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Sylvain Bersinger

L’entre
Pour mieux la connaître
L’entreprise
Sylvain Bersinger

L’entreprise
Pour mieux la connaître
© L’Harmattan, 2017
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.harmattan.fr
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-343-11792-8
EAN : 9782343117928
Sommaire

Introduction 9

I) Commençons par le commencement :


les définitions 13

II) La comptabilité 27

III) Stratégie d’entreprise 63

IV) Les indicateurs de gestion 77

V) La culture d’entreprise 101

VI) Le financement des entreprises 109

VII) Management et prise de décision 133

VIII) Promotion, commercialisation et distribution 139

IX) L’innovation et la qualité 157

X) La gouvernance d’entreprise 165

XI) L’entrepreneuriat 175

7
XII) Fusions, acquisitions et évaluation
d’entreprise 193

Conclusion 209

Table des matières 211

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Introduction
C’est une question légitime : pourquoi écrire (ou
lire) un livre parlant des entreprises ? A première vue, il
semblerait qu’il existe bien d’autres façons plus ludiques
ou intéressantes de passer le temps.
Seulement voilà, je ne suis pas d’accord avec cette
dernière phrase. L’entreprise est un monde passionnant,
trop souvent méconnu. Tout le monde a affaire avec les
entreprises de façon quotidienne ou presque, que ce soit
pour travailler ou consommer. Lorsqu’un acteur de
l’économie et de la société a une telle importance, il
semble légitime de se pencher sur son cas. D’autant plus
que de nombreuses questions qui font la une des journaux
ou des campagnes électorales sont rattachées à
l’entreprise, à l’exemple des salaires mirobolants des
grands patrons, des délocalisations, des prises de bec sur le
droit du travail, de la publicité, des prix qui augmentent
forcément plus vite qu’on le souhaiterait, et bien d’autres
choses encore.

Un tel livre est principalement destiné aux


étudiants des premières années de filières économiques et
commerciales qui pourront, je l’espère, trouver des
explications claires et accessibles en vue de leurs
examens. L’entreprise au sens large est un sujet très vaste,
on pourrait écrire à son sujet des livres gros comme le
bottin de Paris. Ce livre est donc un condensé, tout ne s’y
trouve pas. J’ai surtout fait en fonction de mes goûts et de
ce qui me semblait important.
Mais les étudiants ne sont pas les seuls concernés.
Le quadragénaire voulant se reconvertir et monter sa boîte

9
mais n’ayant aucune connaissance du domaine pourrait y
trouver quelques pistes pour se mettre le pied à l’étrier.
Plus tous les curieux, bien entendu. Tous ceux qui
aiment se promener le nez au vent et s’émerveiller sur l’air
de « tiens, j’avais pas vu les choses sous cet angle ! ». Une
proportion réduite de la population qui ne suffit pas à faire
des best-sellers, nous sommes bien d’accord, quoique…
On a bien l’exemple de cette jeune allemande, Giulia
Enders, dont le livre n’explique rien de plus que le
fonctionnement de l’intestin avec un luxe de détails à vous
flanquer la nausée mais qui n’en est pas moins devenu un
immense succès mondial. D’accord, elle est furieusement
mignonne et sa photo sur la quatrième de couverture
rajoute du piment à l’affaire, mais on ne peut pas résumer
tout son succès à ça.
Car après tout, il y a bien des gens qui occupent
leurs loisirs à courir en rond jusqu’à en perdre haleine, qui
se saoulent comme des cochons en se tortillant au son
d’une musique assourdissante, qui vont tuer des animaux
dans la forêt ou attraper dans les rivières des poissons qui
seraient bien plus beaux à sauter dans les vagues plutôt
qu’à l’état de cadavre dans une bourriche ; alors pourquoi
pas lire un bouquin parlant des entreprises ? De ce qu’elles
sont, de ce qu’elles font, de comment elles s’organisent, se
financent, grandissent, meurent parfois aussi… en un mot
de la façon dont elles créent de la richesse. Car ne
l’oublions pas, les entreprises sont au cœur du mécanisme
de croissance économique ; si l’on veut que le pays gagne
en prospérité, il faudra bien se soucier des entreprises.

Pour que vous sachiez où vous mettez les pieds, je


ne suis apparenté ni au Medef ni au parti communiste. Ce
livre n’a pas de vocation politique. Ni « salauds de
patrons ! » ni « salauds de syndicalistes en grève ! ». On
10
est là pour présenter des faits, des processus et des
mécanismes, pas pour émettre des jugements ; en tout cas
le moins possible.
Et le tout de la façon la moins pompeuse que j’ai
pu imaginer. La grande littérature m’emmerde, autant le
dire tout de suite, ça évitera les malentendus. Si vous
aimez les belles phrases truffées de conjugaisons
préhistoriques, allez vous faire la Pleiade, ça vaudra
mieux. J’écris comme il me plait et comme les phrases me
viennent, privilège de l’auteur.
Pour continuer dans les précisions, la plus grande
partie du livre sera de la prose. Mais il y aura un peu de
maths - ho ! - un tout petit peu. Niveau lycée tout au plus.
Je m’en excuse d’avance pour ceux qui n’aiment pas ça,
mais on n’a pas trop le choix si on veut intégrer quelques
exemples chiffrés.

Disons-le, je me suis amusé à écrire ce livre, et


j’espère que vous vous amuserez tout autant à le lire.
Raconter le fonctionnement des entreprises, parler de
comptabilité et bavarder sur la finance d’entreprise sont
peut-être autant de distractions loufoques, mais si vous
avez lu jusqu’ici c’est que vous partagez surement
l’originalité de mes goûts.

Alors bonne lecture !

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I) Commençons par le
commencement : les définitions
1) Définitions, hé oui
Comme au bon vieux temps des culotes courtes, on
commence par définir de quoi on cause, il ne faut pas
mettre la charrue avant les bœufs. Et on se rend compte
que définir les termes du sujet n’est pas forcément une
mince affaire. Notre sujet étant l’entreprise, nous
pourrions débattre longuement de la meilleure définition
possible. En voilà une assez englobante et standard :
l’entreprise est une unité économique de production de
biens ou services à but commercial.

De façon un peu surprenante, l’économie ne


s’intéresse pas tant que ça aux entreprises. On les
considère généralement comme des boîtes noires qui
produisent, paient des impôts, embauchent ou licencient,
investissent plus ou moins… mais sans vraiment se
demander ni pourquoi elles sont là ni comment elles
fonctionnent.

Sur le sujet, les idées de Ronald Coase,


développées en 1937, ont encore le vent en poupe
aujourd’hui. Les entreprises se développent car elles sont
un mode d’organisation alternatif au marché. Sur un
marché, les différents acteurs sont en concurrence et
échangent à des prix déterminés par la loi de l’offre et de
la demande. A l’intérieur d’une même entreprise, il n’en
va pas de même. Si une entreprise fait faire son ménage
par un sous-traitant, c’est une relation de marché. Si cette

13
activité est effectuée en interne, c’est une relation
hiérarchique au sein de l’entreprise.
Une transaction sur un marché a un coût, appelé
coût de transaction. Selon les libéraux purs et durs,
partisans de l’hypothèse de l’hypothèse de concurrence
pure et parfaite, ces coûts sont nuls ou insignifiant. Pour
Coase, il n’en est pas ainsi. Chercher un client ou un
fournisseur, négocier, vérifier que le contrat a bien été
respecté… tout ceci a un coût. A l’intérieur d’une même
entreprise, il n’y a pas de coût de transaction entre les
différents services puisqu’il n’y a pas d’échange
monétaire, mais il y a des coûts d’administration, c’est-à-
dire des coûts pour s’organiser. Pour Coase, les entreprises
apparaissent lorsque les coûts de transaction sont
supérieurs aux coûts d’administration. Dans le cas
contraire, il est préférable de traiter via le marché avec une
autre entreprise.
Selon Coase, l’entreprise serait donc un nœud de
contrats entre toutes ses parties prenantes, fournisseurs et
clients, salariés, banquiers, assureurs… Le tout serait de
signer les contrats les plus judicieux dans lesquels aucune
partie ne serait lésée et de les faire respecter ensuite.

Pour les libéraux, qui s’étranglent à l’idée qu’une


organisation économique puisse être supérieure au
marché, une entreprise n’est rien d’autre qu’un marché
d’une forme particulière. Par exemple pour Jensen et
Meckling, farouches défenseurs de l’idée selon laquelle
aucune organisation économique peut être plus efficace
que celle dans laquelle les différents agents sont en
concurrence les uns avec les autres, une entreprise n’est
qu’un marché privé. Car les différents employés d’une
entreprise perçoivent un salaire, dont le montant se
négocie en fonction de l’offre et de la demande.
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L’organisation interne des entreprises serait donc basée
sur le fonctionnement du marché, en l’occurrence du
marché du travail.

On s’en serait douté, tout le monde n’est pas


d’accord avec l’approche de Coase. Une autre vision
présente l’entreprise comme un système de compétence.
Une entreprise est la réunion de travailleurs et de matériel
qui vont développer des compétences spécifiques
difficilement duplicables puisque qu’elles résultent d’une
coopération particulière entre des salariés. Sur la base de
ces compétences développées en interne certaines
entreprises vont prospérer plus que d’autres et il leur sera
plus avantageux de produire certains biens ou services en
interne plutôt que de les acheter sur un marché.

D’autres approches ont été développées, nous ne


les détaillerons pas toutes. Citons cependant celle de Rajan
et Zingales (les noms ne vous disent peut-être rien mais
Raghuram Rajan est très connu dans le milieu pour avoir
été économiste en chef du Fonds Monétaire International
et pour avoir présidé la banque centrale de l’Inde). Selon
eux, l’approche de Coase basée sur une série de contrats
explicites est trop réductrice. Les entreprises se
caractérisent par une multitude de contrats implicites, de
relations de pouvoir et d’interactions humaines qui ne sont
pas comparables à un contrat écrit noir sur blanc.

Réglons son compte vite fait à un terme que l’on


utilise souvent, celui de firme. On entend parfois parler de
firme, et parfois d’entreprise, comment faire la
différence ? Dans ce livre, nous les considérerons comme
synonymes et on parlera d’entreprise car le terme est plus
familier, plus commun, moins académique en somme.
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Si l’on voulait chipoter et se donner des grands
airs, sûr qu’on pourrait dénicher dans les écrits de
quelques universitaires des subtilités propres à la firme ou
à l’entreprise, mais on n’est franchement pas là pour ça !

2) Profit is the rule of the game


Retenez bien le dernier mot qu’on a utilisé tout à
l’heure pour définir l’entreprise : à but commercial.
L’entreprise doit gagner du pognon, sinon elle meurt. Ce
point fait hurler les âmes sensibles qui y voient la marque
d’une avidité farouche propre à écraser les plus faibles,
détruire le lien social et l’environnement par la même
occasion ; des critiques qui ne sont d’ailleurs pas
totalement infondées.
Car, soyons clairs, nous parlerons tout au long du
livre d’entreprises commerciales. Les administrations
publiques et les associations, très utiles et intéressantes au
demeurant, n’entreront pas dans notre champ d’étude. Il y
a une anecdote intéressante au sujet de l’impératif de
rentabilité des entreprises : je vous la raconte, ce n’est pas
souvent qu’on aura l’occasion de raconter des histoires.

John Kenneth Galbraith était professeur à Harvard.


Vous n’avez surement jamais entendu ce nom, Galbraith
était un économiste américain de la deuxième moitié du
XXème siècle, très influent mais qui n’a jamais obtenu le
prestigieux « prix Nobel » à cause de ses idées clairement
à gauche, disent les détracteurs du comité Nobel. Toujours
est-il qu’il donnait des séries de conférences à Cambridge.
Il allait donc, pour chacune de ses conférences, de
Cambridge à Cambridge. Je m’explique, car toute la
saveur de l’histoire est basée sur la géographie. Il y a deux
Cambridge. La ville universitaire anglaise que tout le
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monde connait, avec Newton, Keynes et tous les grands
noms de la science britannique, et Cambridge aux Etats-
Unis, petite ville de la banlieue de Boston,
Massachussetts, connue pour accueillir l’université
Harvard et le célèbre Massachussetts Institute of
Technology (MIT). En économie, on a même eu droit à la
« controverse des deux Cambridge », mais ceci est une
autre histoire.
Galbraith, donc, part de Cambridge (Etats-Unis)
pour aller faire une conférence à Cambridge (Angleterre).
Il prend l’avion, traverse l’Atlantique, puis prend un train
de Londres à Cambridge. Arrivé dans un amphithéâtre
bondé, il enlève son manteau, s’installe et commence sa
conférence. Il ne dit qu’une phrase, d’une voix forte :
« profit is the rule of the game !» (le profit est la règle du
jeu !). Puis il range ses petites affaires, remet son manteau,
repart pour Londres puis pour Boston. Tout ce trajet pour
une seule phrase !
Quelques semaines plus tard, arrive la seconde
conférence. Galbraith refait tout le trajet jusqu’en
Angleterre. Il arrive dans l’amphi, s’installe et demande
« What is the rule of the game ? » (quelle est la règle du
jeu?). Tous les étudiants répondent en cœur “profit!”.
Alors Galbraith commence sa conférence.

Morale de l’histoire ? Il faut avoir en tête


l’importance du profit lorsqu’on étudie l’économie et
l’entreprise. Pourtant, on l’a dit, Galbraith était catalogué à
gauche toute. Admettre que la recherche du profit est au
centre de la vie des entreprises revient à constater un fait,
pas à prendre position politiquement. On pourrait discuter
longuement de la pertinence de l’organisation capitaliste
de l’économie, c’est-à-dire une économie où les acteurs
sont principalement guidés par l’appât du gain. Les
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questions que cela pose en termes éthiques, sociaux ou
économiques sont très intéressantes, mais ce n’est pas ce
qui nous intéressera ici. Chaque livre son sujet. On verra
d’ailleurs plus loin que l’enrichissement n’est pas toujours
la motivation première des entrepreneurs, nuançant ainsi
ce qu’on est en train de raconter.
Pour l’instant, retenez que nous ne sommes pas
dans le monde des bisounours et que le pognon joue un
rôle central dans l’économie et l’entreprise, qu’on le
déplore ou non.

3) Biens vs services
Pour décortiquer notre définition de l’entreprise qui
est, je vous le rappelle ça évitera de perdre le fil, « une
unité économique de production de biens ou services à but
commercial ». Précisons ce qu’on entend par bien et par
service. Pas que ça soit le point crucial, plutôt par
conscience professionnelle.
Un bien correspond à une production physique,
qu’on peut voir et toucher. Un ordinateur, une voiture, une
pomme. Les services présentent un caractère immatériel,
sans apparence physique. Le cours d’un professeur, la
consultation chez un médecin, une nuit à l’hôtel, un trajet
en avion. L’avion a certes une forme physique, Airbus
fabrique un bien, mais la compagnie aérienne vous vend
un service : être déplacé d’un point à un autre. Lorsque
vous arrivez à l’aéroport de destination, vous n’avez aucun
bien tangible dans les doigts, sauf si vous êtes grippe-sous
au point d’avoir empoché le sachet de sucre fourni avec le
plateau-repas.
Parfois, on fait la distinction entre secteur primaire
(agriculture et pêche), secondaire (industrie) et tertiaire
(services). Les deux premiers correspondent à des biens, le
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troisième étant les services. Cette distinction, bien
qu’encore utilisée, commence à être sérieusement passée
de mode. Car dans nos économies occidentales, les
services représentent plus des trois quarts de la production.
Le primaire compte pour maximum 3% de la production
totale, le secondaire pour guère plus de 20%, tout le reste
c’est du service.
Une entreprise peut bien entendu fabriquer des
biens ET des services. Exemple d’une entreprise qui
organiserait des visites de ses usines, car une visite est un
service, même si on essayera de vous vendre des biens
sous formes de gadgets hors de prix à la boutique-
souvenir.

4) Différents types d’entreprises


Notre 4) sera plus dodu que ne l’a été le 3),
heureusement d’ailleurs. Car on a dit que l’entreprise
produit, elle fabrique si vous préférez. Pour ce faire elle
utilise ce qu’on appelle du capital (machine, ordinateur,
logiciel ou ne serait-ce qu’un simple stylo) et du travail.
Mais on a dit que l’entreprise est une unité de production.
Ce terme « unité » est un peu vague, vous ne trouvez pas ?
Alors essayons de le préciser.
On a vu qu’on peut classer les entreprises en
fonction de leur production, bien ou services, j’y reviens
pas, on poursuit.

a) Classification selon la taille

La taille est une grille de classification souvent


utilisée. Il est fréquent qu’un politicien de l’opposition
couine sur les plateaux télé comme quoi la politique du

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gouvernement favorise les grands groupes au détriment
des PME. Très utilisé, cet acronyme de PME (petites et
moyennes entreprises), il est toujours vendeur de prétendre
que l’on se bat bec et ongles pour les PME. Mais affinons
la classification, même si la division en différentes
catégories a toujours un petit côté arbitraire :

Les micro-entreprises qui, comme leur nom


l’indique, sont les plus petites : moins de 81 500€ de
chiffre d’affaireS annuel. Je vous fais remarquer au
passage que j’ai écrit « chiffre d’affaireS ». La majuscule
est peut-être une monstruosité orthographique, mais elle
permet de se souvenir que chiffre d’affaires ou homme (ou
femme d’ailleurs) d’affaires prend un « s » car il y a
plusieurs affaires. Même si l’oubli de ce fameux « s » est
tellement fréquent que l’erreur n’est plus remarquée que
par quelques croisés de la langue française insouciants du
temps qui passe et des évolutions étreignant le monde,
avoir la délicatesse d’y penser dénotera un tact que les
puristes sauront apprécier à sa juste valeur. De toute façon,
il est probable que d’ici une dizaine d’années on dira
turnover comme les amerlocks et le problème sera réglé.
Mais je bavarde, je bavarde, et j’en oublie de vous dire
que le chiffre d’affaires représente le total des ventes de
l’entreprise !

Ensuite on trouve la très petite entreprise (TPE).


Elle a moins de 10 salariés et un chiffre d’affaires annuel
inférieur à 2 millions d’euros.

Nous voilà arrivés à nos fameuses PME (petites et


moyennes entreprises), fleuron du politicien en
campagne ou de quiconque voulant vous arracher une
larme au sujet de la défense de notre tissu entrepreneurial
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local bien de chez nous. Comme son nom l’indique, cette
catégorie est elle–même fourre-tout puisqu’on y entasse
les petites et les moyennes entreprises. Les petites sont
celles qui comprennent de 10 à 49 salariés et moins de 10
millions de chiffre d’affaires. On passe dans la catégorie
moyenne de 50 à 250 salariés et un chiffre d’affaires de
moins de 50 millions d’euros.

Enfin est considérée comme grande toute


entreprise plus grosse qu’une moyenne, logique.

Petite précision concernant le groupe qui,


judicieusement nommé, désigne une société-mère et des
filiales. C’est-à-dire une entreprise (la société-mère) qui en
a racheté d’autres (les filiales), intégralement ou
partiellement.

On distingue aussi parfois les entreprises


multinationales des entreprises purement centrées sur un
seul pays. Est considérée comme multinationale une
entreprise qui a des activités de production dans au moins
deux pays. Vendre à l’étranger une partie de sa production
ne suffit pas pour être une multinationale, sinon la mère
Michèle qui vend ses quelques fromages de chèvre au
marché serait une multinationale puisqu’elle en vend une
partie à des touristes nordiques en vacances dans sa belle
région.
En général, lorsqu’on dit multinationale on veut dire
grande entreprise. C’est généralement vrai, mais faire
uniquement correspondre la taille d’une entreprise à la
localisation de sa production est un peu simplificateur. Et
en général, lorsqu’on parle de multinationale, il y a
souvent des sous-entendus politico-contestataires, vous
savez, ces multinationales, symboles de la mondialisation
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triomphante qui se jouent des frontières pour imposer leurs
produits aux quatre coins du monde au mépris de la
législation en vigueur ! Comme nous ne sommes pas là
pour faire de la politique, je referme vite-fait la parenthèse
sur les multinationales.
Pour en rouvrir une autre concernant les entreprises
cotées en bourse. Tout comme pour les multinationales, on
distingue parfois de façon schématique les grandes
entreprises (cotées) des petites entreprises (non cotées).
Mais comme nous reparlerons de tout ceci plus tard, je
n’en dis pas plus pour l’instant.

Je ne vais pas faire une sous-partie juste pour ça, mais


on pourrait aussi classer les entreprises selon leur âge.
D’ailleurs, la plus vieille entreprise du monde encore en
activité est la Monnaie de Paris, une entreprise publique
qui s’occupe de fabriquer des pièces et des billets pour la
France mais aussi pour plein d’autres pays. Elle fut fondée
en 864 sous le règne de Charles II, « le chauve » de son
surnom.

b) Classification selon le statut juridique

Une distinction importante - très importante ! - entre


les entreprises concerne leur statut juridique. Il nous faut
distinguer les entreprises individuelles des sociétés ; je
vous ai prévenu que le 4) serait long !

L’entreprise individuelle : c’est une entreprise dirigée


pas une seule personne qui n’a pas de personnalité morale.
« Pas de personnalité morale », ce terme un peu barbare
qui pue le livre de droit incompréhensible, est très
important. Cela signifie que, juridiquement, l’entreprise et
son fondateur ne font qu’un. Celui-ci est donc responsable
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des pertes de l’entreprise sur ses biens propres et
l’entreprise individuelle est soumise au régime de l’impôt
sur le revenu. En clair, faire un procès à l’entreprise ou à
son fondateur est la même chose.
Il n’y a pas de limite de taille à une entreprise
individuelle, même si on va voir que, dans la pratique, dès
qu’une entreprise grandit elle se constitue en société. Avec
une exception cependant. L’auto-entrepreneuriat
correspond, pour faire simple, à une entreprise
individuelle mais avec un plafond en termes de chiffre
d’affaires à 32 600€ annuels pour une activité de service.

La société : lorsque l’entreprise créée entraine la création


d’une personne morale, on parle alors de société. Dans ce
cas, et c’est la différence fondamentale avec l’entreprise
individuelle, le fondateur se distingue juridiquement de la
société créée et n’est plus responsable des pertes de
l’entreprise sur ses biens propres. De plus, la société est
imposée au taux de l’impôt sur les sociétés soit 33,33% du
bénéfice et non plus selon l’impôt sur le revenu. Dans ce
cas, faire un procès à une société n’est pas la même chose
que de faire un procès à son fondateur, puisque les deux
sont juridiquement indépendants.

Il existe une foule de sociétés différentes, on ne va


pas parler de toutes, ce serait trop long et ennuyeux,
voyons les principales :
L’EURL (Entreprise unipersonnelle à
responsabilité limitée) : Elle est fondée par une personne
seule et la responsabilité du créateur est limitée à son
apport. Cela veut dire qu’en cas de faillite, le créateur peut
perdre l’argent qu’il a investi, mais pas plus. Par exemple
Mr Tartampion crée une EURL dans laquelle il apporte
20 000€. En cas de faillite il n’est responsable qu’à
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hauteur de 20 000€, il peut donc perdre son apport mais
ses autres biens seront protégés (sauf bien entendu s’il les
a apportés en garantie d’un emprunt).
La SARL (société à responsabilité limitée) : C’est à
peu près la même chose que l’EURL à ceci près qu’elle est
fondée par au moins deux associés. Leur responsabilité
est, comme précédemment, limitée aux apports.
La SA (société anonyme) : Contrairement à la
SARL, la SA doit être fondée au minimum par 7 associés
et le capital de départ minimum est de 37 000€ (j’ai oublié
de vous le dire mais on peut en théorie créer une SARL
avec 1€). La SA a un fonctionnement beaucoup plus lourd
et convient donc pour de grandes entreprises. Par exemple
elle est dirigée par un conseil d’administration ou un
conseil de surveillance et un directoire contrôlé par des
administrateurs… enfin, des choses compliquées. Dans le
cas de la SARL la direction se fait de manière plus
spontanée, le dirigeant prend les décisions courantes et
l’assemblée des associés est convoquée pour prendre des
décisions importantes (faire rentrer un nouvel associé par
exemple). Un associé, je n’ai pas précisé et j’aurais peut-
être dû, est une personne qui investit dans l’entreprise, qui
en est donc actionnaire ; il a donc son mot à dire sur la
gestion, perçoit des bénéfices mais peut aussi y laisser des
plumes si les affaires tournent mal.
Il existe, on l’a dit, d’autres types de
société comme la SAS (société par action simplifiée), la
société en nom collectif, ou des sociétés spécifiques à
certains secteurs comme la médecine, mais comme promis
on ne va pas s’engluer dans ces détails.

Par contre, intéressons-nous aux différences


pratiques entre l’entreprise individuelle et la société. Toute
entreprise d’une certaine taille est une société. Ce n’est pas
24
une obligation légale mais c’est tellement plus avantageux
qu’il en est toujours ainsi.

L’entreprise individuelle présente cet avantage


qu’elle est facile à créer. Une personne seule la dirige,
logique puisque le fondateur et l’entreprise sont
juridiquement la même chose. Par contre, elle présente
deux faiblesses de taille. La première est que les biens du
fondateur ne sont pas protégés. Si les affaires tournent
mal, que les pertes se creusent, le fondateur est
responsable de toutes les dettes sur ses biens propres. On
le répète : il n’y a pas de différence entre l’entreprise
individuelle et son fondateur aux yeux de la loi et des
créanciers. Ce type d’entreprise convient bien si, par
exemple, vous souhaitez donner des cours de guitare.
Vous n’allez jamais rien acheter de plus qu’une guitare,
donc les pertes potentielles d’une telle entreprise sont
forcément très limitées. Pas de risque, donc, qu’un huissier
débarque un jour saisir vos meubles. Par contre, si vous
souhaitez vous lancer dans des investissements en
centaines de milliers d’euros, il vaut mieux passer en
société. Si ça tourne au vinaigre, on ne pourra pas vous
réclamer d’éponger les pertes en vendant votre maison ou
votre collection de timbres.

Une autre différence entre société et entreprise


individuelle tient à la fiscalité. L’entreprise individuelle
est taxée selon l’impôt sur le revenu et la société selon
l’impôt sur les sociétés, ça ne s’invente pas ! Or, l’impôt
sur les revenus varie de 0% à 75% selon votre niveau de
revenu depuis l’élection de François Hollande, même s’il a
mis de l’eau dans son vin fiscal. L’impôt sur les sociétés
est lui plus stable à 33,33% du bénéfice. Pour une petite
entreprise, il peut donc être fiscalement avantageux
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d’opter pour l’entreprise individuelle. Mais dès que l’on
grandit et brasse des sommes importantes, l’entreprise
individuelle ferait payer des impôts beaucoup plus élevés
que la société. Et rappelez-vous que le but du jeu est le
profit, pas renflouer le fisc !

Enfin, c’est presque faire insulte à votre sens de la


déduction que de le préciser, mais l’entreprise individuelle
ne peut être créée que par un individu, seul. Si on veut
lancer une affaire avec une bande de potes, il faudra
nécessairement passer par une société.

26
II) La comptabilité
1) Quelques considérations générales
Je sais, la comptabilité est le truc le plus ennuyeux
qui soit. Ennuyeux mais bougrement important ! En
gestion, en finance, même en économie on utilise la
comptabilité, en tout cas ses rudiments. Alors je vous
propose qu’on voie ça tout de suite, au début, comme ça
on sera débarrassé et on pourra passer à des choses plus
rigolotes. Alors prenez une profonde inspiration, et allons-
y…

La comptabilité - petite définition introductive - est


une technique permettant de codifier et de conserver en
mémoire toutes les opérations réalisées puis de les
restituer sous des formes adaptées à chaque utilisateur. En
pratique, elle sert à savoir où l’entreprise en est dans ses
affaires, si elle est en pleine santé ou au bord de la faillite.
Sans information précise, pas de gestion efficace,
élémentaire mon cher Lock Holmes.

La comptabilité crée donc de l’information qu’elle


redistribue ensuite à qui en a besoin. Et une foule de gens
ont besoin d’informations sur les entreprises.
Ses dirigeants, bien sûr, qui ont besoin
d’indicateurs fiables pour gérer au mieux la boutique.
L’Etat aussi, pour savoir à qui et combien il va
prélever d’impôts mais aussi, ne voyons pas toujours le
verre à moitié vide, pour accorder des aides ou
subventions.

27
Les actionnaires sont intéressés par la santé de
l’entreprise, comment feriez-vous pour choisir d’acheter
telle action plutôt que telle autre sans comptabilité ?
N’oublions pas les salariés, qui sont aux premières
loges en cas de pépin et qui aiment bien connaître la santé
de leur employeur.
Les banques épluchent la comptabilité des
entreprises pour décider de leur accorder un prêt ou non.
Pas que la comptabilité, nous sommes bien d’accord, mais
le banquier aime bien avoir une idée précise de votre
situation pour estimer votre capacité de remboursement.
Ensuite les clients comme les fournisseurs d’une
entreprise s’intéressent à sa comptabilité, les uns pour
savoir s’ils seront livrés, les autres pour savoir s’ils seront
payés.
Et n’oublions pas les tribunaux. En cas de conflit
juridique en tout genre, le juge aura besoin d’avoir une
idée précise de ce qui s’est passé dans l’entreprise.
Pour résumer, toutes les parties prenantes, c’est-à-
dire tous ceux qui sont en interaction avec l’entreprise ont
besoin d’information, donc de la comptabilité.

Pour que tous ces braves gens puissent se


comprendre, ils ont besoin d’information standardisée. Si
chacun faisait sa petite tambouille comptable dans son
coin la compréhension mutuelle serait délicate. C’est
pourquoi les entreprises doivent produire une comptabilité
selon une multitude de normes imposées comme les
normes IFRS ; mais nous ne parlerons pas de tout ceci car
je tiens à préserver votre santé mentale autant que la
mienne.
Bien entendu, tenir une comptabilité n’est pas
optionnel. Les exigences comptables varient selon la taille
de l’entreprise, mais ça ne ferait pas du tout rire le fisc si
28
vous lui annonciez que - oups… - vous avez oublié de
tenir votre comptabilité. Ceux que ça gonfle peuvent
confier le tout à des cabinets d’experts comptables qui
géreront ces aspects contre écus sonnants et trébuchants.
La comptabilité se doit d’être fiable, on comprend
aisément pourquoi. Aussi est-elle contrôlée et certifiée par
des personnes extérieures à l’entreprise comme des
auditeurs ou commissaires aux comptes.
L’histoire du capitalisme est parsemée de petits
malins qui se sont dits qu’en enjolivant la comptabilité il y
aurait possibilité de détourner un max d’oseille dans leur
poche. L’exemple probablement le plus connu est celui
d’Enron, entreprise énergétique américaine qui a connu
une croissance fulgurante dans les années 1990. Une
croissance fulgurante basée sur des magouilles comptables
qui ont débouchées sur une faillite retentissante en 2001.
Arthur Andersen, prestigieux cabinet d’audit américain
qui avait aidé Enron dans son escroquerie alors que son
boulot était de certifier la véracité des comptes n’a pas
survécu au scandale.

La comptabilité, continuons à bavarder un peu à


son sujet, n’est pas un truc de branquignoles. Elle peut
devenir extrêmement complexe. Pensez à la comptabilité
d’un groupe comme Airbus. Un groupe immense, à cheval
sur plusieurs pays qui ne partagent même pas la même
monnaie (la livre au Royaume-Uni), qui fabrique des
produits extrêmement sophistiqués avec une myriade de
sous-traitants aux quatre coins du monde… Je vous
rassure, on aura des prétentions beaucoup plus modestes
que de s’attaquer à la comptabilité d’Airbus, mais
imaginez ce que peut-être la comptabilité d’un grand
groupe multinational !

29
On va remonter un peu le temps. Je sais pas vous, mais
j’aime bien l’histoire. Et comme c’est moi qui écrit, on va
en faire quelques lignes, sautez le passage si vous n’êtes
pas curieux. Faire l’histoire de la comptabilité revient plus
ou moins à faire l’histoire des échanges économiques. Car
dès qu’il y a production et commerce il faut bien savoir ce
qui est à qui et qui doit quoi à qui ; c’est pourquoi on a
besoin d’une comptabilité, aussi rudimentaire soit-elle. Il
n’est donc pas surprenant que l’on trouve des traces de
comptabilité dès l’antiquité en Mésopotamie, avec par
exemple le code d’Hammourabi, cet ensemble de lois
inscrites sur une stèle : pensez à y jeter un œil la prochaine
fois que vous passez au Louvre.
Ensuite, ce sont les italiens de la Renaissance qui vont
inventer la comptabilité moderne. Au même moment, ils
poseront les bases de la banque, de la finance et de ce qui
deviendra le capitalisme. C’est un moine, le vénitien Luca
Paccioli, qui est à l’origine de la comptabilité en partie
double en 1494. Depuis cette fin de XVème siècle nous
n’avons pas fondamentalement évolué puisqu’on utilise
toujours la comptabilité en partie double. Cela consiste à
enregistrer deux fois chaque opération : une fois pour
indiquer quelle ressource l’entreprise a utilisé et une fois
pour indiquer l’emploi qu’elle en a fait. Par exemple on
achète une marchandise. Il y a une sortie d’argent (une
ressource utilisée) et une acquisition de marchandise (un
emploi qui en est fait). Cette façon de faire présente
notamment l’intérêt de pouvoir facilement vérifier qu’on
ne s’est pas planté en cours de route, on y reviendra plus
en détail.

Au cours de notre balade comptable, j’aimerais attirer


votre attention sur un point : la différence qui existe entre
la comptabilité et la finance.
30
Cette différence est avant tout temporelle. La
comptabilité s’intéresse au passé, elle retrace toutes les
opérations effectuées dans l’entreprise. La finance, elle,
raisonne au futur, elle cherche par exemple à résoudre le
problème temporel entre date d’investissement et rentrées
d’argent. On investit aujourd’hui mais les rendements
dégagés par cet investissement seront échelonnés sur les
20 prochaines années. Comment avoir les sommes
nécessaires dès à présent ? Par un prêt bancaire ? Une
vente d’actions ? Mais puisqu’on s’intéresse au futur, par
définition imprévisible, il existe un risque que les
évènements ne tournent pas comme prévu. Le risque est
donc une notion centrale en finance, mais totalement
absente de la comptabilité. Mais occupons-nous pour
l’instant de comptabilité, on reviendra plus tard à la
finance d’entreprise.

Jusqu’à maintenant nous avons parlé de comptabilité


comme s’il s’agissait d’une discipline unique aux contours
clairement définis.
Pour plus de précision il faudrait distinguer
comptabilité générale, analytique et nationale. La
comptabilité générale est celle dont on vient de parler et
dont on se préoccupera principalement, celle qui vise à
présenter les comptes d’une façon standardisée.
Ensuite la comptabilité analytique (ou de gestion) est
interne à l’entreprise et s’intéresse principalement à
l’analyse des coûts au sein de l’entreprise. Elle vise à
faciliter la gestion de l’entreprise et aide à la prise de
décision. Elle n’est pas obligatoire contrairement à la
comptabilité générale, on prendra un exemple plus détaillé
dans un instant.
Enfin la comptabilité nationale représente l’activité
économique d’un pays et calcule les données macro-
31
économiques. C’est souvent l’INSEE, l’Institut National
de la Statistique et des Etudes Economiques qui s’en
occupe, elle vise à calculer des variables comme le PIB,
les échanges commerciaux, le chômage… On ne
l’abordera pas ici puisqu’il s’agit d’un livre sur
l’entreprise plutôt qu’un livre de macro-économie.

Mais retournons pour le moment à la comptabilité


« tout court », ou comptabilité générale pour nous
intéresser aux comptes annuels qui regroupent les
documents comptables les plus importants : le bilan et le
compte de résultat.

2) Les comptes annuels


Il s’agit d’un ensemble de trois documents comptables
qui doivent obligatoirement être produits par l’entreprise
une fois par an : le bilan, le compte de résultat et l’annexe.
On se penchera principalement sur les deux premiers, qui
sont au centre de toute analyse comptable.
On vient de dire que les comptes annuels doivent être
produits une fois par an. Précisons que l’entreprise a le
choix de la date, ce n’est pas forcément le 31 décembre.
Ça parait être une mesure de bon sens. Pour une station de
ski par exemple, établir les comptes au 31/12 au beau
milieu de la saison ne permettrait pas d’avoir une vision
fidèle de l’activité de l’entreprise. Pour se familiariser
avec le jargon, l’année écoulée entre la publication des
comptes annuels est appelée un exercice comptable.
Nous voilà fins prêts à plonger dans les entrailles de la
comptabilité avec notre premier document comptable : le
bilan.

32
a) Le bilan

Il présente la situation de l’entreprise à un instant


donné. C’est une photo du patrimoine de l’entreprise. Il se
compose de deux colonnes, l’actif que l’on place à gauche
et le passif à droite. L’actif représente ce que l’entreprise
possède (une machine, un bâtiment…) et le passif la façon
dont elle l’a obtenu (apport du fondateur, prêt bancaire…).
On peut prendre les choses par un autre bout en disant que
le passif représente les moyens financiers dont dispose
l’entreprise (apport du fondateur, prêt bancaire…) et
l’actif la façon dont a été utilisé cet argent (achat d’une
machine, d’un bâtiment…).
Mais prenons sans plus tarder un exemple. Un
entrepreneur crée une entreprise et apporte 20 000€.
L’entreprise s’endette à hauteur de 10 000€ pour acheter
du matériel. Elle achète un camion 15 000€, une machine
pour 12 000€ et garde 3 000€ en caisse pour payer les
fournitures courantes.

