Vous êtes sur la page 1sur 9

Stratégies d’échantillonnage

pour les analyses d’eau

par Kees J.M. KRAMER


Directeur de MERMAYDE (Conseil en « Monitoring of water sediment and Biota »),
Pays-Bas

1. Nouvelles exigences de qualité ........................................................... P 3 852 – 2


2. Stratégies d’échantillonnage................................................................ — 3
2.1 Échantillonnage sélectif (spot sampling) et analyse ............................... — 3
2.2 Analyse chimique d’échantillons biologiques........................................... — 3
2.3 Utilisation d’échantillonneurs « passifs » (passive samplers)................. — 4
2.4 Méthodes de criblage (screening).............................................................. — 4
2.5 Systèmes biologiques d’alerte précoce..................................................... — 4
2.6 Stratégies différentes ou complémentaires ? ........................................... — 4
3. Échantillonage .......................................................................................... — 5
3.1 Localisation et fréquence de l’échantillonnage......................................... — 5
3.2 Méthodes d’échantillonnage ...................................................................... — 6
3.3 Facteurs influençant la qualité de l’échantillonnage ................................ — 7
4. Prétraitement des échantillons............................................................ — 7
4.1 Filtration ....................................................................................................... — 8
4.2 Centrifugation .............................................................................................. — 8
5. Préservation, transport et conservation ........................................... — 8
6. Contrôle de contamination ................................................................... — 9
Références bibliographiques ......................................................................... — 9

n Europe, depuis la mise en œuvre de la Directive Cadre sur l’Eau (DCE,


E Directive 2000/60/CE), la surveillance des eaux est focalisée sur les
exigences de la législation en vigueur dont l’objectif est de protéger toutes
les eaux (de rivière, lacustres, côtières, et les eaux souterraines). Cette directive
a pour ambition d’assurer que toutes les eaux européennes atteindront un « bon
état » d’ici 2015, ce qui a des implications évidentes sur la façon dont les pro-
grammes de surveillance des eaux seront établis et mis en œuvre dès la fin de
l’année 2006. En particulier, pour obtenir des données de qualité, il faut
considérer le besoin d’analyses de qualité, et donc le besoin de validation des
techniques, y compris l’échantillonnage.
Bien que les procédures d’assurance et de contrôle de qualité analytique
soient désormais considérées comme « standards » par la plupart des
laboratoires responsables d’analyses de surveillance (pour plus de précisions,
voir [9]), les étapes telles que l’échantillonnage, le prétraitement, le transport et
la conservation des échantillons ne sont pas toujours considérées comme fai-
sant partie intégrante de l’analyse. En d’autres termes, les procédures de mani-
pulation des échantillons n’ont pas toujours fait l’objet d’attentions suffisantes
en matière d’assurance qualité. En tant que telles, pourtant, elles devraient être
prises en compte dans le développement de toute stratégie d’échantillonnage (y
compris la sélection des sites, la fréquence d’échantillonnage, l’échantillonnage

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. P 3 852 − 1
STRATÉGIES D’ÉCHANTILLONNAGE POUR LES ANALYSES D’EAU ________________________________________________________________________________

intégré, les mesures en ligne). De nouvelles approches de surveillance, notam-


ment d’échantillonnage « intégré », ont été récemment développées, offrant de
nouvelles alternatives en matière de stratégie d’échantillonnage.
Divers aspects de méthodes de manipulation d’échantillons (équipement,
échantillonnage, filtration, conservation) sont discutés dans ce dossier, en consi-
dérant la perspective d’inclure les procédures d’assurance et de contrôle de qua-
lité comme partie intégrante des étapes analytiques concernant la manipulation
des échantillons avant qu’ils ne soient communiqués aux laboratoires.

