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JEAN-NOEL GUINOT
Théodoret
de Cyr
exégète
et théologien
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un théologien engagé
dans le conflit nestorien
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JEAN-NOËL GUINOT
Théodoret de Cyr
exégète et théologien
Volume II
un théologien engagé dans
le conflit nestorien
(431-451)
PAT RI M O I N E S
christianisme
2012
Tous droits réservés. La loi du 11 mars 1957 interdit les copies
ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute
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ûïlm née par les articles 425 et suivants du Code pénal.
Imprimé en France
ISBN : 978-2-204-09789-5
ISSN 0763-8647
!
1
Apologétique et polémique
*
■
Les Apologistes chrétiens et la culture grecque, Paris 1998, p. 383-402
21
Introduction
9. Origène, Contre Celse IV, 48 (SC 136) ; VH3, 66, 1. 21-22. 68, 1. 19
(SC 150).
10. L’argument peut se retourner; Origène en est conscient, lui qui s’ef
force de justifier aux yeux de Celse les histoires immorales de la Bible, notam
ment l’inceste de Lot avec ses filles (Contre Celse IV, 45. 48, SC 136).
11. Athénagore, Supplique VIII-IX (SC 379).
12. Ibid., XI (justification par les œuvres).
13. Clément d’Alexandrie, Stromate I, IX (SC 30). Se contenter de croire
quand on est chrétien et refuser de toucher à la philosophie, c’est se comporter
comme un athlète qui ne compterait que sur ses muscles pour remporter la
victoire et négligerait tout entraînement.
14. Ibid. S’ils ignoraient les techniques de la discussion philosophique, l’Es
prit leur faisait la grâce de comprendre immédiatement le sens des « termes
obscurs » qu’il leur communiquait. Pour d’autres qu’eux, ce sens ne peut s’at
teindre sans effort et sans recherche, sans faire usage de la raison.
APOLOGÉTIQUE ht polémique
14
Eusèbe
Eusèbe a beau proclamer l’originalité de son entreprise par
rapport à celle de ses devanciers27, elle est en fait, dans le débat
qui nous occupe, toute relative, car son argumentation doit
tion qu’il entreprend, et qui, s’il est d’un genre nouveau, fait
néanmoins référence à ceux de ses prédécesseurs31. Qu’il s’agisse
d’ouvrages polémiques ou exégétiques, le nombre même de
ces travaux antérieurs au sien prouve la volonté des chrétiens
de rendre raison de leur foi. A l’évidence, Eusèbe songe ici en
priorité à l’activité exégétique et polémique d’Origène. Il lui
emprunte en tout cas, aussitôt après, l’argument qui consiste
à faire valoir que, dès les origines du christianisme, l’exercice
de [393] la raison dans le domaine de la foi a été de règle. Il se
contente d’ajouter aux références pauliniennes déjà produites par
Origène contre Celse, l’injonction de Pierre faite aux chrétiens
d’être prêts à se justifier (îcpôç à7roXoyiav) de l’espérance qui
est en eux (1 P 3, 15)32. La manière dont il insiste de nouveau,
au terme de ce développement, sur le fait que ces recommanda
tions ont été mises en pratique par des écrivains récents, dont on
peut lire les savantes et lumineuses démonstrations, fondées sur
des raisonnements contraignants, et celles tout aussi rigoureuses
qu’ils ont tirées de l’Écriture en de nombreux commentaires,
donne encore à penser qu’il songe ici tout particulièrement à
Origène33. Le troisième temps de sa réfutation consiste en une
série de preuves tirées des faits, de la réalisation des prophéties
du Christ comme de celles de l’Ancien Testament, mais aussi de
la transformation du monde et des mœurs opérée par le chris
tianisme. Loin d’être une ccXoyoç moriç, le christianisme qui
éloigne l’homme de la « bête » (àXôyoü OrjpuoÔiaç) est même
supérieur à toutes les autres philosophies, puisqu’elles n’ont
permis aucune transformation aussi radicale du monde34.
Dans son désir de démontrer que les chrétiens ne sont pas
voués à une « foi irrationnelle », Eusèbe feint de s’être laissé
emporter trop avant et d’avoir ainsi anticipé sur le sujet même
de son ouvrage35. Naturellement ce n’est là qu’un artifice rhéto
rique. Ce qu’il a voulu faire entendre par cette longue réfutation
de l’accusation d’akoyia, c’est que le christianisme s’adresse
bien à la raison, qu’il est une sagesse vérifiable et profitable. Mais
ne risque-t-il pas alors, à trop exclusivement privilégier cette
démarche rationaliste, de minimiser dans l’adhésion au chris
tianisme le rôle de la foi, voire de l’évacuer ? Telle est sans doute
la raison qui le conduit, au terme de ces chapitres où il s’est
presque uniquement adressé à ceux qui sont capables de suivre
Théodoret
Par rapport à celle d’Eusèbe et de ses devanciers, la démarche
apologétique de Théodoret paraît immédiatement plus originale.
Il choisit en tout cas un angle d’attaque différent pour réfuter
1 accusation de « foi irrationnelle ». Au lieu d’accorder, comme
[395] on 1 a fait avant lui, au grief d’àXoyta la place centrale
dans cette réfutation, il choisit de faire porter tout son discours
sur la foi. Le premier livre de son apologie sera donc un Ilepi
7ttoxecoç, un plaidoyer en faveur de la foi, beaucoup plus qu’une
démonstration rationnelle des vérités de la foi. La perspective
est donc bien différente de celle d’Eusèbe. On en aura une
preuve manifeste si l’on compare la fréquence des termes
à7t6ôeiÇiç et 7UCTTIÇ, dans le premier livre de la Préparation et de
Foi et culture
Origène
A Celse qui prétend que le christianisme serait interdit
à quiconque possède culture (TU£7r:atÔEupévoç), sagesse ou
jugement et réservé à celui qui est ignorant, insensé ou inculte
(à7tatÔ£üTOç)54, Origène répond sans ambiguïté qu’il n’y a pour
51. Ibid., § 93 (Ôeï 7UCTT£Üacci 7rpôTOv). Ce n’est bien sûr pour Théodoret
qu’une étape ouvrant la voie à la connaissance, et cela n’a rien à voir avec le
TtpÛTOv tuoteüoov dont Celse fait grief aux chrétiens et dont se défend Ori
gène 0Contre Celse VI, 10, 21-22, SC 147).
52. Théodoret, Thérap. I, 116 (SC 57.1).
53. Ibid., § 107.
54. Origène, Contre Celse III, 44 (SC 136).
apologétique et polémique
22
Eusèbe
Tout occupé à démontrer la rationalité des dogmes chrétiens,
Eusèbe n’aborde pas aussi nettement le débat entre foi et
culture. Mais il ne fait guère de doute que l’homme cultivé est,
à ses yeux, celui qui a la capacité de conduire ou de suivre une
démonstration logique (XoyixcoTepov 7iaiôeùea9oci)58, d’expli
quer un texte, de convaincre ou encore de réfuter une opinion
erronée. Appartiennent de ce fait pour lui à la catégorie des
hommes cultivés, même si le terme de Tue7i:atÔeü(i£voç n’est
pas prononcé, aussi bien Paul, qui repousse les arguties et les
sophismes de ses adversaires au moyen de démonstrations [400]
incontestables59, que les apologistes et les exégètes d’une époque
plus récente. Mais en réalité, la logique démonstrative semble
résumer pour Eusèbe toute la paidéia, et il est à cet égard révéla
teur que le christianisme, présenté comme supérieur à toutes
les philosophies et donc le contraire d’une aXoyoç moTiç, avant
55. DéjàTatien, dans son Discours aux Grecs, ironise à l’égard de ces gens
prétendument cultivés (ol 7te7taiÔeuo|iévoi) et leur oppose la vraie paidéia que
constitue le christianisme. Voir dans ce volume, l’étude de E. Norelu, « La
critique du pluralisme grec dans YAd Graecos deTatien ».
56. Origène, Contre Celse III, 49 (SC 136). Inversement, comme Platon,
Origène considère que la sottise conduit à la méchanceté (ibid., III, 74).
57. Ibid., I, 9, 10 (SC 132).
58. Eusèbe, Préparation I, 5,9 (SC 206).
59. Ibid., 1,3, 5.
FOI BT RAISON DANS L’APOLOGÉTIQUE DETHÉODORET 23
Théodoret
A la différence d’Eusèbe, et plus proche en cela d’Origène,
Théodoret pose ouvertement la question du rapport entre foi
et culture et conduit une intéressante réflexion sur les notions
de paidéia et d'apaideusia, cette inculture dont les Grecs font
grief aux apôtres. A ses yeux, la véritable apaideusia est celle
qu’engendre le refus de la foi, l’àmaxta, chez ceux-là surtout
qui n’ont qu’un vernis de culture - au point d’ignorer ce qu’est
la colère d’Achille, c’est-à-dire Homère, le fondement même de
la paidéia pour un Grec61 ! Leur suffisance, totalement injusti
fiée, les empêche de constater leur ignorance et fait d’eux de
véritables à7tatÔ£üTOt, alors même qu’ils ont l’illusion d’être des
gens cultivés. Fort de l’exemple de Socrate et de l’autorité de
Platon, Théodoret s’efforce alors de prouver à ces gens-là que la
paidéia véritable ne réside pas d’abord dans les beautés du style
et de la langue, mais dans la connaissance de la vérité et l’acqui
sition de la sagesse. Une expression barbare (xô PapGapocpcavov)
ou un faible niveau de langue (xô à7tatÔ£i>TOV xrjç yXcoxxrjç) ne
sont donc pas nécessairement le signe de l’apaideusia62. Socrate
avait beau être sous ce rapport un à7tai'8Eüxoç, au dire de
Porphyre, il l’emportait pourtant sur tous ses contemporains, et
même sur Platon, malgré la beauté d’un style qui fait de celui-ci,
I pour [401] Théodoret, le plus grand des écrivains grecs. Mais
il est vrai que ce maître de beau style sait se moquer du style,
lorsqu’il faut lui préférer l’idée63.
Une fois établi que Y apaideusia procède de Yapistia, elle-même
facteur d’ignorance, Théodoret s’efforce de prouver l’existence
d’une véritable culture de foi, en ce sens que seule la foi permet
d’avoir accès à la connaissance. Or la gnose par la foi est offerte
à tous les hommes, et non à ceux-là seuls qui disposent de temps
pour s’instruire ou devenir des « spécialistes ». Sans être niée, la
distinction entre simples et gens cultivés est ainsi dépassée, la foi
devenant la condition même d’une véritable culture, c’est-à-dire
d’une paidéia qui prend en compte le monde des vorjxà et du
divin, et, pour le dire d’un mot, donne accès à la vérité.
Inversement, dans cette même perspective, l’à7iatôeuxoç
n’est plus celui qui ignore le beau style, mais celui qui n’a pas
Conclusion
22
1. A trois reprises, dans sa Correspondance (ep. 113 au pape Léon, ep. 116
au prêtre René, ep. 145 aux moines de Constantinople : SC 111), Théodoret
fait mention de ses écrits contre les Juifs ; il y fait vraisemblablement aussi
référence au tout début de YExpositio rectae fidei (éd. J.K.T. Otto, Corpus apolo-
getarum christianorum saeculi secundi, t. IV, Iéna 1880, 1-66).
26 APOLOGÉTIQUE ET POLÉMIQUE
1. Un portrait-charge
Destinées à discréditer l’adversaire, les accusations portées
par l’exégète contre les Juifs ne sont ni originales ni très variées.
Il se contente de puiser dans un répertoire traditionnel et de
reprendre de commentaire en commentaire les mêmes stéréo
types, de manière à imposer du Juif un portrait repoussant et
noirci jusqu’à la caricature. En tant qu’individus ou en tant que
peuple, les Juifs ne paraissent avoir que des défauts, et cette
appellation même a presque toujours chez lui un sens péjoratif.
La distinction relevée par P. Canivet6, dans la Thérapeutique,
entre les emplois du terme « Hébreux » - ordinairement connoté
positivement - et celui de « Juifs » - affecté d’une valeur péjora
tive -, ne paraît pas avoir grande réalité dans les commentaires.
Non seulement le terme « Hébreux » y est peu employé, mais
les exemples sont rares où il s’opposerait de façon aussi nette
à celui de « Juifs » ; tout au plus est-il une désignation relative
ment neutre7. Plus habituelle et plus marquée y est en revanche
l’opposition entre la masse des « Juifs », que condamne leur refus
de reconnaître le Christ, et « ceux des Juifs qui ont cru » (oi
èÇ ’IooÔoucov 7t£TaaTeuxÔTeç) et par qui le message du salut a
été transmis aux Nations8. Mais, quand l’exégète considère cette
dernière catégorie, il évite souvent, semble-t-il [156] - un relevé
exhaustif resterait à faire -, d’utiliser le mot de « Juifs », comme
si le terme conservait malgré tout une trop forte connotation
9. Il parle alors plus volontiers de « ceux d’entre eux qui ont cru » ou encore
de « ceux d’Israël (ou de Sion) qui ont cru ». Ainsi, dans Vin Isaiam (SC 276,
295 et 315), Théodoret ne fait-il mention expresse des «Juifs qui ont cru »
qu’à 7 reprises (In Is. 7, 735 ; 8, 47-48. 326 ; 9, 163 ; 12, 494-495 ; 14, 382 ;
20,731), tandis que, dans 19 autres cas, il s’abstient de préciser de la sorte leur
identité (ibid., 1,174-175 ; 2,93 ; 3,643 ; 4,504 ; 8,450-451 ; 9,136-137 ; 10,
48-49 ; 12, 93. 277. 349. 373-374 ; 16, 137. 497-498 ; 17, 147 ; 18, 246 ; 18,
268-269 ; 19, 370 ; 20, 572. 606-611).
10. Théodoret, In Isaiam 20, 391-397 : SC 315.
ÉCRITURE ET POLÉMIQUE ANTIJUTVE CHEZ THÉODORET 29
a) La violation de la Loi
Etroitement lié au grief fait aux Juifs d’être un peuple
désobéissant et ami de la controverse, le thème de la violation de
la Loi, la Tcapocvopioc sous toutes ses formes, est sans cesse repris
pour faire écho aux reproches des prophètes, notamment Isaïe
et Jérémie21. Individuelle, comme dans le cas des rois Achaz
et Ozias, ou plus généralement collective, cette violation de la
Loi se constate dans de multiples manquements à la justice et
au droit, dans une conduite impie ou perverse, mais plus que
tout dans la [160] pratique de l’idolâtrie, malgré les mises en
garde incessantes des prophètes contre ce qu’ils assimilent à une
véritable « prostitution » ou les tentatives de réformes cultuelles
faites par les rois Josias et Ezéchias. La polémique sur ce thème
trouve un corollaire et un prolongement dans la manière dont
l’exégète tire du texte scripturaire la preuve du prétendu zèle
des Juifs pour une Loi qu’ils violent sans cesse et sans crainte22,
19. Cf. Jean Chrysostome, Discours contre les Juifs 1,4 : PG 48, 848, 50-55.
20. Jean Chrysostome, Discours contre les Juifs I, 6 : « Et cela, je ne le dis pas
seulement de la synagogue qui est ici, je parle également de celle de Daphné,
car il est pire encore l’antre qui s’y trouve et que l’on appelle l’antre de Ma
trone » (PG 48, 852, 1-4).
21. Voir l’Index de notre édition de Vin Isaiam : SC 315 (Ttapocvopta/
àvojita). De manière presque constante,Théodoret reprend, dans son com
mentaire, par le terme napavopia, l’accusation d’àvopia portée par le pro
phète ; les deux termes sont pour lui pratiquement synonymes, alors que Jean
Chrysostome introduit entre eux une nette différence {Commentaire sur Isaïe I,
3, 29 : SC 304).
22. Voir par exemple, son commentaire d’Is 57, 4-6 ; 65, 4, etc. {SC 315).
32 apologétique et polémique
23. V.g. In Isaiam 1, 327-336 (Is 1, 22) ; 2, 301-311 (Is 3, 12) : SC 276 :
8, 342-344 (Is 29, 13). 416-420 (Is 29, 20-21) : SC 295. Chefs des prêtres,
scribes et pharisiens sont ici fréquemment visés et rendus responsables du
refus des Juifs de reconnaître le Christ.
24. V.g. In Isaiam 18,172-175 (Is 57,4-6) ; 20,283-290 (Is 65, 4) : SC 315.
25. In Isaiam 1, 197-266 : SC 276.
26. Théodoret, ThêrapeutiqueVU, 16-36 : SC 572.
A?7^S°ntrairement à ce quf dé.clare R Canivet (.Histoire d'une entreprise...,
70), Theodoret se contente là d’indiquer le nom de quelques grandes fêtes
juives pour éclairer le texte d’Isaïe. Ce n’est qu’une paraphrase, à peine une
amplification. Mais rien dans son propos ne laisse supposer que ces fêtes sont
encore en honneur chez les Juifs de son temps.
28. Théodoret, In Isaiam 1,258 : SC 276 ; 18,457 : SC 315.
29. Théodoret, In Isaiam 1,206 : SC 276.
ÉCRITURE ET POLÉMIQUE ANTIJUIVE CHEZ THÉODORET 33
c) Le châtiment divin
Un autre thème récurrent de la polémique antijuive dans les
commentaires est celui qui consiste à rappeler les châtiments
infligés par Dieu à son peuple pour le punir de sa désobéis
sance ou de ses crimes, en le livrant aux mains de ses ennemis.
Les déportations successives sont ainsi, pour l’exégète, autant
de manifestations de la pédagogie divine, autant de « leçons »
(naiÔEXai) destinées à le ramener à une vie conforme aux
exigences de la Loi34. Mais en raison de leur entêtement et
30. Mais avec le Chrysostome des Discours contre les Juifs, non avec celui
du Commentaire sur Isaïe. De fait l’explication qu’il donne alors des mêmes
versets (Is 1, 11-14) n’est pas d’une teneur ni d’une tonalité différente de celle
de Théodoret. Ce qui montre bien l’écart qu’il y a entre un commentaire et
une homélie.
31. Les attaques de Chrysostome contre les synagogues et ceux qui les fré
quentent sont dans ses Discours contre les Juifs (I, 3. 4-6. 8 ; II, 3 ; IV, 7 ;V, 12,
etc.) d’une extrême virulence. Le chrétien doit à tout prix se détourner de ces
lieux où se rassemblent les meurtriers du Christ, fuir ces lieux de perdition qui
sont le séjour des démons. Le mouvement polémique est le suivant : synagogue
= lupanar = séjour des démons - âme des Juifs.
32. Théodoret, In Isaiam 18, 456s. : SC 315.
33. Théodoret, QL 18, éd. N. Fernandez Marcos - A. Saenz-Badillos, Ma
drid 1979 (cité FM I), 170, 9-10 ; PG 80, 324 A10.
34. La TtociÔEtoc divine est déjà l’explication donnée par Flavius Josèphe pour
34 apologétique et polémique
40. Voir notre étude, L’Exégèse de Théodoret de Cyr, Paris 1995, 495-504, et
l’index de notre édition de YIn Isaiam : SC 315.
41. Théodoret, In Psalmos : PG 80, 1745C - 1748C.
42. La notation de Théodoret sur le mépris qui s’attache au nom de « Juif *,
opposé au caractère élogieux de celui de « chrétien * (cf. supra), relève en partie
de ce thème.
36 apologétique et polémique
un adversaire réel, et non celle d’un pasteur qui met toute son
énergie à détourner des chrétiens de la tentation du judaïsme ?
cendance » ; voir aussi, ibid., 19, 32-39. Cf. aussi Jean Chrysostome, Discours
contre les Juifs I, 5 : pour réfiiter l’argument selon lequel la présence des livres
saints dans les synagogues rendraient ces lieux dignes de respect, Chrysostome
affirme que la sainteté des livres ne fait pas celle du lieu où ils sont déposés,
d’autant que les Juifs détournent le sens de ces livres pour nier tout ce qui se
rapporte au Christ (PG 48, 850, 49 s).
46. In Isaiatfi 3, 360-385 : SC 276. Sur ces « fasifications *, cf. D. Barthé
lemy, Les Devanciers d'Aquila. Première publication intégrale du texte des fragments
du Dodécapropheton trouvés dans le désert dejuda, Suppléments to the Vêtus Testa-
mentum X, Leiden 1963, 267.
47. En reprenant ce type d’accusations traditionnelles contre les Juifs,
Théodoret contribue au moins indirectement à jeter le discrédit sur leur inter
prétation des Écritures.
48. De telles formules se rencontrent surtout dans Vin Danielem, Vin Psal-
mos et Vin Isaiam ; voir notre étude, L'Exégèse, p. 511, n. 122 et notre Introduc
tion au Commentaire sur Isaïe : SC 276, p. 84, n. 3.
49. Voir notre étude, L'Exégèse, p. 513-515.
38 apologétique et polémique
50. V.g. In Isaiam 19, 32-39 (Is 60, l). 61-73 (Is 60, 4) : SC 315.
51. De telles formules ne laissent place à aucune ambiguïté sur les desti
nataires de cette polémique ; cf. notre étude, L’Exégèse, p. 517, n. 138. Plus
souvent encore, Théodoret rejette l’exégèse vétérotestamentaire des anciens
antiochiens, sans les désigner autrement que par le pronom indéfini xivéç.
ÉCRITURE ET POLÉMIQUE ANTIJUIVE CHEZ THÉODORET 39
52. Voir les preuves que nous en donnons dans « La cristallisation d’un dif
férend : Zorobabel dans l’exégèse de Théodore de Mopsueste et de Théodoret
de Cyr *, Augustinianum 24 (1984), p. 527-547 et dans « LUn Psalmos de Théo
doret : une relecture critique du commentaire de Diodore de Tarse », Le Psau
tier chez les Pères (Cahiers de Biblia Patristica 4), Strasbourg 1994, p. 97-134.
53. In Isaiam 15, 330-346 : SC 315.
40 apologétique et polémique
79. On ne peut pas exclure non plus que Théodoret pense à ses lecteurs
chrétiens, qui pourraient se trouver dans l’obligation d’exposer à des païens
ce qu’est l’Incarnation. En tout cas, la question des deux natures du Christ et
de leur union a été agitée bien avant le concile d’Éphèse et le déclenchement
de la crise nestorienne. Il n'est donc pas surprenant que Théodoret place là
ce développement de caractère « antiochien * (comme le reconnaît du reste
Canivet, Histoire d’une entreprise..., 66-67), même s’il s’est laissé quelque peu
emporter par son sujet.
80. Therap. VII, 16 (xà Ttovrjpà xûv èyxwpttov ëOri) ; 21 (à7teox(pxyiaav) :
23 (a-yvotav) ; 27 (àaOeveùjc) ; 34 (àvatoOrjoCaç) : SC 572.
ÉCRITURE ET POLÉMIQUE ANTIJUIVE CHEZ THÉODORET 47
[177] Conclusion
85. Nous nous montrerions donc aujourd’hui plus réservés que naguère
(cf. L’Exégèse, 487) à l’égard de l’hypothèse formulée par P. Canivet, tout
en reconnaissant avec lui que l’existence autonome d’un traité de Théodoret
contre les Juifs n’est pas pleinement assurée.
86. M. Richard (L’activité littéraire de Théodoret avant le concile d’Éphèse,
RSPT24(1935), 89, n. 4) émet l’hypothèse qu’un «fragment assez impor
tant » du traité de Théodoret contre les Juifs pourrait avoir été conservé par un
manuscrit (xiv* s.) de Florence (Bibl. Laur., Plut. VI, cod. VIII, n. 10, p. 143),
que Bandinius a édité dans son catalogue (Car. Bibl. Med. Laur. II, pars prima,
p. 110-112), en signalant l’addition en marge, par un lecteur du xvme s., du
nom de TTiéodoret. Mais en réalité, bien que le titre donné au passage puisse
faire illusion (’EpwxVjaeiç xaxà ’looôatajv gexà xai xap^nTcxTcov Xuaecov),
il ne s agit nullement d’un Kctxà ’louôaCcov, mais seulement d’un ensemble
de Quaestiones, dont plusieurs sont effectivement empruntées à Théodoret.
Les deux manuscrits du Vatican, signalés par M. Richard - le cod. Pii II gr. 49
(XVe s.) et le cod. Ottob. gr. 266 (xvie s.) - et que j’ai consultés à la Biblio
thèque Vaticane, contiennent les mêmes extraits, mais sans aucune indica
tion^ marginale d’attribution et avec un titre légèrement différent (BiQXtov
xccxà ’looôaiwv xavu upctîov [iexà xapieaxàxcov Xuaewv. ’Epcox^oeiç xal
cx7toxpLO£iç Xtocv cocpÉXtpai). On les retrouve encore dans un manuscrit de
Paris (Bibl. Nat. Coisl. 16, xvie s.) et un autre de Naples, (Bibl. Naz. II B. 12,
XVe s.), apparentés comme les précédents à celui de Florence (voir sur ce point
N. Fernandez Marcos, FM I, Introd., XIV et XXIII). Les fragments de ce
BiQXÉov xaxà ’Iouôcuwv précèdent chaque fois, après sept courtes rubriques
anonymes sur les patriarches CAvaywYaL oûvxopot, elç xoùç irpô xoü vôuou
Xàpijxxvxaç) et une autre relative au grand prêtre CAvaytoyi] xcüv xocxà xôv
vojitxôv àpxtepéa), les Quaestiones de Théodoret sur l’Octateuque, les Règnes
et les Paralipomènes. Ils relèvent donc visiblement du genre des Quaestiones et
non de celui d’un traité Advenus Judaeos. [Cf. M. Brock, Un soi-disant frag
ment du traité contre les juifs de Théodoret de Cyr, RHE 45(1950), 487-507].
ÉCRITURE ET POLÉMIQUE ANTIJUIVE CHEZ THÉODORET 49
87. Seul le baptême peut laver les Juifs de leurs fautes et faire qu’ils cessent
d’être des criminels ; voir à cet égard, le commentaire d’Is 1,16-18 (J;i Isaiam 1,
267-291 : SC 276). Cf. chez Jean Chrysostome, l’exemple de Paul renonçant
aux pratiques de la Loi juive (Discours contre les Juifs III, 6, PG 48, 869, 48 s).
50 APOLOGÉTIQUE ET POLÉMIQUE
23
LA PRÉSENCE D’APOLLINAIRE
DANS L’ŒUVRE EXÉGÉTIQUE
DETHÉODORET DE CYR
i
52 APOLOGÉTIQUE ET POLÉMIQUE
I. Apollinaire exégète :
« un inventeur de fables »
5. PG 81, 1256 A.
6. Id., 1217 AD.
7. Id., 1872 B - 1873 A.
8. A trois reprises, Théodoret s’élève donc contre les théories millénaristes
d’Apollinaire, reprenant contre lui une attaque déjà ancienne, voire tradi
tionnelle. Elle est notamment présente dans YIn Ezechiel. de Jérôme, qui, en
Ez. 36,15, met en garde son lecteur contre ces « fables juives » reprises par
« beaucoup des nôtres », Pères latins -Tertullien, Lactance,Victorin de Pettau,
Severus - et Pères grecs - Irénée et Apollinaire pour s’en tenir aux deux bouts
de la chaîne (CCL LXXV, p. 500, 1. 645-664). En Ez 39, 29, sans faire à nou
veau la même énumération, il renouvelle l’accusation en des termes proches
de ceux de Théodoret : ht quos supra diximus Iudaeos et nostros iudaizantes, ad
ultimum tempus referunt (id., p. 543, 1. 2015-2023). Déjà dans le prologue du
livre XVIII de son In Isaiam (<CCL LXXIII A, p. 741,1. 16-35), il s’en était pris
aux partisans du millénarisme en déplorant qu’Apollinaire ait été suivi sur ce
point, non seulement par ses sectateurs, mais par « un très grand nombre des
nôtres » (nostrorum ... pluritna sequitur multitudo). Il serait peu raisonnable de
croire à une influence de Jérôme sur Théodoret - mis à part le cas d’Ez 39, 29,
les remarques ne sont pas faites à l’occasion des mêmes versets -, et il est sans
doute préférable de considérer que Théodoret en-reprenant contre Apollinaire
une accusation désormais traditionnelle, avait dessein de déconsidérer plus ai
sément l’exégète. Du reste, à la différence du jugement relativement nuancé de
Jérôme sur Apollinaire, celui de Théodoret est uniquement négatif. Sur la posi
tion de Jérôme à l’égard d’Apollinaire, cf.P. Jay3 L’exégèse de Saint Jérôme d'après
son «■Commentaire sur Isaïe», Coll, des Études Augustiniennes, SA, Paris 1985,
p. 28-31.
54 apologétique et POLÉMIQUE
Conclusion
On trouvera peut-être que, dans les commentaires de
Théodoret, la mise en cause de l’âtjjuxov aùpa des ariens
est trop rare pour constituer un moyen [172] détourné de
22. Ep. 104 (SC 111, p.28). L’hérésie d’Apollinaire y est située dans le droit
fil des théories d’Arius et d’Eunomius relatives à l’àijiuxov oôb^ia qu’aurait
assumé le Verbe.
23. Ettlinger, Eranistes, op. cit., p. 112, 20 s. et 117, 31 - 118, 3.
24. PG 75, 1453 B.
25. Théodoret, Apologia pro Diodoro et Theodoro, éd. J. Fleming, Akten der
ephesinischen Synode vomjahre 449 (Gottingen 19/7), p. 108.
26. Cyrille d’Alexandrie, Thésaurus de saticta et consubstantiali Trinitate
(PG 75, 9-656) et De sancta et consubstantiali Trinitate (PG 75, 657-1124).
apologétique et polémique
58
24
THÉODORET ET LE MILLÉNARISME
D’APOLLINAIRE
Introduction
déterminé. Ceux-là, en effet, ont imaginé la période de mille ans (xwv yikiüw
ètôv TÎ]v 7tEpioôov), la vie voluptueuse qui conduit à la ruine et les autres
jouissances, et, outre cela, les sacrifices et les fêtes juives. » L’expression « ceux
qui lui ressemblent » (tôv èxeivcù 7tapa7tXyjoîti)v) est bien vague et désigne
indistinctement tous les millénaristes.