Le bilan de notre entreprise juste après sa


création a la tronche suivante :

Actif Passif
Camion : 15 000€ Capitaux propres
Machine : 12 000€ (apports) : 20 000€
Trésorerie : 3 000€ Dettes : 10 000€
Total : 30 000€ Total : 30 000€

Quelques remarques s’imposent. Déjà, l’actif est


égal au passif. Toujours. C’est une obligation comptable.
Un bon moyen de voir si l’on s’est planté est d’additionner
tous les postes de la colonne « actif » et tous ceux du
passif. Si le résultat est différent c’est qu’il y a une erreur
33
quelque part. Et c’est logique. Car si on possède quelque-
chose, c’est-à-dire un actif, on a forcément eu une
ressource pour l’acquérir, donc un passif. Et inversement
si l’on a une ressource au passif, elle est forcément utilisée
à quelque-chose à l’actif (même si cet argent dort sur un
compte en banque il apparaîtra à l’actif).
Ensuite sur la façon de présenter l’actif et le passif.
A l’actif (à gauche donc) la présentation veut que l’on aille
du moins liquide au plus liquide. Ce qui fait l’occasion
d’apprendre un nouveau terme.
La liquidité est la facilité avec laquelle on peut
convertir un actif (quelque-chose que l’on possède) en
moyen de paiement. Un billet de banque est l’actif le plus
liquide qui soit, il est déjà de la liquidité, d’où le terme
courant de « liquide ». Par contre une maison est un actif
dit illiquide. La vente est longue et nécessite des frais, par
exemple des frais de notaire, la parution d’annonces ou les
honoraires d’un agent immobilier. Une action cotée en
bourse serait un actif moyennement liquide car elle peut
être vendue rapidement et à faible coût, sauf en cas de
crise boursière.
On met donc les actifs les moins liquides en haut et
les plus liquides en bas. Et c’est ce que nous avons fait
avec le camion en haut et la trésorerie en bas (savoir qui,
du camion ou de la machine serait le plus liquide est un
vaste débat dans lequel nous n’entrerons pas). On
distingue aussi les actifs immobilisés qui durent plus d’un
an dans le processus de production, comme un camion,
des actifs circulants qui disparaissent dans le processus de
production, par exemple l’essence pour ledit camion. Une
autre façon de voir les choses est qu’un actif immobilisé
est appelé à durer plus d’un an (le camion) alors que l’actif
circulant sera utilisé et détruit dans le processus de
production en moins d’un an (le plein d’essence). A
34
liquidité équivalente, on place les actifs immobilisés au-
dessus des actifs circulants dans le bilan.

Au passif on a pour habitude de placer les capitaux


propres en haut et les dettes en dessous. Les capitaux
propres (ou fonds propres) correspondent à l’argent investi
par le (ou les) fondateur et au résultat des années
précédentes. Des bénéfices viennent augmenter la valeur
des capitaux propres et des pertes la diminue, mais
laissons ce point de côté. Pour utiliser un autre terme
sûrement plus connu du profane, les capitaux propres
correspondent aux actions d’une entreprise. Parmi les
dettes on peut différencier les dettes à court terme des
dettes à long terme. Les dettes ayant la maturité la plus
longue sont, en termes de présentation, placées au-dessus
des dettes à maturité plus courte.

Abandonnons ces subtilités de présentation pour


passer à un autre document comptable, complémentaire du
bilan : le compte de résultat.

b) Le compte de résultat

A ne pas confondre avec le bilan. Le compte de


résultat explique comment l’entreprise s’enrichit ou
s’appauvrit au cours de l’exercice comptable.
Contrairement au bilan il n’est pas une photo instantanée
de la situation de l’entreprise mais il récapitule l’activité
de l’entreprise sur l’année écoulée. Il permet de savoir si
l’entreprise a réalisé un profit ou une perte. Il se divise en
charges et produits comme indiqué ci-après :

35
Charges (coûts) Produits (revenus)
Charges d’exploitation Produits d’exploitation
(charges liées au cycle de (issus de l’activité
production : marchandises, courante : vente de biens
salaires…) ou services)
Charges financières (intérêts Produits financiers
sur emprunts) (revenus de placements)
Charges exceptionnelles Produits exceptionnels
(amende, dommage et (subventions, revente de
intérêt) biens immobiliers)

Comme le bilan, le compte de résultat est toujours


équilibré, c'est-à-dire charges = produits. Il y a là une
subtilité qui déroute bien des élèves. Prenons un exemple.
Les produits sont supérieurs aux charges, l’entreprise
dégage un bénéfice. Imaginons la situation suivante :

Charges Produits
Somme des charges : Somme des produits :
40 000€ 50 000€

Dans ce cas, le compte de résultat n’est pas


équilibré. Il y a un écart de 10 000€ qui correspond au
bénéfice. On va donc indiquer le bénéfice dans la colonne
de gauche de façon à ce que la somme de la colonne
charges soit équivalente à la somme de la colonne
produits. Voyez plutôt :

36
Charges Produits
Somme des charges : Somme des produits :
40 000€ 50 000€
Bénéfice : 10 000€
Total : 50 000€ Total : 50 000€

On arrive donc – abracadabra ! – à un compte de


résultat équilibré. En cas de perte, la logique serait
identique mais dans la colonne produits. Si l’entreprise a
réalisé au cours de l’exercice un produit de 40 000€ et que
ses charges ont été de 50 000€ elle subit une perte de
10 000€.

Charges Produits
Somme des charges : Somme des produits :
50 000€ 40 000€
Perte : 10 000€
Total : 50 000€ Total : 50 000€

Précisons une chose importante : la différence


entre le bilan et le compte de résultat.

Cette différence est importante, car la comprendre


revient à comprendre ce qu’est un stock et ce qu’est un
flux ; et quand on a compris ça on a fait un grand pas dans
tout ce qui touche à l’entreprise ou plus globalement à
l’économie.
Le bilan, c’est un stock. Il indique la situation du
patrimoine de l’entreprise à un moment donné. C’est un
peu comme la richesse d’un individu, qui est elle aussi un
stock. Dire qu’une personne a une fortune d’un milliard
d’euros revient à dire que si, à l’instant où on parle, cette

37
personne vendait tout ce qu’elle possède il y en aurait pour
un milliard. C’est un stock de richesse.
A ne pas confondre avec le flux. Le flux représente
une évolution, un déplacement sur une période donnée. Le
compte de résultat représente un flux, il indique les
opérations effectuées par l’entreprise sur une période
donnée, en l’occurrence un exercice comptable, donc un
an. Pour continuer de filer la comparaison avec un
individu, le revenu représente un flux. Un revenu ne peut
être considéré à une date précise, il représente une rentrée
d’argent sur une période : un an, un mois, un jour voire
une heure. Quand on dit « je gagne 10 000€ par mois (tant
mieux pour vous) », c’est d’un flux que l’on parle.
De tout ceci découle que le bilan et le compte de
résultat ne donnent pas forcément la même information sur
l’entreprise et qu’ils sont plus complémentaires que
redondants. Imaginons une entreprise qui a été très
prospère sur les dernières décennies mais, pour une raison
de votre choix, l’année passée s’est révélée catastrophique.
Le compte de résultat va indiquer une lourde perte et une
situation très difficile, puisqu’il ne considère que l’année
écoulée. Alors que le bilan donnera une image toute autre.
L’entreprise aura acquis du patrimoine et se sera
désendettéé au cours de ses longues années de vaches
grasses. Les mauvais résultats de l’année écoulée auront
peut-être jeté une ombre au tableau mais le bilan indiquera
néanmoins une situation beaucoup plus reluisante que le
compte de résultat. En un mot, l’un représentant un flux et
l’autre un stock (j’insiste là-dessus), ils ne racontent pas la
même chose, chacun apporte son éclairage particulier.

38
c) L’annexe

On en était, je vous rappelle le cheminement, aux


comptes annuels. Lesquels se composent du bilan, du
compte de résultat et de l’annexe. On a vu les deux
premiers, passons rapidement au troisième. Très
rapidement cependant.

L’annexe fournit des informations supplémentaires


pour aider à comprendre le bilan et le compte de résultat.
Il n’a pas, comme les deux autres, de forme
particulièrement spécifiée. On y apporte diverses
explications pouvant aider à la compréhension des
comptes. Par exemple si l’on décide de changer les dates
de l’exercice fiscal, mettons que l’on souhaite arrêter ses
comptes au 31 mai alors qu’on les arrêtait jusqu’ici au 30
avril, il faudra expliquer les raisons d’un tel changement
dans l’annexe.
Voilà, c’est tout, on ne dira rien de plus sur
l’annexe. La compta, hein, on ne va pas s’en coltiner juste
pour la beauté du geste…

3) La comptabilité en partie double


(approfondissements)
Mais malheureusement, nous n’en avons pas fini
avec la comptabilité, loin de là. Nous allons aborder les
méandres de la comptabilité en partie double et les
éternels débits et crédits qui font des ravages dans le
cerveau des étudiants encore engourdis par la folle soirée
de la veille.
Le problème de la comptabilité, c’est que le
raisonnement n’est pas intuitif. Se baser sur un

39
raisonnement de bon sens dérivé de la vie de tous les jours
est le meilleur moyen de foncer droit dans le mur. Car
l’étudiant dont nous venons de parler a déjà entendu ces
termes de débit et crédit, ils sont mentionnés sur son
compte en banque (qui vient d’ailleurs de virer au rouge
car les consommations coûtent effroyablement cher en
boîte de nuit). Alors il se dit qu’avec un peu de jugeote, il
fera bien le lien entre ses relevés bancaires et le cours de
compta. Erreur ! Ou plutôt, pas si vite.

a) L’intérêt de la comptabilité en partie double

L’idée de la comptabilité en partie double peut


sembler une forme raffinée de masochisme. Car pourquoi
une entreprise ne se contenterait-elle pas de noter sur un
coin de papier ce qu’elle dépense et ce qu’elle gagne pour
établir ses comptes annuels ? La comptabilité en partie
double présente cependant des avantages, j’en vois deux
au premier coup d’œil.
Premièrement, comme son nom l’indique, la
comptabilité en partie double implique que chaque
opération soit enregistrée deux fois : dans un compte de
débit et dans un compte de crédit. Ce double
enregistrement permet de détecter les erreurs, qui se
verront instantanément car l’équilibre débit-crédit ne sera
pas respecté. Il se peut évidemment que deux erreurs se
compensent pour un montant équivalent, mais la
probabilité que ça se produise est faible.
Ensuite, si l’on se contentait de noter les entrées et
sorties d’argent sur un coin de table comme le suggère
l’étudiant endormi, on arriverait certainement à dresser le
compte de résultat (donc à déterminer si l’entreprise a
réalisé un profit ou une perte), mais on aurait bien plus de
mal à dresser le bilan (donc à représenter le patrimoine de
40
l’entreprise). La comptabilité en partie double présente cet
avantage qu’elle permet à la fois d’enregistrer les stocks et
les flux, donc de construire un bilan et un compte de
résultat.

b) Les comptes et leur fonctionnement

Je vais vous balancer plein d’infos en vrac, on fera


le tri ensuite avec des exemples. Déjà, on n’enregistre pas
les opérations comptables avec des signes « moins ». Un
bannissement du signe négatif est un bon début.
Ensuite, on va représenter les opérations
comptables dans des comptes, dont l’ensemble est appelé
le journal. Une opération enregistrée dans le journal a la
tronche suivante :

Date Débit Crédit


Numéro de Nom du compte Montant
compte Nom du compte Montant
Numéro de Intitulé de
compte l’opération

Résumons : en haut, la date de l’opération. A


gauche, le numéro du compte (on verra dans un instant
que chaque compte a un numéro), suivi du nom du compte
et du montant dans la colonne débit ou crédit. Et n’oubliez
pas l’ordre : débit d’abord et crédit ensuite. J’ai mis deux
lignes car on a dit que chaque opération doit être inscrite
au moins deux fois, avec un équilibre entre le débit et le
crédit. Mais si l’enregistrement d’une opération mobilise
au moins deux comptes, elle peut en mobiliser plus. En
bas, généralement en italique, on note l’opération que l’on
a réalisée. On verra un exemple plus concret par la suite.

41
Revenons sur les numéros de compte. Chaque
compte a un numéro, classé selon différentes catégories.
Le tout est répertorié dans ce que l’on appelle le plan
comptable général, que vous trouverez dans votre librairie
préférée. Ça se présente comme une sorte de petit livret,
genre dépliant touristique, sauf que ce qui y est indiqué est
beaucoup moins palpitant.

Les comptes sont répertoriés en 8 classes :

Classe 1 : comptes de capitaux


Classe 2 : comptes d’immobilisation
Classe 3 : comptes de stocks et en-cours
Classe 4 : comptes de tiers
Classe 5 : comptes financiers
Classe 6 : comptes de charge
Classe 7 : comptes de produits
Classe 8 : comptes spéciaux

Un compte de classe 1 par exemple, est un compte


commençant par 1, idem pour chacun des numéros. Le
premier numéro d’un compte a un rôle central, car c’est lui
qui nous indiquera la classe à laquelle il appartient.
Déjà, autant vous le dire tout de suite, les comptes
de classe 8, dits « comptes spéciaux », on va vite fait les
oublier, ils n’intéressent que les mordus de la compta. Par
contre, très important de bien se mettre dans le crâne que
les comptes se divisent en comptes d’actif, comptes de
passif, de charge et de produits. Voyez plutôt :

42
Bilan :
Comptes d’actif Comptes de passif
Classe 2: comptes Classe 1 : comptes de
d’immobilisation capitaux
Classe 3 : comptes de stocks Classe 4 : comptes de
et en-cours tiers
Classe 4 : comptes de tiers Classe 5: comptes
Classe 5 : comptes financiers financiers

On le voit, les comptes de classe 1 sont des


comptes de passif et les comptes de classe 2 et 3 des
comptes d’actif. Mais les comptes de classe 4 et 5 peuvent
être des comptes d’actif ou de passif selon les cas, ce qui
va gentiment corser l’affaire (bien que les comptes de
classe 5 soient le plus souvent à l’actif sauf s’ils sont à
découvert). Ensuite, les comptes de classe 6 et 7 impactent
le résultat de l’entreprise, ils sont donc des comptes en lien
avec le compte de résultat :

Compte de résultat :
Comptes de charge Comptes de produit
Classe 6 : comptes de Classe 7 : comptes de
charge produits

On continue. Très, très important ce qui va suivre :


l’augmentation et la diminution des comptes :

43
Débit Crédit
Compte d’actif Augmentation (+) Diminution (-)
Compte de Diminution (-) Augmentation (+)
passif
Compte de Augmentation (+) Diminution (-)
charge
Compte de Diminution (-) Augmentation (+)
produit

Quelques lignes auparavant, on avait dit de bannir


les signes négatifs. Quand par exemple on veut diminuer
un compte d’actif on enregistre le montant au crédit et -
hop !- ça diminue le compte. Mais j’ai mis les + et les -
entre parenthèses car c’est toujours un chiffre positif que
l’on inscrit.
On constate aussi qu’il est indispensable de savoir
à quel compte on a affaire (compte d’actif ou de passif, de
charge ou de produit) pour savoir comment il augmente ou
diminue. Sinon, autant jouer à pile ou face…

Là, je subodore l’exemple indispensable pour


éviter de perdre le lecteur. On continuera la théorie
ensuite.

c) Exemple

Imaginons une entreprise qui achète un camion pour


20 000€ le 01/06. Elle le paie comptant, voilà l’écriture à
passer dans le journal (dans tous nos exemples on oubliera
les impôts par souci de facilité) :

44
Numéro de Date : 01/06 Débit Crédit
compte
2182 Matériel de transport 20 000
512 Banque 20 000
Achat d’un camion
payé comptant

Quelques explications. Pour connaître les comptes


et leurs numéros, il n’existe pas de formule magique, il
faut se plonger dans le plan comptable général.
Puisqu’on achète un camion, c’est le compte
« matériel de transport » qui est concerné, ça ne
surprendra personne. Son numéro, nous dit le plan
comptable, est 2182. Les comptes commençant par 2, dits
de classe 2, sont des comptes d’immobilisation, on l’a vu
précédemment. Ce sont des comptes d’actif (là encore,
voir le tableau précédent). Ce n’est d’ailleurs pas
surprenant. Un camion est quelque-chose que l’entreprise
possède, c’est donc un actif et il est logique que le compte
s’y référant soit un compte d’actif.
Puisqu’on achète un nouveau camion, l’actif de
l’entreprise augmente, et donc le compte 2182 « matériel
de transport » augmente. On vient de dire qu’il s’agit d’un
compte d’actif et, pour augmenter un compte d’actif, on le
débite. C’est ce qu’on a fait, on a débité pour 20 000€ le
compte 2182 « matériel de transport ».
Notez qu’on commence toujours par indiquer le
(ou les) compte débité.
Maintenant, le paiement. C’est le compte bancaire
de l’entreprise qui est sollicité, donc le compte 512
« banque ». Les comptes de classe 5, comptes financiers,
peuvent être soit des comptes d’actif, soit des comptes de
45
passif, ce qui corse l’affaire. Le compte banque (512) fait
intervenir l’actif, car l’argent qu’une entreprise a en
banque est quelque-chose qu’elle possède, donc situé à
l’actif. Le compte banque va diminuer, logique, puisqu’on
paie. Et pour diminuer un compte d’actif, on le crédite,
comme on l’a fait dans notre exemple.
Et le tour est joué ! On constate que, pour notre
opération, total crédit = total débit. Si ça n’avait pas été le
cas, on se serait trompé quelque-part.

Bon, maintenant on va compliquer un peu ; un tout


petit peu. Car il est rare qu’un camion soit payé le jour
même. Disons que notre camion est acheté le 01/06 mais
payé le 30/06, toujours pour 20 000€. Pour comprendre
l’idée, il faut se dire que c’est comme si, pendant tout le
mois de juin, on avait une dette envers notre fournisseur
qui nous a vendu le camion. L’écriture va se faire en deux
temps, une au 01/06 au moment de la réception du camion,
une autre au 30/06 au moment du paiement.
Voici l’écriture au 01/06 :

Numéro de Date : 01/06 Débit Crédit


compte
2182 Matériel de transport 20 000
404 Fournisseur 20
d’immobilisation 000
Réception du camion

Ça commence comme précédemment, on reçoit le


camion et on passe l’écriture correspondante à l’aide du
compte 2182 « matériel de transport », je ne réexplique pas
tout. Là où ça change, c’est qu’on ne paie pas le camion
tout de suite, on enregistre donc un paiement à venir, une
dette en quelque sorte, dans le compte 404 « fournisseur
46
d’immobilisations » (car un camion est un actif durable,
donc considéré comme une immobilisation, mais passons
sur ce détail). Un compte de classe 4, appelé compte de
tiers, peut être un compte d’actif ou de passif. Dans notre
cas, il s’agit d’un compte de passif, puisqu’on a une dette
envers le fournisseur et qu’une dette est inscrite au passif du
bilan. Il faut augmenter ce compte 404 puisque la dette
envers le fournisseur augmente. Pour augmenter un compte
de passif, on le crédite, comme on l’a fait, et on obtient bien
une écriture dans laquelle débit = crédit.
Maintenant, nous voilà au 30/06, au moment de
payer le camion. On passe l’écriture :

Numéro de Date : 30/06 Débit Crédit


compte
404 Fournisseur 20 000
512 d’immobilisation 20
Banque 000
Paiement du camion

On paie le fournisseur, donc on a plus de dette à son


égard. C’est pourquoi on débite le compte 404, ce qui
revient à le diminuer puisqu’il s’agit d’un compte de passif.
En ce qui concerne la banque, on passe une opération
identique à celle que nous avions passée précédemment.
Puisqu’on paie, on diminue le compte banque, qui est un
compte d’actif, c’est pourquoi on le crédite.
Débit et crédit sont équilibrés, le camion a été payé
et la dette envers le fournisseur remboursée.

Continuons avec les exemples. L’entreprise achète,


le 01/07, pour 10 000 € de marchandises payées comptant
et vend le 10/07 pour 15 000€ de marchandises payées elles
aussi comptant (ce qui va simplifier les écritures
47
comptables). On enregistre tout ceci dans le journal, par
ordre chronologique :

Numéro de Date : 01/07 Débit Crédit


compte
607 Achat de marchandises 10 000
512 Banque 10
Achat de marchandises 000

L’achat de marchandise est un compte de charge,


qui augmente lorsqu’il est débité. Le compte banque
diminue puisqu’il y a un paiement, comme précédemment.
Un point à préciser cependant. Ici, nous avons
affecté l’achat de marchandise à un compte de charge
(classe 6) et non pas un compte d’actif comme
précédemment lorsqu’on avait acheté le camion. Il peut
sembler surprenant que l’achat d’un camion et de
marchandises ne soient pas comptabilisés dans des
comptes de classe identique. La raison tient au caractère
plus ou moins durable des produits achetés. Le camion est
un bien durable, qui est appelé à rester longtemps dans
l’entreprise. A l’inverse, des marchandises seront soient
détruites lors du processus de production (entreprise
industrielle) soit revendues (entreprise de négoce), mais
pas conservées plus d’un an.

Enregistrons maintenant la vente de 15 000€ de


marchandises le 10/07 :

Numéro de Date : 10/07 Débit Crédit


compte
512 Banque 15 000
707 Vente de marchandises 15
Vente de marchandises 000
48
La vente de marchandises fait intervenir un compte
de produits (classe 7), qui augmente au crédit. La banque,
compte d’actif, augmente au débit, et ici le compte banque
augmente bien puisqu’on a reçu de l’argent.
Vous pigez l’astuce ? Lorsque l’entreprise reçoit de
l’argent, on débite le compte banque (512) et lorsqu’elle en
dépense on ne met pas un signe moins, on crédite le
compte. Une logique déroutante, nous sommes bien
d’accord.

d) Exemple (suite) : le journal et compte « en T »

Pour continuer notre exemple, nous allons synthétiser


les quelques opérations que nous avons passées au journal.
En fait, on l’a déjà fait juste avant au fur et à mesure des
exemples, on ne va donc rien faire d’autre que tout réécrire
dans un tableau unique que l’on nomme journal, ça
permettra d’y voir plus clair (je ne reprends pas le premier
exemple, celui où l’on payait le camion comptant).

Journal de l’entreprise :

Numéro de Date : 01/06 Débit Crédit


compte
2182 Matériel de transport 20 000
404 Fournisseur 20 000
d’immobilisations
Réception du camion
30/06
404 Fournisseur 20 000
d’immobilisations
512 Banque 20 000
Paiement du camion
49
01/07
607 Achat de marchandises 10 000
512 Banque 10 000
Achat de marchandises
10/07
512 Banque 15 000
707 Vente de marchandises 15 000
Vente de marchandises

A présent, nous allons récapituler toutes les


opérations passées dans ce que l’on appelle des « comptes
en T » du fait de la forme qu’ils prennent parfois : un
simple T. Mais ici, on fera les choses de façon plus
raffinées, on ne se contentera pas d’un vulgaire T, on fera
un vrai petit tableau à chaque fois.
Pour chaque compte utilisé, on va récapituler les
opérations dans un compte en T, on ne va rien faire d’autre
qu’écrire sous une forme différente ce qu’on a inscrit au
journal. Simple précision, l’ensemble des comptes en T
s’appelle le grand livre. Voici donc le grand livre de notre
entreprise sur l’exercice considéré :

Compte 2182 : matériel de transport


Débit Crédit
20 000
Solde débiteur : 20 000

Compte 404 : fournisseur d’immobilisation


Débit Crédit
20 000 20 000
Solde : 20 000 – 20 000 = 0 0

50
Dans ce cas, on a 20 000€ au débit et 20 000€ au
crédit, on a donc un solde nul. Ce qui est somme toute
logique, puisqu’on a eu une dette envers le fournisseur, et
que l’on a réglé par la suite. A l’arrivée, comme on ne doit
plus rien au fournisseur, le compte est à 0. Si la dette
n’avait pas été réglée à la fin de l’exercice, il y aurait
toujours un solde créditeur de 20 000, indiquant la dette
qui reste à honorer.

Compte 512 : banque


Débit Crédit
15 000 20 000
10 000
Solde : 15 000

Le compte banque est créditeur de 15 000€ (20 000


+ 10 000 – 15 000 = 15 000) à la fin de l’exercice,
indiquant que le compte bancaire de l’entreprise a diminué
de 15 000€ entre le début et la fin de l’exercice.

Compte 607 : achat de marchandise


Débit Crédit
10 000
Solde : 10 000

Compte 707 : vente de marchandise


Débit Crédit
15 000
Solde : 15 000

51
Si on voulait faire les choses dans le détail, il
faudrait aussi dresser la balance en plus du grand livre. La
balance est un document qui récapitule le solde de chacun
des comptes ouverts. Mais comme on a, dans les comptes
juste au-dessus, bien visible le solde final de chaque
compte, je propose que l’on zappe la balance.

e) Exemple (suite) : passage d’un exercice comptable


à un autre

On va continuer à faire en même temps le cours et les


exercices, ce sera plus simple. Juste avant, on a appris à
enregistrer des écritures comptables simples. Mais
maintenant, il faut faire le lien d’une année sur l’autre,
apprendre à résumer tout ceci dans le bilan et le compte de
résultat qui, on s’en souvient, doivent être dressés une fois
par an.

D’abord, le compte de résultat qui récapitule les


charges et les produits de l’exercice en cours. Dans notre
exemple, le compte de résultat est très simple et se
présente ainsi :

Charges Produits
Achat de marchandises Vente de marchandises 15
10 000 000
Bénéfice : 5 000
Total : 15 000 Total : 15 000

Nous obtenons bien en bénéfice de 5 000€ puisqu’on a


des produits pour 15 000€ et des charges pour 10 000€. Un
bénéfice que l’on met dans la colonne charges, de façon à
équilibrer le compte de résultat, on l’a déjà expliqué tout à
l’heure.
52
Ensuite, le bilan. Le bilan, contrairement au compte de
résultat, ne représente pas qu’une seule année. Il
représente le patrimoine de l’entreprise, c’est un stock, il
se lit à un instant donné plutôt que sur une période de
temps. On va prendre le bilan tel qu’il était au début de
l’exercice et le compéter en mentionnant les opérations
réalisées qui ont pu l’impacter.

Imaginons qu’au début de l’exercice, l’entreprise


présentait le bilan suivant :
Actif Passif
Locaux 100 000 Capitaux propres : 90 000
Machine 20 000 Dette : 50 000
Argent en banque 20 000
Total actif : 140 000 Total passif : 140 000

Maintenant, on ajoute toutes les opérations qui ont


impacté le bilan pour obtenir le nouveau bilan de fin
d’exercice :

Actif Passif
Locaux 100 000 Capitaux propres : 90 000
Machine 20 000 Dette : 50 000
Camion 20 000 Bénéfice 5 000
Argent en banque 5 000
Total actif : 145 000 Total passif : 145 000

J’ai indiqué en gras ce qui a changé. Déjà, on a un


nouveau camion pour 20 000€, c’est un actif. En banque,
il ne reste plus que 5 000€, car il y avait 20 000€ mais,
tout au long de l’exercice, l’entreprise a dépensé plus
qu’elle n’a eu de rentrées d’argent, comme indiqué par le
53
solde créditeur du compte banque (512) pour un montant
de 15 000€. Enfin, les bénéfices. Ils viendront s’ajouter au
passif (à moins qu’ils ne soient distribués sous forme de
dividende) et, en fait, ils viendront grossir les capitaux
propres, mais je les ai laissés à part pour bien faire voir. Le
passif est de l’argent que l’entreprise doit. Le bénéfice,
comme les capitaux propres, est de l’argent que
l’entreprise doit à ses propriétaires, c’est-à-dire ses
actionnaires.

f) Le « débit – crédit » de votre compte bancaire

Pour finir en beauté, revenons un instant sur le


débit et le crédit indiqué sur vos relevés bancaires et qui
font tant de dégâts chez les apprentis comptables. Le
problème est que vous croyez être le centre de l’univers.
Car, lorsque la banque vous envoie vos relevés bancaires,
elle ne vous montre pas vos comptes personnels, mais ses
comptes à elle vous concernant.
Pour comprendre ces termes de débit et crédit, il
faut se placer du point de vue de la banque. L’argent que
vous placez à la banque sur votre compte correspond à un
passif pour la banque. C’est un moyen pour elle de se
financer, et de l’argent qu’elle vous doit, ce qui
correspond bien à un passif.
Petit rappel sur les comptes de passif : ils
diminuent au débit et augmentent au crédit. Lorsque vous
mettez de l’argent sur votre compte, cela correspond pour
la banque à l’augmentation d’un compte de passif, donc à
un crédit, d’où le terme de crédit mentionné sur votre
relevé bancaire. Inversement, si vous retirez de l’argent de
votre compte, la banque diminue un compte de passif : elle
le débite.

54
Moralité : adopter le point de vue de la banque
plutôt que regarder son petit nombril !

Nous allons continuer un peu avec la comptabilité,


sous un angle légèrement différent. Au début de cette
partie, nous avions fait la différence entre comptabilité
générale et comptabilité analytique, que nous avions
momentanément laissée de côté. Voilà le moment d’y
revenir.
4) La comptabilité analytique

a) De quoi s’agit-il ?

Contrairement à la comptabilité générale, la


comptabilité analytique n’est pas obligatoire. Chaque
entreprise est libre de faire sa sauce dans son coin comme
elle l’entend. Car la comptabilité analytique n’a pas pour
vocation d’être diffusée à des tiers. Elle fournit des
informations à usage purement interne, notamment sur la
structure de coûts. Ce n’est d’ailleurs pas une surprise si
en comptabilité analytique on est fréquemment amené à
calculer les coûts complets, c’est-à-dire la somme de tous
les coûts nécessaires à une production.

En d’autres termes, on va se préoccuper de calculer


le coût de revient d’un bien ou d’un service, c’est-à-dire
l’ensemble des coûts supportés pour sa fabrication et sa
distribution. Le coût de revient est souvent appelé prix de
revient, synonyme pas très heureux car les termes de coût
et de prix semblent à première vue refléter deux choses
différentes, ce qui n’est pas le cas lorsqu’on parle de
prix/coût de revient. Qu’on l’appelle d’une façon ou d’une
autre, il est essentiel de déterminer son coût de revient
55
pour une entreprise, cela lui permet notamment de savoir
où fixer ses prix.
Mais on peut encore affiner l’analyse. Savoir
combien coûte à produire un A380 - pour prendre un
exemple aéronautique - est une chose, savoir combien
coûterait d’en produire un, ou deux, ou dix de plus en est
une autre. Peut-être faudra-t-il embaucher plus de
personnel, investir dans une nouvelle usine… bref, la
comptabilité analytique qui, malgré son nom, est plus
proche de la gestion que de la comptabilité, ne se contente
pas de décrire gentiment le passé, elle cherche aussi à se
projeter dans différents futurs possibles. Si une compagnie
aérienne commande 10 nouveaux A380, a-t-on les moyens
de les fabriquer ? Dans quels délais ? A quel coût ? Pas
facile de répondre, on nage dans une discipline moins
naïve qu’elle n’en a l’air.

Puisqu’on en est à parler des coûts, sachez que l’on


en distingue communément plusieurs. Le coût d’achat, qui
comprend les frais de livraison en plus du prix d’achat, le
coût de production représente toutes les charges liées à la
production (toutes les charges forment un coût) et le coût
de distribution, c’est-à-dire les frais de distribution ; rien
de bien sorcier. On l’a dit, la somme des coûts donne le
coût complet. Et chiffre d’affaires – coûts complets =
résultat analytique.

Il n’y a pas de différence entre le résultat donné par


la comptabilité générale et le résultat analytique, sauf que
ce dernier peut être plus précis. Retournons piocher un
exemple du côté de Toulouse. Le résultat comptable
d’Airbus donne un résultat au niveau de l’entreprise dans
son ensemble. Mais peut-être que les A320 sont très
déficitaires et les A380 dégagent des marges juteuses.
56
Si on s’arrête à la comptabilité générale,
impossible de le savoir. Il faut plonger dans les méandres
de la comptabilité analytique pour y voir plus clair. En
calculant le résultat analytique des A320 et des A380 on
pourra savoir quelles sont les productions qui font gagner
de l’argent et celles qui en font perdre, et prendre des
décisions en conséquence. Bien entendu, le résultat
analytique des A320 et le résultat analytique des A380
donne le résultat global que nous donne le compte de
résultat (en supposant que seuls ces deux modèles soient
produits).

b) Un petit exemple pour la route

Rien ne vaut un petit exemple pour mettre les


choses au clair. Considérons une entreprise qui travaille
dans la distribution, appelons-la Tartampion puisqu’il faut
bien lui trouver un nom. On a les informations suivantes à
son sujet pour l’année 2015 :

Ventes de marchandises 1 200 000


Achat de marchandises 700 000
Variation de stock (50 000)
Frais de transport sur achat 14 000
Salaires 200 000
Charges sociales 80 000
Dotations aux amortissements 100 000
Résultat d’exploitation = 156 000

57
Pour obtenir le résultat, on a soustrait tous les
postes à la vente de marchandises. En ce qui concerne les
variations de stock, les parenthèses indiquent un chiffre
négatif, une notation souvent utilisée. Comme moins par
moins donne plus, la variation de stock va s’additionner au
résultat d’exploitation. En effet, si le stock a diminué cela
signifie que l’entreprise a vendu en 2015 des marchandises
qu’elle n’a pas achetées au cours de l’exercice, c’est tout
bénef (pour 2015), d’où la hausse de 50 000 du résultat
d’exploitation.
Commençons à affiner l’analyse. On cherche à
calculer la marge commerciale, en valeur absolue pour
commencer.
Marge commerciale = ventes de marchandises –
coût d’achat des marchandises vendues.
Les ventes de marchandises, facile, c’est
1 200 000. Pour le coût d’achat, ça se corse un peu. On a
700 000 d’achat de marchandises, 14 000 de frais de port
sur achats, moins 50 000 de variation de stocks. En effet,
puisque le stock a diminué de 50 000, cela signifie que ces
marchandises n’ont pas été achetées en 2015, or on se
préoccupe uniquement de la marge de 2015. On obtient
donc :
Marge commerciale = 1 200 000 – 700 000 -
14 000 + 50 000 = 536 000

Maintenant, la marge commerciale en pourcentage.


C’est-à-dire calculer la marge dégagée par euro de vente
réalisée.

Marge commerciale (en %) = (marge commerciale


en valeur absolue / ventes) × 100
Soit : (536 000 / 1 200 000) × 100 = 44,57%

58
Ce qui signifie que pour chaque euro vendu,
l’entreprise réalise une marge de 44,57 centimes. Tout ceci
est bien gentil, mais demeure très général. On connait la
marge globale de l’entreprise, mais pas la marge de
chaque produit vendu, ce qui complique la gestion
efficace. On dispose des informations supplémentaires
suivantes :

Produits Chiffre Achats Variation de


d’affaires stock
Vélos 720 000 490 000 20 000
Autos 300 000 110 000 20 000
Motos 180 000 100 000 10 000
Totaux 1 200 000 700 000 50 000

On souhaite calculer la marge commerciale (en


valeur absolue et en pourcentage) pour chaque produit.
Pas de soucis, on refait le même calcul que précédemment.
Enfin, pas de soucis, sauf pour les frais de transport sur
achat qu’il va falloir répartir. Ils seront répartis
proportionnellement au coût d’achat de chaque produit.
Une façon de procéder contestable, puisque certains
produits sont peut-être plus chers à transporter, par
exemple s’ils sont lourds ou encombrants. Mais on va faire
l’hypothèse que transporter 1€ d’auto, de vélo ou de moto
coûte le même prix. Et on va arrondir au millier pour
faciliter les calculs.
Par exemple pour les vélos on va faire :
(490 000/700 000)×14 000 = 10 000

On peut donc calculer la marge des vélos :


720 000 – 490 000 – 10 000 + 20 000 = 240 000.
Puis en pourcentage :
(240 000/720 000)×100 = 33,3%
59
Voilà, je vous laisse faire la même chose pour les
autos et les motos et on trouve :

Marge commerciale autos : 208 000, en


pourcentage : 69,33%
Marge commerciale motos : 88 000, en
pourcentage : 48,88%

Jusqu’ici, on constate que la marge est la plus


élevée sur les autos et la plus basse sur les vélos. Peut-être
ce commerçant ne devrait-il vendre que des autos et
abandonner les vélos ? Le problème c’est que nous
n’avons pas pris en compte les salaires, charges sociales et
dotations aux amortissements. A première vue, il est
difficile de savoir à quelle marchandise les affecter,
puisque ces dépenses peuvent concerner chaque
production. Il est pourtant essentiel d’avoir une vague idée
du résultat de chaque produit et pas uniquement de sa
marge. Après avoir décortiqué l’entreprise Tartampion, on
obtient les informations suivantes :
Les salaires et les charges sociales se répartissent
entre les fonctions administratives et commerciales à
hauteur respectivement de 25% et de 75%. Le personnel
commercial occupe 80% de son temps à la gestion des
vélos, le temps restant étant partagé à parts égales entre les
autos et les motos. Les dotations aux amortissements
concernent du matériel destiné à la fonction commerciale à
hauteur de 90%, le reste est consacré à la fonction
administrative. La fonction administrative se répartit à part
égale entre les trois produits.