1. Nouvelles exigences de laboratoires produisent des résultats analytiques de qualité,


quelle que soit la nature des échantillons qu’ils reçoivent, (eau, sédi-
de qualité ment ou échantillons biologiques).
Dans le cas de l’établissement d’un programme de surveillance,
suivant la définition d’une stratégie d’échantillonnage (cf. § 2),
En Europe, la mise en œuvre de la Directive Cadre sur l’Eau, ou DCE
n’importe quelle « analyse » représente une combinaison de com-
(2000/60/CE), appelle à une nouvelle conception de la surveillance
posantes étroitement liées :
des eaux. Cette législation a pour objectif de protéger toutes les eaux
de rivière, lacustres, côtières et souterraines, établissant l’exigence — l’échantillonnage ;
ambitieuse d’atteindre un « bon état » d’ici 2015. Un nouveau sys- — le prétraitement des échantillons sur le terrain (par exemple :
tème de gestion est en voie de développement au sein de l’union filtration/centrifugation) et la préservation ;
européenne, se basant sur des entités bien définies de « réseaux — le transport ;
hydrographiques » (bassins versants) plutôt que sur l’approche tradi- — la conservation ;
tionnelle de gestion locale ou régionale. Cette gestion reconnaît que — le traitement des échantillons ;
les eaux ne s’arrêtent pas aux frontières politiques, et qu’une coopé- — l’analyse instrumentale ;
ration transfrontalière est indispensable, impliquant les autorités des — le calcul ;
pays concernés ainsi que les parties intéressées. — l’évaluation ;
— le report des résultats.
Ces considérations ont des implications directes sur l’établisse-
ment et la mise en œuvre des programmes de surveillance des
eaux. La surveillance traditionnelle de l’environnement était essen- Remarque : le résultat de n’importe quelle analyse de la qua-
tiellement liée à la santé des écosystèmes (distribution géogra- lité de l’environnement (aquatique) ne sera pas meilleur que le
phique et variations temporelles de concentrations des polluants), résultat de tous les efforts qui ont conduit au résultat final.
aux besoins de détection précoce des pollutions (rejets, accidents)
et à la santé publique (qualité des eaux de consommation et de bai-
gnade). Avec la même optique en termes d’activités, la DCE définit Cette remarque peut sembler logique, ou même simpliste, mais il
trois types de surveillance comprenant des approches liées à l’état est fréquent que de nombreux laboratoires focalisent leurs activités
écologique et chimique des eaux : d’assurance/contrôle qualité essentiellement sur les opérations
— contrôles de surveillance ; conduites dans le laboratoire, sans prêter une attention suffisante
— contrôles opérationnels ; aux activités qui sont hors de leur contrôle, telles que l’échantillon-
— contrôles d’enquête. nage [6]. Les tests d’aptitude (également dits « de compétence »)
sont considérés satisfaisants pour un laboratoire si l’évaluation des
Les exigences en matière de surveillance pour la mise en œuvre résultats répond à des critères d’évaluation statistique tels que les
effective de la DCE dépendront directement des techniques de scores « z » [12] ; en particulier, des résultats dont le score « z » est
mesures disponibles et de qualité démontrée, qui seront capables inférieur à 2 répondent aux exigences de qualité [2]. Ainsi, sur la
de délivrer des données à un coût abordable. En parallèle aux indis- base de tels résultats, des laboratoires participant à de tels tests
pensables analyses « classiques » de laboratoire, les techniques pourront affirmer la validité de leurs résultats aux organismes
émergentes – y compris les techniques de screening (détection d’accréditation. En réalité, les résultats de tests d’aptitude ne reflè-
rapide) – joueront un rôle clé dans la mise en œuvre de la DCE, en tent hélas qu’une faible part de l’ensemble des activités qui consti-
particulier comme approche complémentaire pour l’amélioration de tuent une « analyse ».
la qualité des programmes de surveillance.
L’échantillonnage est à ce titre un volet critique de la procédure
Les exigences de qualité concernant les résultats analytiques (des analytique. De nombreux analystes (laborantins) sont formés pour
« données » en général) ne sont, biensûr, pas nouvelles. Les procé- développer une expertise en matière d’analyse de laboratoire, mais
dures d’assurance et contrôle de qualité ont été développées depuis sans recevoir de formation dans le domaine de l’échantillonnage. Il
la moitié des années 1980, et mises en œuvre en particulier depuis est encore très fréquent, par exemple, que l’échantillonnage soit réa-
l’introduction de la norme NF EN ISO 17025 (ISO/IEC, 2005) [5]. Le lisé par un technicien qui n’est pas directement impliqué dans le tra-
résultat a été qu’une nette amélioration de la comparabilité des don- vail de laboratoire. Il peut même arriver que cette tâche soit confiée au
nées entre les laboratoires a été obtenue durant la décennie 1990- chauffeur de la voiture de service du laboratoire, sur la base d’une –
2000. Ceci a été rendu possible grâce à une participation active des fausse – compréhension que « l’échantillonnage est simple, et il est
laboratoires dans des essais interlaboratoires et des tests d’aptitude, donc inutile d’utiliser les compétences de laborantins expérimentés
ainsi que dans l’utilisation de matériaux de référence certifiés (MRC) au vu de la facilité d’un tel travail ». Il est évident que les activités de
et de matériaux de laboratoire (MRL) dans le cadre de schémas de terrain (échantillonnage et opérations qui lui sont liées) sont par
contrôle de qualité [7] [9] [13] [14]. L’une des conséquences directes nature difficiles à insérer dans un protocole d’assurance qualité, et les
est que le nombre de laboratoires accrédités dans le domaine de la procédures de contrôle de qualité sont donc délicates à mettre en
surveillance de l’environnement a augmenté de façon importante. œuvre. La norme NF EN ISO 5667 traitant de « qualité de l’eau –
Traditionnellement, le développement et la mise en œuvre de pro- échantillonnage » fournit un guide utile pour l’échantillonnage et la
cédures d’assurance et contrôle de qualité ont été suivis par des manipulation des échantillons, et permet de mieux aborder les pro-
spécialistes en la matière, ce qui conduit au fait qu’un grand nombre blèmes liés aux activités réalisées en dehors du laboratoire.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


P 3 852 − 2 est strictement interdite. – © Editions T.I.
________________________________________________________________________________ STRATÉGIES D’ÉCHANTILLONNAGE POUR LES ANALYSES D’EAU