15. Hist. eccl. V, 3 (voir note 12).
16. Haer. fab. IV, 8, PG 83, 425C-428A.
17. Cette accusation de sabellianisme, portée contre Apollinaire, est égale-
ment retenue par Basile {ep. 265,2 : r?)ç 7taXociâç àa£0EÊocç toü pccToaôcppovoç
EciQeXXlou ôi’aÙTou vùv àvavEQÔEioYjç tolç auvTàypaaiv). Quant à Gré
goire de Nazianze (Poemaia 30, 161 s.), avant de dénoncer son erreur millé
nariste, qu il nomme un « second judaïsme », ü semble bien s’en prendre à sa
conception d’une Trinité « à degrés » (ttjv p£av / IlàvTWV ü7tep0oXy)v / ’Avco
xai pEoov, / Koctco te tô xpixov).
THÉODORET ET LE MILLÉNARISME D’APOLLINAIRE 63
129 2^P 265> 2y ^ : BASILE’ Lettm* 3 (éd-Y- Courtonne, CUF)> Paris 1966,
24. Ep. 263, 4, ibid., 124, 10-125, 18.
25. Ep. 265, 2 (ibid., 129, 31-32) : Basile, en doutant de la réalité des pro
pos que colportent les habitants de Sébaste, donne l’impression de vouloir se
refuser à imaginer qu’Apollinaire ait pu en venir à professer de telles erreurs.
26. Epiphane, Panarion 77, 2,1 (GCS 37, 416 = PG 42, 641D).
27. Panarion 77, 18. 19. 32. 36 (GCS 37, 432, 29 s. ; 433, 20 s. ; 444, 17 ;
448, 23-25 = PG 42, 668 C. 669 B. 688 D. 696 B).
28. Panarion 77,2, 4-5 (GCS 37, 417, 9-14 = PG 42, 644AB).
29. Haer. fab. IV, 9 : PG 83, 428AB. Rapprocher cette remarque de la pré-
THÉODORET ET LE MILLÉNARISME D’APOLLINAIRE 65
(09Xov). Sur les « contes de bonnes femmes », cf. M. Massaro, Aniles fabellae,
Studi italiani di filoloeia classica 19(1977), 104-135.
34. Théodoret, QN 22 (éd. Fernandez Marcos - A. Saenz Badillos, Theo-
dormCyrensis quaestiones in Octateuchum, Madrid 1979, 207 = PG 80, 373C-
35. Sur une possible mise en relation de cette prophétie d’Ézéchiel avec
Ap 20, 8 par Apollinaire, voir infra, n. 57 et 89.
36. In Ez. : PG 81, 1217AD.
THÉODORET ET LE MILLÉNARISME D’APOLLINAIRE 67
i
68 apologétique et polémique
40. Cf. In Ez. : PG 81, 1200C ; 1204C ; 1216B. Voir aussi Théodore de
Mopsueste, I» Ioel., prol., éd. H. N. Sprenger, Wiesbaden 1977, 80, 1 ; In
Amos, ibid., 143, 22 ; In Mich., ibid., 211, 26. Cette identification de Gog et
de Magog avec les Scythes est empruntée par les Pères, directement ou non,
à Flavius Josèphe, Antiquités juives I, 6, 1 (123). Jérôme, pour identifier les
diverses nations que recouvrent les noms propres d’Ez 38, 1-2, fait du reste
ouvertement référence à l’historien juif (In Hiez. XI : CCL 75, 525, 1476 s.),
en ajoutant à cette identification une précision géographique (« gentes esse
Scythicas immanes et innumerabiles quae trans Caucasum montem et Mareo-
tim paludem et propter Caspium mare ad Indiam usque tendantur ») ; sur
cette localisation, voir la note d’E. Nodet dans son éd. des Antiquités Juives,
Paris 1992, p. 37, n. 3. Pour Jérôme toutefois, qui conteste l’interprétation mil
lénariste donnée de la prophétie par les Juifs et des exégètes chrétiens (« Iudaei
et nostri iudaizantes *), les noms de Gog et de Magog désigneraient ici les
hérétiques.
41. In Ez. 38, 10-12 : PG 81, 1204BC : « Et que personne n’aille croire que
la prophétie est indigne de foi, en prenant en compte la distance qui sépare les
nations scythes de la Judée. Mais qu’il considère que, à notre époque aussi
(xcù èv tolç rjjiETépotç xpèvoiç), cette nation s’est emparée de tout l’Orient et
s’en est retournée après avoir asservi une foule immense. » A quel événement,
assez fameux ou assez proche pour être encore dans toutes les mémoires,
Théodoret fait-il allusion ? Nous avons fait l’hypothèse qu’il pourrait s’agir de
1 invasion des Huns, conduite par Rugila en 434, ce qui fournirait un élément
de datation pour son commentaire In Ez. (voir Guinot, L’Exégèse, Paris 1995,
p. 55-57).
42. Le parallèle avec l’invasion de Sennachérib est fait à plusieurs reprises
par Théodoret, en Ez 38, 14-16 (PG 81, 1205B), Ez 39, 11 (ibid., 1212B),
Ag 2, 23 (ibid., 1872A).
43. In Ez. : PG 81, 1205AC.
THÉODORET ET LE MILLÉNARISME D’APOLLINAIRE 69
!
70 apologétique et polémique
l'expédition de Gog et de Magog n’a pas encore eu lieu, mais qu’elle se pro
duira à la consommation de ce siècle ». Comprendre que Théodoret voudrait
seulement souligner par là qu’il est parvenu au terme de son commentaire
sur Aggée serait à nos yeux beaucoup moins satisfaisant, d’autant que cette
manière de procéder ne lui est pas habituelle.
53. In Ag. : PG 81, 1872C-1873A. De cette attaque de Théodoret contre
Apollinaire, on peut donc logiquement déduire que ce dernier tirait aussi argu
ment d’Ag 2, 7-8. 22-23, rapporté à l’expédition de Gog et de Magog, pour
étayer sa thèse millénariste, sans pouvoir toutefois en apporter une preuve
indiscutable. Notons que le commentaire In Aggaeum de Jérôme ne comporte
aucune dénonciation des thèses millénaristes.
54. In Ag. : PG 81, 1872C : « Si donc il invente aussi un autre Zorobabel,
dans ses récits fabuleux (èv xoclç oixEtaiç avauXaTret ^iu9oXoYLaiç), qui vien
dra à ce moment-là [i.e. la fin du monde ], il nous inventera la fable complète
(teXeiov Yjpïv àvoc7tX(xa£i tôv (iùQov) ! Peut-être Théodoret veut-il suggérer un
lien de parenté entre la « mythologie » d’Apollinaire et celle des anciens Grecs,
sa croyance millénariste rappelant celle d’un retour à l’âge d’or (cf. Jérôme, In
Esaiam DC (Is 30, 26) : CCL 75, 396, 46-49 : iuxta fabulas poetarum, et Satumi
aureum saeculumlactis riuos fïuere, et de arborum foliis stillare mélla purissima).
55. Cette insinuation polémique est d’autant plus habile qu’Apollinaire
imaginait une seconde reconstruction du Temple et de Jérusalem, une reprise
du culte juif, bref une répétition au cours du millenium de toute l’histoire anté
rieure, avant la seconde résurrection.
56. Cette argumentation à caractère historique, pour ruiner la thèse d’Apol
linaire, un exégète de formation antiochienne, est à rapprocher de celle que
Théodoret utilise à plusieurs reprises pour contester l’exégèse vétérotestamen-
taire de Théodore de Mopsueste ; cf. notre étude, « La cristallisation d’un dif-
THÉODORET ET LE MILLÉNARISME D’APOLLINAIRE 73
suite de T argumentation paraît interdire ce sens, étant donné que, pour Apol
linaire, au dire de Théodoret, seuls les chrétiens venus du judaïsme seraient
soumis à la Loi.
62. InEz. : PG 81, 1248C1-9.
63. Ibid., 1249A1-1253BU.
64. Il cite successivement : Ga 5, 4 ; 2, 16 ; Rm 4, 15 ; 8, 3-4 ; 5, 1 ; Ga 2,
14. 15-16 ; 3, 1 ; Ph 3, 2-3. 4. 5. 6. 7-8 ; Ez 20, 25 ; 1 Co 5, 8. 7 ; Mt 26, 26-
28 (1 Co 11, 24-25) ; Jn 6, 49. 50. L’argumentation scripturaire d’ÉpiPHANE
contre ce prétendu rétablissement des prescriptions de la loi mosaïque, et
notamment de la circoncision, n’a en commun avec celle de Théodoret que
la citation de Ga 5,4 (Panarion 77,37-38 : GCS 37,449-451 = PG 42, 697B-
700A) : 1 Tm 1, 4 ; Ga 2, 3 ; 5, 4 ; Mt 22, 30 ; Le 22, 30 ; Mc 14, 24 ; 1 Co 2,
9 5*9al’ 2? ; He 5,12 ; 6, 2 ; 8, 13 ; 7,12 ; Ga 5, 4 ; Ga 5, 2).
65. Sur le sens du mot, qui désignerait la tige ou la balle du blé, voir le com
mentaire de Théodoret sur Ph 3, 8 (In epist. Pauli, PG 82, 581 A) : « On donne
le nom de 'skubalon' à la paille qui est la plus épaisse et la plus dure ; c’est elle
qui porte le ble, mais après la moisson du blé on la jette. De même, la Loi a fait
entrevoir le Christ, mais, après qu’il s’est manifesté, elle est désormais inutile ».
THÉODORET ET LE MILLÉNARISME D’APOLLINAIRE 75
ce qui pour les Juifs est sacré (rà aepvà), la preuve est faite
de l’infériorité de la Loi. « Eh bien, poursuit Théodoret, ce que
le bienheureux Paul a nommé ‘désavantage’ et ‘déchets’, le très
savant Apollinaire a prétendu que cela serait annoncé aux Juifs
par Élie et confirmé par notre Maître le Christ66. »
[170] Apollinaire est donc sommé de répondre (elraxTw) à trois
séries de questions. La première ne fait que reprendre, sous une
autre forme, le développement sur l’incapacité de la Loi à sauver67.
Quel avantage, demande Théodoret, les Juifs pourraient-ils retirer
de l’observance de la Loi ? Ce serait faire entendre que la foi n’a
pas pour eux le pouvoir de procurer le salut complet (TéXeiav
aamjpiav) qu’elle procure à toutes les Nations ? Pourquoi donc
le Christ, après avoir fait cesser l’observance de la Loi, dans la
mesure où la foi suffit à sauver et à procurer le royaume des deux,
l’imposerait-il de nouveau aux Juifs ? Pourquoi, dans sa volonté
de les sauver et non de les perdre, irait-il imposer de nouveau des
préceptes dont Dieu lui-même, par la bouche d’Ézéchiel, recon
naît qu’ils ne sont pas bons et incapables de faire vivre (Ez 20,
25)?
72. Admettre une telle solution reviendrait à nier la réunion des Juifs et des
Nations en un seul peuple et une seule Église, à la fin des temps, annoncée par
la prophétie de Malachie (cf. n. 66).
73. Le texte de Théodoret manque ici de clarté {In Ez. : PG 81, 1253B8-
14) : « Il reste donc que, dans le Temple même, soient accomplis tout ensemble
ce qui relève de l’Évangile et ce qui relève de la Loi. Et nécessairement il y aura
de nouveau (raxÀiv) une lutte et une rivalité entre nous qui nous conduisons
selon notre propre mode de vie, et ceux-là qui préfèrent le culte selon la Loi.
Alors, comment est-elle véridique la parole de Paul : Le Christ est notre paix, lui
qui a fait des deux une unité... (Êp 2, 14-16) ? *
74. Outre Ep 2, 14-16, Théodoret cite Ga 3, 28. 11.
78 apologétique et polémique
78. Théodore de Mopsueste (In XII proph., éd. Sprenger) : In Ioelemy 79,
31-80, 4 ; 98, 22-25 ; 100, 1 s. ; In Amos, 143, 22 s. ; In Michaeam, 211, 26-
29 ; 213, 21-23 ; 214, 28-30 ; 216, 30-217, 1 ; In Sophoniam, 298, 14-16 ; In
Aggaeum, 305, 5-6 ; 312, 31-313, 3 ; 317, 17-19 ; In Zachariam, 320, 13-14 ;
371, 21-22 ; 377, 8-10 ; 397, 2-7 ; In Malachiam, 401, 10-11.
79. Si Is 65 est un chapitre particulièrement riche à cet égard, d’autant que
le prologue qui l’introduit, au Livre XVIII, offre sans aucun doute, avec son
commentaire d’Ez 36,1-15 {In Hiezechielem XI : CCL 75,499, 632-500, 664)
-Jérôme renvoie ici du reste à son In Esaiam {ibid.y 500, 653) -, l’exposé le
plus complet sur la question, plusieurs autres chapitres et versets d’Isaïe four
nissent à Jérôme l’occasion de combattre les thèses millénaristes. Ainsi Is 19,
23 ; 23, 18 ; 30, 26 ; 53, 12 ; 54, 1. 11-14 ; 55, 3 ; 59, 5-6 ; 65, 1 s. 13-14. 20.
21-22. 23-25 ; 66, 20. 22-23. Voir sur ce point, P. Jay, L'Exégèse de saint Jérôme
d'après son « Commentaire sur Isaïe », Coll, des Etudes Augustiniennesy SA 108,
Paris 1985, 322-323.
80. Théodoret, In Dan. : PG 81, 1469B-1485C ; voir notre étude, «Théo
doret imitateur d’Éusèbe : l’exégèse de la prophétie des ‘soixante-dix semaines’
(Dan. 9, 24-27) », Orpheus{ 1987),p. 283-309 ; Jérôme, qui cite uerbum ex uerbo
! l’interprétation d’Apollinaire, juge bien téméraire sa conjecture concernant
la fin du monde ; selon Apoujnaire, la reconstruction de Jérusalem et du
Temple, au cours de la dernière semaine, serait l’œuvre d’Élie, puis viendrait
l’Antéchrist {In Danielem III : CCL 75A, 878-879). Dn 9, 24 paraît avoir été
assez largement revendiqué par les millénaristes à l’appui de leur thèse ; voir
J. Lataix, « Le Commentaire de saint Jérôme Sur Daniel », Revue d'histoire et de
; littérature religieuses 2 (1897) 271-273.
81. Il est vrai queThéodoret {In Mal. : PG,81,1985CD), en insistant sur la
réunion des Juifs et des Nations en une seule Église (ptav àv:o(pf\v(xi Tt)v èprjv
’ExxXrjaiccv), lors du second avènement du Christ, et sur le fait qu’Élie les aura
alors persuadés d’entrer en communion avec les chrétiens (xoivtovîocv), laisse
peu de place à une interprétation millénariste. La rejet par Jérôme d’une telle
!
!
!
80 apologétique et polémique
interprétation est ici du reste beaucoup moins appuyé qu’en d’autres passages
de ses commentaires (In Malachiam 4, 5-6 :,CCL 76A, 942, 110-112).
82. De nombreux versets d’Isaïe ou d’Ézéchiel sont ainsi rapportés par
Théodoret, selon le sens historique, à la reconstruction de Jérusalem et du
Temple après le retour d’exil, ou, selon le sens métaphorique et symbolique à
l’Église ou à la Jérusalem céleste. Voir notamment son interprétation d’Is 65,
13 s. (cf. notre édition, SC 315) en un sens qui exclut de facto l’interprétation
millénariste qui s’y était longtemps attachée et à laquelle Théodoret fait peut-
être discrètement allusion en commentant Is 65, 25 (ibicL, 20, 522-527 : « Si
toutefois les Juifs s’attendent à voir ces prédictions se réaliser à la lettre... »)
83. Jérôme, In Hiezechielem XI: CCL 75, 499-500 (Ez 36, 1-15) ; 525,
1476 s. (Ez 38, 1:23) ; 536, 1817 s. (Ez 39,1-16).
84. In Hiezechielem XI : CCL 75, 499-500. Jérôme renvoie du reste expres
sément le lecteur à son Commentaire sur Isaïe (iuxta quam et Esaiae extremas
partes interpretati sumus).
85. Leur interprétation même de la prophétie diffère. Jérôme signale,___ sans
la reprendre à son compte, semble-t-il, l’interprétation de ceux qui jugent la
prophétie accomplie à l’époque de Zorobabel. C’est en gros la position de
Théodoret (Ez 36, 9-12), pour qui cependant la prophétie d’Ez 36, 13-15 n’a
pas trouve, comme la précédente, son accomplissement, la faute en incombant
aux Juifs (In Ez. : PG 81, 1180C). Il est curieux que ce constat ne le conduise
pas a reluter au moms d’un mot la thèse millénariste.
THÉODORET ET LE MILLÉNARISME D’APOLLINAIRE 81
92. In Esaiam (CCL 73-73A) 23, 18 (de mille atinorum beatitudine) ; 30, 26
(de montibus et collibus, iuxta fabulas poetarum et Satumi aureum saeculum,lactis
riuos luere, et de arborum foliis stiUare mella purissima) ; 53, 12 (auream Hierusa-
lem, saturentur, inebrientur et surgant ludere) ; 54, 1 (desiderio uoluptatum) ; 54,
11-14 (exquisitos cibos gulae ac luxuriae praeparantes, nuptias, manducemus et
bibamus) ; 55, 3 (opum abundantiam et delicatos cibos et crassitudinem corporis,
phasidesque et fartos turtures, mulsum, merum, uxorum pulchritudinem, examina
liberorum) ; 59, 5-6 (escasr, deliciis, cibum) ; 65,1 (terrenas uoluptates, uxorum pul
chritudinem, numerum liberorum, gulosis Iudaeis, corporibus uoluptates, camalibus
desideriis, opum abundantia) ; 65, 13-14 (auream atque gemmatam in terris Hie-
rusalem, nuptias, partus, epularum delicias, amant terram, ciborum abundantiam,
gulaeque ac uentris ingluuiem, ea quae sub uentre sunt quaerant, manducemus et
bibamus) ; 65, 20 (paratis opibus) ; 65, 23-25 (beatitudo) ; 66, 20 (mille annorum
delicias, equos et quadrigas, et rhedas et lecticas, etc.) ; 66, 22-23 (quia omnia
nascantur in omnibus locis) ; In Hiezechielem 36, 1-15 (rerum omnium felicitatem,
beatitudinem uentri et gutturi).
93. Haer.fab. II, 3 : PG 83,389 C (xal ppûotv xal 7rôoiv à)vapo7tôXyjae. xal
(pLXrjôovtaç ècpavràoôrj xal yapouç xal Buoi'aç xal èopxàç èv 'IepooaaXvîp
•teXoojiévaç) ; cf. aussi V, 21, ibid., 520C (tyjv (pOeipopévyjv x^15y]v xal iàç
aXXaç rjÔD7ta9etaç). C’est peut-être le signe qu’Apollinaire ne partageait pas
davantage cette espérance d’un bonheur terrestre et charnel, ou qu’il ne lui
accordait pas une aussi grande importance que les millénaristes des siècles
précédents.
94. In Hiezechielem XI (36, 1-15) : CCL 75 A, 500, 654-656 (neque... gem
matam et auream decaelo expectamus Hierusalem) ; cf. aussi In Esaiam CCL 73A,
692, 17 s. A la vérité, cette mention d’une Jérusalem descendue du ciel est
rare chez Jérôme, qui parle plutôt d’ordinaire d’une reconstruction terrestre
de Jérusalem.
95. L insistance sur ce point est plus grande encore chez Jérôme que chez
Théodoret, chaque fois qu’il combat une interprétation millénariste.
THÉODORET ET LE MILLÉNARISME D’APOLLINAIRE 83
84 APOLOGÉTIQUE ET POLÉMIQUE
Conclusion
100. Basile, ep. 265. Si Basile cite un plus grand nombre de figures que
Théodoret, certaines expressions sont très voisines : « Retournant au passé
il promet la restauration du Temple, l’observance du culte légal, un pontife
figuratif après le vrai pontife, des victimes pour les péchés après l'Agneau de Dieu
qui a ôté le péché du monde, des baptêmes partiels après l’unique baptême, des
cendres de génisse pour asperger l’Église... des pains de propositions après le
pain qui est descendu du ciel, des lampes ardentes après la vraie lumière » (trad.
Y. Courtonne ; c’est nous qui soulignons).
101. Ibid. Cela aboutirait, déclare Basile dans sa Lettre 263,4, à transformer
les chrétiens en Juifs (ôXcoç ànà Xpicmavûv ’louôcdooç Yevnoea9a0.
102. In Hiezechielem XI: CCL 75, 536, 1817-1818; voir aussi ibid.s 525,
1476-1477 (Iudaei et nostri iudaizantes).
THÉODORET ET LE MILLÉNARISME D’APOLLINAIRE 85
25
ESCHATOLOGIE ET ÉCRITURE
EN MILIEU ANTIOCHIEN
A PARTIR DU IIe SIÈCLE
Introduction
90 APOLOGÉTIQUE ET POLÉMIQUE
des Églises d’Asie dont il avait reçu les délégations durant son
séjour à Smyrne auprès de l’évêque Polycarpe, présente un
caractère assez nettement différent du discours apocalyptique
de la Didachè ou de Mt 24-25. Du reste, les notations relatives
à Yeschaton sont rares dans ces Lettres, où Ignace insiste avant
tout sur la nécessité, pour chacune de ces communautés, de
vivre dans l’unité de la foi autour de leur évêque et de son
presbyterium. A quelques reprises néanmoins, il évoque la
fin des temps, la résurrection et la perspective d’un jugement
pour la vie éternelle ou pour la condamnation. Jamais pourtant
on n’a affaire à un véritable discours eschatologique. Ainsi,
dans sa Lettre aux Ephésiens, l’affirmation : « Ce [13] sont les
derniers temps » (XI, 1 : zo%cctoi xatpoi) doit-elle s’entendre
au sens qu’ont des expressions comparables en 1 Jn 2, 18 ou
en He 1,2 et non comme une annonce directe de la Parousie,
même si son imminence ne fait aucun doute pour Ignace et si
l’évocation de la « colère à venir » (cf. Mt 3, 7) paraît y faire
référence. Ces « derniers temps » désignent donc à proprement
parler l’intervalle qui sépare la première venue du Christ de son
retour. C’est pourtant bien dans une perspective eschatologique
qu’Ignace évoque la résurrection et le jugement, lorsqu’il parle
de « condamnation » (xptpoc) à redouter (ibid.)3 de la possibilité
d’« aller au feu inextinguible » (XVI, 1 : eiç xô m>p acrôeaxov),
d’« être emmené en captivité loin de la vie qui attend le chrétien
fidèle » (XVII, 1 : pyj odxpotAümoy) ôpâç èx tou 7rpoxetpévoü
Çfjv), ou inversement lorsqu’il exhorte ses correspondants à être
« trouvés dans le Christ pour entrer dans la vie véritable » (XI, 1),
c’est-à-dire « la vie éternelle » (XVIII, 1 ; XIX, 3), ou, pour le
dire autrement, à « être trouvés jusqu’à la fin (eiç xeXoç) dans
la force de la foi » (ibid., XTV, 2). L’existence d’une résurrection
générale, fondée sur la passion et la résurrection du Christ, est
encore affirmée à plusieurs reprises au cours de ces Lettres12,
comme aussi celle d’un jugement13.
12. Voir, par ex., Aux Tralliens IX, 2 : « C’est son Père qui l’a ressuscité, et
c’est lui aussi, le Père, qui à sa ressemblance nous ressuscitera en Jésus-Christ,
nous qui croyons en lui, en dehors de qui nous n’avons pas la vie véritable *
(trad. P.T. Camelot : SC 10 bis) ;Aux SmymiotesV, 3 (« croire à la passion qui
est notre résurrection ») ; A Polycarpe II, 3 : « Le prix (d’une vie chrétienne
et du martyre), c’est l’incorruptibilité et la vie éternelle (àcpSapoia xal Çwyj
odcovioç) ; dans cette même lettre, la mention « au jour de la résurrection *
(VII, 1 : èv tîJ ocvocomasi), si le texte était parfaitement sûr (mais l’existence
d’une variante èv air^oet laisse planer une certaine incertitude), serait la ma
nière la plus explicite de toutes celles qu’offrent ces Lettres pour désigner le
jour de la Parousie.
13. Aux SmymiotesVl, 1 : existence d’un châtiment même pour les êtres cé
lestes, les anges et les archontes qui, comme les docètes, douteraient de la réa
lité de la chair du Christ. Voir aussi la Lettre aux Philippietis VII, 1 (SC 10 bis)
92 apologétique et polémique
de Polycarpe : contre les docètes qui non seulement nient la venue du Christ
dans la chair et la réalité de sa passion, mais nient également l’existence de la
résurrection et du jugement ([rijTE ctvàoxaoiv jrrçTC xpÊoiv).
14. Voir encore en ce sens la lettre Aux Magnésiens V, 1 : « Car les choses
ont une fin (xéXoç toc 7rpaYpocxa è'xet) et voici devant nous, toutes deux égale
ment, la mort et la vie et chacun doit aller à son lieu propre »..
15. Avec de légères variantes, on relève cette formule dans ses lettres
Aux Magnésiens I, 2 (0eoü xeuÇ6[ie9a), Aux Tralîiens XIII, 3 (ôxav 0eoü
è7UTÙya>), Aux Romains I, 1 (xoü OeoD èmxuxElv). IV, 1 (0soü £7UTi>xelv).
V, 2 (iva ’lrjooü Xmoxoü è7uxüxco). VI, 1 (à7to9avEîv eIç Xpiaxôv ’lyjaoûv).
2 (tôv xoü 0eoü ÔéXovxcc EÏvai), A Polycarpe II, 3 (eIç tô Ôeoü èruTUYElv).
VI, 1 (tô pépoç y^vocxo oxeîv èv 0E(S). VU, 1 (eocvttep ôtà xoü nadzïv 0eoü
è7UTÔXto). On songe à la formule d’Augustin : « Dieu lui-même après cette vie
sera notre lieu » (Enarr. in Ps 30, sermo 3, 8, PL 36, 252 : Ipse post hanc uitam
sit locus noster), ou à la réplique de Sœur Constance dans les Dialogues des
Carmélites (4e Tableau, scène 10) de G. Bernanos : « Nous ne pouvons tomber
qu’en Dieu ».
16. Le thème est plusieurs fois repris dans ses lettres : seul le martyre, en
Punissant à la passion et à la résurrection du Christ, à sa chair et à son esprit,
c’est-à-dire à son humanité et à sa divinité, union que réalise déjà l’eucharistie
s,ur im autre mode, fera d’Ignace un « disciple » accompli en Jésus-Christ : Aux
Ephésiens I, 2 (iva Ôtà xoü èmxuxeîv ôuvr)9ü |ia9r)xr|ç Etvat). III, 1 (Nüv yàp
àpxr]v èxw xoü pcc9rjreüEo9cu), Aux Romains IV, 2 (Tôxe ëoopou pa9rfxr)ç
àXrj9côç ’Iyjooü Xptaxoü). V, 3 (Nüv apxopai jictürjrrjç EÏvai) ; voir encore,
dans le même sens, Aux Romains VI, 2 (èxeï 7tccpctYEVôpevo<; avüpcoTtoç
ëoouai). ,
17. Aux Ephésiens XK, 2.
18. Aux Romains VII, 2.
19. Aux Smymiotes VII, 1 : ceux qui, à l’exemple des docètes, s’abstien
draient de l’eucharistie, la chair du Christ mort et ressuscité, compromettraient
leur propre résupection ; par conséquent, « il leur serait utile, écrit Ignace, de
pratiquer Yagapè (= eucharistie) pour ressusciter eux aussi ».
ESCHATOLOGIE ET ÉCRITURE EN MILIEU ANTIOCHIEN 93
94 apologétique et polémique
27. Justin, Apologie I, 51,8-9; 52, 3-12. L’auteur, qui utilise des recueils
de testitnonia, ajoute qu’il pourrait produire encore « beaucoup d’autres pro
phéties » (ibid., 53, 1). Sur l’importance, le rôle et la nature de l’argument pro
phétique dans les œuvres de Justin, voir C. Munier, L'Apologie de saint Justin,
philosophe et martyr, Paradosis XXVHI, Fribourg 1994, 67-83 (partiellement
repris dans Saint Justin, Apologie pour les chrétiens, Paradosis XXXIX, Fribourg
1995, 17-21.24-26).
28. Par ordre : Jérémie (51, 8-9 = Dn 7, 13 ; Za 14, 5 ; cf. Mt 25, 31), Ezé-
chiel (52, 5 : Ez 37, 7-8), Isaïe (52, 6 : Is 45, 23 ; 52, 8 : Is 66, 24), Zacharie
(52, 10-12 : Za 2, 10 ; Is. 11, 12. 43, 5-6 ; Za 12, 10-12 ; J1 2, 13). Ces cita
tions, pour nous composites, ne correspondent que très approximativement
d’ordinaire au texte-Septante reçu. Comme le note C. Munier, elles ne sont
ni des citations libres faites de mémoire, ni des créations de Justin pour les
besoins de sa démonstration, ni des emprunts à des manuscrits relevant d’une
tradition divergente, mais bien des « matériaux provenant de sources paléo
chrétiennes écrites » (.L'Apologie de saint Justin..., 72-73).
29. Voir à ce sujet les remarques de C. Munier, dans l’introduction à son
édition de YApologie (Saint Justin, Apologie pour les chrétiem..., 24-25).
96 APOLOGÉTIQUE ET POLÉMIQUE
59. Théodore, Sur ITh 5, 7-3, éd. H.B. Swete II, 32-33.
60. Théodore, Sur 2Th 1, 7-10 : Swete II, 45.
,61. Cf. les nombreux rapprochements et parallèles signalés en note, dans
l’édition de H.B. Swete, entre l’interprétation de Théodore et celle de Jean
Chrysostome et de Théodoret.
62. Jean Chrysostome, Hom. 9, 2 sur 1 Th: PG 62, 449, 9 ; cf. aussi
Hotn. 34, 3 sur Jn : PG 59, 198, 30, qui offre un développement très voisin.
