© De Boeck Supérieur
S’approprier le français
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h55. © De Boeck Supérieur
Champs linguistiques Collection dirigée par Marc Wilmet (Université libre de Bruxelles) et
Dominique Willems (Universiteit Gent)
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h55. © De Boeck Supérieur
Recherches
Corminboeuf G., L’expression de l’hypothèse en français. Entre hypotaxe et parataxe
Demol A., Les pronoms anaphoriques il et celui-ci
Heyna F., Étude morpho-syntaxique des parasynthétiques. Les dérivés en dé– et en anti–
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h55. © De Boeck Supérieur
Manuels
Bal W., Germain J., Klein J., Swiggers P., Bibliographie sélective de linguistique française et romane. 2e édition
Bracops M., Introduction à la pragmatique. Les théories fondatrices : actes de langage, pragmatique cognitive, pragmatique intégrée. 2e édition
Chiss J.-L., Puech C., Le langage et ses disciplines. XIXe -XXe siècles
Delbecque N. (Éd.), Linguistique cognitive. Comprendre comment fonctionne le langage
Englebert A., Introduction à la phonétique historique du français
Gaudin Fr., Socioterminologie. Une approche sociolinguistique de la terminologie
Gross G., Prandi M., La finalité. Fondements conceptuels et genèse linguistique
Klinkenberg J.-M., Des langues romanes. Introduction aux études de linguistique romane. 2e édition
Kupferman L., Le mot «de». Domaines prépositionnels et domaines quantificationnels
Leeman D., La phrase complexe. Les subordinations
Mel’čuk I. A., Clas A., Polguère A., Introduction à la lexicologie explicative et combinatoire.
Coédition AUPELF-UREF. Collection Universités francophones
Mel’čuk I., Polguère A., Lexique actif du français. L’apprentissage du vocabulaire fondé sur 20 000 dérivations
sémantiques et collocations du français
Revaz Fr., Introduction à la narratologie. Action et narration
Recueils
Albert L., Nicolas L. (sous la direction de), Polémique et rhétorique de l’Antiquité à nos jours
Bavoux C. (dir.), Le français des dictionnaires. L’autre versant de la lexicographie française
Bavoux C., Le français de Madagascar. Contribution à un inventaire des particularités lexicales.
Coédition AUF. Série Actualités linguistiques francophones
Berthoud A.-Cl., Burger M., Repenser le rôle des pratiques langagières dans la constitution des espaces sociaux contemporains
Bouchard D., Evrard I., Vocaj E., Représentation du sens linguistique. Actes du colloque international de Montréal
Conseil supérieur de la langue française et Service de la langue française de la Communauté française de Belgique (Eds), Langue française
et diversité linguistique. Actes du Séminaire de Bruxelles (2005)
Corminboeuf G., Béguelin M.-J. (sous la direction de), Du système linguistique aux actions langagières. Mélanges en l’honneur d’Alain
Berrendonner
Dendale P., Coltier D. (sous la direction de), La prise en charge énonciative. Études théoriques et empiriques
Evrard I., Pierrard M., Rosier L., Van Raemdonck D. (dir.), Représentations du sens linguistique III. Actes du colloque international de
Bruxelles (2005)
Englebert A., Pierrard M., Rosier L., Van Raemdonck D. (Éds), La ligne claire. De la linguistique à la grammaire.
Mélanges offerts à Marc Wilmet à l’occasion de son 60e anniversaire
Hadermann P., Van Slijcke A., Berré M. (Éds), La syntaxe raisonnée. Mélanges de linguistique générale et française offerts à Annie Boone
à l'occasion de son 60e anniversaire. Préface de Marc Wilmet
Rézeau P. (sous la direction de), Variétés géographiques du français de France aujourd’hui. Approche lexicographique
Service de la langue française et Conseil de la langue française et de la politique linguistique (Eds), La communication avec le citoyen :
efficace et accessible ? Actes du colloque de Liège, Belgique, 27 et 28 novembre 2009
Service de la langue française et Conseil de la langue française et de la politique linguistique (éds), S’approprier le français. Pour une langue
conviviale. Actes du colloque de Bruxelles, Belgique, 21 et 22 novembre 2013
Simon A. C. (sous la direction de), La variation prosodique régionale en français
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h55. © De Boeck Supérieur
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h55. © De Boeck Supérieur
S’approprier le français
Pour une langue conviviale
Actes du colloque de Bruxelles (2013)
C h a m p s l i n g u i s t i q u e s
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h55. © De Boeck Supérieur
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h55. © De Boeck Supérieur
Pour toute information sur notre fonds et les nouveautés dans votre domaine
de spécialisation, consultez notre site web : www.deboecksuperieur.com
Imprimé en Belgique
Dépôt légal :
Bibliothèque nationale, Paris : octobre 2015 ISSN 1374-089X
Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles : 2015/13647/102 ISBN 978-2-8011-1751-4
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h55. © De Boeck Supérieur
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h55. © De Boeck Supérieur
SOMMAIRE
INTRODUCTION GÉNÉRALE 7
Robert BERNARD, Anne DISTER, Jean-Marie KLINKENBERG,
Marie-Louise MOREAU et Dan VAN RAEMDONCK
OUVERTURE 13
Martine GARSOU
CONFÉRENCES INAUGURALES
Éloge du politiquement correct 15
Édouard DELRUELLE
La réforme de l’écriture de l’allemand : des enseignements
pour la politique linguistique francophone ? 25
Heinz BOUILLON
Partie I
APPROPRIATION : DEMANDE ET EXIGENCES SOCIALES 33
5
S’approprier le français
Partie II
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h55. © De Boeck Supérieur
DIDACTIQUE ET APPROPRIATION 83
Partie III
EXPÉRIENCE D’APPROPRIATION 119
Partie IV
APPROPRIATION ET REPRÉSENTATIONS 127
CONCLUSIONS
Pour une politisation des débats de politique linguistique 157
Philippe HAMBYE
6
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h56. © De Boeck Supérieur
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h56. © De Boeck Supérieur
INTRODUCTION GÉNÉRALE1
Le Comité scientifique du colloque
« Pour un français convivial. S’approprier la langue » :
Robert BERNARD, Anne DISTER, Jean-Marie KLINKENBERG,
Marie-Louise MOREAU et Dan VAN RAEMDONCK
Comment consolider l’usage d’une langue là où elle est déjà pratiquée et com-
ment lui conquérir de nouveaux espaces, si l’on ne s’assure pas de son appro-
priation par ses locuteurs actuels et potentiels ? Quelle prétention peut-on avoir
à gagner des parts dans le marché des langues, si les locuteurs, natifs ou
d’adoption, semblent éprouver du mal à maitriser un corpus difficile à intégrer
comme leur ? Comment accepter que des usagers se sentent exclus de leur
propre langue ou de celle de leur cité ?
Sans doute ne faut-il pas sous-estimer le poids des représentations que les locu-
teurs francophones se forgent ainsi de leur propre langue, et qui déterminent
largement celles des apprenants du français. En particulier, la langue française
passe pour une langue difficile, souvent vue, à tort ou à raison, comme exi-
geante et trop dépendante d’une tradition normative et élitiste.
En tout état de cause, il existe bien un cout – qu’il importe de mesurer – de la
non-maitrise de la langue. Un handicap social auquel il importe de remédier à
tout prix, sous peine d’exclusion du vivre ensemble. La chose est bien connue.
Or la question de ce déficit est souvent abordée du côté de l’usager, sur qui on
fait reposer la responsabilité de son empire sur la langue : ce que l’on envi-
sage alors, ce sont les pratiques pédagogiques, les méthodologies, le niveau de
motivations. Au nom d’une conception essentialiste de la langue continuant à
peser sur les esprits, on met plus rarement en question la langue elle-même,
ses normes et les difficultés inhérentes à son système.
1. Le présent texte fait usage des rectifications de l’orthographe de 1990, proposée par tous
les organismes francophones compétents, dont l’Académie française.
7
S’approprier le français
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h56. © De Boeck Supérieur
envisager l’appropriabilité de celle-ci.
C’est cet ensemble de questions que s’est posé le colloque international « Pour
un français convivial. S’approprier la langue », qui s’est tenu à Bruxelles les 21
et 22 novembre 2013 à l’initiative de la Fédération Wallonie-Bruxelles (Service
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h56. © De Boeck Supérieur
8
Introduction générale
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h56. © De Boeck Supérieur
par Jean-Benoît Alokpon pour son exposé campe parfaitement celui-ci. L’auteur
connait bien le sujet : enseignant chevronné, il préside depuis 2012 l’Associa-
tion des professeurs de français de l’Afrique et de l’océan Indien. Après avoir
rappelé comment le français imposé de la période coloniale avait fait de ce
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h56. © De Boeck Supérieur
Les trois contributions groupées dans la seconde partie de ces actes sont consa-
crées au lien entre appropriation d’une langue et didactique. Ouvrant des pistes
9
S’approprier le français
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h56. © De Boeck Supérieur
qu’elles questionnent.
Mohamed Miled propose une réflexion sur la place du français et sur son
enseignement dans les pays du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne, là où
les contacts sont évolutifs et où la question de l’identité peut parfois rendre
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h56. © De Boeck Supérieur
ces contacts problématiques. Il propose une approche intéressante qui allie une
didactique dite « convergente » (qui revisite et dépasse la linguistique contras-
tive, et favorise les transferts positifs) à une collaboration entre les enseignants
de français et d’arabe (ou d’autres langues nationales).
Suzanne-G. Chartrand se propose d’étudier les représentations sclérosantes
que l’on trouve chez les élèves et les enseignants de français langue mater-
nelle (l’expérience québécoise étant aisément généralisable aux autres pays
de la francophonie du Nord), représentations qui bloquent l’appropriation de
la langue et empêchent donc d’atteindre les niveaux requis de compétences
langagières. Elle ouvre des perspectives sur les moyens d’agir à l’école sur
ces représentations en même temps qu’elle brise une lance en faveur d’un
travail sur le corpus.
Dominic Anctil propose, quant à lui, d’explorer des pistes de solutions allant
dans le sens de ce travail sur le corpus. Il se focalise sur l’aspect de l’appren-
tissage du lexique comme facteur d’acquisition de meilleures compétences
langagières.
10
Introduction générale
débats autour du thème choisi. Les femmes s’écoutent, trouvent, avec l’aide
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h56. © De Boeck Supérieur
de l’animateur, des reformulations plus adéquates, sont amenées, à travers les
mots, à préciser leur pensée.
Souvent, les participantes à l’atelier n’ont pas l’occasion de parler français
dans leur famille. C’est donc pour elles un moyen de pratiquer la langue,
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h56. © De Boeck Supérieur
11
S’approprier le français
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h56. © De Boeck Supérieur
trois parties. Dans la première, les auteurs s’interrogent sur les notions de
complexité, de difficulté et de convivialité : la complexité est liée au système
linguistique ; la difficulté renvoie à la perception de l’apprenant, influencée
par ses représentations et ses motivations ; la convivialité est du ressort de la
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h56. © De Boeck Supérieur
12
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h56. © De Boeck Supérieur
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h56. © De Boeck Supérieur
OUVERTURE
Allocution de Madame Martine Garsou, Directrice générale adjointe du Service
des lettres et du livre, Fédération Wallonie-Bruxelles :
Je suis très heureuse de vous accueillir ici aujourd’hui pour ce colloque orga-
nisé par le Service de la langue française et le Conseil de la langue française
et de la politique linguistique en collaboration avec le réseau Opale, un réseau
constitué des différents organismes linguistiques de la francophonie du Nord
(France, Québec, Suisse romande, Fédération Wallonie-Bruxelles). Les objectifs
de ce réseau visent à permettre à ces organismes linguistiques de coordonner
leurs actions pour répondre plus efficacement à des enjeux qui, en matière
de langue, dépassent souvent les logiques territoriales et d’affirmer ainsi la
légitimité d’une politique linguistique à l’attention des responsables politiques,
sociaux, économiques, ainsi que des citoyens.
Les questions évoquées depuis les années 1990 (1993 plus précisément)
au sein de ce réseau concernent aussi bien celles liées à la position du
français c.-à- d. son statut (quelles actions et stratégies mener pour ren-
forcer la position du français là où il est menacé : dans les sciences, les
nouvelles technologies… ?) que celles concernant la langue elle-même (le
corpus), son usage et son évolution. Une réunion annuelle est ainsi organisée
depuis 1993, réunion accompagnée depuis plusieurs années d’un colloque
ou d’un séminaire de réflexion, permettant de faire avancer l’analyse et
la comparaison des situations ainsi que d’adresser des recommandations
communes aux gouvernements concernés.
Diverses thématiques ont été abordées ces vingt dernières années. J’évoquerai
à titre d’exemple la question du plurilinguisme dans un contexte de mondialisa-
tion, la rédaction technique, l’intégration linguistique des migrants, l’évolution
du français contemporain, la place du français dans l’espace public.
Le colloque d’aujourd’hui traite de la question de l’appropriation du français.
Question centrale et complexe pour nos politiques éducatives, culturelles et
linguistiques dans nos sociétés où les compétences langagières, y compris les
13
S’approprier le français
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h56. © De Boeck Supérieur
savoir, à l’emploi, à la culture…
Or force est de constater que ces compétences ne sont pas acquises de manière
égale par tous. Les études PISA montrent par exemple des écarts très impor-
tants en Fédération Wallonie-Bruxelles en ce qui concerne les compétences en
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h56. © De Boeck Supérieur
14
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h56. © De Boeck Supérieur
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h56. © De Boeck Supérieur
CONFÉRENCES INAUGURALES
Édouard DELRUELLE
Mon exposé ne s’inscrit pas précisément dans le thème que vous avez choisi
d’explorer durant ce colloque : l’exclusion socioculturelle qui découle des dif-
ficultés inhérentes à la langue française et de sa tradition normative et élitiste.
C’est d’un autre sujet que je voudrais vous parler : l’exclusion qui découle de
l’usage de la langue à des fins de stigmatisation et de discrimination. Il y a
néanmoins une proximité thématique évidente, me semble-t-il, entre la convi-
vialité (concept qui préside à vos travaux) et la civilité (un concept qui oriente
mes réflexions sur le politique en général, et sur la liberté d’expression et les
discours de haine en particulier).
Mon itinéraire professionnel m’a permis de croiser sur cette question un point
de vue « théorique » – celui du philosophe politique – et un point de vue « pra-
tique » – à la direction du Centre pour l’égalité des chances, institution publique
belge indépendante de lutte contre les discriminations et de défense des droits
fondamentaux des étrangers. Je voudrais vous livrer quelques réflexions tirées
de cette expérience croisée.