En plus des approches traditionnelles focalisées sur l’échantillon- 2.2 Analyse chimique d’échantillons
nage de spots pour lesquelles des échantillons définis sont collectés
pour analyse, des nouvelles techniques sont désormais disponibles. biologiques
Les technologies émergentes comprennent, par exemple, des analy-
ses sur site et/ou en ligne, des méthodes de screening (analyses
rapides/directes sur le terrain), et une série de nouvelles approches
d’échantillonnage (cf. § suivants). Ces méthodes peuvent être utili- Pour des programmes de surveillance à l’échelle annuelle, une
sées avec succès dans des programmes de surveillance de la qualité analyse d’organismes biologiques peut être effectuée pour
de l’eau, à partir du moment où leur validation peut être démontrée. « échantillonner » l’eau. Considérant que les organismes tendent à
accumuler des composés toxiques jusqu’à atteindre un niveau
Des ouvrages de référence existent en ce qui concerne l’assurance d’équilibre – l’enrichissement de la concentration interne dans
qualité de l’échantillonnage dans un contexte général [17] [18]. Dans l’organisme est qualifié de facteur de bioconcentration – ils se com-
ces articles, l’accent est porté sur les aspects d’assurance qualité des
portent en fait comme des échantillonneurs « intégrateurs ». Bien
opérations réalisées avant les travaux de laboratoire, en particulier
que de nombreux types de plantes et d’organismes biologiques
pour les nouvelles stratégies d’échantillonnage et de manipulation
des échantillons d’eau de surface. Les principes d’assurance qualité soient utilisés, cette approche s’est très souvent appuyée sur l’ana-
sont également applicables à l’échantillonnage de sols et d’eaux sou- lyse de bivalves (en particulier les moules, d’où le nom de program-
terraines, mais le lecteur est invité à consulter un ouvrage spécifique mes Mussel watch [10]).
pour ces échantillons [21]. Bien que la discussion dans cet article (0)
concerne essentiellement les polluants inorganiques en traces dans
la colonne d’eau, le raisonnement s’applique également aux pol-
luants organiques [4], au même titre qu’à d’autres compartiments
environnementaux (sédiment, échantillons biologiques) après une Tableau 1 – Stratégie pour la définition des programmes
adaptation des procédures (méthodes et matériaux utilisés). de surveillance chimique environnementale
Définition du problème
I.
2. Stratégies objectifs, fonctions
Sélection des sujets et des cibles :
d’échantillonnage • Sélection de la zone ou de l’écosystème, en prenant
compte de :
Une stratégie appropriée et bien définie doit, dans tous les cas, — sources de pollution suspectées ;
être développée bien avant que l’échantillonnage ne soit pratique- — composés toxiques liés à ces sources ;
ment effectué. Ceci est essentiel non seulement sur le plan de la — fourchettes de concentrations supposées ;
logique et de la logistique de l’approche en question, mais égale- — évaluation des risques supposés pour l’environne-
ment pour l’évaluation préalable du programme d’échantillonnage ment.
avant qu’il ne soit initié sur le terrain. En d’autres termes, la question • Sélection des polluants en considérant :
doit se poser si les résultats finaux répondront de manière suffisam- IIa. — leur comportement connu ou supposé
ment claire aux questions posées par les gestionnaires environne- (caractéristiques d’adsorption, complexation, processus
mentaux, législateurs ou scientifiques, donc s’ils sont bien adaptés de mobilisation/transport) ;
à l’utilisation prévue. — leur biodisponibilité, bioaccumulation, facteurs
Une revue des différents aspects d’importance pour la définition de bioconcentration, toxicité.
d’une stratégie d’échantillonnage, qu’elle soit liée à un programme • Sélection des compartiments environnementaux :
de contrôles de surveillance, opérationnel ou d’enquête, est présen- — eau et/ou seston (sédiment, biota).
tée dans le tableau 1. À la lumière des nouveaux développements • Sélection de sous-compartiments :
de techniques émergentes, la partie « définition du problème et — espèces chimiques ou fractions (granulométriques,
objectifs » de ce tableau devra être décrite avec plus de détails. organes spécifiques).
Exécution d’une étude préliminaire du site pour :
2.1 Échantillonnage sélectif IIb. • Établir les sujets et cibles définis en IIa
(spot sampling) et analyse • Évaluer et tester les moyens logistiques
• Valider les méthodologies
Les méthodes « traditionnelles » impliquent l’analyse chimique en Définition du programme de surveillance :
laboratoire d’échantillons provenant de zones bien définies (des spots,
• Description de la zone, des polluants à surveiller et les
comme par exemple des zones affectées par des pollutions locales) et (sous)compartiments :
l’utilisation de capteurs (surveillance en ligne) pour des paramètres
— logistique (transport, bateaux, équipement, actions
tels que le pH, l’oxygène dissous, etc. Cette approche se caractérise en
à prévoir en laboratoire).
général par des fréquences espacées d’échantillonnage (semaines –
• Échantillonnage :
mois), ainsi que l’identification totale et la quantification de composés
(polluants prioritaires). La validation des méthodes analytiques et les — type d’échantillon (localisé (spot), intégré ou
essais interlaboratoires [9] [12] sont relativement faciles à mettre en continu) ;
œuvre. Comme les composés sont identifiés et quantifiés, les résultats III. — caractéristiques de l’échantillon (taille, matériau,
sont – à condition qu’ils soient obtenus dans le cadre d’un système de bouteilles, mode de préservation) ;
qualité approprié – plus facilement défendables, par exemple dans le — fréquence d’échantillonnage et densité.
cadre d’actions en justice. De trop faibles fréquences d’échantillon- • Analyses chimiques (techniques disponibles, limites de
détection, assurance qualité)
nage peuvent toutefois représenter un problème d’interprétation (que • Traitement mathématique (futur) des données (analyses
se passe-t-il entre deux campagnes d’échantillonnage ?), et il n’est pas de tendances, séries temporelles)
possible d’inclure la totalité des substances dangereuses (en parti- • Documentation et archivage des données
culier celles en dehors de la liste des polluants prioritaires) dans le pro- • Évaluation des données
gramme d’analyse. De ce fait, l’information obtenue concerne • Contraintes financières
uniquement les composés qui ont été testés. • Fréquence et format de rapportage

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. P 3 852 − 3
STRATÉGIES D’ÉCHANTILLONNAGE POUR LES ANALYSES D’EAU ________________________________________________________________________________

2.3 Utilisation d’échantillonneurs 2.5 Systèmes biologiques d’alerte


« passifs » (passive samplers) précoce

Les échantillonneurs « passifs » ou passive samplers (pouvant Les systèmes biologiques d’alerte précoce utilisent des organis-
être traduits comme « échantillonneurs à membrane ») sont issus mes permettant d’obtenir une réponse biologique rapide à une aug-
de procédés développés dès le début des années 1990. Ce sont des mentation brusque de concentration de polluants. Cette réponse
petits échantillonneurs contenant une unité de collecte de compo- biologique est généralement due à des changements physiologi-
sés donnés séparés par une membrane permettant, uniquement à ques ou comportementaux observés chez des organismes tests tels
ces composés, de passer à travers les pores. Grâce à une sélection que des algues, des daphnies, des poissons ou des moules. Ces sys-
appropriée de la membrane et de l’unité de collecte, il est possible tèmes permettent d’assurer une alerte précoce à l’échelle de quel-
de collecter des polluants toxiques donnés de manière sélective. ques minutes à une heure et ainsi de mettre en œuvre des mesures
Comme ces échantillonneurs, en fonction de leurs objectifs/mode appropriées. Les systèmes de tests biologiques réagissent à des
opératoire, fonctionnent à des échelles allant de plusieurs jours à changements rapides des « conditions environnementales » ; ils
plusieurs mois, ils peuvent être utilisés pour mesurer des concentra- sont de nature non qualitative et semi-quantitative et de ce fait leur
tions moyennes, pondérées dans le temps, des concentrations de validation n’est pas aisée. Les comparaisons entre différents types
polluants prioritaires et sont donc appropriés pour des programmes de tests ne sont pas possibles car chaque espèce biologique a une
de surveillance à long terme. sensibilité spécifique vis-à-vis de substances toxiques données.
Toutefois, ils tendent à être sensibles à beaucoup plus de substan-
Des exemples d’échantillonneurs sont les dispositifs de mem- ces que celles analysées dans le cadre limité des listes de polluants
brane semi-perméable, les dispositifs de dialyse remplis de sol- prioritaires. Dès qu’une alarme est déclenchée par le biais d’un sys-
vants, les disques d’extraction utilisés pour l’échantillonnage de tème biologique d’alerte précoce, des méthodes traditionnelles
traces de polluants organiques, etc. Une revue détaillée de ces dis- seront requises pour réaliser des investigations supplémentaires
positifs a été décrite en 2005 [16]. afin de trouver la cause et identifier et quantifier les substances
incriminées. La fonction d’alarme rapide peut induire un échan-
Les avantages à la fois de la surveillance chimique d’organismes tillonnage localisé pour des analyses plus détaillées. Une stratégie
biologiques et des passive samplers sont liés à leur capacité de réa- dans le cadre de laquelle l’échantillonnage est induit par des répon-
liser des échantillonnages intégrant des périodes de temps définies ses de systèmes d’alerte précoce peut permettre de limiter les cam-
(et fournissant ainsi des informations durant les périodes entre les pagnes d’échantillonnage des spots à des fréquences réduites.
campagnes d’échantillonnage), et au fait qu’ils accumulent les com-
posés de telle sorte que l’augmentation de leurs concentrations per-
mettra d’obtenir une meilleure performance analytique (ou plus
facile). Ils permettent l’identification des composés, mais seulement 2.6 Stratégies différentes
leur semi-quantification car les concentrations mesurées sont fonc- ou complémentaires ?
tion de l’efficacité du dispositif de collecte/relargage entre l’eau et
« l’échantillonneur » (qui n’est pas toujours constante dans des
conditions naturelles). Les critères de risques écologiques sont plus
■ Les stratégies classiques d’échantillonnage s’appuient essentiel-
difficiles à définir. De plus la validation des méthodes (en particulier
lement sur l’analyse traditionnelle de zones bien localisées (spots).
dans des conditions d’analyses de terrain) et les essais comparatifs
Grâce à l’émergence des nouvelles techniques – certaines existant
sont plus compliqués à mettre en œuvre. En ce qui concerne les
depuis plus de 15 ans – et grâce à une bonne combinaison de
échantillons et leur analyse, il sera impossible de procéder à la
l’ensemble des approches et/ou techniques, nouvelles et déjà dispo-
mesure de tous les composés.
nibles, des stratégies mieux adaptées aux besoins pourront être
menées.

