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STEVEN JACOB S
GUST ( GHENT URB A N STUDI ES TEAM )
RI JK SUNI VERSI TEI T GENT
ISBN 2-87212-341-5
Dépot légal D/2000/2848/41
JUILLET 2000
TA B L E D E S M AT I E R E S
Avant-propos 5
2. L E PA L A I S DES B E A U X - A RT S E N TA N T Q U E D O N N É E U R B A N I S T I Q U E
Notes 22
Liste des Illustrations 24
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AVA N T - P R O P O S
Le Palais des Beaux-Arts, pour lequel Victor Horta établit les premiers plans en 1920
et qui fut inauguré en 1928, à l’initiative de Henri Le Boeuf, banquier et mécène
Bruxellois, a déjà fait l’objet d’analyses historico-architecturales et urbanistiques appro-
fondies. (1)
Dans les pages qui suivent, ces analyses sont reflétées de manière synthétique et
mises en regard de notions présentes dans des études théoriques au sujet de musées
contemporains et de leurs fonctions urbaines. Par ailleurs on a tenu compte des
rapports commandités par la Fondation Roi Baudouin et se rapportant aux institutions
scientifiques ou culturelles situées au Mont des Arts ou à proximité. (2)
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1. UN PROGRAMME HYBR IDE INCLUS DA NS UNE
UNITÉ ARCHITECTURALE
Le Palais des Beaux-Arts constitue une des plus importantes réalisations dans l’œuvre
tardive de Victor Horta. Conçu peu après la Première Guerre mondiale, il n’a cependant
été inauguré qu’en 1928 et ce, après de profondes modifications de plans. Il occupe
une place exceptionnelle dans l’histoire de l’architecture. En effet, le Palais des Beaux-
Arts a, dès le départ, abrité un programme complexe et à multiples facettes. Sur une
parcelle irrégulière d’environ 8000 m2, Horta a réuni une grande salle de concert, une
salle de musique de chambre, une salle pour récitals, plusieurs espaces de conféren-
ce et une enfilade de salles d’exposition. Par ailleurs, l’ensemble comporte également
des locaux pour divers services et, côté rue, une série d’espaces commerciaux.
Par cette conception multiforme, Horta s’aligne sur la Maison du Peuple construite à
la fin du siècle précédent et également sur le projet de musée conçu par son maître
Alphonse Balat, projet qui, lui aussi, visait à combiner la musique aux arts plastiques.
En outre, toutes ces fonctions dont la forme s’exprime dans des structures totalement
distinctes, ne se voient pas placées côte à côte ou l’une derrière l’autre comme des
entités séparées, mais occupent une continuité spatiale au sens strict. L’inventivité de
l’agencement, qui mène à un emploi rationnel de l’espace, fut rendu possible grâce au
recours à une charpente en acier pour certaines parties, comme c’est le cas de la
Grande Salle de Concert. Mais c’est surtout l’emploi de béton qui a permis à l’archi-
tecte d’inscrire les différentes parties dans un ensemble organique. Malgré le fait
qu’Horta dissimule – d’ailleurs contre son gré (3) - les éléments porteurs et emploie
encore toujours à la manière classique des piliers au lieu des coupes et profils offerts
par la technique moderne de construction, on peut voir dans le Palais des Beaux-Arts
une exploration des possibilités d’un plan libre et de la plasticité de surfaces inclinées.
Trois niveaux importants se distinguent dans l’agencement magistral de l’ensemble. Au
niveau supérieur, le bel étage, se trouvent les espaces d’exposition, dont la plupart
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Ü U n p r o g r a m m e h y b ri d e in c l u s d a n s u ne u n it é a r c h i t e c t u r a l e
Architecte de formation classique qui, dans ses dernières œuvres, s’est à nouveau
tourné vers des principes architecturaux académiques, Horta a également songé à
plusieurs autres solutions pour structurer l’ensemble. C’est ainsi qu’à l’intérieur du
polygone irrégulier du terrain se dessine nettement un rectangle, du fait que les deux
coins triangulaires occupés par les commerces à front de rue, sont coupés du corps du
bâtiment (voir illustrations p. 31). La partie centrale rectangulaire fait ensuite l’objet
d’un aménagement axial. La plupart des axes se situent parallèlement aux côtés du
rectangle – un effet qui est surtout visible au niveau des salles d’exposition. La forme
axiale propre à Horta s’écarte cependant de la tradition académique, où la conception
de plan est basée sur une symétrie détournée de la fonction spécifique des espaces.
