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Chapitre 2.

Le régime des actes de commerce

Les impératifs de souplesse, de rapidité, de sécurité qui gouvernent le droit commercial


expliquent et justifient la mise en place de règles spécifiques le plus souvent dérogatoires au
droit commun. Le régime juridique des actes de commerce est tout à fait révélateur du
particularisme du droit commercial.

Section 1 Les règles applicables aux actes de commerce

La spécificité du droit commercial apparaît tant lors de la conclusion de l’acte que de son
exécution

§ 1 La preuve des actes de commerce

Le principe en droit commercial est celui de la liberté de la preuve. Ce qui réduit les
exigences formalistes ad probationem sans empêcher la multiplication des exigences ad
validitatem.

A) Le principe de la liberté de la preuve

Aux termes de l’article L 110-3 du code de commerce, à l’égard des commerçants, les actes
de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu’il n’en soit autrement disposé
par la loi.

B) Les conséquences de la liberté de preuve en droit commercial 

a) La mise à l’écart des règles du Code civil

Cette règle permet aux commerçants de s’abstraire des règles rigoureuses du droit civil qui
exige par exemple un écrit pour toute opération d’une valeur supérieure à 1500 euros (art
1341 C Civ).
La preuve par tous moyens étant admise, il n’est pas nécessaire de se préconstituer une preuve
par écrit ni d’établir autant d’originaux que de parties à l’acte, d’apposer une quelconque
mention manuscrite en cas d’engagement unilatéral etc.

On peut également prouver par témoins ou présomptions contre un acte écrit.

 Il en va de même des dispositions de l’article 1328 qui conditionnent l’existence d’une date
certaine pour les actes sous seing privé 

La liberté de la preuve sera admise tant par la juridiction commerciale que par la juridiction
civile.

Bien plus les livres comptables pourront être utilisés, l’article 1330 du Code civil dispose en
effet que les livres des marchands font preuve contre eux ; mais celui qui en veut tirer
avantage, ne peut les diviser en ce qu'ils contiennent de contraire à sa prétention.

L’article 1329 dispose quant à lui que les registres des marchands ne font point, contre les

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personnes non marchandes, preuve des fournitures qui y sont portées, sauf ce qui sera dit à
l'égard du serment.

Il en résulte que la liberté de la preuve et la force probante de la comptabilité ne valent


qu’entre commerçants ou lorsqu’il s’agit de prouver contre un commerçant.

Bien que l'article L.110-3 du code de commerce énonce que la règle de la preuve écrite des
contrats n'est pas applicable, il est évident que la constitution de cette preuve est
recommandée et ce dans un but de sécurisation juridique.

Il ne faut en effet pas oublier que les factures et autres livres de comptes (dont l'établissement
est obligatoire) ne constituent en aucun cas une preuve écrite mais seulement des indices.

Avec un contrat bien rédigé, on évite un aléa inutile.

b) Les modes de preuve du droit commercial

Les modes de preuve admis en matière commerciale sont très variés. On peut ainsi prouver
par témoins, présomption, aveu et serment. Toutefois, la force probante des éléments de
preuve – même libre – reste soumise à l’appréciation souveraine des juges du fond, ainsi qu’à
l’exigence de loyauté.
En matière commerciale, davantage peut-être que dans d’autres, les progrès accomplis dans le
domaine informatique et les moyens de communication sont pris en compte par la
jurisprudence. C’est notamment en cette matière qu’ont été admis comme mode de preuve les
microfilms auxquels la pratique bancaire avait fait appel pour régler ses problèmes
d’archivage des chèques, ce qui a conduit à la reconnaissance par le législateur de la copie
fidèle et durable (article 1348, alinéa 2, issu de la loi du 12 juillet 1980 précitée). La preuve
d’un acte de commerce peut être aussi rapportée par télécopie, dès lors qu’ont été vérifiées, ou
ne sont contestées, ni son intégrité ni l’imputabilité de son contenu à l’auteur désigné ou
photocopie, ce raisonnement étant transposable aux courriels ou messages écrits
téléphoniques dits « SMS ».
L’informatique offre en effet des garanties importantes de conservation des preuves. Depuis la
réforme du droit de la preuve initiée par la loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 portant
adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et relative à la signature
électronique, le juge du fond s’est vu toutefois reconnaître une grande liberté pour apprécier la
valeur probante des supports électroniques en toute matière (article 1316-2 du code civil).