60
Ventilons ces coûts pour les différents produits
Fonction Fonction
administrative commerciale
Salaires + 25% soit 70 000 75% soit
charges = 210 000
280 000
Amortissement 10 % soit 10 000 90% soit
= 100 000 90 000
Total 80 000 300 000
Vélos 33% soit 26 600 80% soit
240 000
Autos 33% soit 26 600 10% soit
30 000
Motos 33% soit 26 600 10% soit
30 000

Maintenant, calculons le résultat dégagé pour


chaque produit, commençons par les vélos :
On avait une marge commerciale de 240 000, à
laquelle il faut retirer les coûts administratifs et financiers
qu’on vient de calculer :
Résultat vélos = 240 000 – 26 600 – 240 000 = -
26 000

On fait la même chose pour les autos et les motos :


Résultat autos : 208 000 – 26 600 – 30 000 =
151 400
Résultat motos : 88 000 – 26 600 – 30 000 =
31 400

Désormais le gestionnaire de l’entreprise


Tartampion a une vision plus lucide de la situation, ce qui
était impossible avant de plonger dans les arcanes de la
comptabilité analytique. Les vélos perdent de l’argent, il
61
faut probablement abandonner cette activité, en tout cas
réfléchir sérieusement aux raisons de la perte engendrée
par ce produit.

Voilà, il est désormais temps de passer à autre


chose. On va aller vers du plus ludique, de mon point de
vue toujours. J’essayerai d’alterner : une partie théorique
bien massive, puis une autre plus légère. En guise de
légèreté, je vous propose à présent de parler de stratégie
d’entreprise.

62
III) Stratégie d’entreprise
Avec la stratégie d’entreprise, on change de registre.
Finis les règles comptables, les obligations légales,
l’empilement consciencieux de tableaux de chiffres. La
stratégie se projette dans le futur, dans d’autres lieux, bref,
on regarde au loin.
Les entreprises évoluent dans un environnement
concurrentiel où celles qui sont le moins performantes
disparaissent. On l’a dit au début : profit is the rule of the
game, d’où la nécessité d’élaborer une stratégie pour faire
face à la compétition.

Pour faire simple, la stratégie consiste à fixer des


objectifs en fonction de l’environnement concurrentiel et
des ressources disponibles dans l’organisation. Ce qui
implique deux choses, moins simples : bien connaître son
entreprise, et bien connaitre son environnement.
Pour bien se connaître, la comptabilité (générale et
analytique) est d’un précieux secours. Pour connaître ce
qui se passe autour de soi, on se lancera dans une étude de
marché, c’est-à-dire qu’on se demandera qui sont les
clients et bien entendu les concurrents potentiels, les
fournisseurs, les distributeurs… et on essayera de chiffrer
le plus précisément possible les différents scénarios
possibles.
Le souci avec la stratégie d’entreprise, c’est qu’on ne
sait jamais trop par quel bout l’attraper. Par où
commencer, quelle progression suivre dans le
raisonnement, comment structurer ses idées ? Afin de
faciliter la vie de l’entrepreneur en herbe, les gestionnaires
ont développé plusieurs outils. Ils ne prétendent pas avoir

63
réinventé l’eau chaude, mais ils permettent de poser ses
idées noir sur blanc. Voyons les plus connus.

1) La matrice SWOT
SWOT, ça vient de l’anglais, ou devrais-je dire de
l’américain, comme la plupart des choses dès qu’on
évolue dans le monde du business. La preuve, on dit plus
souvent business que affaires. Mais passons, SWOT
signifie strenghts, weaknesses, opportunities, threats ce
qui se traduit par forces, faiblesses, opportunités, menaces.
On aurait pu parler de la matrice FFOM, mais avouons
que ça sonne moins bien que SWOT.
La matrice SWOT, donc, a la dégaine suivante :

Positif Négatif
Interne à Forces faiblesses
l’entreprise Matériel récent Endettement élevé
Image positive
Externe à opportunités Menaces
l’entreprise Secteur en Hausse du prix
croissance des fournitures
Aides de l’Etat

Vous avez saisi l’idée, on divise la matrice entre ce qui


est positif ou négatif pour l’entreprise et entre ce qui est
interne ou externe. En italique, j’ai indiqué quelques
menus exemples. En parlant d’exemples, on pourrait s’en
faire un avec une entreprise réelle, aller, au hasard, Coca-
Cola.

64
Coca-Cola Positif Négatif
Interne à Forces Faiblesses
l’entreprise Marque Faible diversification
mondialement
connue
Externe à Opportunités Menaces
l’entreprise Hausse Obésité et toutes les
demande pays lois qui visent à
émergents lutter contre

On aurait certainement pu creuser l’exemple plus en


détail, mais voilà pour les grandes lignes. Rien de bien
compliqué, pas vrai ? Alors passons à la suite.

2) Le modèle des 5+1 forces de Porter


Notez bien que l’on parle du modèle des 5+1 forces de
Porter, pas du modèle des 6 forces de Porter ; que voulez-
vous les stratèges d’entreprise aussi ont leurs petites
manies. Mais il y a malgré tout une explication à cette
étrangeté. Michael Porter, professeur à Harvard et gourou
de la discipline, a inventé un modèle avec 5 forces. Ces
cinq forces visent à représenter l’intensité concurrentielle
sur un marché et les menaces externes qui pèsent sur
l’entreprise. Une sorte de focalisation sur la case
« menaces » de la matrice SWOT si vous préférez voir les
choses ainsi. Les 5 forces qui déterminent l’intensité
concurrentielle sur un marché sont les suivantes :

Le pouvoir de négociation des distributeurs et clients :


on entend par exemple souvent dire que la grande
distribution a un pouvoir énorme dont elle se sert pour

65
essorer les PME ou les agriculteurs, ce serait donc un
point négatif pour lesdits PME ou agriculteurs.

Le pouvoir de négociation des fournisseurs : pour


reprendre le cas de la grande distribution, leurs
fournisseurs ont un pouvoir de négociation limitée
puisqu’ils sont obligés de passer par un petit nombre de
distributeurs pour écouler leurs produits.

La menace de produits de substitution : si vous venez


de découvrir un médicament révolutionnaire, il n’y a pas
de produit de substitution : on prend votre médoc ou on
casse sa pipe, à plus forte raison qu’il est protégé par un
brevet. La situation est différente pour les pâtes et le riz
par exemple, on peut facilement substituer l’un à l’autre si
l’on n’est pas trop difficile. La stratégie de prix devra
naturellement prendre en compte le degré de
substituabilité du produit proposé.

La menace d’entrants potentiels sur le marché : Si on


reprend l’exemple du médicament, il y a peu d’entrants
potentiels car les recherches coûtent cher. On peut même
évincer les potentiels entrants avec des brevets. Mais si
vous ouvrez un restaurant, vous n’êtes pas à l’abri qu’un
concurrent vienne vous faire de l’ombre.

L’intensité de la rivalité entre les concurrents : on se


demande quelle est, dans l’état actuel, l’intensité de la
concurrence sur le marché ? Par exemple pour la SNCF
elle est inexistante puisque l’entreprise est en monopole.
Mais la situation pourrait changer avec l’ouverture prévue
à la concurrence.

66
Par la suite, on a ajouté l’Etat en tant que sixième
force au modèle initial, bien que Porter se soit toujours
opposé à cette évolution qu’il juge inutile. Avec cette
nouvelle force, on se demande si l’Etat et notamment la
législation a un impact fort sur votre activité. Si vous
vendez des cigarettes, les taxes et les images à faire vomir
sur les paquets représentent l’importance de l’Etat ; mais
si vous vendez de chaussettes, la règlementation est
beaucoup moins tatillonne. Voilà pourquoi on continue à
dire le modèle des 5+1 forces, pour laisser la trace de ce
rajout tardif.

Ensuite on numérote chaque force sur une échelle


de 1 à 10, 1 étant l’intensité concurrentielle la plus faible
et 10 la plus forte. On représente le tout dans un
« graphique en toile d’araignée » et plus l’aire représentée
par nos différents points est grande, plus la concurrence
est rugueuse sur le marché étudié. Ci-dessous je vous ai
représenté le graphique en reprenant l’exemple de Coca-
Cola :

67
Pour l’intensité concurrentielle j’ai mis 10 car la
bataille est rude sur le marché des sodas. Le pouvoir de
négociation des fournisseurs est vraisemblablement faible
face à une entreprise qui achète de très grandes quantités.
Le pouvoir de négociation des distributeurs est faible, on
n’imagine mal un supermarché, un bistro ou un restau qui
ne proposerait pas de Coca, même s’ils peuvent opter pour
une autre marque de sodas. La menace de nouveaux
entrants est moyennement élevée, pas que faire du soda
soit plus difficile qu’autre chose, mais en faire sur une
échelle propre à concurrencer Coca-Cola est une autre
paire de manches. Les produits de substitution sont
nombreux au rayon des boissons non-alcoolisées et l’Etat
vient mettre ses pattes dans ce secteur sous forme de lutte
contre l’obésité et de « pour votre santé, mangez au moins
cinq fruits et légumes par jour » en bas des affiches
publicitaires.
Voilà, grossièrement, l’illustration du modèle des 5+1
forces de Porter avec l’exemple de Coca-Cola ; à vous de
vous amuser à compléter le graphique avec d’autres
entreprises…

3) L’analyse PESTEL
L’analyse (ou modèle PESTEL) se situe dans la lignée
des 5+1 forces de Porter. Rien de bien révolutionnaire.
PESTEL n’est le nom de personne, c’est un acronyme,
mais un acronyme en français, chose suffisamment rare
pour être remarquée dans cette discipline. Avec PESTEL,
on se situe sur l’analyse de l’environnement externe à
l’entreprise.

68
Politiques : stabilité gouvernementale, fiscalité,
politique commerciale voire monétaire, politique de
change…
Économiques : où se situe-t-on dans le cycle
économique ? Va-t-on vers une crise ou une période de
prospérité ? Le chômage, l’inflation ou tout autre
variable macro-économique risque-t-elle d’influencer
l’entreprise en bien ou en mal ?
Sociologiques : on s’intéresse à la démographie, à la
mobilité sociale, au niveau d’éducation, aux habitudes
de consommation ou d’épargne…
Technologiques : dépenses publiques de recherche,
anticipation des évolutions technologiques, de
l’obsolescence…
Écologiques : lois sur la protection de
l'environnement, traitement des déchets, l’économie
d’énergie…
Légaux : lois sur les monopoles, sur le travail, les
normes de sécurité, anticipation de la règlementation
future…

Après il faut bien entendu ajuster en fonction de


l’entreprise. Selon que vous soyez Carrefour ou Airbus,
l’aspect technologique ne se pose pas avec la même
insistance. Pour chacun de ses points, vous essayez de
situer votre entreprise, le but étant d’anticiper les tuiles qui
pourraient vous tomber sur la tête ainsi que les
opportunités à saisir.

4) La matrice BCG
Il existe une multitude de modèles, matrices et autres
schémas en stratégie d’entreprise. Car, que voulez-vous, il
faut bien que les consultants diplômés de la Harvard
69
business school trouvent un moyen de justifier leurs
honoraires…
Jetons donc un œil à la matrice BCG. BCG signifie
Boston Consulting Group, un cabinet de conseil américain
mondialement connu et basé, vous l’aurez deviné, à
Boston. Elle est surtout utile pour les groupes présentant
une large gamme de produits ou une forte diversification
de leurs activités. Pour la PME du coin, l’utilité de cette
matrice est plus douteuse. Ce livre a peu de chance d’être
lu par le PDG d’un groupe multinational mais, tradition
oblige, on ne peut décemment pas aborder le thème de la
stratégie d’entreprise sans glisser un mot sur la matrice
BCG.
L’utilité de cette matrice, donc, est de classer les
activités d’un groupe et de réfléchir à leur rentabilité et
aux moyens qu’il faudrait allouer à chacune. Ne faisons
pas durer le suspense plus longtemps, la matrice BCG
ressemble à ça :
élevé

Etoile Dilemme
croissance du
Taux de

marché

faible

Vache à lait Poids mort

élevé faible
Part de marché de l’entreprise

Produits « étoile » : forte part de marché sur un marché


en croissance, nécessité d’investir beaucoup pour
conserver la position de leader et profiter d’un marché
porteur. Exemple des smartphones pour Apple.

70
Produits « dilemme » : marché prometteur mais position
faible. Faut-il investir fortement ou laisser tomber ?
L’entreprise fait face à un dilemme stratégique. Exemple
de Nokia sur les smartphones qui s’est fait voler la
vedette.
Produits « vache à lait » : forte part de marché sur un
secteur arrivé à maturité. Profits élevés mais faible
nécessité d’investir, les profits pourront servir à financer
les produits « étoile ». Exemple des box pour les
opérateurs téléphoniques.
Produits « poids morts » : une faible part de marché sur
un marché peu porteur, il semble judicieux de les laisser
tomber. Ces types de produits sont généralement tombés
dans l’oubli, comme le magnétoscope.

Notre entreprise pourra ainsi positionner ses


différents produits dans la matrice BCG et, à partir du
résultat, décider de ceux sur lesquels elle va mettre le
paquet et ceux qu’elle va abandonner. Une sorte
d’organisation de la stratégie globale du groupe, si vous
préférez.

5) La matrice McKinsey
McKinsey est un autre grand cabinet de conseil. Un
concurrent new-yorkais de BCG. Il se devait lui aussi
d’avoir sa matrice, et de lui donner son nom. J’ai peut-être
l’air un peu satirique comme ça, mais c’est parce-que j’ai
un peu de mal à voir la différence entre les matrices BCG
et McKinsey. Enfin, puisqu’elles sont connues toutes les
deux, je vous en touche un mot, pas avoir l’air de bâcler le
travail. Voilà donc la matrice McKinsey :

71
Position concurrentielle
Forte Moyenne Faible
Investir
Elevé
Maintenir sa Investir
pour
position sélectivement
Attrait du marché

croître
Expansion
Moyen

Investir Rentabilité
limitée ou
sélectivement sélective
récolte
Faible

Protéger et se Rentabilité
Abandonner
re-concentrer sélective

Voilà, à vous de voir mais de mon point de vue on


n’a pas beaucoup progressé par rapport à la matrice BCG.
On se demande toujours quels sont les produits sur
lesquels il faut investir et lesquels il faut abandonner.
Alors je vous propose qu’on ne s’attarde pas trop et qu’on
passe à la suite.

6) La chaine de valeur
Avec la chaine de valeur, on en revient à Porter,
car c’est lui le pape de la discipline. La chaîne de valeur,
ou chaîne de Porter, se présente ainsi :

72
Infrastructure de l’entreprise
Gestion des ressources humaines
Activités
Développement technologique,
de soutien
recherche et développement
Approvisionnements

Marge
Commercialisation
Logistique externe
Logistique interne

Activités
Production
principales

Services
On a différents types d’activités : des activités et vente
principales sur la ligne du bas et des activités de soutien
au-dessus. Il aurait peut-être été plus judicieux de placer
les activités principales en haut, mais c’est ainsi que ce
présente généralement le modèle. Et toutes ces activités
permettent de générer une marge, à droite, que l’on
souhaite bien entendu la plus grassouillette possible.
On ne va pas détailler chacune des activités, seulement
quelques-unes. La logistique interne recouvre le stockage
et le déplacement des marchandises au sein de l’entreprise.
La case « services » correspond aux services associés à la
vente, par exemple l’installation, la formation ou le service
après-vente. Enfin, l’infrastructure de l’entreprise
correspond à toutes les tâches indispensables « de base »,
comme l’administration et la comptabilité.

L’idée de la chaîne de valeur est de voir à quelle étape


de sa production l’entreprise est efficace et crée de la
valeur ou, au contraire, fait exploser les coûts. Pour
chacune des cases on réfléchit à la façon dont ces tâches
73
sont effectuées dans notre entreprise et à la façon dont on
pourrait le faire plus efficacement, par exemple en sous-
traitant. Et on espère que toutes ces cogitations aideront à
augmenter la marge dégagée.

7) Le modèle VIP
Le modèle VIP, j’ai hésité à vous en parler car, vous
allez voir, il est bête comme chou. Mais bon, puisqu’on est
dans la partie sur la stratégie d’entreprise, autant s’y
attarder un peu. Ce modèle a pour seule ambition de poser
les questions fondamentales auxquelles l’entreprise doit
répondre ; questions qui sont faciles à retenir puisqu’elles
correspondent sans surprise à l’acronyme VIP : valeur,
imitation, périmètre.

Valeur : on se demande quelle valeur on cherche à créer


et à vendre ou, pour voir les choses autrement, on répond à
la question « quelle est mon offre ? ». Donc quel modèle
de création de valeur permettrait à l’entreprise de garantir
des profits durables ? Sur quels produits se spécialiser ?
Sur quelle gamme ?

Imitation : on cherche à savoir comment éviter l’imitation


de ce modèle de création de valeur (par exemple à l’aide
de brevets) mais, plus généralement, on se pose la
question de sa différence par rapport à la concurrence.
Pourquoi les clients viendraient chez vous plutôt que chez
le voisin ?

Périmètre : sur quel périmètre développer l’entreprise


(géographiquement et en termes de spécialisation). On
cherche à savoir qui est la cible de l’entreprise : la
ménagère de moins de cinquante ans ? Le jeune cadre
74
dynamique ? L’adolescent boutonneux ? Ou le touriste en
bermuda et chapeau de paille ?

Et, à toutes ces questions, il faut essayer de


répondre succinctement. On n’est pas là pour faire de la
littérature, quelques phrases à chaque fois, juste pour
garder l’essentiel. C’est le but - et la difficulté - de
l’exercice.

Vous l’avez compris, en stratégie d’entreprise il


n’y a pas de réponse définitive, de vrai ou de faux, de noir
ou de blanc. Ce n’est pas une science exacte et rigoureuse.
En un mot : ce n’est pas de la compta. On pourrait débattre
longuement sur le cas de chaque entreprise, les avis
comme les arguments pourraient diverger, c’est d’ailleurs
ce qui fait le charme de la discipline.
N’oublions pas, avant de passer à la suite, que la
stratégie d’entreprise a pour seule prétention d’aider à la
réflexion et à la prise de décision.

75
IV) Les indicateurs de gestion
Après une partie somme toute gentillette sur la
stratégie d’entreprise, on va remettre les mains plus avant
dans le cambouis. Avec les indicateurs de gestion, on est
comme qui dirait dans le prolongement de la comptabilité
analytique que nous avions laissé tout à l’heure. Le but est
toujours de décortiquer l’entreprise dans tous les sens pour
déterminer où sont les coûts, où se forment les profits…
bref, bien connaître son entreprise pour mieux la gérer. On
va commencer par les soldes intermédiaires de gestion.

1) Les soldes intermédiaires de gestion


Les soldes intermédiaires de gestion sont une série
d’indicateurs financiers qui permettent de détailler la
formation du résultat dans une entreprise. Il n’est pas
obligatoire de les calculer (pas exigés par le fisc
notamment) car rappelez-vous que l’on navigue du côté de
la comptabilité analytique dans cette partie. Ils sont
principalement construits à partir du compte de résultat et
reflètent donc l’activité de l’entreprise sur un exercice.
Les soldes intermédiaires de gestion se calculent « en
cascade », c’est-à-dire que l’on part des soldes les plus
larges pour affiner de plus en plus au fur et à mesure
jusqu’à arriver au résultat. Explications.

Pour les entreprises de distribution on commence par


calculer la marge commerciale qui se calcule : vente de
marchandise – coût d’achat des marchandises vendues
(c’est-à-dire le prix des marchandises plus les frais de port
éventuels).

77
A chaque fois on accompagnera la définition d’un petit
exemple en italique pour éviter de le confondre avec le
reste :

L’entreprise x a une activité commerciale. Elle a


acheté pour 10 000 au cours de l’exercice et a vendu pour
25 000. Marge commerciale : 25 000 – 10 000 = 15 000
(je n’indique pas d’unité à mes chiffres, vous pouvez
considérer que ce sont des euros, des dizaines, centaines
ou milliers d’euros ou même des millions d’anciens francs
si ça peut vous faire plaisir !)

Dans le cas d’une entreprise industrielle il est plus


pertinent de commencer par s’intéresser à la production
de l’exercice : production vendue + ou – production
stockée
Une production vendue de 100 et un stock qui
augmente de 10 indique une production de 110. Logique,
car si le stock augmente c’est que l’on a produit plus que
l’on a vendu. A l’inverse une production vendue de 100 et
un stock qui a baissé de10 signifie que la production n’a
été que de 90.

Attention au passage à l’évaluation de cette


production, car la production vendue est évaluée au prix
de vente alors que la production stockée est évaluée au
coût de production, et il peut y avoir une différence entre
les deux. Mais on reparlera de ces choses-là (notamment
de l’évaluation des stocks) un peu plus tard.

L’entreprise x a aussi une activité industrielle en plus


de son activité commerciale. Au cours de l’exercice elle a
vendue pour 20 000 et son stock a augmenté de 2 000.
Production de l’exercice = 22 000
78
Ensuite on trouve la valeur ajoutée. Très important, la
valeur ajoutée. C’est en ajoutant toutes les valeurs ajoutées
de toutes les entreprises d’un pays que l’on calcule le
fameux PIB (produit intérieur brut) dont la variation nous
donne la tout aussi fameuse croissance économique. Où
l’on voit que gestion d’entreprise et macro-économie sont
moins loin qu’il n’y paraît. La valeur ajoutée, donc, se
calcule de la façon suivante : marge commerciale +
production de l’exercice – consommation en provenance
de tiers (matières premières, électricité, papier pour
l’imprimante…).
Dans les activités de services, majoritaires dans
l’économie, on peut aborder la valeur ajoutée d’une façon
plus parlante en faisant : chiffre d’affaires – valeur des
achats faits pour exercer l’activité (marchandises, matières
premières, autres services…)

Notre entreprise x a consommé pour 1 000


d’électricité, 10 000 de matières premières et 1 000
d’essence.
Valeur ajoutée : 15 000 + 22 000 – 1 000 – 10 000 –
1 000 = 25 000

On continue de dérouler et on arrive à l’EBE


(excédent brut d’exploitation), parfois connu sous le doux
nom de « marge opérationnelle », qui est parfois assimilé à
l’EBITDA, son quasi-équivalent anglais (earnings before
taxes, depreciation and amortization).
EBE = Valeur ajoutée – salaires + subventions
éventuelles – impôts sur la production (taxes foncières
notamment, attention, ce n’est pas l’impôt sur les
sociétés).

79
L’entreprise x a payé 12 000 de salaires et reçu 1 000
de subventions
EBE : 25 000 – 12 000 + 1 000 = 14 000

Ensuite on trouve le résultat d’exploitation. Vous


avez compris la logique, on part du solde précédent et on
ajoute ou soustrait quelque-chose.
Le résultat d’exploitation est donc : EBE – dotation
aux amortissements.

Ce qui nous amène à expliquer la notion


d’amortissement. L’idée de l’amortissement est de prendre
en compte l’usure du matériel. Car, puisque le matériel
s’use, il faut passer chaque année une dotation aux
amortissements qui est, disons les choses trivialement, de
l’argent mis de côté pour racheter du matériel quand celui
que l’on utilise sera déglingué. Si par exemple une
machine qui vaut 100 a une durée de vie de 10 ans, on
prend en compte une charge de 10 chaque année que l’on
appelle dotation aux amortissements. Ainsi, au bout de 10
ans on dispose à nouveau de l’argent nécessaire à l’achat
d’une nouvelle machine.
Une autre façon de considérer le résultat
d’exploitation est de dire qu’il correspond aux produits
d’exploitation – les charges d’exploitation, mais je n’entre
pas dans ces détails.

Notre bonne vieille entreprise x a passé des dotations


aux amortissements à hauteur de 1 000. Résultat
d’exploitation = 14 000 – 1000 = 13 000

On commence à voir le bout lorsqu’on arrive au


résultat courant avant impôt. Il se compose du résultat
d’exploitation + produits financiers – charges financières.
80
Les produits financiers sont des gains tirés d’éventuels
placements financiers et les charges financières sont, vous
l’aurez deviné, de l’argent qu’on a payé par exemple sous
forme d’intérêts à la banque.
On aurait pu prendre un chemin légèrement détourné
en calculant le résultat financier qui correspond aux
produits financiers – les charges financières. Ensuite de
quoi on aurait plus qu’à faire : résultat courant avant
impôt = résultat d’exploitation + résultat financier.

L’entreprise x a perçu 1 500 d’intérêts sur des


placements et a payé 2 500 d’intérêts à la banque.
Résultat courant avant impôt = 13 000 + 1 500 – 2 500 =
12 000

Puis on arrive au résultat exceptionnel = produits


exceptionnels (exemple : vente d’un bâtiment) – charges
exceptionnelles (exemple : frais de déménagement)
Ici c’est bien le caractère exceptionnel qui nous
intéresse. La définition du terme « exceptionnel » peut être
source de bien des prises de tête, mais l’idée est assez
intuitive, c’est ce qui ne rentre pas dans l’activité normale
de l’entreprise. La vente d’un bâtiment n’est pas une
activité normale, sauf bien sûr si vous êtes une entreprise
immobilière. Ce qui permet de voir que l’exceptionnel
n’est pas identique pour tout le monde. Autre exemple : se
prendre une amende est une charge exceptionnelle. Et
pour tout le monde, car on ne connait toujours pas de
secteur (légal) spécialisé dans la fraude et l’infraction.

L’entreprise x a subi des charges exceptionnelles à


hauteur de 2 000. Résultat exceptionnel (qui serait plutôt
dans ce cas une perte exceptionnelle) = -2 000.

81
Enfin nous bouclons la boucle en arrivant au résultat
de l’exercice. On prend le résultat courant avant impôt +
le résultat exceptionnel – l’impôt sur les sociétés –
participation des salariés et, hop ! on obtient notre résultat.
Pour obtenir le montant d’impôt sur les sociétés on
multiplie le résultat courant avant impôt par le taux
d’impôt sur les sociétés, à savoir 331/3%. Remarquez la
notation : 331/3. Le taux d’impôt sur les sociétés représente
un tiers du résultat courant avant impôt, noter 33,33%
serait donc inexact puisque 33,33% ne représente pas tout
à fait un tiers. C’est pourquoi on dit « trente-trois un
tiers », avec cette notation surprenante. La participation
des salariés, c’est par exemple les plans d’épargne
salariale.

Calculons le résultat de notre entreprise x en


supposant qu’il n’y ait pas de participation des salariés.
On a: 12 000 (résultat courant avant impôt) – 2 000
(résultat exceptionnel) – 4 000 (12 000*0,331/3 soit
résultat courant avant impôt multiplié par le taux d’impôt
sur les sociétés) = 6 000

Nous voilà arrivé au bout de nos peines. Le résultat de


l’entreprise pourra être distribué aux actionnaires sous
forme de dividendes ou bien conservé à l’intérieur de
l’entreprise. Il est bien évidement des cas où l’entreprise
subit des pertes plutôt que de dégager un bénéfice
grassouillet, mais ne parlons pas de choses qui fâchent.

Les soldes intermédiaires de gestion, par leur caractère


« pas à pas », permettent de voir à quel niveau l’entreprise
réalise des gains et/ou des pertes. Et c’est très important
car une entreprise peut gagner (ou perdre) de l’argent à des
étapes inattendues. Les soldes, seuls, perdent une bonne
82
partie de leur intérêt. Mais en les comparant à des
entreprises semblables ou à la moyenne du secteur on
verra mieux où l’on se situe et surtout à quel niveau de
notre activité se situent nos forces ou nos faiblesses
(information que l’on pourra réutiliser dans la matrice
SWOT par exemple). Pour faciliter les comparaisons entre
entreprises, on exprime parfois ces différents soldes en
pourcentage du chiffre d’affaires.

2) L’analyse financière
L’analyse financière, disons que ça consiste en
l’analyse méthodique de la situation financière d’une
entreprise (mais on pourrait faire la même chose pour un
Etat, une personne physique ou un projet particulier). Le
but de cette analyse est de fournir, à partir de différentes
sources d’information, une vision de l’entreprise qui fasse
ressortir sa situation financière réelle. On se situe donc
clairement dans le prolongement de la comptabilité
analytique, seulement qu’en analyse financière, on va
élargir le champ d’étude.
L’analyse financière peut être utile pour tout un tas de
choses, par exemple évaluer la solvabilité d’une entreprise
(c’est-à-dire sa capacité à rembourser ses dettes), le
dirigeant comme le banquier pourront ainsi savoir quelle
quantité de dette l’entreprise peut supporter. On peut aussi
l’utiliser pour évaluer la valeur d’une entreprise. Dans le
cas d’une introduction en bourse, d’un achat ou d’une
vente d’actions par exemple, il faut bien avoir une idée de
ce que valent les actions qu’on est en train d’échanger, on
en reparlera. Et pour ça, lecteur attentif, il faut se plonger
dans l’analyse financière.

83
Une analyse financière nécessite une étude
approfondie de l’entreprise et de son environnement à
partir de différentes sources :

Comptable : étude des documents comptables (bilan,


compte de résultat), de la comptabilité analytique, en un
mot une analyse interne à l’entreprise.
Analyse comparative : comparaison des informations
internes à l’entreprise (bilan, compte de résultat, des
soldes intermédiaires de gestion…) avec d’autres
entreprises comparables pour savoir comment l’entreprise
se situe par rapport à la concurrence. Pour évaluer la
solvabilité ou la valeur des actions d’une entreprise, il faut
bien se demander si elle ne va pas se faire croquer par la
concurrence incessamment sous peu…
Analyse économique : analyse de l’environnement
général de l’entreprise, des risques et des menaces
potentielles dans le futur. Là, vous l’avez compris, on se
rapproche de notre bonne vieille matrice SWOT ; on lève
le nez pour voir ce qui se passe ailleurs mais aussi pour
essayer de se projeter dans le futur.

L’analyse financière, vous l’aurez compris car on l’a


déjà dit mais on le répète car c’est important, ne se
contente donc pas d’étudier uniquement l’entreprise et son
activité, mais aussi les évolutions possibles de
l’environnement qui l’entoure.
Prenons l’exemple d’une entreprise qui fabrique du
matériel gériatrique. Ça ne va pas fort et les comptes ne
sont pas brillants. Une analyse uniquement comptable,
donc tournée vers le passé, conduirait à un diagnostic bien
pessimiste. Mais en analyse financière, on va fouiner
ailleurs. Et en fouinant, on apprend que la population est
en train de vieillir, et même qu’elle va vieillir de plus en
84
plus. Comme le nombre de vieux - pardon, de personnes
âgées - va augmenter, le nombre de clients potentiels va
augmenter également puisque notre entreprise est
spécialisée en gériatrie. L’analyse financière va donc
révéler un futur beaucoup moins sombre qu’il n’y parait,
et peut-être même qu’il peut se révéler fort judicieux
d’investir dans une entreprise qui ne marche pas fort en ce
moment mais qui a de belles opportunités de croissance.

L’analyse financière se divise donc en deux temps : un


approfondissement de l’analyse interne de l’entreprise puis
une étude de son environnement. L’analyse externe, on en
avait déjà parlé dans la partie sur la stratégie, on ne va pas
y revenir. Mais approfondissons l’analyse interne.

3) L’analyse interne
En plus des comptes annuels et des soldes
intermédiaires de gestion que nous avons vus dans les
pages précédentes, l’entreprise peut calculer d’autres
indicateurs pour avoir une meilleure vision de sa situation
financière. Voyons-en quelques-uns.

a) La capacité d’autofinancement

Abrégée en CAF, à ne pas confondre avec la caisse


d’allocations familiales…rien à voir !
La CAF est une ressource interne dégagée par
l’entreprise. Elle correspond au montant d’argent qui reste
dans l’entreprise à la fin de l’exercice. Elle se calcule :

CAF = résultat net + dotations aux amortissements +


provisions
85
Vite, une définition. Pas des dotations aux
amortissements, on en a déjà parlé, je vais pas passer ma
vie à me répéter, mais on n’a encore jamais rencontré ce
terme de provisions. Si une entreprise pense qu’elle aura
une charge dans le futur, elle doit dès maintenant
comptabiliser cette charge et mettre la somme
correspondante de côté, c’est ça une provision.
Et cette démarche très petit-écureuil-prévoyant n’a rien
de facultatif, c’est une obligation. Petit exemple : un
procès est en cours que l’entreprise a de grandes
« chances » de perdre l’an prochain et de se ramasser une
prune de 100 000€. Elle doit dès à présent comptabiliser
une charge appelée provision et mettre 100 000€ de côté.
Son résultat sera donc diminué desdits100 000€.

La CAF, on l’utilise généralement pour juger de la


capacité d’une entreprise à rembourser ses dettes ;
autrement dit pour estimer sa solvabilité, apprenons à
utiliser le vocabulaire technique. On scrute notamment le
ratio dettes/CAF. Un ratio, inutile de le préciser, est un
rapport entre deux grandeurs que l’on souhaite comparer
en divisant l’une par l’autre.

Exemple : au cours de l’exercice, l’entreprise Y a


dégagé un résultat net de 100 000€. Vous excuserez au
passage mon manque d’imagination, après l’exemple de
l’entreprise X je n’ai pas trouvé mieux que l’entreprise Y ;
dans le prochain exemple l’entreprise s’appellera-t-elle Z ?
Le suspense est intenable ! Notre entreprise Y donc a, en
plus de son résultat net de 100 000€, comptabilisé des
dotations aux amortissements pour 10 000€ et une
provision pour 5 000€. Le montant de ses dettes est de
345 000€. Allez, calcule-moi le ratio dette/CAF, et que ça
saute !
86
Tout le monde aura trouvé une CAF de 115 000€
(détail : 100 000 + 10 000 + 5 000 = 115 000) et un ratio
dette/CAF de 3 (détail : 345 000 / 115 000 = 3)
Nous avons notre beau chiffre : 3. Il convient
désormais de l’interpréter. Rien de plus facile, cela signifie
simplement que notre entreprise pourra rembourser ses
dettes en 3 ans.

La CAF, on l’aura compris, est très utilisée dès qu’il


est question d’endettement. En général, les banques sont
prêtes à prêter une somme dont le remboursement annuel
représente au maximum la moitié de la CAF. Un petit
exemple, vous ne pensiez tout de même pas que vous
alliez y couper ? Une entreprise (à laquelle je ne donne pas
de nom…) veut emprunter 1 million remboursable en dix
ans. Soit un remboursement de 100 000 par an. La banque
lui prêtera cette somme si sa CAF est d’au moins
200 000€, pigé ?

b) Le fondS de roulement

Tout le monde aura remarqué la majuscule finale.


Car fonds de roulement, fonds de commerce, Fonds
Monétaire International prennent tous un « s ». L’oublier
reviendrait à toucher le fond du fond (pardon pour le jeu
de mots facile).
Le fonds-avec-un-s de roulement, donc, correspond
à la différence entre les ressources stables et les emplois
stables. Autrement dit :

Fonds de roulement = ressources stables (à plus


d’un an) – emplois stables (à plus d’un an).
87
Stable, on l’aura compris, est lié à la longévité.
Une dette avec une maturité inférieure à un an ou un stock
de matière première ne sont pas considérés comme stables,
on dit qu’ils sont circulants car ils n’ont pas vocation à
rester plus d’un an dans l’entreprise. A la différence d’un
bâtiment ou d’un camion par exemple, on anticipe qu’ils
seront toujours là l’année prochaine.
Reste à décortiquer ces notions d’emploi et de
ressource. Ici, on raisonne dans le bilan, d’où l’intérêt
d’avoir bien intégré les parties précédentes, l’ordre de
progression n’est pas (complètement) aléatoire. Rappelez-
vous le bilan, on avait l’actif et le passif. Et bien le passif
correspond aux ressources, c’est des moyens de
financement qui vont permettre à l’entreprise de
fonctionner. L’actif c’est le volet emploi, ou comment
l’entreprise a employé ses ressources ? Vous comprendrez
mieux dans l’exemple qui va suivre.
Mais avant l’exemple, voici une autre façon de
considérer le fonds de roulement, identique à la
précédente :
Fonds de roulement = (capitaux propres + dettes à
plus d’un an) – immobilisations (actif durable comme une
usine, une machine, un camion).

Les capitaux propres et les dettes à plus d’un an


sont une ressource stable et les immobilisations, ayant une
maturité supérieure à un an, sont des emplois stables, on
retombe bien sur la formule précédente : ressources stables
– emplois stables.

Eclairons tout ceci avec un exemple : une


entreprise a des capitaux propres d’une valeur de
200 000€, des dettes à échéance 5 ans pour 100 000€ et
des dettes à échéance 6 mois pour 10 000€. Elle possède
88
un hangar pour 80 000€, une machine de 120 000€, un
camion de 50 000€ et un stock de matières premières
nécessaires à la production de 60 000€.
On dresse le bilan de notre entreprise : un peu de
révision ne fait jamais de mal.

Actif Passif
Actif immobilisé (+ 1 an) : Capitaux propres : 200 000
Hangar 80 000 Dettes à 5 ans : 100 000
Machines 120 000 Dettes à 6mois : 10 000
Camion 50 000
Actif circulant (- 1 an) :
Matières premières 60 000
Total : 310 000 Total : 310 000

On a bien total actif = total passif donc on peut


raisonnablement croire qu’on ne s’est pas planté. Dans le
cas du fonds de roulement, on va s’intéresser aux emplois
et ressources durables, donc ayant une maturité supérieure
à un an qui, vous l’avez peut-être remarqué, se situent en
haut du bilan. C’est pourquoi on parle d’analyse de haut
de bilan. Mais reprenons la formule du fonds de
roulement : ressources stables – emplois stables. Dans
notre cas on a :

Fonds de roulement = ressources stables (200 000


+ 100 000) – emplois stables (80 000 + 120 000 + 50 000)
= 50 000€

Un fonds de roulement positif indique que


l’entreprise a de manière durable des ressources pour faire
face aux dépenses courantes. A l’inverse, un fonds de
roulement négatif ou nul indique que l’entreprise doit
financer ses dépenses courantes avec des dettes à court
89
terme ou en puissant dans son épargne. C’est une situation
dangereuse car l’entreprise peut être mise en difficulté en
cas de dépense imprévue.
Prenons l’exemple d’une jeune entreprise en forte
croissance qui investit lourdement. Elle achète plein de
nouveau matériel et a tout pour réussir à l’avenir.
Seulement elle a oublié un détail : ses investissements ne
génèreront d’importantes rentrées d’argent que dans
plusieurs années. D’ici-là, elle a massivement recours à la
dette à court terme. Son fonds de roulement est donc
clairement négatif et, bien qu’ayant un avenir radieux si
l’on regarde le futur sur plusieurs décennies, notre
entreprise risque de se retrouver à sec à court terme. On a
vu des entreprises couler pour ne s’être pas suffisamment
préoccupé de leur fonds de roulement.