■ Les techniques sont disponibles, mais la législation en vigueur ne


2.4 Méthodes de criblage (screening) prend pas toujours en compte ces options innovantes. Ainsi, les
législateurs devront être informés de ces nouvelles possibilités afin
qu’ils puissent adapter les questions d’ordre législatif aux stratégies
Les méthodes de screening sont généralement définies comme de surveillance, permettant une mise en œuvre pratique.
des méthodes qualitatives ou semi-quantitatives utilisées pour
l’analyse rapide d’échantillons qui pourront être sujets à des analy- ■ Bien que l’établissement d’un programme de surveillance
ses plus poussées si nécessaire. Elles fournissent des informations devrait, en principe, être gouverné par les objectifs prédéfinis par la
concernant un groupe de composés plutôt que des mesures spécifi- législation, les programmes sont en pratique réalisés en routine,
ques aux composés individuels, par exemple sur la somme de pes- sans qu’aucune question ne soit jamais posée sur le fait que les
ticides polaires plutôt que sur la concentration de lindane. résultats répondent ou non au niveau de qualité approprié pour les
décisions de gestion environnementale qui en découleront. Il serait
Ces méthodes peuvent opérer en (semi) continu, mais elles ne de ce fait judicieux que l’établissement de programmes de sur-
permettent qu’une semi-idenfication ou semi-quantification des veillance implique des spécialistes de diverses disciplines, y com-
composés. La quantification repose généralement sur un signal cor- pris des chimistes analytiques et environnementaux et des
respondant à une somme de composés, critère plus difficile à définir statisticiens. Il est en effet plus sûr de prendre du temps lors de la
et pour lequel la validation et les essais comparatifs sont plus com- phase de développement, que de changer le programme après quel-
plexes. Un point positif est que les méthodes de screening peuvent ques années en raison, par exemple, de difficultés logistiques ou
détecter tous les composés du « groupe d’analytes », donc en prin- financières, avec la conséquence qu’un changement de procédure
cipe plus que la série limitée des analytes des méthodes tradition- conduira à un ensemble de données potentiellement pas compara-
nelles. bles et ainsi, courir le risque de mettre en échec un projet coûteux.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


P 3 852 − 4 est strictement interdite. – © Editions T.I.
________________________________________________________________________________ STRATÉGIES D’ÉCHANTILLONNAGE POUR LES ANALYSES D’EAU

3. Échantillonage

L’objectif de l’échantillonnage est de « collecter une portion de


matériau provenant d’un compartiment environnemental (eau,
sédiment ou organisme biologique) d’un volume suffisant pour
qu’il soit aisément transporté et manipulé en laboratoire, tout en
représentant avec fidélité la partie de l’environnement
échantillonné ».