Chez Horta, la combinaison d’une construction symétrique avec un plan fonctionnel
rend la présence d’un axe moins dominant et c’est plutôt au départ de différents
angles que l’espace est perceptible. C’est ainsi que certains espaces sont symétri-
ques, tandis que l’aménagement de locaux limitrophes est purement dicté par des
besoins fonctionnels. Ce qui conduit à de continuelles modifications d’orientation du plan.
Un autre élément structurant est constitué par les deux rotondes se faisant face en dia-
gonale et qui marquent les deux entrées principales du bâtiment: la rotonde donnant
sur la rue Ravenstein sert d’entrée à ce même niveau, tandis qu’au-dessus un Salon
de repos a trouvé place. L’autre rotonde est reliée par un escalier à l’entrée qui donne
rue Royale.
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U n p r o gr a mm e hy b r id e i nc l u s d a n s u n e u n i té a r c h i t e c t u r a l e Û
Une restauration profonde du bâtiment dans son entièreté est cependant indispensa-
ble et une analyse architecturale détaillée s’impose(4). Compte non tenu de travaux de
réparation urgents, cette restauration ne pourra être initiée qu’au moment où une solu-
tion aura été trouvée pour remédier au chaos institutionnel du Palais des Beaux-Arts.
Restituer le concept architectural initial ou même le reconstituer de façon moderne et
responsable, implique en tout cas une réorganisation profonde des espaces de
service.
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2 . L E PA L A I S D E S B E A U X - A R T S E N TA N T Q U E
DONNÉE URBAN ISTIQUE
Situé entre la rue Ravenstein et la rue Royale, qui se trouve à un niveau beaucoup plus
élevé, le Palais des Beaux-Arts occupe un terrain dont on peut dire qu’il forme un
escalier entre le parc et la place Royale d’une part et la ville basse d’autre part. En
élaborant son projet, Horta a tenu compte de diverses manières des stratifications
historiques du lieu sur lequel le Palais des Beaux-Arts a été édifié. C’est ainsi qu’il a
préservé un morceau du mur d’enceinte avec tour datant du XIIe siècle pour marquer
la limite de la parcelle.
De plus, cet endroit a de tout temps joué un rôle important dans l’histoire de Bruxelles.
Dans l’édition spéciale de mai 1928 des Cahiers de Belgique, consacrée au Palais des
Beaux-Arts, Henri Laurent souligne que l’histoire de cet endroit constitue un micro-
cosme de l’histoire de Belgique dans son entièreté.
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L e P al a i s d es Be a u x- A r t s e n t a n t q u e d o n n é e u r ba n i st iq u e Û
Livré à l’origine aux activités agricoles, le quartier Terarken, qui emprunte son nom à
un hospice fondée en 1218, se transforme en centre commercial pré-industriel au
Moyen Age. A l’époque bourguignonne, le quartier ne devient pas seulement le lieu de
résidence de divers dignitaires de la Cour, mais il abrite aussi de nombreux artistes,
tels que Roger van der Weyden. L’espace à côté du Palais des Beaux-Arts situé sur la
parcelle Ravenstein présente encore un reliquat des constructions typiques avec
façades à pignons, tourelles et cours intérieures de l’époque.
Quartier aristocratique au seizième siècle, il devient sous la domination espagnole et
autrichienne quartier administratif et militaire. Avec l’aménagement de la place Royale
au dix-huitième sciècle, il perd ses fonctions institutionnelles. Dans le courant du siècle
suivant divers établissements scolaires s’y fixent au point qu’on y a vu une variante
bruxelloise du quartier latin. Et lorsque, à la fin du dix-neuvième siècle le Mont des Arts,
le nouveau Coudenberg, le Cantersteen et la rue Ravenstein ont été aménagés, le quar-
tier subira une fois de plus de fortes transformations. ”Seul, au milieu des banques et
des futurs buildings” conclut Laurent,” le Palais des Beaux-Arts, qui s’élève sur
l’emplacement du jardin des Arbalétriers, de l’hospice Terarken et de la maison de
Teniers, hardiment tourné vers l’avenir, comme son architecture l’atteste éloquem-
ment, saura renouer, dans l’ancien quartier Isabelle, avec des traditions d’art
séculaires et glorieuses." (5)
Horta ne devait pas seulement tenir compte de ce genius loci chargé de culture et
d’histoire, mais également du fait que le nouveau bâtiment serait érigé dans un
environnement où sont implantés quelques unes des principales institutions incarnant
la jeune nation belge.