Pour prendre une comparaison un peu cavalière,


c’est un peu comme une personne qui s’endetterait
jusqu’au cou pour se payer des études très chères de façon
à accroitre ses revenus à long terme, mais qui oublierait de
se demander comment il va manger et se loger demain. On
peut également penser à la célèbre citation de John
Maynard Keynes « à long terme, nous serons tous morts ».
En un mot, ne jamais oublier les besoins financiers de
court terme ; ne pas oublier le fonds de roulement.
c) Le besoin en fonds de roulement

Puisqu’on en est au fonds de roulement, autant faire un


pas de plus pour arriver au besoin en fonds de roulement
(ou BFR). Le besoin en fonds de roulement correspond à
la différence entre les besoins et les ressources engendrées
par le cycle d’exploitation.

90
Prenons l’exemple d’une entreprise qui fabrique des
stylos qu’elle vend à Carrefour qui la paie à 3 mois (c’est-
à-dire trois mois après la livraison), pratique courante qui
fait régulièrement râler les entreprises industrielles mais là
n’est pas la question. Pour produire, l’entreprise a dû
engager des dépenses (salaires, matières premières…), il y
a donc un décalage temporel entre le moment où
l’entreprise dépense de l’argent et le moment où elle en
gagne : c’est le besoin en fonds de roulement.

Besoin en fonds de roulement = créances client –


dettes fournisseur

Une créance c’est quand on nous doit de l’argent,


l’inverse d’une dette en quelque sorte. Notre entreprise a
donc des créances sur ses clients (puisqu’on a dit que
Carrefour lui doit de l’argent qui lui sera payé dans 3
mois) et des dettes fournisseurs puisque l’entreprise de
stylo va elle aussi demander à ses fournisseurs des délais
de paiement.
Si on met des chiffres sur notre exemple, on peut dire
qu’aujourd’hui l’entreprise de stylos précédente a fabriqué
et vendu pour 100 000€ à Carrefour qui lui seront payés
dans trois mois et a payé ses fournisseurs le jour même.
Besoin en fonds de roulement = 100 000 – 0 = 100 000€
L’entreprise a pendant trois mois un « trou » de
100 000€ à combler.

Reprenons le même exemple mais en supposant


désormais que l’entreprise paye ses fournisseurs pour une
montant de 50 000€ à trois mois.

BFR = 100 000 – 50 000 = 50 000

91
Dans ce cas le besoin en fonds de roulement est plus
faible puisque, lorsque l’entreprise sera payée par
Carrefour, elle paiera directement ses fournisseurs. Il n’y a
donc moins de décalage, de « trou » entre ses entrées et
ses sorties d’argent.

Dans la plupart des cas, les entreprises présentent un


besoin en fonds de roulement ; Elles doivent l’anticiper et
se préoccuper de savoir comment elles le financeront. Il
peut être comblé à l’aide du fonds de roulement, de crédits
bancaires ou de la trésorerie de l’entreprise.

d) ROA et ROE

ROA (return on assets) et ROE (returns on equity),


soit la rentabilité des actifs et la rentabilité des capitaux
propres, donnent des indications sur l’efficacité avec
laquelle une entreprise utilise ses actifs et ses capitaux
propres pour générer du résultat.
Commençons, par le ROA, quoique l’ordre n’ait pas
d’importance. Il se calcule :

ROA = résultat net / total actif

Pour avoir un résultat en pourcentage, on fait souvent :

ROA = (résultat net / total actif) × 100

Le résultat net, on en a déjà parlé, c’est celui que l’on


trouve dans le compte de résultat et à la fin des soldes
intermédiaires de gestion. Et le total des actifs correspond
à la colonne de gauche du bilan qui, rappelons-le, est égale
à la colonne de droite (passif).

92
En moyenne, on considère que le ROA commence à
être élevé à partir de 10%, c’est-à-dire qu’avec 100€ d’actif
on parvient à générer 10€ de résultat. Ce chiffre peut
cependant varier fortement selon les secteurs, car certains
secteurs nécessitent plus d’investissements que d’autres,
affectant le total de l’actif et donc le ROA.

Le ROE est assez proche du ROA à ceci près qu’il se


concentre sur les capitaux propres :

ROE = (résultat net / capitaux propres) × 100

Les capitaux propres correspondent à l’argent apporté


par les actionnaires. On se demande donc avec quelle
efficacité les capitaux investis permettent de générer du
résultat. En moyenne (car là aussi il faudrait distinguer
selon les secteurs) le ROE commence à être élevé à partir
de 15%.
En comparant leur ROA et ROE avec la moyenne de
leur secteur d’activité, les entreprises pourront estimer leur
efficacité à utiliser leurs actifs et leurs capitaux propres.

Attardons-nous un peu sur la différence entre ROA et


ROE. Tous deux considèrent le résultat net au numérateur,
mais les différences apparaissent au dénominateur. Le ROA
se base sur l’actif, alors que le ROE s’intéresse uniquement
aux capitaux propres. La différence entre les deux est la
dette. Rappelons en effet la structure simplifiée du bilan :

Actif Passif
(ROA) Capitaux propres (ROE)
Dette

93
L’actif est égal au passif, qui se divise entre capitaux
propres et dette. Il est logique que le ROA soit inférieur au
ROE puisque dans un cas (ROA) le dénominateur inclus
les dettes, ce qui n’est pas le cas du ROE.
La différence entre ROA et ROE peut être représentée
par l’effet de levier, c’est-à-dire l’utilisation par une
entreprise de la dette pour dégager du résultat.

Effet de levier = actif total / capitaux propres

On peut dire que ROE = ROA × effet de levier

En effet, on peut réécrire cette équation bien


proprement :

résultat net résultat net actif total


= ×
capitaux propres actif total capitaux propres

En supprimant l’actif total, dans la partie droite de


l’équation (car on a une multiplication et que l’actif total
est une fois au numérateur et une fois au dénominateur),
on trouve :

Résultat net / capitaux propres = résultat net / capitaux


propres

(Que je n’écris pas avec les belles équations de


Word car dans ce cas la police est imposée et moche, mais
dans celle d’avant je voulais juste faire clairement
apparaître que l’actif total était un coup au dénominateur
et un coup au numérateur et que donc il pouvait se
simplifier)

94
On retombe bien sur nos pieds ! Tout ça pour montrer
que la différence entre ROA et ROE réside dans
l’endettement. Une différence importante entre ROA et
ROE indique un fort recours à l’effet de levier, donc une
dette élevée, et les risques qui vont avec. Il est intéressant
de regarder les évolutions dans le temps de ces rapports,
s’ils s’écartent de plus en plus, cela indique un
endettement croissant, ce qui doit mettre la puce à
l’oreille.

4) Les charges

On a déjà croisé ce terme de charge, mais on n’a


pas pris le temps de le décortiquer plus en détail.
Remédions rapidement à cet oubli. Une charge est une
diminution du résultat de l’entreprise et donc un
appauvrissement de son patrimoine. Le contraire d’un
produit, en somme. Une autre façon de dire les choses est
qu’une charge correspond à une somme versée par
l’entreprise.
Et la différence entre une charge et un coût ? Et
bien un coût est plus général, il englobe plusieurs charges.
Par exemple le coût de la production représente
l’ensemble des charges supportées par l’entreprise
(salaires, approvisionnements, fournitures…).
Nous avons déjà vu les charges d’exploitation,
financières et exceptionnelles. Voyons à présent les
charges opérationnelles et de structure.

Charge opérationnelle (ou charge variable) : charge dont


le montant varie en fonction du volume d’activité.
Charge de structure (ou charge fixe) : charge qui ne
varie pas en fonction du volume d’activité.

95
Vous voyez la différence, la charge variable varie
en fonction du volume de production. La charge fixe reste
fixe quel que soit le montant produit ; facile, hein ? Pour
faire la différence il faut se demander : si l’entreprise
produit une unité de plus de façon exceptionnelle, cette
production entrainera-t-elle des charges supplémentaires ?
Si oui, c’est une charge variable, si non, c’est une charge
fixe.
Petit exemple pour finir. L’achat d’une machine est
une charge fixe, car il faudra la payer qu’on l’utilise ou
non. Vous allez me dire que si on produit beaucoup plus il
faudra acheter une nouvelle machine, donc c’est une
charge variable. Et bien non car la différence entre charge
fixe et variable se fait à la marge : si je produis une unité
supplémentaire à titre exceptionnel, est-ce que mes
charges augmentent ? Et on ne rachète pas une nouvelle
machine pour une seule unité, donc charge fixe. Par
contre, l’électricité pour faire tourner la machine en
question est, elle, une charge variable car il faudra
augmenter la consommation d’énergie pour produire une
nouvelle unité ; pas d’alternative à ça.

5) Les marges
Une marge est un écart entre des produits et des
charges. Très utiles, les marges, car c’est elles qui
permettent de savoir ce qui vous reste dans la poche après
avoir produit. Il en existe beaucoup parmi lesquelles la
marge commerciale qui correspond, pour un distributeur, à
l’écart entre le prix de vente et le prix d’achat des
marchandises vendues. La marge brute représente, pour

96
une activité industrielle, l’écart entre le prix de vente et le
coût de fabrication.

Mais une marge exprimée brute de décoffrage en euros


n’est pas très parlante. Calculer de taux de marge est plus
intéressant. Ce taux de marge peut être appréhendé sous
plusieurs angles, il nous faut préciser.
En comptabilité on considère le taux de marge comme
étant l’excédent brut d’exploitation (EBE) divisé par la
valeur ajoutée (VA). Retour en arrière pour ceux qui ont
oublié ce que signifient ces termes barbares. Donc :

Taux de marge = (EBE/VA) × 100

On obtient ainsi le partage de la valeur ajoutée


puisque, pour trouver l’EBE on a retiré les salaires et
impôts sur la production. Il est cependant différent du taux
de profit puisqu’on n’a pas encore retiré l’amortissement,
les intérêts et l’impôt sur les sociétés.

En gestion, on considère plutôt le taux de marge


comme étant le pourcentage que l’entreprise garde dans sa
poche sur une activité commerciale. On a :

Taux de marge = (Marge commerciale/Prix d’achat


des marchandises vendues) × 100

Petit exemple d’une entreprise qui achète une


marchandise 8 pour la revendre 10. Son taux de marge
est : [(10-8) / 8] × 100 = 25%, tout le monde avait trouvé
le bon résultat ?
Ce taux de marge est beaucoup plus intéressant que la
seule marge commerciale de 2€, car il est comparable avec
d’autres entreprises et d’autres secteurs. On peut donc,
97
chiffres à l’appui, réclamer à grands cris des avantages
fiscaux sur les plateaux télé sous prétexte que la marge de
notre secteur se réduit comme peau de chagrin et menace
des milliers d’emplois, etc, etc…

6) Seuil de rentabilité et point-mort


Seuil de rentabilité et point mort recouvrent la même
idée : à partir de quel seuil une entreprise devient-elle
rentable ? Des questions capitales pour que l’entreprise
puisse décider de son volume de production.
Le seuil de rentabilité correspond au volume d’activité
minimum à partir duquel une entreprise commence à
dégager un bénéfice. Le point mort est le volume
d’activité pour lequel l’entreprise réalise un profit nul,
c'est-à-dire que l’ensemble des charges = ensemble des
produits.

On peut exprimer le seuil de rentabilité et le point mort


en volume de production (unité, kg, euros…) mais aussi
en année : quel est le nombre d’années d’activité à partir
duquel l’entreprise commence à réaliser un profit ?

Vous commencez à saisir la logique, on va développer


un petit exemple. Un petit exemple un peu matheux, ça
nous changera de la prose. Ne partez pas en courant tout
de suite, ce sera tout au plus des maths de collégien.

On a donc une entreprise dont la fonction de résultat


peut s’exprimer par :
Résultat = 3x - 2x - 5

98
Avec 3x les produits, 2x les charges variables, 5 les
charges fixes et x la quantité produite.
On cherche, vous l’aurez compris, à déterminer le point
mort. C’est-à-dire qu’on cherche à savoir pour quel
volume de production le résultat est nul, autrement dit
pour quelle valeur de x notre fonction est égale à 0.
En langage plus matheux on cherche à résoudre
l’équation :

3x – 2x – 5 = 0

Que l’on peut réécrire x – 5 = 0 puisque 3x – 2x = x.

Ensuite on se souvient de l’âge des culotes courtes. On


cherche à avoir x égal un chiffre. Si j’ajoute 5 des deux
côtés du signe égal j’obtiens :

x -5 +5 = 0 + 5

Soit x = 5

Le point mort est atteint quand x = 5, donc quand elle


produit 5 l’entreprise réalise un profit nul. Pour un volume
de production inférieur à 5, l’entreprise réalise une perte,
pour une production supérieure à 5 elle réalise un profit
qui va toujours croissant car ma fonction de résultat est
très simpliste.

Aller, petite question, quel est le résultat pour une


production de 10 ?
On reprend notre fonction de résultat 3x - 2x – 5 et on
remplace x par 10, ce qui nous donne :
3×10 – 2×10 – 5 = 30 – 20 – 5 = 5
99
Donc si l’entreprise produit (et vend) 10 unités elle
réalise un profit de 5.

Si on avait voulu s’amuser un peu plus, on aurait pu


représenter la fonction dans un graphique et observer le
point mort et le seuil de rentabilité par lecture graphique.
Si on avait voulu s’amuser encore plus, on aurait choisi
une fonction plus coriace, que l’on aurait dérivée pour voir
le volume de production pour lequel l’entreprise réalise le
profit maximal et la perte la plus lourde. Mais tout ceci
aurait fait fuir 99% des lecteurs, aussi je m’empresse de
passer à la suite…

100
V) La culture d’entreprise
1) Qu’est-ce que la culture d’entreprise ?
On va essayer d’alterner : une partie un peu scolaire
suivie d’une partie plus ludique. Après la technicité des
indicateurs de gestion, on va parler un moment de culture
d’entreprise. Car une entreprise, comme une personne, un
pays, une région ou une profession a une culture qui lui est
propre. C'est-à-dire des codes (vestimentaires, façons
d’être, de parler, organisation interne et hiérarchique, etc)
qui peuvent fortement varier d’une entreprise à l’autre.
On peut dire que la culture d’entreprise représente
l’ensemble des éléments spécifiques qui expliquent les
bases du fonctionnement de l’entreprise. On présente
parfois la culture d’entreprise comme son capital
immatériel, puisqu’il n’est ni visible ni inscrit dans les
comptes.

C’est le genre de truc auquel on pense rarement, mais


chaque entreprise a une culture propre, plus ou moins
marquée, parfois implicite mais parfois explicite (charte,
règlement intérieur, etc). Cette culture d’entreprise peut
avoir différentes composantes et racines.

On pense à l’histoire, bien sûr. Exemple de Saint-


Gobain, entreprise de verre et matériaux de construction,
dont les origines remontent à Louis XIV quand il a fallu
créer une entreprise capable de fabriquer les matériaux
pour la Galerie des Glaces de Versailles.
L’histoire, ce peut aussi être des grands hommes qui
ont fondé et/ou marqué l’entreprise, comme Thomas
Edison (fondateur de General Electric), Henri Ford (de la
101
marque automobile homonyme) ou Steve Jobs avec Apple.
Parfois, cette histoire est ouvertement mise en avant quand
une entreprise crée un musée dont le prix du ticket payé
par les visiteurs ne couvre évidemment pas le coût de la
construction et de l’entretien. Exemple du musée Ferrari à
Modène, du côté de Bologne. Ou des marques de luxe qui
se placent délibérément dans la continuité d’une histoire
prestigieuse pour motiver leurs employés comme leurs
clients.

La culture d’entreprise peut aussi être incarnée par des


rites qui peuvent revêtir plusieurs formes : festivités
annuelles, manière originale d’intégrer les nouveaux
employés, présentation de nouveaux produits lors de
grand-messes à la mode Apple.

Les marques sont bien entendu un vecteur de culture,


ce sont elles qui donnent à l’entreprise son nom et ses
valeurs. Chez BNP Paribas, la réceptionniste a une veste
verte, car c’est la couleur de la maison. Le rouge, ce serait
plutôt la Société Générale, attention à ne pas confondre…

Rejoignant ce qu’on a dit avant, l’entreprise peut avoir


des « héros ». On pense bien entendu à Steve Jobs, qui
crée Apple, puis se fait virer, puis est rappelé et redresse
l’entreprise. Mais le héros n’est pas nécessairement le
dirigeant, cela peut aussi être un salarié particulièrement
méritant. Pour prendre un exemple bien peu capitaliste, il
y a bien sûr Stakhanov, ce mineur soviétique qui était
devenu un symbole pour avoir, soi-disant, extrait bien plus
de charbon que ses petits copains.

Des croyances collectives peuvent animer l’entreprise :


penser que l’on œuvre pour une cause plus grande que soi,
102
que l’on fait les meilleurs produits du monde, que l’on est
à la pointe du changement. Les mythes font aussi partie
intégrante de la culture, on pense bien sûr au mythe de
l’entreprise fondée dans un garage californien avant de
devenir un leader mondial, comme Hewlett Packard ou
Apple. Vous reconnaitrez que, lorsqu’on parle de culture
d’entreprise, on parle souvent d’Apple. Car Steve Jobs,
s’il n’était pas un fin connaisseur de technologies de
pointe, a apporté ses principales innovations en termes
d’organisation, de communication, de marketing et de
culture d’entreprise.
Autre exemple : la mythique recette du Coca-Cola, un
secret paraît-il inexpugnable. Très important aussi, les
vêtements et les apparences physiques. Pensez à Pascal
Legitimus dans Les trois frères. Dans son entreprise, tout
le monde porte une sorte de petite couette. Quand il
démissionne, il coupe sa couette, signifiant ainsi qu’il se
désolidarise de la culture de son ancienne entreprise.

Et je ne ferai pas tout un laïus sur le vocabulaire et


tous les anglicismes qui peuplent le monde des affaires.
Travaillez dans la finance, le management et le marketing
(déjà des mots anglais) sans utiliser votre comptant
d’anglicismes et vous ne serez jamais pris au sérieux.
Chaque entreprise embarque dans ses bagages son
vocabulaire, pas que les américains. Je me souviens avoir
travaillé dans une entreprise allemande où les mots
allemands pullulaient, que l’on prononçait bien entendu à
la française…

Enfin l’entreprise a ses propres tabous, reflets de ses


peurs et de ses échecs passés, ces épisodes douloureux que
l’on n’aborde qu’à voix basses entre collègues à la
machine à café après s’être assuré qu’aucune oreille de
103
chef ne rode dans les parages. Exemple de la colossale
amende que s’est reçue BNP Paribas aux Etats-Unis.

2) A quoi peut être utile la culture


d’entreprise ?
De ce long paragraphe on peut distinguer trois types
d’entreprises selon leur culture.

La machine : c’est l’entreprise bureaucratique et


indifférente à ses salariés, un peu comme IBM ou la Poste.
La jungle : comme son nom l’indique, c’est celle qui fait
régner la loi de la jungle, que le plus fort gagne et malheur
au vaincu, le type d’entreprise que les communistes
adorent car elles permettent de pointer du doigt le
capitalisme inhumain. Exemple typique du livre (et du
film) Le diable s’habille en Prada. Les cabinets de
consultants, salles de marché ou entreprises de mode ont, à
tort ou à raison, la réputation d’adhérer à ce type de
culture.
La mère : l’entreprise bichonne ses salariés, a pour eux
une attention presque maternelle. Un altruisme intéressé
puisque destiné à accroître la productivité, certes, mais un
altruisme réel malgré tout. L’exemple symbolique est
Google où les salariés bénéficient d’une nourriture de
qualité, de bus pour les trajets, d’espaces de sport ou de
détente et… d’une jolie paie.

Les entreprises ont bien compris que la culture pouvait


servir leurs intérêts, et beaucoup ne se privent pas de jouer
cette carte.

104
En interne, la culture sert avant tout à motiver les
salariés, à créer de la solidarité entre eux, à leur donner
envie de travailler pour une raison autre que monétaire, à
les fidéliser à l’entreprise. Pensez à votre motivation si
vous travaillez seul dans un bureau sans fenêtre éclairé par
un néon blafard, ou alors si vous avez un environnement
lumineux et des collègues sympas avec qui vous allez
boire une bière après le bureau. Ce n’est pas pour rien que
les entreprises dépensent des sous pour organiser des
soirées, cocktails, conférences, séminaires et weekend
d’intégration. L’atmosphère qui règne dans l’entreprise, sa
culture donc, influence l’ambiance de travail qui, à son
tour, impacte la productivité.
En façonnant la culture, l’entreprise peut tenter
d’orienter sa trajectoire dans une direction voulue. Par
exemple si elle veut promouvoir l’innovation, elle pourra
mettre l’accent sur l’interaction entre les salariés, les
apprentissages mutuels et inciter (financièrement ou en
termes de reconnaissance) les prises de risque et les
initiatives audacieuses.

Mais l’intérêt de la culture dépasse largement le cadre


de l’organisation interne. Elle peut devenir un argument
commercial. L’industrie du luxe, de la gastronomie ou du
tourisme joue de leur culture pour promouvoir leurs
produits.
Prenez le temps de vous arrêter devant les pubs des
couturiers, horlogers, ou même de l’eau minérale ou du
camembert. Bien souvent on cherche à vous vendre un
produit qui s’inscrit dans une tradition, un savoir-faire, un
patrimoine. Les marques de luxe associent souvent leur
nom à leurs villes d’origine elles-mêmes chargées
d’histoire afin d’affirmer leur ancrage géographique,
comme Paris, Milan ou Londres.
105
Balzac avait mentionné la finesse des montres Breguet
dans son roman Eugénie Grandet et – hop ! – la marque
reprend la citation dans ses campagnes de pub pour
affirmer sa tradition d’excellence. Les entreprises
allemandes jouent de leur culture de qualité (le fameux
Deutsch Qualität) pour démarcher leurs clients à l’export.
Car la culture peut aussi servir à tisser des liens avec
des partenaires. Une culture d’honnêteté, une tradition de
bon payeur et de bon joueur facilitera la prise de contact et
le développement de partenariats alors qu’une culture de
rapacité à court terme peut isoler l’entreprise et donc lui
nuire.

Ces dernières décennies, un nouveau type de culture


d’entreprise est apparu du côté de San Francisco, plus
précisément dans la Silicon Valley. Tenue décontractée,
importance donnée au bien-être des salariés, à
l’innovation, à l’originalité, organisation hiérarchique
horizontale, bâtiment en campus au milieu de la verdure
plutôt qu’en gratte-ciel… en un mot le style Steve Jobs
(encore lui !).
Ce type de culture, probablement un peu caricatural, a
essaimé aux quatre coins du monde et on ne compte plus
les jeunes pousses lancées par des jeunes ingénieurs mi-
hipster mi-bobos qui cultivent le « style Silicon Valley ».
Un style qui se veut en opposition à la culture des années
d’après-guerre où la mode était plutôt à la grande
entreprise managériale à l’organisation proche d’une
administration publique, peuplée des cadres vêtus de
costumes ternes dans une tour de New-York. Le style
californien est aujourd’hui à la mode, mais nul doute qu’il
nous semblera poussiéreux, un jour…

106
Pour finir sur la culture, abordons les problèmes qu’elle
peut poser. Car nous n’avons vu pour l’instant que ses
aspects positifs. Une forte culture, profondément ancrée,
peut se révéler un puissant frein au changement.
Essayez d’expliquer aux cheminots qu’il ne faut pas
faire grève pour un oui ou un non, aux fonctionnaires que
l’efficacité n’est pas un gros mot et aux traders que
provoquer une famine en spéculant sur les céréales n’est
pas forcément une bonne chose même si ça fait gonfler le
bonus de fin d’année et vous vous heurterez de front à leur
culture au travail (j’ai le droit de caricaturer, non ?).
Ces freins au changement peuvent se manifester par
exemple lors d’une fusion ou d’un rachat d’entreprise. La
culture est propre à chaque entreprise et elle n’est pas la
même en occident ou au Japon, en Russie ou au Brésil. Si
l’on fusionne, il faut travailler ensemble, donc que chacun
desserre un peu les dents sur sa propre culture et façon de
procéder, ce qui peut se révéler plus facile à dire qu’à
faire…
Enfin, une culture trop forte peut amener l’entreprise à
trop vivre refermée sur elle-même, à ne pas suffisamment
se soucier des évolutions portant le vaste monde,
empêchant ainsi de voir surgir les menaces comme les
opportunités.

107
VI) Le financement des entreprises
Presque toutes les entreprises ont un constant besoin
de financement pour investir, se développer et croître.
Pour vendre, une entreprise a besoin d’investir
préalablement. Pour investir, il lui faut des sous. Le hic
c’est que tant qu’elle n’a pas vendu elle est fauchée, donc
elle ne peut pas vendre, donc n’a pas les moyens
d’investir. En un mot elle est coincée et ne peut pas se
développer. La finance vise à résoudre ce problème :
apporter des fonds aujourd’hui qui ne seront retournés que
plus tard, une fois que l’entreprise aura pu se développer.
Il existe plusieurs types de financement que nous
allons détailler les uns après les autres.

1) L’autofinancement
L’autofinancement, c’est lorsqu’une entreprise utilise
l’argent qu’elle a mis de côté pour investir. Seulement, je
ne vous apprends rien, pour avoir de l’argent de côté, il
faut avoir eu par le passé des revenus suffisants pour se
permettre d’en mettre une partie à gauche.
L’autofinancement ne permet donc pas de résoudre le
décalage temporel que nous avons mentionné
précédemment entre le besoin d’investir maintenant et les
gains futurs que génèrera cet investissement.
Plus concrètement, une entreprise qui peut
s’autofinancer n’a pas de problèmes de financement et ne
nous intéressera pas vraiment dans cette partie.

109
2) Le paiement différé des achats
Ce n’est pas le moyen de financement le plus
important ou celui qui vient spontanément à l’esprit
lorsqu’on parle de finance d’entreprise. Aussi j’aurais pu
le glisser tout à la fin de cette partie, mais j’ai préféré lui
régler son compte d’entrée de jeu, on pourra ensuite
aborder les choses sérieuses.
Imaginez que vous fabriquiez des bonbons et qu’il
vous faut acheter du sucre. Dans la plupart des cas on ne
paie pas ses fournisseurs comptant (c’est-à-dire pas au
moment de la livraison). Si vous payez votre sucre 30
jours après qu’il vous ait été livré (on dit « payer à 30
jours ») c’est d’une certaine façon un moyen de
financement. Car, pendant 30 jours, vous utilisez un
produit que vous n’avez pas payé, c’est une façon pour
une entreprise de résoudre le problème fondamental que
nous avons souligné au début : le décalage entre les frais
qu’il faut engager dès aujourd’hui pour produire et les
recettes qui ne rentreront que plus tard.
Comme tous les moyens de financement, celui-ci a un
coût. Car si vous payez comptant vous pourrez négocier
une petite ristourne, ce qui sera beaucoup plus difficile si
vous ne payez qu’à 30 ou 60 jours.

3) La dette
Tout le monde sait ce qu’est une dette, mais rappelons-
en malgré tout la définition : une somme d’argent que l’on
doit à quelqu’un à qui on l’a empruntée. Pour une
entreprise, il existe deux principaux types de dette.

110
a) La dette bancaire

Continuons à évoluer en terrain connu, le moyen le


plus simple pour une entreprise qui cherche à emprunter
de l’argent est de prendre rendez-vous chez la banque la
plus proche et de la convaincre de son sérieux et de la
viabilité de son projet. Autre lieu commun : le banquier
n’est pas un philanthrope et vous fera payer un taux
d’intérêt.
Attardons-nous trente secondes sur ce taux d’intérêt.
Du point de vue de l’emprunteur il rémunère le service
rendu, ou plutôt le droit qui nous a été donné d’utiliser
quelque-chose qui ne nous appartient pas. Un peu comme
on paye un loyer pour habiter l’appartement de quelqu’un
d’autre. Ce n’est donc pas surprenant que l’on considère
parfois le taux d’intérêt comme étant le loyer de l’argent.

Du point de vue du banquier, les intérêts rémunèrent


deux choses. D’une part les locaux dans lesquels il vous
reçoit, son salaire, ses factures d’électricité… enfin tout ce
qui est nécessaire pour effectuer son métier de banquier.
Mais l’intérêt rémunère aussi le risque pris. Car si vous
prêtez de l’argent à quelqu’un, vous courez le risque qu’il
ne vous rembourse pas, ou pas entièrement, ou pas dans
les temps. Et tout risque mérite rémunération, comme
certaines professions sont gratifiées d’une prime de risque,
sinon personne ne serait prêt à courir le risque. C’est la
raison pour laquelle tout le monde n’emprunte pas au
même taux. Si vous êtes une entreprise prospère, stable,
prévisible, le risque est faible et vous pourrez négocier un
taux faible. Si par contre vous êtes une entreprise
faiblarde, sur des produits novateurs donc imprévisibles et
sans réputation établie, vous ne trouverez soit personne

111
pour vous prêter, soit à des taux très élevés. On ne prête
qu’aux riches, comme dit le dicton populaire.

b) La dette obligataire

Il existe une autre façon pour une entreprise de


s’endetter, moins connue et réservée aux grandes
entreprises, la dette obligataire.
Une obligation, c’est un titre de dette que l’on émet sur
les marchés financiers et qui sera acheté par qui a envie :
une banque, un fonds d’investissement, un particulier…
On ne passe plus nécessairement par une banque, on
s’adresse directement à tous les prêteurs potentiels, c’est
pourquoi on parle parfois d’appel public à l’épargne ou de
désintermédiation financière, puisqu’il n’y a pas de
banque qui fasse l’intermédiaire entre le prêteur et
l’emprunteur.

Un exemple pour clarifier les choses. Je pourrais


prendre l’exemple d’un Etat, car ils s’endettent en
émettant des obligations. Mais on est là pour parler
d’entreprises, alors parlons-en. Renault, par exemple, veut
construire une nouvelle usine et a besoin d’argent. Une
solution est d’émettre des obligations. C’est-à-dire
d’émettre un titre disant « si vous achetez mon obligation
vous me remettez l’argent tout de suite et moi, par la suite,
je vous rembourse plus des intérêts ».
Du point de vue de l’entreprise, ce n’est donc pas très
différent de la dette bancaire. A ceci près que les
obligations sont vendues directement sur le marché et
peuvent donc être achetées (on dirait plutôt souscrites pour
utiliser un terme plus technique) par n’importe-qui. Et
n’importe qui, cela fait plus de monde qu’une ou quelques
banques. Avec les obligations, on peut donc généralement
112
lever des fonds plus importants et parfois, c’est le but de la
manœuvre, à des taux d’intérêts plus faibles.
Une obligation est un titre qui s’échange sur un
marché. Celui qui vous l’a achetée en premier pourra, si
l’envie lui en prend, la revendre à quelqu’un d’autre. Le
prix d’une obligation va évoluer notamment en fonction
des taux d’intérêts moyen du marché, mais n’entrons pas
dans ces détails compliqués car il faudrait que l’on aborde
les questions de valorisation des obligations et
d’actualisation, dont on touchera rapidement un mot par la
suite.

Comme dans le cas du prêt bancaire, le taux d’intérêt


exigé par les prêteurs (ceux qui vont acheter votre
obligation) dépend principalement du risque. Si vous êtes
un emprunteur jugé sûr, on vous prêtera à des taux faibles.
Si vous êtes jugé risqué, on exigera des taux élevés.
Faisons le parallèle avec l’actualité économique.
L’Etat allemand, jugée sans risque, emprunte à des
taux très faibles, et même négatifs. Nous vivons une
époque pas banale où ce sont les épargnants qui paient
l’Etat allemand pour qu’il garde leur épargne en sureté !
En expliquer la raison serait hors-sujet, d’autres livres font
ça très bien. Par contre la Grèce, pays en profonde crise
dont tout le monde sait qu’elle ne pourra jamais
rembourser l’intégralité de sa dette, ne peut emprunter
qu’à des taux extrêmement élevés, tellement élevés qu’elle
ne peut d’ailleurs plus emprunter du tout, vous avez
certainement entendu parler de tout ceci…

113
4) Les capitaux propres (ou actions)
L’autre manière la plus commune qu’a une entreprise
de se financer est de vendre des actions, ce que l’on
appelle le financement par capitaux propres. Une action
est une fraction du capital social d’une société.
Lorsqu’une entreprise se finance en vendant des
actions, cela revient à dire qu’elle vend un « morceau
d’elle-même » à un actionnaire extérieur qui, en achetant
l’action, apporte de l’argent sonnant et trébuchant.
L’intérêt de procéder ainsi plutôt qu’en s’endettant est
qu’il n’y a pas d’intérêts à payer. Une action ne garantit
aucun revenu. La rémunération de l’actionnaire passe soit
par une plus-value, c’est-à-dire revendre l’action plus
chère qu’on ne l’a achetée, soit par la perception d’un
dividende. Mais une entreprise n’a aucune obligation de
verser un dividende à ses actionnaires. Bien-sûr, si elle ne
le fait pas, ceux-ci vont vite tirer la tronche et il sera plus
difficile à l’avenir de se financer en vendant des actions.

Mais il ne faut pas oublier un point très important :


l’actionnaire est propriétaire d’un morceau de l’entreprise.
Si vous détenez une action d’une entreprise dont le capital
est composé d’un million d’actions, vous détenez un
millionième de cette entreprise, donc un millionième des
droits de vote. L’action, contrairement à l’obligation,
s’accompagne d’un droit de propriété donc droit à prendre
part aux décisions.

Vous lancez une petite entreprise avec 10 000€. Ces


10 000€ sont le capital de départ, vous détenez 100% des
actions et 100% des droits de vote. Puis, vous cherchez de
nouveaux actionnaires car vous avez besoin d’investir. On
distingue différents types d’actionnaires qui arrivent
114
généralement aux différents stades du développement de
l’entreprise :

Le love money. On ne traduit pas love money, on garde le


terme américain. Et puis « argent d’amour » sonnerait
surement un peu trop fleur-bleue pour parler de gros sous.
Ce qu’on regroupe sous ce terme sont tous les
investisseurs qui ont un lien proche avec le fondateur. Par
exemple vos potes, votre môman ou votre vieille grand-
mère qui viennent mettre quelques billes dans votre
société plus par sympathie à votre égard que parce qu’ils
anticipent de juteux rendements. Seulement, les sommes
ainsi mobilisées sont généralement faibles et ne peuvent
suffire que pour des entreprises faisant leurs premiers pas.
Il faudra vite trouver des investisseurs aux poches plus
profondes.

Les business angels. On ne traduit pas non plus en « ange


des affaires », mais après-tout on pourrait. Les business
angels sont des particuliers qui vont investir dans votre
société mais sans entretenir de liens d’amitié ou de
parenté. Généralement, ce sont des anciens entrepreneurs
qui ont réussi et qui préfèrent voir leur épargne dans des
PME plutôt qu’à roupiller sur des titres du Trésor. Ils
investissent autant par passion pour l’entrepreneuriat que
dans l’attente d’une rémunération. Leur expérience
d’entrepreneur et leur carnet d’adresse peuvent s’avérer
tout autant utiles que leur apport monétaire. Mais dans ce
cas encore les sommes investies restent modestes et si les
besoins de financement sont élevés il faudra passer à
l’échelon supérieur.

Le venture capital. Là on utilise parfois le terme français


de « capital risque ». Un fonds de capital risque est une
115
entreprise financière qui collecte des fonds auprès
d’épargnants, de banques, d’autres fonds… et qui
s’occupe de les investir dans des entreprises généralement
risquées et en croissance rapide, ce que l’on appelle des
start-ups, ou jeunes pousses. C’est un type
d’investissement très risqué, on peut facilement tout
perdre mais aussi gagner dix fois sa mise. Ce niveau de
risque élevé explique que se soient développés les fonds
de capital-risque qui occupent un créneau bien spécifique
dans le financement des entreprises. Ce sont des
professionnels qui, à l’inverse des deux précédents,
n’investiront jamais dans votre affaire pour vos beaux
yeux. L’avantage c’est que leur investissement peut
atteindre plusieurs dizaines de millions d’euros. Mais
même des dizaines de millions d’euros peuvent ne pas
suffire à certaines entreprises en forte croissance, auquel
cas on passe au quatrième et dernier échelon.

L’introduction en bourse. Puisqu’en finance on adore


parler anglais, on utilise parfois le terme d’IPO (initial
public offering) pour dire introduction en bourse.
L’avantage pour une entreprise de s’introduire en bourse
est qu’ainsi vous pourrez mobiliser beaucoup plus de
fonds. En effet, n’importe-qui présent sur le marché, c’est-
à-dire à peu près n’importe quel investisseur aux quatre
coins du monde, pourra acheter les actions que vous
émettez. Ensuite, il existe différents compartiments sur les
marchés boursiers pour les entreprises plus ou moins
grandes, mais on va s’arrêter ici.