La représentativité a une importance centrale qui consiste à


savoir, d’une part, si la portion d’échantillon représente réellement
l’environnement originel et, d’autre part, si l’échantillonnage et la
manipulation subséquente de l’échantillon ont été réalisés sous
contrôle (en d’autre termes si aucun changement n’est intervenu
comme par exemple, une contamination provenant des conteneurs
ou une perte due à une adsorption sur des filtres).
Au-delà de la stratégie d’échantillonnage, les aspects importants
des opérations qui peuvent interférer sur le résultat analytique final Figure 1 – Représentation schématique des sites d’échantillonnage
et qui doivent donc être définis précisément sont les suivants :
— les points et la fréquence d’échantillonnage ;
— la plateforme d’échantillonnage (logistique, à partir de la berge Des discussions similaires peuvent être extrapolées à un cas de
d’une rivière ou d’une plage, par bateau, depuis un pont…) ; rivière comprenant une zone de rejet d’effluent. Une approche
consisterait à échantillonner au milieu du lit de la rivière, en amont
— la méthode et l’appareil d’échantillonnage ; et en aval de la source d’émission (figure 1c ; points K, L). Toutefois,
— le conteneur (par exemple, une bouteille) utilisé pour en tenant compte des paramètres hydrodynamiques (courants,
l’échantillonnage ; dynamique de mélange), il peut s’avérer que plusieurs sites
— les méthodes de contrôle de contamination. d’échantillonnage supplémentaires seront nécessaires pour obtenir
l’information désirée sur la distribution générale et la quantité de
polluants émis, et que les points L ne seront pas considérés comme
représentatifs (figure 1d). Des formules ont été élaborées pour
3.1 Localisation et fréquence calculer les distances en aval d’un effluent lorsque une homogénéité
de l’échantillonnage est requise, mais elles doivent être considérées avec prudence car
les conditions locales (bathymétrie, courants, différences de densité
entre les effluents et les eaux qui les reçoivent…) peuvent interférer
de manière substantielle dans le processus de mélange. Comme
■ La localisation géographique de points d’échantillonnage devra
indiqué précédemment, une étude préliminaire utilisant un paramè-
être déterminée dans ses grandes lignes durant la phase initiale de
tre caractéristique (pH, température, oxygène, etc.) peut être utile
planification, et sera adaptée aux objectifs du programme de sur-
pour établir la localisation des points d’échantillonnage et leur vali-
veillance. Il convient de réaliser que si un échantillonnage n’est pas
dation.
correctement positionné (y compris en terme de profondeur), le
résultat analytique final sera biaisé, ce qui est en contradiction avec
le principe de représentativité. La validation du choix des sites d’échantillonnage (localisa-
La figure 1a illustre la section transversale d’une rivière ou d’un tion géographique et profondeur) est donc un aspect important
lac. Les possibilités logistiques vont souvent déterminer le position- de l’élaboration de la stratégie d’échantillonnage. De plus, la
nement de l’échantillonnage, par exemple aux points A ou C, consi- documentation et la formation du personnel devraient permet-
dérant que pour le point B un bateau (ou un pont) sera nécessaire. tre de s’assurer que les mêmes sites seront systématiquement
Toutefois, ni A ni C ne seront représentatifs de la situation réelle car, échantillonnés durant la totalité du programme (pluriannuel) de
dans ce cas, un effluent est présent près du point A, et la profondeur surveillance.
limitée de l’eau empêche un mélange adéquat au point C. Nous pou-
vons supposer que le point B est le plus représentatif, mais l’est-il
vraiment ? Dans la figure 1b, une inhomogénéité verticale est ■ La fréquence d’échantillonnage peut varier en fonction du type de
remarquée, par exemple en ce qui concerne la distribution des mesures, continues ou semi-continues, d’une à quatre fois par an. Il
matières en suspension. Il est clair que, dans la première option, le est clair que pour étudier un environnement aquatique avec des
point B1 n’est vraisemblablement pas le choix le plus représentatif. variations rapides une fréquence trop faible d’échantillonnage ne
Il peut être estimé que le point B2 est plus représentatif, mais pour sera pas représentative. Dans certains cas, il est même recommandé
une meilleure estimation, trois profondeurs d’échantillonnage (B1, d’échantillonner plusieurs échantillons (réplicats) afin d’évaluer la
B2, B3) seraient recommandées, dont les échantillons pourraient variabilité des échantillons prélevés.
être combinés en un seul échantillon composite après l’échantillon-
nage. Un examen réalisé avant l’échantillonnage et utilisant une Le nombre des échantillons prélevés et analysés est en général
technique in situ (conductivité, turbidité, etc.) pourra permettre fonction du personnel disponible, et donc de contraintes financiè-
d’estimer l’ampleur de l’inhomogénéité verticale. La stratégie res. Pour des analyses en lignes simples, par exemple de tempéra-
d’échantillonnage devra alors se baser sur l’interprétation de ces ture, pH, etc., l’enregistrement continu sera faisable, mais pour des
résultats préliminaires. Des précautions particulières devront être analyses plus élaborées (et plus coûteuses), par exemple de métaux
prises pour éviter d’échantillonner soit la microcouche de surface, traces, un tel enregistrement ne sera pas possible. Une combinaison
soit les eaux proches du fond qui peuvent contenir de fortes teneurs avec une ou plusieurs techniques émergentes, telles que des mesu-
en sédiments remis en suspension. res en ligne et des capteurs (sensors), des méthodes de screening et

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. P 3 852 − 5
STRATÉGIES D’ÉCHANTILLONNAGE POUR LES ANALYSES D’EAU ________________________________________________________________________________

d’échantillonnage basé sur des systèmes biologiques d’alerte pré- de combiner les mesures (semi)continues de matière en suspen-
coce, permettra d’optimiser la fréquence des analyses de sur- sion, par exemple avec des échantillonnages périodiques de pol-
veillance. luants afin d’essayer d’interpoler les données.

L’échantillonnage peut être restreint à des périodes « typiques »


de l’année, mais la nature est souvent imprévisible et il est donc par- 3.2 Méthodes d’échantillonnage
fois délicat de fixer de telles périodes. À titre d’exemple, la figure 2
montre les résultats d’une période de surveillance de deux ans dans Nous pouvons distinguer diverses approches pour le prélèvement
le Rhin au site de Lobith, en particulier les résultats de l’étude du d’échantillons représentatifs :
rejet, de la quantité de matière en suspension et de la concentration
totale en zinc. Le rejet est mesuré de manière semi-continue, alors • Les échantillons sélectifs (spot samples) sont en général prélevés
que les autres paramètres sont déterminés grâce à des mesures à l’aide de n’importe quel appareil d’échantillonnage apte à prélever
hebdomadaires. Il est intéressant de noter que la mesure du rejet un échantillon à un site et un échéancier donnés ; de ce fait, ils ne sont
montre de larges variations durant de courtes périodes. La quantité en principe représentatifs que pour le lieu et la date concernés. Lors-
de matière en suspension suit ces variations (en raison d’une remise que la masse d’eau n’est pas trop hétérogène (dans l’espace et le
en suspension accrue lors de flux plus élevés) jusqu’à un certain temps), ces échantillons peuvent fournir des informations utiles.
point. Il en est de même pour la concentration totale en zinc qui est • Les échantillons intégrés permettent d’obtenir une meilleure
liée aux variations de la matière en suspension. Pour des raisons évaluation de la masse d’eau échantillonnée. L’échantillonnage
logistiques (et statistiques), l’échantillonnage est souvent réalisé à couvre une branche (de rivière) ou une surface donnée et/ou une
des intervalles réguliers. Lorsqu’il n’est pas mis en œuvre de période de temps définie. En général, plusieurs échantillons locali-
manière hebdomadaire, mais par exemple à échéance bimensuelle sés sont prélevés et combinés, mais le prélèvement continu à l’aide
(cf. figure 2), il est possible de constater que dans la plupart des cas, d’un système de pompage est également possible. L’échantillon-
les « pics » ne sont pas détectés, ce qui résulte généralement en une nage peut être initié à des intervalles de temps prédéfinis (fonction
sous-estimation du rejet calculé, quelle que soit la méthode de cal- du temps) ou en fonction des quantités rejetées (fonction du
cul appliquée [20]. Pour de tels types d’études, il faut donc envisager volume).