Un point d’abord sur le cadre législatif. En Belgique comme dans la plupart des
pays européens, la loi interdit (1) les discriminations proprement dites (refuser
un emploi, un logement, l’accès à une école, un restaurant, etc., à une personne
ou un groupe de personnes en raison de sa prétendue race, son origine, son
15
S’approprier le français
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h56. © De Boeck Supérieur
forme la plus courante) et (3) les discours de haine, soit les incitations à la
haine, à la violence ou à la discrimination (en augmentation exponentielle avec
Internet et les médias sociaux).
Il faut d’abord bien comprendre que, sur le plan juridique, on ne combat pas
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h56. © De Boeck Supérieur
les discours de haine avec les mêmes outils que les discriminations :
– dans le cas des discriminations, l’outil juridique se base sur un principe
général qui est l’égalité de traitement. En principe, on ne peut jamais traiter
de façon différente deux catégories de personnes, sauf s’il y a « justification
objective et raisonnable ». Dans le cas du racisme, de telles justifications sont
rarissimes (la couleur de peau d’un acteur devant jouer le rôle de Nelson
Mandela). Sur cette base, il est possible de sanctionner les inégalités de
traitement de manière très large et très complète, qu’elles soient directes ou
indirectes, intentionnelles ou non intentionnelles (c’est pourquoi ces lois, en
Belgique, ont un volet civil). Une telle base juridique permet donc au Centre
pour l’égalité des chances, quand il est confronté à des cas de discrimina-
tion dans l’emploi, le logement, les biens et services, etc., d’intervenir assez
rapidement et dans un assez grand nombre de cas, sous forme d’une action
judiciaire s’il le faut (même si le Centre privilégie toujours la conciliation et
la négociation) ;
– dans le cas des propos qui incitent à la haine, à la discrimination ou à la
violence (ou qui nient, banalisent ou minimisent grossièrement les crimes
nazis), par contre, le principe général est la liberté d’expression. En principe,
on peut tout dire, sauf si l’on profère des propos qui incitent à la haine, à la
discrimination ou à la violence. Ici, la logique s’inverse : ce sont les limita-
tions à la liberté qui doivent être dument justifiées et proportionnées. Nous
sommes dans le champ pénal : pour attaquer quelqu’un en justice au motif
de l’incitation à la haine, à la discrimination ou à la violence, il faut donc
pouvoir prouver une intention de nuire. Contrairement aux discriminations,
les situations où une institution comme le Centre peut intervenir sont donc
beaucoup plus rares. Du point de vue de la démocratie, cette inversion de
la charge de la preuve est évidemment une garantie pour chacun de pouvoir
exprimer ses opinions et ses convictions – d’autant que la jurisprudence
belge, on va le voir, protège jalousement, à juste titre, la liberté d’expression.
Cette différence entre les outils de lutte contre les discriminations et les dis-
cours de haine suscite l’incompréhension de certains, qui ont l’impression fausse
d’un « deux poids deux mesures », comme si le Centre était intransigeant face
à la moindre discrimination à l’embauche, par exemple, mais indifférent face
à des propos nauséabonds et insupportables. L’explication est pourtant tout
autre. Comme on vient de le voir, les deux phénomènes s’inscrivent dans des
logiques juridiques « inverses » : dans un cas, l’égalité de traitement prime, et
16
Conférences inaugurales
c’est la différence de traitement qui est l’exception ; dans l’autre cas, c’est la
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h56. © De Boeck Supérieur
liberté d’expression qui prime, et c’est l’incitation à la haine qui est l’exception.
La législation sur les discours de haine suscite des controverses sans fin, et
même une réprobation de plus en plus forte, en ce qu’elle porterait atteinte à la
liberté d’expression. Pourtant, six années de lutte anti-discrimination au Centre
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h56. © De Boeck Supérieur
pour l’égalité des chances m’ont convaincu que la lutte contre les discours de
haine ne fait peser aucun risque sur la liberté d’expression, qu’il n’y a aucun
conflit entre la pénalisation des discours de haine et la liberté d’opinion.
Un arrêt célèbre de la Cour européenne des droits de l’Homme énonce que la
liberté d’expression est une liberté fondamentale qui s’étend jusqu’aux « propos
qui blessent, qui choquent ou qui inquiètent autrui ou l’État ». Autrement dit,
la blessure psychique que peut provoquer un message dénigrant ou insultant
chez le récepteur (tel membre de telle communauté) n’est aucunement un
critère de sanction. Cela signifie-t-il que l’on peut tout dire ? Certes non, la
même Convention autorisant les pays membres à sanctionner des propos à
trois conditions :
– il faut un « but légitime », à savoir la défense impérieuse de la démocratie,
c’est-à-dire des libertés fondamentales elles-mêmes ;
– cette interdiction doit faire l’objet d’une loi ;
– elle doit être proportionnée à l’objectif poursuivi.
L’erreur fondamentale, dans les débats qui portent sur cette question, c’est
de voir ce type de législation comme une manière de limiter l’expression
d’idées ou d’opinions qui seraient vraiment « trop » dérangeantes, comme s’il
s’agissait d’une question de « contenu ». Comme si la question était : quels
contenus de discours est-il légitime ou non d’exclure de l’espace public (par
exemple l’idéologie de l’extrême droite, ou d’une certaine extrême gauche,
le discours islamiste, ou au contraire islamophobe, ou les deux, etc.) ? Le
résultat, c’est que les citoyens et les groupes ont alors tendance à interpréter
la « limite » à l’aune de leurs propres convictions ou intérêts. Chacun voit
midi à sa porte, car le critère spontané est : « ils » (les adversaires) « exa-
gèrent ». Dans une telle perspective, on comprend que les professionnels de
l’expression (les journalistes, les caricaturistes, les historiens travaillant sur
l’histoire de l’esclavage ou la Seconde Guerre mondiale) soient généralement
hostiles à toute législation visant à lutter contre les discours de haine, comme
si cette législation risquait de s’appliquer à leur travail.
Or, c’est faux, tout simplement parce que telle n’est pas la logique de la loi, ni
la pratique des tribunaux. En réalité, ce qui peut faire l’objet de sanctions, ce
n’est jamais une idée ou une opinion, mais toujours un acte, un comportement.
Ce que le juge saisi d’une plainte pour incitation à la haine va examiner, ce
n’est pas l’opinion en tant que telle (aussi choquante, blessante ou inquiétante
17
S’approprier le français
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h56. © De Boeck Supérieur
termes, une incitation à la haine est un performatif par lequel le locuteur
accomplit un certain acte de langage dont l’intention et l’effet sont la haine, la
violence ou la discrimination.
Quand vous lisez la jurisprudence sur les discours de haine2, vous pourriez croire
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h56. © De Boeck Supérieur
que les juges sont des adeptes zélés des théoriciens des actes de langage (Austin
ou Searle) : ils identifient assez naturellement ce qui, dans un énoncé, relève de
sa dimension représentative (qui ne doit faire l’objet d’aucune considération de la
part du juge) et ce qui relève de sa dimension performative (à laquelle le même
juge doit par contre être très attentif). En effet, aucun énoncé n’est, en soi, un
discours de haine ; ce qui lui confère cette « qualité », c’est, d’une part, l’intention
du locuteur ; d’autre part, le contexte dans lequel il l’a prononcé (devant quel
public, à quelle occasion, etc.). Ces deux éléments sont précisément constitutifs de
ce que l’on appelle en linguistique un énoncé performatif, c’est-à-dire un acte de
langage mis en œuvre par le locuteur non pour décrire son environnement, mais
pour agir sur lui à l’aide de signes3. Un propos qui incite à la haine, c’est donc
un acte de langage qui est accompli dans cette intention, et dans un contexte qui
lui donne une efficacité potentielle sur le public auquel il s’adresse.
Si je dis « mort aux Juifs » lors d’une manifestation houleuse, ou que j’ordonne
« pas d’Arabes dans mon entreprise » à mon directeur des ressources humaines,
je n’énonce aucune opinion à propos des Juifs ou des Arabes, je fais bel et bien
quelque chose, ou je fais faire quelque chose à un tiers (ce qui est la définition
même de l’incitation).
Bien sûr, cette caractérisation de l’incitation à la haine comme acte de langage
n’épuise pas le débat :
– certains voudront interpréter la pragmatique de la haine de façon très restrictive,
en disant qu’on ne peut interdire un propos qu’à la condition que les victimes
potentielles soient physiquement présentes au moment de l’énonciation d’un
discours de haine (c’est la position dominante dans les pays anglo-saxons)
– selon l’exemple classique : lancer « mort aux Juifs » à une foule furieuse
en présence de Juifs ;
2. Je parle ici de la jurisprudence belge ; mais je gage qu’il en est de même en France, en
Suisse, au Québec, etc.
3. Le performatif fait donc quelque chose en même temps qu’il énonce : informer, inciter,
demander, convaincre, promettre, etc. Par exemple, l’énoncé « je vous déclare mari et femme »
prononcé par un officier d’état civil fait ce qu’il énonce, de même que l’énoncé la « séance
est ouverte » prononcé par une personne institutionnellement habilitée à le dire/faire. Un
énoncé devient un performatif en vertu (1) de l’intention de son locuteur, (2) de la manière
dont le destinataire la reçoit, et (3) du contexte dans lequel ils se trouvent. Cette théorie a
été développée par John Austin, How to do things with Words (1962), trad. Quand dire c’est
faire, Seuil, 1970 ; John Searle, Les Actes de langage (1969), Hermann 1972 (rééd. 2009).
18
Conférences inaugurales
– dans les pays européens qui ont vécu la montée puis les horreurs du fas-
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h56. © De Boeck Supérieur
cisme, cette condition est considérée comme beaucoup trop restrictive,
puisqu’elle ne permet pas de pénaliser les propos d’un apprenti dictateur
comme Hitler4.
Entre les partisans d’une interprétation restrictive ou élargie de la pragmatique
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h56. © De Boeck Supérieur
de haine, le débat est ouvert ; mais au moins les termes du débat sont-ils cor-
rectement posés, non plus en termes de représentations ou d’opinions, mais en
termes d’actes de langage.
Je voudrais donner un exemple concret, d’autant plus intéressant que depuis
lors, il a suscité un énorme débat. Mon dernier acte de directeur du Centre
pour l’égalité des chances, en juin 2013, a été de déposer plainte pour incita-
tion à la haine à l’encontre de « l’humoriste » français Dieudonné, suite à un
spectacle à Liège en 2012. Tout d’abord, je n’ai pas cherché à faire interdire
le spectacle : pas de censure a priori5. Mais pas question non plus de rester
inerte. Le Centre a dès lors collaboré avec la police locale qui a dressé un
procès-verbal détaillé du déroulement du spectacle. J’ai ainsi pu entendre la
totalité de ce spectacle. Que ce show soit une logorrhée antisémite et homo-
phobe de plus d’une heure, c’est incontestable. Mais s’agit-il d’incitation à la
haine ? Ici, la perspective pragmatique prend tout son sens. On peut discuter
à l’infini pour savoir si telle phrase ou telle autre, chacune prise isolément,
est antisémite ou homophobe ; ce qui m’est apparu certain, par contre, c’est
le dispositif pragmatique global de ce « show » dont les spectateurs étaient,
dans leur immense majorité, des jeunes de banlieues issus de l’immigra-
tion marocaine (c’est-à-dire un public particulièrement vulnérable, lui-même
victime de discriminations structurelles). Parmi les éléments pragmatiques,
relevons : le fait que Dieudonné provoque, non seulement des rires, mais
aussi des huées ; qu’il accompagne ses propos d’une gestuelle particulière
(la fameuse « quenelle », sorte de salut nazi inversé) ; le caractère répétitif
et systématique des propos négatifs envers les Juifs, qui atteste que l’intention
est bel et bien d’inciter à la haine contre eux.
Il n’est pas du tout sûr, au final, que l’actuelle direction du Centre ou la justice
belge aillent jusqu’au procès. Personnellement, j’ai regretté qu’on ne poursuive
4. À ceux qui ne comprennent pas la nécessité de législation contre les discours de haine,
je rappelle toujours qu’Hitler n’a tué personne : il n’a fait que prononcer des discours
et donner des ordres. Il est un criminel, non du fait d’avoir du sang sur les mains, mais
d’avoir manié la parole avec une efficacité et une perversité redoutables.
5. Certes, en Belgique comme en France, il existe toujours la possibilité d’interdire quelque
manifestation ou spectacle au titre du « trouble à l’ordre public ». Mais outre que cette
exception aux libertés publiques doit être maniée avec la plus grande circonspection, dans
le cas de Dieudonné en Belgique, il n’était pas possible de l’activer, en raison d’un arrêt du
Conseil d’État de 2011 qui avait cassé une décision d’interdiction d’un précédent spectacle
de Dieudonné, prise par le Bourgmestre de Saint Josse (Bruxelles).
19
S’approprier le français
pas Dieudonné en Belgique6. Mais cela prouve qu’il est extrêmement rare de
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h56. © De Boeck Supérieur
pouvoir sanctionner des propos au titre de l’incitation à la haine. Entre 2007
et 2013, le Centre n’a entamé que cinq procédures judiciaires pour incitation à
la haine (dont trois contre le seul groupe islamiste Sharia4Belgium). Or, mal-
gré cette politique de non-intervention, le Centre a la réputation d’exercer une
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h56. © De Boeck Supérieur
6. « Ne pas interdire ses spectacles, mais agir fermement a posteriori », interview dans Le Soir,
8 janvier 2014. (Depuis lors, il a été annoncé dans la presse que le Parquet de Liège avait
diligenté une enquête et que des poursuites seraient engagées – ce dont je me réjouis...).
7. Alain Destexhe, « Islamophobes ? », La Libre Belgique, 27 mars 2013.
20
Conférences inaugurales
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h56. © De Boeck Supérieur
néoconservatisme en Occident, qui a réussi à se faire passer pour le parti de la
transgression et de la critique, et le discours libertaire et progressiste, pour celui
de l’ordre établi et du dogmatisme. Alors que hier, les conservateurs tenaient
le discours du « sacré » (« il y a des choses auxquelles on ne touche pas ») et
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h56. © De Boeck Supérieur
21
S’approprier le français
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h56. © De Boeck Supérieur
citoyenneté, c’est-à-dire à la constitution d’une sphère de socialité indépen-
dante des attachements familiaux et des intérêts économiques, d’une part ; à un
comportement moral au quotidien – politesse, courtoisie, attention aux autres –
qui révèle une capacité de respecter autrui dans sa singularité, d’autre part.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h56. © De Boeck Supérieur
9. « Civilité » est d’ailleurs une traduction possible du terme « Sittlichkeit » tel qu’il est
employé par Hegel.