Bon, vous aviez commencé avec un capital de


10 000€, il représente désormais plusieurs millions. Votre
entreprise a bien grandi et vous roulez désormais dans une
splendide Ferrari, félicitations ! Le seul souci est que vous
116
avez vendu beaucoup d’actions et à ce stade il est fort
probable que vous ne possédiez que quelques
pourcentages du total des actions. Autrement dit, vous
avez perdu le contrôle de votre entreprise. Eh oui, on n’a
rien sans rien…

5) Quel est le meilleur moyen de


financement ?
C’est une question sans réponse clé en main. Déjà, il
faut savoir à quels moyens de financement on peut avoir
accès. Par exemple, l’entreprise individuelle ne peut pas
émettre d’actions. En effet, l’entreprise individuelle se
confond juridiquement avec son fondateur et une personne
ne peut pas vendre des actions de lui-même, ou des
« parties de lui-même », sauf à imaginer une société
esclavagiste.

Pour la plupart des entreprises, on l’a dit, l’émission


d’obligations est impossible. Seules les très grandes
entreprises peuvent avoir recours à ce type de financement
et d’ailleurs il n’est judicieux que pour des montants très
élevés, son principal intérêt étant de pouvoir emprunter
auprès d’épargnants de tous types et du monde entier
plutôt qu’auprès des seules banques.
Dans certains cas, des types de financement sont plus
indiqués que d’autres, de manière pratique plus que légale.
Par exemple une banque ne financera pas un projet très
risqué, on expliquera pourquoi dans une prochaine partie.
Mais dans le cas où on a le choix, quel est le meilleur ?
Tout dépend. La dette permet de garder le contrôle mais
oblige à payer des intérêts régulièrement alors que les
actions diluent le contrôle de l’entreprise mais n’obligent

117
pas à verser d’intérêts. Chaque forme de financement
présente ses avantages et ses inconvénients, aux dirigeants
de l’entreprise de faire leur choix.

Pour prolonger sur le sujet, plongeons un peu plus loin


dans la théorie et touchons un mot du théorème de
Modigliani (rien à voir avec le peintre) – Miller. Franco
Modigliani était un économiste italien qui est allé se
réfugier aux Etats-Unis quand Mussolini commença à
devenir trop turbulent. Il a reçu le prix Nobel en 1985,
entre autres pour le théorème qu’il a développé avec
Miller. Merton Miller était un américain pur jus, lui aussi
lauréat du Nobel mais en 1990.
Modigliani et Miller, dans un célèbre article de 1958,
montrent que la valeur d’une entreprise n’est pas affectée
par la façon dont elle est financée. On parle parfois de
« théorème de la pizza » car Modigliani, en bon italien,
disait qu’on ne modifie pas la taille d’une pizza selon la
façon dont on la coupe. On ne va pas démontrer tout leur
article, allez le trouver sur internet si ça vous amuse ce
sera une bonne occasion de réviser votre anglais (il
s’intitule The Cost of Capital, Corporation Finance and
the Theory of Investment).
L’idée centrale est que les gains pour l’actionnaire sont
identiques dans les deux cas (financement par dette ou par
capitaux propres), donc la valorisation de l’entreprise sera
identique, autrement dit le prix des actions ne sera pas
influencé par la manière dont l’entreprise est financée.
Le seul problème du modèle, comme tous les modèles
d’ailleurs, est qu’il est basé sur des hypothèses
passablement tirées par les cheveux. On considère qu’il
n’y a ni taxes ni coûts de faillite (liquidation des actifs de
l’entreprise à prix cassé par exemple). On considère que
tous les agents ont exactement la même information, qu’il
118
n’y a pas de coûts d’agence c’est-à-dire qu’il est par
exemple impossible pour un patron de détourner des sous
dans sa poche sans que personne ne s’en aperçoive, on
considère aussi qu’il n’y a pas de coûts de transaction,
autrement dit que trouver des partenaires, négocier,
rédiger les contrats… se fait en un clin d’œil et sans que ça
coûte un centime. Ça fait beaucoup de « on considère
que », mais la conclusion reste intéressante : la valeur
d’une entreprise n’est pas affectée par son mode de
financement.

6) Les produits dérivés


Les produits dérivés sont plus complexes que les
moyens de financement expliqués précédemment.
D’ailleurs, ils sont généralement plus proches de
l’assurance que du financement proprement dit, aussi on
ne va pas s’y attarder outre mesure. Juste un exemple,
pour comprendre de quoi il retourne.

On va prendre l’exemple des options, qui est un type


particulier de produit dérivé, à mon avis le plus simple à
saisir. Une option est un contrat entre un acheteur et un
vendeur. L’acheteur de l’option détient le droit (mais pas
l’obligation) de vendre ou d’acheter à un produit à un prix
et à une date fixée à l’avance. Il existe deux types
d’options : options d’achat et de vente.

Options d’achat (call) : c’est une option qui donne le


droit d’acheter un produit à un prix et à une date fixée à
l’avance.
Option de vente (put) : c’est une option qui donne le droit
de vendre un produit à un prix et à une date déterminée.

119
Formulé différemment, acheter une option de vente
c’est acheter le droit de vendre à une contrepartie un
produit à un prix et à une date déterminée. Par exemple on
achète 10€ le droit de vendre à un autre agent économique
100 barils de pétrole à 100$ l’unité le 20 décembre 2016.
On donne définitivement ces 10€ à la contrepartie en
échange de quoi il s’engage à acheter votre pétrole au prix
et à la date convenue.

Les options, comme la plupart des produits dérivés,


servent principalement à se couvrir (c'est-à-dire se
protéger) des fluctuations des prix. On peut bien entendu
jouer avec de façon purement spéculative, mais
développons un exemple concret, celui de l’agriculteur qui
veut se protéger des variations de prix de sa récolte à
venir, je n’innove pas c’est toujours cet exemple que l’on
prend.
Un agriculteur, donc vendra sa récolte de 500 tonnes
de blé dans six mois. D’ici là, le prix du blé peut varier
mais l’agriculteur aimerait bien pouvoir se garantir un prix
de vente de, mettons, 200€ la tonne de façon à être certain
que la vente de sa production lui permettra de couvrir ses
frais de production.
Pour garantir un prix de vente de 200€ la tonne,
l’agriculteur peut acheter des options de vente. C'est-à-dire
qu’il négocie avec un acheteur le droit de lui vendre 500
tonnes de blé à 200€ dans 6 mois.
Admettons qu’une option de vente de la tonne de blé à
200€ à six mois coute 3€. L’agriculteur va payer dès
maintenant 500×3 = 1 500€ les options de vente.

Dans six mois, à la date d’échéance des options, si le


prix du blé est supérieur à 200€, l’agriculteur abandonne
l’option et vend son blé au prix du marché. Par exemple si
120
la tonne est alors à 210€, l’agriculteur vend son blé à ce
prix et aura perdu les 1 500€ d’achat d’options. Il ne va
pas vendre à 200€ ce qu’il peut vendre 210€ !
Mais si le prix est inférieur à 200€, l’agriculteur
exerce l’option. Si le blé est à 150€ la tonne, l’agriculteur
a le droit d’exercer son option et de vendre son blé 200€.
Il aura certes payé 1 500€ ses options mais aura gagné, ou
plutôt évité de perdre (200 – 150) × 500 = 25 000€.
Ainsi, l’agriculteur est assuré de son prix de vente.
Moyennant l’achat des options, car rien n’est gratuit. On a
dit de façon totalement arbitraire que l’option coûtait 3€
pour une tonne de blé. Déterminer combien vaut une
option n’est pas chose aisée, on utilise pour ce faire la
formule (imparfaite) de Black et Scholes, ce qui valut
même le Nobel à ce dernier. Mais entrer dans ces détails
nous ferait dériver trop loin de notre sujet central, c’est
pourquoi on va s’empresser de revenir à nos moutons.

7) Encore un peu de finance d’entreprise :


VAN et Medaf

a) La VAN

On va faire encore un peu de finance. Juste pour la


beauté du geste. De la finance qui aide à faire des choix
d’investissement. Pour décider de la pertinence d’un
investissement, une façon de procéder est de calculer sa
VAN, c’est-à-dire sa valeur actuelle nette, ou net present
value en anglais. Mais pour une fois que le mot français
est couramment utilisé, on ne va pas se gêner !
La VAN, comme d’ailleurs à peu près tout dès
qu’il s’agit de finance d’entreprise, se positionne du point
121
de vue des actionnaires. Point de vue réducteur, mais
suivons le mouvement puisque nous n’avons pas la
prétention de réécrire toute la discipline.

Pour comprendre, on va tout de suite prendre un


exemple. On est face à un investissement de 100 000€ en
2016. Cet investissement est d’une durée de 7 ans et
générera 20 000€ de rendements (ou cash flows) sur les 7
prochaines années, après-quoi il n’en restera plus rien. Est-
ce un investissement judicieux ?
Le raccourcis est de faire 20 000×7 – 100 000 =
140 000 – 100 000 = 40 000€ et d’en conclure que cet
investissement est une opportunité en or. Minute,
papillon ! Vous êtes en train de comparer une somme
dépensée maintenant (100 000€) avec d’autres sommes
étalées sur 7 ans (20 000€ à chaque fois). Il existe une
règle d’or en finance, c’est qu’une somme d’argent
aujourd’hui ne vaut pas la même chose que cette même
somme à une date différente, que ce soit dans le passé ou
le futur. D’où la notion d’actualisation que l’on retrouve
dans le terme valeur ACTUELLE nette.

Pour comprendre cette idée d’actualisation, il faut


probablement commencer par regarder l’autre côté de la
même pièce : la capitalisation.
Vous disposez de 100€ aujourd’hui et vous vous
demandez combien vaudront ces 100€ dans un an. L’idée
est que ces 100€ peuvent être placés et qu’ils rapporteront
des intérêts. Si le taux d’intérêt auquel on peut placer nos
100€ est de 5%, alors dans un an ils vaudront :

100×1,05 = 105€

122
Dans deux ans ils vaudront :

100×1,05×1,05, qu’on peut réécrire, je ne vous


apprends rien car vous savez qu’un truc multiplié par lui-
même donne ledit truc au carré : 100×1,052 = 110,25€
On tombe à 110,25 et non pas 110 car, lors de la
deuxième année, on a augmenté de 5% à partir de 105 et
non pas de 100, attention à ne pas oublier ce détail.
D’une manière générale, la formule de la
capitalisation est :

Montant × (1 + i)n

J’ai mis « montant » pour être plus parlant. C’est


pas très matheux mais ça veut bien dire ce que ça veut
dire : le montant dont on cherche à savoir ce qu’il vaudra
dans un nombre donné d’années que l’on nomme
généralement « n » et qui se retrouve à la puissance de la
formule. Vous remarquerez que dans le premier exemple,
il n’y avait pas de puissance. C’est parce qu’il n’y avait
qu’une année, donc une puissance égale à 1, que j’ai
préféré de pas mettre pour faire plus simple. « i »
correspond au taux d’intérêt. Attention cependant, un taux
d’intérêt par exemple de 5% ne doit pas être entré tel quel
dans la formule. 5%, c’est 5/100. On entre donc 0,05 dans
la formule, auquel on ajoute 1, et on retrouve le 1,05 que
l’on avait dans l’exemple.
Bon, je ne m’attarde pas plus sur le sujet, gardez
seulement à l’esprit que lorsqu’on se projette dans le futur
en finance, c’est de capitalisation dont il sera question.

Maintenant, faisons le chemin inverse. Je vais


recevoir une somme d’argent dans le futur et je me
demande ce qu’elle vaut aujourd’hui (ce qui correspond
123
bien à l’exemple qui nous préoccupait pour calculer notre
VAN). On utilise une formule proche de celle de la
capitalisation, mais inversée, appelée actualisation.

Un exemple tout simple. Je vais recevoir 100€ dans


un an. Si j’avais eu cet argent aujourd’hui, j’aurais pu le
placer à 5%. Combien vaut aujourd’hui cette somme que
je percevrai dans le futur ? Je vous mets tout de suite la
formule d’actualisation :

Montant × (1 + i)-n

L’important est de bien voir le petit signe moins


que l’on a rajouté à l’exposant. On peut le réécrire si ça
peut vous faire plaisir :

Montant × (1 + i)-n = Montant / (1 + i)n

Si on reprend notre exemple précédent on a :

Valeur aujourd’hui de 100€ que je recevrai dans un


an = 100 / (1,05)1 = 95,24€

Une façon de voir les choses est que je suis


indifférent entre recevoir 95,24€ aujourd’hui et 100€ dans
un an. Car si je reçois 95,24€ aujourd’hui, je les place à
5% et j’obtiens dans un an : 95,24×1,05 = 100€ !!!
Maintenant, on reprend l’exemple précédent, et on
se demande ce que valent aujourd’hui 100€ que je recevrai
dans deux ans. On applique notre petite formule :
Valeur aujourd’hui de 100€ que je recevrai dans
deux an = 100/1,052 = 90,7€

124
On est donc indifférent entre recevoir 90,7€
aujourd’hui et 100€ dans deux ans.
Bon, on commence à avoir suffisamment de billes
pour attaquer l’exemple qui nous préoccupait avec notre
investissement à 7 ans. On investit 100 000€ aujourd’hui,
ça c’est facile car comme la dépense se fait aujourd’hui et
qu’on raisonne aujourd’hui, ça ne pose pas de problème.
La question vient des 20 000€ que l’on recevra chaque
année pendant 7 ans. Il faudra, pour chacun de ces
20 000€, appliquer la bonne vieille formule qu’on vient de
présenter. Considérons des taux d’intérêt à 5%. Résumons
dans un tableau :

Année Montant Formule Montant perçu


(n) perçu actualisé
1 20 000 20 000/1,051 19 048
2 20 000 20 000/1,052 18 141
3 20 000 20 000/1,053 17 277
4 20 000 20 000/1,054 16 454
5 20 000 20 000/1,055 15 671
6 20 000 20 000/1,056 14 924
7 20 000 20 000/1,057 14 214
Somme 140 000 115 727

Le montant total actualisé de l’investissement est


de 115 727€. Au lieu de se coltiner tout le tableau, on
aurait pu simplifier avec la formule :

Montant perçu altualisé

= 20 000/1,05 = 115 727

125
Mais passons sur les maths et revenons à la
signification économique de tout ceci. Parlons un instant
du taux d’intérêt, choisi à 5% dans l’exemple. Il est très
important de se demander quel taux d’intérêt choisir pour
actualiser. Le taux d’intérêt est étroitement lié au risque.
Ici, on cherche à calculer la VAN d’un projet donné. Il
faut donc choisir un taux d’actualisation reflétant le taux
d’intérêt que l’on aurait pu avoir en investissant dans un
projet de risque similaire.
Par exemple, notre projet a 99% de chance de
réussir et une chance sur 100 de planter. Il faut se
demander, « si j’investissais maintenant dans un projet, ou
une action, ou n’importe quel autre produit financier, dont
la probabilité de succès est de 99% (la formulation est pas
très rigoureuse mais tant pis), quel taux d’intérêt pourrais-
je obtenir ? » Si je peux placer à 5% avec un risque
équivalent au projet qui nous intéresse, alors on doit
actualiser avec un taux de 5%.

Mais revenons à notre exemple. On en arrive enfin


à la VAN de notre projet qui est :

VAN = gains actualisés générés par l’investissement –


coût de l’investissement

VAN = 115 727 – 100 000 = 15 727€

On obtient une VAN de 15 727€, ce qui veut dire


que le projet est créateur de valeur. En effet, si je me lance
dans le projet je dois dépenser 100 000€ aujourd’hui mais
ce que je gagnerai me donne, rapporté à cette année de
départ, 115 727€. Une autre façon de dire les choses est
qu’il vaut mieux se lancer dans ce projet que placer
gentiment les 100 000€ à 5% (je vous fais grâce des
126
calculs, si vous voulez vous amuser à les faire, n’oubliez
pas que vous pourrez placer les 20 000€ que vous recevrez
au fur et à mesure…).
Par contre, si la VAN avait été négative, il n’aurait
pas été judicieux de se lancer dans le projet, on dit qu’il
aurait détruit de la valeur (pour l’actionnaire, n’oublions
pas de quel point de vue on se place). Si la VAN est égale
à 0, on est indifférent entre lancer ou pas le projet.

Voilà pour la VAN, toujours bien utile pour


estimer la valeur d’un investissement, ou d’un placement.
Passons à autre chose.

b) Le Medaf

Le Medaf (modèle d’équilibre des actifs


financiers), ou capital asset pricing model en anglais, c’est
LE truc ultra standard dès qu’on parle de finance
d’entreprise. Au risque de manquer d’originalité, on va
donc finir cette partie sur ce sujet.
Ce fameux Medaf a plusieurs papas qui l’ont
développé simultanément dans les années 1960, souvent
dans des recherches indépendantes. Les plus célèbres sont
William Sharpe et Harry Markowitz, deux lauréats du prix
Nobel.
L’idée du Medaf est de déterminer quelle est la
rentabilité attendue d’un titre, mettons une action, en
fonction de son risque. Très important, le risque, dès qu’on
est en finance. On jette un œil à la formule, on la
décortique ensuite :

Rentabilité attendue = rf + bêta × (rm - rf)

127
L’objectif de ce modèle est de déterminer quelle
est la rentabilité attendue d’un titre sur un marché. On va
simplifier en ne considérant que le marché des actions. La
rentabilité attendue d’une action, donc, est égale à tout un
tas de signes barbares qui ont les significations suivantes :

rf (risk free en anglais) correspond au taux sans


risque. C’est-à-dire le taux auquel vous pouvez placer en
investissant dans des produits les plus sûrs du marché,
typiquement les obligations d’Etat allemand. Parler de
taux sans risque est évidemment un abus de langage, on
devrait plutôt dire « placement le moins risqué possible »,
mais passons. Précisons aussi que le taux sans risque est
forcément le taux le plus bas, puisque plus un placement
est sûr et moins il est rémunérateur. Actuellement (en
2017) le taux sans risque doit-être autour de 0%, je crois
même que les taux d’emprunt de l’Etat allemand sont
négatifs. Une situation très originale, mais que voulez-
vous mon brave Monsieur, nous vivons une période pas
banale où tout part à vau-l’eau. Bref, considérons le taux
sans risque « rf » = 0%.
Ensuite oublions cet étrange beta un instant et
passons directement au rm (market risk). Ceux qui parlent
anglais auront compris que market risk (rm) signifie risque
de marché. C’est-à-dire le taux de rendement moyen des
actifs sur le marché, qui correspond logiquement au risque
moyen du marché. Par exemple, le rendement moyen des
actions cotées à la bourse de Paris. Disons qu’il est de 4%.
Le terme de droite (rm – rf) est appelé prime de
risque. C’est le rendement que vous exigez pour investir
sur le marché action plutôt que sur des titres de dette
publique allemande beaucoup plus sûr. Ici, notre prime de
risque = 4% - 0% = 4%.

128
Venons-en maintenant au bêta, parfois écrit « β ».
Le bêta indique le risque associé à une action particulière.
On peut le calculer à partir d’une affreuse formule pleine
de signes obscurs, n’insistons pas là-dessus et contentons-
nous de l’idée centrale. Imaginons l’action d’une
entreprise très risquée, par exemple une jeune entreprise
qui développe un produit technologique novateur. Jackpot
en cas de succès, mais aussi grosse probabilité de tout
perdre, donc un risque très élevé. Disons qu’une telle
entreprise a un bêta de 3. Cela signifie que la prime de
risque demandée pour y investir est trois fois supérieure à
la prime de risque moyenne du marché, ce qui reflète bien
un risque perçu élevé.
A l’inverse, une entreprise prospère et établie,
comme Total, Michelin ou Renault est moins risquée. Son
bêta sera inférieur à 1, c’est-à-dire qu’elle est perçue
comme moins risquée que la moyenne du marché, par
exemple 0,7. C’est ce qui s’appelle un placement de bon
père de famille.
Et si le bêta d’une entreprise est de 1, cela veut dire
qu’elle est perçue comme aussi risquée que la moyenne du
marché.
Résumons-nous :

Bêta > 1 Entreprise plus risquée que la moyenne du


marché
Bêta = 1 Entreprise aussi risquée que la moyenne du
marché
Bêta < 1 Entreprise moins risquée que la moyenne du
marché

Calculons le Medaf pour chacune de deux


entreprises que nous avons prise en exemple : la jeune

129
entreprise risquée (bêta = 3) et l’entreprise pour placement
de père de famille (bêta = 0,7).

Rendement jeune entreprise = 0% + 3 × (4% - 0%)


= 3 × 4% = 12%
Rendement grosse entreprise stable = 0% + 0,7 ×
(4% - 0%) = 0,7 × 4% = 2,8%

Ce qui revient à dire que la jeune entreprise devra


offrir une rentabilité de 12% à ses actionnaires pour qu’ils
acceptent d’y investir, alors que la grosse entreprise stable
pourra se contenter de 2,8%.
Pour résumer, le Medaf se décompose en trois
temps : le taux sans risque (rf) qu’il faudra
obligatoirement offrir à tout investisseur sinon il ne voudra
jamais investir dans votre boîte. Auquel on ajoute la prime
de risque du marché (rm – rf) que l’on va ajuster en
fonction du risque spécifique de chaque entreprise (le
bêta).

Evaluer la rentabilité d’une action avec un modèle


somme toute assez simple comme le Medaf peut sembler
un tantinet naïf. Pourtant, le Medaf a traversé les
décennies, et il permet un calcul relativement fidèle de la
rentabilité des entreprises. Son défaut viendrait plutôt des
hypothèses sur lesquelles il est construit, notamment
l’hypothèse d’efficience des marchés.

L’efficience des marchés, que nous devons à


Eugène Fama et qui lui a valu le prix Nobel, dit que le
marché ne se trompe jamais. Que les investisseurs
évaluent toujours rationnellement toute l’information dont
ils disposent et qu’il ne peut exister ni bulles spéculatives

130
ni variation erratique ou irrationnelle des cours boursiers,
même de façon momentanée.
Cette vision, résolument libérale et passablement
tirée par les cheveux, a fait l’objet de prises de bec
farouches parmi les économistes, et continue à faire couler
des hectolitres d’encre. Nous n’entrerons pas dans la
mêlée, même si le débat serait palpitant. Nous allons
quitter la finance, mais ne sortez pas tout de suite vos
mouchoirs, on y reviendra un peu plus loin.

131
VII) Management et prise de
décision
Toutes les organisations (entreprises, Etats, armées,
équipes de foot…) doivent gérer la prise de décision.
Gérer la prise de décision revient à répondre aux
questions : Qui fait quoi ? Qui commande ? Qui obéit ?
Les décisions seront prises de façon à atteindre la
stratégie que s’est fixée l’entreprise. Assez simple dans les
petites entreprises puisqu’on est en général d’accord avec
soi-même ou qu’il est plus facile de s’organiser à trois
qu’à trois-cent mille, la prise de décision peut devenir un
casse-tête dans les grandes entreprises multinationales.
Dans ce domaine encore, afin d’affiner la prise de
décision se sont développés tout un tas de cabinets de
consultants. On s’en doute, la prise de décision est très liée
à la structure de pouvoir dans l’entreprise. Le dicton
populaire veut que le respect de la hiérarchie conditionne
l’efficacité des organisations. Tout le problème est de faire
effectivement respecter la hiérarchie sans cependant créer
un climat autoritaire qui asphyxie les bonnes idées que
peuvent avoir les travailleurs au bas de la pyramide et
proches du terrain.

1) Les différents types de décision


Igor Ansoff (1918-2002), un russe émigré aux Etats-
Unis où il est devenu consultant et universitaire, a établi
une classification qui est désormais un standard. Il
différencie :

133
Les décisions stratégiques : décisions qui engagent
l’entreprise à long terme (plusieurs années ou décennies),
elles sont prises par les plus hautes autorités de
l’entreprise (conseil d’administration). Exemple :
lancement d’un nouveau programme de recherche. On les
appelle parfois décisions de planification.
Les décisions tactiques : elles engagent l’entreprise à
moyen terme (quelques mois ou années), elles sont prises
par les cadres dirigeants. Exemple : décisions
d’investissements de faible envergure. On les appelle
parfois décisions de pilotage.
Les décisions opérationnelles : elles engagent
l’entreprise à court terme (quelques semaines ou mois).
Elles sont prises par les exécutants. Exemple : résolution
d’un problème courant comme la réparation d’une
machine. On les appelle parfois décisions de régulation.

2) Les différentes modalités de la prise de


décision
Dans le cas où la décision revient à un acteur isolé, on
distingue généralement :

Le modèle classique qui correspond aux organisations


tayloristes ou fordistes. Dans ce cas, le décideur prend sa
décision en analysant rationnellement les différentes
alternatives qui s’offrent à lui dans l’unique but de
maximiser le profit.
Le modèle des relations humaines de Herbert Simon.
Herbert Simon est connu très largement dans le sérail. Il
s’est intéressé à la rationalité limitée et à la psychologie et
a notamment reçu le prix Nobel en 1978. Contrairement à
la vision traditionnelle en économie dans laquelle les
134
agents sont parfaitement rationnels, Simon prétend qu’ils
n’ont qu’une rationalité limitée, limitée par le manque
d’information ou par leurs limites intellectuelles (on dirait
plutôt cognitives si on était à un séminaire universitaire).

Bien souvent cependant, la décision n’est pas prise


par une seule personne mais par l’organisation dans son
ensemble. On distingue traditionnellement trois modèles :

Le modèle de la multiplicité des objectifs de Cyert et


March. Dans ce cas le problème vient du fait que chaque
acteur de l’organisation, chaque centre de décision a des
objectifs différents de ceux de l’organisation dans son
ensemble. Le défi est donc de résoudre les conflits
d’objectifs.
Le modèle de la réduction d’incertitude, ou théorie
comportementale de la firme. Dans ce modèle l’entreprise
cherche avant tout à réduire l’incertitude et le risque, au
détriment des opportunités potentielles. C’est la logique
managériale qui prévaut sur la logique entrepreneuriale.
La théorie de la poubelle de March, Cohen et Olson.
Selon ce modèle, quand les décideurs n’arrivent pas à
prendre des décisions innovantes face aux nouvelles
difficultés, ils puisent dans le passé (dans la poubelle) des
décisions anciennes.

3) Les parties prenantes et contre-pouvoir


de la décision
Une entreprise est composée de (et en relation avec)
une multitude de parties prenantes, que nous pouvons
définir comme étant un individu ou un groupe qui peut

135
être impacté par les décisions de l’entreprise, par exemple
les salariés, les fournisseurs, les clients, les investisseurs…
Chacune de ces parties prenantes va essayer
d’influencer la prise de décision dans un sens favorable à
ses intérêts. Les actionnaires tenteront d’obtenir le
dividende le plus élevé possible, les salariés une hausse
des salaires, les clients comme les fournisseurs de
meilleurs prix… Chacun ayant ses moyens de pression
propres : leur présence au conseil d’administration pour
les actionnaires, les syndicats et la menace de grève pour
les salariés, les possibilités offertes par la concurrence
pour les clients et les fournisseurs.
La loi est, bien entendu, un contre-pouvoir décisif de
l’entreprise puisqu’elle interdit ou oblige certaines
pratiques. Mais les médias et l’opinion publique d’une
façon générale sont eux-aussi des contre-pouvoirs
importants. Toute entreprise est terrorisée à l’idée qu’un
scandale éclate, pensez à Findus avec la viande de cheval
ou Volkswagen et ses moteurs truqués.

4) Le management
Encore un terme américain entré dans le langage
courant. On peut le définir comme l’ensemble des
techniques de direction, d'organisation et de gestion de
l'entreprise, il est donc intimement lié à la prise de
décision. C’est un terme assez général, parfois même un
peu fourre-tout, et il est souvent divisé en catégories plus
précises : management de l’innovation, des ressources
humaines, des risques…
On le rapproche souvent de la gestion, dont il se
distingue cependant en ceci que le management est plutôt
lié à l’organisation du travail et aux relations humaines
avec une dimension collective (management stratégique,
136
management de projets…). La gestion fait plutôt référence
à des aspects techniques et quantifiables (gestion
comptable, gestion de patrimoine…).

La mise en œuvre du management se déroule selon un


processus en quatre étapes :

La finalisation : elle revient à se demander quels sont les


finalités de l’entreprise, ses objectifs et la stratégie
mobilisée pour les atteindre.
L’organisation : elle consiste à créer un organigramme et
un mode de prise de décisions qui assurera le
fonctionnement de l’entreprise en fonction des objectifs
identifiés à l’étape précédente.
La mobilisation des ressources : on réfléchit à la façon
dont l’entreprise va se procurer les ressources humaines et
matérielles qui lui permettront d’atteindre ses objectifs.
Le contrôle des résultats : ne pas oublier cette dernière
étape ! C’est à ce moment que sera fait le bilan des
objectifs atteints ou non et des leçons à tirer d’éventuels
échecs.

On ne pouvait pas écrire un livre sur l’entreprise sans


aborder au moins une fois ce terme de management. C’est
chose faite. Seulement nous n’irons pas plus loin car,
comme nous l’avons-vu, le management peut se
décomposer selon les différentes tâches et fonctions de
l’entreprise (stratégie, innovation…), nous toucherons un
mot de chaque étape en temps voulu dans les parties
correspondantes.

137
VIII) Promotion, commercialisation
et distribution
Si on se rappelle le début, on avait commencé par dire
que le profit est la règle du jeu. Et qui dit profit dit vente.
Ce qui n’est pas une mince affaire. Déjà, pour trouver des
clients, il faut bien les connaître pour savoir ce qu’on va
leur proposer. D’où l’importance de l’étude de marché.

1) L’étude de marché
Une étude de marché consiste à étudier les besoins et
les attentes des clients potentiels ainsi que la concurrence
à laquelle l’entreprise devra faire face. Il faut donc
recueillir des informations détaillées sur la clientèle. C’est
pourquoi des jeunes filles que l’on choisit en général le
plus souriantes et mignonnes possible vous accostent à
intervalle régulier dans les allées des centres commerciaux
en vous demandant si vous avez trente secondes pour
répondre à un questionnaire. Ou que vous êtes assaillis de
courriels ou de coups de fil que vous essayez d’abréger au
maximum en puisant loin dans votre imagination. Parfois,
on va même jusqu’à proposer un petit cadeau à l’heureux
cobaye qui aura accepté de subir l’interrogatoire. Ou, plus
encore, on paie des gens pour qu’ils acceptent de venir
bavarder de leurs expériences de consommation.
Bref, d’une façon ou d’une autre, vous collectez des
infos sur vos clients (âge, sexe, revenus…), leurs
comportements d’achat (fréquence d’achat, utilisation du
produit), leurs opinions (que pensent-ils de la marque, des
concurrents…), leurs critères de choix (prix, qualité,
packaging…), liste non exhaustive.

139
Prenons l’exemple du Minitel. Un peu poussiéreux
mon exemple, mais je l’aime bien quand même. Avant le
lancement du Minitel, on a procédé à une étude de marché,
logique. Et il en est ressorti que les utilisateurs trouvaient
l’appareil trop gros. Alors, ni vu ni connu, il fut décidé de
le baptiser Minitel. Car si dans le nom on vous dit qu’il est
mini, comment pourriez-vous dire qu’il est trop gros ?
Après-tout, il s’agissait d’un objet nouveau et personne ne
savait vraiment quelle taille devrait avoir un Minitel…

Réaliser une bonne étude de marché n’est pas simple.


Car entre ce que raconte la ménagère de moins de
cinquante ans et ce qu’elle fait quand elle déambule dans
le supermarché il y a une différence notable. Des
psychologues se penchent sur l’acte d’achat, le désir de
consommer et tout ce qui tourne autour. Aussi des cabinets
de conseil spécialisés font leur métier d’épier le
consommateur sous toutes ses coutures, pour revendre
leurs informations et statistiques à des entreprises
soucieuses d’affuter leur stratégie commerciale.

2) La mercatique
La mercatique, vous n’en avez probablement jamais
entendu parler, car en bon français il faut dire marketing.
Que voulez-vous, mon bon Monsieur, la langue part à vau-
l’eau avec le reste… La mercatique - utilisons le mot
français quitte à paraitre moyenâgeux - consiste à stimuler,
susciter ou renouveler le besoin des consommateurs.
L’étude de marché est bien entendu un préalable à la
stratégie marketing : il faut bien connaitre ses clients pour
présenter le produit de façon efficace. Eviter par exemple
le fiasco de la Nova. Aller, je vous raconte l’histoire, elle
est cocasse. Dans les années 1960, Ford lance une
140
nouvelle voiture aux Etats-Unis et, probablement pour se
donner un style novateur, décide de l’appeler la Nova.
Nova, ça sonne bien je trouve. A ceci près que les Etats-
Unis sont collés au Mexique, que la communauté latino
était déjà importante à l’époque et que Nova signifie en
espagnol « ça va pas » (no va). On subodore que peu
d’hispanophones ont acheté la voiture et, en prime, tout le
monde a bien rigolé de ce nom si mal choisi ! Mais le jour
où les américains daigneront apprendre les langues
étrangères, ce genre de déconvenue ne se produira plus…

La mercatique, je ne vous apprends rien, s’appuie


sur de nombreux ressorts : la publicité, le packaging, le
logo, le sponsoring, le mécénat… Tout ceci coûte cher,
très cher ! Pour se faire connaître et aimer dans un
environnement de plus en plus concurrentiel, les
entreprises dépensent des sommes folles en publicité. Par
exemple, en 2012, General Motors (constructeur
automobile américain peu connu en France) a claqué 3,1
milliards de dollars en publicité, L’Oréal 2,1 milliards,
Apple 1 milliard. Un spot publicitaire de 30 secondes sur
TF1 à une heure de grande écoute coûte environ 90 000€,
160 000€ avant un match de qualification au mondial.
Nike a déboursé 320 millions d’euros pour être
équipementier de l’équipe de France de 2011 à 2017.
On pourrait multiplier les exemples, mais vous
avez compris l’idée. Et ces dépenses sont orientées à la
hausse ! Certains publicitaires estiment même qu’il existe
une sorte de « bulle » de la publicité et que ces dépenses
faramineuses ne sont pas toujours rentables. La pub coûte
cher, mais ne pas en faire serait probablement bien pire
pour les entreprises. Le problème est qu’il n’est pas
évident de cibler précisément le client potentiel, d’où des
campagnes de grande ampleur à prix d’or. Comme dit le
141
dicton : la moitié des investissements publicitaires est
dépensée en pure perte, le problème est qu’on ne sait pas
laquelle.

Le marketing, c’est comme le reste. Il a été étudié


sous toutes ses coutures, classé comme ci, réarrangé
comme ça. Pour faire simple, différencions les principales
stratégies marketing :
Spécialisé : ça consiste à cibler une clientèle particulière,
comme faire de la publicité pour des cannes à pêche dans
un magazine spécialisé plutôt qu’avant le 20 heures.
Etendu : on cherche à toucher le public le plus large
possible, ce qui convient bien pour des marques grand-
public. Dans ce cas le spot télé d’avant le 20 heures est
tout indiqué, ou le panneau publicitaire au bord d’une
route.
Publicité produit : l’objectif est de communiquer sur un
seul produit d’une marque, comme faire la pub de la Clio
plutôt que de Renault.
Publicité institutionnelle : à l’inverse de la précédente,
on cherche à promouvoir une marque plutôt qu’un produit
en particulier. L’exemple typique est celui d’Apple et de
son slogan Think different. On y voyait tout un tas de
choses, d’un portrait de Picasso à une lanceuse de poids
lancer une caillasse dans un écran pour symboliser la fin
du monopole de Microsoft et IBM, mais jamais les
produits que le client est sensé acheter.
« Casser les codes » : là le but est de communiquer de
façon particulière, inattendue, pour surprendre le
consommateur et créer le buzz, comme on dit de nos jours.
Comme les saucisses de Morteau qui, dans le métro
parisien, avaient présenté leurs grosses saucisses
accompagnées d’un commentaire lourd de sous-entendus

142
« offrez-vous 20 cm de pur bonheur !» (La publicité visait-
elle une clientèle féminine ? mystère).
Ou cette pub pour des sous-vêtements représentant la
photo d’une créature comme on n’en voit jamais dans la
vraie vie, vêtue justement de lingerie fine qui dit
« Regardez-moi dans les yeux… j’ai dit les yeux… ».
Vous remarquerez au passage que ce genre de pub se situe
souvent en dessous de la ceinture…
L’entreprise experte en pubs provoc’ est bien entendu
Benetton et son photographe fétiche Oliviero Toscani, à
tel point qu’on connait plus ses pubs que ses produits.
Exemple de celle représentant un curé embrassant une
none ou celle avec deux chevaux se grimpant dessus pour
s’offrir une saucisse de Morteau de pur bonheur…

Quand on pense mercatique, on pense avant tout


image. Présentation du produit, visuel, slogan. D’accord,
mais on pourrait aussi penser au bruit. Par exemple,
ouvrez une canette de soda et il résonne un petit
craquement caractéristique. Ou meilleur exemple encore :
les pots de Nutella. Le froissement de l’aluminium
lorsqu’on ouvre le pot la première fois, annonciateur du
régal à venir. J’en connais (mais je ne citerai pas de
noms…) qui vous voleraient dans les plumes si vous osiez
ouvrir le pot à leur place ou faire du bruit pendant cet
instant de recueillement. Ils achèteraient des pots de
Nutella rien que pour les ouvrir, limite…

3) La politique de prix
Ça ne vient pas spontanément à l’esprit, mais fixer le
prix d’un produit est un vrai casse-tête. Les grandes
entreprises dépensent des petites fortunes pour savoir où
placer leurs prix. On fait ce qu’on appelle des calculs
143
d’élasticité : si j’augmente mon prix de 1%, dans quelle
proportion diminue ma clientèle (ou augmente, mais c’est
plus rare) ?
Prenons l’exemple de Coca-Cola pour illustrer les
questionnements que peut impliquer la fixation du prix.
Une bonne partie du XXème siècle, la canette de Coca a
coûté 5 cents aux Etats-Unis. Or, entre temps, l’inflation a
été forte et les prix moyens ont beaucoup augmenté. Mais
il était très difficile pour Coca-Cola d’augmenter ses prix.
Pour la bonne raison que les canettes étaient généralement
vendues en distributeurs n’acceptant que des pièces, le
prix aurait donc dû bondir de 5 à 10 cents, puisqu’il
n’existait pas de pièces de valeur intermédiaire, ce qui
aurait fait hurler les consommateurs. Et puis la marque
avait distribué tout un tas de gadgets publicitaires où il
était indiqué qu’une canette coûte 5 cents. Difficile de
faire payer 6 cents au client quand il est écrit sur le plateau
sur lequel on lui apporte sa canette de Coca que celle-ci
n’en coûte que 5… Il parait même que le patron de Coca-
Cola aurait demandé au président Eisenhower de créer des
pièces de 7,5 cents pour lui faciliter sa politique de
fixation de prix !