Figure 2 – Représentativité et fréquence


de l’échantillonnage

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


P 3 852 − 6 est strictement interdite. – © Editions T.I.
________________________________________________________________________________ STRATÉGIES D’ÉCHANTILLONNAGE POUR LES ANALYSES D’EAU

• L’échantillonnage et l’analyse continus. Certains capteurs peu- considérant les différents matériaux de base des échantillonneurs et
vent fournir un signal analytique continu pour des paramètres tels les méthodes de nettoyage – mais également à leurs tailles. En effet,
que la température, la conductivité, la turbidité. Ces signaux, obte- les rapports entre volume et surface peuvent clairement interférer
nus lors d’un enregistrement continu, peuvent être utiles pour sur les résultats analytiques finaux.
décrire le comportement d’une masse d’eau, et aider à interpréter
• Le nettoyage des échantillonneurs par trempage dans de l’acide
les résultats d’analyses d’échantillonnages localisés. De nouvelles
est considéré comme important, mais cette opération n’est pas
générations de (bio)capteurs sont désormais disponibles.
toujours facile en raison de la forme parfois compliquée des appa-
Par ailleurs, trois méthodes sont communément utilisées pour reils. Le volume d’échantillon typique pour des analyses de traces
échantillonner la colonne d’eau : est de l’ordre d’un litre. Pour les analyses de métaux traces, des
— utiliser un échantillonneur ; informations sont disponibles sur des méthodes de nettoyage
— utiliser un système de pompage ; éprouvées. En utilisant une approche de nettoyage en quatre étapes
— faire un prélèvement directement dans une bouteille destinée (tableau 2), il a été démontré que des échantillons libres non pertur-
à conserver l’échantillon. bés (absence de contamination ou de perte par adsorption) et sta-
Les échantillonneurs sont les plus souvent utilisés car ils peuvent bles pouvaient être obtenus et utilisés pour la production de
prélever de l’eau à n’importe quelle profondeur, alors que les deux matériaux de référence certifiés [13].
autres méthodes sont en général limitées aux eaux de surface
(jusqu’à à peu près 20 m).
En ce qui concerne les eaux de surface, les systèmes de pompage
offrent la possibilité de prélèvement dans un système clos, évitant 4. Prétraitement
donc tout contact avec l’atmosphère. Une pompe péristaltique a une
capacité de succion suffisante pour faire remonter de l’eau depuis des échantillons
une profondeur de 1 à 2 m, et permet de surcroît d’établir une pres-
sion suffisante pour permettre une filtration en ligne de l’eau préle-
vée à travers une cartouche de filtre de porosité 0,45 µm. Cela En l’absence de traitement, les échantillons destinés à l’analyse
procure l’avantage supplémentaire que l’échantillonnage et la filtra- de métaux traces vont subir des modifications. L’adsorption (sur des
tion de larges volumes d’eau sont relativement aisés. Une telle particules ou les parois du conteneur) et des processus
approche a été utilisée pour le prélèvement d’eau de mer destinée à microbiologiques vont influencer la distribution des constituants de
la production de matériaux de référence certifiés [13]. Un appa- l’échantillon, ce qui peut interférer avec la procédure analytique.
reillage spécial agit par pompage in situ puis piégeage de composés La teneur totale en éléments traces est la somme des fractions
sur des colonnes chromatographiques. Toutefois, malgré l’option de dissoutes et particulaires.
filtration, ces systèmes ne semblent pas fonctionner de manière effi-
cace dans le cas d’eaux turbides. Dans le cas d’échantillons contenant de faibles quantités de
matières en suspension, la fraction particulaire est souvent négli-
Par exemple, pour certains composés hydrophobes comme les
gée, et les échantillons totaux (sans filtration) sont alors analysés.
composés organostanniques (ex. tributylétain ou TBT d’après son
abréviation du terme anglais tributyltin), il est essentiel de prélever En revanche, lorsque des informations concernant les fractions
l’échantillon directement dans la bouteille destinée à sa dissoutes et/ou particulaires sont requises, l’analyse de teneur totale
conservation et à son transport au laboratoire car des phénomènes devient problématique pour des échantillons d’eau contenant de
d’adsorption sur les parois de l’échantillonneur ou d’un système de fortes quantités de matières en suspension. Étant donné que de
pompage affecterait le résultat final. nombreux composés adhèrent fortement aux particules, une ana-
lyse totale serait difficile à évaluer (figure 2) ; ces problèmes d’éva-
luation seront d’autant plus accentués si des variations temporelles
3.3 Facteurs influençant la qualité en matières en suspension (par exemple lors de crues) sont surve-
nues.
de l’échantillonnage
Même s’il était possible d’évaluer correctement la quantité de
• Les matériaux typiques pour l’échantillonnage (échantillon- matière en suspension avant l’échantillonnage, il n’existe pas de
neurs, bouteilles de prélèvement) et la conservation des échan- limite claire pour définir à quelle quantité une technique de sépara-
tillons qui sont utilisés pour les analyses en traces comprennent le tion des fractions dissoutes/particulaires devrait être appliquée. À
polyéthylène, le polypropylène et, plus coûteux, le tétrafluoroéthy- l’heure actuelle, il semble que chaque laboratoire définisse lui-
lène ou Téflon. Des échantillonneurs spéciaux ne contenant pas de même si une séparation est nécessaire ou non, en fonction de critè-
parties métalliques ont été développés, et des comparaisons ont été res propres qui sont la plupart du temps indépendants de la quantité
réalisées. en matière en suspension.
• Malgré cela, des différences de résultats ont été observées lors Deux méthodes principales sont disponibles pour séparer la frac-
d’analyses de routine, attribuées non seulement aux différents types tion particulaire d’échantillons d’eau : la filtration et la centrifuga-
d’échantillonneurs – comme on aurait pu le supposer en tion.
(0)

Tableau 2 – Méthode de nettoyage des bouteilles (polyéthylène) utilisées par le BCR* pour la certification
de matériaux d’eau de mer (métaux traces).
(Dans les étapes 2-4, les bouteilles sont remplies jusqu’au goulot)
Étape 1 Lavage avec de l’eau déminéralisée pour éliminer les poussières et particules plastiques
Étape 2 Trempage dans de l’acide nitrique (grade analytique, 2:3), ⭓ 1 semaine
Étape 3 Trempage dans de l’acide nitrique (grade suprapur, 1:12), ⭓ 1 semaine
Étape 4 Stockage dans un mélange d’eau Milli-Q/acide nitrique (pH 1,6) jusqu’à utilisation
*
BCR : Bureau Communautaire de Référence (Commission Européenne)

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. P 3 852 − 7
STRATÉGIES D’ÉCHANTILLONNAGE POUR LES ANALYSES D’EAU ________________________________________________________________________________