22
Conférences inaugurales
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h56. © De Boeck Supérieur
– qu’il s’agisse des forums de discussion, des blogs et sites, des médias sociaux
(Facebook et Twitter), des mails « en chaine », etc. Internet est aujourd’hui une
véritable jungle sans règles de civilité, et où les lois anti-discrimination, du
reste, ne sont pas appliquées. Avec Internet, on assiste en quelque sorte à un
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h56. © De Boeck Supérieur
23
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
Heinz BOUILLON
Chers Collègues,
Je tiens à remercier les organisateurs de m’avoir donné la chance de vous par-
ler des problèmes d’écriture en allemand, mais surtout parce que je le fais en
tant que membre du Conseil de l’orthographe allemande. Le monde allemand
est assez méconnu dans les pays francophones, pour des raisons historiques et
autres, mais il recèle parfois des solutions ou des pistes de solutions qui pour-
raient être pratiquées mutatis mutandis par d’autres. Je vous remercie dès lors
de votre demande et j’espère que notre façon de travailler au Conseil de l’ortho-
graphe allemande pourra être propice à l’avancement de vos travaux et renforcera
la conviction séculaire que le choc des idées peut faire jaillir la lumière.
Permettez-moi de circonscrire d’abord le problème posé par l’écriture de l’alle-
mand, les solutions trouvées par la création du Conseil de l’orthographe suite à
une profonde discorde dans le monde germanophone, puis enfin de vous faire
quelques suggestions qui émanent de mes expériences lors de ces sept dernières
années au sein de ce Conseil.
Tout d’abord, il faut partir du constat qu’en allemand il n’existe pas de vision
d’inclusion ou d’exclusion d’un mot par rapport à un vocabulaire officiel ger-
manophone. Il existe bien sûr une chasse aux anglicismes comme partout,
mais lorsqu’un mot est utilisé par l’une ou l’autre communauté, il est considéré
comme faisant partie du lexique. Il y a toujours eu une très grande variété de
25
S’approprier le français
mots pour désigner les choses en allemand, le mot « tomate » que vous com-
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
prenez aisément devient « Paradaiser » en Autriche et pour un grand nombre
de mots, même de souche germanique, on constate une distribution complé-
mentaire : « Speicher » désignant le grenier au Nord et « Dachboden » au
Sud ; chaque groupe ou sous-groupe régional comprend généralement le mot
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
26
Conférences inaugurales
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
qui en assura le suivi. Le monde germanophone adopta cette direction des
opérations par une maison d’édition et lorsqu’il y avait un doute sur l’écriture
du mot, il fallait se référer au Duden, aussi bien en Allemagne que dans les
pays voisins. Ce Duden connut de nombreuses éditions adaptées à l’introduction
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
2. La composition
D’entrée de jeu, la composition du Conseil a reflété davantage la volonté
d’aboutir à un résultat plutôt qu’un subtil dosage de taille ou d’influence. Le
Conseil se compose de dix-huit Allemands, neuf Autrichiens, neuf Suisses,
27
S’approprier le français
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
germanophone de Belgique, plus le Président. Depuis la réunion du Conseil
d’octobre 2013, il y a également un observateur luxembourgeois et il faut noter
que le Luxembourg ne veut à aucun prix en être membre effectif, il souhaite
juste envoyer un observateur. Selon le seul critère de taille, un Allemand est
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
des centaines de fois plus représentatif que l’un des quatre petits que je viens de
citer. Peut-être cette dernière réflexion pourrait-elle déjà vous inspirer lorsqu’il
s’agit de pondérer des représentations dans d’éventuels conseils à créer.
Chacun prend la parole à son gré, soit qu’il s’exprime sur la logique d’une règle
d’écriture à modifier éventuellement, soit qu’il fasse appel à une sensibilité plus
locale concernant cette règle. Un grand mérite dans la réussite de la réforme
revient en fait au Président Hans Zehetmair. Monsieur Zehetmair, à l’origine pro-
fesseur d’université, a été pendant une dizaine d’années ministre de l’Éducation
en Bavière. Il connait le sujet sur le plan linguistique, mais utilise aussi sa fibre
politique pour faire avancer les débats. Au niveau de la composition, les grandes
maisons d’édition de dictionnaires sont représentées. Ainsi le Conseil dispose au
travers de ces maisons d’édition et de l’IDS de quatre grands corpus qu’il peut
interroger : celui du Duden, du Wahrig-Brockhaus, celui de l’Institut central
pour la langue allemande (Institut für deutsche Sprache) de Mannheim et celui
du dictionnaire autrichien, j’expliquerai plus tard pourquoi c’est si important.
28
Conférences inaugurales
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
cale. Un mot est écrit avec une majuscule lorsqu’il est perçu comme substantivé.
Un adjectif qui suit une préposition par exemple (en général – im Allgemeinen)
suit souvent cette règle. Inutile de dire que de nombreuses hésitations subsistent
chez l’utilisateur moyen ou chez l’élève et dans ce cas, la liste de référence ou
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
4. Observation
C’est ainsi que les quatre grands corpus sont sollicités pour observer la pratique
quotidienne des scribes germanophones. Les plus grands corpus ont chacun
plus de deux milliards de signes et il est possible d’établir l’historique d’une
graphie sur une vingtaine d’années.
On a pu observer un phénomène étrange : lorsqu’une nouvelle règle décrit très
clairement un type de graphie, il ne faut que quatre ans pour que la nouvelle
utilisation prescrite soit adoptée par 95 % des utilisateurs. Lorsqu’une règle
laisse subsister des hésitations ou des choix, les chiffres recueillis indiquent
clairement une adaptation plus lente. Dans certains cas examinés l’ancienne
règle devenue incorrecte et la nouvelle règle se partagent le terrain à 50 %,
la communauté hésite, signe que dans les années à venir, il faudra peut-être
clarifier la règle.
Un moment très attendu sera aussi celui où les enfants qui ont débuté avec la
nouvelle orthographe pourront être valablement testés.
Pour l’instant le Conseil observe les habitudes d’écriture sur les gigantesques
corpus à sa disposition. Certes, la représentativité de ceux-ci peut être remise en
cause mais au départ, il s’agit tout de même d’un magnifique instrument et dès
lors pourquoi pas s’en servir ? Par ailleurs, il ne s’agit pas non plus d’observer
la fréquence des fautes de tout genre. L’objet des observations se situe dans les
29
S’approprier le français
zones d’ombres des règles actuelles, des hésitations possibles, de l’utilisation des
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
variantes. Il ne s’agit pas d’ériger en règle une faute observée avec constance, il
s’agit d’affiner les règles pour qu’elles produisent un maximum de graphies justes.
La pomme de discorde reste les variantes. Un exemple typique : Creme, Crème,
Krem sont trois variantes du même mot. Beaucoup moins que 1 % des occur-
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
rences sont occupées par le mot « Krem ». Vouloir l’éliminer de la liste des
variantes pourrait toutefois froisser des sensibilités…
Il faut observer à ce stade-ci, que les lignes de partage dans ce domaine peuvent
traverser des régions, le Nord et le Sud, les nationalités, les Autrichiens versus les
Allemands versus les Suisses, des sous-groupes d’utilisateurs, comme des jour-
naux, des écrivains qui souhaitent se démarquer. Alors le Conseil est le lieu où
ces différences sont exprimées. Cela se fait dans une sorte de convivialité où les
représentants font tout de même un maximum pour ne pas vexer le voisin et tenir
compte de sa différence. Je suis d’ailleurs frappé par le fait qu’en représentant
moins d’un millième de la communauté germanophone mais représentant une
communauté autonome, mon avis soit sollicité par exemple sur notre particularité
scolaire dans l’enseignement de l’orthographe au même titre que l’Allemagne.
Par son existence même, le Conseil de l’orthographe est une réussite parce qu’il
propose des solutions non nationales à des problèmes qui pourraient mener
facilement à des raidissements identitaires.
Enfin, je ne peux éviter de parler d’un débat plus fondamental qui n’est pas défi-
nitivement tranché. À certains moments, des membres ont proposé de réécrire
complètement tout le système de règles afin qu’il soit plus lisible, plus facile
d’accès au moins aux professeurs de l’enseignement fondamental ou secondaire.
Le contrargument retenu a été de dire qu’il faut considérer le système de règles
comme un ensemble de textes législatifs qui n’aurait pas pour objectif premier
l’élégance de la formulation, mais bien la pertinence nécessaire pour prévoir le
plus grand nombre d’applications correctes possibles. Réécrire dans son ensemble
ce système de règles mènerait à des graphies inattendues, non prévues, probable-
ment source de nouvelles hésitations. L’attitude générale à ce stade des délibéra-
tions est de se contenter d’éventuellement adapter l’existant aux réalités observées
et non un soi-disant « nettoyage » du premier texte. La prudence prévaut.
5. Suggestions
Après ce tour d’horizon, rapide à cause du temps imparti, je pourrais dégager
trois suggestions pour les travaux du groupe qui me fait le plaisir de m’accueillir
aujourd’hui.
La première est de cibler les dosages représentatifs plutôt en fonction des
objectifs à atteindre que par souci politico-linguistico-national. Dans le Conseil
30
Conférences inaugurales
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
a aussi trois groupes de travail : linguistes, lexicologues et didacticiens où
tout le monde se mélange. Sont représentés dans le Conseil, les grands dic-
tionnaires, les académies allemandes, les ministères de l’Éducation autrichien
et suisse, les sociétés d’auteurs et j’en passe. Bref, pour ce petit monde ainsi
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
Références
Bouillon, H., Allemand – Grammaire pratique de l’étudiant, Bruxelles, De
Boeck, 2008, 3e édition, pp. 237-242.
Bouillon, H., « Les turbulences apaisées de l’orthographe allemande », in La
Revue générale, no 3, 2011, pp. 47-51.
31
S’approprier le français
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
Begründung. Empirische Schreibeobachtung auf der Grundlage korpusba-
sierter Lexikographie», in Mitteilungen des Deutschen Germmanistenver-
bandes 58, V&R, unipress GmbH, 2011, pp. 36-50.
Ossner J., Orthographie – System und Didaktik, UTB 3329, Ferdinand
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
32
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
LE FRANÇAIS EN AFRIQUE :
UN CONTINENT ENTRE RÊVE ET NOSTALGIE
Jean-Benoît ALOKPON
Pour des raisons pratiques, je me suis penché sur le cas d’un seul pays, le Bénin,
pour aboutir à une conclusion sur l’enseignement du français qui impliquera
l’Afrique et l’océan Indien. Pourquoi privilégier le Bénin ? Les réponses sont
évidentes : c’est le pays dont je connais le mieux les problèmes ; il fait depuis
des années une expérience démocratique qui lui donne une stabilité politique ;
comme beaucoup de pays d’Afrique, il a engagé des réformes dans le système
éducatif.
Au Bénin, le français est non seulement la langue officielle, mais aussi et sur-
tout la langue privilégiée de communication, d’échange et de culture au service
du développement économique. Il est au service du rayonnement culturel du
Bénin sur la scène africaine et internationale.
35
Appropriation : demande et exigences sociales
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
témoignage le plus émouvant et le plus élogieux, mais aussi le plus tendancieux
sur l’élite dahoméenne de l’époque coloniale :
C’est pour la France bien entendu, un singulier mérite d’avoir, au lendemain même
de l’installation coloniale, opéré de telles conquêtes intellectuelles et morales.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
36
Le français en Afrique : un continent entre rêve et nostalgie
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
En 1990, à la faveur de la Conférence nationale de février, le français revêt son
statut de langue officielle (article 1er de la constitution du 11 décembre). Cette
même année ont lieu les États généraux de l’éducation, à la suite de la crise que
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
traversait le système éducatif. Ils proposent une réforme, engagée quatre ans plus
tard : elle privilégie l’acquisition du savoir dans une approche par compétences,
et non plus par objectifs. Le but est de former un citoyen capable d’analyse et
d’adaptation à son milieu de vie et de travail.
Le français est le vecteur linguistique transversal du système éducatif. En
tant que langue officielle d’enseignement, de travail et de communication
internationale, sa maitrise par l’apprenant facilite l’apprentissage dans les
autres disciplines, notamment scientifiques. Tant et si bien que lorsqu’au
Bénin on dit de quelqu’un qu’il est un grand intellectuel – en une traduction
à peine voilée de l’expression Fon, la langue nationale la plus parlée, « essé
wéma » (« il connait papier », « il maitrise le savoir »), ce n’est presque
jamais par rapport à sa capacité de résoudre des problèmes mathématiques,
physiques ou de dessiner et sculpter : c’est toujours par rapport à sa maitrise
de la langue française, à son don pour exprimer des pensées fleuries où les
images et les citations de grands auteurs se bousculent. L’exemple le plus
vivant est le Rapport Général de la Conférence Nationale des Forces Vives de
1990, présenté par une légende vivante, Albert Tévoédjrè. Les conférenciers
de l’époque, ainsi que tout le peuple béninois, furent enthousiasmés, non
pas parce que le rapport comportait l’ensemble de ce qui avait été dit, mais
parce que son auteur trouvait le mot juste en français. De plus, il montrait
sa capacité d’approche d’autres langues étrangères, s’exprimant tour à tour en
anglais, en allemand, en latin et en faisant recours à des pensées d’auteurs et
à des passages de la Bible, subjuguant ainsi une salle et un peuple emportés
par ses envolées. La maitrise du français est donc au Bénin un puissant
marqueur du rang et de la classe sociale.
2. Le français aujourd’hui
Mais comment y parle-t-on le français aujourd’hui ?
On ne peut répondre valablement à cette question sans un bref état des lieux
du système éducatif.
Le système éducatif béninois est, comme dans la plupart des pays de
l’Afrique et de l’océan Indien, composé de l’enseignement maternel, du pri-
maire, du secondaire (technique et professionnel) et du supérieur. Dans ce
système, des difficultés sont présentes à tous les paliers, avec un bémol pour
37
Appropriation : demande et exigences sociales
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
utilisés). Parmi ces difficultés transversales, on peut retenir les suivantes :
• Au plan didactique
– effectif largement insuffisant du corps d’encadrement en français : le recru-
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
38
Le français en Afrique : un continent entre rêve et nostalgie
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
et a par ailleurs envisagé de porter l’âge de la retraite à 60 ans au lieu de 55.