C’est ainsi que le nouveau centre culturel se trouve à proximité du Musée des Beaux-
Arts conçu par le maître d’Horta, Alphonse Balat. De plus, l’endroit fait fonction de
carrefour entre deux axes importants. Se situant exactement à l’intersection de la rue
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Ü L e P a la i s d es Be a u x - A r t s e n ta n t q u e do n n é e u r b an i s t iq u e
En érigeant le Palais des Beaux-Arts à proximité de trois autres palais qui symbolisent
l’Etat belge – le Palais Royal, le Palais de la Nation et le Palais de Justice - l’intention
des autorités était de montrer au monde que la Belgique était prête à assumer son rôle
culturel à l’échelle internationale. Le Soir écrit avec fierté:”On peut dire que Bruxelles
aura un Palais des Beaux-Arts tel qu’aucune autre ville d’Europe n’en possède." (7),
tandis que le Journal de Paris déjà avant l’inauguration du bâtiment annonçait:
”Bruxelles n’avait plus rien à envier à Paris." (8).
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L e Pa la i s d e s B ea u x - Ar ts e n t a n t q u e d on n é e ur b a ni st i q ue Û
Pour commencer, la façade côté rue Ravenstein a été annexée par une série de maga-
sins. La presse de l’époque ne manqua d’ailleurs pas de faire état avec dérision d’un
”palais invisible, sans colonnade, sans fronton et sans façade" (9). En tout cas, Horta
lui-même trouvait que les commerces, qui déterminaient bien entendu de façon enva-
hissante l’organisation du rez-de-chaussée, rendaient inadéquat le terme de "palais".
"Palais? Non pas dans ma pensée: simple maison d’art, car je ne pouvais consentir à
appeler de ce nom une construction dont le principal des façades était occupé par des
magasins." (10). L’appellation Maison d’art évoque aussitôt la célèbre Maison du
Peuple (1896-1899) de Horta, une construction devant également accueillir un
programme complexe, comportant notamment une salle de théâtre, sur un terrain
irrégulier et en pente. Cette appellation s’harmonisait naturellement mieux avec l’aspi-
ration de Horta d’éviter tout excès de decorum. L’ambiance sensorielle qui pouvait
encore se percevoir dans la Maison du Peuple n’empêchait nulle part la lisibilité de la
clarté structurelle du bâtiment.
Horta a en tout cas réussi, tant au niveau du détail qu’à celui de la planification, à
s’adapter au contexte du bâtiment. C’est ainsi qu’il a tenu compte des dimensions
générales de la résidence Ravenstein du haut Moyen Age, et que pour construire la
façade latérale donnant sur la rue Terarken il a eu recours à une combinaison de
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Ü L e P a la i s d es B e a u x- Ar ts e n t a n t q u e do n n é e u r b an i st i q u e
Du côté de l’Est, donnant vers le niveau nettement plus élevé du parc de Bruxelles,
dont les autres côtés sont délimités par le Palais Royal, le Parlement et le Palais des
Académies, toute forme de monumentalité d’échelle s’est avérée absolument impos-
sible. La façade côté rue Royale ne comporte qu’un mur d’à peine deux mètres de haut
qui sert de socle à une balustrade ornée d’amphores décoratives. Cette modeste
façade n’est interrompue que par l’entrée, pratiquée en retrait, à un niveau légèrement
inférieur. En l’occurrence cet élément qui, dans la typologie des constructions de
musées et salles de concert, a de tout temps su se mettre en valeur en se dotant d’un
portique, en tirant parti d’un escalier, a acquis un aspect négatif. L’entrée n’est
marquée d’aucune manière, mais serait plutôt cachée. La hauteur le long de la rue
Royale étant limitée, Horta a cependant réussi à conserver le lien visuel entre la place
des Palais et la ligne d’horizon de la ville basse. Il est dès lors encore toujours loisible
au monarque de contempler sa capitale depuis le Palais Royal.