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C Les atténuations au principe de la liberté de la preuve en matière commerciale

Le particularisme du droit de la preuve entre commerçants s’estompe. En effet, le régime


probatoire appliqué aux particuliers tend à s’en rapprocher au travers, notamment, de
l’interprétation large des exceptions à l’article 1341 du code civil ou de l’admission de la
preuve électronique. En outre, le droit commercial voit se multiplier des règles spécifiques de
forme. Ces règles participent de l’essor d’un nouveau formalisme contractuel qui entend
protéger les commerçants à l’occasion de certains actes graves, ou lorsque ceux-ci se trouvent
dans une relation d’affaires potentiellement dissymétrique.

Ce formalisme touche le plus souvent à la validité de l’acte mais a nécessairement des


répercussions sur l’administration de la preuve.

Est ainsi nul l’engagement de caution, pris par acte sous seing privé par une personne
physique envers un créancier professionnel, qui ne comporte pas la mention manuscrite
exigée par l’article L. 341-2 du code de la consommation (mention manuscrite précisant
l’étendue de l’engagement et ses modalités doit, à peine de nullité, figurer dans l’acte). De
même, les articles L. 330-3, R. 330-1 et R. 330-2 du code de commerce relatifs à
l’engagement d’exclusivité en matière commerciale imposent la remise au bénéficiaire de
l’exclusivité d’un document lui permettant de connaître l’état du réseau dans lequel il va
s’insérer et l’étendue de ses engagements.

Il existe désormais un grand nombre d’hypothèses dans lesquelles un écrit est exigé comme
condition d’existence de l’acte passé.

Par exemple, le cas de la vente de fonds de commerce (article L. 141-1 du code de


commerce), de la vente de navire (article 10 de la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967), de la cession
de brevets ou de marques (article L. 613-8 du code de la propriété intellectuelle pour la
cession de brevets, et article L. 714-1 pour les marques).

De même, les articles 1835 du code civil et L. 225-15 du code de commerce imposent la


constitution par écrit des sociétés en vue de leur immatriculation.

§ 2) Les règles relatives aux obligations commerciales

A) La formation des actes de commerce : le consentement 

Les règles de formation sont semblables aux règles de droit civil.


Il s’agit des règles de capacité, de consentement, d’objet et de cause.
La capacité commerciale est la capacité à passer des actes de commerce. Un mineur, même
émancipé ne peut être commerçant (art. L 121-2 du Code de commerce) ; les actes de
commerce qui auraient été passés par un mineur seraient nuls (art. 1305 et s. du Code civil).
Néanmoins, depuis la création de l’EIRL par la loi du 15 juin 2010, le mineur émancipé peut
être commerçant, sur autorisation du juge des tutelles lors de la décision d’émancipation, ou

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par le président du Tribunal de grande instance s’il en fait la démarche postérieurement à son
émancipation.
Néanmoins, il convient de rappeler que la qualité de commerçant n’est pas toujours requise :
pour le propriétaire d’un fonds de commerce donné en location-gérance, ou encore les
associés d’une société commerciale.
Comme en droit civil, le consentement ne doit pas être vicié ; le dol, la violence et l’erreur
rendent nul l’acte de commerce.
Le consentement, en droit commercial, ne résulte pas de l’acceptation d’une offre ferme et
précise, comme en droit civil. Le silence peut valoir acceptation lorsque les contractants en
ont pris l’habitude, ou lorsqu’il résulte des usages de certaines professions.

B) L’exécution des actes de commerce : la sanction de l’inexécution du contrat

a) La « réfaction » du contrat de vente

Le mot "réfaction" vient du mot "refaire". Diminuer le prix d'un objet ou d'un service, revient
à modifier le contrat c'est dans le sens de réduction de prix que l'on emploi le mot "réfaction".
Le vendeur peut être amené à consentir "une réfaction", soit qu'il ait tardé à livrer, soit que la
marchandise n'ait pas présenté toutes les qualités prévues au contrat.

En application de l'article 1184 du Code civil le juge saisi d'une action résolutoire pour défaut
de qualités promises peut, s'il estime qu'il n'y a pas lieu à résolution, maintenir le contrat et si
le demandeur a demandé la condamnation du vendeur à des dommages-intérêts, prononcer
contre le vendeur une réparation en argent ce qui équivaudra à diminuer le prix de la chose
vendue.

Cette réfaction est possible dans les contrats commerciaux mais pas en matière civile

b) La faculté de remplacement

La faculté de remplacement est un usage commercial inspiré de l'art. 1657 du code civil.

Si je mets mon acheteur défaillant en demeure de prendre livraison (automatiquement, lorsque


le cours des choses vendues fluctue rapidement), je peux vendre à quelqu'un d'autre et
réclamer à l'acheteur défaillant la différence éventuelle de prix. 