Comparer avec Théodore (Swete II, 33, 10-13) et Théodoret, dont la para
phrase est encore plus sobre (PG 82, 652 A : Kal yàp rj xuouaa olÔev fret
(pepei tô ëpôpoov, ccyvoet Ôè tôv twv tbôfvcov xatpôv).
ESCHATOLOGIE ET ÉCRITURE EN MILIEU ANTIOCHIEN 103
70. C’est aussi, nous l’avons vu (cf. supra II, 1) le propre du discours de
Théodoret sur les fins dernières, en Thérap. XI, 58-59 (SC 57.2), comme en
De Prov. IX (PG 83, 725D-740B) ou en Huer. fab. V, 19 (ibid., 512C-518B).
71. A partir notamment de 1 Co 15, 35 s., 2 Co 5, 3.10 et 1 Th 4, 17.
72. Théodore, Hom. cat. VII, 4 : « A toutes les merveilles opérées dans
l’économie du Christ, la résurrection met le sceau. Car l’achèvement aussi de
toute l’économie du Christ, c’est la résurection » (ST 145, 167).
73. Jean Chrysostome, Hom. 39, 2 sur 1 Co : PG 61, 334, 13-15 : * S’ils
ne ressuscitent pas, pourquoi le Christ est-il ressuscité ? Pourquoi est-il venu,
pourquoi a-t-il revêtu la chair, s’il ne devait pas ressusciter la chair ? » ; 335, 48-
50 : « Si, en effet, il ne devait pas opérer la résurrection, on doit logiquement
dire : Pourquoi est-il venu, a-t-il pris chair et est-il ressuscité ? *.
74. Hom. sur la rés. 8 : PG 50, 430, 28 (cf. Sg 1, 13-15).
75. Jean Chrysostome, Hom. 39, 3 sur Jn, PG 59, 224,47 s : la difficulté
qu’éprouvent aujourd’hui à croire à la résurrection des corps des gens qui
paraissent avoir la foi, dit Chrysostome, explique que cela était encore plus
difficile pour les Juifs de l’époque de Jésus ; d’où les signes qui en ont été
donnés successivement, d’abord par la guérison du paralytique, puis par la
résurrection de Lazare.
76. Hom. 39, 2 sur 1 Co : PG 61, 335, 36 s.
77. Hom. 5,2 sur 2 Tm : PG 62, 627, 17s.; Hom. 1, 1 sur 2 Th, ibid.,
469, 21 s.
106 APOLOGÉTIQUE ET POLÉMIQUE
sur 2 Cos ibid.y 461, 11 ; Hom. 7,1 sur 1 Thy PG 62, 435, 6 ; Hom. 45, 4 surjriy
PG 59, 256,61 .
95. Hom. sur bonheur vie future 6 : PG 51, 352, 1-25.
96. Il est tentant du reste d’établir une relation entre l’importance accordée,
en milieu antiochien, à la résurrection des corps et une doctrine christologique
de l’Incarnation qui met l’accent avec insistance sur l’assomption par le Verbe
d’un « homme parfait ».
97. Jean Chrysostome, Hom. sur rés. 8: PG 50, 430,1.41 (Abel);
Hom. 45, 4 sur Jn : PG 59, 257, 1 (bonheur des méchants et justice divine) ;
Théodoret, De Prov. IX : PG 83,725 D-728 D ; Haer. fab. V, 20 : PG 83, 517
C-520 A. De fait, l’idée de rétribution, comme celle de résurrection, est tenue
(voir déjà Justin), pour une,réalité indispensable à la reconnaissance d’un Dieu
juste, tel que le présente l’Écriture.
98. Jean Chrysostome, Hom. 9,3 sur 2 Co : PG 61, 462,7. 464,14;
Hom. 8, 2-4 suri Th : PG 62, 441,44. 443, 50. 445, 4.
99. Hom. 8, 4 sur 1 Th : PG 62, 444, 6. 445, 4 (« S’il n’y a pas de géhenne,
où donc est la justice, où l’impartialité ? *).
100. Hom. 39, 3 swrjn : PG 59, 223, 11 ; Hom. 45, 3 surjn, ibid., 255, 42 ;
mais Chrysostome ne donne pas là de références scripturaires précises.
101. Hom. 5, 3 sur Lazare : PG 48, 1021 ;A une jeune veuve 3 : SC 138 (cer
titude de retrouver un jour ceux que l’on a aimés).
102. Hom. 45,4 surjn : PG 59,256, 22 : « Car s’il y a une résurrection et un
jugement, il n’y a plus de fatalité... » (El y«P àvcxcrcaatç xal xploiç, oùx Êcmv
el|iocpp.év7], xav pupla cpiXovetxüat xal à7toKviYO)vra0-
110 APOLOGÉTIQUE ET POLÉMIQUE
3. Le jugement et la rétribution
Plus facile à faire admettre à des païens que l’idée de la
résurrection de la chair, celle d’un châtiment final et d’une rétri
bution selon les actes de chacun rejoint, en effet, des conceptions
et des représentations qui leur sont familières. Théodoret, en
Thérapeutique XI, le rappelle longuement, à des fins apologé
tiques, non sans critiquer des théories jugées aberrantes et des
croyances mythologiques ridicules, avant d’exposer sur ce point
la doctrine chrétienne et de fournir à l’appui un dossier scriptu
raire105. De manière moins développée, ce type d’argumentation
est également présent chez Chrysostome106.
Cela dit, plus que tout autre Antiochien, Jean Chrysostome
insiste sur le caractère redoutable de l’apparition du Fils de
l’Homme, en sa [31] qualité de juge universel. Ainsi l’image du
tribunal prend-elle, dans sa prédication sur les fins dernières, un
relief particulier destiné à frapper l’imagination de ses auditeurs.
Ce tribunal suprême est peint sous des couleurs beaucoup plus
effrayantes que tous les tribunaux humains, dont la vue seule
pourtant suffit à remplir de crainte même les gens honnêtes.
Comment comparer, dit-il, le jugement d’une ville à celui de
l’univers ? Ce juge-là n’a besoin ni de témoins, ni de preuves,
pour exposer, à la vue de tous, les actes, les paroles et les pensées
de chacun, comme l’attestent 2 Co 5, 10 ou le Ps 49, 21107.
Pourtant, à la différence de ce qui se passe dans un procès
ordinaire, où toutes les pièces d’accusation sont définitivement
consignés, il est toujours possible, même après le baptême,
103. Elle est pour tous une invitation à la conversion, et Jean Chrysos
tome croit aux vertus de cette pédagogie de la crainte : v. g. Hom. 45, 4 sur
Jn : PG 59, 255-256 ; Hom. 11,7 surMtiPG 57, 200, 8 ; Hom. 2, 3 sur 2 Th :
PG 62, 477, 25 s ; Hom. 15, 3 sur 1 7m, ibid., 583, 20.
104. A Théodore 10 (le feu de l’enfer, les supplices éternels) ; Hom. sur
rés. 8 : PG 50, 430, 15-27.
105. Théodoret, Thérap. XI, 18-32 (les emprunts de Platon aux Hébreux,
rencontrés en Egypte).
106. Hom. 9,3 sur 2 Co : PG 61, 464,9; Hom. 8,4 sur 1 Th : PG 62,
446, 8-12, (fables) ; Hom. sur la charité 7 : PG 56, 290, i3 (fleuves des Enfers,
Champs Elysées...).
107. A Théodore 12 ; Hom. 39, 1 sur Jn : PG 59, 219 ; Hom. sur la charité
4-5 : PG 56, 283, 7.
ESCHATOLOGIE ET ÉCRITURE EN MILIEU ANTIOCHIEN 111
1. La date de la Parousie
La date de la Parousie demeure au IVe siècle une question
inévitable pour l’exégète. Sans doute les croyances milléna
ristes, fort répandues dans les premiers siècles et dont témoigne
notamment Justin ou Irénée136, sont-elles désormais rejetées
et condamnées, même si un Apollinaire de Laodicée fait à cet
égard figure d’attardé en milieu antiochien137. Mais la curiosité
subsiste concernant la fin du monde. Sans doute encore, un Jean
Chrysostome juge-t-il vaine cette curiosité et la caractéristique
d’esprits faibles. Une telle curiosité, dit-il, était celle des apôtres
avant (Mt 24, 3) et après la Passion (Ac 1,6): elle n’est plus
la leur quand ils ont reçu l’Esprit Saint ; ils se résignent alors à
leur ignorance138. Paul, en 1 Th 5, 1-3, combat lui aussi ce type
de curiosité, en se contentant de renvoyer aux déclarations du
Christ en Mt 24, 39.42-44. Quel avantage, du reste, poursuit
134. Hom. sur la charité 7 : PG 56, 287, 16 ; Hom. 8, 2-3 sur 1 Th : PG 62,
442, 9-443, 34 (déluge, Sodome, Pharaon, etc.) ; Hom. 15, 3 sur 1 Tm, ibid.,
583, 44. D’autres textes de l’Écriture, dit-il, sans autrement préciser, l’atteste
raient tout autant : Hom. 3, 1 sur 2 Th : PG 62,479, 1-16 (les textes où il nous
en est parlé) ; Hom. 1, 4 sur He : PG 63, 18, 21 (les textes sont formels).
135. A Théodore 12 ; Hom. surla charité 4 : PG 56,284, 28 ; Hom. 23, 7-8 sur
Mt : PG 57, 317, 20. 317, 7-318 ;Hom. 13, 4 sur Ph : PG 62, 280, 18-281,22.
136. Justin, Dialogue ave Tryphon 80-82 ; Irénée, Adv. haer. V, 28, 3-36, 3.
137. Voir supra, n. 4.
138. Jean Chrysostome, Hom. 9,1 sur 1 Th: PG 62, 445, 1-446, 6.
116 apologétique et polémique
reçu par toutes les nations et que l’idolâtrie règne encore dans le
monde ; il ne partage donc pas sur ce point non plus la pensée de
Chrysostome. Mais les trois exégètes sont d’accord pour juger
irrecevable l’interprétation de Sévérien de Gabala, selon qui ce
serait la grâce de l’Esprit Saint qui retiendrait l’Antéchrist de
paraître : il est impossible, selon eux, que cette grâce cesse [37]
d’agir148 ! Personne ne connaît donc la date exacte (Ac 1,7) du
second avènement, mais les signes annonciateurs sont suffisam
ment nombreux pour en confirmer la proximité.
sur l’Antéchrist (PG 83, 525B-532C). Cf. Théodore, Com. sur 2 Th : Swete
n, 54,15-19.
148. Sévérien, Sur 2 Th 2, 6-8 : K. Staab, Pauluskommentare..., 334, 20-22
(Kaxéxet. xat xcoAuei toû avépoo rrjv 7tapouotav x6 Ttveüpa tô &yiov).
Cf. Guinot, L’Exégèse, p. 661.
149. Jean Chrysostome, Hom. 10, 2 sur 2 Co : PG 61, 468,1 (deux états
distincts) ; Hom. 41, 1-3 sur 1 Co, ibid., 356, 25. 356, 1-357 (le Christ a repris
le même corps). Voir aussiThéodoret, Haer. fab. V, 19 : PG 83, 516 BC (Kal
tva pr] tiç ÔTCoAàQfl exepov ôia.nkà-r:zodai aùjia...) ; Aphraate, Exposés 8,
3-4 : SC 349. Quant à Eustathe d’Antioche, dans son écrit Sur la nécroman
cienne 22, 5 (éd. M. Simonetti, La Maga di Endor, Bibioteca Patristica 15, Flo
rence 1989), il se fait l’écho de Méthode d’Olympe, pour reprocher à Origène
de nier la résurrection véritable du corps véritable au profit de celle d’un eiÔcx;,
qui en représenterait la composante immuable (cf. Origène, Sur Ps 1 : PG 12,
1092) ; sur cette polémique, voir ad loc. le commentaire de M. Simonetti et
l’article d’E. Prinzivalli, « TTXAE EH AIAOY METAnEMriEE0AI. Una
proposta di lettura délia polemica di Eustazio con Origene », in : Studi sul cris-
tianesimo antico e rnodemo in onore di Maria Grazia Mara II, Augustinianum,
Rome, 1995, 679-696.
150. Jean Chrysostome, Hom. 41,3 sur ICo: PG 61, 358 ; Hom. 42, 2 sur
1 Co, ibid., 364, 4-365 ; Hom. 10, 1 sur 2 Co, ibid., 467, 42-468, 5.
118 APOLOGÉTIQUE ET POLÉMIQUE
SSS SSÏÜS
à rentrée des âmes dans le ciel, immédiatement apres la mort,
revient à nier la résurrection des corps au dernier jour, étant
entendu que^l’âme doit rejoindre le corps au moment de la
Dans son écrit Sur la nécromancienne, Eustathe d’Antioche
parle constamment, lui aussi, de l’Hadès comme séjour de l’âme
du prophète Samuel, que la ventriloque d’Endor aurait préten
dument évoqué devant Saül165. Les âmes des justes séjournent
donc dans ce [40] lieu, réputé souterrain, dont personne, sinon
Dieu seul - Eustathe conteste sur ce point la position d’Ori-
gène - ne peut les faire revenir166. Mais l’Hadès est tout autant
le séjour des âmes des méchants, même si existe, entre elles et
celles des justes, un abîme infranchissable (xctapa), comme
l’enseigne la parabole du pauvre Lazare : lui repose dans « le
sein d’Abraham », tandis que le mauvais riche est en proie à la
brûlure d’un feu dévorant167. Tel est ce lieu de dessous terre où
est descendue l’âme du Christ (cf. Ep 4, 9) pour en briser les
portes et délivrer les âmes des justes qui s’y trouvaient retenues
prisonnières168.
Dans son interprétation de l’épisode de la ventriloque
d’Endor, Théodoret n’apporte pas beaucoup plus de lumière
sur le séjour des âmes après la mort : ils se contente de dire
qu’elles demeurent en un autre lieu (aXÀa> xivl xwpt<p) dans
l’attente de la résurrection des corps169. Les indications que l’on
163. Justin, Dialogue avec Tryphon 5, 3. Cette conception est à rapprocher
de celle qui se fonde sur la parabole du mauvais riche et du pauvre Lazare et
l’idée juive du séjour des justes dans « le sein d’Abraham ».
164. Justin, Dialogue avec Tryphon 80, 4.
165. L’index de 1 éd. de M. Simonetti (La Maga di Endor...3 282) relève
22 occurrences du terme dans l’écrit d’Eustathe.
166. Eustathe martèle cette affirmation tout au long de son écrit : Sur la
nëcrom. 4, 1 ; 16,10 ; 17,2 ; 23, 6 ; 24, 5 ; 30, 5-6. Sur la polémique d’Eus
tathe avec Origène, voir E. Prinzivalli, « TTXAE...ima proposta di lettura... *
167. Eustathe, Sur la nëcrom. 14, 7-9.12.
168. Eustathe, Sur la nëcrom. 17, 3-18, 2 (voir notamment 17, 9, un pas
sage important pour la christologie d’Eustathe). Si Justin (Dial. 72, 4) parle
une fois de la descente aux Enfers, en invoquant un texte de Jérémie actuel
lement inconnu, mais également cité par Irénée (Adv. haer. IV, 22, 1 ; Prèdic.
apost. 78), il en est peu question chez Jean Chrysostome : v.g. Hom. sur cime-
tière et croix 2 : PG 49,394-396 (long développement sur la descente du Christ
aux Enfers et la « transformation de l’Hadès en ciel » : xôv écÔrjv èîto^oev
oùpavôv) ; Hom. 40,1 sur ICo : PG 61, 348, 28-31 (le baptême comme sym
bole de la descente dans l’Hadès et de la remontée).Théodore de Mopsuestb
n’y fait même pas allusion dans son Hom. cat. VII, 9 (ST 145). Cette croyance,
pourtant ancienne, n’a pris place que tardivement dans les formules de foi.
169. Théodoret, QR I, 63 : PG 80, 589 B ; FM II, 57, 3-5. Sur le sujet,
voir R. Gounelle, La descente du Christ aux Enfers. Institutionnalisation d'une
croyance, Coll, études Augustiniennes SA 162, Paris 2000.
ESCHATOLOGIE ET ÉCRITURE EN MILIEU ANTIOCHIEN 121
lequel les âmes sont pour ainsi dire retenues prisonnières ; il renvoie à l’image
scripturaire bien connue des « portes de l’Hadès ».
176. Dans la question suivante (Quaest. 76), l’auteur fait clairement en
tendre, à partir du cas du bon larron, qu’il n’y aura de rétribution qu’au jour
du jugement : par conséquent, même si son âme a été admise au paradis, elle
doit y demeurer (èv 6 (puXàrceTOci) jusqu’à ce moment-là. Toutefois, les âmes
auraient une certaine perception (oÆo9r|oiç) noétique d’elles-mêmes et de ce
qui se trouve au-dessous d’elles (le monde des humains ?), et même des anges
et des démons
177. On trouvera une présentation claire et bien documentée de la position
d’Augustin sur cette obscura quaestio dans le chap. 33 « La mort et l’au-delà »
du livre de S. Lancel, Saint Augustin, Paris Fayard 1999, 622-626.
178. En réalité, comme le souligne bien S. Lancel (Saint Augustin, 625),
Augustin a fait preuve jusqu’au bout en ces matières d’une prudente réserve.
179. Théodoret, In ICo : PG 82, 249 A-252 A. Ainsi, à deux reprises, met-
il clairement en relation les versets avec le jour du jugement : « La différence
entre les matériaux, ce n’est pas la vie présente, mais la vie future qui l’établira.
Car voici ce qu’il a dit : Le jour <le> manifestera, autrement dit, le jour du
jugement » (ibid., 249 BC) ; « Mais, au jour de la manifestation du Seigneur, il
y aura une mise à l’épreuve et un examen minutieux » (ibid., 249 C7).
180. Selon toute vraisemblance, Théodoret conteste ici l’interpretation de
Théodore de Mopsueste, qui, pour ce verset, nous est connue par les chaînes ;
cf. K. Staab, Pauluskommentare..., 175, 15-176, 7. Il convient donc de corriger
sur ce point ce que j’ai écrit par erreur dans L’Exégèse..., 648.
ESCHATOLOGIE ET ÉCRITURE EN MILIEU ANTIOCHIEN 123
[44] Conclusion
Dans sa récente biographie de Saint Augustin, au moment de
présenter les idées de l’évêque d’Hippone sur les fins dernières et
l’au-delà, Serge Lancel écrit : « On a vite fait le tour du matériel
scripturaire canonique dont on disposait à l’époque d’Augustin
- et en fait dès la seconde génération chrétienne - pour fixer
de façon théologiquement irréprochable les divers ‘scénarios’ de
l’au-delà et pour imaginer les variantes et les phases de cette
eschatologie. Les plus importants de ces textes, pour ne pas dire
les seuls, se trouvaient dans les Evangiles, et le texte de base était
la parabole du mauvais riche et du pauvre Lazare, dans Luc,
16,19-31188.»
On pourrait, presque dans les mêmes termes, définir le
fondement scripturaire que donnent les Antiochiens, notam
ment au IVe siècle avec Jean Chrysostome, à leur eschatologie.
Il faudrait toutefois ajouter qu’ils tirent de l’enseignement de
Paul, dans ses Épîtres aux Corinthiens et aux Thessaloniciens,
189. Les prophéties, assez nombreuses (voir l’index du mot ouvréXeia dans
notre édition de Vin Is. : SC 315), mises en relation avec la fin du monde
donnent pourtant rarement lieu à un véritable développement eschatologique.
Il en va de même de l’expression eIç téXoç, dans les titres des psaumes, sou
vent interprétée de la fin des temps : v.g. In Psal. : PG 80, 888 C (Ps 4), 901
BC (Ps 6, avec mention du jugement et référence à la parabole des dix vierges),
937 C (Ps 10, avec mention du jugement de Dieu et du châtiment), mais non
de façon systématique.
190. Sur la croyance en une apocatastase de type origénien, dont on a fait
grief à Théodore de Mopsueste, voir les remarques de Devreesse, Essaiy p.103.
Voir toutefois le témoignage d’Isaac de Ninive sur sa conception et celle de
Diodore de Tarse relative aux peines de l’enfer (cf. supra, n. 133).
191. Voir swpra, n. 149.
-
. :
_
2
Théologie et christologie
sur fond de crise nestorienne
V .
. .•
Ad Contemplandam Sapientiam, Soveria Mannelli 2004, p. 319-
335
26
I. Remarques préliminaires
Avant d’en venir à ce prétendu De Trinitate de Théodoret,
quelques observations préliminaires concernant son traité Sur
la Trinité et Tlncamation permettront de situer l’enjeu de la
recherche. Dans l’unique manuscrit qui le transmet sous le nom
de Cyrille d’Alexandrie, ce texte se présente en deux parties
bien distinctes - l’une traitant de la Trinité, l’autre de l’Incarna
tion6 -, selon un schéma d’exposition familier à notre auteur7.
Or, de l’exposé trinitaire de la première partie, dont on ne trouve
aucune trace dans la Chaîne de Nicétas, la Panoplia dogmatica
Coll., t. 8, 1833, 59-103, puis dans sa Nova Patrum Bibl., t. 2, 1844, 32-74
(avec une traduction latine).
6. Ces deux «traités* se font suite dans le Vat. gr. 841 (ff..176-185v et
ff. 185v-203v). Le « traité », consacré à l’Incarnation, est précédé du titre Ilept
tou Kuptou èvavOpcoTrrjoetoç, sans aucune mention d’appartenance,
meme du type xoü aùxoû.
7. Le schéma de YExpositio rectae fidei, ouvrage transmis sous le nom de
Justin et lui aussi restitué à Théodoret (J. Lebon, « Restitutions à Théodoret de
Cyr », RHE 26, 1930, 536-550), est identique. Cf. aussi sa Lettre au peuple de
Constantinople (Coll. Cas. 129), Correpondance IV, 5 (SC 429).
SUR UN PRÉTENDU DE TRIN1TATE DETHÉODORET 131
13. Les indications fournies par le catalogue de Bandini ne sont pas assez
précisés pour permettre d’affirmer que les Laur. gr., Plut. VI, cod. XII (xiv*s.),
Plut. LX, cod. XI et Plut. LXXXVI, cod. VIII (XVe s.) ne contiennent pas eux
aussi ce même texte attribué à Théodoret ; il faudrait de même s’assurer qu’il
n est pas présent dans Escortai 518 (Q. II. 2). Ajoutons que notre enquête ne
prétend pas à l’exhaustivité. [Après la parution de cet article, le P. J. Paramelle,
à qui nous devons de nous être intéressé à ce texte, nous a signalé également
sa présence, dans le Vatopêdi 10 (xir s.), ff. 127-128v ; ce ms semble apparenté
aux mss A, E et O, dans la mesure où il comporte comme eux, à la fin du pas
sage, une même scholie ; voir infra, n. 211.
14. Le texte est par erreur attribué à Théodore, la confusion avec Théodoret
étant fréquente dans les manuscrits et se vérifiant une autre fois dans ce même
codex. La même erreur d’attribution reparaît dans le Vat. gr. 620 (X), qui
dépend vraisemblablement de F.
SUR UN PRÉTENDU DE TRINITATE DETHÉODORET 133
2. Le texte du De Trinitate
A cette stabilité remarquable de l’opuscule attribué à
Théodoret, au sein de la tradition manuscrite, s’ajoute une trans
mission textuelle relativement uniforme. Le texte fourni repose
sur la collation de dix manuscrits, que l’on peut généralement
regrouper de la manière suivante : C VO ASE HFX R. Sauf
exception, les variantes orthographiques ne sont pas notées dans
l’apparat, [324] bien qu’elles confortent souvent ces groupe
ments de manuscrits. Nous indiquons, dans le corps du texte,
20. Il faudrait toutefois s’assurer que cette attribution à Justin, relevée dans
le catalogue de Lambros, est bien celle des mss. A la différence de M, le ms D
ne donne pas l’extrait des Vitaeprophetarum du Ps.-Épiphane.
21. Voici le texte de ce oxéXtov qui prolonge l’exposé sur la nature de l’âme
[il figure également dans le Vatopedi 10, f. 128v] : Taûxrjv yoùv xyjv Ôiacpopàv
eiÔà)^ ô oocpôç EoXopcôv,rjvtxa 7tepi 'EXXVjvcov xai ocoeQcôv èÇVjpxexo Xéyeiv,
ènoir\aaxo rrjv ôiaaxoXrjv te xai 0etoo TCveupaxoç. MEXey£ yàp*
rirjÀoO àripôrepoç ô (3toç ocôtcov, ôti rjyvôrjoav rov notrjoavra aôroùç
xai tôv è[Â7TV£uoa\na aôroùç (pox*lv èvepyoùoav xai ràv èucpuorjoavra
aôrolç nveôpa Çcorixôv (Sg 15,10-11) ëxepôv èoxi 7tvor] Çtoffë y) xai i[m)(ixôv
àTtepyaÇopévY) xôv âvQpamov, xai ëxepov xai 7tVEÜpa £coo7toioûv.
22. Elle offre, en réalité, la totalité du commentaire In Canticum de Théo
doret.
23. Le ms S ne donne pas l’extrait d’Irénée ; il présente d’autre part une
série de scholies marginales qui lui sont propres.
SUR UN PRÉTENDU DE TRINITATE DETHÉODORET 135
C VO ASE HFX R
18 ot Ôè - alpextxoi : £7tEtÔT] yàp ol èpppùvxYjxot m || 18-19 xrjv
éppTjvetav jiyj èyvcoxùxeç : oùx èyv. xtjv arjpaoiav m || 19 etvat 0eoùç ~
m || 20 èXoî : èXcoî AS FR || 21 acoxfjpoç : Tcaxpôç Xac (postea eras. et add.
acoxrjpoç mg) || 22 où xrjv : oùxe ASE || 22-23 wç xtveç - àvatpeï add. C1"*
altéra manu || 23 vofi^ouotv : ôvonctÇouotv ASE R || 24-25 xyjv Ôtatpeotv
(-oeiv V) - cpüoeotv om. C HFX R || 26 xaxapyel : xaxrjyopet C HFX R ||
oùx àpt9[iYjotv : où xax’ àpt0- S? || 27-28 Xéyouev Û7rooxâaetç xptàôoç **-
S || 30 ouxœç VO AE R || 31 ôùo : ôuoi R (| 33 xai1 om. C HFX || xai2 + ô
VJ|34 èoxaxou S FX || 35 xptàç1 + àpa FX ||xe : èaxtv S ||xai2 om. A ||39
oûxwç - (pùaeiç om. FX || 41 evcootv + (jtexà xyjv ëvcoatv S"c || 41-43 (pûaeiç —
où ôùo1 add. Cm* altéra manu (in textu rasura circa 11 litt. et inscribitur supra
lin. altéra eadem manu OeoXoyia) ||43 xai el - où ôùo om. X
SUR UN PRÉTENDU DE TRINITA TE DE THÉODORET 137
C VO ASE HFX R m
95 àyiaç xai ôpoouaioo : 0eiaç xai 7tavayiaç m || 96 xà vorfcà xai
ato0Yjxà desunt m || aiaÔYïxà : àXoyrçxà A || xexnrjvajiévrjç : xexxeiva- C VO
HF + ï|xouaapev yàp xïjç 0e(aç Xeyouar^ç Ypacpijç côç ô x&v ôXcov ëcprj 0eôç
m ||96-97 yàp cp-rçatv desunt m ||97 xax eixôva Yjpexépav àv9p<07tov~ S ||
xai xa0’ ôpoicoacv rjpexépav ~ FX m || 101 xai2 + xô || 108 xapaxxrjpiÇovxa
(-xvjpiÇov vel forte primum -X7]piÇcov X) xa0’ ôpoicooiv ~ FX || 113-114 xai -
ôia7tXaa0fjvat : (papèv xoivuv à7tô uèv xcôv ... ôiaTtXaoOfjvai xô oôua m ||
113 xeaaàpcov : A CVO || 114 cpapev om. FX || 115 xoû (àepoç) - (a7tô) Ôè
om. S || 115-116 àttô Ôè - ÇYipôxrjxa om. F ||xy]v ^pôxrjxa Ôè ànô rf^ y^
m H116 à7tô Ôè : xai èx m|| 117 Xéyopev : cpapev m || 119 7tXouxtvo<;VO ||
èxeivcov : èxetvou AE || auppopiaç : aoppcopiaç H xtpcopiaç F
140 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
TauTaç ë<pr)CTav xwv awpàTCOV, xai Ôïjpov eivat c{jox«v xai xàç
7tXr]ppeXoüaaç elç awpaxa xaxa7U7rceiv, xai xoùç pèv Txtxpoùç
xai Tiovyjpoùç elç 6rjpia, toùç ôè àp7raxxtxoùç elç Xuxouç,
toùç Ôè ÔoXepoùç elç àXco7xexaç.
481 BD 125 25. ‘H ôè ’ExxXYjala, xotç 0etotç éuopévy] Xôyotç, Xéyet tyjv
(Jjux^v aovÔy)fiioupyeta9at tco acopaxt, xai où tô pèv 7xpôxepov
tù ôè üoTepov xaxà ttjv ’Qptyévouç <ppevo6XaGetav, (prjaiv yàp
Mcoüafjç* Kal ënXaoev à Oeôç zôv âvdpconov yoOv Àafiùv ànô
Tfjç Yrfç, xal èvecpuorjoev eiç tô npôounov aùzoü nvorjv Çcofjç,
130 xai èyévezo à âvdpunoç eiç (puxrjv Çcôoav (Gn 2,7). 26. T6
aâjpa yàp aveu 4>L>XTÎÇ °ùx &v ^éyoïTO àv9pco7ioç. 27. Tô Ôè
Ôeïov èxeivo èpcpùoYjpa, ÔeoîtpeTtwç vooùpevov où i|)uxt)v xal
pepoç etvat xfjç oùataç toû 0eoû <papèv xaxà tyjv KépÔcavoç
xai Mapxtwvoç Xùoaav 28. àXXà tô àytov xai Çcoo7iotôv
135 Ilveûpa, ÔTtep oùx aùxô yéyovev tjjuxrj, àXXà t|iuxYjv
èÔTjpioûpyrjaev. Tlveopa yàp, cpyjaiv ô ’Icôp, Oetov zà notfjoav
pe (Jb33,4). 29. Àrjptoupyôv yàp tô àytov 7xveûpa xai xotvwvet
xfj Ôrçptoupyta toû awpaxoç xai Tfjç t|>ux^ç. pia yàp èvépyeta
xfjç àytaç TptàÔoç. 30. El yàp èx xfjç oùataç toû 0eoû yjv rj
ho ÿuxVj, oùx èxpfjv èv toûto) pèv aùxrjv elvat aocprjv, èv àXXtp Ôè
pwpàv xai àaùveTov, oùôè èv toutco pèv Ôtxatav, èv éxépco Ôè
àÔtxov, àXX’ èÔet nâvz(x>ç aùxrjv etvat ocxpeTcxov xai
àvaXXotcoTov <l>ç èx Totaux^ (pùaewç 7rpoeX9oûaav* rj yàp toû
0eoû oùota ouxe peptÇexat ouxe àXXotoÛTat. Eyoj yàp, q>Y]atv,
145 dpi ô aùzàç xal oùx rjÀ^otcopai (cf. Ml 3,6).