4.1 Filtration
(0)

Tableau 3 – Aspects d’assurance qualité


dans les procédures de filtration/centrifugation
La plupart des techniques de séparation repose sur la filtration. En
particulier l’utilisation de filtres de porosité 0,45 ␮ m a généré une Filtration Centrifugation
définition expérimentale de la « fraction dissoute » (fraction infé- • Composition des filtres • Matériel composant l’appareil
rieure à 0,45 µm). Divers aspects pouvant influencer le résultat des
analyses totales (en éléments traces) sont présentés dans le • Porosité • Dimensions, volume
tableau 3. Considérant que des particules plus fines existent (par • Taille des filtres • Flux, temps de résidence
exemple les colloïdes), cette distinction empirique ne reflète pas la
réalité et des filtres de porosité plus faible sont parfois utilisés, allant • Teneur initiale • Tours par minute (mieux : x g)
jusqu’à des porosités de 0,005 µm (ultrafiltration). Quel que soit le • Méthode de nettoyage
filtre utilisé, la porosité effective va diminuer durant le procédé de
filtration en raison d’une saturation du filtre, et elle sera donc fonc- • Quantité filtrée
tion de la quantité et de la distribution granulométrique de la • Quantité éliminée
matière en suspension.
• Saturation du filtre
Des informations existent sur les différences observées lors de
l’application de procédures de filtration différentes. Un essai d’inter- • Type d’unité de filtration
calibration a été réalisé pour évaluer l’échantillonnage de matière en • Matériaux & nettoyage
suspension dans des eaux côtières en vue de leur analyse en
métaux traces, et différents types de filtres ont été comparés. Cette • Pression ou opération de mise
sous vide
étude a démontré une influence claire de la méthode de filtration, en
fonction du type de filtre utilisé, de sa taille et de sa porosité, de la
quantité de matière en suspension présente et de la quantité
d’échantillon écarté avant l’échantillonnage [3].
L’addition de produits chimiques est souvent nécessaire et doit se
Les filtres membranes (acétate ou nitrate de cellulose) ou les fil- faire de telle sorte que l’échantillon ne subisse pas d’altérations
tres du type Nuclepore (polycarbonate) de 0,45 µm et 0,40 µm res- durant sa conservation. Pour les analyses de métaux traces, de
pectivement sont communément utilisés pour les analyses de l’acide est en général ajouté aux échantillons filtrés (1 ou 2 mol/L de
métaux traces. Pour des concentrations ultratraces (inférieures au
HNO3). Les produits chimiques ajoutés doivent être de la plus haute
µg/L), les filtres doivent être impérativement nettoyés par un traite-
ment à base d’acide. pureté pour minimiser un risque de contamination éventuel. Cette
procédure a été suivie pour la production de matériaux de référence
certifiés d’eaux de mer et d’estuaire (voir travaux de l’auteur cités
dans [13]), et les échantillons peuvent donc être conservés pour de
4.2 Centrifugation plus longues périodes à température ambiante. Il convient de réali-
ser, toutefois, que l’ajout d’acides à des échantillons non filtrés
affecte de manière importante la distribution des fractions dissoute
La seconde option pour séparer les fractions dissoute et parti- et particulaire des métaux traces, et que seule une analyse totale
culaire est la centrifugation, soit en mode séparé (centrifugeuse en (dissoute + particulaire) sera alors possible.
laboratoire), soit par des systèmes en ligne. Cette méthode est par-
fois privilégiée en raison de la relative facilité pour l’échantillonnage Lorsqu’un traitement (filtration et préservation) sur le terrain est
de grandes quantités de matières en suspension, qui permet au difficile ou impossible en pratique, ces procédures peuvent être
laboratoire des analyses d’échantillons moins sujets à des risques retardées jusqu’à ce que l’échantillon soit réceptionné par le labora-
de contamination. Le mécanisme de séparation est toutefois diffé- toire. Des conditions appropriées devront alors être appliquées
rent dans son principe du procédé de filtration, et des différences de (réfrigération ou congélation, conservation dans le noir pour proté-
résultats sont à attendre. Considérant que la densité et la taille des
ger des rayons UV) et les méthodes devront être validées, considé-
particules conditionnent en grande partie le taux de sédimentation,
rant que des altérations de l’échantillon peuvent survenir.
les particules les plus légères et de petite taille peuvent ne pas être
échantillonnées. La fraction la plus fine qui contient les plus fortes
Dans le cas où des échantillons riches en matière organique ne
teneurs en polluants et les cellules de plancton qui peuvent avoir
accumulé des polluants peuvent donc être incluses dans la fraction sont pas analysés immédiatement, des processus de floculation/
dissoute et donc biaiser le résultat analytique final. précipitation de matière en suspension nouvellement formée peu-
vent survenir, même après une phase initiale de filtration à 0,45 µm.
Remarque : il est à noter qu’une comparaison entre des méthodes Cette matière en suspension provoque une hétérogénéité de
de filtration et de centrifugation a mis en évidence une sous-estima- l’échantillon, mais elle semble ne pas affecter l’analyse de métaux
tion des teneurs en matière en suspension quand elles étaient traces de manière significative [8].
mesurées par centrifugation [8].

Il doit être bien compris que la période de conservation ne


peut être prolongée au-delà d’une période de temps maximale,
5. Préservation, transport malgré l’application de méthodes de préservation. Des maté-
riaux de référence certifiés d’eau de mer (filtrée et acidifiée)
et conservation pour l’analyse de métaux traces ont pu être stabilisés durant des
années. Les conditions de conservation doivent être mises en
œuvre dès le prélèvement et la préservation de l’échantillon. Les
Avec ou sans filtration, l’échantillon doit être de préférence ana- conditions appropriées de conservation de l’échantillon durant
lysé aussi tôt que possible après le prélèvement. Ceci n’est pas tou- le transport jusqu’au laboratoire sont souvent négligées. Les
jours possible, et la méthode de conservation devra être mise en aspects de conservation des échantillons d’eau sont discutés en
œuvre selon des procédures et conditions validées. détails dans la littérature [1].

