L’ÉNERGIE RENOUVELABLE


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Le droit de produire de l’énergie renouvelable se compose du droit d’implanter
des installations de production d’énergie renouvelable (1) et du droit d’exploiter
des éoliennes (2).

1. Le droit d’implanter des installations de production d’énergie renouvelable


L’article L. 111-6-2 du Code de l’urbanisme établit le principe selon lequel le
permis de construire, d’aménager ou la décision prise sur une déclaration préa-
lable ne peut s’opposer à l’utilisation de matériaux renouvelables, de matériaux
ou procédés de construction permettant d’éviter l’émission de gaz à effet de
serre, ou la production d’énergie renouvelable correspondant aux besoins de la
consommation domestique des occupants de l’immeuble ou de la partie
d’immeuble concernés. Il demeure inopérant dans les secteurs protégés 20. Il
conduit à conférer aux individus, un droit de produire de l’énergie renouvelable
dans une limite correspondant à la consommation domestique des occupants
de l’immeuble, exception faite des secteurs protégés.
L’article 88 de la loi reconnaît le droit de toute personne morale, quelle que soit
sa mission, d’utiliser l’énergie radiative du soleil dont les générateurs sont fixés
ou intégrés aux bâtiments dont elle est propriétaire.

19. Tunisie, loi no 2004-72 relative à la maîtrise de l’énergie, Journal officiel de la République tunisienne,
no 63, 6 août 2004, p. 2231 à 2234 ; décret no 2004-2144 fixant les conditions d’assujettissement des
établissements consommateurs d’énergie à l’audit énergétique obligatoire et périodique, le contenu et la
périodicité de l’audit et les catégories de projets consommateurs d’énergie assujettis à la consultation
obligatoire préalable, les modalités de sa réalisation ainsi que les conditions d’exercice de l’activité des
experts auditeurs, 2 septembre 2004, Journal officiel de la République tunisienne, no 74, 14 septembre
2004, p. 2684 à 2687, article 5 ; Algérie, loi no 99-09 du 28 juillet 1999 relative à la maîtrise de l’énergie ;
décret exécutif no 05-495 relatif à l’audit énergétique des établissements grands consommateurs d’énergie,
Journal officiel, no 84, 29 décembre 2005, p. 14 à 16, articles 4 à 6.
20. Cette exception s’applique dans un secteur sauvegardé, ZPPAUP, dans le périmètre de protection
d’un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques, en site inscrit ou classé, à l’intérieur
du cœur d’un parc national, aux travaux portant sur un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments
historiques ou adossé à un immeuble classé et aux immeubles protégés en application du 7o de l’article
L. 123-1-5 du Code de l’urbanisme.

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Ce même article donne également compétence aux régions, départements et


EPCI pour aménager, exploiter, faire aménager et faire exploiter dans les condi-
tions prévues par le Code général des collectivités territoriales, des installations
de production d’électricité.
Le règlement du PLU peut désormais imposer aux constructions, travaux, ins-
tallations et aménagements de respecter des performances énergétiques et envi-
ronnementales renforcées, en complément de la possibilité de recommander
l’utilisation des énergies renouvelables pour l’approvisionnement des construc-
tions neuves, en fonction des caractéristiques de ces constructions 21.
Le droit d’implanter des installations de production d’énergie renouvelable se
manifeste enfin pour les collectivités locales par une décentralisation de la pro-
cédure de classement pour les réseaux de chaleur lorsqu’ils sont alimentés à
plus de 50 % par de l’énergie renouvelable ou de récupération. Le classement
est prononcé par délibération de la collectivité ou du groupement de collectivités
pour une durée ne pouvant excéder trente ans. Il permet de définir un ou plu-
sieurs périmètres de développement prioritaire compatibles avec les disposi-
tions des documents d’urbanisme en vigueur et ainsi imposer son raccordement
à toute installation d’un bâtiment neuf ou faisant l’objet de travaux de rénovation
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importants, qu’il s’agisse d’installations industrielles ou d’installations de chauf-
fage de locaux, de climatisation ou de production d’eau chaude excédant un
niveau de puissance de trente kilowatts. L’enquête publique est supprimée et
remplacée par l’avis de la commission consultative des services publics locaux
lorsqu’elle existe.
Le droit d’exploiter des éoliennes complète ce dispositif.

2. Le droit d’exploiter des éoliennes


Il convient de distinguer le régime des éoliennes terrestres caractérisé par une
complexification de la législation tandis que des assouplissements sont à noter
pour les installations maritimes. La loi prévoit que, dans un délai d’un an à comp-
ter de l’entrée en vigueur de la loi, les éoliennes terrestres de plus de 50 mètres
seront soumises au régime ICPE de l’autorisation, soit le régime le plus contrai-
gnant 22. Cette mesure avait pourtant été écartée, à l’unanimité par les acteurs
du Grenelle de l’environnement 23. Elle était également rejetée par un rapport du
Conseil général des Mines de juillet 2004 consacré à la sécurité des installations
éoliennes 24. L’obligation d’achat ne peut être accordée qu’aux éoliennes consti-
tuant des unités de production composées d’au moins cinq installations, dans
une zone de développement de l’éolien (ZDE), elle-même située dans un schéma