• Au plan pédagogique
– désintérêt pour la lecture et l’autoformation : le coût de la vie, contrastant
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
avec les salaires, pousse les enseignants à consacrer leur temps libre à d’autres
activités lucratives, au détriment d’une constante mise à niveau ;
– absence quasi totale d’une politique dynamique du livre ;
– absence, pendant longtemps, de politique incitative en faveur des élèves
méritants (état de choses heureusement en train d’être corrigé) ;
– absence d’information sur les possibilités de bourses d’études (nationales ou
étrangères), ce qui entraine la confiscation de ces bourses par les décideurs ;
– absence de coordination des actions de promotion de la langue française.
Il y a toutefois des initiatives louables, dont celles de la Commission nationale
permanente de la Francophonie qui, dans le cadre de la quinzaine de la Franco-
phonie, exécute un programme mettant en lumière ce qui se fait pendant cette
période pour la promotion du français, du livre, de la lecture et de l’écriture.
Le système éducatif béninois bénéficie largement de cette initiative, notamment
à travers le concours de Promotion de la langue française (PROLAF).
• Au plan culturel
– insuffisance de productions littéraires en français, faute de maison d’édition
et de politique incitative. Si ces cinq dernières années ont vu la création de
maisons d’édition, souvent tenues par des groupes d’écrivains ou de chercheurs,
leur développement reste timide ;
– absence de canaux de distribution du livre en milieu scolaire. L’Association
des Professeurs de Français du Bénin, en liaison avec la Commission susdite
et l’ambassade de France, a mis en œuvre un projet intitulé « Le livre frappe
à votre porte ». Ce projet consiste à mettre la lecture à la portée des établisse-
ments scolaires particulièrement déshérités sur le plan documentaire. D’autres
initiatives existent et méritent d’être encouragées ;
– insuffisance de médiation dans la vie culturelle scolaire : des traditions qui
ont fait leurs preuves sont malheureusement en voie de disparition : journaux
scolaires, clubs de lecture, ateliers d’écriture, groupes de théâtre et d’action
culturelle, etc. La seule survivance sont les journées culturelles, qui ne s’orga-
nisent qu’une fois l’an, souvent pour clôturer les activités académiques ;
– absence de dynamisme dans le renouvellement des ouvrages littéraires et
didactiques au programme. Des livres comme Les bouts de bois de Dieu,
L’arbre fétiche, L’esclave, Les rayons et les ombres, sont au programme depuis
39
Appropriation : demande et exigences sociales
longtemps. Quand ces œuvres ont été remplacées en 2012, sans une large consul-
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
tation de tous les acteurs et sans ateliers pédagogiques préparatoires, certaines
des œuvres programmées n’ont pas rencontré l’adhésion des professeurs et ont
dû être remplacées, à peine introduites, ce qui a entrainé de grandes perturba-
tions dans les études littéraires pendant l’année scolaire 2012-2013.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
40
Le français en Afrique : un continent entre rêve et nostalgie
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
nouvelle vogue communicationnelle.
Voici quelques exemples : l’Ivoirien Meiway écrit ces vers :
Ma tête est gnanganni,
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
4.1.2. Médias
L’extraordinaire effloraison de divers titres dans la presse béninoise vient de
trois sources : la liberté d’expression régnant depuis la Conférence dite des
Forces Vives du Bénin (1989), la voie que la presse offre pour résorber le
10. Traduction : C’est pour cela qu’ils (les enseignants) souffrent de maux de ventre atroces,/
de diarrhées chroniques./Et quand ils sont malades/, ils ne vont pas se faire soigner dans
une clinique mais plutôt au CNHU.
41
Appropriation : demande et exigences sociales
taux de chômage des jeunes (du fait du gel du recrutement dans la fonction
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
publique depuis 1986 : de nombreux jeunes se sont rués vers le journalisme) ;
le quatrième pouvoir représente une source importante d’enrichissement.
À cause de cette efflorescence, les fautes de toutes sortes envahissent la rue,
perturbant les élèves qui rencontrent un français qui n’a rien à voir avec les
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
42
Le français en Afrique : un continent entre rêve et nostalgie
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
Les nouvelles techniques de l’information et de la communication imposent un
autre phénomène du français dans la rue qu’il me plait d’appeler « le français dans
la main ». Il s’agit des SMS. Ces SMS donnent le coup de grâce à la grammaire, à
l’orthographe, au vocabulaire, à la conjugaison : on n’a pas le temps et on n’a que
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
le petit espace qu’offre l’écran du portable. Alors, cadeau Kdo, Merci M6, je suis
j s8. Ma propre fille qui se plaignait un jour de ce que je ne me suis pas assez
reposé m’a donné ce conseil par SMS : « Pap mangé vit é rposé vs 1pe avn 15 h sa
vs fra du b1 ». Et pourtant, elle sait qu’elle est la fille d’un professeur de français !
Il faut le dire sans ambages : les NTIC contribuent fortement à l’appauvris-
sement du français. Il s’agit, hélas, d’un dynamisme inouï contre lequel tout
combat est d’avance voué à l’échec. Mais le professeur doit en tenir compte
dans ses stratégies d’enseignement/apprentissage.
Des rencontres internationales se sont déjà penchées sur ces questions, comme
les « États généraux de l’enseignement du français en Afrique sub-saharienne »
tenus du 17 au 20 mars 2003 à Libreville.
43
Appropriation : demande et exigences sociales
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
Ils ont adopté les recommandations suivantes :
• Au plan institutionnel
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
44
Le français en Afrique : un continent entre rêve et nostalgie
• Au plan pédagogique
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
– mettre l’accent sur l’objectif du développement, et ce à travers un enseigne-
ment fonctionnel sans exclure les autres objectifs assignés à l’enseignement ;
– mettre en place un programme de soutien à la formation initiale et continue
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
45
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
EN BELGIQUE LE FRANÇAIS,
COMBIEN ÇA COÛTE ?
Robert BERNARD
47
Appropriation : demande et exigences sociales
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
économique11.
Nous examinerons les stratégies mises en œuvre pour permettre aux nouveaux
arrivants non francophones de développer une pratique suffisante du français
pour réaliser leurs objectifs d’insertion sociale, en matière de travail, d’accès
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
11. Des études ont montré que le niveau d’utilisation des langues de la société d’accueil est
un élément non négligeable de la réussite scolaire et plus tard, de l’insertion profession-
nelle. Voir Ouali N. et Rea A., Insertion, discrimination et exclusion. Cursus scolaires et
trajectoires d’insertion professionnelle de jeunes bruxellois, ULB, 1995.
12. L’étude officielle la plus récente publiée par Statbel (Direction générale Statistique et
Information économique, ministère fédéral de l’Économie) sur le sujet (La population
allochtone en Belgique) date de 2002 et repose sur des chiffres de 1991. Si, dans son
Rapport statistique et démographique 2008, le Centre pour l’égalité des chances écrit
que « La Belgique est souvent présentée comme un bon élève en termes de statistiques
migratoires en Europe », il ajoute aussitôt que « les fichiers administratifs belges […] ne
sont que rarement accessibles en dehors du cercle assez restreint des spécialistes » et que
« Finalement, un doute permanent entache la fiabilité des informations et l’objectivité de
données produites sur un sujet aussi sensible ».
13. Le Soir daté du 5 novembre 2013.
48
En Belgique le français, combien ça coûte ?
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
respectivement 2,8 % et 2,4 %14.
Bruxelles comporte donc une population de migrants particulièrement impor-
tante, phénomène que l’on peut attribuer à deux facteurs déterminants : la
concentration dans la capitale belge de sièges de grandes entreprises et d’insti-
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
49
Appropriation : demande et exigences sociales
qu’utile pour obtenir un emploi. Bruxelles est donc véritablement une ville-
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
région multilingue16, où le français continue de jouer le rôle de lingua franca.
Une dernière observation, souvent passée inaperçue : 8 % des Bruxellois inter-
rogés disent ne bien parler, ni le français, ni le néerlandais ni l’anglais, ils
étaient seulement 2,5 % cinq ans plus tôt. Il s’agit là d’une observation capitale
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
16. Aux quatre langues précitées s’ajoutent notamment l’allemand, l’espagnol, l’italien, le turc,
parlées selon l’enquête par de 4,5 % (pour le turc) à 8,9 % (l’allemand) de la population
bruxelloise. En 2000, 72 langues étaient dites bien ou très bien maitrisées par les personnes
interrogées ; on en compte 104 aujourd’hui.
17. Il en est de même dans l’enseignement néerlandophone ; ainsi « dans l’enseignement fon-
damental, les enfants qui parlent le néerlandais chez eux ne représentent qu’un tiers du
nombre des élèves. Et […] le groupe des élèves dont la langue maternelle n’est ni le néer-
landais ni le français est dominant ». Wayens B., Janssens R., Vaesen J., L’enseignement
à Bruxelles : une gestion de crise complexe, Brussels Studies, no 70, aout 2013.
18. Ils se substituent alors aux dispositifs dits « de discrimination positive ».
19. Les indices sont basés sur divers critères : revenu par habitant, niveau des diplômes, taux
de chômage, activités professionnelles, confort des logements …
20. Décret du 30 avril 2009 tel que modifié.
21. C’est en 1996 que la première charte de partenariat pour le programme qui s’appelait
alors Langue et Culture d’origine (LCO) est signée avec la Grèce, l’Italie, le Maroc, le
Portugal et la Turquie. En 2012 le programme prend officiellement le nom de programme
d’Ouverture aux Langues et aux Cultures (OLC).
50
En Belgique le français, combien ça coûte ?
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
tenariat avec actuellement huit pays : la Chine, l’Espagne, la Grèce, l’Italie,
le Maroc, le Portugal, la Roumanie et la Turquie. L’efficacité de ces cours
a été régulièrement mise en doute, les langues « standard » enseignées étant
éloignées des pratiques langagières familiales, souvent orales et dialectales.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
22. Sont aussi concernés les apatrides ou les demandeurs de reconnaissance de cette qualité.
23. La grille-horaire est complétée par des cours de morale/religion, éducation physique, tra-
vaux manuels/technologie, activités de remédiation. À Bruxelles, 2 heures de néerlandais
sont prévues.
24. La Belgique compte 54 centres d’accueil pour demandeurs d’asile. Ce sont des centres
ouverts, la plupart gérés par l’Agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile (Feda-
sil) ou par la Croix-Rouge de Belgique.
51
Appropriation : demande et exigences sociales
Rappelons qu’il ne s’agit pas de ghettos, ces classes transitoires étant créées
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
au sein d’établissements ordinaires. Au contraire, il arrive que dans certains
établissements la création d’une classe-passerelle transforme heureusement une
population jusque-là mono-culturelle. Ainsi telle école bruxelloise qui accueil-
lait quasi uniquement des élèves issus de l’immigration maghrébine est devenue
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
25. Les Rapports du Service général de l’inspection sont disponibles sur le site www.
enseignement.be.
26. Le statut souvent précaire des parents (papiers, domicile, revenus…) ne facilite pas leur
implication.
52
En Belgique le français, combien ça coûte ?
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
primo-arrivants aux activités langagières spécifiques à la vie scolaire est bien
prise en considération par les professeurs exerçant en classe-passerelle. Ce point
est primordial : il faut passer de l’apprentissage d’une langue contextualisée
dans le temps et l’espace (langue de survie quotidienne dans la ville, les com-
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
27. Lucchini S., « De la langue à la cohésion sociale ou de la cohésion sociale aux langues ? »,
in Conti, V., De Pietro, J.-F. & Matthey, M. (dir.), Langue et cohésion sociale. Enjeux
politiques et réponses de terrain. Actes du colloque OPALE, Neuchâtel, 19-20 octobre
2010, Neuchâtel, Délégation à la langue française, 2012.
28. Les Nouvelles de l’Observatoire, 4/2004, no 49, Dossier spécial Primo-arrivants.
53
Appropriation : demande et exigences sociales
territoire, de longue date ou depuis peu, sont d’abord un droit. Ce droit doit-il
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
être aussi un devoir ? Je n’ai pas de position arrêtée à ce sujet. J’observe cepen-
dant le paradoxe suivant : le droit de vote en Belgique est obligatoire. Ceux qui
veulent le maintien de ce caractère obligatoire sont généralement partisans de la
non-imposition de l’apprentissage du français par les migrants souhaitant s’ins-
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
29. Voir notamment Manço A. et Alen P., Appropriation du français par les migrants. Rôles des
actions culturelles, Paris, L’Harmattan, IRFAM, 2012, coll. « Compétences interculturelles ».
30. Alen P. et Manço A., Rapports à la langue française et plurilinguisme des populations
issues des migrations en Wallonie et à Bruxelles : renforcement des pratiques d’appro-
priation à travers l’application de résultats des recherches, IRFAM/SLF, décembre 2010.
31. Loi du 4 décembre 2012 modifiant le Code de la nationalité belge afin de rendre l’acqui-
sition de la nationalité belge neutre du point de vue de l’immigration, Moniteur belge du
14 décembre 2012.
32. En 2011, le nombre de naturalisations était de 29 800, en baisse de 14 % par rapport
à 2010. Le Maroc, suivi de l’Italie, de la Turquie, de la République démocratique du
Congo et de la Fédération de Russie sont les principaux pays d’où sont originaires les
54
En Belgique le français, combien ça coûte ?
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
mais considérée comme l’aboutissement du processus d’intégration et non plus
comme une étape y conduisant. C’est ainsi que les demandeurs de naturalisation
doivent dorénavant prouver la connaissance d’une des trois langues nationales,
et ce à un niveau correspondant au niveau A2 du Cadre européen commun de
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
référence pour les langues (CECRL). Ce niveau englobe des exigences linguis-
tiques (expression et compréhension) à l’oral comme à l’écrit.
Ceci nous amène à examiner l’état des lieux des formations linguistiques à
destination des adultes. Il y a peu, le Conseil de la langue française et de la
politique linguistique a rendu un avis33 observant notamment « que plusieurs
études ont conclu que, dans la FWB, l’offre d’apprentissage du français pour les
immigrants est inférieure à la demande, et qu’en particulier, le rôle des pouvoirs
publics y est moins systématique qu’en Flandre, la formation linguistique étant
en partie organisée par des associations locales ».