On l’a dit, déterminer une stratégie de prix n’est pas


facile, il faut prendre en compte de nombreux facteurs
parmi lesquels :
La règlementation : pour certaines professions les prix
sont encadrés par l’Etat, comme ça au moins, il n’y a pas à
trop se creuser la cervelle. C’est par exemple le cas du
secteur médical.
Les coûts : si une entreprise ne connait pas le coût de
revient d’un produit, elle ignore son seuil de rentabilité et
risque de fixer un prix trop faible ou trop élevé par rapport
à la concurrence ou de gagner des marges faméliques.
144
L’interdiction de vendre à perte est une contrainte
supplémentaire qui aurait d’ailleurs eu sa place dans le
tiret précédent.
La concurrence : observer les concurrents peut aider à
déterminer la politique de prix : veut-on ou pas être
agressif sur les prix ? Cherche t’on à se placer bien
sagement dans la moyenne, à grappiller des parts de
marché ou au contraire à jouer sur les marges ?
L’élasticité-prix de la demande. On l’a rapidement dit
avant, l’élasticité c’est l’influence d’une variable A sur
une variable B. De combien varie B pour une variation
donnée de A ? Une notion, entre parenthèse, très
importante en économie, gestion et finance. Dans le cas
présent, on cherche à savoir de combien varie la demande
suite à une variation des prix. Si l’élasticité-prix de la
demande est de -10%, cela signifie qu’une hausse des prix
de 1% entraine une baisse de la demande de 10%. Si la
demande est peu élastique (on dit aussi que l’élasticité-
prix de la demande est faible), l’entreprise pourra
augmenter ses prix sans perdre trop de clients. Par
exemple, si l’entreprise est en situation de monopole (un
seul vendeur sur un marché) elle peut augmenter ses prix
tant qu’elle veut, les clients n’ont pas la possibilité d’aller
voir ailleurs. L’élasticité prix est faible et c’est bien
pourquoi dans le cas des monopoles les prix sont souvent
élevés. Inversement, si la demande est fortement sensible
au prix, donc très élastique, il faudra y aller mollo sur les
hausses de prix au risque de voir tous les clients se faire la
malle.

4) La distribution
La distribution, c’est ce qui permet de mettre le produit
au contact du client. Elle s’occupe donc de la logistique,
145
c'est-à-dire le transport, mais aussi de la façon dont le
client va être mis en relation avec le produit. Ce qu’on
appelle la gestion de la chaîne logistique, ou supply chain
management, comme disent les gens dans le coup.

a) La gestion de la chaîne logistique

Logistique et distribution sont de plus en plus


complexes du fait de l’internationalisation croissante des
entreprises même si la production reste, plus souvent
qu’on ne le croit, réalisée dans les pays riches et proches
du client final. Trimballer les produits aux quatre coins du
monde coûte cher et nécessite une organisation poussée.
En plus de s’internationaliser, les entreprises
externalisent une part croissante de leur production, ce qui
signifie faire-faire par d’autres entreprises une part
croissante du travail, ce que l’on appelle communément la
sous-traitance.
Au début du XXème siècle, Ford concevait ses voitures,
les vendait, les assemblait, s’occupait de la formation et
même des loisirs des salariés - ce qu’on appelle le
paternalisme. Aujourd’hui, Apple conçoit des iPod,
iPhone, iMachin… mais la production est sous traitée à
des entreprises comme Foxcom.
Non seulement la production est réalisée de plus en
plus loin du lieu de consommation, par un nombre
croissant d’entreprises, mais elle est de moins en moins
localisée dans le même pays. Exemple classique de
l’iPhone vendu en France qui est conçu en Californie,
assemblé en Chine à partir de pièces venant du Japon, de
Corée du Sud ou d’Allemagne.
Enfin les entreprises tendent à diminuer leurs stocks.
Avec le développement du toyotisme dans les années
1980, les stocks sont vus comme un coût inutile et à
146
diminuer (coût des entrepôts, des marchandises inutilisées,
du gardiennage et de l’assurance des locaux…). Les
entreprises travaillent de plus en plus en flux tendu, ce qui
rend plus complexe la logistique et plus problématique le
moindre pépin dans la chaîne d’approvisionnement.

L’importance de la logistique a évoluée au long du


ème
XX siècle du fait de l’évolution du modèle de
production. Jusque dans les années 1970, c’est le mode de
production fordiste qui a le vent en poupe. Je gage que
vous avez déjà entendu causer du fordisme, inventé au
début du XXème siècle par Henri Ford. C’est la
standardisation avec le modèle de la Ford T (« les clients
peuvent choisir la voiture qu’ils veulent à condition que ce
soit une Ford T noire », disait Henri Ford qui avait le sens
de l’humour…), la journée de travail à 5 dollars qui
représentait à l’époque une forte hausse de salaire de façon
à fidéliser les employés et à leur permettre d’acheter les
voitures qu’ils produisent, la division du travail et la
spécialisation des tâches raillée par Charlie Chaplin dans
Les temps modernes ; comme quoi étudier la gestion
d’entreprise revient à se pencher sur les sociétés dans
lesquelles elles se développent.

Puis, à partir des années 1970 et 1980, Taiichi Ono,


ingénieur chez Toyota, va dépoussiérer l’organisation
fordiste et inventer ce que l’on appelle sans grande
originalité le toyotisme. C’est l’époque où tout semble
réussir à l’économie japonaise que les chroniqueurs
voyaient déjà détrôner celle des Etats-Unis, avant la grave
crise du début des années 1990 dont le Japon n’est jamais
vraiment sorti…
Le toyotisme se base sur la formation et la polyvalence
des ouvriers (là où le fordisme les considérait plutôt
147
comme des machines), l’obsession de la qualité et la
diminution drastique des stocks. C’est là que nous
rejoignons la logistique. Comme les stocks, tant de
composants que de produits finis, sont réduits à la portion
congrue, la logistique doit être aux petits oignons. Car ne
pas avoir de stocks permet certes de comprimer les coûts
mais, en cas de pépin dans l’approvisionnement des pièces
détachées, c’est toutes les lignes de production qui
risquent de se retrouver à l’arrêt.
Ce n’est pas pour rien que le toyotisme est associé à la
production à flux tendu, aussi connu sous l’expression
« juste à temps ». Par exemple, le tsunami au Japon ou les
inondations en Thaïlande en 2011 ont endommagé de
nombreuses usines et coupé les chaînes
d’approvisionnement de l’industrie du monde entier, ce
qui a révélé les faiblesses potentielles de la production à
flux tendu et de l’internationalisation.

b) Les différents aspects de la distribution

Quand on parle de distribution, on entend


l’acheminement du produit jusqu’au client mais aussi sa
mise à disposition dans le lieu de vente. Et sur ce seul
sujet il y aurait de quoi écrire un bouquin. Mais on va se
contenter de quelques paragraphes.
Le modèle né après la seconde guerre mondiale,
encore dominant aujourd’hui, est celui de l’hypermarché
de banlieue. Tout le monde a une voiture avec laquelle on
se gare sur le parking tentaculaire d’un hyper. Comme le
dit le dicton américain : no park, no sale (pas de parking,
pas de vente).
Dans l’hyper en question, on trouve à peu près tout
ce dont on a besoin, ce qui facilite bien les choses et rend
l’endroit tellement pratique donc attractif. On vient de dire
148
que ce système est encore dominant, mais il est cependant
battu en brèche. C’est le symbole de la classe moyenne et,
comme ladite classe moyenne est de plus en plus éclatée
entre une partie qui glisse vers la pauvreté et une autre
vers l’aisance financière, le supermarché traditionnel
reflète de moins en moins l’humeur du temps. C’est vrai
aux Etats-Unis, mais aussi en Europe. Voyez, à titre
d’exemple, le secteur de l’automobile. Quelles sont les
marques qui s’en sont bien tirées sur la décennie écoulée ?
Les low-cost comme Logan et le haut de gamme,
notamment allemand (Audi, BMW, Mercedes). Les
marques plus classe moyenne, par exemple les françaises
ou FIAT, ont souffert, reflétant la polarisation croissante
entre les gens qui s’en sortent bien et ceux qui galèrent,
mais tout ceci nous entraînerait dans des considérations
socio-économiques qui dépasseraient le cadre de ce livre.
Des modèles alternatifs au supermarché standard ont donc
émergé, détaillons quelques exemples emblématiques.

Le hard discount, né en Allemagne (Aldi et Lidl),


s’est propagé en France et ailleurs. On pourrait se
demander pourquoi ce type de magasin est né en
Allemagne, un pays que l’on associe plutôt à la prospérité
économique par les temps qui courent. Mais il n’en fut pas
toujours ainsi et, à la fin de la Seconde Guerre Mondiale
les temps sont durs et le pays mettra de longues années à
se reconstruire.
C’est alors que les frères Albrecht reprennent la
petite affaire familiale et en font le leader du Hard
Discount, devenant au passage les premières fortunes
d’Allemagne. Le concept est simple : le moins cher
possible. Peu de choix, une décoration minimaliste, un
service client inexistant. Inutile de prendre la peine
d’aligner les produits sur les rayons, un carton posé à terre
149
fait l’affaire. On ne s’attend pas à trouver de la qualité
cinq étoiles ni à ce que la caissière soit jolie et souriante,
la qualité qu’on attend d’elle est de travailler pour le
salaire le plus bas possible.
D’apparence, un supermarché hard discount est
semblable à un supermarché classique. De loin, on ne
verrait pas la différence si ce n’était la marque. Mais le
hard discount se caractérise par un choix plus réduit, une
présentation moins soignée et une gamme de produits plus
populaire. Dans le supermarché classique, on bichonne le
chaland juste assez pour qu’il se sente malgré tout un
consommateur respecté.

Voyons la différence, abyssale, avec un Apple


Store. Quand on entre dans ce magasin, ce qui frappe tout
d’abord, c’est l’agencement : il n’y a rien. Ou plutôt, il y a
beaucoup d’espace et de vendeur(euse)s souriant(e)s.
C’est propre, lumineux, spacieux. Tout client est
immédiatement pris en charge par du personnel compétent
qui le guidera dans ses choix. Avec, bien évidemment, des
prix en conséquence.
On ne se cible décidément pas la même clientèle
que Lidl… Pourtant, Lidl et l’Apple Store font le même
métier : ils mettent, dans un magasin, un produit en vente
à destination d’une clientèle qui a spécialement fait le
déplacement. Mais en pratique, les deux concepts n’ont
rien à voir et correspondent à deux métiers différents : le
vendeur de l’Apple Store n’a pas beaucoup en commun
avec le caissier de chez Aldi.
Amusez-vous à repérer les subtilités murement
réfléchies des stratégies de distribution des différentes
enseignes, et vous verrez que cette activité ô combien
ennuyeuse que l’on nomme « shopping » en deviendrait
presque supportable…
150
D’autres enseignes ont développé un style propre
qui a fait leur renommée et leur succès. On peut penser à
Ikéa qui a imaginé une organisation originale : nous faire
passer par différentes atmosphères qui représentent les
différentes pièces de la maison. On rompt complètement
avec les rayonnages tracés au cordeau du supermarché
lambda. Ceci donne au client l’impression qu’il n’est pas
dans un magasin classique mais « chez Ikea » et présente
aussi l’intérêt de le faire passer devant tous les produits
avant d’arriver à l’entrepôt final où il prendra ses cartons
(je sais, il existe des raccourcis pour éviter de se farcir tout
le magasin, mais vous arrivez à les trouver, vous ?). Autre
avantage de cette organisation : on peut prendre son temps
pour tout regarder sans avoir les mains encombrées, ce qui
est bien plus pratique pour rêver à la façon dont on va
aménager la nouvelle cuisine… Ce concept a permis à son
inventeur Ingvar Kamprad de figurer parmi les premières
fortunes mondiales. Ça rapporte, la distribution ! On vient
de voir que les frères Albrecht ont ramassé un fric
phénoménal avec leur concept de hard discount, en France
les Mulliez (Auchan) se classent en haut du palmarès des
plus grosses fortunes, tout comme les héritiers des
magasins Walmart aux Etats-Unis ou Amancio Ortega,
fondateur de Zara et première fortune d’Espagne.

De plus en plus, l’idée des centres commerciaux


est de ne plus être basés sur la vente en tant que telle mais
de devenir des lieux de vie. On ne va plus « faire ses
courses » mais « passer l’après-midi au centre
commercial ». Après-tout, chacun passe bien son temps
libre comme il l’entend… Fini, donc, le modèle de
l’hypermarché où l’on va remplir le coffre de sa bagnole et
repartir aussi sec car l’endroit est franchement triste à
pleurer.
151
Les centres commerciaux se garnissent de
fontaines, de fausses fleurs en vrai plastique, de
décorations à Noël. On y installe des bancs, des
restaurants, des cinémas, des coiffeurs, des bibliothèques
ou des salles de sport, en un mot tout ce qu’il faut pour
passer un moment agréable. Et puisque l’endroit est privé
et fermé, un vigile attentif fait en sorte qu’aucun clochard
mal fagoté ne vienne troubler la quiétude des clients et
puisse les faire culpabiliser à l’idée de dépenser autant
d’argent pour des choses dont ils n’ont objectivement pas
vraiment besoin… Les centres commerciaux tendent
parfois à la démesure, l’exemple emblématique se situant
à Dubaï où une piste de ski a été créée dans un
gigantesque centre commercial, coup marketing efficace
puisqu’on en parle dans ces lignes et qui tient surtout aux
cinquante degrés à l’ombre de l’endroit…

Tout ceci pourrait bien être chamboulé par internet.


Plus besoin de jouer des coudes au milieu des caddies et
de mômes braillant le samedi d’avant Noël. Tout est
accessible en trois clics confortablement avachis dans son
canapé. La vente en ligne a pris de l’ampleur, certes, mais
elle n’a pas rendu obsolète pour autant le bon vieux
magasin. Car on aime bien fouiner, voir, toucher… ou
aller faire un tour de ski si on habite Dubaï !
D’autres modes de distribution apparaîtront
probablement, il n’y a pas de raison que le processus
s’arrête. Lesquels ? Creusez-vous la cervelle ; puisque les
premières places des classements des grandes fortunes
sont souvent remplies par des gens qui ont eu des idées
novatrices en la matière, il y a certainement des sous à
gagner…

152
5) La gestion des stocks
Gérer les stocks est une des tâches centrales de la
fonction logistique car c’est elle qui est chargée de
l’approvisionnement et de la distribution des
marchandises. Un stock est un coût (marchandise
immobilisée, entrepôts, assurance, vigile…), il convient
donc de le diminuer au maximum. Mais une rupture de
stock est dramatique pour une entreprise car cela signifie
un arrêt de la production ou de la livraison.
Un autre souci est de savoir comment évaluer la valeur
d’un stock, on distingue pour cela deux méthodes
principales :

a) La méthode du coût moyen pondéré

Cette méthode consiste à faire la moyenne de la valeur


du stock et à évaluer toutes les sorties de stock à cette
valeur moyenne.

Exemple : Une usine achète des futs de solvants pour


sa production. Voici l’évolution de son stock en 2013, on
considère qu’il n’y a pas de stock en début de période :

10/01 : achat 30 futs à 100€ pièce


15/02 : achat de 10 futs à 110€ pièce
30/06 : achat de 20 futs à 120€ pièce
10/07 : sortie de stock : 10 futs
25/09 : sortie de stock : 30 futs

153
Opérations Quantité Prix Prix total
unitaire
10/01 : achat 30 100€ 3 000€
15/02 : achat 10 110€ 1 100€
30/06 : achat 20 120€ 2 400€
Stock
60 108,33€ 6 500€
disponible
10/07 : sortie 10 108,33€ 1 083,3€
25/09 : sortie 30 108,33€ 3249,9€

Avec cette méthode, on calcule le prix moyen des


produits en stock, et on valorise toutes les sorties à partir
de ce prix moyen unique. L’exemple ici est simple, pour
ne pas dire simpliste. S’il y avait de nouvelles entrées en
stock, il faudrait les prendre en considération au fur et à
mesure pour recalculer un nouveau prix moyen.

b) La méthode premier entré – premier sorti

Les initiales de premier entré – premier sorti sont


PEPS, c’est pourquoi on parle souvent de la méthode
PEPS, ou FIFO pour first in – first out dans sa version
anglaise. Avec cette méthode on ne va pas calculer de prix
moyen. Le coût unitaire de sortie d'un type d'article du
stock est égal à la valeur de l'article qui est entré en
premier chronologiquement dans le stock.

Reprenons le même exemple que précédemment :

154
Opérations Quantité Prix Prix total
unitaire
10/01 : achat 30 100€ 3 000€
15/02 : achat 10 110€ 1 100€
30/06 : achat 20 120€ 2 400€
Stock 60 108,33€ 6 500€
disponible
10/07 : sortie 10 100€ 1 000€
25/09 : sortie 20 100€ 2 000€
10 110€ 1 100€

Cette méthode est différente en ceci que le prix


unitaire moyen que nous avons calculé ne va pas nous
servir à grand-chose, vous remarquerez d’ailleurs que je
ne l’ai pas mis en gras. L’important ici est de bien se
souvenir des produits entrés les premiers en stock car,
comme le nom de la méthode l’indique, ce seront les
premiers à sortir. Le 10/07, on fait donc sortir 10 unités à
100€ entrées le 10/01. Et le 25/09, lorsqu’on doit faire
sortir 30 unités, on en fait sortir 20 à 100€ puisqu’il n’en
reste plus que 20 sur les 30 entrées le 10/01 et on en fait
sortir 10 à 110€ entrées le 15/02. Pigé ?

155
IX) L’innovation et la qualité
Dans un environnement concurrentiel, proposer des
produits novateurs et de bonne qualité est indispensable
pour réussir. Ceux qui se reposent sur leurs lauriers ou qui
sapent la qualité pour améliorer leurs marges à court terme
sont généralement voués à l’échec.
C’est vrai, toutes les entreprises prospères ne sont pas
innovantes. Coca Cola ou Nutella (groupe Ferrero)
fabriquent le même produit depuis des décennies et leur
produit phare sera encore surement le même pendant des
décennies. Mais ces cas ne sont pas les plus répandus.

1) L’innovation
L’innovation consiste en une amélioration radicale
d’un produit, d’un service ou d’un procédé qui remporte
un succès rapide. L’innovation peut donc être liée à
l’invention d’une nouvelle technologie, mais pas
uniquement, ce peut être une nouvelle façon de s’organiser
ou de penser.
Ici, nous nous intéresserons à l’innovation faite par les
entreprises, mais elle peut aussi être le fait de chercheurs
fonctionnaires (dans les universités), d’Etats ou
d’administrations publiques (des innovations dans la vie
publique comme la démocratie, dans les transports,
exemple du vélib…), d’associations (le micro-crédit avec
la Grameen Bank) ou d’individus, artistes ou inventeurs.
D’ailleurs, si vous demandez aux économistes ce qu’il
faudrait faire pour que l’économie aille mieux, ils
répondront probablement « innover ». Plus facile à dire
qu’à faire, mais l’innovation permet de réaliser des gains

157
de productivité qui alimenteront la croissance et la hausse
du niveau de vie.

a) Des exemples d’innovations en entreprise

Quelques petits exemples d’innovations célèbres


réalisées par des entreprises permettront d’illustrer le
concept, même si on aura l’occasion d’en reparler par la
suite :

Henri Ford n’a pas inventé de produit particulièrement


nouveau. Mais sa façon de produire à la chaîne et de
standardiser la fabrication pour en réduire les coûts était
révolutionnaire, au début du XXème siècle. Les hausses de
salaires, que tout le monde jugeait suicidaires, étaient en
fait un moyen de fidéliser et motiver les salariés, et d’en
faire de futurs clients de Ford.

Toyota a inventé le toyotisme dans les années 1970


comme Ford avait inventé le fordisme quelques décennies
plus tôt. Au travail à la chaîne on préfère la polyvalence
des ouvriers, les stocks sont réduits au maximum, la
réactivité est l’objectif. C’est la célèbre règle des « cinq
zéros » : zéro stock, zéro défaut, zéro délai, zéro papier,
zéro panne… on ajoute parfois d’autres « zéros ». Toyota,
entre autres grâce à son organisation novatrice, est
devenue le premier constructeur mondial devant
l’américain General Motors. Elle a bien entendu été copiée
comme Ford l’avait été dans son temps.

Au début des années 1980, Sony lance le Walkman qui


connaîtra un tel succès qu’il deviendra un branduit. Un
branduit, contraction de brand (marque) et produit, est une
marque que l’on utilise pour désigner un objet courant,
158
comme on dirait un Kleenex pour un mouchoir en papier.
L’innovation du walkman est à la fois technologique, du
fait de la petite taille de l’appareil, mais aussi dans la
façon de consommer le produit, en l’occurrence la
musique. A l’époque, on considère que la musique
s’écoute chez soi, bien confortablement vautré dans son
canapé. Nombreux étaient ceux qui prédisaient l’échec
cuisant du Walkman, car personne ne voudrait écouter sa
musique préférée dans la rue ou le métro…

On en reparlera, mais Apple a été une des entreprises


les plus innovantes de ces dernières années. A la fois sur
les technologies et les produits, mais aussi sur leur
distribution (Apple Store) et la communication (publicité,
présentation des produits lors de grandes cérémonies…).

Dans la distribution, Wall Mart ou Carrefour ont


popularisé le supermarché de banlieue où l’on vient avec
sa voiture remplir son Caddie. On le répète : innover n’est
pas nécessairement inventer une nouvelle technologie.

Mais c’est vrai que de nombreuses innovations ont été


technologiques, comme le télégraphe ou le phonographe
d’Edison, père de tous les inventeurs, Google avec son
algorithme, Michelin et les pneus sans chambre à air… la
liste serait très longue.

En fait, la plupart des grandes réussites


entrepreneuriales sont basées sur une innovation (ou sur
l’amélioration d’une innovation faite par d’autres, comme
General Motors qui copie Ford en l’améliorant). Parfois,
l’innovation semble minime, comme Aldi ou Ryanair qui
ne font rien d’autre que couper les coûts au maximum.

159
Conclusion, si vous ambitionnez de figurer un jour
au classement des grandes fortunes, creusez-vous la tête…

b) Les principaux types d’innovation

Puisqu’il existe des classifications pour tout, il existe


aussi une classification des innovations, qui ne fait jamais
que mettre de l’ordre dans ce dont on a déjà parlé :

L’innovation produit : invention d’un nouveau produit


(ou service), comme la cocotte-minute inventée par SEB
ou le walkman par Sony.
L’innovation de procédé : la mise en œuvre d’un
nouveau business-model pour un produit ou service
existant (Ryanair dans le low cost qui n’a fait qu’appliquer
différemment un service qui existait déjà).
Innovations de commercialisation : nouvelle façon de
vendre et présenter les produits (exemple typique d’IKEA,
ou de l’Apple Store).
Innovation d’organisation : nouvelle organisation de
l’entreprise (on retrouve Henri Ford ou le toyotisme).

c) Comment les entreprises tentent d’innover ?

Innover est central, on en a déjà parlé. Seulement, les


innovations ne tombent pas du ciel, on peut essayer de les
faire germer. Une foule de stratégies peuvent faciliter
l’innovation :

Celle qui vient spontanément à l’esprit est liée aux


dépenses en recherche et développement (R&D) qui
engloutit des sommes considérables. Toyota est
l’entreprise qui consacre le plus d’argent au monde à la
R&D, presque 10 milliards de dollars par an. Les groupes
160
pharmaceutiques comme Novartis ou Roche dépensent
environ 8 milliards de dollars par an, dans un secteur où
l’innovation passe avant tout par des recherches
extrêmement coûteuses.

Impliquer les salariés est une façon de faire émerger


des idées. Beaucoup d’entreprises incitent les salariés à se
montrer créatifs. Par exemple Taiichi Ono était un
employé de Toyota qui a inventé ce que l’on appelle
désormais le toyotisme, mais que certains nomment
Taiichionisme. Des groupes comme Apple ou Google
accordent une grande importance à l’inventivité de leurs
salariés : moments de détente propices à la réflexion,
concours et primes pour l’idée la plus innovante,
l’inventivité comme critère de recrutement de nouveaux
collaborateurs…

Les liens avec l’extérieur peuvent être source


d’innovations. Les bonnes idées peuvent venir d’horizons
multiples, et c’est d’ailleurs souvent de combinaisons
originales et inattendues que peuvent naitre les meilleures
innovations. Les entreprises cherchent à développer des
liens avec des universités ou d’autres entreprises de façon
à favoriser l’émergence d’idées nouvelles. Les séminaires
et colloques ont souvent pour vocation de réunir des
personnes d’origine diverses et de créer un foisonnement
d’idées propice à l’innovation, quand ils ne sont pas un
bon prétexte à un moment de détente au soleil, quoique
l’un n’empêche pas nécessairement l’autre.

161
2) Pourquoi l’innovation devient-elle de
plus en plus importante ?
Pour les entreprises, comme pour les pays, innover est
un enjeu vital. Ce sont les organisations les plus
innovantes qui sont bien souvent les plus performantes. La
concurrence féroce des pays à faible coût de main d’œuvre
comme la Chine rend l’innovation encore plus importante.
Exemple de deux entreprises qui produisent en
France : Lejaby (lingerie, histoire de capter l’attention du
lecteur) et Airbus.
La lingerie est une activité à faible contenu
technologie et nécessitant beaucoup de main d’œuvre. Les
usines françaises ne sont donc pas compétitives face aux
faibles coûts chinois, les entreprises de lingerie française
ont soit fait faillite soit ont délocalisé en Chine.
L’aéronautique, à l’inverse est une activité
nécessitant des technologies de pointe et un grand savoir-
faire. L’important est d’avoir de bons ingénieurs, même
s’ils exigent de forts salaires. Inventer de nouveaux
modèles d’avion comme l’A380 nécessite une capacité
d’innovation que n’ont pas encore des pays comme l’Inde
ou la Chine, Airbus continue donc de fabriquer ses avions
à Toulouse.
L’innovation et la montée en gamme sont des
moyens efficaces de ne pas se faire croquer tout cru par la
concurrence de pays où la main d’œuvre est payée au
lance-pierre. Mais attention cependant, on parle souvent
de concurrence des pays en développement à la télé, mais
la concurrence entre pays développés est tout aussi féroce.
Les entreprises françaises ont tout autant à craindre la
concurrence asiatique qu’allemande.

162
L’exemple allemand, ou encore mieux, suisse,
illustre bien l’importance de la montée en gamme. La
Suisse est le pays du chocolat, de l’horlogerie et de la
banque, mais c’est aussi un pays industriel. Fabrication de
machines ou de médicaments permettent au pays de
maintenir un excédent commercial. Le tout avec des
salaires parmi les plus élevés du monde, juste parce que
l’industrie y est très innovante, avec toujours un temps
d’avance sur la concurrence.
Mais je m’attarde sur des choses qui relèvent plus
de la macro-économie que de l’entreprise en tant que telle,
il faut dire que les deux disciplines sont particulièrement
poreuses et on passe vite de l’une à l’autre sans s’en
rendre compte.
Coup de volant pour revenir aux entreprises, plus
spécifiquement à leur gouvernance.

163
X) La gouvernance d’entreprise
1) Qu’est-ce que la gouvernance ?
La gouvernance d’entreprise n’est pas une
discipline très connue et je pronostique que le lecteur n’en
a jamais entendu parler. Tant mieux, ça fera l’occasion
d’apprendre quelque chose. Dans les manuels
universitaires, on l’aborde généralement dans le chapitre
traitant de finance d’entreprise, puisqu’elle est intimement
liée au financement par capitaux propres, c’est-à-dire par
émission d’actions.
Elle peut se définir comme l’ensemble des
processus, institutions et lois qui définissent la façon dont
l’entreprise est administrée et contrôlée. Si le terme de
gouvernance d’entreprise vous est inconnu, vous avez déjà
entendu parler de retraite chapeau, de parachute doré, de
bonus, de prime, de stock option et des rémunérations des
grands patrons qui s’envolent au point de provoquer des
réactions indignées. Et bien tout ceci est lié à la
gouvernance d’entreprise.

La gouvernance d’entreprise traditionnelle, celle


enseignée dans les bouquins traitant du sujet est liée à la
théorie de l’agence telle que l’ont développée Michael
Jensen et William Meckling en 1976. Selon cette théorie,
il y a un principal (l’actionnaire) qui finance un agent
(l’entreprise). Le problème est que le principal n’a pas une
information complète sur l’agent qui peut soit être un
charlatan, soit un type honnête mais incompétent, soit
quelqu’un qui restera les doigts de pied en éventail une
fois que l’actionnaire aura apporté l’argent puisque ce
n’est pas ses économies qui partiront en fumée si
165
l’entreprise qu’il a créée fait faillite. De cette relation
d’agence nait deux problèmes, que l’on ne rencontre
d’ailleurs pas qu’en gouvernance d’entreprise :

La sélection adverse (ou anti-sélection) est, pour


le principal (ici l’actionnaire ou investisseur) de savoir
dans quelle entreprise il doit investir. Dit plus
prosaïquement, comment dénicher la petite entreprise
inconnue qui deviendra la success story de demain ?
L’actionnaire, pour savoir où il met les pieds, va
décortiquer en détail le projet proposé : les comptes de
l’entreprise, les produits qu’elle développe, le marché sur
lequel elle évolue, les diplôme de ses dirigeants… ce que
l’on appelle en bon français la due diligence.

L’aléa moral, ou moral hazard, se pose une fois que


l’investissement est réalisé. Le dirigeant de l’entreprise a
pu faire la roue à l’investisseur pour qu’il apporte des
billes et, une fois l’argent reçu, l’utiliser pour aller se la
couler douce sous les cocotiers au lieu de bosser.
L’investisseur n’est pas tombé de la dernière pluie et va
anticiper ce comportement. Déjà, en tant qu’actionnaire il
pourra virer le dirigeant s’il ne le juge pas assez
travailleur. Et, aussi, il peut essayer de le tenir par les
roubignoles. Par exemple en lui demandant de s’endetter,
d’hypothéquer sa maison pour investir dans l’entreprise.
Ainsi, l’investisseur qui apporte les fonds oblige le
dirigeant de l’entreprise à en apporter une partie et, encore
mieux, à s’endetter pour apporter cet argent. Ainsi les
deux se retrouvent dans le même bateau : si l’entreprise
coule ils seront tous les deux dans la mouise.
L’investisseur est donc assuré que le dirigeant fera le
maximum pour faire prospérer l’entreprise.

166
Dans cette relation d’agence le principal
(l’investisseur) cherche à sélectionner puis à contrôler
l’agent (le dirigeant de l’entreprise dans laquelle il
investit). Ce dirigeant, lui, va tenter de signaler aux
investisseurs potentiels qu’il est compétent et honnête. Il
se vêtira d’une belle cravate et d’une chemise fraichement
repassée, brandira ses diplômes et son casier judiciaire
vierge, étalera toutes ses relations bien placées...
De cette optique disciplinaire de la gouvernance
d’entreprise, qui se centre sur les moyens à disposition des
actionnaires pour contrôler les dirigeants, a découlé une
certaine vision de la rémunération des dirigeants qui n’est
pas allée sans certaines dérives…

2) Gouvernance et rémunération des


dirigeants
Il faut se rappeler ce qu’on a dit des entreprises qui
émettent des actions. Une entreprise est créée par un ou
plusieurs bonhommes, qui ensuite émettent des actions
pour trouver des moyens de financement. Ce faisant, ils
diluent la propriété et le pouvoir de décision entre les
différents actionnaires. Lorsqu’une seule personne est
propriétaire de 100% des actions d’une entreprise, la
situation est simple. Mais quand une entreprise est détenue
par une multitude d’actionnaires, alors se posent des
questions de gouvernance d’entreprise.
Prenons l’exemple de Microsoft, créé comme
chacun sait par Bill Gates. Aujourd’hui, Bill Gates a cédé
les rênes de l’entreprise et ne possède plus qu’environ 3%
des actions de Microsoft. Le reste est détenu par divers
fonds d’investissement ou par des particuliers habitant
dans le monde entier. Si vous souhaitez placer votre bas de

167
laine en actions Microsoft, vous allez vous préoccuper de
la façon dont l’entreprise est dirigée, logique. Donc, vous
allez vous préoccuper de la gouvernance de Microsoft.

L’idée centrale de la gouvernance traditionnelle,


rappelons-le, est la suivante : comment s’assurer que les
actionnaires d’une entreprise ne soient pas lésés par la
direction de celle-ci ? Par exemple parce que le PdG (qui,
rappelons-le, est élu par les actionnaires) profite de son
poste pour mener un train de vie royal aux frais de
l’entreprise ou qu’il la dirige dans ses intérêts propres
plutôt que dans celui des actionnaires.
On voit déjà que la gouvernance d’entreprise est
très orientée vers la défense des actionnaires, d’où une
critique récurrente qui fait remarquer qu’une entreprise est
composée d’autres parties prenantes, notamment les
salariés.
Nous détaillerons les critiques plus tard. La
question est donc : comment s’assurer que le dirigeant
d’une entreprise bichonne ses actionnaires ? Et la réponse
est simple : en alignant la rémunération du dirigeant sur
celle des actionnaires. C’est-à-dire faire en sorte que le
dirigeant soit rémunéré à la performance, qui se mesure ici
par l’évolution du cours boursier, puisque c’est ce qui
intéresse les actionnaires. Les stock-options, ça vous dit
quelque-chose ? C’est typiquement un mécanisme de
gouvernance. Explications.
Une stock option est le droit (mais pas l’obligation)
que l’on donne à quelqu’un d’acheter des actions d’une
entreprise. Typiquement, vous dites au PDG : « le cours de
l’action est aujourd’hui à 50€, je te donne des stock-
options qui te donnent le droit d’acheter 10 000 actions de
l’entreprise à 60€ dans un an ». Notre PDG a dans ce cas
tout intérêt à se remuer pour faire bondir le cours boursier
168
de l’entreprise. En effet, si l’année d’après l’action vaut
par exemple 70€, alors il exerce ses stock-options et
achètera 60€ une action qui vaut 70€, soit un gain de 10€
par action. Le dirigeant de l’entreprise a donc bien les
mêmes intérêts que les actionnaires.

On vient de voir que l’objectif est d’aligner la


rémunération (généreuse) des dirigeants sur celle des
actionnaires. L’idée d’une rémunération au mérite semble
judicieuse, mais ladite rémunération n’a-t-elle pas eu
tendance à augmenter au-delà du raisonnable ces dernières
décennies ? Est-ce dans l’intérêt des actionnaires d’offrir
des rémunérations qui se chiffrent en millions voire
dizaines de millions d’euros au PDG ?
Je ne vous refais pas le laïus sur les rémunérations
des dirigeants qui ont explosé ces dernières décennies, et
surtout qui ont augmenté beaucoup plus vite que celle de
l’employé de base. Oui, les écarts de rémunération se sont
creusés entre le haut et le bas de la pyramide hiérarchique
des entreprises, c’est un fait qui n’est pas remis en cause.
Ce qui est plus discuté en revanche est la
justification de tels écarts. Pour les partisans de
rémunérations rondelettes accordées aux dirigeants, elles
seraient un gage d’efforts et d’efficacité. Le seul problème
est qu’il est difficile de voir une corrélation claire entre la
rémunération du PDG et la performance des entreprises.
Les études sur ce sujet arrivent à des résultats mitigés. Si
on considère les comparaisons internationales, on constate
que l’écart entre le ratio rémunération des
dirigeants/rémunération des salariés est environ 8 fois plus
élevé aux Etats-Unis qu’au Danemark. Est-ce à dire que
les patrons américains sont huit fois plus efficaces et
méritants que les partons danois ? On peut en douter.

169
La question est alors de savoir pourquoi les
actionnaires rémunèrent si cher des dirigeants qui
n’augmentent en fait pas tant que ça la valeur de leurs
actions. Car l’argent qui va dans la poche du dirigeant
n’ira pas dans celle de l’actionnaire. Il existe toute une
littérature sur ce sujet, mais un des éléments de réponse est
une sorte de conformité sociale.
Si on considère les grandes entreprises françaises,
leurs dirigeants forment un groupe assez fermé, qui a
fréquenté les mêmes écoles et qui habite dans les mêmes
quartiers. Le PDG est pote avec les administrateurs, on
siège dans plusieurs conseils d’administration, on passe
d’une entreprise à une autre… Alors pourquoi voulez-vous
réduire le salaire d’un PDG qui n’est autre que votre
meilleur pote avec qui vous vous ramassiez des cuites sur
les bancs de l’ENA ou de Polytechnique ? J’exagère un
peu, mais à peine.