De plus, la liaison entre la ville haute et la ville basse constituait depuis longtemps un
des plus importants problèmes urbanistiques à Bruxelles. Cette liaison n’était pas
seulement problématique du fait de la différence de niveau, mais aussi à cause du
contraste entre les plans classiques orthogonaux du dix-huitième d’une part et le tissu
des ruelles médiévales d’autre part. A plusieurs moments de sa carrière, Horta s’est
penché sur cette problématique. C’est ainsi que pendant la période de construction du
Palais des Beaux-Arts, il travaillait également à la conception de plans pour un projet
urbanistique à grande échelle, appelé le Municipal Development, qui avait précisément
pour objet de créer une liaison entre la ville haute et la ville basse. A la fin de sa
carrière Horta dessina finalement les plans de la Gare Centrale (1937-1945), une
mission dont il avait déjà été chargé en 1910. En conclusion, le Mont des Arts situé à
proximité représentait, au cours de cette même période, une préoccupation majeure
pour l’architecte.
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L e Pa la i s d e s B ea u x - A r ts e n ta n t q u e d on n é e ur b a ni st i q ue Û
Grâce à cela, le Palais des Beaux-Arts cor respond parfaitement à l’esprit de l’Art Déco
qui, d’une façon bizarre, réussissait à intégrer le style moderne dépouillé et la
monumentalité classique tout en sacrifiant à l’engouement pour l’exotisme. Bien qu’il
ait été décidé dès le départ de faire du Palais des Beaux-Arts un podium des arts
actuels, il semble qu’il n’y ait pas eu moyen de se passer des formes architecturales
symbolisant les origines de la civilisation. Les façades en pierre bleue du Palais des
Beaux-Arts nous remettent inévitablement en mémoire la remarque d’Adorno lorsqu’il
déclare que 'museum' et 'mausoleum' ont davantage qu’une association phonétique
en commun (11).
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Ü L e P a l a i s d es Be a u x- A r ts e n ta n t q u e do n n é e u r b a n i st iq u e
Les références au tombeau et au temple dans les façades, tout comme leur aspiration
à la représentation classique, se voient minées par la vitalité métropolitaine des devan-
tures de magasin. L’incorporation de ces espaces commerciaux résulte du fait que la
Ville de Bruxelles mettait le terrain gratuitement à disposition des maîtres de l’ouvrage
du Palais des Beaux-Arts. En échange de quoi la Ville pouvait librement disposer des
espaces commerciaux.
Cette solution avait pour avantage pour la Ville de pouvoir récupérer partiellement son
investissement, mais aussi grâce aux étalages éclairés de remédier à l’obscurité du
quartier. Dans ses mémoires, Horta lui-même s’est exprimé de manière ironique à ce
sujet: "Cette servitude, fruit d’un raisonnement qui semblait pertinent à l’époque, s’est
avérée complètement inutile par la suite; voyez le soir, l’entrée de la Rotonde: elle brille
et éclipse le meilleur éclairage des magasins." (12). Savoir si cette remarque de Horta
était ou non fondée, nous n’en jugerons pas ici, mais la tentative était intéressante,
d’intégrer le palais, dans un quartier qui avait subi des transformations radicales et qui
en connaîtrait encore.
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L e P a la i s d e s B ea u x -A r t s e n ta n t q u e d on n é e ur b a ni s t i q ue Û
C’est ainsi que les éléments traditionnels de la typologie des musées (escalier, colon-
nade), qu’il n’était pas possible d’intégrer dans le dessin de la forme extérieure, ont
été ramenés à l’intérieur du bâtiment. Le premier espace d’exposition dans lequel le
visiteur pénètre est en effet la Grande Salle des Sculptures, un espace impressionnant
à cinq nefs, délimitées chacune par des colonnes isolées, la nef centrale plus élevée
et plus large étant surplombée d’une verrière. Baignant dans la lumière, s’étend une
sorte de piazza sur laquelle s’ouvrent les localisations des différents programmes. De
plus, ce hall fait à la fois référence à un temple classique et à une nef d’église et donne
en tout cas la nette impression qu’en regardant les œuvres exposées on vivra une
expérience édifiante.