L’offre d’apprentissage du français est en effet insuffisante par rapport aux
besoins. En l’absence de statistiques spécifiques, on peut se référer aux chiffres
des spécialistes de l’alphabétisation. Une étude récente34 met en regard deux
nombres :
– 16 000 personnes en formation d’alphabétisation en Fédération Wallonie
Bruxelles pour 16 000 places disponibles ; d’où des refus d’inscription chaque
année et des délais d’attente de plusieurs mois ;
– 262 500 personnes potentiellement concernées (âgées de 15 ans et plus et
ayant quitté l’école sans avoir le CEB), voire davantage.
Offre insuffisante (et besoins croissants), réponse jugée qualitativement peu
adaptée : si les pouvoirs publics (FWB, Région wallonne, Région bruxelloise,
etc.) soutiennent des programmes de formation des associations locales, « le
nombre de niveaux institutionnels impliqués et les financements morcelés qui
en résultent traduisent une absence de politiques cohérentes et transversales35 ».
Ainsi, à Bruxelles, la Commission communautaire française (Cocof) soutient,
dans le cadre du décret de Cohésion sociale, plus de 230 associations œuvrant
Belges naturalisés. Les ressortissants de ces cinq pays représentent 51 % des naturalisa-
tions de l’année considérée (source OCDE, Perspectives des migrations internationales
2013).
33. Avis sur l’appropriation du français par les immigrants dans la Fédération Wallonie-
Bruxelles (FWB) adopté en séance plénière du 29 septembre 2011.
34. Mainguet C., Qui sont les personnes en difficulté avec l’écrit en Fédération Wallonie-
Bruxelles ? Aperçu à partir des statistiques disponibles, Institut Wallon de l’Évaluation,
de la Prospective et de la Statistique, Journal de l’alpha no 185, octobre 2012.
35. Alen P., Appropriation du français par les migrants, La lettre de l’IRFAM, no 31,
2012, p. 4.
55
Appropriation : demande et exigences sociales
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
du français ou de l’accueil des primo-arrivants36.
Cependant le contexte évolue. Depuis 2012, les entités fédérées francophones
se sont concertées pour élaborer une politique cohérente et active dans l’inté-
gration des nouveaux arrivants. Les projets de décrets définissent un parcours
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
56
En Belgique le français, combien ça coûte ?
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
21 millions d’euros39, auxquels s’ajoutent diverses subventions, notamment euro-
péennes, d’au moins 7 millions d’euros. Le budget cumulé doit donc représenter
28 millions d’euros pour les pouvoirs régionaux et communautaire francophones.
Reste le problème crucial des discriminations. Un parcours d’intégration,
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
39. Ventilation entre différents niveaux de pouvoirs : Cocof : 5 M€ ; FWB : 7,7 M€ ; RW :
8,3 M€.
40. Source : statistiques de l’OCDE, janvier 2013. L’OCDE souligne que « le taux de chômage
des personnes nées à l’étranger est plus de deux fois plus élevé que celui de la population
autochtone en Norvège, en Suède, en Belgique, en Autriche, aux Pays-Bas, en Suisse et
au Danemark ».
41. Jacobs D. et Rea A., Gaspillage de talents. Les écarts de performances dans l’enseignement
secondaire entre élèves issus de l’immigration et les autres, d’après l’étude PISA 2009,
Fondation Roi Baudouin, Aout 2011.
42. Mazzocchetti J., « Sentiments d’injustice et théorie du complot. Représentations d’adoles-
cents migrants et issus des migrations africaines (Maroc et Afrique subsaharienne) dans
des quartiers précaires de Bruxelles », in Brussels Studies, no 63, Novembre 2012.
57
Appropriation : demande et exigences sociales
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
une institution régionale exprimait ainsi ses objectifs :
« L’apprentissage de la langue du pays d’accueil est indispensable si l’on veut
devenir citoyen à part entière dans notre cité. La maitrise de la langue per-
met en outre d’améliorer l’insertion sociale et l’implication de tous dans notre
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
société, elle est un levier évident pour s’insérer dans le monde du travail, faci-
liter l’apprentissage et le suivi scolaire des enfants, s’approprier les clefs pour
mieux investir la ville, atteindre plus facilement une égalité entre hommes et
femmes… Une meilleure connaissance de la langue permet de contribuer à
un mieux-vivre ensemble en encourageant une cohabitation harmonieuse des
différentes communautés locales et en évitant une “ghettoïsation” »43.
On ne saurait mieux dire. Et faire.
43. Décret Cohésion sociale, Appel à projets du quinquennat 2011-2015, Commission com-
munautaire française (Région de Bruxelles-Capitale).
58
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
1. Introduction
La volonté de promouvoir une langue conviviale, accueillante, rencontre certains
obstacles qu’il convient de décrire pour mieux s’en affranchir. Cela concerne
notamment le corpus de la langue, constitué tant des pratiques langagières que
de leurs descriptions. Une appréhension différente du corpus pourra permettre
d’envisager une meilleure appropriabilité de la langue et, par voie de conséquence,
une meilleure appropriation.
Cette contribution visera à discuter du cout, social et économique, de la non-maitrise
du français, à partir d’expériences et résultats de recherches menées dans différentes
universités en FWB et d’articles de presse, qui représentent l’écume du discours
socialisé sur la question et dont la fréquence témoigne, si cela était nécessaire et
quoi que certains en disent, de la permanence de la question dans le champ social.
Seront évoqués l’impact de cette non-maitrise sur les études scientifiques à l’univer-
sité, le cout du redoublement scolaire, l’impact sur les entreprises, l’illettrisme, …
59
Appropriation : demande et exigences sociales
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
des facultés scientifiques se plaignent : leurs étudiants ne maitrisent pas leur
langue maternelle. Et sans doute se trouve-t-il nombre d’enseignants qui, lassés,
ont même cessé de corriger les fautes dans une copie de chimie ou de biologie.
On le sait, la transdisciplinarité reste souvent un vœu pieux, le problème n’est
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
pas neuf. Mais il reprend toute son ampleur lorsque l’on prend soin de poser
la question, quelque peu abrupte, de savoir si cette non-maitrise, dépassant de
loin les questions de simple orthographe, ne s’avérerait pas l’une des principales
causes d’échec aux examens, toutes branches confondues. » (Uyttebrouck, Van
Raemdonck, 1990 : 65)
Pour vérifier cette hypothèse, une recherche subsidiée par le ministère de l’Édu-
cation Nationale avait été entreprise à l’ULB44. Pendant trois ans, de 1985 à
1988, deux chimistes (B. Wilmet, chargée de cours et promotrice du projet
et A. Said) et deux romanistes (A.-E. Dalcq et D. Van Raemdonck) ont mené
une enquête afin de déterminer si les échecs aux écrits pouvaient résulter, non
seulement de l’ignorance de la matière, mais aussi d’une mauvaise interprétation
lexicale, syntaxique ou logique des énoncés.
Dans un premier temps, les interrogations proposées aux étudiants de 1re année
de baccalauréat de médecine furent soumises à une analyse croisée. Ceci per-
mit, après avoir écarté les problèmes dus à la matière elle-même, de mettre
en évidence toute une série de sources d’erreurs possibles, à la fois lexicales,
syntaxiques et logiques.
Ensuite, des tests furent élaborés, afin de découvrir si les difficultés poten-
tielles relevées provoquaient réellement, dans la pratique, les erreurs prévues.
Deux séries de tests furent proposées à des étudiants de 1re année de bacca-
lauréat ainsi qu’à des élèves des deux dernières années du secondaire. Dans
la première série, des questions portant sur un point de matière identique
étaient formulées tantôt d’une manière jugée facile, tantôt d’une manière
jugée difficile (ex. : forme affirmative vs double négation). Cela permit de
déceler un certain nombre de difficultés dues essentiellement à la formula-
tion. La seconde série visait à déterminer si celles-ci posaient déjà problème
dans un contexte non scientifique. À cette fin, on proposait aux étudiants
la même question, mais placée tantôt dans un contexte scientifique, tantôt
dans un contexte de vie courante. Il s’est avéré que le contexte scientifique
ne constituait qu’un faible facteur d’aggravation et que les erreurs apparais-
saient déjà en contexte courant.
44. Inventaire des sources possibles d’erreurs d’origine lexicale ou syntaxique dans les pro-
blèmes de chimie ; élaboration et évaluation d’exercices de langue destinés à pallier les
faiblesses observées.
60
Nos ancêtres, les p(articipes) p(assés) : déférence et lustration de la langue française
Les résultats de ces tests ont donc confirmé l’hypothèse de départ : la non-
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
maitrise de la langue maternelle en science a un impact direct et réel sur les
échecs aux examens45.
À partir des lacunes observées, des exercices ont alors été créés. Ils ont
été expérimentés deux années consécutives, avec succès, lors des cours de
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
45. Pour plus de renseignements sur les premières phases de la recherche, voir : DALCQ A.-E.,
« Questions mal comprises ou mal posées ? Un test de compétence linguistique » in Langue
française, 75, sept. 1987, pp. 36-50.
46. Ces exercices ont été rassemblés dans DALCQ A.-E., VAN RAEMDONCK D.,
WILMET B., Le Français et les Sciences. Méthode de français scientifique avec lexique,
index, exercices et corrigés, Paris – Louvain-la-Neuve, Duculot, 1989.
61
Appropriation : demande et exigences sociales
Nul ne songerait à nier ces problèmes. Leur mise en évidence a pour inévitable
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
corollaire la question : « À qui la faute ? » D’emblée, évitons un débat stérile.
Rien ne sert de rejeter systématiquement et exclusivement la faute sur le niveau
d’enseignement précédent. Si responsable il y a, il faut sans doute le chercher
dans le contexte social au sens large. Cependant, peut-être faudrait-il également
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
La Croix, 02/07/2010 :
« La faute d’orthographe, une faute professionnelle.
De plus en plus de salariés utilisent leur droit à la formation pour se remettre
à niveau en orthographe et contribuer ainsi à donner, dans les lettres et les
courriels, une meilleure image de leur entreprise (…) Eric, par exemple, a lui-
même sollicité son employeur, l’office HLM de Seine-et-Marne, pour bénéficier
de cette formation, “Je suis de temps à autre amené à rédiger des courriers et
des fax, explique ce quadragénaire, J’ai beau me relire pour essayer d’éliminer
les fautes, il en reste toujours. Les collègues me font parfois des remarques,
sur le ton de la plaisanterie. Mais je sais que les destinataires de mes cour-
riers doivent bien se marrer aussi”, dit-il dans un sourire qui cache mal un
sentiment de gêne, si ce n’est de honte. (…)
Nombre d’entreprises, voulant préserver leur image, optent pour le “zéro
tolérance” à l’égard des fautes d’orthographe.
62
Nos ancêtres, les p(articipes) p(assés) : déférence et lustration de la langue française
(…) [Micael, comptable au sein d’une banque] : “Je ne voudrais pas donner
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
de moi-même une mauvaise image, en particulier vis-à-vis de ma hiérarchie”,
confie-t-il.
“Dans mon domaine, l’événementiel, nous travaillons souvent dans l’urgence,
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
témoigne Ut, 22 ans. Un jour, j’ai adressé sans le relire un mail à un de nos bons
clients qui m’a répondu avec bienveillance que je devrais soigner mon ortho-
graphe. J’étais très mal à l’aise”, se souvient-elle. (…) “Candidats à l’embauche
dans des entreprises, plusieurs de mes amis ont dû passer des tests d’ortho-
graphe. En cas d’échec, ils n’auraient pas pu signer de contrat”, souligne Ut.
(…) Bruno adressait discrètement ses courriers professionnels à sa femme pour
qu’elle les corrige avant l’envoi. “Mais un jour, j’ai dû produire sur-le-champ, en
présence de mon supérieur, un rapport destiné à l’Autorité de sûreté nucléaire,
qui a renvoyé le document en émettant des interrogations sur les compétences de
l’auteur”, raconte cet inspecteur en soudage, alors employé dans une centrale.
“Cet épisode m a coûté mon CDD, qui n’a pas été renouvelé”, assure-t-il. »
Le Point, 27/05/2010 :
« Orthographe : montrez-moi votre certificat !
Une start-up lyonnaise a mis au point un test d’évaluation du niveau de
connaissance de la langue française. (…)
Trente centres d’examen au test Voltaire ont déjà été créés en France. Niveau
moyen des 300 premiers à s’y être essayés ? 430 sur 1 000. Les plus de 40 ans
ont obtenu en moyenne 480 points. Les moins de 25 ans, 390… (…)
Une orthographe correcte est garante de l’image d’une société vis-à-vis des
fournisseurs et des clients. (…)
“Ce n’est pas à l’entreprise de remplacer un système éducatif en perte de
vitesse”, tempête une DRH. »
63
Appropriation : demande et exigences sociales
une publicité avec une faute d’orthographe, les lecteurs n’achèteront pas votre
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
produit.”
Selon Jacques Heremans, porte-parole de Randstad, entreprise spécialisée dans
le travail intérim, les candidats qui font des fautes d’orthographe sont de plus
en plus nombreux, ce qui nuit à leur crédibilité. “On a malheureusement une
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
64
Nos ancêtres, les p(articipes) p(assés) : déférence et lustration de la langue française
“Nous savons que certaines candidatures reçues sont écrites par une autre
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
personne, observe Angela Leone (Sales Consuit). Nous organisons donc des
tests écrits pour s’assurer de la qualité orthographe du candidat.” »
Devant de tels problèmes, considérés comme importants pour le monde de
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
65
Appropriation : demande et exigences sociales
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
prend…”), prélude à un autre rejet plus radical, au profit d’une langue jugée
plus facile d’accès et plus rentable : l’anglais.
Michel Francard, 2011 »
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
Larcier dévoile les résultats d’une étude menée par le centre Valibel de l’UCL 47.
Nous reproduisons les résultats frappants dans le tableau ci-dessous :
47. « Les éditions Larcier- De Boeck, en partenariat avec l’association des Professionnels
en Ressources humaines Bruxelles- Brabant (ADP), interpellés par le problème, ont
commandé une étude visant à quantifier la perception de la maîtrise du français dans
les entreprises. Cette étude a été menée par le centre Valibel et Michel Francard,
professeur ordinaire à l’Université catholique de Louvain et fondateur du centre de
recherche Valibel.
! 43 responsables RH ont répondu.