C VO ASE HFX R m
121 ëtpaoav m ||Ô7)pov : ÔrjXov S ||eïvat + xtva m II tpux^jv + àvap£0p(ov
|| 122 xaxam7rtetv : -TCLf7rea0ai + &oxe tji xotâôe xa0ap0etaaç TtaiÔetoc,
7ràXtv èrcaveXOelv slç x6v tôtov x&pov. xàç Ôè xàv xotç acopaatv rcapàvopov
ptov àoTcaoapévaç, slç xà àXoya xaxa7tép7teo0at Çcôa m ||xai deest m || 123
7iovrjpoùç + xai lopôXouçm ||07)pla : ép7r£xàm || Xuxouç + xoùç Ôè 0paaeîç
eIç Xeovxaç m || 123-139 ôè (àp7raxxtxoùç) - (pcopàv) om. S || 124 ÔcoXepoùç
C HF || elç àXamexaç Ôè xoùç ÔoXepoùç ~ m || 125 ETcopévr) : 7tei0opévr] m
|| xr)v + Ôè F || Xôyotç + xôv jièv xoôxcov ôtacpepôvxcoe puaàxxexai Xôyov.
à7tooxpé(pExat ôè xai àXXcov xoùç pû0ouç. x^ ôè 0£ta 7r£t0op.évr| ypacpÿj
m || 126-128 xai où - pwücr?Jç : oùx èx xrjç uâyjç toû O7répp.axoç è'xouoav
xrlç Ôrjptoupylaç xàç àcpoppàç, àXXà xf) pouX^oet xoü 7toiYîxoü pexà xrjv
xoù awjiaxoç oovLoxauévrjv ÔtàTrXaotv. xai yàp ô 0etôxaxoç pa)ücn)ç
TtpôxEpov ëcprjOE xoü àoàp Ôta7rXaa0fjvat xù aôpa, eïO’ouxwç èp<puoÿoca
xôv 0eôv t|>ux^v m || 126 où xô : xoüxo VO aùxô FX || 127 x^v + xoü VO
AE X R || 128-129 xai è'TrXaaev - xfjç yfjç : è'XapE yàp ô 0eôç xoùv ànà
xfjç y^ç xai ETtXaae xôv àv0p. m || 130-131 xô otopa - àv0pto7xoç desunt
m || 131-132 xô Ôè - èpcpùo^pa : èxeivo Ôè xô eptpÛCTYjpa m || 132-133
0EO7rpE7rû^ - 0eoü : où uépoç xt xfjç 0elaç oùataç m || 133 toû 9eoû om.
R || 134 Xurxav m || 136 eÔYipioûpyYjae R ||xô om. HFX || 137 Ôriutoupyôv :
-yûv F -yoûv X || 139 eI : rj C HF || 140-141 aùxyjv - (touxw) pev om. V ||
140 etvat aùxrjv - FX || 142 eivat om. F || 145 yiAAotopai AE -Xôtpat V
SUR UN PRÉTENDU DE TRINITA TE DE THÉODORET 141
27. Opuscule 1,1-4 = Haer. fab. V, 1-3, PG 83, 441 CM. 448 BC2. 453 Du2.
460 A36.
28. Opuscule IV, 19. 23-27 = Haer.fab.V, 9, ibid., 477 B210. 480 B13-D*. 481
BC‘\
29. Voir l’éd. de I. Otto, lustiniphilosophi et martyris opéra quae feruntur omnia
III,2,Iéna 18813, 190-192.
30. Telle est l’opinion de J. Quasten (Initiation aux Pères de l’Église, t. 3,
trad. fr., Paris 1963, 766-767), de F.X. Funk (« Le Pseudo-Justin et Diodore
de Tarse », RHE, 1902, 947-971) et celle d’Y. Azéma (article «Théodoret»,
Dictionnaire de Spiritualité, t. 15, 421).
31. Voir M. Richard, « Les citations de Théodoret conservées dans la chaîne
de Nicétas sur l’Evangile selon saint Luc », RBib. 43 (1934), 92-93 [= Opéra
minora II, 43]
SUR UN PRÉTENDU DE TRINITA TE DE THÉODORET 143
[332] Conclusion
Ces parallèles, certes limités, renforcent en tout cas notre
conviction que cet assemblage d’extraits doctrinaux s’apparente
d’une certaine manière aux nombreux florilèges dogmatiques
antimonénergistes et antimonothélètes qui ont vu le jour après
le concile de Constantinople III41. Il faut donc en situer vraisem
blablement la composition entre la fin du vnc et le début du Xe
siècle, date du plus ancien manuscrit qui le fait connaître, dans
un but de propagande et de défense de l’orthodoxie.
la nature divine comme l’image par rapport à l’archétype (De anima et resurrec-
tione 14. 27, éd. J. G. Krabinger, Leipzig 1837), et si pour Augustin « elle est
proche de la substance de Dieu », en raison de sa nature immatérielle (En. in
psal. 145,4, 40, CCSL 40 ; De civ. Dei 11,26,1, CCSL 48), elle ne se confond
pas avec la nature divine : elle n’en a pas l’immuabilité et lui est inférieure. Ce
caractère changeant de l’âme humaine l’expose au péché et interdit aussi pcu_' our
Cassiodore (De anima IV, CCSL 96, 195 s.) de la considérer de nature divine
(non iniellegenda est pars Dei).
40. Jean Damascène, FO II, 12 (éd. B. Kotter, Expositio fidei 26, 22-23 =
921 ^ ôè tô owjicc xal fj üjuxïj 7tÉ7tXaoxai, où xô uèv Ttp&xov,
tô oe uaxepov xaxa xa ’Dpiyevouç Xyjprjuaxa.
41. Sur la diffusion de nombreux florilèges antimonothélètes - et mono-
theletes - au vu* s., cf. A. Grillmbier, Le Christ dans la tradition, op. cit., 117-
w'Vy10*3111?16111 concernant l’étude du Florilegium Achridense par
M. Richard).
SUR UN PRÉTENDU DE TR1NITA TE DE THÉODORET 147
'
•*
.
;
î-v
Recherches Augustiniennes 32 (2001), p. 39-74
27
Introduction
A. D’évidentes similitudes
A première vue pourtant, leur sujet paraît identique : l’un
et l’autre traité sont conçus comme un exposé de la foi ortho
doxe, distribué en deux parties bien distinctes, l’une concernant
la théologie trinitaire, l’autre l’Incarnation. Le passage de la
« théologie » à l’« économie » est du reste nettement souligné par
l’auteur dans les deux traités5. En outre, dans VExpositio comme
dans le De Trinitate et incamatione, on constate un relatif équilibre
entre ces deux grands ensembles, même si la section traitant de
l’Incarnation est chaque fois légèrement plus développée que
l’exposé trinitaire.
Outre la parenté du sujet et de la structure générale de
l’exposition, deux autres facteurs paraissent encore rapprocher
ces traités : d’abord, le fait que l’auteur prétende s’adresser à
des chrétiens orthodoxes, aux « enfants de la piété » et aux « fils
de l’Église » - expressions sur lesquelles nous reviendrons - et
en second lieu, ce qui est en quelque sorte le corollaire de cette
déclaration, l’affirmation hautement proclamée qu’il n’a d’autre
1. Différences de structure
L’impression générale de similitude, que donnent au premier
abord les deux traités, est loin pourtant de se confirmer si l’on
pousse plus avant la comparaison. Le sujet a beau être identique,
au moins dans ses grandes lignes, la manière de le traiter diffère
assez nettement pour conférer à chaque ouvrage son originalité
propre. D’un point de vue purement extérieur, le volume du De
Trinitate et incamatione est nettement supérieur à celui de VExpo-
sitio rectaefidei. Pourtant celle-ci n’est pas un abrégé de celui-là.
Au-delà d’une composition d’ensemble bipartite, commune aux
deux traités, chacun possède en réalité une organisation qui lui
est propre. Ainsi par rapport à Y Exposition le De Trinitate et incar-
natione présente-t-il une structure à la fois plus rigide dans sa
9. Un seul paragraphe est consacré au Père (I, 4), treize au Fils (I, 5-18) et
six à l’Esprit (I, 19-27).
10. PG, 75, 1433 B. Cette manière de procéder est assez habituelle chez
Théodoret, y compris dans ses commentaires, dans la mesure où il annonce
souvent dans ses préfaces son intention d’être concis et de ne pas lasser son
lecteur par de trop longs développements. Voir aussi, la manière dont il marque
le retour à son sujet (I, 22), après la longue digression polémique contre Apol
linaire (PG 75, 1460 B).
154 théologie et christologie
2. Différences stylistiques
A ces différences dans le mode d’exposition retenu, s’ajoute
une différence de style assez sensible, qui donne à chacun des
deux traités une tonalité propre. En [45] réalité, le De Trinitate et
incamatione porte assez nettement la marque deThéodoret : qu’il
s’agisse du style ou du vocabulaire, son écriture n’offre aucune
recherche d’effets particuliers. La surprise vient en revanche
de PExpositio. Nous venons de signaler, dans la seconde partie
du traité, l’artifice rhétorique qui permet au discours de mieux
rebondir après une fausse conclusion. Or, c’est précisément
cette manière de filer longuement, et un peu lourdement, la
métaphore d’un discours, dont le déroulement est assimilé à une
course dans le stade, qui est insolite sous la plume de Théodoret
(§ 13). Le discours auquel il prétendait vouloir mettre un terme
(eùvàoavreç), voilà que l’assistance le réclame de nouveau,
comme on rappelle un athlète, un cocher ou un attelage fameux
- l’identification est incertaine -, pour lui proposer une autre
course, avec le désir peut-être de vérifier si les tours précédents
(toÎç 7tpoXa6ooai ÔiaùXotç) n’ont pas épuisé ses forces. La
comparaison avec une source, dont les eaux sont d’autant plus
limpides qu’on y puise fréquemment, interrompt un instant la
métaphore pour assurer qu’il n’en est rien. En effet, comme un
cheval impatient de s’élancer dans l’arène, le discours n’attend
que le signal du maître de la course (oYjpavrYjp), autrement dit
la question (tô Çr/TYjpcc) que l’on voudra bien poser, pour voler
vers la victoire en triomphant de ses adversaires.
Au terme de l’argumentation qui ferme la bouche aux
contradicteurs, la métaphore reparaît (§ 16) : voilà de nouveau
le discours invité à descendre dans l’arène, mais cette fois
pour consacrer sa victoire - Mon discours, il te reste à entrer dans
l'arène™ —, comme pour une espèce de tour d’honneur. Il lui
reste, en effet, à recevoir la couronne du triomphe : aussi la
métaphore est-elle reprise une dernière fois, en conclusion du
1. L’exposé trinitaire
Sans doute faut-il se garder de durcir cette présentation des
choses : l’argument scripturaire joue un rôle non négligeable, au
moins dans la première partie du traité. Mais il importe, nous
semble-t-il, de noter qu’il se trouve [48] presque constamment
en dépendance d’une argumentation dialectique ou du moins
en relation étroite avec elle. Ainsi l’auteur affirme-t-il, au début
du traité, que l’Écriture et les Pères enseignent à n’adorer qu’un
seul Dieu21 ; mais il est significatif qu’il commence par démon
trer de manière rationnelle l’impossibilité d’admettre une autre
cause originelle que Dieu, même si cette impossibilité n’existe en
définitive que dans la mesure où ce serait contredire l’Écriture.
L’Écriture a beau constituer l’autorité suprême, elle commande
pourtant si peu l’argumentation que l’auteur prend soudain
21. Expositio § 2, 1-2 : "Eva toévuv 6eôv oéGelv •fyiâç aï te 0£toci ypacpal
ÔiÔâaxouoiv xal al tôv TCaxéptov ÔiÔaaxaXiai 7taiaoEuouotv.
160 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
22. Ibid. §4, 16: Ôet yàp 7tpôç xoùç rfy; èxxXyjoÉaç xpocptpouç pï]
ÂOYiofioïç àvOpcomvotç Ôieu9ùvav xà 0eta.
z3. Voir à ce sujet, M.-O. Boulnois, Le Paradoxe trinitaire chez Cyrille
d’Alexandne. Herméneutique, analyses philosophiques et argumentation théologique,
Coll.des Etudes Augustiniennes, SA 143, Paris 1994, p. 72-75 et surtout p. 181-
331. On retrouve ce type d’analyses et de distinctions chezTHÉODORET dans les
extraits de scs écrits relatifs aux questions trinitaires conservés dans en ACO I,
2> 5, p., 150-154, Coüectio Satigermanensis 15 et, dans une moindre mesure,
dans VEranistès (v.g. la distinction entre oùota et uttôotccctlç en Éran. I, PG 83,
33 AB ; éd. G.H. Ettlinger, Oxford 1975, p. 64, 9 s. : "Exet Ttvà Stacpopàv yj
ouata 7tpoç rrjv UTtooxaaiv).
24. La démonstration a pour but de réfuter l'affirmation des eunomiens qui
faisaient du terme « inengendré » la caractéristique de la nature divine et en
concluaient que le Fils « engendré * ne pouvait pas être de même nature que
le Père.
UEXPOSITIO ET LETRAITÉ SUR LA TRINITÉ ETL INCARNA TION 161
2. Le mystère de VIncarnation
Dans la seconde partie du traité (§ 10-18), l’argumentation
est presque uniquement rationnelle, la démarche dialectique
laissant très peu de place à l’argument scripturaire. L’affirmation
liminaire de l’union étroite (xcct axpocv [51] ëvwoiv) des deux
natures en un seul Fils conduit rapidement à la question du mode
de l’union, si bien que ce sujet occupe, comme nous l’avons
dit, toute cette seconde partie. De fait, tout en protestant de
son incapacité à apporter une réponse, s’agissant d’un mystère
indicible, l’auteur entend bien, une fois ces précautions prises,
appliquer son intelligence à la compréhension du mystère. Il le
fait ici encore en ayant recours à des analogies.
43. En affirmant que le Verbe est présent en toute les créatures par sa subs
tance (x<xt oùatav) et non par accident (xaxà ou|i0e(3y)xôç), l’auteur s’oppose
nettement ici à Théodore de Mopsueste (De incam. VII, H.B. Swete, t. II,
p. 293 s.), pour qui il est impensable que Dieu habite en tous selon la subs
tance ou même par l’opération (èvépyeia) : il ne le fait que par complaisance,
selon son bon vouloir (eùôox(a).
44. C’est-à-dire l’humanité assumée tout entière à l’exception du péché.
L’EXPOSITIO ET UETRAITÉ SUR LA TRINITÉ
^CARNATION i67
B. L’argumentation scripturaire du n» -r ■ •
incarnatione M Ue Tnmtate et
L’impression laissée par la lecture du De Trinité,
tione est bien différente : l’argument scripturaire tientiri nrelmt
toute la place. La citation n’est plus seulement une illustration
ou une confirmation de la these defendue : elle commande toute
la démonstration. C’est elle qui structure le raisonnement et non
ce dernier qui l’introduit à titre de preuve. Du même coup, ce
rôle dévolu à l’Ecriture apparente parfois étroitement le traité à
un commentaire exégétique.
54. Il, 8 : PG 75, 1428 A : wcmEp yàp tj toü 0eoü [lopcpYj tou 0eoü tyjv
oüoéccv cnpodvei ... oütcoç rj toü ôoüXou popfpy). où tô ôpwjiEvov toüto
pôvov. àXXà Trâoav toü ctv8p(07tou ÔtjXoî rrçv oùatav.
55. Toute l’argumentation tend à montrer en quel sens - orthodoxe - il faut
entendre ce comme et et ce dans la ressemblance.
56. Le point est acquis après l’explication du sens qu’on doit donner à l’ex-
172 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
63. Comparer cette exégèse avec celle de son Commentaire sur les Êpîtres de
Paul ; cf. A. Viciano, Cristo el autor de nuestra salvacion, Pamplona, 1990, p. 85-
89 et passim.
64. Le témoignage de Sévère d’Antioche le prouve, on doit lire le titre du
chapitre II, 21 comme suit : «Démonstration tirée de l’Épître aux Hébreux
concernant la distinction des natures et l’union de la personne *. Le titre don
né par Mai et repris en PG 75, 1456 A : « l’union du Verbe * est une résolution
fautive de l’abréviation du manuscrit. De ce fait, l’argumentation que J. Lebon
(« Restitutions à Théodoret de Cyr », op. cit., p. 534-535) fonde sur ce qu’il
croit une correction d’origine néochalcédonienne, dictée par le désir de se
couvrir de l’autorité de Cyrille, ne peut pas être retenue.
65. Cf. supra, I.B.3, Expositio § 4-6.
174 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
74. Expositio § 10, 14-15. 16 ; 11, 17. Encore avons-nous souligné la diffé
rence du tour grammatical utilisé (f] pèv ctvOpWTtoç ... ^ Ôè 0e6ç) avec ce qui
est la pratique habituelle de Théodoret (wç avôpWTtoç... wç ôeôj).
75. Expositio § 10, 10-11.
76. Ibid. § 11,39.
77. II, 2 l(x 2) ; 29 ; 30 ; 32 ; 34 (à Ivcooiç et oovacpEia, tenus pour une
désignation orthodoxe de l’union,Théodoret ajoute ici xoivtovîoc).
78. Expositio § 12, 35-36 (oùx ... xexwpiopévtüç). 44-47 (oùx &v Ttç
Xwptoeiev) ; De Trin. et incam. II, 29 (àxwpîorcoç).
79. Expositio § 12, 37-38.
178 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
80. II, 30 : « Le nom de Christ fait voir non seulement celui qui a été assu
mé, mais également le Verbe assumant avec celui qui a été assumé... » ; II, 32 :
« Jamais n’ont été appelées Christ par les Docteurs ni la forme de Dieu seule
ni la forme de l’esclave sans la divinité ».
81. Comparer aussi avec De Prov. X (PG 83, 748 D) : « Lorsque tu entends
‘Christ’, comprends le Verbe, Fils unique engendré du Père avant les siècles,
revêtu de la nature humaine ».
82. II, 21. 32 ; cf. Réfut. Anath. 5 (PG 76,420 A).
83. Notamment en ce qui concerne la question de la passibilité et de l’im
passibilité (II, 13. 15. 19. 21. 28. 32). Or, ce thème de la nature divine impas
sible à l’opposé de la nature humaine passible est à peine effleuré dans VExpo-
sttio § 11, 51-52 (dire que la divinité tient, dans le Christ, le rôle de l’âme dans
le composé humain reviendrait à lui conférer la passibilité).
84. Is 9, 6 : « Emmanuel, Messager du grand conseil, Prince de la paix, Père
du siècle à venir, Fils du Très-Haut, Sauveur, Seigneur et Créateur de l’uni
vers. »
85. Exposition 15.
UEXPOSmiO ET LETRAITÉ SUR LA TRINITÉ ETL’INCARNA TION 179
86. Cf. Théodore de Mopsueste, De incamatione VII (Swete II, 293 s.).
87. On peut difficilement malgré tout en tirer argument en faveur d’une
datation haute, comme le fait G.M. de Durand (SC 429, p. 47, n. 3), car le
terme est pareillement absent du De Prov. X et de la plupart des écrits de
Théodoret avant 448, date à laquelle il l’emploie à plusieurs reprises dans sa
correspondance pour donner des gages de son orthodoxie. On le rencontre
encore en Haer. fab. IV, 12 (PG 83,436), dans la notice consacrée à Nestorius,
mais le terme ne reparaît pas en Haer. fab. V, 11-15, où Théodoret traite de
l’Incarnation. Le seul emploi du terme dans YEranistès II se rencçntre dans
une citation de Yep. 39 de Cyrille d’Alexandrie à Jean d’Antioche (Eranistès II,
PG 83, 212 B ; Ettlinger, p. 182, 15).
88. Telle est la position de M. Richard, qui suppose que Théodoret aurait
retouché son traité avant de l’envoyer à ses amis de Constantinople (« L’activité
littéraire de Théodoret... », art. citp. 98-99). Voir encore G.M. de Durand,
SC 429, p. 46 et la note 4.
180 théologie et christologie
100. De Trin. et incam. Il, 10. Les variations sont minimes : dans la Lettre
aux moines, Théodoret mentionne en outre les hérésies de Valentin et de
Bardesane. La présence de Sabellius, Marcel et Photin se justifie dans la me
sure où non seulement ils confondent les hypostases trinitaires, mais font du
Christ un homme pur et simple.
101. Ep. 4, 95-104 ; De Trin. et incam. II, 18. Cet argument, développé
sans différences notables, est fréquemment utilisé par Théodoret : cf. Réfut.
Anath. 2 (PG 76, 400 BC) ; Pentalogos (ACO I, 2, 51, n° 41, 7).
102. Mais beaucoup plus longuement dans la Lettre {ep. 4, 352-380,
SC 429).
103. M. Richard en convient après l’avoir mis en doute (« L’activité litté
raire de Théodoret... », art. ci'f., p. 95-97).
184 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
104. L’histoire du salut y est également retracée de manière linéaire (PG 83,
745 C-761 D). L’épisode des tentations du Christ est traité de manière très
voisine, au point que Théodoret donne l’impression de reprendre des dévelop
pements tout faits. La manière différente dont il commente Is 53, 3 « C’était
un homme dans la douleur * - citation absente du De Trin. et incam. - dans sa
Rêfut. Anath. 12 (PG 76,449 BC) et en De Prov. X (PG 83, 753 D) ou encore
dans Vin Is. 17, 56-58 (SC 315), traduit en revanche l’évolution qui s’est opé
rée dans son vocabulaire après le concile d’Éphèse.
105. Voir aussi, dans les deux écrits, les définitions données du nom
« Christ * : De Trin. et incam. U, 11 (PG 75, 1472 B) et De Prov. X (PG 83
748) et les observations de M. Richard à ce sujet (« L’activité littéraire de
Théodoret... *, art. du, p. 104-105).
106. La date a été discutée ; M. Richard et Y. Azéma retiennent celle de
435-437.
107. J. Lebon, « Restitutions àThéodoret de Cyr », art. cit.
108. M. Richard, « L’activité littéraire de Théodoret... », art. du
109. Ibid.y p. 89.
UEXPOSmO ET LETRAITÉ SUR LA TRINITÉETL’INCARNA TION 185
Conclusion
28
DE QUELQUES RÉFLEXIONS DE
THÉODORET DE CYR SUR LES
NOTIONS D’OUSIA ET D’HYPOSTASIS
2. L’exposé de YÉranistès
Bien que la version latine de cet exposé trinitaire laisse
aisément reconnaître son modèle grec, il est heureux que nous
ayons conservé, dans le texte original, un autre exposé de
TTiéodoret sur le sujet, au début de son Éranistès. Avant d’engager
le dialogue avec le Mendiant, l’Orthodoxe juge, en effet, indis
pensable de définir les termes techniques de la théologie (itspl
tüv Getcov ôvopàxmv) qui seront utilisés au cours de la discus
sion, et précise :
[217] « je veux parler de la substance (oùatccç), des hypostases
(Ô7TOcn:àa£Cüv), des personnes (7tpooa>7tG)v) et des propriétés
OÔiorrjTcov), »
son intention étant de définir en quoi consiste leur différence
réciproque (ôptacopcOa xiva è'xei Ttpôç aXKrjka Ôtacpopàv)7.
Avant d’aborder le dialogue proprement christologique,
l’Orthodoxe entend s’assurer qu’il partage avec son interlocuteur
la même foi trinitaire et n’a pas affaire à un arien : la question
lui est donc posée de savoir s’il reconnaît aux trois personnes de
la Trinité une unique substance. L’accord obtenu sur ce point,
il introduit une seconde question pour vérifier maintenant qu’il
n’a pas de tendances sabelliennes, dans le cas où l’hypostase ne
serait pour lui qu’« un autre nom de la substance » (trjç oùoùxç
exepov ôvopa). D’où l’interrogation du Mendiant et l’occa
sion de l’exposé deThéodoret : «Y a-t-il une différence entre la
substance et l’hypostase ?» La réponse est brève :
« Selon la philosophie profane, il n’y en a pas. En effet,
la substance (ouata) désigne l’étant (tô ôv) et l’hypostase
(Ô7TÔomotç), l’existant (tô ôcpeoTÔç). Selon l’enseignement des
Pères, en revanche, la différence qu’il y a entre le commun et le
propre, ou entre le genre (tô yévoç) et l’espèce (tô etÔoç) ou l’indi
vidu (tô ôtTopov), voilà la différence qu’il y a entre la substance et
l’hypostase8. »
Sans entrer dans toutes les considérations de Socrate sur
l’acception d’ousia et d’hypostasis chez les philosophes païens9,
Théodoret se contente de noter que les deux termes étaient pour
eux synonymes. Il aurait pu ajouter qu’il en fut longtemps de
même pour les Pères, et pour Athanase lui-même, jusqu’à ce que
s’impose la distinction opérée notamment par les Cappadociens,
celle à laquelle il se réfère ici. La définition abstraite qu’il donne
de ces termes, en recourant encore aux notions de commun et
1. Remarques générales
Quelques observations préliminaires s’imposent. En dépit de
l’équivalence établie entre les termes ousia et physis^ on constate
chez Théodoret une nette préférence pour le second. Les
occurrences d'ousia sont surtout fréquentes dans un contexte
trinitaire, pour désigner l’essence divine commune aux trois
hypostases et insister sur leur « homoousie » (y] pioc oüota tfjç
TpiàÔoç/ôpooucnoç). Il arrive pourtant que physis entre alors en
concurrence avec ousia, à l’intérieur parfois d’une même phrase,
sans que l’on puisse décider de la raison qui pousse Théodoret
à choisir un terme [222] plutôt que l’autre, tant ils paraissent
interchangeables14. En d’autres cas, on croit percevoir la volonté
de marquer discrètement la distance qui sépare l’essence divine
du Verbe de la nature humaine assumée, selon un rapport et
une opposition entre les termes que l’on relève aussi quand
Théodoret distingue la nature du corps de l’essence de l’âme15.
Une chose est sûre, dans un contexte strictement théologique,
c’est toujours physis, et non ousia, qui est utilisé pour désigner
l’une et l’autre natures du Christ. On serait donc tenté de dire
qu’ousia se réfère à la théologie du Fils, tandis que physis renvoie
à l’économie du Verbe incarné.
Dans ce même contexte,Théodoret emploie assez largement
le terme morphè comme un équivalent de physis, en référence
explicite ou implicite à Ph 2, 11. Il utilise notamment ce verset
pour affirmer la perfection des deux natures du Christ, à la fois
contre les hérétiques ariens et les apollinaristes, et pour montrer
le fondement scripturaire de la distinction des natures. C’est
l’occasion pour lui d’affirmer la synonymie des termes morphè,
physis et ousia : si « la forme de l’esclave », dit-il, signifie « la
14. V.g.InPsal. 109,3, PG 80, col. 1772 A \ In Gant. 3, 3-4, PG 81, col. 116
,9 \ln Cr°L h15SibJ$' >C°L 597 B) 5 Quaest• in Ex. 60 (FM 1, p. 141, 2-4.
15. Vg. In ICo. 3, 22, PG 82, col. 253 A : ’Hlûv pèv yàp fivcoxai xaxà rijv
<pomv. Vjv cÀaQe 7rap r)|iûv^ xû ôè Ilaxpl xaxa tt]v Oeiav oôcrtav) ; Eran. 2,
p. 142, 28-29 : Eù yctp oôx âXX7jv xivà cprjç oùoLav xyjv xfiç ijjUYfjç 7tapà tyiv
tou ocopaxoç cpuotv;
LES NOTIONS WOUS1A ET V’HYPOSTASIS CHEZTHÉODORET
201
20. Eran. 2, p. 134, 6-8 ; cf. In Ez. 11,22-23, PG 81, col. 901 D : l’électrum
désigné ici métaphoriquement la nature humaine, et le feu, la nature divine,
unies en une seule personne.
21. Ibid., p. 144,30-145, 12.
22. Ibid., p. 145, 20 q. ((ietôc rfjv oôXXrjiJxv), p. 146, 9 s. (lietôc rnv èx
ù^ateoùp“voùç àvàx^lv)-
24. Ibid.yp. 148,25-149, 17.
25. Ibid., 136,21.
26. Ibid., 145,13-14.
LES NOTIONS D’OUSIA ET D’HYPOSTASIS CHEZTHÉODORET 203
3. L’unité de la personne
Opérer une telle distinction tendait toutefois à fragiliser l’unité
de la personne. Théodoret, on le sait, prit assez tôt conscience
du problème et renonça pour cette raison à utiliser une termi
nologie concrète28 : parler du [225] « Dieu Verbe assumant » et
de l’« homme assumé » risquait, en effet, de faire entendre deux
hypostases dans le Christ, c’est-à-dire deux personnes, donc deux
Fils. Ce fut l’accusation portée contre Nestorius, celle dont eut
aussi à se justifier Théodoret. En recourant à la notion abstraite
de « nature », il diminuait le risque d’encourir ce reproche, sans
toutefois l’écarter complètement, tant il continuait à affirmer
la nécessité de distinguer les natures, même après l’union. A
preuve la déclaration du Mendiant dans YEranisiès : « Celui qui
dit deux natures, dit deux Fils » ; ce à quoi l’Orthodoxe rétorque
qu’à ce compte, lui qui distingue trois natures, dit trois Fils29 !