La monumentalité et l’excès spatial de la Grande Salle des Sculptures n’ont pas seule-
ment prêté à l’ensemble du bâtiment des références appartenant à la typologie de la
construction, mais ont, assez ironiquement, été également à la base de la flexibilité du
hall même. La Grande Salle des Sculptures a naturellement été, dès le départ, une
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sorte d’anachronisme. A l’époque où Horta a conçu le Palais des Beaux-Arts, bien peu
de sculptures monumentales un tant soit peu valables avaient vu le jour. Aussi, à
quelques exceptions près, ce hall n’a jamais rempli sa destination d’origine.
Ironie du sort, c’est en 1972, en pleine période où l’œuvre de Horta était redécouverte,
qu’il a été entièrement transformé par Lucien Jacques Baucher. Le changement d’ap-
pellation en Hall d’Animation témoigne clairement des modifications de fonction qu’on
avait à l’esprit. Puisant l’inspiration dans la brève occupation du Palais en mai ’68, on
voulait transformer le caractère de temple sacré de l’édifice en espace polyvalent
pouvant accueillir à la fois des concerts, des conférences, des expositions, un
magasin, un restaurant et autres activités. En tout premier lieu, il fallait que le Hall
d’Animation soit un lieu public accessible gratuitement et en permanence.
Cette idée d’une Maison d’art, dans laquelle différentes fonctions pouvaient cohabiter,
fondait également le projet de Horta, dans lequel les espaces commerciaux devaient
constituer une passerelle vers la vie urbaine. Dans le climat culturel des années
soixante, jusque dans les années septante, les éléments de façade traditionnels de la
typologie muséale, transférés ici à l’intérieur de la Grande Salle des Sculptures, para-
issaient avoir perdu leur justification. Tant le capitalisme de consommation d’après-
guerre que l’évolution artistique radicale des temps actuels (land art, performance,
arte povera, concept art, etc.) avaient d’ailleurs rendu les fonctions muséologiques
classiques, à savoir la conservation et l’exposition d’artefacts uniques, perceptibles de
manière sensorielle, mobiles et vendables, très difficiles si pas impossibles.
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L e P a la i s d e s B ea u x - Ar ts e n ta n t q u e d on n é e ur b a ni s t i q ue Û
Les changements d’identité que la Grande Salle des Sculptures a subis peuvent cepen-
dant être considérés comme la manifestation de l’ambivalence dont Victor Horta a
imprégné son projet. En tant que lieu de rassemblement de l’élite, il exprime par ses
salles classiques inondées de lumière rayonnante les idéaux des grands musées
publics du dix-neuvième en matière d’éclairage. Mis explicitement en avant comme le
lieu où l’art vivant et l’avant-garde trouveraient leur place, le bâtiment a l’allure d’un
temple funéraire archaïque. Si ses étalages sont une tentative pour attirer vers l’art la
vie métropolitaine dans ce qu’elle a d’ordinaire, sa monumentalité classique constitue
un renvoi vers le musée et la salle de concert comme lieux sacrés d’édification.
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Dans certains cas, la ville a été littéralement amenée à l’intérieur du musée. Dans les
solutions fortement discutées et cependant très différentes imaginées par Hans
Hollein à Münchengladbach, James Stirling à Stuttgart, Daniel Liebeskind à Berlin et
Alvaro Siza à Santiago de Compostelle, le musée fut chaque fois conçu comme un
élément du tissu urbain ou comme une retombée de la mémoire collective d’une ville.
Une promenade à travers le musée reste une promenade à travers la ville. C’est soit
la morphologie du contexte urbain qui détermine la forme du musée, soit c’est l’espace
urbain qui s’insinue dans le corps de bâtiment du musée, soit encore, c’est le souvenir
de certains lieux et habitants qui se voit pérennisé dans le plan. En tout cas, le musée
contemporain offre une plate-forme à toute une série d’activités urbaines.