21. Article L. 123-1-5-14o du Code de l’urbanisme.


22. Article L. 553-1 du Code de l’environnement ; « Guide de l’étude d’impact sur l’environnement des
parcs éoliens », ministère chargé de l’Ecologie, juillet 2010 ; le PLU pouvant interdire, dans certaines zones,
l’implantation d’installations classées, l’article L. 553-4 du Code de l’environnement précise que « les dis-
positions d’un plan local d’urbanisme ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu relatives aux installations
classées, approuvées avant la date d’entrée en vigueur de la présente loi, ne sont pas applicables aux
installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent ».
23. D. Gillig, « Les éoliennes : une nouvelle catégorie d’installations classées ? », Env., no 10, comm. 138,
octobre 2008 ; A. Gossement, « Projet de loi Grenelle 2 : ce qui va vraiment changer pour les éoliennes... »,
19 avril 2010, www.arnaudgossement.com
24. R. Guillet et J.-P. Leteurtrois, Rapport sur la sécurité des installations éoliennes, no 04-5, ministère de
l’Economie, des Finances et de l’Industrie, Conseil général des Mines, juillet 2004.

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régional du climat, de l’air et de l’énergie 25. L’article L. 553-1 du Code de l’envi-


ronnement prévoit que la délivrance de l’autorisation d’exploiter est subordonnée
à l’éloignement des installations d’une distance de 500 mètres par rapport aux
constructions à usage d’habitation, aux immeubles habités et aux zones desti-
nées à l’habitation 26. Ces dispositions s’avèrent contraires aux recommandations
de l’AFSSET préconisant une appréciation au cas par cas 27. En cas de défail-
lance de l’exploitant, la société mère pourra être déclarée responsable du
démantèlement et de la remise en état du site, dès qu’il est mis fin à l’exploitation,
quel que soit le motif de la cessation de l’activité. De plus, dès le début de la
production, puis au titre des exercices comptables suivants, l’exploitant ou la
société propriétaire se voit dans l’obligation de constituer les garanties financiè-
res nécessaires au démantèlement et à la remise en état du site 28. Un amende-
ment de Serge Poignant supprime l’objectif de production d’électricité de
25 000 MW à partir d’énergie éolienne sensé compléter la loi Grenelle 1 29.
Il en va différemment des éoliennes maritimes, désormais soumises à une
concession d’utilisation du domaine public maritime, une autorisation au titre de
la loi sur l’eau, une étude d’impact et une enquête publique 30. Ne sont désormais
plus requis le permis de construire, l’implantation en ZDE, le régime ICPE n’étant
quant à lui pas applicable. Cet allègement vise à réaliser un objectif de 6 000 MW
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d’ici 2020 31.
Une seconde prérogative est reconnue par la loi Grenelle 2 : le droit à l’informa-
tion sur l’énergie.

25. Loi no 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public
de l’électricité, JORF no 35 du 11 février 2000, article 10-3o ; issu de l’amendement no CD 1253 de Serge
Poignant (le sous-amendement 1619 de Christian Jacob entendait porter la puissance minimale à 25 MW
et le nombre minimal de mâts à dix).
26. Ces dispositions ne s’appliquent pas aux habitations édifiées postérieurement à la loi : M. Pastor, « La
loi Grenelle II est définitivement adoptée », AJDA 2010, p. 1292.
27. AFSSET, Impacts sanitaires du bruit généré par les éoliennes - Etat des lieux de la filière éolienne -
Propositions pour la mise en œuvre de la procédure d’implantation, mars 2008 ; G. Durand-Pasquier,
« Eoliennes et santé humaine : Application ou non d’un principe de précaution ? », Construction-Urbanisme,
no 10, alerte 54, octobre 2009.
28. G. de Rubercy, « Sécurisation des actifs dédiés au financement du démantèlement des installations
nucléaires : questions nouvelles et propositions », Env., mars 2010, p. 15-21.
29. Amendement no CD 1256.
30. Concession d’utilisation du DPM : article L. 2124-3 du CG3P ; autorisation au titre de la loi sur l’eau :
articles L. 214-1 et R. 214-1 du Code de l’environnement ; P. de La Bouillerie et B. Martor, « Projets éoliens
offshore : un nouveau souffle électrique en haute mer », JCP E, no 16, avril 2010, p. 1394 ; loi no 2010-788
du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, préc., article 71 modifiant le II de
l’article 2 de la loi no 2000-108 du 10 février 2000 précitée : « les missions imparties par la présente loi aux
gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité s’étendent à la mer territoriale,
au plateau continental et à la zone économique au large des côtes du territoire de la République lorsque
les ouvrages électriques sont raccordés aux réseaux publics terrestres exploités par ces gestionnaires.
Ces missions s’exercent conformément à la loi no 68-1181 du 30 décembre 1968 relative à l’exploration du
plateau continental et à l’exploitation de ses ressources naturelles et à la loi no 76-655 du 16 juillet 1976
relative à la zone économique et à la zone de protection écologique au large des côtes du territoire de la
République ». L’article 33 de la loi portant engagement national pour l’environnement adapte l’article 88 de
la loi no 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, JORF
no 163 du 14 juillet 2005, pour permettre l’établissement d’un contrat d’achat de l’électricité d’origine renou-
velable aux installations situées sur le domaine public maritime ou dans la zone économique exclusive.
31. O. Bonneau, « Energies photovoltaïques et éoliennes : aspects urbanistiques et environnementaux »,
colloque Actualité du droit de l’énergie - énergies et environnement : problèmes actuels, Université de Pau
et des pays de l’Adour, 29 juin 2010 ; MEEDDM, Le programme de l’éolien en mer va s’accélérer, 6 mai
2010, www.developpement-durable.gouv.fr

RJ • E no spécial 2010

191
C. KROLIK - ÉNERGIE ET CLIMAT DANS LA LOI ENE

B) LE DROIT A L’INFORMATION SUR L’ÉNERGIE


L’émergence du droit à l’information sur l’énergie trouve sa source dans le ser-
vice universel de l’énergie 32. Il se concrétise par des obligations d’information
renouvelées (1) et par un diagnostic de performance énergétique renforcé (2).