! Les 43 entreprises représentées constituent un échantillon représentatif :
• Elles totalisent environ 27 000 employés
• Elles sont issues de secteurs très variés : pharmaceutique, banque, assurance, grande
distribution, industrie chimique, édition, service public, médias, professionnels du
chiffre, transport, hospitalier... »
66
Nos ancêtres, les p(articipes) p(assés) : déférence et lustration de la langue française
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
particulières (voir ci-dessous) :
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
On remarquera aisément que sur les neuf points soulevés, pas moins de cinq
concernent l’accord du participe passé…
Quoi qu’il en soit, on assiste au scénario connu : on a socialisé les pertes ; on va
privatiser les bénéfices. Après avoir mis un terme aux contrats des secrétaires
ou des intermédiaires susceptibles de vérifier le français des discours produits,
après donc avoir licencié les personnes en charge de ces compétences, les
entreprises vont donc former tous leurs employés à des règles absconses… au
bénéfice des entreprises de formation. Car ce qui importe, c’est moins l’image
de l’employé que celle, entachée, de l’entreprise ou du produit.
La poussée d’urticaire du monde de l’entreprise a au moins ceci de bon : mettre
en évidence ce que beaucoup savent déjà, à savoir l’inadéquation entre les besoins
en expression des usagers et leurs connaissances. Cela étant, la raison de l’hiatus
n’est pas forcément à chercher dans l’absence de connaissances et donc l’échec
d’un enseignement de transmission, mais dans la question de savoir si ce que l’on
transmet est bien ce qui doit l’être, et si la forme utilisée est bien la plus idoine.
La remise à l’agenda médiatique via le monde de l’entreprise montre bien
également comment il est possible d’avancer dans un débat qui concerne un
sujet de société. La question du cout social d’une non-maitrise de la langue
intéresse visiblement peu si elle n’a pas de répercussions directes sur l’écono-
mie. Peu importe, semble-t-il, que la privation de compétences en matière de
langue ait un impact sur la vie sociale et sur le respect des droits fondamentaux
des individus. Seul l’impact économique semble être digne d’attirer l’attention.
67
Appropriation : demande et exigences sociales
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
De nombreux articles de presse traitent de l’échec scolaire et de son cout. Si le
lien entre non-maitrise de la langue et échec scolaire n’est pas direct, on peut
sans trop risquer de se tromper considérer qu’un élève qui ne maitrise pas sa
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
langue fera plus facilement face à une situation d’échec (comme nous l’avions
déjà remarqué avec les étudiants en chimie).
Ainsi c’est également du monde de l’entreprise, sensible au cout économique,
que la charge est la plus forte. BECI (Brussels Enterprises Commerce &
Industry), repris par Trends 01/09/2011, dénonce le cout sociétal (enten-
dez évalué essentiellement économiquement) énorme du redoublement en
Communauté française.
68
Nos ancêtres, les p(articipes) p(assés) : déférence et lustration de la langue française
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
embûche d’un élève de la maternelle au secondaire supérieur coûte en moyenne
à la Communauté française 71.200 EUR. Chaque année perdue représente
entre 2.900 euros en maternel, 6.750 euros en secondaire, 8.200 euros en
supérieur et jusqu’à 13.600 euros dans l’enseignement spécial. Soit au total
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
69
Appropriation : demande et exigences sociales
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
tisse un lien, au moins rhétorique, entre l’échec scolaire et la non-maitrise des
compétences susceptibles d’entrainer la réussite des exercices cités comme
apprentissages de base :
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
70
Nos ancêtres, les p(articipes) p(assés) : déférence et lustration de la langue française
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
(Le point.fr 15/03/2013) ; il est en tous points conforme aux autres articles
trouvés dans la presse française :
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
71
Appropriation : demande et exigences sociales
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
Le temps alloué à l’enseignement du français a aussi fortement baissé, relève
l’historien Claude Lelièvre : “Les élèves font plus de fautes de grammaire ou
de lexique parce qu’on passe moins de temps à faire de la grammaire explicite
et encore moins à faire des répétitions”.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
72
Nos ancêtres, les p(articipes) p(assés) : déférence et lustration de la langue française
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
et sa grammaire
Il a déjà beaucoup été disserté sur la valeur de l’orthographe et la nécessité
de sa réforme régulière. Nous ne souhaitons pas y revenir. D’autant que, à la
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
48. Quelles que soient les réserves émises à l’égard de la méthodologie de ce type d’enquêtes,
les résultats ne peuvent nous laisser indifférents et appellent une réaction.
73
Appropriation : demande et exigences sociales
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
maticale pour la rendre plus adaptée à son objet, la rendre plus pédagogique
que prescriptive, deux termes trop souvent associés. Il est vrai que la tradition
française est très normative. Il importe donc que les linguistes et grammairiens
de langue première revisitent la grammaire pour la rendre plus appropriable
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
74
Nos ancêtres, les p(articipes) p(assés) : déférence et lustration de la langue française
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
duire un discours, ainsi qu’à en décoder, voire décrypter, un autre, requiert
des compétences qui ne se construisent pas par la seule pratique scolaire du
discours grammatical traditionnel.
En FLE ou FLS, l’enseignement-apprentissage doit aboutir à l’appropriation
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
d’un système de langue que l’on ne connait pas à la base. Il agit dès lors plutôt
par procéduralisation, description et application des procédures et mécanismes
du système de langue étrangère. Le risque est grand de voir atomisé le système
en micro-procédures, alors qu’il faut rechercher le maximum de cohérence et
aider à construire un cadre auquel l’apprenant puisse se rattacher. Contrairement
à ce qui se passe en FLM, si le discours grammatical est erroné, l’apprenant
ne peut se reposer sur ses propres connaissances préalables du système pour
s’en sortir. Les dégâts collatéraux sont donc plus importants en cas d’inadé-
quation du discours à la matière. En outre, il apparait assez rapidement que
l’enseignement-apprentissage du FLE est plutôt d’abord tourné vers l’oral, sur-
tout avec la généralisation des méthodes communicatives. L’écrit, quant à lui,
pourrait parfois plutôt être cantonné dans l’enseignement à objectif spécifique,
même s’il a tendance à revenir sur le devant de l’estrade. Cela impose une
prise en considération particulière du discours grammatical, tourné vers l’oral
plus que vers l’écrit. Or la plupart des discours grammaticaux se révèlent la
fidèle retranscription des grammaires de FLM dont la préoccupation essentielle
reste l’écrit.
On ne peut ignorer par ailleurs la question de la représentation du savoir
grammatical que se font, se sont coconstruite, les différents intervenants du
processus d’enseignement. Tant l’enseignant que l’apprenant ont une image
de la grammaire – généralement réduite à sa composante orthographique et
morpho-syntaxique – qui conditionne leur attitude ou leur intérêt à l’égard
de ce savoir (Ah, le sacro-saint accord du participe passé, enseigné à des
générations d’élèves comme l’on enseignait naguère encore « Nos ancêtres, les
Gaulois » !). Or le moins que l’on puisse dire est que cette attitude ne se carac-
térise généralement pas par un amour immodéré pour la chose grammaticale.
En cause sans doute une vision, traditionnelle, normative, de cette matière, un
discours inappropriable sur la langue, des options de formation plutôt littéraires,
pour ne pas dire « artistiques ». De ce fait, les leçons de grammaire française
demeurent pour les enseignants autant que pour leurs élèves un mal nécessaire,
une étude plate et ennuyeuse, en somme la rigoureuse affaire des plus doués
et des trop dociles. Car ces leçons que nous connaissons tous entremêlent
tableaux à mémoriser, terminologie multiple et sibylline, règles nombreuses
et sans explication, exceptions variables, … Les acteurs du processus d’ensei-
gnement ne se sentent pas habilités par l’« Institution Langue » – on ne leur
a jamais fait savoir ou sentir qu’ils l’étaient – à remettre en question le savoir
ou même le discours sur le savoir. Résultat de cette attitude, il faut bien le
75
Appropriation : demande et exigences sociales
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
dominant – sans parler des réponses meurtrières du style : « C’est comme ça »,
aux questions naïves, mais pertinentes, des élèves. Alors, quand les méthodes
communicatives ont prôné un temps l’éviction du discours grammatical expli-
cite, il était aisé de se ruer sur l’aubaine.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
76
Nos ancêtres, les p(articipes) p(assés) : déférence et lustration de la langue française
6. Français et illettrisme
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
Les difficultés en matière de lecture relevées par les enquêtes Pisa renvoient
également à la question de l’illettrisme. Dans l’opuscule précité, Legros et
Moreau rappellent l’enquête menée en 2004-2005 par l’Agence de lutte contre
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
7. Français et plurilinguisme
La maitrise de la langue première n’est pas encore assurée que déjà le monde
économique requiert la connaissance et la maitrise d’autres langues. Le
49. http://www.anlci.gouv.fr/fileadmin/Medias/PDF/EDITIONS/ivq_4pages.pdf
77
Appropriation : demande et exigences sociales
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
critère de sélection à l’embauche :
La Libre Belgique 15/11/2013
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
78
Nos ancêtres, les p(articipes) p(assés) : déférence et lustration de la langue française
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
orienté métier via Bruxelles formation.
La mise en ligne de Brulingua a été annoncée mercredi par les ministres de
l’Emploi, Céline Fremault, et de la Formation professionnelle, Rachid Madrane.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
79
Appropriation : demande et exigences sociales
Le MR veut aller plus loin : “Il est nécessaire que l’ensemble des démarches
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
soient obligatoires pour permettre à chaque bénéficiaire d’acquérir l’autono-
mie qui émancipe. En Flandre, où le parcours est obligatoire, une première
évaluation a révélé qu’environ 50 % des primo- arrivants qui ont signé un
contrat d’accueil n’avaient pas été assidus et n’étaient dès lors pas parvenus
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
8. Conclusion
On entend souvent dire que pour réformer, il faut une demande sociale
ou une appétence institutionnelle. En matière de réforme du corpus de la
langue, on nous oppose souvent que les deux font défaut. C’est une gros-
sière erreur, voire une faute (et pas d’orthographe, celle-là). C’est en tout
cas une lâche démission.
On l’a vu, au cours de notre promenade à travers l’univers médiatique récent,
la demande sociale existe. Et s’il veut ne pas la voir (après tout, on ne veut
bien voir que ce que l’on veut bien voir, et qu’on appellera… demande sociale),
l’inappétent institutionnel ne restera pas aveugle à la demande économique. Et
si l’appétence devait ne guère venir à nos politiques, nous nous retrouverions
en situation de non-assistance à personnes en danger d’exclusion sociale, ce
qui ne va pas sans un cout.
La question de l’acquisition et de l’apprentissage des langues est assurément
polyfactorielle. L’appropriation d’une langue dépend d’un certain nombre de
conditions et de circonstances. L’une d’entre elles est l’appropriabilité : toutes
80
Nos ancêtres, les p(articipes) p(assés) : déférence et lustration de la langue française
les représentations, tous les outils descriptifs, tous les discours, sont-ils les plus
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
affutés pour permettre une appropriation maximale. Au vu de ce qui précède,
il est permis d’en douter. Il nous faudra agir sur tous les plans, tant du statut
de la langue que du corpus d’icelle. C’est dès lors à l’articulation de toutes les
actions qu’il convient de s’atteler. C’est ce à quoi nous vous invitons,… pour
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
Références
Chartrand S.-G., « La difficile appropriation de la langue française par les
francophones : un point de vue didactique », in ce volume, 2014.
Legros, G. et Moreau, M.-L., Orthographe : qui a peur de la réforme ?, Bruxelles,
Fédération Wallonie-Bruxelles, Service de la langue française, 2012.
81
Appropriation : demande et exigences sociales
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
vision plurilingue européenne : normes, discours, apprentissages, Thèse
de doctorat, Université de Liège, 2013.
Seymour P. H. K., « Early reading development in European Orthographies », in
Snowling M. J. et Hulme C. J. (dir.), The science of reading : a handbook,
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h57. © De Boeck Supérieur
82
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
Mohamed MILED
1. Introduction
Il est de plus en plus opportun d’approcher l’observation du français dans la
logique de ses contacts évolutifs plus ou moins problématiques avec la ou
les autres langues en présence ; il nous semble que la convivialité peut être
cernée sous cet angle de la cohabitation linguistique. Il s’agit d’une évolution
dictée par la mondialisation, par la tendance à un bi ou plurilinguisme, par le
changement de statut affectant l’autre langue et par l’introduction des langues
nationales à l’école, autant de facteurs qui incitent à situer le français dans le
paysage linguistique environnant et corrélativement à articuler sa didactique à
celle de la langue première, en particulier.
Ces contacts ne peuvent être réfléchis et abordés ni en termes de domination,
ni d’exclusion, ni de hiérarchisation des langues, mais en termes de partena-
riat, comme l’ont préconisé différents organismes internationaux (l’UNESCO,
l’OIF), partenariat déjà affirmé lors des États généraux du français de Libreville
en 2003 : « La coexistence entre le français et les langues nationales africaines,
née de l’Histoire, ne doit pas se vivre en termes de conflit, ou de “guerres des
langues”, mais bien en termes de solidarité et de complémentarité ».
85
Didactique et appropriation
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
alable à une contextualisation de l’enseignement du et en français, si l’approche
est suffisamment déployée au niveau curriculaire et correctement assimilée
par les enseignants.
Notre réflexion sera illustrée par des exemples empruntés au Maghreb arabe
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
86
L’évolution des contacts du français avec les langues en présence
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
Au Maghreb arabe, et à la différence de l’Afrique subsaharienne, cette évolution
est relativement plus rapide en raison des spécificités du statut de l’arabe qui
est la langue officielle, la langue première de la scolarisation et le vecteur des
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
87
Didactique et appropriation
4. L’éclairage psycholinguistique
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
Un autre éclairage complémentaire, mais d’ordre psycholinguistique, concerne
l’analyse des données les plus significatives relatives aux représentations des
langues surtout chez les enseignants et les élèves : l’utilité du français, son
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
88
L’évolution des contacts du français avec les langues en présence
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
prennent toutes en compte un processus commun : le transfert d’une langue
première à une langue seconde ou étrangère.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
89
Didactique et appropriation
7. Le transfert linguistique
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
Dans la lignée de cette approche psycholinguistique, des recherches et des
expérimentations de terrain ont permis d’approcher le phénomène du transfert
linguistique lors du passage de la langue première à la langue seconde, et de
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
8. L’exemple de la lecture-écriture
Par exemple, pour développer la compétence de lecture-écriture en français
langue seconde, il est opportun de tenir compte des convergences (aspects
communs en L1 et en français et déjà acquis au moment de l’accès au français)
et des spécificités propres à chaque idiome.