3) Approche disciplinaire vs approche


cognitive
La gouvernance d’entreprise est, on s’en serait
douté, très américanisée. A tel point qu’on utilise parfois
le terme anglais de corporate governance. L’approche
dominante prend donc un pli très anglo-saxon, c’est-à-dire
libéral et orienté vers l’actionnaire. Un pli critiquable
puisqu’il implique que l’actionnaire est au centre des
attentions.
En fait, la vision qu’on a de la gouvernance
d’entreprise est largement influencée par la définition
qu’on donne de l’entreprise. Si on la définit du point de
vue de ses propriétaires, alors l’actionnaire est au centre.
Mais si on l’aborde du point de vue des salariés ou des

170
autres parties prenantes (Etat, fournisseurs, clients…) la
vision change.
Juste un exemple : la cogestion allemande. Dans
les entreprises allemandes, les syndicats disposent d’un
pouvoir important sur la nomination des dirigeants,
contrairement à la plupart des autres pays où le pouvoir est
concentré entre les mains des seuls actionnaires. Et les
bonnes performances de l’industrie allemande font
beaucoup réfléchir sur des approches moins américanisées
de la gouvernance.

Une autre approche de la gouvernance est appelée


approche cognitive. L’idée est que les actionnaires
n’apportent pas que du pognon mais aussi des
compétences. Dans l’approche traditionnelle, l’actionnaire
investit puis, par la suite, il se contente de contrôler le
dirigeant pour s’assurer qu’il ne fait pas joujou avec les
sous qu’on lui a confiés.
Mais c’est une vision plutôt réductrice. Car
l’actionnaire, partie prenante de l’entreprise, a tout intérêt
à ce que celle-ci réussisse et donc à mouiller sa chemise
pour que les affaires tournent rond. D’ailleurs, selon
l’expression populaire, lorsqu’une personne achète
beaucoup auprès d’une entreprise donnée on lui lance
« t’as des actions dans cette boîte, ou quoi ? ».
Bon, l’actionnaire ne va pas dépenser tous ses sous
pour acheter les produits des entreprises où il investit,
mais il peut apporter deux choses : des idées et son carnet
d’adresses. Cela est particulièrement vrai pour les jeunes
entreprises.
Imaginez que vous soyez un informaticien et que vous
ayez dans l’idée de lancer une boîte dans le domaine.
L’aspect technique, c’est dans vos cordes, pas de soucis.
Mais en ce qui concerne l’aspect comptable, financier,
171
juridique, ressources humaines… notre brave
informaticien se sentira probablement un peu dépassé. Il
n’est donc pas surprenant que les fonds de capital-risque,
dont le boulot est d’investir dans de jeunes entreprises
technologiques, apportent dans leurs valises les
connaissances dont ont besoin les entrepreneurs en herbe.

Il est difficile de quantifier précisément la contribution


des actionnaires à la croissance de l’entreprise, mais il
semble évident que l’approche uniquement disciplinaire de
la gouvernance traditionnelle soit trop restrictive pour
refléter fidèlement la réalité.
D’ailleurs, la relation d’agence que nous avons définie
au début à partir des travaux de Jensen et Meckling peut se
considérer en sens inverse. Le principal (le dirigeant de
l’entreprise) choisit un agent (un investisseur) qui
bénéficiera des profits générés par l’entreprise en échange
d’un apport de fonds et de conseils en termes de gestion.
Mais il se peut que l’investisseur se contente d’apporter
les fonds sans prendre la peine d’apporter les conseils
avec. C’est alors au dirigeant de l’entreprise de s’assurer
que l’investisseur fera bien ce que l’on attend de lui. La
théorie de l’agence ne s’applique peut-être pas à la
gouvernance d’entreprise de la façon qu’on le croit…

4) Quelques exemples
Finissions avec deux exemples typiques en
gouvernance d’entreprise. Le premier concerne Enron. Il
s’agit d’une entreprise américaine spécialisée dans
l’énergie. A la fin des années 1990, Enron réalise des
performances époustouflantes, devient une entreprise
géante et extrêmement profitable. Ses dirigeants récoltent

172
une petite fortune, on ne s’attendait pas à ce qu’il en soit
autrement.
Petit problème : Enron n’est qu’une gigantesque
fraude. Ses comptes ont été maquillés comme une voiture
volée. En 2001, c’est la faillite, ainsi que celle d’Arthur
Andersen, un cabinet d’audit et de conseil présent dans le
monde entier et qui avait aidé Enron dans ses magouilles
comptables.
Enron constitue un cas d’école de gouvernance
d’entreprise : des dirigeants qui gèrent une entreprise dans
leur intérêt propre plutôt que dans celui des actionnaires.
L’affaire fera d’autant plus de bruit que nombre des
actionnaires lésés étaient des petits porteurs qui avaient
investi leur retraite en actions Enron (rappelons qu’aux
Etats-Unis la retraite se fait par capitalisation).

Deuxième exemple, plus connu du public français :


Jean-Marie Messier. Qui se faisait appeler J2M et que les
Guignols de l’info avaient surnommé J6M pour « Jean-
Marie-Messier-Moi-Même-Maître-du-Monde ». Il est vrai
que la modestie n’encombrait pas particulièrement le
personnage, et c’est bien le problème.
Messier, donc, arrive à la tête de la Compagnie
Générale des Eaux en 1996. Il se dit qu’alimenter en eau le
péquenaud de province n’est franchement pas sexy et
décide de diversifier ses activités. Et de rebaptiser
l’entreprise Vivendi ce qui, reconnaissons-le, est plus
glamour que Compagnie Générale des Eaux. Il endette
l’entreprise à tout-va, investit dans les médias, les
télécoms, le cinéma (c’est l’époque de la fusion avec
Universal) et n’oublie pas de se signer des chèques
confortables pour son travail méritant.
Au tournant des années 2000, Messier est au
sommet de sa gloire, il se pavane sur les plateaux télé et la
173
presse financière américaine voit en lui un nouveau
Napoléon. Mais l’époque Cendrillon est vite suivie par
l’époque citrouille. Vivendi s’est endetté au-delà de toute
prudence. Les soubresauts liés à l’éclatement de la bulle
internet poussent l’entreprise au bord du gouffre. Le cours
boursier est divisé par plus de dix en deux ans, Messier est
viré mais trop tard, le mal est fait.
Autre exemple typique de gouvernance
d’entreprise : Messier n’a pas dirigé l’entreprise dans le
but de la faire prospérer, mais avec l’objectif de flatter son
égo. Il était la star, le petit frenchie qui part à l’assaut des
Etats-Unis. Quand j’avais abordé la gouvernance
d’entreprise avec ma classe de première, j’avais passé une
vidéo qui était un extrait d’une émission avec Jean-Marie
Messier. Ils n’avaient jamais entendu parler du
personnage, mais la réaction a été spontanée et formulée
dans le langage poétique des lycéens « ce Messier, tout le
monde lui suce la bite ! ».
Et effectivement, à l’époque où tout allait bien
pour lui, on caressait Messier dans le sens du poil. Il avait
de l’influence, tant dans le monde des médias que dans
celui des affaires. Les actionnaires, le conseil
d’administration lui ont donc laissé carte blanche. Les
mécanismes de gouvernance ont mal fonctionné,
puisqu’ils n’ont pas empêché le dirigeant d’utiliser
l’entreprise à des fins purement personnelles.

Le début des années 2000 a été marqué par de


nombreux scandales. En plus des deux précédents, citons
le scandale Parmalat (entreprise laitière italienne) et
WorldCom (entreprise des télécoms américaine). S’en est
suivi tout un tas de lois et de recommandations sur les
« meilleures pratiques de gouvernance », dont l’efficacité
reste cependant discutée.
174
XI) L’entrepreneuriat
Le patron n’a pas bonne presse dans l’opinion
publique, surtout en France et surtout par ces temps
économiquement troublés. Encore faudrait-il définir ce
qu’est un patron. Entre le rentier qui hérite d’une boîte
bâtie par papa et qui flambe ses dividendes sur une plage
ensoleillée et le type endetté jusqu’au cou qui enchaîne les
nuits banches pour éviter la faillite et la ruine, il y a un
gouffre, même s’ils sont tous deux des « patrons ».
Dans cette partie, nous allons nous intéresser aux
entrepreneurs au sens que Joseph Schumpeter donne à ce
terme, c’est-à-dire des gens qui créent une entreprise avec
de grandes ambitions, notamment celles de développer des
nouveaux produits, des nouvelles technologies ou des
nouvelles façons de faire. Je n’ai pas dit « avec l’ambition
de faire fortune » car, pour Schumpeter comme pour de
nombreux entrepreneurs, l’argent n’est pas nécessairement
la motivation principale. Le pouvoir, le défi, le goût du
risque, la volonté de marquer l’histoire sont autant
d’objectifs au moins aussi importants que l’enrichissement
personnel.
Joseph Schumpeter était un économiste américain
d’origine autrichienne de la première moitié du XXème
siècle qui a fait des entrepreneurs le moteur du
développement économique. Ses théories ont été
contestées, mais si vous dites « entrepreneur » à un
économiste, il vous répond « Schumpeter » du tac-au-tac.

1) Les entrepreneurs
Schumpeter nous parle des entrepreneurs, alors
parlons-en. Je ne sais pas vous, mais je suis toujours
175
fasciné par ces types qui, partis de rien, seulement de
quelques idées, d’un soupçon de débrouillardise, d’une
bonne dose de culot et probablement de pas mal de chance
aussi, inventent des produits révolutionnaires et bâtissent
un empire commercial. On pense évidemment à Steve
Jobs, fondateur et ex-dirigeant d’Apple, l’exemple qu’on
ne peut pas esquiver dès qu’on aborde le sujet.
Précisons que beaucoup de gens devenus très riches se
drapent de l’aura de l’entrepreneur acharné et visionnaire,
alors que leur fortune tient souvent plus aux relations
politiques et aux bons tuyaux murmurés à l’oreille par une
haleine sentant le cognac millésimé qu’à la sueur de leur
front.
Exemple de Nathan Mayer Rothschild bâtissant sa
fortune au lendemain de Waterloo. Il spécula dans le bon
sens sur les titres de dette publique anglaise à la bourse de
Londres. Alors, voyant ? visionnaire ? devin ? Non, il
avait juste payé un réseau d’informateurs qui lui apprit
avant tout le monde que Napoléon avait perdu.

Avant de continuer, j’aimerais vous raconter


brièvement l’histoire d’un entrepreneur de génie, un vrai,
un américain comme le sont souvent ces gens-là, notre
orgueil national dusse-t-il en souffrir : j’ai nommé Thomas
Edison.
Il nait en 1847 à Milan (dans l’Ohio, pas en Italie) et
quitte vite l’école qui ne lui convient pas. Sa mère lui fait
la classe et il devient un lecteur boulimique. Le côté
autodidacte rajoute naturellement au prestige du
bonhomme. Pour résumer, il a déposé plus de 1000
brevets, a fondé General Electric qui reste aujourd’hui une
des premières entreprises industrielles mondiale, on lui
doit des avancées dans l’électricité, le télégraphe, le

176
cinéma, l’enregistrement et la diffusion du son (invention
du phonographe) ou encore l’éclairage public.
Bien sûr, Edison ne va pas sans ses petites
controverses ; même si son génie est unanimement
reconnu, on lui reproche d’avoir peut-être parfois copié
par-dessus l’épaule du voisin.
Déjà enfant, il pratique de nombreuses expériences
chez lui, dans un petit laboratoire aménagé. A 12 ans il
vend des journaux dans le train et ne tarde pas à écrire lui-
même son propre journal, l’utilisation habile du télégraphe
lui permettant d’avoir les nouvelles en avance et de faire
prospérer sa petite affaire. Toujours bricoleur dans l’âme,
il aménage un laboratoire dans un wagon, mais se fait
renvoyer lorsque ses expériences déclenchent un incendie
à la mode de Gaston Lagaffe.
Il est ensuite employé d’une société de télégraphe où il
bidouille tout un tas de nouveautés, mais ses
expérimentations ne sont pas toujours du goût de ses
employeurs et il change plusieurs fois d’entreprise. Après
avoir gagné un petit pactole en travaillant dans les
systèmes de communication de la bourse de New York, il
crée son entreprise à Menlo Park, ville qui sera rebaptisée
Edison en honneur de son illustre habitant. Son entreprise
est dédiée à la recherche appliquée, faisant de lui un
précurseur de la recherche moderne. C’est le début de la
grande aventure. Je ne vais pas tout vous raconter, ce
serait trop long. Car Edison est considéré comme le plus
grand inventeur du XIXème siècle, et peut-être de tous les
temps.

Et puis, on va revenir un instant sur Steve Jobs, vous


n’imaginiez tout de même pas que vous alliez y couper ?
Surtout que ça nous fera une transition toute trouvée avec
la partie suivante. Le personnage avait sa part d’ombre,
177
son côté Mr Hyde, qui garait sa grosse Mercedes sur les
places pour handicapés, qui savait se monter odieux
envers ses salariés ou qui a laissé sa fille et sa première
femme vivre de longues années dans un relatif dénuement
alors que lui était déjà plein aux as. D’un côté cela rend le
personnage je ne dirais pas sympathique, mais humain,
avec ses petits défauts comme tout le monde.
Steve Jobs est devenu LA star, LA référence que tout
jeune entrepreneur rêve d’imiter. Il est définitivement
entré dans la culture populaire américaine et mondiale. A
sa mort en 2011, on a même vu des fans aller déposer des
bouquets et faire bruler des cierges devant les magasins
Apple. On a fait des films et des T-shirt à son sujet, ses
biographies se vendent comme des petits pains.
Pourtant, ce n’était pas un génie de l’informatique.
Sans ses ingénieurs et son copain Steve Wozniak avec qui
il a démarré Apple, il est probable qu’il ne serait jamais
allé bien loin. Mais c’est son style, ses idées novatrices, sa
vie à rebondissement, sa relation avec Joan Baez… qui ont
forgé la légende. Bill Gates aussi a bousculé
l’informatique et sa fortune était bien supérieure à celle de
son grand rival Jobs, pourtant il n’a pas marqué
l’imaginaire collectif de la même façon, probablement du
fait d’un style plus policé, d’un tempérament moins
provocateur et tête-brulée.
Car il y a tout dans la vie de Jobs pour en faire le
parfait scénario Hollywoodien : l’orphelin adopté par une
famille modeste, ses années d’étudiant fauché, le pari
acrobatique de quitter la fac avant de passer ses diplômes
pour se lancer dans la fabrication d’ordinateurs avec une
bande de potes dans le garage de ses parents, son éviction
d’Apple, sa traversée du désert pendant laquelle il crée
différentes entreprises dont la plupart seront des échecs et
d’autres des succès comme les studios Pixar, son retour
178
chez Apple et la façon dont l’entreprise a décollé dans les
années qui ont suivi.
La liste est longue de tout ce qu’a pu faire ou dire
Steve Jobs et qui fait désormais partie de la culture
populaire. Apple, bien entendu, mais entrons dans les
détails.
En 1984, pour le lancement du Macintoch, Apple
tourne un spot publicitaire novateur considéré comme une
des meilleures publicités de tous les temps. Elle a été
tournée par Ridley Scott et diffusée pendant la finale du
Super Bowl, grand évènement médiatique et sportif
américain. L’année et le nom de la publicité s’inspirent
directement du roman 1984 de Georges Orwel. Big
Brother est censé être représenté par IBM, dominant sur le
marché à l’époque. On voit une lanceuse de poids
pulvériser un écran et « libérer » les hommes de l’emprise
de leur dictateur. Le produit vendu n’est jamais montré,
mais Apple se pose clairement en libérateur face à un
oppresseur qui impose son standard.
Cette pub est devenue un classique, si vous ne l’avez
pas vu allez faire un tour sur internet. Toujours dans le
registre de la publicité, on a déjà parlé de la campagne
« think different » où l’on ne montre pas le produit à
vendre, seulement un message, un état d’esprit.
Suite à son éviction de la direction d’Apple, Steve Jobs
s’est lancé dans tout un tas d’aventures, dont beaucoup
n’ont pas donné grand-chose. Mais avec les studios Pixar
et Toy Story, premier long-métrage d’animation en images
de synthèse, Jobs a laissé sa trace dans le monde du
cinéma.
Et puis, Steve Jobs, c’est surtout son retour chez Apple
en 1997 et le redressement spectaculaire de l’entreprise.
L’iPod a révolutionné le baladeur. La tablette avec l’iPad,
le smartphone avec l’iPhone, la musique en ligne avec
179
iTunes, autant d’innovations en bonne partie dues à Steve
Jobs. Les Apple Store sont aussi une de ses idées à
laquelle pas grand monde ne croyait.
Les grandes mises en scène au cours desquelles il
annonçait la sortie de ses nouveautés sont devenues un
classique imité depuis par tous les concurrents. Son style
décontracté a été repris par les geeks du monde entier.
Et puis il y a son célèbre discours de Stanford
prononcé en 2005 lors de la remise des diplômes au cours
duquel il a popularisé son célèbre « soyez insatiables,
soyez fous » et une flopée de citations parmi lesquelles
« Votre temps est limité, ne le gâchez pas en menant une
existence qui n’est pas la vôtre. Ne soyez pas prisonnier
des dogmes qui obligent à vivre en obéissant à la pensée
d’autrui. Ne laissez pas le brouhaha extérieur étouffer
votre voix intérieure. Ayez le courage de suivre votre cœur
et votre intuition. L’un et l’autre savent ce que vous
voulez réellement devenir. Le reste est secondaire. », « Il
est très difficile de définir un produit à travers des
questionnaires. La plupart du temps, les gens ne savent pas
ce qu'ils veulent avant que vous leur ayez montré. »,
« c’est plus marrant d’être un pirate que de s’engager dans
la marine » ou encore « je suis convaincu qu’au moins la
moitié de ce qui sépare les entrepreneurs qui réussissent de
ceux qui ne réussissent pas est la pure persévérance ».
Aller, on va passer à autre chose que Steve Jobs, je ne
voudrais pas avoir l’air d’en faire trop à son sujet. Mais,
aimez-le ou détestez-le, cela ne changera rien au fait qu’il
aura marqué son époque.
Enfin, on ne va pas totalement passer à autre chose
qu’Apple, puisqu’on va aller se promener dans la Silicon
Valley, le berceau des entreprises informatiques…

180
2) La Silicon Valley
Edison était un homme de la côte est, le centre
économique incontesté des Etats-Unis à l’époque. Steve
Jobs, lui, était l’emblème de la Silicon Valley ou « the
valley » comme disent les locaux. De nos jours, le cœur
de l’entrepreneuriat et de l’innovation américaine (et
mondiale) se situe sur la côte ouest, dans cette fameuse
Silicon Valley.
Pour commencer, je colle un zéro pointé au premier
qui traduit Silicon Valley par « vallée du silicone » ! Il
s’agit de la vallée du SILICIUM, cet élément chimique
indispensable à l’industrie informatique et électronique.
Aujourd’hui, tout le monde essaie de copier le succès
de la Silicon Valley. En France, on a la « Plastics Vallée »
dans l’Ain et la « Cosmetic Valley » en région Centre.
Mais nul doute que si la Silicon Valley s’était appelée la
Silicon Mountain on aurait déniché une montagne dans les
environs d’Oyonnax ou d’Orléans et on parlerait de «
Plastics Montagne » et de « Cosmetic Mountain », juste
pour faire comme le grand frère américain.
Car la Silicon Valley (la vraie) est actuellement le lieu
le plus dynamique au monde. La majorité de vos gadgets
informatiques y ont été inventés, et ceux que vous
utiliserez demain sont en train d’y être conçus.

Cette célèbre vallée se trouve dans le sud de San-


Francisco, dans une zone aux contours flous. Sa figure
mythique, on l’a dit, est bien évidement Steve Jobs, co-
fondateur et dirigeant d’Apple. Facebook, Google, eBay,
Cisco, Hewlett-Packard, Intel, Yahoo!... y ont leur siège.
Comme souvent, les entreprises d’un même secteur se
réunissent au même endroit pour bénéficier de ce qu’on
appelle des effets d’échelle externe, c’est-à-dire de la
181
présence d’autres entreprises similaires qui créent un
environnement favorable (comme la finance à Londres, le
cinéma à Los-Angeles, le luxe à Paris…).
Question évidente : pourquoi cette banlieue de San-
Francisco s’est-elle développée au point d’avoir un des
niveaux de vie le plus élevé de la planète ? Qu’y a-t’il de
si particulier ? Le dynamisme de cette région est récent,
jusque dans les années 1970 il ne s’y passe pas grand-
chose à part des hippies fumant le calumet de la paix et
des plantions agricoles (le nom de Apple viendrait de là).
Il faut cependant remonter un peu avant les années 1970,
car c’est au cours de la seconde guerre mondiale que sont
créés des laboratoires militaires dans la région, du fait de
la proximité avec l’université de Stanford. Le climat
ensoleillé a aussi joué en la faveur de l’endroit, ainsi que
les espaces disponibles plus importants qu’à New-York ou
dans d’autres grandes villes.
La première start-up (que l’on appelle « jeune-
pousse » en français) à connaître le succès est Hewlett-
Packard. Pour info, une jeune-pousse est une entreprise
jeune, comme son nom l’indique, qui grandit très vite
(d’où le « pousse ») et qui opère généralement dans des
domaines technologiques, souvent liés à l’internet ou à
l’informatique. En 1939 donc, deux étudiants de Sanford
(William Hewlett et David Packard) créent une entreprise
informatique dans leur garage. C’est le début du mythe des
garages de la Silicon Valley, où de grands ados
boutonneux bricolent un ordinateur avant de devenir des
entrepreneurs multimilliardaires. Autre garage très
célèbre : celui des parents adoptifs de Steve Jobs où fut
bricolé le premier ordinateur d’Apple.
Après, des inventeurs, des bricoleurs de génie, des
risque-tout, on en trouve sous toutes les latitudes et il est
difficile de dire pourquoi cette région plutôt qu’une autre a
182
vu se développer une industrie technologique aussi
florissante. La proximité des universités de Stanford et
Berkeley a surement joué un rôle. Le soleil californien a
attiré les ingénieurs. Le multiculturalisme a aussi été un
élément positif. La Californie est l’Etat le plus
multiculturel des Etats-Unis et la moitié des jeunes
pousses créées le sont par des personnes qui ne sont pas
nées sur le sol américain. A tel point que les grands
patrons de la région comme Mark Zuckerberg (Facebook),
Larry Page et Sergueï Brin (Google) ou encore Larry
Ellison (Oracle) ruent dans les brancards chaque fois
qu’un politicien de Washington parle de freiner
l’immigration.
Voilà quelques idées, mais pourquoi précisément là,
dans cette banlieue de San-Francisco, alors que d’autres
endroits des Etats-Unis ou même du monde réunissaient
sur le papier toutes les qualités requises pour devenir LE
centre de l’innovation mondiale ? Une dose de mystère
demeure. Et si on savait expliquer précisément la recette
de la Silicon Valley, on en aurait vu germer d’autres de
par le vaste monde. Or, si à peu près chaque pays
revendique sa (petite) Silicon Valley, aucune n’arrive
encore au doigt de pied de la vraie.

Au-delà des technologies, la Silicon Valley a aussi


imprimé sa marque dans l’organisation du travail et des
ressources humaines. Culture hippie californienne oblige,
le style Silicon Valley se veut décontracté. Après-tout, on
est en présence de geeks, pas d’arrogants banquiers New-
Yorkais en costume valant deux mois de salaire de
l’américain moyen. Les bâtiments se distinguent aussi : à
bas les gratte-ciels qui enferment chacun dans un bureau.
On préfère le campus, avec des parcs, des allées
ombragées où on peut refaire le monde et se déplacer en
183
vélo d’un bureau à l’autre, ce qui est plus sympa qu’un
ascenseur. La hiérarchie se veut horizontale, chacun peut
donner ses idées, participer, pas de contremaître vicelard
qui hurle ses ordres pour oublier qu’il a raté sa vie.
La créativité et l’originalité sont mises en avant. Tout
le monde se souvient des slogans fétiches de Steve Jobs :
« think different » et « stay hungry, stay foolish » (soyez
affamez, soyez fous ; je ne vous traduis pas le premier,
vous l’avez compris tout seul). Chez Google, on demande
parfois aux candidats des entretiens d’embauche de faire
une blague qui fasse rire le jury là, comme ça, à brûle-
pourpoint (mais maintenant que ça se sait j’imagine que
chacun doit arriver avec sa blague sous le bras, peut-être
les DRH de chez Google ont-ils trouvé un autre moyen de
tester l’esprit innovant des candidats ?).
Salle de sport, espace détente, nourriture de qualité…
on bichonne ses salariés pour qu’ils soient contents et
efficaces. Mais n’allez pas croire que c’est le Club Med
pour autant. On raconte que Steve Jobs avait fait faire des
T-shirts à ses informaticiens où était écrit en gros « Je
travaille 90 heures par semaine, et j’aime ça ».
La Silicon Valley n’a pas donné son nom à un type
d’organisation du travail, à l’instar de Frederick Taylor,
Henri Ford ou Toyota, mais elle a clairement influencé les
pratiques managériales et ringardisé l’organisation
pyramidale à la papa.
Pourtant, il semblerait que les originalités
managériales de la Silicon Valley s’estompent. Les
ingénieurs millionnaires ne se comporteraient pas
vraiment mieux que les traders de la côte est. La flambée
des prix de l’immobilier chasse les classes moyennes et
crée des ghettos pour riches. En un mot, la Silicon Valley
serait en voie d’embourgeoisement rapide. Une autre
région, aux Etats-Unis ou ailleurs, prendra peut-être un
184
jour le relai pour imposer des produits novateurs et une
culture originale.

3) Le financement des jeunes pousses : le


capital-risque
On va reparler un peu de finance, mais sous un angle
résolument entrepreneurial. Si vous créez votre petite
entreprise, que le succès est au rendez-vous et que vous
souhaitez la faire grandir, vous avez besoins de sous pour
investir. Vêtu d’un costume prouvant votre sérieux et
votre compétence, vous prenez rendez-vous chez votre
banquier préféré pour solliciter un prêt. Si vous êtes en
train de créer le Facebook ou le Google du futur, vous
n’obtiendrez pas un centime de votre banque. Il vous
faudra aller démarcher un type de financement particulier
que l’on appelle le capital-risque. Voilà pourquoi.
On va se prendre un petit exemple chiffré pour
comprendre. Ça fait un moment qu’on raconte gentiment
des histoires d’entrepreneurs, on va se mettre à bosser un
peu. On a deux entreprises créées : un restaurant et une
jeune pousse. Et deux types de financement : le prêt
bancaire et le capital risque (ou utilisez le terme amerlock
de venture capital pour montrer que vous connaissez vos
classiques).

185
Probabilité

Probabilité
de faillite
de succès

Pertes en
Gains en

faillite
succès
cas de

cas de
Restaurant 0,9 0,1 ×1,5 50%
Jeune
pousse 0,3 0,7 ×10 tout

Explications :
J’ai pris un restaurant, mais tout type d’entreprise
connu, décortiqué dans ses moindres détails et peu risqué
aurait fait l’affaire, mettez un coiffeur, un boulanger ou un
hôtel si ça peut vous faire plaisir.
Un restaurant, il est relativement facile d’anticiper son
activité en fonction du lieu d’implantation, de sa taille, de
sa gamme de prix… On peut évaluer les compétences du
cuisinier tout comme la pertinence de son modèle
d’affaires (pardon : son business model). En un mot, on
sait où on met les pieds. Et au cas où ça tourne mal, on
pourra toujours revendre les casseroles et la vaisselle, c’est
pourquoi dans la dernière colonne « pertes en cas de
faillite » j’ai mis 50%, il y aura toujours un peu d’argent à
récupérer. Par contre, le revers de la médaille est qu’on
peut difficilement décrocher le jackpot avec un restaurant.
Si tout marche bien on gagne de l’argent, mais pas de quoi
défier Bill Gates dans le classement des plus grosses
fortunes. Dans « gains en cas de succès », j’ai mis 1,5,
donc si j’investi 100 dans le restaurant je gagnerai 150 en
cas de succès.

Dans le cas d’une jeune pousse innovante, l’image est


très différente. On lance un nouveau produit, un logiciel,
une application ou un médicament. La probabilité d’échec
186
est élevée (70% de « chances » de faire faillite), auquel cas
on perd tout car les produits développés étant très
spécifiques ils sont difficiles à revendre. Par contre, si ça
marche, c’est le jackpot, on gagne 10 fois sa mise, par
exemple si vous développez la nouvelle application qui
rendra accro les collégiens du monde entier.

Maintenant, nous avons deux types de financement : la


banque et le capital-risqueur. Considérons seulement deux
périodes dans le temps : aujourd’hui, le moment où l’on
effectue le financement, et demain, où l’on regardera si
l’entreprise financée a fait faillite ou non et où l’on
partagera les gains (ou les pertes). « Demain » s’entendant
au sens large, ça peut être dans un an, trois ans, dix ans,
qu’importe.
La banque perçoit un taux d’intérêt de 30% entre les
deux dates. Dans ce modèle ultra-simplifié nous n’avons
pas d’impôts, pas de frais de transactions… on va à
l’essentiel.
Calculons l’espérance de rentabilité de la banque
(que l’on note E) dans le cas du restaurant et de la jeune
pousse. L’espérance de rentabilité correspond au
rendement que l’on peut attendre d’une opération
financière. Ce mode de calcul a été inventé par Blaise
Pascal, aussi vous ne couperez pas au jeu de mot : calculer
l’espérance ? A l’aise, Blaise !

Restaurant financé par une banque :

E = [(100×1,3)×0,9] + [(50-100)×0,1] = 117 - 5 = 112

Explications : La banque prête 100. Si tout se passe


bien, elle empoche 30% d’intérêts, d’où le ×1,3. Et tout se

187
passe bien dans 90% des cas, c’est pourquoi je multiplie la
parenthèse de gauche par 0,9.
Mais tout ne se passe pas toujours bien. Une fois sur
dix, c’est la faillite. Auquel cas on a dit que la banque ne
récupérait que la moitié de la somme prêtée. On a donc 50
(ce qu’elle récupère) – 100 (ce qu’elle a prêté) × 0,1 car la
faillite se produit dans 10% des cas. A l’arrivée on obtient
117 – 5 ce qui fait, comptez avec moi, une espérance de
rentabilité de 112. En moyenne, la banque récolte donc du
12% sur ses prêts quand elle finance des restaurants.
Il faudrait actualiser les gains de la banque si on
voulait faire un calcul financier rigoureux, mais le but est
d’expliquer la logique dans les grandes lignes, pas d’être
précis à l’euro prêt.
Maintenant, refaisons le même calcul avec la jeune
pousse :

Jeune pousse financée par une banque :

E = [(100×1,3)×0,3] + [(0-100)×0,7] = 39 – 70 = -31

Dans le cas de la jeune pousse, l’espérance de


rentabilité de la banque est négative. Ce qui signifie qu’en
moyenne une banque perd de l’argent en finançant ce type
d’entreprises. Pas folle la guêpe, elle le sait et ne s’y
frottera pas. D’où l’utilité d’autre type de financement.
D’où le capital-risqueur.

Une banque se contente de prêter une somme et d’en


obtenir le remboursement (plus intérêts) à une date future
prédéterminée. Le capital-risqueur lui, comme son nom
l’indique, va entrer au capital de l’entreprise, donc acheter
des actions. Son profil de rémunération est donc différent

188
de celui de la banque : étant actionnaire, il empoche tous
les gains en cas de succès mais perd tout en cas d’échec.
Et à nouveau comme son nom l’indique, ce type
d’investisseur est spécialisé dans les financements risqués,
c’est-à-dire qui ont une forte probabilité d’échec, mais qui
génèrent de juteux profits en cas de succès. On passe sur le
cas du restaurant qui ne nous intéresse pas ici, on a vu que
la banque allait lui prêter des sous et basta. Intéressons-
nous à la jeune pousse.

Jeune pousse financée par le capital-risqueur :

E = [(100×10)×0,3] + [(0-100)×0,7] = 300 – 70 = 230

Dans le cas du capital risque, l’espérance de rentabilité


est positive, et même très élevée. Pourquoi n’était-ce pas
le cas avec la banque ? Car la banque est rémunérée avec
un intérêt fixe, donc plafonné. Que l’entreprise financée
connaisse des performances médiocres ou soit LE succès
de la décennie, la seule préoccupation de la banque est
qu’on lui paie les intérêts fixés dans le contrat car elle ne
touchera pas un sous de plus.
Alors que le capital-risqueur, étant actionnaire, n’a pas
de revenus plafonnés. S’il finance LE succès de la
décennie, c’est le jackpot ! D’accord, il perdra tout dans de
nombreux autres cas, mais les rares succès seront
suffisants pour lui assurer une rentabilité moyenne
intéressante.

Entrons un peu plus dans les détails en abordant la


dette convertible. On vient de l’expliquer, les revenus de
la banque sont plafonnés aux intérêts. Donc la banque ne
profite pas des grands succès. Par contre, en cas de faillite,
il est plus facile pour une banque de récupérer au moins un
189
peu d’argent. Car lorsqu’une entreprise coule, il reste
toujours quelques actifs que l’on vend pour récupérer un
peu d’argent et rembourser les créanciers. Seulement il
existe un ordre de priorité du remboursement des
créanciers, et les banques y figurent en bonne position.
Les actionnaires, eux, sont les derniers à ramasser
quelques miettes s’il en reste.
Pour dire les choses autrement, il faudrait être une
banque quand ça va mal et un actionnaire quand ça va
bien. Et c’est exactement l’objectif de la dette convertible.
Les fonds de capital-risque sont remplis de gens plein de
bonnes idées. Ils se sont dits : pour diminuer le risque nous
pourrions créer un produit financier qui soit une dette au
début et, si tout se passe bien et qu’il y a de l’argent à
récolter, hop !, on change notre dette en actions et on
empoche les dividendes.
Une jeune entreprise innovante a une forte probabilité
de couler dans ses premières années. Donc au début
l’investisseur apporte de l’argent sous forme de dettes. En
cas de pépin il peut toujours espérer récupérer une partie
de sa mise. Mais une fois les premières années passées, si
des bénéfices pointent le bout de leur nez, il change ses
dettes en actions. D’accord, il ne pourra pas ensuite
changer ses actions en dette si l’entreprise venait à piquer
du nez par la suite, mais il pourra ainsi profiter
intégralement s’il a investi dans le nouveau Facebook ou
Apple.
On peut juger ce genre de procédé assez cavalier de la
part de l’investisseur. Il ne faut cependant pas oublier
qu’investir dans une entreprise novatrice est extrêmement
risqué. Et, comme ces entreprises ont désespérément
besoin de financement, elles sont somme toute bien
contentes d’avoir des fonds, même sous la forme de dette
convertible.
190
Voilà pour ce qui est de la finance entrepreneuriale.
Nous n’irons pas plus loin, pas d’exemple chiffré sur la
dette convertible. Vous voyez, ce n’était pas si terrible que
ça en avait l’air. On ne parlera pas d’introduction en
bourse, de butterfly strategy (« stratégie papillon », qui a
dit que les financiers n’ont pas l’âme poétique ?), de
produit dérivé ou de swap ; d’autres livres font ça très
bien.
Nous allons passer à autre chose, pas si éloigné de
l’entrepreneuriat et de la finance, voyez plutôt…

191
XII) Fusions, acquisitions et
évaluation d’entreprise
1) Les fusions-acquisitions
Il peut arriver que des entreprises se marient
(fusion) ou qu’elles se croquent les unes les autres
(acquisition). C’est ce qu’on appelle la croissance externe,
qui passe par l’absorption de nouvelles entités, différente
de la croissance interne qui consiste à faire grandir une
entreprise existante.
On parle d’OPA (offre publique d’achat) quand
une entreprise rachète toutes les actions d’une autre
entreprise aux actionnaires actuels. Si les actions de
l’entreprise cible sont payées non pas avec du cash mais
avec des actions, on parle d’OPE (offre publique
d’échange).
Les rachats d’entreprise peuvent être amicaux ou
hostiles. Amical, c’est quand l’entreprise rachetée est
d’accord pour l’être. Soit parce-que ses dirigeants pensent
qu’ils ne pourront pas survivre en l’état, ou que
l’intégration à un plus grand groupe permettra de générer
des synergies. Hostile, c’est quand l’entreprise rachetée
n’est pas d’accord. Ces cas, très médiatisés, sont
cependant relativement rare et ne représentent qu’environ
4% du total des rachats d’entreprise.
Très médiatisés car une tentative de rachat hostile
donne lieu à d’homériques combats. Tout est bon pour
avoir gain de cause : procédures judiciaires, interventions
dans la presse, voir implication des politiques au nom de
la défense des fleurons nationaux ou la préservation de
l’emploi. Du pain béni pour les chroniqueurs.

193
Par exemple, il y a quelques années, le géant du
luxe LVMH avait tenté de racheter son concurrent
Hermès, qui n’était pas du tout consentant. LVMH
courtisait les actionnaires d’Hermès, qui faisait tout pour
les retenir de ne pas se vendre à LVMH… la bataille a
duré des mois. Et s’est soldé par l’échec de la tentative de
rachat.
Le prix des actions d’une entreprise représente ce
qu’aura à payer l’acquéreur pour se l’offrir. Un cours
boursier faible met donc une entreprise en situation de
vulnérabilité face à d’éventuels acheteurs. Ce qui
représente une des raisons de l’obsession des dirigeants
d’entreprises visant à faire monter le cours de leurs
actions : s’ils se font racheter, ils seront probablement
éjectés de leurs fonctions et remplacés par d’autres
dirigeants aux ordres du nouveau propriétaire. En
maintenant un cours boursier élevé, on se protège des
éventuels prédateurs, et on peut même devenir soi-même
un prédateur.

Les fusions font généralement couler moins


d’encre car elles sont par définition amicales et consenties.
Exemple de Gaz de France et de Suez (traitement de l’eau
et des déchets), qui ont fusionné en 2008 pour donner
naissance au groupe GDF Suez, renommé depuis Engie
parce que ça sonne mieux.