1. Des obligations d’information renouvelées


Certaines obligations proposées par le Groupe I – Lutter contre les changements
climatiques et maîtriser l’énergie – telles que l’extension de l’étiquetage énergé-
tique à tous les appareils de grande consommation, n’ont pas été reprises par
le législateur. Un nouveau dispositif prévoit néanmoins une extension de l’obli-
gation d’information des énergéticiens se traduisant par la possibilité par décret
en Conseil d’Etat, de « prescrire aux fournisseurs d’électricité, de gaz naturel ou
de chaleur l’obligation de communiquer périodiquement aux consommateurs
finals domestiques un bilan de leur consommation énergétique accompagné
d’éléments de comparaison et de conseils pour réduire cette consommation et
une évaluation financière des économies éventuelles » 33.
Un décret déterminera les conditions dans lesquelles le maître d’ouvrage attes-
tera de la conformité du bâtiment à la réglementation thermique au moment du
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dépôt du dossier de demande de permis construire et à l’achèvement des
travaux 34.
L’article L. 214-1-II du Code de la consommation prévoit que toute personne qui
commercialise ou organise une prestation de transport de personnes, de mar-
chandises ou de déménagement doit fournir au bénéficiaire de la prestation une
information relative à la quantité de dioxyde de carbone émise par cette
prestation.
L’article L. 121-15-4 complète le dispositif puisque lorsque des publicités, quel
que soit leur support, présentent des produits soumis à l’étiquetage énergétique
communautaire en indiquant leur prix de vente, elles comportent la mention de
la classe énergétique de ces produits de façon aussi visible, lisible et intelligible
que l’indication de leur prix de vente.
L’article L. 214-1 du même code prévoit la publication de décrets en Conseil
d’Etat encadrant les allégations à caractère environnemental ou utilisant les ter-
mes de développement durable ou ses synonymes, lorsque ces allégations sont
présentées sur les produits destinés à la vente aux consommateurs ou accom-
pagnent leur commercialisation sous forme de mentions sur les emballages, les
publications, la publicité, la télémercatique ou d’insertions sur supports numéri-
ques ou électroniques 35.
Ces dispositions sont complétées par un renforcement du diagnostic de perfor-
mance énergétique.

32. C. Krolik, « Le droit à l’énergie », in « Les nouvelles technologies et le droit de la Convention européenne
des droits de l’homme », à paraître ; directive no 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du
13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité, JOUE no L 211/55
du 14 août 2009, article 3, paragraphe 3.
33. Article L. 224-1-II du Code de l’environnement.
34. Articles L. 111-9 et 10 et L. 111-9-1 du CCH ; A. Vincent, « Examen du Grenelle 2 au Sénat : volets
bâtiment et urbanisme », D. 2009, p. 2215.
35. Cette disposition complète les actions entreprises par le ministère du Développement durable dans
ce domaine : « Une publicité éco-responsable... », Env., no 5, alerte 29, mai 2008.

RJ • E no spécial 2010

192
C. KROLIK - ÉNERGIE ET CLIMAT DANS LA LOI ENE

2. Un diagnostic de performance énergétique renforcé


Le diagnostic de performance énergétique (DPE) est un instrument d’information
sur les consommations prévisionnelles d’énergie des bâtiments 36. Sa production
est obligatoire pour toute construction, extension d’un bâtiment et lors de ventes
ou locations 37. La loi Grenelle 2 étend son champ d’application aux bâtiments
équipés d’une installation collective de chauffage ou de refroidissement, avant
le 1er janvier 2017 38. Dans ce cas, le syndic devra inscrire à l’ordre du jour de
l’assemblée générale des copropriétaires suivant l’établissement du DPE, la
question d’un plan de travaux d’économies d’énergie ou d’un contrat de perfor-
mance énergétique 39.
L’article L. 134-4-3 du Code de la construction et de l’habitation (CCH) prévoit
à compter du 1er janvier 2011, en cas de vente ou de location d’un bien immo-
bilier, la mention de sa performance énergétique dans les annonces relatives à
la vente ou la location.
Les articles L. 134-3-et L.134-3-1 du CCH rendent obligatoire la mise à dispo-
sition et la transmission du DPE par le propriétaire en cas de vente ou location
d’immeuble 40. Celui-ci n’a qu’une valeur informative dans le cadre du bail et le
locataire ne peut s’en prévaloir à l’encontre du bailleur 41.
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Des moyens mitigés complètent ces nouveaux droits.

III. – DES MOYENS MITIGÉS


Les moyens développés dans la loi Grenelle 2 se manifestent sous forme d’une
planification réformée (A) et d’un cadre juridique renouvelé (B).