En abordant l’apprentissage de la lecture en FLS, l’élève a déjà pratiqué la lec-
ture et l’écriture en L1. Il ne va pas apprendre à lire de nouveau. J. Duverger
(2004) estime qu’on n’apprend à lire et écrire qu’une seule fois, même si on
apprend d’autres langues ultérieurement ; Rosekrans (2010) va dans le même
sens, en affirmant que « les habiletés développées durant l’apprentissage de
la lecture et de l’écriture, telles que le décodage et les connaissances phono-
logiques, peuvent être transférées à une seconde langue ».
Néanmoins, l’apprenant découvre :
– un autre système phonologique et graphique : la relation son/graphie en arabe
s’organise selon un système d’écriture différent ;
– une nouvelle relation phonie/graphie ;
– des connotations et des présupposés culturels différents.
Aussi, un élève ayant une variété dialectale et l’arabe standard de l’école, et
avant d’accéder au français, aura-t-il appris à manipuler :
– le principe alphabétique (association graphème/phonème) ;
– des écrits porteurs de sens ;
– l’écriture de haut en bas ;
– des conventions élémentaires d’un texte (un poème, une affiche, …) ;
– les mécanismes de base de la compréhension ;
90
L’évolution des contacts du français avec les langues en présence
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
le métalangage correspondant.
Il convient aussi de mentionner un autre niveau de convergence, celui des stra-
tégies de lecture, susceptibles de développer des capacités méthodologiques et
procédurales d’accès à l’écrit. La stratégie est une activité mentale (un ensemble
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
91
Didactique et appropriation
il est important de réfléchir aux modalités les plus appropriées pour favoriser
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
cette transition (par la traduction du lexique scientifique, la comparaison des
structures linguistiques fonctionnelles, par exemple).
Au Maghreb, c’est l’arabe qui est la langue d’enseignement au primaire, au
collège (en Tunisie) et au lycée (en Algérie et au Maroc), alors qu’au lycée
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
11. Conclusion
Par rapport aux valeurs visées par un bilinguisme scolaire équilibré, il
convient de préciser que ce type de didactique est susceptible de répondre à
une motivation éthique, surtout dans des situations évoquées plus haut, où la
langue seconde, en l’occurrence le français, bute sur des réticences identitaires
plus ou moins injustifiées vis-à-vis de son apprentissage. Aussi, en préconi-
sant ce type d’approche, ne contribue-t-on pas à faire passer l’apprenant et
l’enseignant d’un bilinguisme conflictuel et tendu à un bilinguisme, complé-
mentaire, fonctionnel, mais à caractère humaniste. Favoriser une convergence
didactique aiderait ainsi à créer des liens dépassionnés entre les langues, en
particulier dans des contextes de contacts problématiques entre une langue de
92
L’évolution des contacts du français avec les langues en présence
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
les enseignants de français et d’arabe ou d’autres langues nationales, suscitée
par la logique de cette approche, placerait les enseignants et les élèves dans
un rapport non conflictuel entre ces langues.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
Références
Blanchet, Ph., Rispail, M., « Principes transversaux pour une sociodidactique
dite “de terrain” », in Blanchet Ph.et Chardenet P. (dir.), Guide pour la
recherche en didactique des langues et des cultures. Approches contextua-
lisées, Paris, Éditions des archives contemporaines, AUF, 2011.
Duveger, J., « Lire, écrire, apprendre en deux langues », in Les Actes de Lec-
ture, no 85, mars 2004.
Maurer B., De la pédagogie convergente à la didactique intégrée langues
africaines/langue française, Paris, L’Harmattan-OIF, 2007.
Miled M., « La didactique intégrée de l’arabe et du français », in Le Français
dans le monde ; Recherches et applications, janvier 2005.
Miled, M., « Identité linguistique et didactique convergente dans un contexte
bilingue : l’exemple du français et de l’arabe », in Martinez P., Moore D. et
Spaëth V., in Plurilinguismes et enseignement, Paris, Riveneuve Éditions,
2008.
Moore, D., Plurilinguisme et école, Paris, Hatier, 2006.
Rosekrans, K., « Voies nouvelles vers l’écrit : former des enseignants pour un
programme de lecture au Ghana », in Professionnaliser les enseignants de
classes multilingues en Afrique, Paris, L’Harmattan, 2010.
Conseil de l’Europe, Guide pour le développement et la mise en œuvre de
curriculums pour une éducation plurilingue et interculturelle, Strasbourg,
Division des politiques linguistiques, 2010.
93
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
95
Didactique et appropriation
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
première de l’enseignement du français depuis 150 ans. Il est bien vrai qu’en
classe, l’orthographe règne encore en maitre ! (Chartrand et Lord, 2013)
Mais loin d’atteindre ses objectifs, l’enseignement de l’orthographe est chro-
nophage et nuit à l’enseignement de l’écrit (recherche ÉLEF, voir textes sur le
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
96
La difficile appropriation de la langue française par les francophones
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
Deux objectifs interreliés : soutenir le développement des compétences langa-
gières écrites et doter les élèves d’une représentation opératoire de la langue
comme système (Chartrand, 2013a). Pour cela, il convient d’articuler l’ensei-
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
97
Didactique et appropriation
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
fois précisément délimités, diffèrent et se complexifient par approfondissements,
visant une maitrise assurée à un moment déterminé (Chartrand, 2009).
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
4. Conclusion : agir
Tout ceci ne se produira pas sans d’énergiques interventions dans les politiques
pédagogiques et linguistiques, car le problème est d’abord politique. On pointera
au moins quatre pistes d’action :
Références
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
Chartrand, S.-G., « L’apport de la didactique du français langue première au
développement des capacités d’écriture des élèves et des étudiants », in
Lafont-Terranova J. et Colin D. (éd.), Didactique de l’écrit. La construction
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
99
Didactique et appropriation
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
de la langue française (CSLF), 2003.
Portail enseignement du français : http://www.enseignementdufrancais.fse.
ulaval.ca
Yaguello, Marina, Catalogue des idées reçues sur la langue, Paris, Seuil, 1988.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
100
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
Dominic ANCTIL
1. Introduction
Un colloque traitant de l’appropriation de la langue ne peut faire l’économie
d’une réflexion sur un élément central de la maitrise linguistique : le vocabu-
laire. La maitrise du code écrit, notamment de l’orthographe grammaticale et
lexicale, constitue bien sûr une immense préoccupation des milieux scolaires,
et il y a là un travail énorme à accomplir pour aider les apprenants du fran-
çais, natifs et autres, à l’atteindre. Mais le lexique, grand oublié des classes de
français, joue aussi un rôle crucial dans la connaissance linguistique, puisque
« la langue est un système sémiotique complexe constitué de signes qui sont,
dans leur immense majorité, de nature lexicale » (Polguère, 2008). En effet, un
manque de vocabulaire, lacune qui transparait aussi bien à l’oral qu’à l’écrit, et
dans toutes les situations de la vie courante, a tôt fait de devenir ce handicap
social auquel on faisait référence dans l’appel de communications du colloque
de l’OPALE 2013. Un tel handicap peut avoir des incidences énormes sur la
réussite scolaire autant que sociale et touche en priorité certaines populations,
notamment les enfants issus de milieux défavorisés et les immigrants.
Notre réflexion se centrera ici sur l’enseignement du vocabulaire en milieu
scolaire. Nous dresserons un portrait de l’enseignement du lexique dans les
classes du primaire. Les principaux résultats de notre travail de thèse sur
l’erreur lexicale en production écrite au secondaire seront ensuite présentés
pour offrir un portrait des difficultés lexicales des élèves et mieux cibler leurs
101
Didactique et appropriation
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
ensuite qu’une meilleure maitrise lexicale peut aussi conduire à une meilleure
maitrise du code avant de proposer quelques pistes pour un enseignement
lexical plus efficace.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
102
Un meilleur enseignement lexical pour une plus grande appropriation de la langue
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
affirment que les enseignants travaillent essentiellement la grammaire, la
lecture et l’écriture, mais qu’ils délaissent le lexique. Il ressort aussi d’une
recherche menée par Dreyfus (2004) que les enseignants du primaire en France
disent accorder peu de temps à l’enseignement du lexique. Pour le Québec, nous
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
50. Voir par exemple la Progression des apprentissages, français langue d’enseignement du
ministère de l’Éducation (MELS, 2009).
103
Didactique et appropriation
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
dans une perspective orthographique, et en s’appuyant largement sur l’utilisation
de listes de mots décontextualisées. En ce qui concerne un volet « explicite »
de l’enseignement du lexique visant la compréhension des notions de base de
l’étude du lexique, comme le suggèrent par exemple Picoche (1992), Tremblay
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
51. On parle plus volontiers aujourd’hui d’enseignement du lexique, pour rendre compte du
fait que cet enseignement va au-delà de la simple acquisition de mots nouveaux, mais
s’intéresse aussi à une meilleure compréhension du système lexical de la langue et de
son fonctionnement. Si nous utilisons ici « enseignement du vocabulaire », c’est que ce
que nous observons dans les classes reste résolument une approche quantitative visant
l’accroissement du stock lexical des élèves.
104
Un meilleur enseignement lexical pour une plus grande appropriation de la langue
ont par ailleurs souvent été développées dans une perspective orthographique
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
et ne correspondent bien sûr pas à l’acquisition naturelle du vocabulaire d’une
langue. Grossmann (2011) mentionne d’ailleurs à cet effet que la didactique
du lexique gagnerait à travailler à la construction de répertoires – un peu dans
l’esprit du « français fondamental » de Gougenheim (1964) – qui pourraient
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
105
Didactique et appropriation
y est par contre toujours faite de façon qualitative et sur la base de critères
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
plutôt subjectifs comme la richesse, la variété et « le caractère évocateur » du
vocabulaire utilisé. Travailler sur l’erreur lexicale nous évitait non seulement la
difficile tâche d’opérationnalisation de ces critères, mais nous permettait aussi
de jeter un regard un peu moins holistique sur la dimension lexicale des textes
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
des élèves en focalisant notre attention sur un aspect : les emplois lexicaux
problématiques. Soulignons par ailleurs que le concept même d’erreur lexicale
est rarement défini dans les travaux s’y intéressant (Agustín Llach, 2005), et que
les quelques définitions proposées reposent sur des critères très variés, souvent
propres à l’apprentissage d’une L2 ; la clarification de ce concept constituait donc
un apport théorique intéressant. Mentionnons finalement que peu de travaux se
sont intéressés à l’erreur lexicale dans un contexte de L1 et que de dresser un
portrait des difficultés lexicales des élèves visait aussi à fournir certaines pistes
à la didactique du lexique pour penser un enseignement lexical plus efficace.
53. Erreur linguistique est ici entendue au sens de « forme linguistique ou combinaison de
formes linguistiques qui diffère de ce qu’un locuteur expert aurait selon toute probabilité
produit dans un même contexte de production » (Anctil, 2011:70). Ainsi, notre corpus
d’erreurs contient à la fois des usages qui seraient unanimement considérés comme erronés
(*une avion) ainsi que des maladresses lexicales, moins facilement condamnables, mais
clairement marquées par rapport à l’usage (La publicité ?porte une mauvaise influence sur
la société).
106
Un meilleur enseignement lexical pour une plus grande appropriation de la langue
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
L’analyse de notre corpus a révélé mille-cent-quarante-quatre (1 144) pro-
blèmes lexicaux, que nous avons classés à l’aide d’une typologie descriptive
développée à partir de la définition d’erreur lexicale proposée plus haut.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
Cette analyse nous a permis d’observer que les erreurs lexicales les plus
fréquentes sont les problèmes sémantiques, dans une proportion de 30 % ;
la plupart de ces erreurs correspondent à des cas où le mot utilisé présente
un lien de sens avec celui visé (ex. « Il voulut y rentrer, mais il n’y avait pas
*d’issus [accès/ouverture] pour rentrer à l’intérieur. », « Tout d’un coup, les
fous fût *stabilisé [immobilisé] et Bobby traversa la forêt sans danger. »).54
Les problèmes d’ordre formel, particulièrement les barbarismes (ex. *désam-
buler pour déambuler, *incomprenable pour incompréhensible), constituent
la deuxième famille d’erreurs lexicales observée (21 %)55.
Si la moitié des erreurs relevées concernent la forme et le sens des mots,
l’autre moitié des erreurs (49 %) sont en lien avec des propriétés autres, pro-
priétés rarement travaillées en classe. En effet, une erreur sur cinq (21 %) est
en lien avec une propriété morphosyntaxique du mot erroné, principalement
le genre nominal (ex. *une immeuble très luxueuse), l’invariabilité (ex. des
scènes *d’actions) et le régime (ex. « Le jour vint succéder *la nuit. », « Elle
désirait […] *d’aller à Londres. »). Dix-sept pour cent (17 %) des problèmes
découlent de l’inadéquation pragmatique du mot utilisé et du contexte dans
lequel il apparait, essentiellement par l’emploi d’un vocabulaire familier
(ex. « après quelques heures de *poireautage [attente] ; d’autres femmes du
voisinage sont venue *zyeuter [voir] ma collection. »). Un peu plus d’une
erreur sur dix (11 %) a trait à la cooccurrence et consiste la plupart du temps
en une collocation douteuse (ex. « Les publicités *portent [ont] une très
mauvaise influence pour toutes les sociétés. », « … pour voir quel emploi
je pourrais *faire [exercer ; obtenir] »).
Lorsqu’on s’intéresse aux sources possibles des erreurs lexicales observées, l’in-
tégration de l’erreur à l’usage est souvent évoquée ; les élèves commettent donc
très souvent des erreurs lexicales parce qu’ils reproduisent ce qu’ils entendent
dans la langue de tous les jours et font mal la distinction entre la langue
familière et le français standard. La proximité formelle et sémantique entre le
mot erroné et celui visé permettent aussi d’expliquer bon nombre d’erreurs et
agissent très souvent en synergie (ex. « Cette pub vise à nous *insister [inciter]
54. Le mot erroné est précédé d’un astérisque et les corrections proposées figurent entre
crochets. Les erreurs d’orthographe ont été laissées telles qu’elles apparaissaient dans les
copies des élèves.
55. À noter que nous avons exclu du corpus les erreurs purement orthographiques, générale-
ment traitées à part par les enseignants, pour ne conserver que les barbarismes ayant un
impact sur la prononciation du mot.