2) L’évaluation d’entreprise
Pour acheter une entreprise (ou fusionner, d’ailleurs),
il faut connaître la valeur de l’entreprise que l’on souhaite
acquérir. Donc le prix de ses actions. D’où l’importance
de l’évaluation d’entreprise.

194
Si une entreprise est cotée en bourse, le prix de ses
actions est clair : c’est le cours boursier, qui défile en bas
des écrans des chaînes de télé financières ou qui remplit
les pages des journaux spécialisés. A partir de là, de deux
choses l’une. Soit on croit à la théorie de l’efficience des
marchés selon laquelle le prix indiqué par le marché est
forcément le bon, c’est-à-dire qu’il évalue correctement la
valeur intrinsèque de l’entreprise, auquel cas il n’y a pas
de questions à se poser. Soit on doute de la validité de la
théorie de l’efficience des marchés bien que son fondateur
Eugene Fama ait reçu le prix Nobel et on se dit que la
valeur fondamentale de l’action diffère à la hausse ou à la
baisse par rapport au cours boursier. Dans ce cas, on peut
se dépêcher d’acheter (si on pense que le cours boursier
est sous-évalué), soit on vend le plus vite possible (si on
pense que le cours boursier est surévalué).
Dans le cas d’entreprises non cotée en bourse, c’est un
peu plus compliqué, le prix des actions n’est affiché nulle
part (même s’il existe l’indice Argos Mid-Market qui
évalue la valorisation des sociétés non-cotées). Si on veut
racheter une telle entreprise, il faudra évaluer sa valeur, ce
qui n’est pas une mince affaire.
Ajoutons que le prix qu’une entreprise est prête à
payer pour en acquérir une autre n’est pas nécessairement
identique. Par exemple, si des synergies importantes sont
espérées, il peut être judicieux de racheter une entreprise
même si on la paie légèrement au-dessus du prix estimé
par le marché. L’urgence de la transaction ou le nombre
d’acquéreurs potentiels sont autant d’éléments qui peuvent
influencer le prix d’achat d’une entreprise.
Dans tous les cas, et on aura l’occasion d’y revenir,
évaluer une entreprise nécessite de bien la comprendre.
D’analyser soigneusement son modèle d’affaires (business
model), son environnement et sa stratégie. En un mot, de
195
reprendre tout ce qu’on a raconté dans la partie sur la
stratégie d’entreprise.
Pour évaluer une entreprise, un nombre indéfini de
possibilités sont offertes, preuve que l’évaluation relève
plus du bricolage que de la rigueur scientifique. Abordons
cependant les méthodes d’évaluation les plus courantes.

a) La méthode patrimoniale

La méthode patrimoniale consiste à valoriser une


entreprise, comme son nom l’indique, à partir de son
patrimoine. C’est-à-dire de son bilan. On va se resservir
un peu de ce qu’on a appris en comptabilité, que l’on n’ait
pas l’impression d’avoir vu plein de choses pour des
prunes.
Le bilan simplifié d’une entreprise, rappelons-le, se
présente ainsi :

Actif Passif
Total actif (ce que Capitaux propres
l’entreprise possède) Dette

La valeur patrimoniale d’une entreprise se calcule


en retirant le total des dettes de l’actif. Autrement dit :

Valeur patrimoniale = total actif – endettement =


capitaux propres.

Encore une autre façon de voir les choses est que la


valeur patrimoniale est tout ce que l’entreprise possède
moins tout ce qu’elle doit.
Ensuite, on essaie d’ajuster le résultat en fonction
des plus ou moins-values latentes, par exemple sur les
biens immobiliers, en retirant les frais de constitution de la
196
société des capitaux propres, bref, en faisant quelques
petits arrangements à la marge.
Cette méthode a le mérite de la simplicité, mais
elle ne prend en compte que ce qui est inscrit au bilan. Or,
toute la valeur d’une entreprise n’est pas nécessairement
dans son bilan. Pour une entreprise industrielle, qui a
besoin pour produire avant tout d’un équipement couteux,
cette méthode patrimoniale a sa pertinence. Mais par
exemple dans le cas d’une entreprise de conseil, dont la
valeur ne réside pas dans ses actifs physiques ou financiers
mais dans la qualité de ses collaborateurs et sa réputation
(ce qui n’apparait pas au bilan), utiliser la méthode
patrimoniale n’a pas vraiment de sens.
Il y a d’ailleurs un mot pour estimer la valeur d’une
entreprise qui n’apparait pas au bilan, autrement dit la
différence entre le prix d’une entreprise et sa valeur
patrimoniale : le goodwill, ou survaleur en français, qui
reflète mieux l’idée sous-jacente que le terme anglais, sans
vouloir paraître chauvin. Dans la survaleur on retrouve les
actifs incorporels non-inscrits au bilan, comme la
réputation ou la notoriété de la marque.
Pour des entreprises industrielles, comme un
fabriquant d’acier, dont la valeur est plus dans les
installations physiques que dans la notoriété, l’évaluation
par la valeur patrimoniale peut être une bonne idée. Mais
pour toutes les entreprises qui vendent avant tout leur
image et leur notoriété, il faut trouver autre chose.

b) La méthode comparative

L’idée est simple, connue des petits comme des


grands : pomper sur le voisin. Si une entreprise similaire à
celle étudiée a une valeur donnée en bourse, ou si elle a
été rachetée pour tel prix, alors on peut se dire que notre
197
entreprise a une valeur à peu près identique. Ce qui
implique que l’entreprise à laquelle on se compare ait été
elle-même correctement évaluée.
On voit d’ailleurs ici une des raisons pouvant
expliquer la formation de bulles. Si, pour évaluer un actif,
je regarde ce que font les petits copains et que je me calle
sur leurs prix, alors je risque de surévaluer la valeur de
l’actif estimé si le marché est, dans l’ensemble, surévalué.
Et si tout le monde surévalue un actif donné, il deviendra
d’autant plus difficile pour un analyste financier de
justifier auprès de sa hiérarchie un prix plus bas, peut-être
plus en ligne avec la réalité économique sous-jacente mais
en désaccord avec l’opinion du troupeau. D’où le risque
d’un emballement des prix, comme on en rencontre à
intervalle régulier, que ce soit en bourse ou dans
l’immobilier (pour estimer le prix d’une maison, on
regarde généralement à combien se vendent les autres
maisons dans le quartier).
Mais passons. Pour évaluer une entreprise par la
méthode comparative, il faut déjà savoir à qui se
comparer. Plus difficile que ça en a l’air, car il ne suffit
pas de prendre une entreprise dans le même secteur
d’activité.

D’une manière générale, pour évaluer une entreprise


quelque-soit la méthode utilisée, il faut commencer par se
demander quel est le business de cette entreprise, c’est-à-
dire comment elle gagne de l’argent (n’oublions pas le
plus important sur lequel nous avons insisté au début). Et
savoir comment une entreprise gagne de l’argent n’est pas
toujours aussi évident que ça en a l’air.
Un petit exemple : Carrefour et Leclerc. On est donc
dans la distribution. On achète des produits que l’on
revend plus cher dans ses magasins, on gagne de l’argent
198
sur l’écart entre prix d’achat et prix de revente, ce qu’on
appelle une marge. Et bien en fait, pas nécessairement. Ce
qu’on vient de dire est vrai pour Leclerc, moins pour
Carrefour. Le gros du business de Carrefour est ailleurs.
Quand vous allez chez Carrefour, vous payez comptant à
la caisse. Mais Carrefour, lui, paie ses fournisseurs à 30
jours, voire plus. Le genre de pratique qui fait
régulièrement se plaindre les fournisseurs et qui
conduisent les agriculteurs à déverser des tonnes de fumier
sur les ronds-points. Carrefour dispose donc d’une
trésorerie qui ne va pas gentiment dormir dans les caisses,
mais qui sera placée. Une part importante du business de
Carrefour n’est pas de revendre plus cher qu’il achète,
mais d’élargir le plus possible le moment entre lequel le
client paie et le moment où il paie ses fournisseurs, de
façon à dégager une trésorerie à faire fructifier.
On peut donc avoir différentes stratégies : essayer de
maximiser la marge commerciale ou essayer de maximiser
la durée pendant laquelle on pourra placer la trésorerie. Et
les deux stratégies ne seront pas impactées de la même
façon par les aléas macro-économiques. Leclerc, qui mise
plutôt sur la marge, se fout pas mal de l’évolution des taux
d’intérêt et de l’humeur des marchés financiers. Ce qui
n’est pas le cas de Carrefour qui attend des taux d’intérêts
juteux pour faire son beurre.
Si l’on rajoute à ça que la stratégie immobilière peut
changer, entre être propriétaire de ses magasins ou les
louer, on arrive à la conclusion que deux entreprises, que
l’on pourrait croire similaires en tous points, ont en fait
deux modèles d’affaires profondément différents. Trouver
la bonne entreprise comparable n’est donc pas une chose
facile, cqfd.
En général, on essaye de trouver une entreprise qui soit
à la fois du même secteur d’activité, qui ait le même
199
business model, un niveau de rentabilité, de croissance
attendue et de politique d’investissement similaire. Mais
les entreprises validant tous ces critères ne courent pas les
rues, on se contente de prendre la (ou les) entreprises les
plus similaires.

Une fois que l’on a sélectionné l’entreprise à laquelle


on va se comparer, encore faut-il savoir sur quelle base on
va s’évaluer. Car il est bien peu probable que l’on se
compare à une entreprise de même taille. Il faudra
déterminer un multiple de comparaison.
Par exemple, on cherche à comparer deux entreprises
dans la téléphonie. L’une d’elle a 10 millions d’abonnés et
vaut 5 milliards d’euros. On se demande combien vaut une
entreprise qui aurait, mettons, 8 millions d’abonnée. On
fait une bonne vieille règle de trois et on trouve (8×5)/10 =
4, notre entreprise est donc évaluée à 4 milliards d’euros.
On pourrait aussi se dire qu’un abonné contribue à la
valeur de l’entreprise pour 5 milliards / 10 millions =
500€. Donc, si on a 8 millions d’abonnés, la valeur de
l’entreprise est de 8 millions × 500 = 4 milliards d’euros.
Dans, ce cas, le multiple est 500 : chaque abonné
contribue à hauteur de 500€ à la valeur de l’entreprise. On
peut donc estimer la valeur d’une entreprise si on sait son
nombre d’abonnés en la comparant à une autre entreprise
dont on sait pour combien chaque abonné contribue à la
valeur.

Mais toutes les entreprises ne sont pas dans la


téléphonie, et même les profits d’une entreprise de
téléphonie peuvent venir d’ailleurs que des simples
abonnements. Ce qui complique la comparaison. C’est
pourquoi on utilise parfois d’autres ratios, qu’on ne listera
pas tous.
200
On peut par exemple utiliser le price earning ratio
(PER) ou ratio cours sur bénéfice, avec encore une fois le
terme français qui est plus précis que sa traduction
anglaise mais qui reste moins utilisé… Le ratio cours sur
bénéfice d’une entreprise se calcule en faisant :

PER = capitalisation boursière (ou valeur de l’entreprise si


elle n’est pas cotée) / résultat net

En moyenne il se situe autour de 15. Imaginons que


l’on cherche à estimer la valeur d’une entreprise en la
comparant à une autre dont la capitalisation boursière est
de 20 milliards, le résultat net de 1 milliard, donc le PER =
20. L’entreprise que l’on cherche à estimer a un résultat
net de 2 milliards.
On pose la petite équation suivante :

20 = valeur de l’entreprise / 2

Puis on résout la petite équation :

Valeur de l’entreprise = 20×2 = 40 milliards.

Le multiple est le PER, 20 dans notre exemple, par


lequel on va multiplier le résultat net de l’entreprise à
évaluer. Ici, on a évalué l’entreprise à 40 milliards d’euros.

c) La méthode par les flux futurs

Il existe une autre méthode d’évaluation. Elle consiste


à se dire qu’une entreprise ne vaut jamais que les profits
qu’elle dégagera dans le futur. On va chercher à estimer la
somme totale des flux de trésorerie futurs de l’entreprise,
qui nous donnera sa valeur.
201
On voit déjà la limite de la démarche : on se base sur
des prévisions par définition contestables. Mais supposons
que l'on puisse prévoir l’avenir d’une entreprise de façon
relativement rigoureuse. Dans ce cas, on procède en deux
temps. On va se demander sur quel horizon les prévisions
des flux de trésorerie futurs sont crédibles, par exemple 10
ans. Ensuite, on estimera la valeur de l’entreprise au bout
des 10 années, appelée valeur terminale, que l’on
additionnera à la somme des profits pour obtenir la valeur
totale.

Pour résumer tout ce qu’on vient de dire, on aura :

Valeur de l’entreprise = flux de trésorerie actualisés +


valeur terminale

Mais attention, attention, ATTENTION ! On est en


train de comparer des sommes d’argent à des dates
distinctes : maintenant, tous les ans pendant 10 ans, et la
valeur finale au bout de 10 ans ! Et pour que des sommes
futures aient un sens aujourd’hui, il faut actualiser ces flux
futurs. Je ne reviens pas sur ce concept d’actualisation, on
l’avait déjà abordé dans la partie sur la finance, dans la
VAN plus précisément. Alors retournez en arrière si vous
avez oublié le concept d’actualisation, je ne vais pas tout
répéter et contribuer à la destruction de la forêt
amazonienne !

Les Flux de trésorerie actualisés

Disons un mot des flux de trésorerie futurs dont on a


parlé, car cela vaut la peine de couper des arbres. On les
appelle parfois par leur petit nom amerlok : cash flows, on
les avait d’ailleurs déjà croisés dans la VAN. Mais,
202
comme à l’époque on s’était concentré sur l’explication de
l’actualisation, on n’en avait pas dit grand-chose. Une
lacune à combler sans plus attendre. Il existe plusieurs
approches des flux de trésorerie, on va se baser sur la plus
standard.

Flux de trésorerie = EBE – IS – Δ BFR –


investissements + désinvestissements

Autrement dit, on part de l’excédent brut


d’exploitation, auquel on enlève l’impôt sur les sociétés,
on ajuste selon la variation (la petite pyramide signifie
variation en gestion ou finance), on retire les
investissements et on rajoute les désinvestissements.
Rien que du logique, en somme, car les flux de
trésorerie correspondent bien au bénéfice (ici l’EBE),
moins l’impôt sur les sociétés. Ensuite, je ne reviens pas
sur la notion de besoin en fonds de roulement, mais s’il
augmente, il faudra y consacrer de nouvelles ressources.
Par contre, s'il diminue, on aura des flux de trésorerie en
plus. On retire aussi les investissements car l’argent
dépensé à investir n’est bien évidemment plus disponible
en flux de trésorerie. Le désinvestissement, c’est vendre
des investissements passés, par exemple vendre une
machine. Si on vend ses machines on a aura plus de flux
de trésorerie disponible (ce qui ne signifie pas forcément
que désinvestir soit une bonne idée à long terme).

Prenons un exemple, car jusque-là on nage surtout


dans le théorique. On cherche à estimer l’entreprise
Dupond, avec un « d ». Sur les cinq prochaines années, on
anticipe les flux de trésorerie suivants :

203
Année Flux de trésorerie (millions d’euros)
Année 1 50
Année 2 55
Année 3 60
Année 4 70
Année 5 80

Ces flux futurs, il faut les actualiser pour qu’ils aient


un sens en euros d’aujourd’hui. Actualiser d’accord, mais
la difficulté est de savoir quel taux d’actualisation utiliser.
Ici, on va utiliser le coût moyen pondéré du capital comme
taux d’actualisation (CMPC). Ce qui implique d’expliquer
ce qu’est le CPMC.
Le CPMC représente le taux de rentabilité annuel
moyen attendu par les actionnaires et les créanciers en
retour d’un investissement. Dans un monde simplifié et
sans impôts, la formule du CMPC se présente ainsi :

E × kE + D × kd
CPMC =
E+D

E, c’est les capitaux propres, le financement par


actions. On l’appelle E car ça se dit equity en anglais. kE
correspond à la rémunération du capital, on y reviendra. D
correspond à la dette et kD à sa rémunération, donc le taux
d’intérêt.
Une autre façon peut-être plus intuitive de voir les
choses est de dire :

CPMC = part du financement par action × kE + part du


financement par dette × kD

204
Cette formule, je ne vous fais pas la démonstration
mathématique, est juste une autre façon de réécrire la
précédente.
Bon, disons l’entreprise Dupond qui nous intéresse ici
se finance de façon équivalente par l’émission d’actions et
la dette. La rémunération du capital (kE) est de 10% et la
rémunération des prêteurs (kD) est de 5%. On a donc :

CMPC = 0,5×10% + 0,5×5% = 7,5%

Attardons-nous un instant sur la rémunération du


capital (kE) et la rémunération des prêteurs (kD). La
rémunération des prêteurs n’est pas très difficile à trouver,
elle est inscrite dans les contrats de prêt. Si la banque vous
prête à 5%, c’est écrit dans un contrat, inutile d’aller
chercher plus loin. Cela signifie que la banque exige au
moins une rentabilité de 5% pour vous prêter du pognon,
étant donnée son estimation du risque de votre entreprise.
Mais la rémunération du capital, c’est-à-dire la
rémunération minimale qu’exigent les actionnaires pour
mettre des billes dans votre société, elle n’est écrite nulle
part. Il faut l’estimer. Et en général, on l’estime à l’aide du
Medaf que nous avons présenté lorsqu’on a parlé de
finance. On pourrait simplifier en disant kE = medaf.

Bon, nous voilà avec notre coût moyen pondéré du


capital qui, je vous le rappelle, va nous servir à actualiser
les flux de trésorerie futurs. Je vous rappelle la formule de
l’actualisation :

somme des flux de trésorerie

= é /1,075

205
Comme nos flux de trésorerie changent chaque année
dans cet exemple, remplissons le tableau en entier :

Année Flux de Formule Montant flux de


(n) trésorerie trésorerie
actualisés
1 50 50/1,0751 46,5
2 55 55/1,0752 47,6
3 60 60/1,0753 48,3
4 70 70/1,0754 52,4
5 80 80/1,0755 55,7
Somme 315 250,5

En clair, les flux de trésorerie actualisés seront d’une


valeur de 250,5 millions d’euros.

On se rappelle que la valeur d’une entreprise selon


cette méthode est :

Valeur de l’entreprise = flux de trésorerie actualisés +


valeur terminale

Soit :

Valeur de l’entreprise = 250,5 millions + valeur


terminale

La valeur terminale

Il nous reste donc à calculer la valeur terminale. Ce


n’est pas une mince affaire. Puisqu’on ne peut pas estimer
les flux de trésorerie futurs à l’infini, et que de toute façon,
avec le principe de l’actualisation, les flux de trésorerie
deviendraient extrêmement faibles au bout de quelques
206
décennies. On additionnerait alors des montants de plus en
plus petits à l’infini, ce qui n’aurait pas trop de sens.
Donc, au bout de quelques années, cinq dans mon
exemple, on calcule la valeur terminale à l’aide de la
formule de Gordon et Shapiro. Cette formule va nous
donner la valeur d’une action, que l’on multipliera par le
nombre d’actions pour avoir la valeur de l’entreprise :

Valeur d’une action = dividende / (CMPC – g)

Passons sur le pourquoi du comment de cette formule,


ce serait un peu long. On cherche, on l’a dit, la valeur
d’une action. Disons que l’entreprise Dupond a un capital
composé de 100 000 actions.
L’action, donc, s’évalue en prenant le dividende de la
première période. Je vous rappelle que l’on cherche ici à
évaluer la valeur terminale. C’est-à-dire que cinq années
se sont déjà écoulées, on vient de calculer la contribution à
la valeur de l’entreprise de ces cinq années. Ici, puisqu’on
s’intéresse à la valeur terminale, ce que j’appelle le
dividende de la première période correspond à la première
période du calcul de la valeur terminale, donc la sixième
année. Disons que ce dividende est de 15.
Le CMPC, coût moyen pondéré du capital, on vient de
le calculer et on avait trouvé 7,5%, on reprend ce chiffre,
bête comme choux.
g correspond au taux de croissance de long terme du
bénéfice par action. Si l’on se place dans la très longue
période, c’est-à-dire sur un horizon infini, quel va être le
taux de croissance annuel du bénéfice par action ? Pas
facile de savoir, à supposer déjà que l’entreprise ait une
durée de vie infinie. En général, pour simplifier, on dit que
chaque entreprise aura une croissance à long terme
identique à la croissance économique. Encore faut-il
207
connaître le taux de croissance économique sur les
décennies ou siècles à venir, un sujet sur lequel on ne peut
avoir que de vagues suppositions. Considérons :

g = taux de croissance du bénéfice par action = taux de


croissance économique = 2%

On remplace les valeurs dans la formule et on trouve :

Valeur d’une action = 15 / (7,5%-2%) = 15 / 5,5% =


15/0,055 = 272,7

La valeur de long terme de chaque action est de


272,7€. Comme il y a 100 000 actions, la valeur finale de
l’entreprise est 272,7×100 000 = 27,2 millions d’euros.

On en déduit la valeur totale

La valeur totale de l’entreprise est donc : 250,5 +27,2


= 277,7 millions d’euros.

Nous y voilà ! Au prix de quelques hypothèses qui


entament la fiabilité de notre résultat, on estime la valeur
de l’entreprise Dupond à 277,7 millions d’euros !

208
Conclusion
En ces lignes d’adieu, vous restez peut-être
partiellement sur votre faim. Nous avons plus creusé
certains sujets que d’autres, les ressources humaines, le
droit ou la fiscalité par exemple ont été négligés. Eternel
arbitrage entre l’exhaustivité et la taille totale du livre que
je ne voulais pas trop grande puisqu’il se veut grand
public, et un choix des parties en fonction des affinités et
goûts de l’auteur, aussi.
Nous avons, malgré tout, apporté pas mal de
matière. On ne pourra pas dire qu’on s’est tourné les
pouces ! Libre à chacun d’approfondir ensuite avec des
livres plus épais, plus techniques ou plus spécialisés sur tel
ou tel sujet.
Trêve de parlote, les conclusions m’ennuient, on
n’y raconte généralement rien de bien passionnant. Si j’ai
réussi à intéresser et titiller la curiosité du lecteur sur un
sujet pas très ludique au premier abord, je considèrerais
avoir rempli ma mission !

209
Table des matières
Introduction 9

I) Commençons par le commencement : les


définitions 13
1) Définitions, hé oui 13
2) Profit is the rule of the game 16
3) Biens vs services 18
4) Différents types d’entreprises 19
a) Classification selon la taille 19
b) Classification selon le statut juridique 22

II) La comptabilité 27
1) Quelques considérations générales 27
2) Les comptes annuels 32
a) Le bilan 33
b) Le compte de résultat 35
c) L’annexe 39
3) La comptabilité en partie double (approfondissements) 39
a) L’intérêt de la comptabilité en partie double 40
b) Les comptes et leur fonctionnement 41
c) Exemple 44
d) Exemple (suite) : le journal et compte « en T » 49
e) Exemple (suite) : passage d’un exercice comptable à un autre 52
f) Le « débit – crédit » de votre compte bancaire 54
4) La comptabilité analytique 55
a) De quoi s’agit-il ? 55
b) Un petit exemple pour la route 57

III) Stratégie d’entreprise 63


1) La matrice SWOT 64
2) Le modèle des 5+1 forces de Porter 65

211
3) L’analyse PESTEL 68
4) La matrice BCG 69
5) La matrice McKinsey 71
6) La chaine de valeur 72
7) Le modèle VIP 74

IV) Les indicateurs de gestion 77

1) Les soldes intermédiaires de gestion 77


2) L’analyse financière 83
3) L’analyse interne 85
a) La capacité d’autofinancement 85
b) Le fondS de roulement 87
c) Le besoin en fonds de roulement 90
d) ROA et ROE 92
4) Les charges 95
5) Les marges 96
6) Seuil de rentabilité et point-mort 98

V) La culture d’entreprise 101


1) Qu’est-ce que la culture d’entreprise ? 101
2) A quoi peut être utile la culture d’entreprise ? 104

VI) Le financement des entreprises 109

1) L’autofinancement 109
2) Le paiement différé des achats 110
3) La dette 110
a) La dette bancaire 111
b) La dette obligataire 112
4) Les capitaux propres (ou actions) 114
5) Quel est le meilleur moyen de financement ? 117
6) Les produits dérivés 119
7) Encore un peu de finance d’entreprise : VAN et Medaf 121
a) La VAN 121
b) Le Medaf 127

212
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213
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214
Gestions et Management
aux éditions L’Harmattan

Dernières parutions

Politique et économie
10 mesures phares pour un monde meilleur
Marquez-Velasco Adrien
Dans ce livre est proposé un système économique d’une nouvelle ampleur qui
s’intitule le «coordonnisme». Il s’agit d’un régime réunissant les qualités du
capitalisme et du communisme. Il présente comme mesures la coordination
des politiques monétaires, budgétaires et financières afin de réguler les
consommations intérieures et extérieures, l’épargne, l’investissement, l’inflation
et le chômage vers un taux optimal de croissance économique.
(Coll. L’Esprit Économique, série Krisis, 20.00 euros, 194 p.)
ISBN : 978-2-343-07529-7, ISBN EBOOK : 978-2-336-39887-7

Aux frontières du management


Manifeste pour un temps d’exigence
Massé Francis
Le management est l’une des clefs pour faire advenir une société meilleure,
forte d’organisations efficaces. À cet égard, la notion de frontière fait sens. Le
management s’inscrit dans une réalité, sinon il n’est rien. Le management traverse
aussi des découpages disciplinaires multiples qu’il doit relier : il est frontière. Il
constitue enfin un levier pour transgresser des limites artificielles et élargir le
champ des possibles, où règnent l’imagination créatrice et l’innovation.
(Coll. Local et Global, 14.00 euros, 122 p.)
ISBN : 978-2-343-07517-4, ISBN EBOOK : 978-2-336-39760-3

La lutte des normes au travail


Faulkner Marcel - Préface de Jean-Pierre Durand
Aborder l’analyse du travail et de l’organisation sous l’angle de la normalisation
permet d’atteindre deux objectifs. Comprendre que l’organisation est traversée
par une lutte des normes dont les formes sont multiples et qui vont de la
collaboration à la confrontation. Constater que cette lutte ne se limite pas au seul
domaine des opérations courantes des organisations, mais qu’elle concerne aussi
les choix stratégiques et les grands enjeux du travail et de l’emploi.
(Coll. Logiques sociales, 29.50 euros, 286 p.)
ISBN : 978-2-343-07381-1, ISBN EBOOK : 978-2-336-39859-4
Gouvernance et intelligence économique en PME
Sous la direction de Daniel Corfmat, Marc Chambault et Georges Nurdin
L’intelligence économique est devenue un mode de gestion et de gouvernance
de l’entreprise. Cet ouvrage réfléchit sur la démarche que le chef d’entreprise
peut entreprendre pour éclairer ses décisions, garder sa marge de manœuvre de
compétitivité et toutes ses possibilités de développement afin de sécuriser sa
pérennité. Vous trouverez des recommandations pratiques qui tentent d’aider le
dirigeant à aborder ce qui est devenu un enjeu majeur de la protection de son capital.
(Coll. Gouvernance et entreprise, 11.00 euros, 70 p.)
ISBN : 978-2-343-06861-9, ISBN EBOOK : 978-2-336-39734-4

La Poste, quelle aventure !


L’informatisation du tri postal et autres chantiers hauts en couleur
Lenoir Olivier - Préface de Laurent Chaffard
Ce récit de quarante ans de carrière «aux PTT» parle du plaisir de créer, mais aussi
des pesanteurs hiérarchiques et des souffrances du harcèlement moral. Il parle
d’un avenir où les valeurs de coopération, d’entraide, de solidarité pourraient
remplacer la course au profit, la concurrence illusoirement «libre» et le chacun
pour soi. Le management et l’innovation, l’évolution de l’informatique et du
service public sont des thèmes qui s’entrecroisent dans ce témoignage optimiste.
(17.50 euros, 164 p.)
ISBN : 978-2-343-07666-9, ISBN EBOOK : 978-2-336-39881-5

Intelligence de l’information
Entre état d’esprit et stratégie d’organisation
Mallowan Monica
En plus de contribuer à l’avancement des connaissances en matière de
modèles traitant de management de l’information stratégique et des pratiques
informationnelles, reliées à leur application en organisation, cet ouvrage aborde
les champs de la littératie, de la culture et de l’intelligence de l’information. Une
proposition est faite au sujet de leur mise en relation dialogique et systémique,
dans un effort de construction d’une double mutation transdisciplinaire, celle
du nouveau statut d’informateur et du concept de transculture de l’information.
(Coll. Intelligence économique, 36.00 euros, 354 p.)
ISBN : 978-2-343-06623-3, ISBN EBOOK : 978-2-336-39756-6

Fiscalité environnementale
Entre impératifs fiscaux et objectifs environnementaux, une approche
conceptuelle de la fiscalité environnementale
Caruana Nicolas - Préface de Thierry Lambert
La fiscalité environnementale intéresse relativement peu les juristes et représente
en pratique une part très faible des recettes fiscales des États. Souvent limitée aux
écotaxes, cette notion que cette thèse se propose de définir présente de multiples
dimensions, tant fiscales qu’économiques, tant politiques qu’écologiques.
Caractérisée par son efficience environnementale, elle n’a en réalité ni le champ
d’application ni la portée que lui prête le discours politique.
(Coll. Finances publiques, 43.00 euros, 514 p.)
ISBN : 978-2-343-07550-1, ISBN EBOOK : 978-2-336-39716-0
La magie des justes proportions
Restructuration financière d’un LBO avec apport de new money
Journo Albert
Comment opérer la restructuration financière du capital d’une entreprise de taille
moyenne sous LBO (Leveraged Buy out) en période de turbulence opérationnelle ?
Plusieurs scenarii sont imaginés selon l’évolution de la perception du pronostic de
rétablissement. Un cas réel vient étalonner les raisonnements variés déterminant les
nombreux paramètres suivant de justes proportions et des désirs, emportant d’emblée
l’adhésion de tous. Cet ouvrage donne un éclairage original sur un comment faire.
(Coll. Ad valorem, 25.00 euros, 238 p.)
ISBN : 978-2-343-07914-1, ISBN EBOOK : 978-2-336-39861-7

L’économie a-t-elle un sens ?


Essai
Vadjoux Philippe
Le profit est-il légitime s’il ne tient pas compte des coûts sociaux et
environnementaux ? L’économie n’est pas d’origine divine ou naturelle, elle dépend
de nous, elle évolue. La recherche d’une nouvelle économie plus démocratique,
plus créative, plus diversifiée au service des êtres humains et respectueuse de la
planète n’est pas utopique. Elle existe au travers d’idées, de projets, d’expériences.
Une mutation est possible.
(29.00 euros, 346 p.)
ISBN : 978-2-343-07479-5, ISBN EBOOK : 978-2-336-39587-6

L’écologie au secours de l’économie


Inventer les outils d’une nouvelle prospérité
Coutouly Rodrigue
Comment expliquer notre difficulté à relancer l’économie ? Cet ouvrage explore
une hypothèse originale : la reprise ne se fait pas car nous atteignons les limites de
nos ressources naturelles. L’auteur travaille donc sur les différentes pistes possibles
pour construire le développement durable d’une société et d’une économie qui
retrouveraient leur cohérence. Les solutions devront s’appuyer sur des politiques
publiques imaginatives, audacieuses autant que réalistes, particulièrement en
matière de fiscalité et d’investissement.
(Coll. Sociologies et Environnement, 27.00 euros, 260 p.)
ISBN : 978-2-343-06652-3, ISBN EBOOK : 978-2-336-39638-5

L’économie en question
Regards et apports des spiritualités et des religions
Textes rassemblés par Jan-Luc Castel et Vincent Pilley
La vie économique est aujourd’hui bouleversée et altère même le lien social.
Où puiser l’énergie de résister à ces dévastations ? Comment régénérer les liens
humains dans la société ? Quelles ressources mobiliser pour «changer les règles
du jeu» ? Juifs, bouddhistes, chrétiens, musulmans, athées, libres penseurs osent
entrer en dialogue parce qu’ils croient en la possibilité d’un avenir commun.
(12.00 euros, 168 p.)
ISBN : 978-2-343-07824-3, ISBN EBOOK : 978-2-336-39689-7
Le capitalisme, cancer de l’humanité
Une économie inhumaine et meurtrière, une société malade,
la vie sur Terre en péril
Kornheiser Georges
En 2016, le patrimoine cumulé de 1 % de la population mondiale dépassera celui
des 99 % restants, ce qui est sans précédent. Cette minorité possède tous les
pouvoirs : économique, médiatique, politique, qu’ils soient étiquetés de droite ou
de gauche, les partis de gouvernement sont tous convertis aux dogmes néolibéraux
et pratiquent en fait la même politique une fois aux commandes. Le capitalisme
est devenu fou. Un autre univers, plus juste et plus humain, est pourtant possible.
Il n’est que temps de travailler à son avènement, avant que les dommages ne soient
devenus irréversibles.
(Coll. Questions contemporaines, 39.00 euros, 436 p.)
ISBN : 978-2-343-07156-5, ISBN EBOOK : 978-2-336-39615-6

Une économie solidaire peut-elle être féministe ?


Homo oeconomicus, mulier solidaria
Sous la direction de Christine Verschuur, Isabelle Guérin
et Isabelle Hillenkamp
Comment expliquer le faible intérêt, dans la littérature sur l’économie sociale
et solidaire, pour le genre et les théories féministes, alors que ces initiatives sont
fortement genrées et que les femmes y sont surreprésentées ? À quelles conditions
ces initiatives sont-elles une opportunité de réinvention de l’économie,
réencastrée dans le social et le politique et au service de la justice sociale et de
genre ? L’économie solidaire peut-elle constituer une source d’émancipation pour
les femmes ou non ? (Articles en français, anglais, espagnol.)
(Coll. Genre et développement - Rencontres, 29.00 euros, 300 p.)
ISBN : 978-2-343-07602-7, ISBN EBOOK : 978-2-336-39514-2

Convention collective nationale des entreprises


de services à la personne annotée
Dahan Alison, Granet Régis
La convention collective nationale des entreprises de services à la personne de
septembre 2012, depuis son extension par arrêté du 3 avril 2014, a vocation à
s’appliquer à toutes les entreprises privées relevant du secteur des services à la
personne. Cet ouvrage accompagnera les entreprises, les salariés et praticiens
dans l’application de la règlementation en vigueur grâce aux explications simples
intégrées tout au long de l’ouvrage.
(Coll. Défis, 28.50 euros, 288 p.)
ISBN : 978-2-343-07910-3, ISBN EBOOK : 978-2-336-39684-2
L’HARMATTAN ITALIA
Via Degli Artisti 15; 10124 Torino
harmattan.italia@gmail.com

L’HARMATTAN HONGRIE
Könyvesbolt ; Kossuth L. u. 14-16
1053 Budapest

L’HARMATTAN KINSHASA L’HARMATTAN CONGO


185, avenue Nyangwe 67, av. E. P. Lumumba
Commune de Lingwala Bât. – Congo Pharmacie (Bib. Nat.)
Kinshasa, R.D. Congo BP2874 Brazzaville
(00243) 998697603 ou (00243) 999229662 harmattan.congo@yahoo.fr

L’HARMATTAN GUINÉE L’HARMATTAN MALI


Almamya Rue KA 028, en face Rue 73, Porte 536, Niamakoro,
du restaurant Le Cèdre Cité Unicef, Bamako
OKB agency BP 3470 Conakry Tél. 00 (223) 20205724 / +(223) 76378082
(00224) 657 20 85 08 / 664 28 91 96 poudiougopaul@yahoo.fr
harmattanguinee@yahoo.fr pp.harmattan@gmail.com

L’HARMATTAN CAMEROUN
BP 11486
Face à la SNI, immeuble Don Bosco
Yaoundé
(00237) 99 76 61 66
harmattancam@yahoo.fr

L’HARMATTAN CÔTE D’IVOIRE


Résidence Karl / cité des arts
Abidjan-Cocody 03 BP 1588 Abidjan 03
(00225) 05 77 87 31
etien_nda@yahoo.fr

L’HARMATTAN BURKINA
Penou Achille Some
Ouagadougou
(+226) 70 26 88 27

L’HARMATTAN
L’H ARMATTAN SÉNÉGAL
SÉNÉGAL
10 VDN en face Mermoz, après le pont de Fann
« Villa Rose », rue de Diourbel X G, Point E
BP 45034 Dakar Fann
33BP825
45034
98 58Dakar
/ 33 FANN
860 9858
(00221) 33 825 98 58
senharmattan@gmail.com / 77 242 25 08
/ senlibraire@gmail.com
www.harmattansenegal.com

L’HARMATTAN BÉNIN
ISOR-BENIN
01 BP 359 COTONOU-RP
Quartier Gbèdjromèdé,
Rue Agbélenco, Lot 1247 I
Tél : 00 229 21 32 53 79
christian_dablaka123@yahoo.fr
Achevé d’imprimer par Corlet Numérique - 14110 Condé-sur-Noireau
N° d’Imprimeur : 137389 - Dépôt légal : mars 2017 - Imprimé en France
L’entre
Pour mieux la connaître

Ce livre vise à présenter le monde de l’entreprise sous ses


diférents aspects (comptables, inanciers, stratégiques,
organisationnels, etc.) principalement à destination d’un
public d’étudiants. Écrit dans un langage simple, parsemé
d’exemples et de schémas, il se veut accessible aux débutants
qui souhaitent découvrir ce monde fascinant qu’est celui de
l’entreprise.

Sylvain Bersinger est titulaire d’un master en gestion et finance de


l’université Lyon 2 et d’un master en économie de l’université Paris
Dauphine. Il a enseigné plusieurs années la gestion et l’économie en
classe de lycée et BTS.

ISBN : 978-2-343-11792-8
22,50 e

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