A) UNE PLANIFICATION RÉVISÉE


La réforme de la planification se traduit par des schémas peu prescriptifs et
expéditifs (1) et par un projet d’intérêt général (PIG) marqué par l’autorité (2).

1. Des schémas peu prescriptifs et expéditifs


L’article L. 222-1 du Code de l’environnement prévoit l’obligation de réaliser des
schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie (SRCAE) en remplacement
des plans régionaux pour la qualité de l’air (PRQA). Ils sont élaborés dans

36. Articles L. 134-1 à 5 et R. 134-1 à 9 du CCH ; M. P. Maître, « Diagnostic de performance énergétique »,


Env., no 2, comm. 30, février 2008.
37. R. Martin, « Le diagnostic énergétique pour les bâtiments existants à usage principal d’habitation
destinés à la location », Annales des loyers, no 7, 1er juillet 2007, p. 1366-1369 ; Y. Magueresse, « Du
diagnostic de performance énergétique en matière de vente en l’état futur d’achèvement », JCP N, no 41,
12 octobre 2007, p. 15-17.
38. Les bâtiments dont le dépôt de la demande de permis de construire est antérieur au 1er juin 2001 en
sont exemptés mais font l’objet d’un audit énergétique dont le contenu et les modalités de réalisation sont
définis par décret en Conseil d’Etat : article L. 134-4-1 du CCH.
39. Article L. 134-4-1 du CCH.
40. Suppression de l’opposabilité du DPE et de l’obligation pour le vendeur de mettre le dossier de dia-
gnostic technique à la disposition des visiteurs dès la mise en vente du bien, sous peine de sanction
pénale : B. Berger, D. Courilleau et M.P. Maître, « Grenelle 2 : l’impact sur les entreprises », Env., no 8,
étude 17, août 2010.
41. G. Durand-Pasquier, « La portée de l’obligation d’annexer un diagnostic de performance énergétique
aux baux d’habitation », Constr.-Urb., alerte 4, 2007 ; M. Boutonnet, « Un an de jurisprudence sur la res-
ponsabilité civile des diagnostiqueurs lors de la vente d’immeubles », Env., no 3, chron. 2, mars 2008.

RJ • E no spécial 2010

193
C. KROLIK - ÉNERGIE ET CLIMAT DANS LA LOI ENE

chaque région dans un délai d’un an à compter de la publication de la loi, sous


la responsabilité conjointe du préfet de région et du président du Conseil régio-
nal, après consultation des collectivités territoriales concernées et de leurs grou-
pements 42. Ils déterminent à l’horizon 2020 et 2050, les orientations conduisant
à une division par quatre des émissions de gaz à effet de serre, des objectifs
régionaux de maîtrise de l’énergie et de valorisation du potentiel énergétique
terrestre, renouvelable et de récupération. Le SRCAE n’instaurant pas d’obliga-
tion directe aux documents d’urbanisme, il influera peu sur les modes de trans-
ports et le développement urbain 43.
Le schéma régional éolien (SRE) constitue désormais un volet du SRCAE défi-
nissant les parties du territoire favorables au développement de l’énergie
éolienne 44. La ZDE évolue sensiblement puisqu’en sus de l’avis de la commis-
sion départementale de la nature, des paysages et des sites et des communes
limitrophes, viennent se greffer ceux de la commission départementale compé-
tente en matière d’environnement, de risques sanitaires et technologiques
(CODERST) et des EPCI limitrophes. Le dernier alinéa de l’article 10-1 de la loi
du 10 février 2000 prévoit un rapport de compatibilité des ZDE postérieures aux
SRE. Inversement, le SRE prend en compte les ZDE créées antérieurement à
son élaboration. A défaut de publication du schéma au 30 juin 2012, le préfet
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de région élabore le projet de schéma et l’arrête avant le 30 septembre 2012,
selon des modalités déterminées par décret en Conseil d’Etat. En revanche, le
régime juridique persiste quant à l’inopposabilité des SRE et ZDE aux demandes
d’autorisation d’implantation et d’exploitation d’éoliennes 45.
Un plan climat-énergie territorial (PCET) est rendu obligatoire pour les régions,
départements, communes et leurs groupements de plus de 50 000 habitants, à
compter du 31 décembre 2012 46. Il définit des objectifs en termes d’atténuation
du réchauffement climatique et un programme d’action comprenant une amé-
lioration de l’efficacité énergétique et un accroissement de la production d’éner-
gie renouvelable. Il comprend un dispositif de suivi et d’évaluation des résultats.
L’article L. 111-1-1 du Code de l’urbanisme prévoit que le SCOT doit « prendre
en compte » les PCET, ces derniers devant être compatibles avec les SRCAE 47.
Le plan climat-énergie territorial régional peut être intégré dans le SRCAE. Les
EPCI non visés par ledit article peuvent néanmoins adopter un PCET de manière
volontaire 48.