La réponse, il le sent bien, est pourtant un peu courte. Il lui faut
tenter d’expliquer un peu mieux comment la reconnaissance de
deux natures n’est pas celle de deux personnes.
L’analogie du fer rougi au feu, on l’a vu, lui permet d insister
sur l’étroitesse de l’union tout en sauvegardant la distinction des
natures, puisque le feu pénètre entièrement celle du fer, mais
sKSsssnsttsaa&an:
les rapportons à l’unique personne (xùj TtpooÛTtu xw évi)3*.»
La précision apportée ici est d’autant plus intéressante
qu’elle offre l’unique emploi par Théodoret du vocable hypos-
tasis, dans un contexte christologique, au sens de prosôpon. Sans
doute le choix de ce terme lui est-il dicté par l’impossibilité
d’employer prosôpon pour le bélier et s’abstient-il de le reprendre
pour affirmer « l’unique personne » du Christ. Cela prouve
cependant qu’il aurait pu, sans trop de difficulté, transposer
cette terminologie trinitaire dans le domaine christologique et
peut-être comprendre plus facilement ce que voulait dire Cyrille
en parlant d’une « union selon l’hypostase »39.
[227] Conclusion
29
ceux par exemple qui ont vu dans l’Épouse le peuple, et dans l’Époux son roi
(PG 81, 29 AB).
5. Voir notamment les lettres 82 et 113 (Théodoret de Cyr, Correspondance,
t. III, -SC 111, Paris 1965) ; les lettres 116 et 146 renvoient de manière plus
générale à ses commentaires sur l’Écriture.
6. Garnier, De libris Theodoreti (PG 84, 219 A).
7. Voir à ce sujet les deux articles de M. Richard, « L’activité littéraire de
Théodoret avant le concile d’Ephèse *, RSPT 24 (1935), 82-106, et « Notes
sur l’évolution doctrinale de Théodoret », RSPT 25 (1936), 459-481. Ces deux
articles sont repris in M. Richard, Opéra minora II (Turnhout-Leuven 1977),
articles 44 et 45.
8. M. Richard, dont c'est l’opinion, semble pourtant considérer le Com
mentaire sur le Cantique comme postérieur au concile d’Éphèse (M. Richard,
« Notes sur l’évolution doctrinale », op. cit., 470-471.
LA CHRISTOLOGIE DANS LE COMMENTAIRE SUR LE CANTIQUE 209
A. - Le matériel christologique
dans Vin Canticum
22. PG 81, 121 BC (Ct 3, 7-8): « ... Mais cela s’applique à Jésus-Christ qui
tire son origine de Salomon pour ce qui est de son humanité ; lui qui existait
avant les siècles, ‘il descendit comme une pluie sur une toison de laine, et
comme une goutte d’eau qui tombe sur la terre’ (Ps 71, 6). Or, il a donné ici
le nom de toison à la Vierge. Car, de même que la pluie tombe sans bruit sur
une toison de laine, de même cet enfantement salutaire se produisit à l’insu
de tous les hommes. » La comparaison peut sembler un peu gauche, mais, à
l’époque de Théodoret, ce type d’exégèse est sans aucun doute, pour ce verset,
devenu un lieu commun. Théodoret reprend la même interprétation dans son
commentaire du Ps 71, 6 (PG 80, 1433 A). En revanche, dans ses Quaest. in
Judic. 6, 38 (Interr. XV), il voit seulement un symbole de l’élection d’Israël,
puis de son rejet au profit des Nations, dans la toison qui, à la demande de
Gédéon, reçoit dans un premier temps la rosée, tandis que toute la terre reste
sèche, et qui, par la suite, se trouve dans la situation inverse (PG 80, 501 D ;
N. Fernandez Marcos - A. Saens-Badillos, Theodoreti Cyretisis Quaesnones in
Octateuchum, Madrid 1979, 300, 5-11).
23. Avec son doublet xaxà tô ocvOpcômvov ; cf. PG 81,81 A. 96 D. 109 CD.
121 BC. 125 D. 133 C. 141 A. 200 BD. On trouve aussi, au moins une fois,
xoctôc aàpxa (id., 81 A).
24. Voir par ex. PG 81, 109 CD, et surtout 200 BD ; Théodoret y note avec
insistance que le Christ s’est nourri des Écritures (symbolisées ici par le mot
« seins »), a reçu l’Esprit et s’est approché du baptême seulement xaxà tô
àv0pcû7teiov ; car il n’avait pas besoin, en tant que Dieu, de cette nourriture,
non plus que de recevoir l’Esprit qu’il possède en plénitude ou d’être purifié
par le baptême, puisqu’il est sans péché. Cela, il l’a fait par cpiXccv9pco7ua et
dans une intention pédagogique, pour montrer aux hommes quels étaient les
dons du baptême (Ô7toïcx toû pctTmopaToç tô ôûpa). Ce type de dévelop
pement reparaît dans tous les commentaires de Théodoret (v.g. In Isaiam 12,
525-531, 559-570 ; 15, 231-236. 255.260. 276-278. 285-289. 347-361 ; 16,
116-119 ; 19, 316-318, in ,SC 276 et 315) chaque fois qu’est évoqué le bap
tême du Christ ou que l’Évangile - celui de Luc notamment, et c’est le cas
214 théologie et christologie
37. L’usage d’un vocabulaire abstrait permet de préserver pour chacune des
natures l’intégralité de sa substance (oooia), sans imposer l’idée de deux per
sonnes distinctes, comme le ferait un vocabulaire concret du type : l’homme et
le Dieu, le Verbe assumant, l’homme assumé.
38. Cf. PG 81, 144 A : 0eoXoYtctç Ôè aûpGoXov ô XiQavoç. Les termes de
« théologie » et d’« économie », qui désignent respectivement, dans leur sens
général, la connaissance de Dieu dans son unité et dans sa trinité, et l’en
semble de son dessein pour le salut de l’humanité, désignent souvent chez
les Pères, de façon plus étroite, la nature divine et l’Incarnation ou la nature
humaine du Christ.
39. PG 81, 164 AB (Ct 5, 15) ; voir aussi In Ezechielem (PG 81, 969 C).
40. Is 63, 1 ; cf. In Isaiatn 19, 571-581 (SC 315) où la même symbolique est
exploitée en référence précisément à ce verset du Cantique.
218 théologie et christologie
4L PG 81, 156 D-157 B ; voir aussi 157 D-160 A (Ct 5, 14) où Théodoret
prête la même valeur symbolique aux mots « or » et « pierre précieuse ».
42. Cf. M. Richard, « Notes sur l’évolution doctrinale... », op. cit.3 475.
LA CHRISTOLOGIE DANS LE COMMENTAIRE SUR LE CANTIQUE 219
50. Dans son Commentaire sur Isaïe 17, 56-58. 110-115 (SC 315),Thèodo-
RET paraît beaucoup plus soucieux de sauvegarder l’union des deux natures au
moment même de la Passion, sans pour autant envisager une communication
des idiomes.
51. Chacun de ces termes apparaît dans YIn Canticum (cf. les citations don
nées ici ; pour &TpE7troç, cf. PG 81, 113 D).
222 théologie et christologie
57. Peut-être aux alentours de 428, et sans doute avant l’Acte d’union (433)
dont Théodoret fut l’un des principaux artisans. Le P. Garnier le situe autoty
de 425 en se fondant sur la date de Vin Danielem, elle-mcmc tirce des indi
cations fournies par Théodoret dans ce commentaire ; mais il n’est pas sûr
qu’on puisse accorder beaucoup de crédit aux indications chronologiques de
Théodoret (PG 84, 224 B).
58. En refusant tout sens littéral et historique, Théodoret privilégie volon
tairement cette seule interprétation, à tel point que, si ce commentaire com
portait douze livres et non quatre, on n’hésiterait pas à reconnaître en lui ce
« Livre mystique » dont parle Théodoret à deux reprises (Lettre 82, SC 98,
203 ; Haereticarum fabularum compendium, V, 18, PG 83, 152 C) et que l’on a
vainement cherché à identifier (cf. P. Garnier, PG 84, 362 A-363 A).
.
;
-V
•-
Autour de Lactance : Hommages à Pierre Monat, Besançon 2003,
p. 109-122
30
1. *CNRS UMR 5035. Notre texte était déjà sous presse, quand nous avons
eu connaissance de l’article de L.R. Wickham, « Cyril of Alexandria and the
appel of Discord », Studia Patristica 15 (1984), p. 379-392.-Théodoret, Lettre
à Jean d’Antioche, ACOL i, 6, p. 107-108 (= SC 429, p. 62-71).
2. Cyrille, Lettre à Evoptius, ACOI, i, 6, p. 110-111 (= PG 76, 385-388).
théologie et christologie
226
ànaoi xaxaarr|oai (,ep. la, SC 429, p. 62, 3-4) ; Ôuvaxüç xüv alpEXtxûv
KpoQXmàxwv xyjv Xuatv è7toiTîoà[i£0a (ibid., p. 66, 52-53) ; la seconde décla
ration fait du reste inclusion.
8. Ibid, y p. 62, 5-6 : àvrjp TtoipalvEiv Xax&v xal 7ro{|ivr]v xoaauxrjv
ttemoxeupévoç.Théodoret souligne ainsi l’importance du siège d’Alexandrie ;
cette remarque entraînera sans doute celle de Cyrille, dans sa lettre à Évoptius,
sur la petite ville (7toXtxviov) qu’est Cyr et dont il feint d’ignorer jusqu’au nom.
9. Mn Chrysostqmh, Panégyrique d'Eustathe d'Antioche 4, PG 50,604,1. 15 s.
10. Cf. Ep. la, A Jean d'Antioche (SC429, p. 64, 21-22) : xyjv itàXai
oGzodzloav ’A7toXivap£ou (pX^vatpov ôpoO xal ôuocteG?) ôtôaaxaXiav
ayayecoaaaBai. (le mot (pXrjvacpov a été malencontreusement oublié dans
l’édition de SC). L’hérésie d’Apollinaire avait bien été condamnée au concile
de Constantinople (381) ; elle n’avait pas pour autant perdu toute influence et
Théodoret lui-mêrçie déclare avoir dû la combattre dans son diocèse et par ses
écrits (cf. Ep. 82, A Eusèbe d'Ancyre, SC 98, p. 202, 14-15).
UNE « POMME DE DISCORDE • 229
11. Il le fait à deux reprises (ibid.3 p. 64, 24-26. 29 : eTnep àX-rçOtôç oorcoü
TocOta xà YEwrjuaTa, gîte èxeïvoç eïte aXXoç).
12. Ibid., p. 65 : «... je les (les opinions hérétiques) ai réfutées autant qu’il
était possible ; je leur ai opposé les enseignements de l’Évangile et des apôtres *.
230 théologie et christologie
13. Voilà sans doute la raison pour laquelle Cyrille déclare que la charité
d’Evoptius s’est traduite, au-delà des mots, par $es actes, c’est-à-dire l’envoi
de l’ouvrage composé par Théodoret (.Lettre à Evoptius, ACO I, i, 6, p. 110,
13-14).
14. Les informations qu’il possède sur lui témoignent d’une connaissance
indirecte (ibid., p. 110, 21-22. 26 : XéyeTcxi, (pocoÉ, xocôà tpaai tcôv yva)p£pcov
Tivécr).
f.
1 Ibid.y p. 110, 21-22 (... ©coÔwpYiroç ô Kupotr xaXctaOai yccp °&TW
<paot tô 7toXtxviov). Cette manière de déconsidérer l’adversaire, en insistant
sur son insignifiance, que traduit la nature de son siège épiscopal, est sans
aucun doute une réplique directe à la remarque de Théodoret sur l’importance
de la position de Cyrille.
UNE « POMME DE DISCORDE » 231
[119] aux « fables des Grecs », car le danger serait grand alors
de lui reconnaître le même statut. Tel est du moins le principe le
plus généralement observé.
Pourtant, il arrive à Cyrille lui-même d’y déroger parfois
dans ses écrits exégétiques. Ainsi introduit-il, dans son commen
taire d’Is 18, 2 (« Lui qui envoie des otages sur la mer et des lettres
sur papyrus au-dessus de l'eau »), un long développement relatif
au culte d’Adonis (Tammuz), dont il rappelle la légende, pour
justifier la lettre du texte scripturaire34. La pratique cultuelle
qu’il décrit, comme étant encore en vigueur à Alexandrie à son
époque, est sans aucun doute à rapprocher de celle que rapporte
Lucien de Samosate dans la Déesse syrienne15. La renaissance
d’Adonis serait, selon Cyrille, annoncée par les femmes d’Alexan
drie à celles de Byblos au moyen d’un message enfermé dans un
vase et confié aux courants marins qui le porteraient jusqu’aux
rivages syriens. Au terme de ce développement, il est intéres
sant de noter que Cyrille éprouve le besoin de se justifier d’avoir
introduit dans son commentaire des « fables nauséabondes et
séniles »36, ces récits infâmes des Grecs, mais dans le seul but de
rendre compte de la lettre du texte.
Dans son Commentaire sur Jonas, il fait brièvement allusion
au culte rendu par les Grecs au dieu de la mer Poséidon,
pour affirmer la souveraineté du Dieu de la Bible sur toute la
création37 ; en revanche, il rapporte plus longuement la légende
selon laquelle Héraclès, comme le prophète Jonas, aurait
été avalé par un monstre marin, puis rejeté par lui sans avoir
subi d’autres dommages que la perte de ses cheveux. Après
avoir cité deux vers de Lycophron qui illustrent cette légende,
Cyrille s’empresse de faire observer qu’il ne mentionne pas ces
récits mythologiques pour prouver la véracité du texte divin,
mais seulement pour confondre ceux qui la mettent en doute,
puisque aussi bien ils admettent sans aucune difficulté la réalité
de tels récits38. On a là un exemple d’argumentation tout à fait
comparable à ceux que Ton peut trouver dans son Contre Julien.
[120] À Julien qui ironise sur le serpent de la Genèse, doué de
la parole, et dénonce là une fable ridicule, Cyrille fait observer
que ce n’est pas plus incroyable que de faire prédire à un cheval
la mort d’Achille, de faire parler un fleuve ou un arbre39 ! Ce
type de références est pourtant moins surprenant ici, dans un
ouvrage polémique et apologétique, que dans un commentaire
scripturaire. À voir les précautions que prend Cyrille, les rares
fois où il fait appel aux mythes grecs dans ses ouvrages exégé-
tiques, on voit bien qu’il cherche à se défendre d’avoir indûment
introduit « les fables des Grecs » dans un discours où il traite des
« divins mystères ». L’Écriture sainte exige d’être expliquée par
elle-même : les mythes profanes n’y ont pas droit de cité. À cet
égard,Théodoret nous paraît, dans ses ouvrages d’exégèse, s’être
montré d’une rigueur encore plus grande que celle de Cyrille.
Lui faire grief d’avoir comparé, dans sa lettre, de manière incon
venante, eu égard à la sainteté du sujet, ses Anathématismes à « la
pomme de la Discorde » paraît donc une accusation peu fondée.
Il s’agit, à l’évidence, d’un prétexte commode pour déconsidérer
son adversaire et ruiner par avance la portée de ses critiques.
Conclusion
Au-delà d’une certaine symétrie de composition, ces lettres
révèlent deux tempéraments assez différents. En se gardant
de toute attaque ad hominem, Théodoret n’en porte pas moins
contre Cyrille des accusations d’une extrême gravité. Le ton qu’il
adopte et la prudence qu’il observe, au moment même où il va
l’accuser d’hérésie, montrent qu’il a bien conscience de l’impor
tance et de la puissance du patriarche d’Alexandrie. Il n’hésite
pas à le faire cependant, et avec netteté, quitte à mettre en doute,
aussitôt après, pour atténuer la portée de l’accusation, qu’il soit
l’auteur de telles erreurs doctrinales. Cyrille ne sera pas dupe du
mère(i&û£, 578, 20-579, 5) : lui aussi est enfermé dans un milieu aqueux, où il
lui est impossible de respirer, et pourtant il vit et y reçoit de Dieu sa nourriture.
Qu’y a-t-il donc d’étonnant à ce que Dieu ait accompli pour Jonas, ce qu’il
réalise pour tout homme ?
39. Cyrille, Contre Julien III (PG 76, 632 B). On ne saurait, dit-il, com
parer le subterfuge utilisé par le démon de la Genèse, agissant sous la figure
du serpent, aux « contes des Grecs », ceux d’HoMÈRE qui fait faire une pré
diction à l’un des chevaux d’Achille, Xanthos (II. V, 420), ceux de Porphyre
ou de Philostrate qui font saluer leur héros, l’un par le fleuve Caucase (Vie
de Pythagore), l’autre par un arbre (Vie d’Apollonios de Tyane), sans parler du
chêne de Dodone ou du taureau de Zeus, dans l’île de Rhodes, selon Isigonos
de Kittion, eux aussi doués d’une voix humaine.
238 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
procédé : c’est bien lui que vise Théodoret et sur lui que, fort de
l’autorité de Paul, il fait retomber les anathèmes lancés contre
Nestorius. Le coup porté est rude, par lequel s’achève la lettre
de Théodoret.
Cyrille calquera sa réponse sur l’attaque : à son tour, en
épinglant la référence à « la pomme de la Discorde », il entend
terrasser son adversaire, en lui décochant un dernier trait. Mais
le ton général de sa lettre est bien différent : elle laisse transpa
raître, nonobstant l’éloge initial de la charité fraternelle et le parti
pris de se poser en victime de la calomnie, l’attitude hautaine et
méprisante d’un supérieur à l’égard d’un inférieur. Cyrille veut
faire sentir la distance qui [121] sépare un patriarche d’Alexan
drie d’un évêque de Cyr, le pasteur d’une métropole de celui
d’une bourgade. Son rang et son autorité semblent l’autoriser à
des attaques ad hominem contre l’audacieux qui a eu le front de
critiquer ses Anathématismes. Il paraît agacé par cette résistance
rencontrée du côté des Orientaux, qui l’oblige à une nouvelle
justification. Une telle réaction est peut-être le signe que les
positions doctrinales qu’il défend et les formules qu’il utilise
n’ont pas une aussi grande clarté qu’il le prétend.
Indépendamment de leur intérêt pour l’histoire de la crise
nestorienne, ces deux lettres nous renseignent aussi sur la
notoriété de Théodoret à la veille du conflit. À l’évidence, la
mission dont l’a chargé Jean d’Antioche prouve qu’il s’est acquis
déjà une solide réputation de théologien. La lettre de Cyrille,
précisément parce qu’elle comporte des attaques ad hominem
et veut discréditer l’adversaire, fournit en réalité des précisions
supplémentaires. Théodoret paraît déjà jouir, en 430, d’une
bonne réputation d’orateur et d’exégète40. Or, nous savons par
Théodoret lui-même qu’il avait prêché, à Antioche, « six années
durant, du temps de l’évêque Théodote », mort vers 429, puis
« pendant treize ans » encore sous l’épiscopat de Jean, et que sa
prédication y était fort goûtée et jugée parfaitement orthodoxe41.
La lettre de Cyrille confirme donc indirectement les déclara
tions faites par Théodoret bien des années plus tard. Faut-il
en conclure qu’il avait aussi, dès avant 430, publié quelques-
uns de ses traités exégétiques42 ? Cela irait à l’encontre de
•?.
;
'
'i'»
Comunicazione e ricezione del documente cristiano in epoca
tardoantica, Studia Ephemeridis «Augustinianum » 90, Roma
2004, p. 157-180
31
13. Théodoret, Lettre 1 à Jean d’Antioche, SC 429, p. 64,1. 39-49 (« Que ce
lui qui est le père de tels discours recueille donc de la malédiction de l’Apôtre
le fruit de ses peines et les gerbes venues des semences de l’hérésie *)•
14. Théodoret, Lettre 4 (Ms. Basiliensis IIIA 4) aux moines d’Euphratèsie,
d’Osroène, de Syrie, de Phénicie et de Cilicie (SC 429) ; la lettre est datée de
l’hiver 431-432.
15. Théodoret file longuement cette métaphore (ibid., 1. 4-28).
16. Lettre 4, ibid., p. 98,1. 28-32.
THÉOLOGIE et christologie
246
avec ses partisans comme « ceux qui ont été à l’origine de cette
situation »26, c’est-à-dire la division de l’Église, car il joint à cette
lettre tout un dossier : sa Lettre aux moines d’Orient, le Pentalogos,
le texte lu devant l’assemblée de Chalcédoine et son exposé aux
évêques. Il promet même de faire suivre ce premier envoi, s’il le
peut, de son traité Sur la Trinité et TIncamations écrit quelques
années plus tôt27.
31. Il rédigea une première apologie pour répondre aux attaques d’André de
Samosate contre ses Anathématismes {Explicatio pro duodecim capitibus aduersus
orientales episcopos, PG 76, 315-385 ; ACO I, I, 7, 33-65), puis une seconde
pour répondre à celles de Théodoret, précédée de sa Lettre à Evoptius {Aduersus
impugnationem duodecim capitum a Theodoreto éditant, PG 76, 385-452 ;ACO I,
I, 6, 107-146). Il éprouva même le besoin de rédiger de lui-même une troi
sième apologie de ses Anathématismes, en 431, tandis qu’il se trouvait en prison
à Éphèse {Explicatio duodecim capitum Ephesi pronuntiata, ACO I, 5, 116-142 ;
142-165 ; 15-25).
32. Cette lettre d’Acace à Cyrille est aujourd’hui perdue.
33. Cyrille, Lettre à Acace de Bérée {Casinensis 145), ACO I, 7, 147-150
(Festugière, Document 107, p. 626-632).
34. Acace, Lettre à Alexandre de Hiérapolis, ACO I, 7, 146 {Casinensis 144',
Festugière, Document 106, p. 625-626) ; Lettre à Théodoret, ACO I, i, 7, p. 147-
150 {Casinensis 145).
35. Théodoret, Lettre 9 à Acace de Bérée {Casinensis 149), SC 429 (p. 164,
1. 12 : in litteris qttae ab Alexandria directae sunt).
36. Ibid., p. 166,1. 13 s.
37. Voir ACO I, i, 7 (p. 146) et I, 4 (p. 92); cf. Festugière, Document 105,
p. 624.
THÉOLOGIE et christologie
250
56. Bien que Théodoret n’ait pas rappelé, sinon de façon très vague (« autres
propositions étrangères aux semences apostoliques »), l’anathématisme 9,
relatif à la procession de l’Esprit, il prend pourtant soin de noter que, dans
sa lettre, Cyrille affirme « que l’Esprit Saint ne tire pas son existence du Fils
ou n’existe pas par le fait du Fils, mais qu’il procède du Père, tout en étant
nommé propre au Fils en tant que consubstantiel ». Tous les anathématismes
dont fait mention la Lettre aux moines d’Orient (ep. 4, SC 429) sont donc ici
abandonnés par Cyrille.
57. La Lettre 22 à Helladius (ibid'., p. 246) insiste à vrai dire surtout sur ce
point, preuve évidente que la condamnation des erreurs de Nestorius et l’ac
ceptation de sa déposition constituaient l’obstacle majeur à la paix.
58. Ibidp. 246, 1. 27-28 (« nous avons accepté, parce que conforme à la
vraie foi, la lettre qui a été envoyée d’Égypte »).
59. Cf. Lettre 23 à Nestorius (ibid., p. 250 s.) ; pour justifier sa position et
se défendre d’apparaître comme un « polypode » ou un « caméléon » (ibid.,
p. 252, 26), Théodoret déclare n’avoir accepté « la lettre d’Égypte » qu’après
l’avoir soumise à un examen minutieux et l’avoir trouvée <« conforme à la vraie
foi *, « exempte de l’antique amertume de l’hérésie ».
60. Cf. Lettre 23 à Nestorius (ibid., p. 252, 1. 16-17 : « [Cyrille] responsable
des troubles du monde entier » [sieur totius mundiperturbation^ auctorem]).
61. Cf. Lettre 22 à Helladius (ibid., p. 246,1. 28 s. ; p. 249,1. 53-55 : « Notre
homme ... a réclamé un salaire pour l’orthodoxie de sa foi, et un salaire crimi
nel et qui ne convient qu’à des bêtes assoiffées de sang. »).
62 . Cf. Lettre 23 à Nestorius (ibid., p. 252, 1. 15-17 : « encore que j’en
LA RÉCEPTION ANTIOCHIENNE DES ÉCRITS DE CYRILLE 255
76. Ibid., p. 214, 1. 12-15. Théçphile d’Alexandrie est présent dans les Flo
rilèges II (57-58) et III (58) de YÉranistès (voir l’éd. de G.H. Ettlinger, Oxford
1975), Cyrille seulement dans le Florilège II, mais avec un beaucoup plus grand
nombre d’extraits (87-95).
77. Ibid., p. 214,1. 8 s. Théodoret évoque cette tradition patristique par rap
port à laquelle se situe son enseignement, en citant les noms d’AJexandre et
d’Athanase, les prédécesseurs de Dioscore sur le siège d’Alexandrie, et ceux
des Cappadociens, Basile et Grégoire - de Nazianze ou de Nysse, les deux
sont cités dans les florilèges de YEranistès -, mais sans leur donner ici l’impor
tance du rôle attribué à Théophile et à Cyrille, alors que les citations qu’il leur
emprunte dans les trois florilèges de YÉranistès ont bien évidemment la même
fonction.
78. Ibid.y p. 214,1. 15-216,1. 8. Le résumé qu’en donne Théodoret montre
bien la parenté qu’elles entretiennent avec les Anathématismes de Cyrille
(anath. 1 notamment), tout comme la réfutation qu’en font, selon lui, Théo
phile et Cyrille, correspond au contenu de la Lettre à Acace de Cyrille et de sa
Lettre * Laetentur caeli ».
79. La preuve apportée par Théodoret est en soi très forte, mais renvoyer
Dioscore à la lecture de YÉranistès, alors que l’ouvrage a sans aucun doute
beaucoup irrité Eutychès et ceux de son parti, avait quelque chose sinon de
provocateur, en tout cas d’imprudent.
80. Ibid., p. 216,1. 9-19. De cette correspondance entre Cyrille et Théodo
ret, rien ne nous a été conservé.
258 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
87. En 434, profitant de la concession faite par Jean d’Antioche pour réta
blir la communion entre les Antiochiens et Alexandrie. Théodoret (cf. supra
2, 2) avait conseillé en vain à Alexandre de Hiérapolis et à d’autres évêques
d’adopter le même parti.
88. Cf. Lettre 83 à Dioscore (SC 98, p. 214,1. 9 s.). On voit bien par ailleurs
que Théodoret cherche à se concilier Dioscore en manifestant son admiration
pour les évêques qui l’ont précédé sur le siège d’Alexandrie : « Alexandre et
Athanase, ces sublimes hérauts de la vérité, qui ont illustré votre siège apos
tolique *, les « bienheureux Théophile et Cyrille... ces hommes admirables »,
« Cyrille d’heureuse et sainte mémoire *, « Cyrille d’heureuse mémoire * ; en
quelques lignes, Théodoret accumule à dessein les épithètes louangeuses à
l’adresse des prédécesseurs de Dioscore.
89. Lettre 112 à Domnus d'Antioche (SC 111, p. 46 s.).
LA RÉCEPTION ANTIOCHENNE DES ÉCRITS DE CYRILLE 261
lliâiissssplls
de la teneur exacte des Anathématismes ; sinon aurait-il ocsa , , jnV0quer
en mémoire toute l’affaire (ibid.y p. 52, 1. 14 : ouvxopwç P ”7* pour lui un
la bonne foi naïve d’évêques « d’autres provinces^ » est Pc
moyen élégant d’instruire Domnus sans en avoir l’air.
93. Ibid.y p. 50,1. 5-12.
94. Ibid, y p. 50,1. 12 s.
95. Ibid.y p. 50,1. 19-20 ; 52,1. 10.
96. Ibid.y p. 54, 2-8.
262 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
Conclusion
99. Cf. Lettre 112 à Domnus d’Antioche (SC 111, p. 50, 1. 7-12). C’est de
Cyrille que les Orientaux ont toujours attendu des éclaircissements et le retour
à une position orthodoxe !
100. Dans le florilège dogmatique qui illustre la seconde partie du traité
(lnconfusus)iThéodoret cite en effet dix extraits de textes empruntes à Cyrille :
un extrait de sa troisième Lettre à Nestorius, deux de sa Lettre à Jean d’Antioche,
un de sa Lettre à Succensus, deux de son Commentaire sur l’èpître aux Hébreux et
trois de ses Scholies sur l’Incarnation. Ces cinq derniers textes ne sont du reste
connus que par cette tradition indirecte.
101. Les indications fournies par Théodoret permettent, en effet, de préci
ser la date de composition de ces deux écrits. Cyrille n’a guère pu les trans
mettre à Jean d’Antioche avant leur réconciliation en 433 ; or, Jean d’Antioche
264 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
meurt en 441. D’autre part,Théodoret n’en aurait pas fait l’éloge avant d’avoir
souscrit à l’Acte d’union, en 434.
102. La première allusion transparente à YEranistès et à ces écrits de Cyrille
se trouve dans sa Lettre 83 à Dioscore, datée de 448 (SC 98, p. 214-215). On ne
peut rien conclure de leur présence dans ce florilège dogmatique sur leur date
de composition par Cyrille.
Augustinianum 38 (1988), p. 603-630
32
L’EXÉGÈSE
DU BOUC ÉMISSAIRE (LÉVITIQUE 16)
CHEZ CYRILLE D’ALEXANDRIE
ET THÉODORET DE CYR
4 83V??98>P- 204.
5 Ad-216’11_1?'
coirrniuniauer^c^^01^1’ avait demandé à Jean d’Antioche de
principaux évêaues Ch *S * maîtres illustres de l’Orient », c’est-à-dire aux
qu’utilisait Cvrilif» J aont théodoret. La formule est sans aucun doute celle
?:*»«»:
ftSéi ?&gi&œ£M.