Cette faculté est également réservée à l'acheteur en cas de refus de livraison.

L'avantage de cette technique est de ne pas devoir saisir le tribunal, mais elle comporte une
importante obligation d'information, et le juge pourrait dire par la suite que le remplacement
n'a pas été correctement effectué.

Un usage analogue existe en matière de contrat d'entreprise.

De manière plus générale, le remplacement pourrait être expressément stipulé dans tout
contrat, quel qu'il soit, la convention faisant la loi des parties.

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C) La prescription des obligations commerciales

Les délais de prescription varient selon la nature des créances : leurs différentes classification
et modalités constituent des informations à ne pas oublier.
La loi du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile, et qui est en
vigueur depuis le 19 juin 2008 a modifié ces délais.

Depuis cette date, la prescription de droit commun est de  5 ans (auparavant elle était de 30
ans en matière contractuelle et de 10 ans en matière de responsabilité extra contractuelle),  et
la prescription en matière commerciale est de 5 ans au lieu de 10 ans. Néanmoins, certaines
créances (professionnelles, commerciales, pénales, ...) sont réglées par des prescriptions plus
courtes.

CREANCES PROFESSIONNELLES

 Créances entre commerçants pour les besoins du commerce..... 5 ans au lieu de 10 ans
 Créances des commerçants pour vente de marchandise à des particuliers et d’une
manière générale l’action des professionnels contre les consommateurs..2 ans
 Créances des hôteliers, traiteurs, et restaurateurs à l'égard de leurs clients... 5 ans au
lieu de 6 mois
 Responsabilité des entrepreneurs et architectes pour vices de construction : gros
travaux..10 ans
 Responsabilité des entrepreneurs et architectes pour vices de construction : menus
travaux...2 ans
 Créances nées des contrats de transport....1 an
 Actions pour avaries et pertes partielle contre un transporteur (le destinataire doit avoir
confirmé ses réserves par lettre recommandée dans les 3 jours de la réception pour ne
pas être forclos)...1 an

L'ensemble des prescriptions indiquées ci-dessus ne s'applique que si le créancier a omis de


procéder à un recouvrement dans les délais légaux. A l'inverse, une demande en justice
engagée devant les tribunaux, y compris la procédure de référé, une mesure d’instruction
judiciaire antérieure à tout procès , une reconnaissance de dette, en interrompent  le délai. 

D la solidarité

En droit civil, la solidarité ne se présume pas, elle doit être expressément stipulée pour jouer.

Le droit commercial a pris le contre pied de la règle civiliste. En effet, un usage ancien et
constat veut que la solidarité se présume en droit commercial.
Elle jouera donc à défaut d’avoir été expressément écartée. Cet usage s’applique largement. Il
dépasse le champ purement contractuel pour s’étendre aux obligations quasi-contractuelles et
légales. La jurisprudence applique la présomption de solidarité avec beaucoup de rigueur,
indépendamment de la qualité des parties.

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Ce principe est même consacré par la loi et la distinction entre le droit civil et le droit
commercial ressort nettement d’un certain nombre de textes tel par exemple l’article 1843 du
Code civil aux termes duquel les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation
avant l'immatriculation sont tenues des obligations nées des actes ainsi accomplis, avec
solidarité si la société est commerciale, sans solidarité dans les autres cas.

La solidarité est la règle en matière d’effets de commerce (Art L 511-4 C Com).


La solidarité est favorable au créancier qui peut choisir de se faire payer par l’un
quelconque des débiteurs solidaires. Il optera pour le plus solvable et ne supportera pas
ainsi le risque de l’insolvabilité de l’un d’eux. C’est au débiteur qui a payé de se faire
rembourser par les autres. Mais encore faut-il, pour que la solidarité joue, que les débiteurs
soient tenus au paiement de la même dette, il ne suffit pas qu'ils soient commerçants.

E La mise en demeure

La mise en demeure peut résulter de tout acte par lequel le créancier manifeste sans
équivoque sa volonté d’obtenir l’exécution de l’obligation dans un délai raisonnable. La mise
en demeure peut résulter d’une lettre missive dès lors qu’il en ressort une interpellation
suffisante. Cette règle qui est celle du droit commercial a cependant été étendue au droit civil
en 1991. Elle est reprise par les articles 1139 et 1146 du Code civil.

L’intervention d’un huissier n’est donc plus systématiquement nécessaire en matière civile
comme en matière commerciale.

Section 2) Le régime des actes mixtes

Il s’agit d’un acte passé par un commerçant et un non commerçant acte qualifié d’acte mixte.