42. Loi no 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, préc., article 68 ;
R. Huitelec, « Grenelle de l’environnement et Schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie (SRCAE)
ou comment paver l’enfer de bonnes intentions », Droit env., no 181, août 2010, p. 253-256 ; C. Cans, « Loi
Grenelle 2 portant engagement national pour l’environnement », Code permanent env., no spécial, septem-
bre 2010, p. 13.
43. Seuls les plans de protection de l’atmosphère (art. L. 222-4 du Code de l’environnement) et les plans
de déplacements urbains (loi no 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs, JORF
du 31 décembre 1982, p. 4004, art. 28) doivent être compatibles avec les SRCAE : J.-P. Brouant, « Energie
et climat : un certain manque de souffle », AJDA 2010, p. 1802 ; X. Braud, S. Charbonneau, C. Cans,
B. Drobenko, A. Faro, A.Gatet, M.-L. Lambert-Habib, M. Prieur, R. Romi et J. Untermaier, « Les impostures
du Grenelle de l’environnement », Rue 89, 4 juin 2010, www.rue89.com ; Ph. Billet, « Grenelle 2 de l’envi-
ronnement et collectivités territoriales », Env., étude 18, août 2010.
44. Article L. 222-1 du Code de l’environnement : au terme d’une période de cinq ans, le schéma fait
l’objet d’une évaluation et peut être révisé.
45. L. Le Corre, « Régime juridique des éoliennes », J.-Cl env., fasc. 4420, 2007.
46. Article L. 229-26 du Code de l’environnement ; A. Fourmon, « L’essor des plans Climat-Energie terri-
toriaux », Gaz. Pal., no 185, 4 juillet 2009, p. 24.
47. Article L. 229-26-IV du Code de l’environnement.
48. Article L. 2224-34 du CGCT.

RJ • E no spécial 2010

194
C. KROLIK - ÉNERGIE ET CLIMAT DANS LA LOI ENE

L’article 14 de la loi du 10 février 2000 prévoit désormais un schéma régional


de raccordement au réseau des énergies renouvelables définissant les ouvrages
à créer ou à renforcer pour atteindre les objectifs fixés par le SRCAE 49. Cet
apport est essentiel car il signifie qu’il revient aux gestionnaires de réseaux de
s’adapter aux évolutions sociétales et non l’inverse. Le législateur ne prévoit
cependant pas explicitement de rapport de compatibilité avec les SRCAE.
Les schémas de service collectifs de l’énergie demeurent en vigueur juridique-
ment 50. Ils définissent dans le cadre de la politique nationale de l’énergie, les
objectifs d’exploitation des ressources locales d’énergies renouvelables et d’uti-
lisation rationnelle de l’énergie concourant à l’indépendance énergétique natio-
nale, à la sécurité d’approvisionnement et à la lutte contre l’effet de serre. Aban-
donnés pour des motifs politiques, ils pourraient réserver des surprises sur le
terrain de leurs effets juridiques 51.
Cette planification est complétée par une réforme du projet d’intérêt général.

2. Un PIG autoritaire
L’article L. 121-9 du Code de l’urbanisme élève au rang législatif des dispositions
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relatives au PIG en prévoyant la possibilité pour l’autorité administrative de qualifier
de PIG les mesures nécessaires à la mise en œuvre des DTADD ainsi que tout
projet d’ouvrage, de travaux ou de protection présentant un caractère d’utilité publi-
que et destiné à la réalisation d’une opération d’aménagement ou d’équipement,
au fonctionnement d’un service public ou à la mise en valeur des ressources natu-
relles 52. La jurisprudence reconnaît la légalité d’un PIG pour des installations éner-
gétiques et pour des ICPE, ce qui permet de couvrir les éoliennes, installations de
combustion et de valorisation du biogaz 53. Il est arrêté par le préfet ou par un
ministre pour les grandes opérations et prévaut sur tous les documents d’urba-
nisme locaux obligeant les autorités locales à les modifier en conséquence 54.
Cette réforme présente l’avantage de pouvoir imposer des projets de production
d’énergie renouvelable aux collectivités locales. Il convient de remarquer que les

49. Loi no 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, préc., article 71.
50. Loi no 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire,
JORF no 31 du 5 février 1995, p. 1973, article 20 ; décret no 2002-560 du 18 avril 2002 approuvant les
schémas de services collectifs, JORF no 96 du 24 avril 2002, p. 7316 ; G. Chavrier, « Electricité », J.-Cl. A,
fasc. 154, 29 mai 2002.
51. Selon le Conseil d’Etat, les dispositions suffisamment précises dans ce type de documents peuvent
avoir des effets prescriptifs : CE, 5 mars 1999, M. Rouquette et autres, RFDA 1999, p. 357, concl.
C. Maugüé.
52. Loi no 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, préc., article 15 ;
article L. 113-4 du Code de l’urbanisme : pendant un délai de douze ans suivant la publication d’une
DTADD, l’autorité administrative peut qualifier de PIG, après avis des collectivités territoriales concernées
et de leurs groupements, dans les conditions définies par décret en Conseil d’Etat, les constructions, tra-
vaux, installations et les aménagements nécessaires à la mise en œuvre de cette DTADD ; Y. Jégouzo,
« Mise en œuvre par l’Etat d’un projet d’intérêt général de protection du paysage », AJDA 2010, p. 1508.
53. Légalité du PIG concernant le tracé d’une ligne d’adduction d’électricité : TA Versailles, 22 mai 1987,
CJEG 1987, p. 860, note P. Abou ; concernant un projet de barrage : CE, 12 octobre 1988, Fédération
limousine Etude et protection de la nature, LPA, 3 juillet 1989, p. 7 ; CJEG 1989, p. 259 ; Gaz. Pal. 1989, 1,
pan. dr. adm., p. 242 ; concernant l’aménagement de dépôts pétroliers : TA Nice,
18 novembre 1993, SCI Simian et a., D. 1994, somm. p. 98, note H. Charles ; concernant une ICPE :
CE, 7 février 2007, Société Sagace et Société méditerranéenne de nettoiement, no 287252, Juris-Data
no 2007-071413.
54. CE, 20 juin 1997, Ville d’Amiens et a., no 098123 ; J.-P. Lebreton, « Mouton noir dans le pré du
Grenelle », AJDA 2010, p. 1449 ; Mon. TP, 26 janvier 1996, à propos de l’agglomération orléanaise.