■iSrSgj;
L’EXÉGÈSE DU BOUC ÉMISSAIRE (LÉVITIQUE 16) 267
14. Cela tient sans doute à l’actualité du débat doctrinal qui provoque une
relecture christologique de l’Écriture. Origène, par exemple, ne reconnaît pas
une figure du Christ dans les deux boucs ; à ses yeux, ils représentent respecti
vement « ceux qui s’approchent du Seigneur » et lui appartiennent, autrement
dit ceux qui font le bien, et ceux qui, esclaves de leurs passions, se détournent
de lui et méritent d’être conduits au désert (Origène, Homélies sur le Lévitique,
SC 287, hom. IX, 3-4).
15. Les Glaphyres sont en quelque sorte un complément sur le mode du
commentaire exégétique, pratiqué en suivant l’ordre des livres bibliques, au De
adoratione (PG 68) qui se présente comme un dialogue.
L’EXÉGÈSE DU BOUC ÉMISSAIRE (LÉVITIQUE 16) 269
oiseaux, dont l’un était sacrifié, l’autre lâché dans le [610] désert
(àveïxai xaxà ttjv è'pYjpov)26. Mais sans développer davantage,
il conclut : « Ainsi de mille manières très claires, la Loi nous a
enseigné le mystère du Christ. »
La lettre 41 àAcace, « l’écrit sur l’émissaire », a les proportions
d’un véritable petit traité exégétique. Après la citation du passage
concerné du Lévitique, elle s’ouvre, elle aussi, par la réfutation
de l’interprétation « polythéiste » donnée par « certains » du
sacrifice des deux boucs27. Beaucoup plus longue que dans les
GlaphyreSy cette réfutation suit néanmoins à peu près le même
schéma. L’interprétation combattue est jugée là encore stupide
et ridicule, quand toute l’Écriture proclame l’existence d’un
Dieu unique. Cyrille développe ici avec des citations précises
(Is 42, 8 ; Dt 6, 13 ; Mt 4,10 ; Ex 20, 3 ; Dt 12, 1-3) l’argument
scripturaire invoqué dans les Glaphyres, rappelle à titre d’exemple
l’épisode du veau d’or (Ex 32, 7-8), celui du culte de Belphégor
(Nb 25, 1-9) et la punition divine qui a suivi ces pratiques : c’est
la preuve que Dieu ne consent pas à de tels sacrifices, et qu’à
plus forte raison il n’irait pas prescrire un sacrifice à parts égales
avec Satan. En revanche, Cyrille ne revient pas sur l’étymologie
d’« émissaire », sinon de manière très indirecte et diffuse.
L’exégèse typologique affirme d’emblée sa dimension chris-
tologique : les deux boucs sont la figure du Christ, du « seul
et unique Fils et Seigneur28 ». Cyrille explique alors méthodi
quement, avec une volonté de précision (àxpiGeta) affirmée,
comment le bouc offert pour le péché - image du pécheur, dans
la mesure où il est opposé à la brebis, image du juste (Mt 25,
31-33), animal stérile par opposition à la brebis féconde, et par
là figure de l’âme du pécheur - peut être une figure du Christ qui
s’est fait péché (2 Co 5,21) et victime pour les péchés du monde
(Is 53, 12, 5-6 ; 1 P 2, 24). On doit voir par conséquent dans le
bouc sacrifié l’Emmanuel subissant la mort dans sa chair pour
abolir la mort et le péché [611] (Ps 87,5) et dans le bouc relâché
(àcpiepévco) et laissé en vie, le même Emmanuel en tant qu’il
échappe à la mort par sa divinité, pour ressusciter et monter aux
deux. Au terme de son explication christologique, Cyrille insiste
à nouveau sur le fait que « dans les deux boucs était représenté
comme en peinture (ypacpôpevoç) le seul et unique Seigneur
Jésus-Christ dans la dualité de ses natures, l’une subissant la
mort, l’autre demeurant impassible et échappant à la mort ».
54. L’exégèse du rite d’expiation est donnée dans les Glaphyres à l’intérieur
d’un exposé de nature absolument identique : « Qu’Aaron ne pénétrait pas en
tout temps à l’intérieur du Saint des Saints » (PG 69, 580 A).
55. PG 80,328 BC ; Fernandez Marcos, 173, 15- 174,2. Il n’est pas impos
sible qu’au nombre de ces exégètes (xivéç), il faille mettre Théodore de Mop-
sueste qui répugnait peut-être à voir dans les boucs une figure du Christ, et
considérait, comme on le fait aujourd’hui, que le bouc émissaire était envoyé à
un démon (Azazel) habitant le désert, mais ce n’est bien sûr qu’une hypothèse.
56. D’après Théodoret, Symmaque dit : Elç Tpàyov àTtepxôpevov, (ocrce
àTcooTclXat aùxôv elç tyjv à7t07topnf)v, et Aquila : Elç xpàyov à7toXo6|J.evov
elç tt]v ëprjpov (PG 80, 329 A ; Fernandez Marcos, 174, 2-5). L’étymologie
retenue par Théodoret n’est pas tout à fait celle de Cyrille.
57. PG 80, 329 A ; Fernandez Marcos, 174, 8-11.
58. PG 80, ibid. ; Fernandez Marcos, 174, 11-17.
59. 'H ôé ye ëprjpoç tou Ôavdxou TU7toç (PG 80, 329 B : Fernandez Mar
cos, 174, 24-25).
L’EXÉGÈSE DU BOUC ÉMISSAIRE (LÉVITIQUE 16) 277
semblance avec Dieu (xïjç 0eüocç elxôvoç), cf. PG 83, 252 D ; Ettlinger, 209,
31-210,2.
68. « Mais le bienheureux Paul l’appelle ‘péché’ (2 Co 5, 21) et ‘malédic
tion’ (Ga 3, 13) », PG 83, 253 CD ; Ettlinger, 211,3-4.
69. Contre Julien, PG 76, 965 C et Ep. 41, PG 77, 209 B.
70. On peut considérer en effet que le « credo » de Cyrille et sa réflexion
méthodologique sur la typologie constituent deux développements à part.
71. PG 69, 589 A.
280 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
« Dans les deux boucs, comme je l’ai dit, était figuré le seul et
unique Fils et Seigneur Jésus-Christ, en tant que sa chair éprouvait
la passion, et qu’il échappait à la passion, qu’il était dans la mort
et au-dessus de la mort. Le Logos de Dieu continuait à vivre, bien
que sa chair sainte goûtât la mort, et il est demeuré impassible,
bien qu’il s’appropriât (otxeioûpevoç) la passion de son corps et
qu’il la fît monter jusqu’à lui (elç éairuôv àvatpépcov aùxô)85. »
Le second, à celle des oiseaux :
« Il est donc possible de voir, dans les oiseaux comme dans les
boucs, qu’il a souffert la passion dans la chair, selon les Écritures,
tout en demeurant au-delà de la passion. Et il est mort en tant
qu’homme (àv9pa)7uvwç), mais il demeurait vivant en tant que
Dieu (0eïxÔ)ç) : car le Logos était la vie. C’est pourquoi le disciple
plein de sagesse déclare qu’il a été mortifié dans la chair, mais
qu’il a été vivifié par l’esprit (cf. 1 P 3, 18). Du reste, même si par
sa nature propre, le Logos était exempt du fait de subir la mort,
cependant il s’appropriait (oIxeioûtoci) la passion de sa chair,
comme je l’ai déjà dit. L’oiseau demeuré vivant était teint dans le
sang [624] de celui qui était mort et rougi de son sang, et presque
comme s’il participait à sa passion (xoivwvŸjoav toû 7tà9ouç),
il était envoyé dans le désert ; car le Monogène Logos de Dieu
remonta dans les deux avec la chair qui lui était unie (évarôeiarjç),
et c’était dans les deux un spectacle étrange86. »
Ces deux passages expriment de manière parfaitement
orthodoxe le maintien de l’union de la personne au moment
même de la Passion, tout en faisant clairement apparaître la
nécessaire distinction des natures. L’exposé, dans sa termino
logie même et l’emploi du verbe olxziobodai notamment87, est
bien dans le droit fil de la doctrine et de la terminologie adoptée
après Éphèse au moment de l’Acte d’union. Un antiochien ne
pourrait qu’y souscrire pleinement. II trouverait peut-être seule
ment un peu curieux et piquant de voir Cyrille utiliser ici un
vocabulaire concret dont il a parfois suspecté le caractère ortho
doxe chez ses adversaires. Écrire, comme il le fait, que « le Logos
divin continuait à vivre » au moment où sa chair goûtait la mort,
que « le Logos était exempt » de la passion que subissait sa chair,
ou encore que « l’Emmanuel subissait la mort dans sa chair88,
seraient des formules qu’on ne manquerait pas de suspecter si
on les rencontrait après Éphèse chezThéodoret89. On trouvera
33
Résumé
Les lettres de Théodoret conservées dans les collections conciliaires et dans
la Coüectio Sirmondiana constituent des documents de premier ordre pour
l’historien de la crise nestorienne et de ses avatars. Elles ne concernent toute
fois que deux grandes périodes du conflit : celle du premier concile d’Éphèse
et de ses suites immédiates (431-435), et celle qui précède le concile de
Chalcédoine (448-451). L’histoire que permettent de retracer ces lettres est
donc fragmentaire et présentée d’un point de vue engagé, celui de l’évêque
de Cyr. Néanmoins l’importance de cette correspondance pour l’historien
tient au fait que Théodoret fut, depuis sa réfutation des anathématismes de
Cyrille contre Nestorius jusqu’au concile de Chalcédoine, l’un des principaux
acteurs du parti antiochien, constamment en première ligne pour défendre les
positions christologiques des Orientaux, d’abord contre Cyrille d’Alexandrie,
puis contre Eutychès et Dioscore. Son témoignage est donc particulièrement
précieux.
L’intérêt doctrinal de cette correspondance n’est pas moindre que son
intérêt historique. Aussi est-elle, de ce point de vue aussi, une contribution
importante à l’histoire de la crise nestorienne. L’étude en est donc menée
ici sous ce double aspect, événementiel et doctrinal. Fidèle aux positions
christologiques qu’il défend depuis le début du conflit, même si l’on peut
discerner une certaine évolution dans la manière de les exprimer, Théodoret
est loin pourtant de se trouver dans la même situation en face de Cyrille et
de Dioscore : véritable acteur du conflit contre Cyrille, il n ’en est plus que
le spectateur presque impuissant au temps d’Eutychès et de Dioscore. La
teneur et la tonalité de ses lettres s’en ressentent : la vigueur polémique de
290 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
[438]Abstract
Theodoret’s letters transmitted through the council collections and the
Collectio Sirmondiana are first-order documents for the historian of the
Nestorian crisis and its avatars. However, they concem only two main
periods of the conflict: the first council of Ephesus and its immédiate consé
quences (431-435), and theyears before the council ofChalcedon (448-451).
The history that can be written from those letters is thus fragmentary and
presented from a politically committed viewpoint, that of the Bishop of
Cyrrhus. Nevertheless the importance of this correspondence for the histo
rian rests upon thefact that Theodoret was, from the rime ofhis réfutation
of Cyril’s anathemas against Nestorius until the council of Chalcedon, one
of the main figures of the Antiochian party, constantly in the front line to
defend the christological positions of the Eastem Christians, first against
Cyril of Alexandria, then against Eutyches and Dioscorus. His letters are
thus particularly valuable.
The doctrinal aspect of this correspondence is not less interesting than its
historical aspect. Therefore, it is also an important contribution to the history
of the Nestorian crisis. This study aims A. T. this double aspect, descriptive
and doctrinal. Faithful to the christological beliefs with which he sides from
the beginning of the conflict, even if the zvay of expressing them changes
sloioly, Theodoret is yet far from being in the same situation with Cyril as
with Dioscoros; actually acting in the conflict against Cyril, he is only an
almost helpless spectator in the rime of Eutyches and Dioscoros. The content
and tone of his letters are affected; the polemical vigour of the first sériés,
denouncing the «heretical chapters» of Cyril, then progressively change to an
intense diplomatie activity to force those of his party to accept the union. But
the letters of the second sériés are almost ail apologeric, intended to démons-
trate his orthodoxy. These two sériés of letters form a kind of continuation of
his Ecclesiasrical History which ends just before the Nestorian crisis.
La Correspondance de l’évêque de Cyr constitue pour l’his
torien de la crise nestorienne une source de documentation
particulièrement riche. Pendant la vingtaine d’années qui
sépare le concile d’Éphèse (431) de celui de Chalcédoine (451),
Théodoret s’est trouvé presque constamment en première ligne
dans le conflit qui divisa alors l’Église, d’abord en face de Cyrille
d’Alexandrie, puis du patriarche Dioscore, son successeur, et de
l’archimandrite Eutyches de Constantinople, qui avait l’oreille
du pouvoir impérial. Évêque d’une modeste ville de Syrie,
LES LETTRES DE THÉODORET ET LA CRISE NESTORIENNE 291
cherche à gagner les foules à son parti en les éclairant sur la vraie
nature du conflit doctrinal et ses conséquences pour la foi. Le
contenu des « discours sur la foi »9 qu’il tient devant le peuple
n’est pas précisé ; très probablement Théodoret y développe
les thèses qu’il défend depuis le jour où Jean d’Antioche lui
a demandé de réfuter les anathématismes de Cyrille contre
Nestorius. La lettre qu’il avait jointe à l’envoi de sa réfutation
dénonçait déjà avec vigueur « les opinions fausses et hérétiques »
de Cyrille, les « paroles hérétiques » et les « blasphèmes » de ses
anathématismes, qui semblaient redonner vie à l’hérésie d’Apol
linaire et constituaient en tout cas « une pomme de discorde »10.
Au point que ce n’était pas Nestorius qui méritait l’anathème,
mais bien celui qui prétendait faire condamner l’enseignement
d’un homme resté fidèle « aux règles fixées par les hommes que
Dieu inspire » ! Selon toute vraisemblance, la prédication de
Théodoret devait donc reprendre ces deux thèmes : la réfutation
des anathématismes de Cyrille et l’injustice dont Nestorius avait
été victime11.
Le temps de la négociation
13. Cf. Ep. 5 (Coll. Cas. 129) Théodoret joint à cette lettre l’envoi d’une
copie de sa lettre aux moines d’Orient (Ep. 4) et d’un ouvrage dont on a tout
lieu de penser qu’il s’agit du Pentalogos ; il promet d’envoyer aussi un exem
plaire de son traité Sur la Trinité et ^Incarnation (ibid., 1. 234-246).
14. Une autre lettre, beaucoup plus brève, quelque temps plus tard (Ep. 8,
Coll. Cas. 136), semble avoir la même finalité (mais Théodoret peut avoir aussi
à rassurer les gens de son parti sur la fermeté de ses intentions au moment
où l’on commence sans doute à parler de négociations entre Jean d’Antioche
et Cyrille en vue de la paix) et témoigne des relations suivies entretenues par
Théodoret avec cette communauté « antiochienne * de Constantinople (saepius
scribentcs).
15. Dans cette même lettre (Ep. 7, Coll. Cas. 134), Théodoret attire aussi
l’attention de son métropolite sur le sort de Dorothée de Marcianopolis, mais
plus brièvement, car il lui transmet une copie de la lettre qu’il a reçue de l’inté
ressé. Voir YEp. 6 (Coll. Cas. 131) au comte Candidien en faveur de l’évêque
Théophane. Dans la plupart de ces lettres, Théodoret use,de la métaphore de
la « tempête » pour décrire l’état dans lequel se trouve l’Église au lendemain
du concile d’Éphèse : voir Ep. 2,1. 30-31 ; Ep. 4,1. 5 s. ; Ep. 6,1. 10-11 ;Ep. 7,
1. 20-21 ; Ep. 8,1. 19-20 ; Ep. 17,1. 27-28. 56-57 ; Ep. 18,1. 6-7. 12 s. 19. 73-
74 ; Ep. 22,1. 6 ; Ep. 29,1. 31-32.
296 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
16. Sur la réception des écrits de Cyrille en milieu antiochien, voir notre
article : « La réception antiochienne des écrits de Cyrille d’Alexandrie d’après
le témoignage de Théodoret de Cyr », in Communicazione e ricezione del docu
mente) cristiano in epoca tardoantica (XXXII Incontro di studiosi dell’antichità
cristiana, Roma, 8-10 maggio 2003), Studia Ephemeridis Augustinianum 90,
Rome 2004, p. 158-180.
17. Sur le rôle joué par Théodoret dans le rétablissement de l’union entre
Alexandrie et Antioche, voir notre article « Rétablir l’unité après la déchirure :
Cyrille d’Alexandrie et Théodoret de Cyr, des modèles pour le dialogue entre
les Eglises ? », in Les Pères de l'Église dans le monde d'aujourd'hui (Actes du Col
loque de Bucarest, octobre 2004), C. Bàdilità, C. Kannengiesser (éds), Paris
2005, p. 183-208.
18. Cf. Ep. 9 (Coll. Cas. 149) à Acace de Bérée.
19. Cf. Ep. 10 (Coll. Cas. 150) à André de Samosate et Ep. 11 (Coll. Cas. 155)
à Alexandre de Hiérapolis.
LES LETTRES DE THÉODORET ET LA CRISE NESTORIENNE 297
20. Cf. Ep. 11,1. 3-11. Dans toutes les autres lettres relatives au même sujet,
il adopte le schéma inverse : a) la lettre de Cyrille à Acace est jugée orthodoxe ;
b) souscrire à la déposition de Nestorius et le déclarer anathème est impos
sible.
21. Ibid y I. 18-19 ; cf. aussi Ep. 14,1. 5-7.
22. Cf. Ep. 12 (Coll. Cas. 159) et 13 (Coll. Cas. 160). Il demande du reste à
Helladius de certifier à Himérius qu’il n’a aucunement « trahi la foi ».
23. Cf. Ep. 14 (Coll. Cas. 161), 1. 3-4 : « Apparemment, je suis devenu sus
pect à ta Sainteté, qui croit que j’ai trahi la foi » et Ep. 15 (Coll. Cas. 170) où
Théodoret déplore qu’Alexandre ait accueilli aussi facilement la rumeur selon
laquelle il serait prêt à toutes les compromissions pour conserver son siège.
24. Cf. Ep. 16 (Coll. Cas. 175), 1. 23-27 : « Si donc la paix dont on parle se
maintient solide... ».
25. Théodoret dit avoir reçu une nouvelle lettre d’Himérius qui lui fait ce
reproche (ibid., 1. 41-43).
298 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
26. Sa lettre à Théosèbe de Cios (Ep. 17, Coll. Cas. 176) en apporte la
preuve.
27. Cf. Ep. 18 (Coll. Cas. 227) au peuple de Constantinople, 1. 30-35.Théo
doret et les Antiochicns ont toujours considéré que l’hérétique était Cyrille
et non Nestorius ; cf. aussi, ibid., 42-48 : « ces hommes qui ont enfin et dif
ficilement appris la vraie doctrine et à qui on a enseigné la règle et le canon
de l’Évangile, sont encore jusqu’ici pleins de malveillance à l’égard de celui-
là même [= Nestorius] qui les leur a enseignés et s’efforcent [...] d’attaquer
comme impie et ennemi celui qui les a délivrés de l’erreur et les a amenés à la
vérité... *.
28. Cf. Ep. 19 (Coll. Cas. 185) et 20 (Coü. Cas. 187).
LES LETTRES DE THÉODORET ET LA CRISE NESTORTENNE 299
37. UEp. 28 (Coll. Cas. 236) adressée par Théodoret à Alexandre est en réa
lité une réponse à la lettre de son métropolite.
38. Il s’agit de la lettre d’Helladius adressée àThéodoret et de celle d’Euthé-
rius, dont Helladius lui a fait tenir une copie (ibid., 1. 19-28).
39. Ibid., 1. 39-44. Théodoret se fait ici un peu « casuiste »> pour tenter de
convaincre Alexandre de la possibilité d’une réconciliation !
40. Sur cet engagement de Jean d’Antioche, voir sa lettre à Théodoret,
Coll. Cas. 10, ACOI, i, 4, p. 153-154.
41. Outre les trois lettres qu’il adresse personnellement à Alexandre de Hié
rapolis (Ep. 29, 33 et 34, Coll. Cas. 239, 254 et 256), il demande aussi à Mo-
cime, l’économe de l’Église de Hiérapolis (Ep. 32, Coll. Cas. 250) et à Nesto
rius lui-même (Ep. 35, Coll. Cas. 258) d’user de leur influence pour obtenir de
lui sa réconciliation avec Jean d’Antioche. Il tente la même démarche auprès
LES LETTRES DETHÉODORET ET LA CRISE NESTORIENNE 301
d’Helladius de Tarse (£/>. 30, Coll. Cas. 248) et de Cyrille d’Adana, dont il
sollicite l’intervention auprès d’Helladius (Ep. 31, ColL Cas. 249).
42. Cf. Ep. 36 (Coü. Cas. 258) à Jean d'Antioche.
302 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
45. Ainsi les Ep. 38-39, 54-56, 63 ; la formule utilisée par Théodoret dans
VEp. 63 (SC 98, p. 144) : «c’est là le prélude à l’apostasie générale» (rfy;
îtavreXoüç à7tooTacriaç 7rpooî[iiov) reparaît dans VEp. 125 (SC 111, p. 92,
13-14) ; elle est vraisemblablement empruntée à l’annonce du règne de TAnti-
christ précédant la Parousie en 2 Th 2, 3.
46. Cf. Ep. 107 au prêtre Thèodote (SC 111).
47. Cf. Ep. 81, SC 98, p. 198, 9-12; voir aussi Ep. 80, ibid., p. 188, 12-14.
48. Cf. Ep. 16, ibid., p. 60, 14-17. A l’époque où est écrite cette lettre, Cy
rille est mort; il serait donc inconvenant d’attaquer ouvertement sa mémoire;
ce serait également dangereux pour Théodoret, déjà astreint à résidence dans
son diocèse.
49. Ep. 83, ibid., p. 216, 9 s. Il faut ici tenir compte du fait que Théodoret
304 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
terroge sur son authenticité : cf. Ep. 79, p. 184, 4-13. et Ep. 80, p. 188, 19-27
(qui donne le texte de l’édit impérial).
, 63. Cf. Ep. 79, p. 186, 12-17 et Ep. 80, p. 188, 13-15. Les majheurs des
Églises de Phénicie sont une allusion transparente à la déposition d’Irénée.
64. Cf. Ep. 88 au patrice Taurus ; Ep. 89 au patrice Florent ; Ep. 90 au maître
Lupicinus ; Ep. 91 au préfet Eutrèque (nouvelle lettre) ; Ep. 96 au patrice Nomus ;
Ep. 97 au comte Sporacius ; Ep. 98 à Pancharius.
65. Cf. Ep. 82 à Eusèbe dAncyre ; Ep. 84 aux évêques de Cilicie ; Ep. 83 à
Dioscore d’Alexandrie ; Ep. 85 à l’évêque Basile ; Ep. 86 à Flavien de Constanti
nople.
66. Ep. 82, p. 200, 26-29. Il avait adressé auparavant une autre lettre à ce
même évêque, YEp. 109, où il se contente de résumer ses positions dogma
tiques, car il lui envoie par le même courrier son opuscule « sur l’incarnation
du Monogène ». Cette lettre est contemporaine de celles écrites au moment de
l’envoi d’une délégation d’évêques syriens à Constantinople, puisqu’elle fait
mention de cette ambassade (cf. infra).
67. Cf. Ep. 85, p. 224, 17-21. Il pensait pourtant avoir «pleinement ras-
suré » Dioscore par son Ep. 83 (Si’ ^pexépcov ypappàxcov).
308 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
trinales ne sont donc pas seules en cause. On devine la rivalité qui existe entre
les sièges : Antioche revendique pour elle une espèce de primauté sur Alexan
drie, parce que Marc n’est somme toute que le disciple de Pierre ; Constan
tinople a récemment obtenu que lui soit reconnue la préséance sur Antioche
et Alexandrie ; or Dioscore considère que les Antiochiens, en souscrivant aux
décrets de Proclus, ont trahi « les droits des Églises à la fois d’Antioche et
d’Alexandrie » (ibid., p. 230, 17-24). Rapprocher cette lettre de YEp. 113 au
pape Léon (SC 111) où Théodoret reconnaît au siège romain une espèce de
primauté sur tous les autres sièges.
72. Cf. Ep. 92 au patrice Anatole i Ep. 93 au patrice Senator ; Ep. 94 au préfet
Protogène ; Ep. 95 au préfet Antiochus ; Ep. 96 au consul Nomus (pourtant un
ami de Chrysaphe) 5 Ep. 99 à Vantigraphaire Claudien ; Ep. 103 au comte Apol
lonius. Ces évêques semblent avoir pour seule mission de justifier Théodoret
des accusations portées contre lui, ce qui tendrait à prouver qu’il reste toujours
le chef emblématique du parti antiochien. La teneur de toutes ces lettres est la
même et Théodoret reprend inlassablement les mêmes formules.
73. Cf. Ep. 106 à réconome Abraham et sa lettre à la diaconesse Celerina
(Ep. 101). Les Ep. 105,107 et 108 adressées à l’économe Euloge et aux prêtres
Théodote et Acace doivent appartenir, elles aussi, à cette même série de lettres.
74. Cf. Ep. 104. Il s’agit en réalité d’une seconde lettre de justification
adressée à Flavien par Théodoret, comme le mentionne le début de la lettre
(« une autre lettre »).
75. Cf. Ep. 100.
76. Cf. Ep. 14, SC 98 (pe Ôpapcïv oùx èâ xà Ôeapâ) . Cf. sa lettre de conso-
lotion à Eugraphie (Ep. 69, ibid.), où il invoque également l’excuse de sa réclu
sion à Cyr (xà xfjç àvâyxrjc; ôccrpà).
77. Cf. Ep. 100, SC 111, p. 18, 4 (xtôv Tcepitopiopévtov). Il fait, en effet, al
lusion dans plusieurs lettres à un possible exil (cf. Ep. 87 à Domnus d’Apamée ;
Ep. 97 au comte Sporacius ; Ep. 111 au patrice Anatole), pensant sans aucun
doute au sort d’Irénée.
310 théologie et christologie
L'appel à Rome
Abandonné par ceux qu’il croyait ses amis, mais qui ont
préféré, par lâcheté, approuver à Éphèse les anathématismes
qu’ils condamnaient il y a peu82, Théodoret, désespérant [456]
sans doute de trouver du soutien en Orient et de plus en plus
isolé, se tourne alors vers Rome. Le fait mérite d’être souligné,
car il y a là comme une reconnaissance de la primauté du siège
de Pierre ou, à tout le moins, du fait qu’il est désormais le seul
garant de l’orthodoxie. Par l’intermédiaire de ses chorévêques,
Théodoret fait parvenir à Rome plusieurs lettres pour représenter
à ses correspondants l’injustice dont il a été victime et solliciter
leur intervention en sa faveur auprès du pape83. L’une d elles est
adressée à Léon lui-même84 : Théodoret y fait l’éloge du Tome
à Flavien, dont il déclare partager pleinement l’enseignement
christologique, avant de dénoncer les agissements de Dioscore
lors du Brigandage d’Éphèse et de protester de sa propre or o
doxie en rappelant ce que furent jusqu’ici les vingt-six ans
« camé-
r 82. Ce sont de tels évêques que Théodoret qualifie de « polypes
83. ip.f'n ô'luprFtreRené fép. 117 à l'évêque Florent ]Ep.HSal archidiacre
de Rome.
84. Ep. 113 à Léon de Rome.
312 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
Lettres d'exil
Théodoret pouvait-il se faire beaucoup d’illusion sur la possi
bilité qui lui serait accordée de se rendre à Rome ? Dès la fin de
449, en tout cas, il envisage l’exil87 et s’apprête à quitter Cyr88.
Son activité épistolaire reste néanmoins soutenue, mais il est
souvent difficile de dire si ces lettres - adressées pour la plupart à
des évêques ou des clercs - sont expédiées de Cyr ou sont déjà des
lettres d’exil89. Ainsi en va-t-il de deux [457] longues lettres apolo
gétiques et doctrinales, l’une adressée aux soldats, l’autre aux
moines de Constantinople, qui ne contiennent aucune allusion
claire à sa situation personnelle90.
85. Dans « la sentence inique portée contre [lui] sans jugement », dont
s’afflige un de ses amis, Théodoret trouve paradoxalement un réconfort, celui
de n’avoir fourni à ses adversaires aucun motif juste d’accusation (cf. Ep. 9,
SC 98).
86. Cf. Ep. 119 au patrice Anatole (SC 111).
87. L'Ep. 125 à Jean de Gemtanicie, qu’Y. Azéma date de l’exil en Apa-
mène, pourrait bien avoir encore été écrite de Cyr. La manière dont Théodoret
évoque le déroulement du concile d’Éphèse, sa condamnation et celle d’autres
évêques, ou encore la réhabilitation d’Eutychès, invite à penser que l’on est
encore proche de l’événement, que ce n’est encore que « le prélude à l’apos
tasie générale » (ibid., p. 92, 13-14) ; quant à lui il se dit <« prêt à subir les exils
que l’on croit être terribles », mais qu’il acceptera volontiers (ibid., p. 98, 5-7).
88. Deux lettres adressées à des fonctionnaires impériaux - les Ep. 114 et
115 - ont pour objet de recommander un prêtre, qui est aussi médecin, que
le départ imminent de Théodoret incite à quitter Cyr, comme le font du reste
beaucoup d’autres (ttoXXoi ptèv xai ccXXot), solidarité avec l’évêque déposé ou
mesure de prudence ?