La particularité de ce type d’acte est de faire naître des obligations de nature commerciale à
l’égard du commerçant et de nature civile à l’égard de la partie non commerçante. Ce qui
rejaillit immanquablement sur le régime juridique des dits actes. Un régime le plus souvent
dualiste mais qui parfois peut être uniforme.

§ 1) L’application distributive des règles civiles et des règles commerciales

Face à un acte mixte, il faut se demander quelles sont les règles applicables. Sont-ce celles du
droit civil, celles du droit commercial ? Ou doit-on appliquer distributivement les unes et les
autres ? C’est cette dernière solution qui prévaut le plus souvent. Ainsi en est-il, par exemple,
en matière de preuve ou de juridiction compétente.

A) En matière de preuve 
 S’agissant de la preuve, le créancier non commerçant peut se prévaloir du principe de
liberté de la preuve à l’encontre du commerçant. Il s’agit de prouver contre le
commerçant, les règles du droit commercial sont applicables la preuve se fait pas tous
moyens.
 Mais l’inverse n’est pas vrai le commerçant qui entend prouver contre le non
commerçant doit utiliser les règles de droit civil.

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B) La juridiction compétente 

Le commerçant doit assigner son cocontractant non commerçant devant les juridictions
civiles, le non commerçant dispose d’une option. Il peut en effet décider de s’adresser soit aux
juridictions civiles soit aux juridictions commerciales.

§ 2) Les exceptions à l’application distributive

Cette dualité n’est pas toujours satisfaisante ni surtout envisageable, c’est pourquoi des règles
uniformes sont mises en place.

A) Application exclusive du droit civil

La règle peut être celle du droit civil ou celle du droit commercial. Ainsi pour protéger le non
commerçant, les clauses attributives de compétence territoriale sont nulles dans les actes
mixtes (art 48 CPC).

Dans le même esprit, les clauses compromissoires seront écartées à moins que le non
commerçant soit un professionnel (art 2061 du C Civ).

Il a également fallu trouver une règle uniforme en matière de prescription. Depuis la loi du
17 juin 2008, aux termes de l’article 110-4, I du code de commerce, les obligations nées à
l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants
se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus
courtes.

B) Application d’un droit spécial : le droit de la consommation

Enfin, de nombreuses règles uniformes découlent de l’application du droit de la


consommation qui, peu à peu, prend le pas sur la théorie des actes mixtes.

Le Droit de la consommation est constitué par l'ensemble des dispositions légales et


réglementaires destinées à la protection du consommateur.

Les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non-
professionnels s'interprètent, en cas de doute, dans le sens le plus favorable au consommateur
ou au non-professionnel.

Le Décret n° 2009-302 du 18 mars 2009 portant application de l'article L132-1 du code de la


consommation, énumère les cas d'abus de clauses abusives entre consommateurs et
professionnels et il définit ceux dans lesquels, sauf au professionnel à rapporter la preuve
contraire, ces clauses sont réputées abusives.

La Loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 a modifié le Code de la Consommation, le Code civil,
et le Code monétaire et financier en y apportant un certain nombre de nouveautés. Certaines
de ces dispositions s'appliquent depuis septembre 2010, d'autres depuis mai 2011. Elles
intéressent, les opérations de crédit immobilier, en particulier elles permettent à l'emprunteur
de souscrire l'assurance de son choix, renforcent les obligations et la responsabilité des
prêteurs dans l'évaluation de la solvabilité des emprunteurs.

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En matière d'emprunts elles appliquent aux partenaires d'un pacte civil de solidarité (PACS)
des mesures de protection identiques à celles dont sont déjà bénéficiaires les époux.

Sous certaines conditions, la Loi n°2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation


donne aux associations de défense des consommateurs lorsqu'elles sont agrées comme étant
représentative au niveau national, le pouvoir d'agir au civil devant les tribunaux de grande
instance afin d'obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des consommateurs.

Le démarchage téléphonique par utilisation des numéros masqués est interdit.

Le Code de la consommation prévoit un droit de rétractation dans toute vente d'un bien ou
toute fourniture d'une prestation de service conclue, sans la présence physique simultanée des
parties, entre un consommateur et un professionnel qui, pour la conclusion de ce contrat,
utilisent exclusivement une ou plusieurs techniques de communication à distance.

En cas de remboursement par anticipation d'un prêt entrant dans le cadre du droit de la
consommation, le prêteur n'est en droit d'exiger une indemnité au titre des intérêts non encore
échus que si le contrat de prêt comportait une clause prévoyant expressément qu'une telle
indemnité serait due dans ce cas.

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