RJ • E no spécial 2010

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C. KROLIK - ÉNERGIE ET CLIMAT DANS LA LOI ENE

textes n’imposent aucune étude d’impact ni consultation publique préalables à


l’arrêté prescrivant le PIG 55. Par conséquent, si la consultation du public sera mise
en œuvre dans les conditions de droit commun pour l’élaboration du projet, elle
ne pourra remettre en cause son existence. Le PIG ne doit par conséquent être
utilisé que dans des circonstances particulières, l’implantation de parcs éoliens et
d’énergie solaire démontrant le rôle essentiel de la consultation publique.
Ces nouveaux instruments de planification se complètent d’un cadre juridique
renouvelé.

B) UN CADRE JURIDIQUE RENOUVELÉ


Les deux points essentiels de la réforme résident dans des orientations nouvelles
du droit de la construction (1) et dans un régime du stockage de dioxyde de
carbone critiquable (2).

1. Un droit de la construction orienté


L’article L. 128-1 du Code de l’urbanisme prévoit la possibilité de dépasser le
coefficient d’occupation des sols (COS) jusqu’à 30 % si les bâtiments concernés
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sont particulièrement performants en matière énergétique 56. L’article L. 111-10-3
du CCH prévoit la réalisation de travaux d’amélioration de la performance éner-
gétique dans les bâtiments existants à usage tertiaire ou dans lesquels s’exerce
une activité de service public avant le 1er janvier 2020 57. L’article L. 111-9 du
CCH dispose qu’un décret en Conseil d’Etat déterminera de manière plus fine
la performance énergétique et environnementale des immeubles. De plus, à par-
tir de 2020 le niveau d’émissions de gaz à effet de serre devra être pris en
compte pour la définition de la performance énergétique de ces bâtiments. Les
certificats d’économie d’énergie qui auraient pu évoluer en ce sens se contentent
d’une révision à la marge, l’article 14 de la loi POPE modifiée étendant le champ
d’application des personnes soumises à des obligations d’économie d’énergie
en y intégrant « les personnes morales qui mettent à la consommation des car-
burants automobiles et dont les ventes annuelles sont supérieures à un seuil
défini par décret en Conseil d’Etat », en sus « des personnes morales qui ven-
dent de l’électricité, du gaz, de la chaleur ou du froid aux consommateurs finals
et dont les ventes annuelles excèdent un seuil ainsi que les personnes physiques
et morales qui vendent du fioul domestique aux consommateurs finals » 58.
Un régime émergent relatif au stockage de dioxyde de carbone complète le
renouvellement du cadre juridique.

55. CAA Bordeaux, 12 avril. 2001, Groupement défense population Californie, JurisData no 2001-166967 ;
RD imm. 2001, p. 532.
56. Loi no 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, préc., article 20 ;
« Adoption du Grenelle 2 : dispositions intéressant l’urbanisme », DA, alerte 62, août 2010.
57. Loi no 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, préc., article 3 ;
un décret en Conseil d’Etat doit déterminer la nature et les modalités de cette obligation de travaux, notam-
ment les caractéristiques thermiques ou la performance énergétique à respecter, en tenant compte de l’état
initial et de la destination du bâtiment, de contraintes techniques exceptionnelles, de l’accessibilité des
personnes handicapées ou à mobilité réduite ou de nécessités liées à la conservation du patrimoine his-
torique. Il précise également les conditions et les modalités selon lesquelles le constat du respect de
l’obligation de travaux est établi et publié en annexe aux contrats de vente et de location.
58. Loi no 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, préc., article 78 ;
loi no 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, préc.,
article 14.