89. Par ex., Ep.t 120 à Lupicius ; Ep. 121 au patrice Anatole ; Ep. 122 et 123 à
Uranius évêque d’Émèse ; Ep. 127 à l’évêque Sabinien -, Ep. 128 au prêtre et archi
mandrite Job (l’allusion au <« décret de l’empereur qui [le] garde ici - èv9ctÔe —
prisonnier » pourrait se rapporter aussi bien au décret de relégation qu’à la
condamnation à l’exil) ; Ep. 129 au prêtre et archimandrite Candide ; Ep. 130 au
prêtre et archimandrite Magnus Antoninus ; Ep. 131 à l’évêque Timothée (citation
de Mt 25, 36 qui pourrait se rapporter à sa situation de « prisonnier » à Cyr) ;
Ep. 132 à l’archimandrite Longin de Dolichèe ; Ep. 133 à Ibas d’Édesse (Théo
doret déclare n’avoir pas pu trouver plus tôt un porteur pour sa lettre : sa
réclusion à Cyr ou son éloignement dans son monastère en sont-ils la cause ?).
90. Dans chacune de ces deux lettres (Ep. 145 et 146), pour conforter la
doctrine christologique qu’il défend contre les monophysites, Théodoret in
voque, outre l’argument patristique, l’autorité du pape Léon ; mais il peut faire
référence aussi bien à l’enseignement de son Tome à Flavien qu’au synode de
Rome qui a annulé les décisions d’Éphèse. Les passages cités d’un écrit de
Léon dans la Lettre aux soldats (dont l’adresse paraissait déjà fort suspecte à
Tillkmont, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique, tome XV, p. 305) sont
LES LETTRES DE THÉODORET ET LA CRISE NESTORIENNE 313
inconnus par ailleurs ; ils ne fournissent donc pas d’élément précis de data
tion. Selon Y. Azéma, ces lettres seraient probablement postérieures à la mort
de Théodose II, voire à la déclaration de nullité des décisions du Brigandage
d’Ephèse par le pape Léon.
91. V.g. Ep. 124 à Vavocat Marana ; Ep. 134 à Jean de Germanicie ; Ep. 139
au patrice Anatole ; Ep. 140 au consulaire et patrice Aspar ; Ep. 142 à Marcel, abbé
des Acémètes.
92. Cf. Ep. 138 à l’archimandrite Jean.
93. Cf. Ep. 139 au patrice Anatole (p. 142, 5-10). Voir aussi Ep. 134 à Jean
de Germanicie ; Ep. 142 à Marcel, abbé des Acémètes ; Ep. 144 au moine André de
Constantinople.
94. Cf. Ep. 138 à l’archimandrite Jean (p. 140, 20-22) ; Ep. 139 au patrice
Anatole (p. 146, 12-20). L’expression utilisée par Théodoret, dans YEp. 134 à
Jean de Germanicie (p. 128, 20-23), est vague LtEpi 8è xfjç cxùtôoe TtopEtaç) ;
fait-il allusion à un possible et prochain retour à Cyr, comme le pense Y. Azé
ma, ou à son éventuel départ pour le concile de Chalcédoine ?
95. Cf. Ep. 139 au patrice Anatole ; Ep. 140 au consulaire et patrice Aspar ;
Ep. 141 au maître des offices Vincomale. Théodoret demande à chacun de
transmettre ses remerciements à toute la famille impériale.
314 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
96. Cf. Ep. 136 à l'évêque Romule ; Ep. 138 à Farchimandrite Jean. Voir, dans
le même registre, Ep. 125 à Jean de Germanicie (ibid., p. 96, 24-98, 1-3).
97. Il adresse cette demande aux mêmes trois hauts fonctionnaires impé
riaux qui sont intervenus en sa faveur auprès de l’empereur (Ep. 139, 140,
Mi).
98. La même expression se retrouve dans les trois lettres pour désigner les
évêques qui participèrent au concile de 449 : ouvoÔov py] TtocXtv TCcpaYcmoiGjv
xai ouyxXuÔcov àv9pw7tcûv TtETcXrjptopévYjv (Ep. 139, p. 146, 1-2) ; pyj 7tàXiv
x&v OopuGelv dcoBôxcov tô ouvéôpiov Taparcévrcov (Ep. 140, p. 150,4-5) ; pfj
xûv Tapaxo7toiüv, 7tàXiv àv9pco7t(ov Ôiaxuxoovrcov tôv aûXXoyov (Ep. 141,
p. 152, 20-21).
99. La dernière lettre de la Colleciio Sirmondiana, VEp. 147 à l’économe
Jean, est datée par Y. Azéma, à la suite de Tillemont, du carême 451 ; mais
elle pourrait être plus tardive, si l’on identifie « le très sage archidiacre » dont
les déclarations monophysites sont à l’origine de la lettre, non pas avec Aétios
mais avec André j dans ce cas il faudrait situer la rédaction de la lettre entre le
début 453 et le printemps 454 et admettre qu’à ce moment-là Théodoret n’a
pas encore regagné Cyr. Voir sur la question, notre article : « Doit-on glorifier
le Christ ou le Fils Monogène ? La défense parThéodoretde Cyr d’une doxo-
logie incriminée (Ep. 147) *, Revue d'études augustiniennes et patristiques 51, 2
(2005), p. 327-356.
LES LETTRES DE THÉODORET ET LA CRISE NESTORIENNE 315
.
i,- . •• -V
Warszawskie studia teologiczne XX/2, Warszawa 2007, p. 117-129
34
UN NOUVEAU FRAGMENT
GREC DU PENTALOGOS
DETHÉODORET DE CYR
2. La rédaction, vers 447, de VEranistes uel Polymorphus (cf. éd. G.H. Ettlin-
ger, Theodoret of Cyrus, Eranistes, Oxford 1975 ; trad. anglaise, G.H. Ettlinger,
The Fathers of the Churh 106, Washington, D.C. 2003), rédigé vers 447, contri
bua sans aucun doute à accroître contre son auteur l’animosité d’Eutychès et
de ses partisans. Us allaient obtenir successivement, son confinement dans son
diocèse (448), puis sa déposition (449) par le second concile d’Éphèse, plus
connu sous le nom de « Brigandage », et enfin son exil en Apamène, dans le
monastère de Nikertai où il avait vécu ses premières années de vie religieuse ;
il y demeura au moins jusqu’en 451, date du concile de Chalcédoine. A partir
de 448, la plus grande partie de la correspondance de Théodoret témoigne sur
tout d’un homme sur la défensive, contraint de faire la preuve de son orthodo
xie, tout en continuant à dénoncer le monophysisme eutychien. Elle est en cela
d’une tonalité nettement différente de celle des années de lutte contre Cyrille,
conservée dans les collections conciliaires ; voir notre article (sous presse),
« Une contribution à l’histoire de la crise nestorienne: la Correspondance de
Théodoret de Cyr », in Correspondances, documents pour l’histoire de l’Antiquité
tardive (Actes du XXVT Colloque international, Lille 20-22 novembre 2003).
3. Voir Facundus d’Hermiane, Défense des Trois Chapitres, SC 471,478-479,
484 et 499. Dans son traité en douze livres, Facundus traite surtout de la
condamnation deThéodore de Mopsueste et d’Ibas d’Édesse, mais mentionne
à plusieurs reprises celle de Théodoret : Praef.y 1 ; II, i, 10-11 ; iv, 14.17 ; v, 2
{SC 471) ; IV, u, 23 (SC 478) ;V,ra, 1-5.10-11.13-14.16.19-20.23-24.27.29 ;
iv, 1 {SC 479) ; voir aussi Contra Mocianum 5 ; 12 {SC 499).
4. Voir n. l;
5. Ce traité en deux parties, conservé dans un unique manuscrit, le Vati-
canus gr. 841 (xiv'-xv* s.), a été édité, sous le nom de Cyrille, par le cardinal
Angelo Mai à deux reprises, d’abord en 1833 {Scriptorum Veterum Nova Col-
lecttOy t.VIII, p. 59-103), puis en 1844, accompagné d’une traduction latine
{Nova Patrum Bibliotheca, t. II, p. 32-74). Il a été restitué à son véritable auteur
par A. Ehrhard, uniquement à partir de la critique interne du texte du De
incamatione {Die Cyrill von Alexandrien zugeschriebene Schrift ein Werk Theodo-
rets von Çyrt«,Tübingen 1888), puis de manière définitive par E. Schwartz, à
partir du témoignage externe de son appartenance à Théodoret, fourni par la
Chaîne sur l’Evangile de Luc de Nicétas {Sitzungsberichte der Bayerischen Akad.
Der Wissetischaften Philos, -philol. Und hist. Klasse> Jahrgang 1922, 1. Abhand-
lung. I. Die sogenannten Gegenanaihematismen des Nestorius, II. Zur Schriftsteüe-
rei Theodorets, München 1922).
UN NOUVEAU FRAGMENT GREC DU PENTA LOGOS
319
6. Trois fragments grecs ont été conservés par la Chaîne sur Luc de Nicétas
(cf. PG 84, 68 D7-69 AC. 72 AB ; 72 B11-C ; 85 Al 1-B) et des extraits plus
nombreux en traduction latine dans la Collectif) Palatina (ACO1,5, n° 41,1-17,
; p. 165-169), sous le titre : Eiusdem Theodoreti ex praefatione librorum quinque
quos aduersum beatum Cyrillum Alexandriae ciuitatis antistttem sanctumque conci-
lium Ephesenum a quo Nestorius damnatus est, diabolo instigante conscribsit. Inter
cetera. Sous la même rubrique (n° 42, 1-3, p. 169-170) figurent trois autres
extraits provenant en réalité du De incamatione.
7. Au témoignage de la Chaîne de Nicétas, il faut ajouter celui de Sévère
d’Antioche dans son Contra impium Gratmnaticum III, I, 5. 6. 15 (CSCO 94,
p. 46 s.) et III, II, 30 (CSCO 102, p. 80) et celui de Marius Mercator (Colkc-
tio Palatina, ACO I, 5, n° 42, 1-3, p. 169-170).
8. Voir PG 84, 65-85.
9. Un inventaire complet de la Chaîne a été dressé par Ch.Th. Knkonis,
Sunagôgè Patérôn eis to kata Loukan euaggelion, Byzantitia keitnena kai meletai 9,
Thessalonique 1973. Pour des raisons de commodité nos références seront
données aux numéros de cet inventaire.
10. Voir Krikonis, n° 131, 537 et 760.
11. Le Vindob. Theol. gr. 71 et le Monac. 473.
320 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
21. Il s’agit d’un assemblage de plusieurs extraits cyrilliens (cf. PG 75, 1193
BC; 1197 D), présentant quelques divergences par rapport au texte du traité.
22. CLThéodoret, Discours a sur la Providence, PG 83, 745 C8-10.
23. Pour un repérage précis de ces extraits, voir S. Lilla, Codices Vaticani
graeci, op. cit., p. 119.
24. Le ton du discours, celui de l’exposé doctrinal, n’est pratiquement ja
mais polémique, si l’on excepte une mise en cause assez banale de ceux qui
font montre d’une « curiosité indiscrète » à l’égard de la Providence (PG 83,
764 A).
25. Très souvent, en effet, Théodoret interpelle de la sorte son adversaire,
qu’il s’agisse pour lui de contester une exégèse juive ou judaïsante ou les posi
tions doctrinales de l’adversaire. Voir notre étude, L'Exégèse de Théodoret de
Cyr, «Théologie historique #100, Paris 1995, p. 511, n. 122.
26. Voici, à titre d’exemples, quelques-unes de ces formules : « Comment
donc pouvez-vous dire que la divinité du Monogène a souffert... », « Qu’ils
nous disent donc les inventeurs de cette nouvelle théologie... », « Dites-nous
donc... ». De même, l’auteur cherche constamment à enfermer son adversaire
dans un raisonnement contraignant jusqu’à l’absurde qui lui interdit toute
réponse : « Donc, puisque vous dites... et que vous affirmez avec force..., de
nouveau je veux vous faire cette demande : Dites-vous que s’est produite une
union de la nature assumée et de la nature assumante sans confusion, ou bien
une espèce de mélange et de confusion... ? Si donc c’est la seconde hypothèse,
dites alors quel élément l’a emporté... » ; « Si donc le mélange ne concerne
pas des natures incorporelles, mais des corps..., qu’ils disent, ceux qui nous
obligent à dire cela, comment il peuvent prétendre que Ta forme de Dieu’ et Ta
forme de l’esclave’ se sont mêlées... ».
UN NOUVEAU FRAGMENT GREC DU PENTALOGOS
323
27. El toIvuv tocutyjç ô MovoyevTjç olôç xoù 0soO (tou 0eoG ont. Vat. gr.)
{lETexei, àTraO^ç èoxi otjXovôtl xal axpETtxoç xal àvaXXoîuxoç (Ambrosianus
gr. 1041, f. 126v, 8-10 ; Vaticanus gr. 2658, f. 214v, 7-8).
28. Eûpa xotvuv xal tpuX'hv Xoyixtjv xal voepàv oi)VT][i|i£va xal Çûvxa,
xt av xiç eIxôxcoç xaXéoslev rj ôrjXovôxt av0pto7rov, (Ambrosianus gr. 1041,
f. 126v, 23-25 ; Vaticanus gr. 2658, f. 215, 1-3).
29. Voir infra, p. 126 (328).
30. Oùxoùv EÙÔYjXov ôç où xpâotç ooÔè oùyxuoiÇ ‘tûv évo>0eioûv èyévsxo
(pùosttv, àXX' àaoyYOxoç ëvcoaiç xal ëjietvE xïfé évtôostoç où Xuojiévrjç
ExâoxYjç cpùoEcoç f) (okSxyjç àx^paxoç (Ambrosianus gr. 1041, f. 127, 16-19 ;
Vaticanus gr. 2658, f. 215v, 13-16).
324 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
48. 'H 0s6nrc TieptyevopévYj xifc àv9pw7TÔTrp:oç elç éaoTrjv rfy; èxeivrjç
pExrjyayE cpuaiv; Kai 7ttûç TtàXtv xàvavria SoÉ-oc^ete; Tô yàp toxopOTaxov
ôpûv ôttXov xai tô Ttpo^EipÔTaxov TtpôGXYjpa xai ô jiéyaç xaxa vfc aXrjQeiaç
auXXoytapôç, tô Kai o Aôyoç oàpÇ èyevero èartv. El Ôè aùxôç èyéveTO
cpuoei aàpl-, où rîjv oàpxa elç ty]v éauxoü (puoiv [iErrjyayEv. oAX' aùxôç
eIç tyjv exeîvyjç pETaGsQrjxev oùcn'av, où xoivuv pEjiÉvrjXEv àrc£pîypa7rco<;
eI Tpaitelç èyEVETO aâpH,- TtEptypaTrrrj yàp aurr) xai tôtcw xai xpôvcp. riûç
yàp àTpETTOÇ EixÔTwç ô TpoTTYjv Ù7top£Îvaç xXtjôeitj; (Atnbrosianus gr. 1041,
ff. 126v, 34-127, 3 ; Vaticanusgr. 2658, f. 215, 12-21).
49. Photius, Bibliothèque, cocL 46, op. cit., p. 31, 40-41.
^ 50. ’AXX' Tacoç oi xaxà tt\ç àX-qOEiaç xaxoxEYVEÎv £7UX£<-Poüvteç [icxà
yrjv èx VEXpûv àvàaxaoiv ptav àpcpco yEyEv^aoai xàç; cpùaEiç XéI-ouolv*
àTtaôouç yàp YEVopévYjç xai tî)ç àvQptüTtôxTjTOç xai <p9opàç à7iâo7j<;
ÈXEuOépaç, oùxetl xtipav Y) Ôiaipsotç, (prjoiv. exei. (Ambrosianus gr. 1041,
f. 129, 35-40 ; Vaticanus gr. 2658, f. 219v, 20-23).
51. «... en considérant cela dans l’unique Christ, nous reconnaissons les
propriétés de chaque nature et nous disons que les souffrances appartiennent
à la chair, tandis que nous croyons que l’activité miraculeuse appartient à la
330 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
divinité ; en opérant cette distinction par la pensée, nous ne divisons pas notre
unique Seigneur Jésus-Christ en deux Fils ou Seigneurs, mais nous recon
naissons la différence des natures et, en croyant que l’union s’est produite de
manière indissoluble, nous lui présentons une unique adoration (... xaôxa èv
tw évl ôewpoüvreç Xpiaxw, yvwpiÇopEv xà éxàaarr]ç cpùaewç l'ôia, xal xÿjç
(icv aapxôç cîvat xà 7tà9rj (papev, xfjç Ôè 0e6ty)toç xàç 0aopaxoopYiaç
rivai maxeùopev, xai xaûxa xfj emvoia ôiaipoüvxeç oux elç ôùo otoùç
y) xupi'ouç xôv ëva xùpiov rjpwvlïjooôv Xpioxôv pEpiÇopev, àXXà xwv
<pùaewv yvwpi'Çopev xô Ôiâipopov, xal xr^v evwaiv àÔiai'pExov yeyevfia9ai
7uaxeùovT£ç piav aùxû 7tpoa<pépop£V xyjv Ttpoaxovrjaiv. Cf. Ambrosianus
gr. 1041, f. 127, 27-33 (Vaticanus gr. 2658, f. 216, 2-8).
52. « C’était bien évidemment son humanité qui subissait la souffrance,
tandis que sa divinité n’en recevait aucune souffrance, mais s’appropriait la
souffrance, comme étant celle de son propre temple » (... xfjç àv9pco7tôx7ixoç
ÔTjXovôxi Tca9ouoT]ç, xijç Ôè Oeôttjtoç 7tà9oç pèv èxeîôev où oe^apévYjç,
oixEiwaapévYjç Ôè xô 7tà9oç cbç olxeiou vaoü... Cf. Ambrosianus gr. 1041,
f. 127, 37-39 ; Vaticanus gr. 2658, f. 216, 12-14).
53. C’est vrai surtout du terme « appropriation » : v.g. In Psal. 49, 5 : ô
xà xwv àv9p(6rcwv olxEioùpevoç 7râ9^ (PG 80, 1164 O ; In Is. 17, 56-58
(Is 53, 3) : Av9pco7toç èv 7tXyiyfj wv. ''EÔeiÇe vr\v cpuaiv xrjv ÔE^apévrjv xô
7ia9oç- xô owpa yàp xw oxaupw 7tpooy)Xw9r], yj Ôè Ôeôxyjç wxeioüto xô
7tà9oç (SC 315) ; Lv 19 : ...xfiç (ièv aapxôç èeÇapevriç xôv Ôàvaxov, tttç
ôè 0£Ôtt]toç olxeiwaapÉvrjç xo xfjç àv9pco7tôxY)xoç 7i:à9oç. (FM I, p. 170,
15-17) ; Iti 1 Cor. 15, 27-28 : ... xal xà yjpÉXEpa olxEioùxai ... xrjv xôxe
ÔTtoxayyjv olxeioùxai (PG 82 B. C) ; In Hebr. 2, 5-8 : ... àppôxxEt Ôè xfj
èÇ rjp&v àTtapxfj, wç olxeioupévfl xà nâor\(; rÿjç cpùoEiûç. Tà ôè YjpéxEpa
olxEioùpEvoç oxôjia xÿjç (pùoEwç yEyovev (ibid., 692 A) ; Eranistes, III :
Kal yàp èvxa09a ôpwjiEV xôv xfjç Oeôxyjxoç xal xfjç àv9pa)7tôxY]xoç xùixov,
rijç |ièv 0uoji£V7]ç, xfjç Ôè olxEioupévyjç xô 7tà9oç. (Ettlinger, 211, 22-24) ;
ibid., Dent, per syll. 10 : El ... (prjaaiev ôè (pùaei 7tE7tovüEvai xtjv aàpxa,
xôv Ôé ye 0eôv Àôyov wxEicàaôai xô 7tà9oç wç iôiaç aapxôç... (ibid., 263,
5-8) ; jDent, per syll. 16 : ... ôôùvyjv pèv èx xoü 7tà9ooç où ôexopevYj, xô
Ôè 7tà9o^ olxEicoaapévT), wç vaoù ye lôioo xal aapxôç Yjvcopévyjç... (ibid..
UN NOUVEAU FRAGMENT GREC DU
pENTA LOGOS 331
Annexe
le nature, et autre le temple, mais que les deux sont un seul Christ,
Détruisez [129] ce temple, dit-il, et en troisjoursje le relèverai, afin d’ensei
gner ainsi clairement que ce n’était point le Dieu qui était détruit mais
son temple, que la nature de celui-ci était compatible avec la destruc
tion, tandis que la puissance de l’autre relevait celui qui était détruit.
Sur VIncarnation, c. 18
(PG 75, 1452 BC)
"Exepoç Ôè ô xaxoïxrçaaç xaxà xôv Xôyov tfjç (puaecùç, xai exepoç
ô vaôç. Aiô xai xolç ’louôaioiç è'Aeye* Auoaze tôv vaôv toûtov,
xai èv zpioiv rjpépaiç èyepcô aùzôv. Auoiç ôè toû vaoù, t|>i>xfjç
xai owpaxoç y} ÔiàÇeuÇiç- Oàvaxoç yàp èaxi (J^xfjç ànà acopaxoç
àvaxwp-rjaiç- oùxoùv xtjv Auoiv xoû vaoü ô xfjç (|>i>x*ÏÇ èpyàÇexai
Xcopiapôç- el xoévov..., wç oùx àijjuxov oôôè àvoov, àAAà xeAeiov
av0pa)7iov ô 0eôç àveAà6exo Aôyoç- el yàp àvxi xfjç àfiavàxoo
(Jjuxijç, èv xâ) àvaXyj(p0évxi awpaxt, yéyovev ô 0eôç Aôyoç, ehtev ôcv
xolç ’louÔaioiç « Auaaxé pe, xai èv xpiaiv fjpépaiç àvaaxfjaopai • »
vûv Ôè ÔiÔàaxuv, xai xoû vaoû x6 xrçvixaüxa xô Gvrfuôv, xai xô
ôuvaxôv xfjç èvoixouoYjç ©eôrrçxoç, Aôoazs, tpyjoi, tôv vaôv toutov,
xai èv zpioiv rjpépaiç èyepco aùzôv' où yàp èyw, cpYjolv, ôcp' ôpcov
Xu0rjoopat, àXA' ô Ay](p0elç ùn èpoü vaôç.
Cependant, autre était celui qui a établi sa demeure selon
les normes de la nature <humaine>, et autre le temple. C’est bien
pourquoi il disait aux Juifs : Détruisez ce temple, et en trois jours je le
relèverai. Or, la destruction du temple, c’était la disjonction de l’âme
d’avec le corps : car la mort, c’est le retrait de l’âme loin du corps,
ainsi donc, la destruction du temple s’accomplit par la séparation
d’avec l’âme. Si donc..., ce n’était pas un homme sans âme et sans
intelligence, mais un homme parfait que le Dieu Verbe avait assumé.
Car si, au lieu de l’âme immortelle, c’était le Dieu Verbe qui s’était
trouvé dans le corps assumé, il aurait dit aux Juifs : « Détruisez-moi, et
dans trois jours je ressusciterai. » Mais en réalité, c’est pour enseigner
le caractère alors mortel du temple et la puissance de la divinité qui
l’habitait, qu’il déclare : Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai.
Car ce n’est pas moi, dit-il, que vous détruirez, mais le temple que j’ai
assumé...
35
7. Cf. ep. 87, SC 98, p. 232, 5-9. Autres références par allusion à Mt 5, 11-
i06,4-5w 131 (ibid->p-n2’
8. Cf. ep. 133 à lias d’Edesse, invité à adopter la même attitude à l’égard de
ses adversaires, après sa déposition par le concile d’Éphèse de 449 (SC 111,
p. 124,21s.).
9. Cf. ep. 81, SC 98 ; Théodoret y souligne qu’il s’agit d’accusations
anonymes (ibid., p. 192, 9-10).
10. Cf. ep. 82, SC 98, p. 204, 3-8. La citation peut avoir ici valeur de
reproche autant que de mise en garde : Eusèbe semble avoir été, comme
Domnus d’Apamée (ep. 87, ibid.) ou Basile de Sélcucie (ep. 102, SC 111), un
de ces évêques timorés ou versatiles, dont Théodoret aurait espéré un soutien
qu’il se voit oblige de leur réclamer.
11. Cf. ep. 146 aux moines de Constantinople (SC 111, p. 198, 25 s.), datée de
450/451 (cf. M. Richard, « Un écrit de Théodoret sur l’unité du Christ après
l’incarnation *, RSR 14 ( 1934 ), p. 34-61 [52]).
UNE LETTRE INÉDITE DETHÉODORET DE CYR
337
12. Cf. Lettre § 3, 8 ; Eran. III, Ettlinger, p. 220, 17-18 ; 255, 3-5. Sur
l’abandon progressif de cet argument polémique après l’Acte d’union (433),
voir dans ce volume notre article (n° 38) «Théodoret et le signe duTemple... »
13. Cf. Lettre § 3, 8 ; Eran. I, Ettlinger, p. 78, 15-16 ; 79, 14-15 ; III, ibid.y
p. 221, 21-22. Argument repris dans Vep. 146 aux moines de Constantinople
(SC 111, p. 188, 1 s.), datée de 450/451.
14. Comparer Lettre § 1 : otviapôv x6 ouxocpavxeîoOai. xai Xtav àviapdv
et ep. 69 : «Je sais certes que c’est une chose pénible, très pénible même, que
la séparation » (wç àviapôv ô x^piap-dç, xai Xiav àviapôv), SC 98, p. 150,
19-20 ; la lettre est datée par Y, Azéma de 448-449.
15. Cf. ep. 69 à Eugraphia (SC 98, p. 150, 1.6); il en est empêché par les
liens (0eop.dc) qui le retiennent à Cyr : « Mais puisque j’ai été, malgré moi,
empêché d’acquitter ma dette... »
16. Cf. ep. 14 à Alexandra (SC 98, p. 48,19 ; 52,18-19 : Ôeopà).
THÉOLOGIE et christologie
338
17. On pourrait également retenir la datation de 448 pour l’une de ses lettres
festales (ep. 5, SC 98), où il évoque les « tribulations » au milieu desquelles il se
trouve et l’espérance de la délivrance de ses peines (r/jv TtavreXi} tô>v àviccpôv
7tpour}vtjouot Àùotv).
18. Ep. 111,50 111, p. 44-47.
19. Ep. 87, SC 98, p. 232-235.
20. Sur cette affaire, voir J. Héfélé-H. Leclercq, Histoire des conciles II. 1,
Paris 1908, p. 490-498 ; C. Fraisse-Coué, « D’Éphèse à Chalcédoine : la ‘paix
trompeuse’ (433-451) », in Histoire du christianisme, t. 3 (éd. L. Pietri), Paris
1998, p. 39-40.»
21. Cf. ep. 87 à Domnus d’Apamée (SC 98, p. 232, 22 s.) ; ep. 111 au patrice
Anatole (SC 111, p. 44,2 s.).
UNE LETTRE INÉDITE DETHÉODORET DE CYR
339
i
340 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
suivie d’un exposé christologique, plus ou moins long, destiné à prouver son
orthodoxie, où figure presque toujours son refus de l’hérésie des « deux Fils * :
v.g. ep. 104 à Flavien de Constantinople (SC 111); ep. 109 à Eusèbe d’Ancyre
(ibid.).
27. V.g. ep. 4 aux moines d’Euphratésie... (SC 429), ep. 5 au peuple de
Constantinople (ibid.).
28. V.g. ep. 131 à Vévêque Timothée (SC 111), ep. 145 aux soldats (ibid.), ep.
146 aux moines de Constantinople (ibid.), ep. 147 à Véconome Jean (ibid.).
29. Cf. Expositio, De Trin. et incam., Haer. fab. V, 1-3.11-15) ; voir aussi
certaines de ses lettres « doctrinales » conservées dans les collections
conciliaires : v.g. ep. 4, 82 s. (SC 429) ; ep. 5,154 s. et 203 s. (ibid.). Le résumé
de foi trinitaire, même bref - une simple référence à la foi de Nicée peut en
tenir lieu (v.g. ep. 83, SC 98, p. 210, 10 s. ; ep. 84, ibid., p. 220, 23 s. ; ep. 86,
ibid., p. 226, 15-17 ; ep. 88, ibid., p. 234, 20 s.) -, centré sur la « théologie * du
Fils et la plénitude de sa divinité, est, en effet, le point nodal autour duquel
s’articule la christologie dualiste de Théodoret.
30. Cf. § 3,1 (ô)ç ev xetpaÂaÉcp).
UNE LETTRE INÉDITE DETHÉODORET DE CYR 341
3. Cf. ep. 21 à l’avocat Eusèbe, datée de 448-449 (SC 98, p. 68, 15-18 et
p. 74, 17-21).
4. L’espérance en la justice divine - « le tribunal du Christ, du Maître * - est
un thème récurrent dans les lettres écrites entre 448 et 450, et s’accompagne à
plusieurs reprises de la citation de Mt 5, 11-12, Rm 8, 18 ; 14, 10 ou 2 Co 5,
10 : v.g. ep. 21 (SC 98, p. 68, 19 s.) ; 79 (ibid.y p. 186, 20 s.) ; 80 (ibid.y p. 190,
18-19) ; 90 (ibid.y p. 240, 10-13) ; 91 (ibid.y p. 242, 1-10) ; 92 (ibid.y p. 244,
8-9) ; 102 (SC 111, p. 22, 16-17).
5. Image récurrente dans les lettres écrites entre 448 et 450, pour désigner
les troubles qui divisent l’Église et mettent à mal la foi orthodoxe. Sur cette
métaphore dans la correspondance de Théodoret, voir notre article « Une
contribution à l’histoire de la crise nestorienne : la Correspondance de Théo
doret de Cyr », in R. Delmaire, J. Desmulliez et P.-L. Gatier (éd.) Correspon
dances. Documents pour l’histoire de l’antiquité tardive, Lyon, p. 437-459 [448 s.].
6. La même idée est reprise quelques lignes plus bas § 1, 3 (« Nous nous
lamentons et nous gémissons sur ceux qui s’attirent volontairement ce
dommage... ») et encore § 1, 6 (« le tort qui vous est fait * : cf. aussi, ep. 133 à
Ibas d’Edesse (SC 111, p. 124, 21 s.) et Introd., p. 336, n. 8.