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


P 3 852 − 8 est strictement interdite. – © Editions T.I.
________________________________________________________________________________ STRATÉGIES D’ÉCHANTILLONNAGE POUR LES ANALYSES D’EAU

(0)

Tableau 4 – Métaux traces dans l’eau de mer (concentrations en ␮ g/L),


d’après [19] pour la période 1965-1983 et [11]

1965 1975 1983 2004


Plomb 0,03 0,03 0,02 0,007
Mercure 0,03 0,03 0,001 0,00015-0,0003
Nickel 2,0 1,7 0,46 0,20
Cuivre 3,0 0,5 0,25 0,075
Zinc 10,0 4,9 0,39 0,010-0,075

6. Contrôle de contamination clairement surestimées car entachées d’erreurs liées à des contami-
nations durant l’échantillonnage). Cet effet est également démontré
par une plus faible dispersion des résultats (les valeurs minimales et
maximales mesurées durant l’année étant plus rapprochées).
Le contrôle des risques de contamination est indispensable
durant toutes les étapes du procédé analytique, les risques étant Des systèmes fermés pour la manipulation des échantillons sont
plus élevés à mesure que les concentrations diminuent. Dans préférables pour éliminer tout contact avec l’atmosphère polluée,
l’espace confiné du laboratoire (propre), ce contrôle est relative- chargée de poussières. Les équipements utilisés pour l’échantillon-
ment facile à réaliser, mais les précautions nécessaires pour éviter nage doivent être nettoyés de manière appropriée et stockés dans
les contaminations tendent à être négligées, voire oubliées, durant des conditions permettant d’éviter des contaminations et des
les étapes de prélèvement et de traitement des échantillons sur le contacts avec la poussière (utilisation de protection plastique her-
terrain. métique).
Les concentrations en métaux traces dans l’environnement marin Il est de l’opinion de l’auteur que le nettoyage des équipements et
tendent à être plus basses que dans la plupart des systèmes aquati- des bouteilles utilisées pour les opérations de terrain (échantillon-
ques d’eau douce, et il a fallu plusieurs années aux chimistes marins nage, prétraitement) devrait être conduit sous la responsabilité d’un
pour développer des mesures efficaces visant à minimiser au maxi- personnel analytique expérimenté, conscient de la nécessité de
mum les risques de contamination. L’auteur est convaincu qu’au combattre la contamination et d’assurer la qualité des données. En
moins une partie de la baisse de concentration en métaux traces fait, le personnel analytique devrait fournir des instructions et une
observée, par exemple, pour les eaux de rivière après 1985, est liée formation appropriées à tous les techniciens impliqués dans les
à l’introduction de procédures d’assurance et de contrôle de la qua- opérations d’échantillonnage et de prétraitement des échantillons.
lité des étapes analytiques, résultant en une meilleure qualité des
données. Ce fait est également illustré dans le tableau 4 présentant
des résultats de programmes de surveillance marine d’éléments tra- Remerciements :
ces pour lesquels la baisse observée a été attribuée à une améliora- L’auteur remercie Philippe Quevauviller pour la révision du
tion de la qualité des analyses (les analyses antérieures à 1983 étant manuscrit et la traduction du texte en français.

Références bibliographiques
[1] BENOLIEL (M.J.). – Int. J. Environ. Anal. [9] LEROY (M.), BOOS (A.), MAIER (E.A.) et existing screening methods. In: EC SWIFT-
Chem. 57 : p. 197-206 (1994). GRIEPING (B.). – Qualité et assurance qua- WFD Project, Deliverable D5 (www.swift-
lité en chimie analytique, Tech. Ingénieur,
[2] CORTEZ (L.). – Utilisation des MRL en wfd.com) (2005).
[P 280] (1997).
Contrôle Qualité : « Les Cartes de
Contrôle » et «Tests interlaboratoires ». [10] O’CONNOR (T.P.), CANTILLO (A.Y.) et [17] STROOMBERG (G.J.), FRERIKS (I.L.), SME-
K.J.M. Kramer (Éd.). Mermayde Publ., LAUENSTEIN (G.G.). – In: Biomonitoring DES (F.) et COFINO (W.P.). – In: Quality
Bergen, Pays Bas (CD-ROM) (2002). of coastal waters and estuaries, K.J.M. Kra-
mer (éd). CRC Press, Boca Raton, p. 29-50 assurance in environmental monitoring.
[3] HOROWITZ (A.J.), ELRICK (K.A.) et (1994). Sampling and sample pretreatment; Ph.
COLBERG (M.R.). – Wat. Res. 26 : p. 753- [11] POHL (C.) et HENNING (U.). – Helcom Quevauviller (éd). VCH Publ., Weinheim,
763 (1992). factsheet (www.helcom.fi/environment2/ p. 51-90 (1995).
[4] HOUSE (W.A.). – Int. J. Environ. Anal. ifs2004/) (2004).
Chem. 57 : p. 207-214 (1994). [12] QUEVAUVILLER, (Ph.). – Métrologie en chi- [18] STOEPPLER (M.) (éd). – Sampling and sam-
mie de l’environnement, Tec&Doc éditeur, ple preparation. Practical guide for analyti-
[5] ISO/IEC 17025 : 2005 (E). – General require-
ments for the competence of testing and Paris (2001). cal chemists. Springer, Berlin, p. 200
calibration laboratories. International [13] QUEVAUVILLER (Ph.). – Matériaux de réfé- (1997).
Organisation for Standardisation, Geneva, rence pour l’environnement, Tec&Doc édi-
Switzerland (2005). teur, Paris (2003). [19] TOPPING. – Sci. Total Environment, 49,
[14] QUEVAUVILLER (Ph.) et MAIER (E.A.). – p. 9-25 (1986).
[6] KRAMER (K.J.M.). – Marine Pollution Bulle-
tin, 29 : p. 222-227 (1994). Matériaux de référence non nucléaires,
Tech. Ingénieurs, [P 240] (2001). [20] WALLING (D.E.) et WEBB (B.W.). – Mar. Pol-
[7] KRAMER (K.J.M.). – Analyst, 123 : p. 991- [15] RIWA. – De samenstelling van het Rijnwa- lut. Bull. 16 : p. 488-492 (1985).
995 (1998). ter in 1984 en 1985. RIWA, Amsterdam,
p. 150 (in Dutch) (1986). [21] WILSON (N.). – Soil water and ground
[8] KRAMER (K.J.M.), VINHAS (T.) et
QUEVAUVILLER (Ph.). – Mar. Chem. 46 : [16] ROIG (B.), ALLAN (I.J.) et GREENWOOD (R.) water sampling. Lewis Publ., Boca Raton,
p. 77-87 (1994). (Eds.). – Operational Manual – Overview of p. 208 (1995).

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. P 3 852 − 9

Vous aimerez peut-être aussi