RJ • E no spécial 2010

196
C. KROLIK - ÉNERGIE ET CLIMAT DANS LA LOI ENE

2. Un régime du stockage de dioxyde de carbone critiquable


Bien que la technique soit critiquée en elle-même au motif que pour capter
100 tonnes de CO2, il faut mettre en œuvre des procédés qui en produisent 20,
les propos se limitent à des remarques d’ordre juridique 59. Une directive régle-
mentant le stockage géologique du CO2 et créant un fonds de 300 millions de
quotas d’émissions, est désormais transposée aux articles L. 229-27 à L. 229-54
du Code de l’environnement 60.
L’article 19-VI de la loi Grenelle 1 établit le principe selon lequel « aucune mise
en service de nouvelle centrale à charbon ne sera autorisée si elle ne s’inscrit
pas dans une logique complète de démonstration de captage, transport et stoc-
kage du dioxyde de carbone ». Le captage et stockage de CO2 constitue une
opération complexe impliquant la combinaison de plusieurs régimes juridiques :
le dispositif ICPE pour la compression de gaz toxiques ; la loi du 29 juin 1965
sur le transport des produits chimiques par canalisations, ces dispositions figu-
rant à terme aux articles L. 555-1 à L. 555-30 du Code de l’environnement 61.
L’opération de stockage conduit à un encadrement désormais opéré par une
nouvelle section du Code de l’environnement intitulée « recherche de formations
souterraines aptes au stockage géologique de dioxyde de carbone », les dis-
positions figurant aux articles L. 229-27 à 31. Le cadre retenu conduit à appliquer
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le régime juridique du Code minier, puisque les formations souterraines aptes
au stockage géologique de dioxyde de carbone sont assimilées à des mines ;
les travaux de recherches sont assimilés aux travaux de recherches miniers,
requérant un permis exclusif de recherche et un encadrement au titre de la police
des mines 62.
Cette situation conduit à s’interroger sur l’opportunité de cette classification au
regard de la théorie du droit. L’encadrement du stockage de CO2 par le droit
minier semble contraire à la position de la Commission supérieure de codification
dont la doctrine consiste à intégrer dans le Code minier le stockage temporaire
de substances et dans le Code de l’environnement les stockages définitifs 63. En
effet, le rapport Bersani qualifie le stockage de CO2 d’opération à « très long
terme » 64. De plus, selon Sophie Nicinski et Pierre Pintat, le droit minier a pour
objet d’allouer la ressource rare que constituent les richesses contenues dans
le sol 65. Inversement, le stockage de substances nuisibles a vocation à être
encadré par le Code de l’environnement. Tel devrait être le cas du CO2 dont la

59. P. Le Hir, « La France mise sur le captage et le stockage du CO2 », Le Monde, 3 juin 2010,
www.lemonde.fr ; sur les projets en cours : P. Le Hir, « Quatre nouveaux démonstrateurs pour explorer
différentes solutions », Le Monde, 3 juin 2010, www.lemonde.fr
60. Directive no 2009/31/CE du Parlement européen et du conseil du 23 avril 2009 relative au stockage
géologique du dioxyde de carbone, JOUE no L 140/114 du 5 juin 2009.
61. Loi no 65-498 du 29 juin 1965 relative au transport des produits chimiques par canalisations, JORF du
30 juin 1965, p. 5440 ; abrogée par l’ordonnance no 2010-418 du 27 avril 2010 harmonisant les dispositions
relatives à la sécurité et à la déclaration d’utilité publique des canalisations de transport de gaz, d’hydro-
carbures et de produits chimiques, JORF, no 101 du 30 avril 2010, p. 7826. Ses dispositions entreront
progressivement en vigueur à la date de publication des décrets qu’elle prévoit et au plus tard le 1er janvier
2012. Selon l’article L. 229-31 du Code de l’environnement, le transport par canalisations de CO2 constitue
une opération d’intérêt général au sens de l’article premier de la loi no 65-498 du 29 juin 1965 relative au
transport des produits chimiques par canalisations, cette qualification signifiant que ces travaux contribuent
« à l’expansion de l’économie nationale ou régionale », permettant ainsi l’établissement de servitudes et
bénéficiant de la qualification de travaux publics.
62. Article L. 229-29 et 30 du Code de l’environnement.
63. Commission supérieure de codification, Dix-septième rapport annuel 2006, La Documentation fran-
çaise, 2007, p. 26-27.
64. F. Bersani, Les stockages souterrains de gaz carbonique, Ministère de l’Economie, des Finances et
de l’Industrie, La Documentation française, 5 avril 2006.
65. S. Nicinski et P. Pintat, « La libéralisation du secteur gazier », AJDA 2003, p. 223.

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C. KROLIK - ÉNERGIE ET CLIMAT DANS LA LOI ENE

nocivité se manifeste dans l’établissement d’un système européen d’échange


des permis d’émission, la tentative d’un encadrement au titre de la « contribution
climat-énergie » et la lutte contre le réchauffement climatique qualifiée d’objectif
par le Conseil constitutionnel 66.
En pratique, le droit minier semble offrir un cadre suffisant pour assurer la pré-
servation de l’environnement durant l’exploitation, les insuffisances se manifes-
tant au terme de la concession par le transfert à l’Etat de la surveillance et de
la prévention des risques, ce qui s’avère manifestement incompatible avec le
principe du pollueur-payeur 67. L’alinéa 3 de l’article 93 du Code minier prévoit
en effet le versement en fin d’exploitation d’une somme correspondant au coût
estimé des dix premières années de la surveillance, de la prévention des risques
et du fonctionnement des équipements. Un encadrement au titre des installations
d’élimination des déchets pourrait dès lors s’avérer plus adapté. Elle requiert de
retenir la qualification de déchet pour le CO2, non explicitement reconnue par
les législateurs national et de l’Union, le dioxyde de carbone stocké à l’état liquide
à quatre-vingts bars de pression dans le sous-sol semblant néanmoins revêtir
les caractères propres à cette qualification, voire plus précisément celle de
déchet ultime 68. Cette solution permettrait au préfet en cas de survenance de
nuisances postérieurement à la cessation d’activité, de mettre en demeure
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l’exploitant de réaliser des travaux, voire d’y procéder à ses frais faute « d’avoir
pris les dispositions nécessaires pour la surveillance de l’installation, la conser-
vation des stocks et l’enlèvement des matières dangereuses » 69. Le choix du
Code de l’environnement pour le stockage des déchets radioactifs démontre
l’adéquation de ce droit pour encadrer des substances qui demeureront nuisi-
bles pendant plusieurs siècles. On pourrait en complément songer, du fait de la
nocivité et de la persistance de la matière, à un renforcement du provisionnement
destiné à assurer la surveillance et la gestion des risques postérieurement à
l’exploitation ainsi qu’à une mutualisation des coûts de surveillance et de gestion
des risques entre les différents exploitants recourant à cette technologie 70. Il
convient également de rappeler que le stockage de CO2 c’est aussi les forêts,
thème absent de la loi.