Là ou le Centre Pompidou, inauguré en 1976, et qui peut être considéré comme point
de départ de la nouvelle vague dans la construction de musées, n’avait que son esca-
lier roulant et son animation conviviale de grand magasin, le nouveau Louvre lui, est
équipé d’un centre commercial complet, ne différant en rien d’autres centres commer-
ciaux. Dans son étude intitulée Architecture After Modernism (15) Diane Ghirardo fait
remarquer que le musée et le mail de commerces constituent par excellence le para-
digme architectural de la fin du vingtième siècle, mais en réalité on peut dire que les
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deux modèles ont été fusionnés en un ensemble unique: le musée multi fonctionnel
partage avec le mail une sorte de caractère urbain artificiel. Des activités comme la
flânerie, faire les magasins ou consommer de la culture, qui auparavant étaient vécues
comme typiquement urbaines, se déroulent maintenant de manière contrôlée et semi-
publique.
Bien que le Palais des Beaux-Arts ne se base par sur le caractère urbain artificiel du
mail commercial, il réussit à tout le moins à renvoyer à une sorte d’urbanité intério-
risée, grâce à ses espaces pour activités commerciales auxiliaires et ses façades exté-
rieures tournées vers l’intérieur. Cet aspect se voit en outre renforcé par l’organisation
architecturale. En effet, le bâtiment ne permet pas seulement au promeneur d’effec-
tuer une promenade le menant de la ville basse à la ville haute, mais avec son jeu
d’escaliers, de plans inclinés et de circuits parallèles destinés respectivement au
public, aux musiciens et au Roi (un accès séparé à la loge royale étant prévu) il répond
aux attentes d’une grande ville en matière d’intensité et de mise en scène. C’est préci-
sément de ce fait que le bâtiment s’intègre sans heurts dans son environnement,
puisque le Palais des Beaux-Arts constitue un des maillons de tout un réseau de bâti-
ments (Musée, Palais des Congrès, Galerie Ravenstein, Gare Centrale) qui ensemble
forment ce qui pourrait s’appeler une ville souterraine. Cette ville, cartographiée de
manière impressionnante par Xaveer De Geyter dans son projet de participation au
concours pour le carrefour de l’Europe (16), absorbe en grande partie l’activité de la cité
ce qui la rend parfois difficile à visualiser.
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Diverses parties importantes de cette ville souterraine ou d’institutions qui s’y articu-
lent (musées, bibliothèque) remplissent des fonctions culturelles. Il est dès lors éton-
nant que le Palais des Beaux-Arts, qui offre lui-même depuis longtemps déjà un large
éventail d’activités, n’est que rarement considéré comme faisant partie de cet
ensemble plus vaste. En réalité, grâce au Mont des Arts, Bruxelles possède déjà
depuis quelque temps toute une partie de ville caractérisée par une conjonction de
fonctions culturelles. (17) C’est précisément cette tendance qui s’est dessinée dans de
nombreuses autres villes (Amsterdam, Rotterdam, Frankfort, Berlin) par le recours à
des projets de nouvelles constructions de prestige (18). Il va dès lors de soi que
Bruxelles peut prétendre à ce puissant potentiel.
21
NOTES
(1) Voir par exemple Françoise Aubry, Jos Vandenbreeden & Daniel Commins, "Een
pp. 6-7.
(7) Le Soir, 6 février 1928.
(9) Voir p.ex. Pourquoi Pas?, 18, 718, vendredi 4 mai 1928, pp. 636-637.
(11) Theodor W. Adorno, "Valéry Proust Museum", in Theodor W. Adorno, Prisms, MIT
(13) Voir Douglas Davis, The Museum Transformed. Design and Culture in the Post-
22
Ü NOTES
(14) Dirk Snauwaert, "Chronologie", in Fareed Armaly, Brea-kd-own, Palais des Beaux-
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LISTE DES ILLUSTRATIONS
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Ü I L L U S T R AT I O N S
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I L L U S T R AT I ON S Û
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Ü I L L U S T R AT I O N S
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I L L U S T R AT I ON S Û
8 Ru e R oyale,
with vi ew on Monts des Ar t s
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Ü I L L U S T R AT I O N S
1 1 Rue Raventein
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I L L U S T R AT IO N S Û
1 3 Rue Ravenstein
1 5 Rue Ravenstein
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Ü I L L U S T R AT I O N S
1 8 Level rue Te r a r k e n
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I L L U S T R A T ION S Û
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Ü I L L U S T R AT I O N S
2 2 Salon de Repos
2 3 Exhibition Spaces
2 4 Grande Galerie
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2 6 Central Hall
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3 5 Grande Galeri e
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