107
Didactique et appropriation
à acheter le produit. ») ; c’est aussi souvent sur la base d’une proximité de sens
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
ou de forme que les élèves transposent le régime d’un verbe à un autre (ex.
« Il *renonçait [refusait] de garder les bras croisés. »), ou lui accolent un col-
locatif erroné. Évidemment, un certain nombre d’erreurs peuvent simplement
être expliquées par une lacune dans le vocabulaire de l’élève ou une maitrise
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
108
Un meilleur enseignement lexical pour une plus grande appropriation de la langue
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
français.
Lorsqu’on leur demande d’expliquer ce qu’est une erreur de vocabulaire, les
enseignants font spontanément référence à deux types de problèmes : les erreurs
sémantiques et la répétition. Dans des proportions beaucoup plus faibles, ils
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
109
Didactique et appropriation
parce qu’il se concentre sur les erreurs d’orthographe et de syntaxe qui, elles,
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
doivent être comptabilisées… et sont plus faciles à classer dans les grilles
de correction ! Il est tout de même intéressant de constater que les erreurs
lexicales relevées dans les plus faibles proportions sont les erreurs de sens
(33,7 % d’erreurs relevées ou pénalisées), de collocation (38,2 %) et celles liées
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
à l’emploi de termes familiers (32 %) ; or, ces classes d’erreurs sont pourtant
très fréquentes dans le corpus et les deux premières sont les plus susceptibles
d’entraver la compréhension du lecteur. Devant une absence d’indications en
lien avec ces erreurs, les élèves ne disposent d’aucune piste pour améliorer la
dimension lexicale de leurs écrits, et plus largement leur vocabulaire.
Les classes d’erreurs lexicales sur lesquelles semblent se concentrer les ensei-
gnants sont les erreurs formelles (76,2 % d’erreurs relevées ou pénalisées) et celles
liées aux propriétés morphosyntaxiques des mots (57,3 % d’erreurs relevées ou
pénalisées). Cela s’explique sans doute par une plus grande aisance à repérer et
à justifier ces types d’erreurs, ainsi qu’à les classer. Les erreurs formelles sont
en effet toujours classées dans une colonne « orthographe d’usage » permettant
de les comptabiliser dans les grilles de correction utilisées par les enseignants.
Les erreurs liées aux propriétés morphologiques des mots (principalement genre
nominal et invariabilité) ainsi qu’au régime sont quant à elles comptabilisées par
les enseignants parmi les erreurs de grammaire plus de neuf fois sur dix. On
peut aisément comprendre que les enseignants classent ainsi ces types d’erreurs,
puisqu’elles se manifestent dans les accords et la syntaxe ; pourtant, l’explication
de telles erreurs demande la consultation d’un dictionnaire plutôt que d’une gram-
maire, et elles découlent bien de méconnaissances lexicales. Un tel classement des
erreurs lexicales a un effet pernicieux : celui d’accorder un poids différent dans
la correction aux divers types d’erreurs lexicales. Des erreurs sémantiques ayant
potentiellement un effet important sur la compréhension du texte font l’objet d’un
jugement qualitatif n’ayant que peu d’impact sur le résultat global de la rédaction,
alors que des erreurs peut-être plus triviales, comme l’utilisation d’une mauvaise
préposition auprès d’un verbe, se voient comptabilisées parmi les erreurs syn-
taxiques et ont un impact plus grand sur la note de l’élève. Ce type de classement
d’erreurs a aussi l’effet néfaste d’entretenir le flou entre erreur de vocabulaire et
erreur de grammaire. Comment un élève ayant écrit « Le jour succéda *la nuit »
doit-il comprendre, devant le code « S » (pour « syntaxe ») que pour corriger sa
phrase, il doit se rendre dans le dictionnaire au verbe « succéder », et non pas
faire appel à une règle de grammaire du français ?
Par ailleurs, nous avons aussi constaté que lorsqu’elles sont relevées par les
enseignants, les erreurs lexicales font l’objet d’annotations vagues qui aident
bien peu les élèves : petite vague sous le mot problématique ou point d’inter-
rogation au-dessus, « V » dans la marge ou terme encerclé, voilà autant de
symboles utilisés pour pointer des problèmes lexicaux, mais qui ne fournissent
à l’élève aucune piste pour améliorer son texte.
110
Un meilleur enseignement lexical pour une plus grande appropriation de la langue
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
du vocabulaire au secondaire, fait l’objet d’une correction qui traite de façon
très inégale les problèmes de nature lexicale et fournit peu d’outils pour aider
l’élève à améliorer son vocabulaire. Ceci est d’autant plus vrai que de l’aveu
même des enseignants, rares sont les occasions pour les élèves de retravailler
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
un texte corrigé. Ainsi, les maladresses lexicales des élèves demeurent stériles,
alors qu’elles pourraient constituer un tremplin vers une meilleure maitrise
lexicale.
111
Didactique et appropriation
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
que la consultation du dictionnaire demeure très fastidieuse pour beaucoup
d’élèves, qui y ont recours principalement pour vérifier l’orthographe de mots
pendant une tâche d’écriture ou, de façon plus marginale, pour chercher des
synonymes afin de varier leur vocabulaire. Cet emploi limité d’un outil pourtant
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
112
Un meilleur enseignement lexical pour une plus grande appropriation de la langue
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
sans doute les élèves à mener des analyses syntaxiques avec plus d’assurance,
et à terme à réaliser plus facilement les accords ainsi qu’à mieux ponctuer.
Leurs intuitions sémantiques seraient ainsi au service du travail grammatical.
Pour ce qui est des élèves dont le français n’est pas la L1, et qui ne peuvent
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
compter sur leurs connaissances implicites des structures verbales pour l’ana-
lyse syntaxique, un travail sur le dictionnaire et la façon dont y sont encodées
les informations sur le régime verbal s’avèrerait un atout précieux56.
6. Conclusion
Il ne fait aucun doute que le vocabulaire joue un rôle crucial dans la mai-
trise de la langue, et il est du ressort de l’école de contribuer à développer la
compétence lexicale des élèves et de leur fournir un vocabulaire de base. Or,
les différents travaux consultés semblent tous pointer vers un même constat :
« l’enseignement du vocabulaire dans les classes pose de nombreux problèmes
et les enseignants ne sont guère formés dans le domaine de la lexicologie »
(Lehmann, 2011 : 1). Comment alors redresser la situation ?
Une partie de la solution réside sans doute dans la formation des maitres,
souvent très minimaliste en matière de lexique. En ayant des savoirs lexico-
graphiques plus solides, les enseignants seront plus à même de comprendre
les interactions lexique-syntaxe et de mesurer l’importance des connaissances
lexicales dans la maitrise du code (Polguère, 2008). Bénéficier d’une formation
plus théorique sur le lexique leur fera aussi prendre conscience que la compé-
tence lexicale ne se limite pas au nombre de mots connus, mais implique aussi
une compréhension de l’organisation du système lexical de la langue et des
stratégies qui facilitent l’acquisition de mots nouveaux. Une formation complète
devrait aussi outiller les enseignants sur le volet didactique de l’enseignement
du lexique. Comment se développe le vocabulaire chez l’enfant ? Quels sont
les grands principes qui sous-tendent un enseignement lexical efficace ? Quels
types d’activités de vocabulaire mener en classe ? Comment favoriser l’acquisi-
tion accidentelle du vocabulaire et la rétention des mots nouveaux ? Comment
aider les élèves à tirer profit des dictionnaires ?
Une autre partie de la solution incombe aux didacticiens du lexique, qui doivent
selon nous proposer une progression des contenus à aborder en priorité pour
un enseignement lexical efficace. Le travail de création d’une ontologie des
savoirs lexicologiques entrepris par O. Tremblay (2009) constitue un premier
56. Il faut cependant souligner que le traitement du régime verbal dans les dictionnaires fran-
çais est très inégal et présente certaines incohérences (pour une discussion, voir Anctil,
2011). La production de dictionnaires pédagogiques plus explicites et systématiques en
cette matière constitue un travail important pour les lexicographes.
113
Didactique et appropriation
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
sens. Cette réflexion devrait aussi s’appuyer sur des recherches en acquisition
du vocabulaire et tirer parti de recherches descriptives comme notre travail
de thèse ou la recherche de Lefrançois et de Villers (2013), qui donnent des
indices sur les lacunes lexicales des élèves. Une telle progression orienterait
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
114
Un meilleur enseignement lexical pour une plus grande appropriation de la langue
Références
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
Agustín Llach, M. P., « A critical review of the terminology and taxonomies
used in the literature on lexical errors », in Miscelánea : a Journal of
English and American studies, vol. 31, 2005, pp. 11-24.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
115
Didactique et appropriation
Duncan, G. J., Dowsett, C. J., Claessens, A., Magnuson, K., Huston, A. C.,
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
Klebanov, P., Pagani, L. S., Feinstein, L., Engel, M., Brooks-Gunn, J.,
Sexton, H., Duckworth, K. et Japel, C., « School readiness and later achie-
vement », in Developmental Psychology, vol. 43, no 6, 2007, pp. 1428-1446.
Gougenheim, G., L’élaboration du français fondamental (1er degré) : étude sur
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
116
Un meilleur enseignement lexical pour une plus grande appropriation de la langue
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
présentée au Congrès mondial de linguistique française – CMLF’08, Paris,
2008.
Polguère, A. et Sikora, D., « Modèle lexicographique de croissance du vocabu-
laire fondé sur un processus aléatoire, mais systématique », in C. Garcia-
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
117
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
EXPRESSION RADIOPHONIQUE
ET APPRENTISSAGE LUDIQUE DE LA LANGUE :
RADIO CACTUS, LE POUVOIR DU MICRO
AU SERVICE DES FEMMES QUI APPRENNENT
LE FRANÇAIS (CACTUS & GSARA ASBL
– ANDERLECHT – BRUXELLES)
Guillaume ABGRALL
58. Selon l’article 1er du décret du 17 juillet 2003, une organisation d’éducation permanente a
pour objectif de favoriser et de développer, principalement chez les adultes :
– une prise de conscience et une connaissance critique des réalités de la société ;
– des capacités d’analyse, de choix, d’action et d’évaluation ;
– des attitudes de responsabilité et de participation active à la vie sociale, économique,
culturelle et politique.
Ainsi, les associations d’éducation permanente des adultes travaillent à développer les
capacités de citoyenneté active et la pratique de la vie associative. Nombre d’entre elles
consacrent une attention particulière aux publics socioculturellement défavorisés. Actuel-
lement, quelque 250 asbl sont reconnues dans le cadre du décret de 2003, et occupent
environ 2 300 travailleurs équivalent temps plein.
121
Expérience d’appropriation
Dans cet article, nous décrivons le contexte particulier qui a vu naitre et croitre
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
Radio Cactus et nous exposons les différentes situations de communication
créées par l’instrument radio.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
122
Expression radiophonique et apprentissage ludique de la langue
qui mêlent radio et éducation populaire. Nous avons participé en leur envoyant
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
un montage audio autour de la question de la difficulté d’apprendre la langue
française pour les femmes qui migrent. Quelle langue on parle, bénéficiant
du soutien de Paroles Partagées, est édité sous la forme d’un CD à destination
des lieux d’apprentissage du français à Bruxelles. Ce travail donne également
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
123
Expérience d’appropriation
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
parle est celle qui a le micro. L’enregistrement nécessitant le silence, le micro
déclenche aussi une situation favorable à l’écoute.
L’entrevue entre soi : nous préparons ensemble une liste de questions sur le
thème retenu. Ensuite, par couple, les femmes s’interrogent l’une l’autre.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
Le débat : nous créons deux équipes qui s’opposent sur le thème retenu. Elles
développent des arguments antagonistes. Une fois le micro allumé, l’enjeu est que
chaque groupe décide rapidement qui va répondre avec l’argument le plus adéquat.
Les entrainements : avant de passer à d’autres modes de parole, ouverts sur
l’extérieur (rencontres, micros-trottoirs, radio en direct), l’Atelier Radio est le
lieu pour s’essayer, se réécouter, valider ensemble si nous sommes prêts.
Le travail de reformulation : après chaque tentative, les femmes entre elles,
aidées par les animateurs, peuvent conseiller d’autres formulations, manières de
dire, suggérer du vocabulaire, signifier tout simplement qu’elles n’ont pas compris.
La fiction : parfois nous décidons de nous écarter du réel pour mieux en
parler. Pour éviter d’être toujours dans le témoignage. Pour rire aussi de choses
parfois délicates. La distance de la fiction permet parfois de se rapprocher de
l’expression la plus juste sur le sujet. Elle fait sauter des verrous de timidité.
Elle permet aussi de s’amuser avec la langue, tout en restant dans quelque
chose qui fait sens car elle s’ajoute à l’ensemble du processus de création sur
le thème établi ensemble et visant à une diffusion.
Les retours après réécoute : lors de la séance même, nous réécoutons souvent
ce qui vient d’être enregistré. Nous écoutons également chaque semaine la parole
montée, avec de la musique, avec des choix de réalisation. Et nous en discutons.
Quel est l’effet de cette musique ajoutée ? Comprenons-nous le message ou non ?
Sommes-nous d’accord avec les choix réalisés ?
b) Au-delà d’être un instrument créateur de parole, la radio est également un
prétexte à la rencontre et à l’ouverture sur l’extérieur.
Le vox pop ou micro-trottoir : les femmes nous confient parfois avoir peu
d’occasions de parler en français hors des cours de langues, car leur famille,
amis s’expriment dans une autre langue. Parler avec des inconnues serait une
bonne injonction. Cependant, qui, hors du prétexte de demander son chemin
ou l’heure, arrive, avec une maitrise trébuchante de la langue, à arrêter des
gens dans la rue et à leur adresser la parole ? La radio permet de parler à
des inconnus. Nous partons dans la rue avec un groupe de quatre femmes. Elles
arrêtent les passants, leur demandent l’autorisation de les interroger sur notre
thème de travail et lancent l’entrevue. Moments étonnants où elles prennent une
autre place dans l’espace public, dépassant d’invisibles barrières, celles d’être
femme, celles d’apprendre à s’exprimer dans une autre langue.
124
Expression radiophonique et apprentissage ludique de la langue
La rencontre : nous invitons dans l’Atelier des personnes qui peuvent nous
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Reims Champagne-Ardennes - - 194.57.104.102 - 31/01/2018 09h58. © De Boeck Supérieur
éclairer sur notre thème de travail. Nous avon