0
En conclusion, l’étude de la loi Grenelle 2 aboutit à une certaine circonspection
quant à l’adéquation des moyens juridiques mis en œuvre pour la réalisation des
objectifs, la loi se révélant sur de nombreux points, en deçà des moyens

66. Cons. const., décision du 29 décembre 2009, no 2009-599 DC, préc., considérant 82.
67. Article 93 du Code minier ; le transfert de responsabilité à l’Etat postérieurement à l’exploitation trouve
sa source dans l’article 18 de la directive relative au stockage géologique du dioxyde de carbone.
68. Article L. 541-1-1 du Code de l’environnement : « Au sens du présent chapitre, on entend par déchet :
toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont
il a l’intention ou l’obligation de se défaire » ; article L. 541-2-1 du Code de l’environnement : « Est ultime
au sens du présent article un déchet qui n’est plus susceptible d’être utilisé ou valorisé dans des conditions
techniques et économiques du moment, notamment par extraction de la part valorisable ou par réduction
de son caractère polluant ou dangereux ». F. Bersani, Les stockages souterrains de gaz carbonique,
ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, La Documentation française, 5 avril 2006, p. 14-20 ;
P. Le Hir, « La France mise sur le captage et le stockage du CO2 », Le Monde, 3 juin 2010, www.lemonde.fr
69. CAA Paris, 5 novembre 1991, Secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre chargé de l’environnement,
Rec. CE 1991, tables, p. 1062 ; RJE 1992, p. 73, concl. Dacre-Wright ; RFDA 1992, p. 839, obs. Théobald ;
Ph. Billet, « Installations d’élimination des déchets - Régime général », J.-Cl. env., fasc. 4280, 2 mai 2005,
no 138.
70. G. de Rubercy, « Sécurisation des actifs dédiés au financement du démantèlement des installations
nucléaires : questions nouvelles et propositions », Env., mars 2010, p. 15-21 ; article L. 542-12-2 du Code
de l’environnement.

RJ • E no spécial 2010

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C. KROLIK - ÉNERGIE ET CLIMAT DANS LA LOI ENE

proposés par le groupe de travail sur l’énergie et le climat. Elle se traduit par
des régressions juridiques telles que la suppression de l’enquête publique pour
les demandes d’augmentation des rejets radioactifs et chimiques et des prélè-
vements d’eau des installations nucléaires ne constituant pas une modification
notable de l’installation, remplacée par une mise à disposition du public 71. Elles
sont complétées par des régressions complémentaires à cette loi telles que la
réduction des avantages fiscaux à compter de 2011 en faveur des économies
d’énergie et de la production d’énergie renouvelable 72. Elle conduit à des pro-
gressions sur des points à l’opportunité douteuse, tels que le stockage de CO2 73.
Cette loi traduit un certain essoufflement dans l’innovation juridique, de nom-
breuses mesures étant rattrapées par le droit de l’UE. Dans un souci de lisibilité
et d’efficacité, peut-être aurait-il été souhaitable de recourir au triptyque tradi-
tionnel à l’énergie caractérisé par la suppression des subventions aux énergies
minières, leur taxation, et des mesures incitatives et coercitives en faveur de
l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables. L’extension du bonus-
malus, actuellement limité à l’automobile et en principe neutre sur les finances
publiques, pourrait constituer une voie intéressante en ce sens.
La loi Grenelle 2 traduit un renouvellement de la norme contraignante dans le
domaine de l’énergie. Il ne s’agit cependant pas d’une contrainte d’agir mais
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davantage d’une contrainte de réfléchir, induite par le développement d’instru-
ments d’évaluation et d’information. Elle confirme également l’intérêt du législa-
teur pour l’énergie, qui tend à devenir une véritable discipline disposant de
moyens juridiques propres.

71. Loi no 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, préc., article 243,
intègre un II bis à l’article 29 de la loi no 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité
en matière nucléaire, JORF no 136 du 14 juin 2006 p. 8946, disposant qu’ « un projet de modification de
l’installation ou de ses conditions d’exploitation soumis à l’accord de l’Autorité de sûreté nucléaire qui, sans
constituer une modification notable de l’installation, est susceptible de provoquer un accroissement signi-
ficatif de ses prélèvements d’eau ou de ses rejets dans l’environnement fait l’objet d’une mise à disposition
du public selon les modalités définies à l’article L. 122-1-1 du Code de l’environnement ».
72. « Le Gouvernement veut réduire les avantages fiscaux liés à l’écologie », Le Monde, 6 septembre
2010, www.lemonde.fr
73. X. Braud, S. Charbonneau, C. Cans, B. Drobenko, A. Faro, A. Gatet, M.L. Lambert-Habib, M. Prieur,
R. Romi et J. Untermaier, « Les impostures du Grenelle de l’environnement », préc. ; J. Parienté, « Comment
le projet de loi Grenelle 2 a été détricoté », Le Monde, 4 mai 2010, www.lemonde.fr

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