344 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
7. Tel semble être le cas des destinataires de notre lettre (cf. infra § 1, 6 ;
4j 1)-
8. Même citation, introduite en des termes voisins, dans Yep. 82 à Eusèbe
d’Ancyre (SC 98, p. 204, 7), datée probablement de décembre 448 : « ...per
suade les langues déchaînées qui nous outragent... de ne pas croire à notre
sujet les mensonges qu’ils ont entendus de la bouche de mes calomniateurs,
UNE LETTRE INÉDITE DETHÉODORET DE CYR 345 :
I
conscience me rend témoignage dans l’Esprit Saint que j’ai un grand :
chagrin et une douleur incessante dans le cœur. J’aurais souhaité, en
effet, être moi-même anathème, séparé du Christ pour mes frères, ma
parenté selon la chair, eux qui sont Israélites% et la suite. 3. Ainsi
donc, nous aussi, qui souhaitons suivre la route tracée par les
saints et qui, en <vrais> disciples, nous efforçons de marcher à la
suite du Maître, nous nous réjouissons d’entendre les calomnies
lancées contre nous au sujet des dogmes de la piété, mais nous
nous lamentons et nous pleurons sur ceux qui s’attirent volon
tairement ce dommage et se font du tort à eux-mêmes, surtout
sans avoir jamais discuté avec nous ni s’être enquis de ce que
nous pensons7, et qui, pour le dire avec le prophète, ont déchaîné
leur langue contre nous [f. 190], alors même qu’ils auraient dû
obéir aux prescriptions de la loi ancienne : Tu n’accueilleras pas
un vain bruit18 et Tu ne porteras pas contre ton prochain un faux
témoignageg, et redouter également la menace formulée par le
Maître dans les Evangiles : Pour une parole sans portée, est-il dit,
vous aurez à rendre compte en ce jour-làh9.
4. Toutefois, si ces enseignements sont parfaits, divins et trop
élevés pour eux, ils devraient du moins obéir à Nicomède qui,
sans avoir encore goûté à la perfection mais toujours nourri au
lait du judaïsme', disait à ses frères de race : Notre Loi condamne-
t-elle un homme sans qu’on l’entende d’abord plaider sa cause et
qu’on sache ce qu’il faiV 10 ? Et pourquoi parler de Nicodème,
le docteur juif* ? Il leur suffirait d’avoir égard aux paroles de
Festus11. Malgré le culte qu’il rendait aux idoles et la maladie de
mais d’obéir au Législateur qui s’écrie... » et encore à la fin de Yep. 146 aux
moines de Constantinople (SC 111, p. 200, 1-5), datée de 450/451, oùThéodoret
demande à ceux qui ont trop facilement accueilli les mensonges et calomnies
répandus contre lui de prêter au moins l’une de leurs deux oreilles à l’accusé
(cf. ep. 80, SC 98, p. 190, 5 ; 91, ibid., p. 242, 1-3).
9. La citation de Mt 12, 36 n’est qu’approximative ; le texte reçu est le
siüvant : Ttàv àpyôv ô XaXyjoouotv oi àv9pcoTcot, àKoôcoaouoiv Tcepi
aùxoü Xôyov Yjpépa xptaewç.
10. Pour mettre un terme aux calomnies répandues contre lui, Théodoret,
confiné à Cyr, ne cesse de réclamer, notamment auprès des magistrats impé
riaux, d’être confronté à ses accusateurs et de pouvoir se défendre publique
ment : v.g. ep. 79 au patrice Anatole (SC 98, p. 186, 2-4) ; ep. 80 et 91 au préfet
Eutrèque (ibid., p. 190, 4-15 ; p. 240, 24 s.) ; ep. 81 au consul Nomus (ibid.,
p. 192) ; ep. 89 au patrice Florent (ibid., p. 238, 7-11) ; ep. 90 au maître Lupici-
nius (ibid., p. 240, 2-8) ; ep. 94 au préfet Protogène (ibid., p. 246, 18-22). Toutes
ces lettres sont datées de l’année 448. Il élève la même protestation après sa
condamnation in absentia au concile d’Éphèse de 449 dans une autre série de
lettres (cf. ep. 113, SC 111, p. 62, 1 s. ; 119, ibid., p. 78,4 s. ; 139, ibid., p. 142,
10 s.; 146, ibid., p. 200, 3-5).
11. Cf. ep. 81 au consul Nomus (SC 98), datée d’avril 448 et Introd., p. 336,
n. 9.
346 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
13. Tel serait ici le cas des deux correspondants deThéodoret (cf. Lettre § 4).
Manque de discernement, pusillanimité ou versatilité semblent pareillement
avoir été le lot de plusieurs de ceux sur lesquels Théodoret pensait pouvoir
compter. Ce sont sans doute de telles raisons qui lui font déplorer le silence
prudent de l’évcque Eusèbe d’Ancyre (ep. 82, SC 98, p. 198, 20 s.), pourtant
prié de « ne pas prêter l’oreille aux mensonges des délateurs * (ep. 109, SC 111,
p. 34, 22-25), ou celui de Domnus d’Apamée (ep. 87, SC 98, p. 232, 5 s.).
14. Par rapport au textus receptus de Lm 1,8 (ctpapriav jjpapTSv), la variante
ôcpocpria pourrait témoigner en faveur de l’utilisation parThéodoret d’un texte
« lucianique » (cf. L 51 : J. Ziegler, leremias, Gôttingcn 1957, p. 469).Toutefois
le verset est cité sous sa forme habituelle dans son In 1er. (In Thren.> PG 81,
781 CD), nonobstant une autre variante (YjnàprrçxEV au lieu de rjpaprev) ;
seule une édition critique de ce commentaire permettrait de s’assurer de la
forme textuelle connue de Théodoret. D’autre part, la variante eiç aXoya est
manifestement une mélecture du copiste ou de son modèle.
348 théologie et christologie
18. Comme dans d’autres lettres sensiblement contemporaines (v.g. ep. 81,
SC 98, p. 196, 19-24 ; ep. 82, ibid., p. 202, 12-15 ; ep. 82, ibid., p. 218, 14-15 ;
ep. 113, SC 111, p. 62, 22-64, 3 ; ep. 116, ibid., p. 70, 25-27), destinées à four
nir la preuve de son orthodoxie, Théodoret aime à rappeler sa lutte contre les
païens, les juifs et différents groupes hérétiques. Des différents traités qu’il dit
avoir composés contre eux, seule nous est parvenue son apologie adressée aux
païens,(la Thérapeutique.
19. Écho d’Ac 11, 26, bien qu’il ne s’agisse plus ici d’un nom imposé de
« l’extérieur» aux disciples du Christ, mais revendiqué par les chrétiens eux-
mêmes. Comparer, d’un point de vue formel, cette affirmation de fidélité à la
foi de Nicée avec celle de sa lettre aux moines d’Euphratésie... (ep. 4, 82-85,
SC 429), datée de l’hiver 431-432.
20. Déjà brièvement produite dans son traité De Trin. 10 (PG 75, 1160 A),
cette argumentation à partir d’He 1, 3, destinée à prouver à la fois contre les
ariens la consubstantialité et la coéternité du Fils avec le Père, et contre les
sabelliens et autres modalistes, la réalité effective de sa personne, est également
développée, sans grande variation, dans son In Hebr. (PG 82, 680 D-681) et
dans VHaer. fab.V, 2 (PG 83, 452 B-453).
THÉOLOGIE et christologie
350
b. cf. Jn 1,1 s.
(éd. J.C.T. Otto, Iustini philosophi et martyris opéra quae ferumur omnia, t. III,
Iéna 1880, p. 30, 7 s.), où l’image de la lumière permet à l’auteur d’établir à
la fois, mais sans référence à He 1, 3, la coéternité, l’identité de substance et
l’impassibilité de la génération du Fils. Sur l’utilisation de ces analogie dans
le discours triadologique, cf. M.-O. Boulnois, Le Paradoxe trinitaire chez Cyrille
d'Alexandrie, Paris 1994, p. 121 s.
24. L’argument tiré de la relation existant entre l’appellation de Père et celle
de Fils pour affirmer la coéternité du Fils avec le Père est depuis longtemps
devenu traditionnel dans le discours trinitaire : cf. M.-O. Boulnois, Le Para
doxe trinitaire, op. cit., p. 387 s.
25. Même comparaison utilisée en Haer. fab. V, 2, {ibid., 453 A7'14;
cf. 452 C8'1 °) pour souligner le caractère impassible de la génération du Fils.
Cf. le recours à une analogie voisine, dans les Quaest. in Gen. (QG 20, éd.
N. Fernandez Marcos - A. Saenz-Badillos, Madrid 1979, p. 26, 19-27, 5),
pour établir un parallèle, dontThéodoret souligne toutefois les limites, entre la
production de la parole chez l’homme {nous, logos, pneùma) - créé à l’image de
Dieu - et la génération du Fils par le Père et la procession de l’Esprit.
THÉOLOGIE et christologie
352
M.-O. Boulnois, Le Paradoxe trinitaire, op. cil., p. 511-529 (voir aussi SC 429,
p. 102, n. 1 et p. 145, n. 4). En s’en tenant donc strictement à l’affirmation
johannique (èx7topeûei:a0>Théodoret se contente ici, comme déjà dans le De
Trin. 19 (JPG 75,1176 C) d’affirmer que l’Esprit procède du Père ; dans YHaer.
fab. V, 3, où figurent les deux mêmes citations, il n’est même pas question du
« comment » (PG 83, 456 A).
28. Noter que cette profession de foi nicéenne s’achève sur le mot homoou-
sios, devenu la pierre de touche de l’orthodoxie.
29. Sur la brièveté que doit respecter une lettre du genre, voir infra n. 56.
30. Le texte de Ph 2, 5-9 est l’un de ceux qu’invoque le plus volontiers
Théodoret pour légitimer sa christologie dualiste et expliquer - il le fait un peu
plus loin (§ 3, 6) - le sens véritable de Jn 1, 14, abusivement interprété, selon
lui, par les monophysites ; cf. De incam. 9-10 (Pj 75, 1428 B-1433 B) ; Erati. I
(éd. G.H. Ettlinger, Oxford 1975, p. 89, 26-90, 18) ; In Philip. (PG 82, 569
B-572 A) ; ep. 116 (SC lll,p. 72, 9-11), ep. 126 (ibid., p. 102, 7-11), ep. 131
(ibid.y p. 114, 16-19), trois lettres probablement postérieures à la nôtre.
354 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
à7t07tXy]poî tô XPÉoç xal tyjv <pùoiv èXeo9epoi (PG 83,753 C ; cf. aussi, ibid.,
756 D. 760 B).
34. Le récit des tentations du Christ fait l’objet d’un commentaire assez
proche dans le De incam. 13 (PG 75, 1437 D-1440 A) et dans le Discours X
sur la Providence (PG 83, 752 B-753 A). L’accent y est toujours mis sur la
victoire remportée par la nature humaine assumée par le Christ - une huma
nité parfaite - et non sur sa divinité demeurée « cachée » : la victoire est celle
de l’homme, nouvel Adam, pour signifier aux hommes qu’ils ont, eux aussi,
désormais la capacité de remporter une victoire semblable sur le diable, en
usant comme le Christ de leur raison et de leur libre arbitre.
356 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
43. V.g. développement voisin dans Yep. 4 aux moines d’Euphratésie... (Ms.
Basiliensis 111A 4), 1. 236 s. (SC 429).
UNE LETTRE INÉDITE DETHÉODORET DE CYR 361
3, 143 (tô) ëxov scripsi : (tô) è'xcov cod. || 148 7rapaÔcôaei cod. || 151
èxxuvôpevov cod.
47. Ces lignes, qui s’achèvent sur l’affirmation de l’unité d’adoration ren
due au Christ (contre la co-adoration professée par Nestorius) offrent un bon
résumé des positions christologiques de Théodoret.
48. Son rejet appuyé d’un vocabulaire concret est une manière de prouver
qu’il distingue deux natures et non deux personnes. Sur son abandon des
formules concrètes après 431, cf. M. Richard, «Notes sur l’évolution
doctrinale de Théodoret », op. cit. ; la correction (§ 3, 7,1. 19) de exwv en *X0V
paraît donc s’imposer ici.
49. Il s’agit très probablement ici de Grégoire de Nazianze {Lettre à Clèdo-
nios I, 10 : SC 208) ; toutefois Théodoret ne parlerait plus, comme Grégoire
à son époque, de sunkrasis pour désigner l’union, car pour lui toute idée de
mélange suppose nécessairement un changement. Sur l’identité de ce Gré
goire, voir infra n. 57.
UNE LETTRE INÉDITE DETHÉODORET DE CYR
363
175 10. Atà xoüxo xal ô xoptoç rcepl pèv xoü 7tà0ouç
’louôatotç ÔtaXsyôpEVOÇ avOptorcov éauxôv covôpaÇe* Tl
yâp, (priai, ÿrjxeïxe pe ànoxxelvaL, âvÔpconov ôç xr\v
àÀrjdetav ùplv À£ÀâÀr]xa rjv rjxouoa napà toü deoùgg\
©aupaxoupyûv 8e ulôv éauxôv 7ipoaayop£U£t 0eoü-
180 Elpyjxôxcov yàp xcôv ’louôatwv* riepi xaÀou ëpyoo où
ÀidâÇopév os âÀÀà nepi pÀaocprjpi'aç, ôtl où âvdpcmoç
ôv noieïç oegcutôv deôvh\ à7tsxptvaxo ô xuptoç Xéycov
’Ev tù) vôpcp ùpôv yéypanxav ’Eyô etncr Ssol èoxén.
El ouv exelvouç sine deoùç npàç oüç ô Àôyoç xou Oeoù
185 èyévexo xal où ôuvaxai ÀuOfjvaL rj ypacprj, ôv 6 naxrip
fais pas les œuvres de mon Père, ne me croyez pas ; mais si k Tes
fais, quand bien même vous ne me croiriez pas, croyez en ces œuvres
afin que vous sachiez et que vous croyiez que je suis dans le Père et
le Père en moi”. Et après s’être donné ici le nom de Fils de Dieu,
en mettant en avant ses miracles, il se nomme Fils de l’homme,
quand il parle aux disciples de sa Passion : Voici, dit-il, que nom
montons à Jérusalem et que le Fils de Vhomme sera livré aux mains
des hommeskk. Ainsi donc, le même est Fils de Dieu et Fils de
l’homme, mais non au même titre ; le même est à la fois homme
et Dieu, mais non au même titre55. Le même a dormi dans la
barque et apaisé la mer déchaînée11, [f. 194], mais non au même
titre ; le même a ressuscité des mortsmm et reçu la mon, mais le
même a subi l’un en tant qu’homme, tandis qu’il a opéré l’autre
en tant que Dieu. C’est pourquoi nous disons que l’un relève
de son humanité, tandis que l’autre est le signe propre de sa
divinité.
4. Voilà ce que j’ai été contraint présentement d’écrire à
votre Piété, autant que le permettent les limites d’une lettre56,
parce que j’ai appris que vous n’avez pas fait mention de nous de
propos délibéré, mais si Dieu nous accorde la possibilité d’une
rencontre mutuelle, nous chercherons à persuader plus longue
ment votre Piété qu’il est tout à fait impie d’attribuer à la nature
divine la souffrance de la croix et de la mort ; mais si vous fuyez
réellement ce blasphème, ne croyez pas non plus que les deux
natures sont devenues une seule : car de cela précisément tout
dépend. En effet, si les natures ont été confondues et si une seule
nature est résultée des deux, la nature divine a donc souffert et
a perdu son impassibilité ; mais si elle n’a pas souffert, elle est
restée ce qu’elle était et elle a donc conservé aussi à la nature
assumée le caractère sans mélange qui lui était propre.
59. Jean Chrysostome évidemment, tenu ici pour un nouveau Jean Baptiste
en raison de sa parrhèsia à l’égard du pouvoir impérial.
60. Comparer cette liste de docteurs, produits comme autant de garants de
son orthodoxie, avec celle de Yep. 146 aux moines de Constantinople, datée de
450 (SC 111, p. 188,24-190, 29) et celle du Quod unicus sit Filius (PG 83,1433
A-1440 D) : voir à ce sujet, M. Richard, « Un écrit deThéodoret sur l’unité du
Christ après l’incarnation », RSR 14 ( 1934 ), p. 34-61 ; cf. aussi ep. 83 (448)
Dioscore d’Alexandrie (SC 98, p. 214, 8-15) et ep. 89 (sept.-oct. 448) au patrice
Florent (ibid.y p. 214, 8 s.).
61. Argument a fortiori. Il s’agit ou bien de la lettre à Acace (Synodicon LV-
LVI) transmise à Alexandre de Hiérapolis et àThéodoret (cf. ep. 86 à Flavien>
datée de sept. 448, SC 98, p. 226, 13) ou de la lettre Laetentur caeli, qui rétablit
la communion entre Alexandrie et les Orientaux.
62. Une manière de souligner que les positions qu’il défend sont anciennes
et qu’elles n’ont jamais varié ; autrement dit : s’il déclare n’avoir jamais pro
fessé deux Fils, mais toujours confessé l’union indissoluble de deux natures
distinctes en un unique Seigneur, le Christ, objet d’une unique adoration, son
discours ne doit rien aux circonstances ou au calcul.
63. A quels écrits de Cyrille, Théodoret fait-il allusion, Yep. 40 à Acace de
Mélitène (.ACO I, l, 4, p. 20-31 ; PG 77, 181 D-201 B) ou son Ecrit sur l’émis
saire (= ep. 41 à Acace de Scythopolis : ACO I, i, 4, p. 40-48 ; PG 77, 201 B-221
A), mentionné par Théodoret dans son ep. 82 (448) à Dioscore (SC 98, p. 216,
370 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
4. b. Ga 5j 15
UNE LETTRE INÉDITE DETHÉODORET DE CYR 371
.
.
■
•-
-•
Les Pères de l3Église dans le monde d'aujourd'hui, Paris 2006, p. 183-208
36
12. Voir Cyrille, ep. 1 à Nestorius ; cf. ACO I, i, 23-25 ; Festugière, Docu
ment 2, § 1, p. 45 : « Des hommes vénérables et dignes de foi sont arrivés à
Alexandrie et m’ont rapporté que Ta Piété est vivement irritée et remue ciel et
terre pour me fâcher. Et comme je voulais apprendre le motif du chagrin de Ta
Piété, ils m’ont dit que certains des Alexandrins font circuler la lettre que j’ai
écrite aux saints moines et que c’est là le motif de ta haine et de ton chagrin ».
13. Peut-être pour ménager la susceptibilité de Nestorius, Cyrille feint de
croire que ces écrits hérétiques lui ont été abusivement attribués (ibid., § 2 :
« certains mots qui ont été prononcés par Ta Piété ou qui ne l’ont pas été », « ce
qu’a dit Ta Piété ou ce qu’elle n’a pas dit, car je n’ajoute pas grande foi aux
papiers qui circulent ») ; de même, dit-il, le pape Célestin l’a interrogé pour
savoir si ces propositions étaient ou non les siennes (ibid., § 3).
14. Ibid., § 3-4. Cyrille se dit prêt à tout supporter pour la défense de
l’orthodoxie et récuse par anticipation les accusations qu’on pourrait porter
contre lui, sous prétexte que sa doctrine de l’Incarnation est récente et que sa
critique de Nestorius est seulement conjoncturelle.
15. ACO I, i, 25 ; Festugière, Document 3, p. 47.
16. ACO I, i, 25-28 ; Festugière, Document 4, p. 48-51.
378 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
17. Ibid., § 6 ; Cyrille refuse qu’on parle d’« une union de personnes » (§ 7),
car ce serait « tomber dans l’erreur de dire qu’il y a deux Fils ».
18. Ibid., § 7 ; une seconde fois, Cyrille parle d’« union selon l’hypostase ».
19. ACOI, i, 29-32 ; Festugière, Document 5, p. 52-56.
20. Nestorius déclare vouloir laisser de côté « les injures de ton étonnante
lettre » (ibid., § 1), mais cela ne peut s’entendre que de la première lettre de
Cyrille ; dans la seconde au contraire, Cyrille ne met en avant que la charité
fraternelle.
21. Ibid., § 7 ; ce seront des accusations récurrentes portées contre Cyrille
par les Antiochiens.
22. Nestorius file la métaphore médicale tout au long de sa lettre (ibid.,
§ 1 : les injures de Cyrille « ne méritent que la patience d’un médecin » ; § 2 :
♦ si tu prêtes l’oreille à ma médecine fraternelle... » ; § 7 : « esprit égaré, esprit
malade »).
23. Ep. 3 à Nestorius : ACO I, i, 33-40 ; Festugière, Document 6 A, p. 57-65.
RÉTABLIR L’UNITÉ APRÈS LA DÉCHIRURE 379
2. La « pomme de discorde »
C’était surtout très maladroit. La réaction d’amour-propre
de Nestorius à cette mise en demeure fut conforme à celle qu’on
pouvait attendre28 : il ne daigna même pas répondre à Cyrille.
Il n’écouta pas davantage, semble-t-il, [190] les conseils que lui
donnait, avec beaucoup de déférence et une gêne manifeste,
l’évêque Jean d’Antioche29. Cependant l’affaire avait pris désor-
24. Cyrille est de fait « mandaté » par le pape Célestin pour obtenir de Nes
torius qu’il anathématise ouvertement l’enseignement qu’il dispense (ibid.y
§ 2) ; cf. Lettre de Célestin à Nestorius (ACO I, I, 77-83 ; Festugière, Document
10, p. 116-124).
25. Ibid.y § 2 ; Cyrille ne fait en cela qu’adopter la même position que le
pape Célestin dans sa Lettre à Nestorius (cf. ibid.y§ 9. 17).
26. Ibid.y § 2 (« car tu ne le comprends pas et ne l’interprètes pas correcte
ment, mais de façon perverse, même si tu en confesses de bouche la lettre »).
Nestorius et, avec lui, l’ensemble des Antiochiens, ne cesseront de dire qu’il
faut s’en tenir au symbole de Nicée sans rien y ajouter ni retrancher.
27. ACO I, i, 40-42 ; Festugière, Document 6 B, p. 66-68.
28. Au dire de l’historien Socrate, le personnage était assez vaniteux
(H.E. VII, 29, 6-7).
29. Voir la Lettre de Jean d’Antioche à Nestorius (ACO I, i, 93-95 ; Festu
gière, Document 14, p. 139-143). Pour mettre fin au débat et ramener la paix,
Jean conseille à Nestorius d’accepter « sans hésitation de nommer la Sainte
Vierge théotokos », un titre que lui ont reconnu bien des Pères, sans l’entendre
stricto sensu, mais comme une manière d’exprimer avec piété le mystère de
l’Incarnation. L’acceptation de ce terme suffirait, selon lui, à apaiser le conflit
avec Cyrille et avec Rome. Il l’invite à prendre exemple sur Théodore de Mop-
380 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
sueste qui n’hésita pas à revenir sur une déclaration imprudente pour la cor
riger {ibid., § 3).
30. Théodoret, ep. 1 à Jean d'Antioche, 1. 26-28, SC 429. Voir notre article,
* Une ‘pomme de discorde’ à l’origine de la crise nestorienne », Autour de Lac-
tance. Hommages à Pierre Monat, Presses Universitaires de Franche-Comté,
Besançon 2003, p. 109-122.
31. Théodoret, ep. 1 à Jean d'Antioche, 1. 9-14 {SC 429). La métaphore est
du reste utilisée conjointement par les deux partis (v.g. Lettre de Célestin à
Cyrille § 5 [ACOI, i, 83-90 ; Festugière, Document 9, p. 113] ; Lettre de Célestin
à Nestorius § 10 [ACO I, i, 77-83 ; Festugière, Document 10, p. 120] ; Lettre
de Célestin à Jean d'Antioche § 2 [ACO I, i, 90-91 ; Festugière, Document 12,
P- 134]).
32. Ibid., 1. 24-30 ; cf. Cyrille, ep. 1 à Nestorius § 2-3 (voir supra, n. 13).
RÉTABLIR L’UNITÉ APRÈS LA DÉCHIRURE 381
3. La consommation de la rupture
Entre Cyrille et Nestorius, un véritable dialogue n’était pas
parvenu à s’instaurer : la suspicion de l’un, la vanité de l’autre,
leur désir réciproque de se poser en maîtres d’orthodoxie le
rendaient impossible. Les anathématismes et leur réfutation, la
défense qu’en fit Cyrille contribuèrent à leur tour à durcir les
positions et à renforcer l’incompréhension. Chacun tenait l’autre
pour hérétique, chacun cherchait aussi à atteindre personnelle
ment son adversaire. On faisait de Nestorius un nouveau Paul de
Samosate, on ferait de Cyrille un nouvel Apollinaire ! Théodoret
voyait dans les anathématismes une « pomme de discorde »,
Cyrille ironisait avec morgue sur la culture « à bon marché » de
cet obscur évêque provincial34. Les blessures d’amour-propre
laissent des traces profondes. Elles réveillent aussi parfois
d’anciennes rivalités. Comment empêcher les Antiochiens d’éta
blir un parallèle entre les attaques de Cyrille contre Nestorius et
celles de son oncle Théophile contre Jean Chrysostome35 ? Dans
sa lettre à Nestorius, Jean d’Antioche laisse entendre qu’Alexan-
drie, forte de l’appui de Rome, n’attend qu’un faux pas de la
part des Orientaux pour renforcer sur eux son autorité36. Que
Nestorius ne fournisse donc pas à Cyrille ce prétexte ! [192]
Entre Antioche et Alexandrie, on le sent bien, le climat n’est
pas à la confiance. Du reste, les questions doctrinales ne sont
pas seules en jeu : l’affaiblissement du siège de Constantinople,
soutenu par Antioche, ne serait pas pour déplaire à l’Egypte !
La conduite de Cyrille, lors du concile d’Ephèse, contribua
à renforcer l’image du « pharaon » donnée de lui par ses adver
saires. Ce n’est pas le lieu ici de retracer le fil des événements
qui conduisirent à la rupture. Quand les Orientaux arrivèrent
33. Cyrille rédige coup sur coup deux apologies, la première contre la réfu
tation de ses anathématismes par les Orientaux, faite par André de Samosate
(PG 76, 315-385), la seconde contre celle de Théodoret (ibid., 385-452). Il
composera une troisième apologie de ses anathématismes dans sa prison à
Ephèse, fin 431 (ibid., 29,3-312).
34. Cyrille, Lettre à Evoptius, ACOI, î, 6, p. 110-111.
35. D’autant que Cyrille accompagnait son oncle au synode du Chêne
(403) et assista à la condamnation de Jean Chrysostome.
36. Cf. Lettre de Jean d’Antioche à Nestorius § 4 (ACO I, I, 93-95 ; Festu-
gière, Document 14, p. 142-143) : <« Ne donne nulle place, nul lot à la rup
ture. Si, avant que ces lettres n’eussent été envoyées, la plupart étaient effrénés
contre nous, maintenant qu’ils se sont saisis de la liberté de langage que leur
donnent ces lettres, demande-toi quels ils ne seront pas et de quelle licence ils
n’useront pas contre nous ».
382 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
37. Tous deux furent également déposés. Cyrille toutefois put regagner
Alexandrie le 30 octobre 431, où il fit un retour triomphal (« accuçilli comme
un nouvel Athanase *, dit J. Quasten, Initiation aux Pères de l’Église, t. III,
p. 177, trad. J. Laporte, Paris 19872).
38. Théodoret, ep. 2 à André de Samosate, SC 429 ; de fait, on ne peut appe
ler concile une assemblée à laquelle l’Église d’Orient n’a pas siégé !
39. Voir la Sacra des empereurs (Théodose) à Cyrille (ACO I, i, 73-74 ; Festu-
gière, Document 8, p. 109-111) : « querelle », « tu as suscité, pour autant qu’il
est de toi, ce trouble et ces discordes dans les Églises », « Sache que tu as tout
perturbé comme tu n’aurais pas dû le faire, et il n’y a rien d’étonnant à ce que
quelqu’un qui est déjà sorti de la mesure n’arrête pas sa tentative aux Églises
et à ses collègues dans le sacerdoce... ». Cyrille proteste de la pureté de ses
intentions dans son Discours apologétique à Théodose 5 (ACO I, I, 3, 75-90 ;
Festugière, Document 118, p. 433 s.).
40. Il y demeurera pendant quatre ans, avant d’être exilé d’abord à Pétra
(435), puis en Égypte dans la Grande Oasis, où il mourut probablement peu
avant le concile de Chalcédoine (451).
41. Le comte Jean, dès son arrivée à Éphèse, constatant l’impossibilité
d’instaurer un dialogue entre les différents protagonistes, fait arrêter Nesto
rius, Cyrille et Memnon.
RÉTABLIR L’UNITÉ APRÈS LA DÉCHIRURE 383
51. Ibid., 1. 82 s.
52. Théodoret précise bien ainsi qu’il rejette l’hérésie de Paul de Samosate
au même titre que celle de ses prédécesseurs, Sabellius, Photin et Marcel (ibid.,
1.182 s.).
53. Ibid., 1. 346-378. Était-ce à une distinction de ce genre que pensait Jean
d’Antioche, lorsqu’il invitait Nestorius à accepter le théotokos, que d’autres
Pères, parfaitement orthodoxes, n’avaient pas hésité à employer ?
54. Théodoret, ep. 5 au peuple de Constantinople, SC 429.
55. Les Orientaux n’ont pas accepté la déposition de Nestorius et ne recon
naissent donc pas son successeur, Maximien. Théodoret considère « orphe
lin » le peuple de Constantinople ; par ses lettres et son enseignement, il a
conscience en quelque sorte de suppléer Nestorius.
386 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
75. Ibid., § 10-11. Il profite de l’occasion pour faire tenir aux Antiochiens
une copie de la lettre d’Athanase exempte des adultérations introduites par les
nestoriens.
76. Jean d’Antioche, Lettre à Théodoret (Casinensis 174, ACO1,4,124-125).
77. Voir sa Lettre à Jean d’Antioche (ep. 16, SC 429). Théodoret continue
visiblement à être accusé d’être un traître à la cause des Orientaux (voir ce
qu’il dit de la réaction d’Himérius) depuis qu’il a reconnu l’orthodoxie de
Cyrille dans sa lettre à Acace.
RÉTABLIR L’UNITÉ APRÈS LA DÉCHIRURE 391
84. Voir sa Lettre à Alexandre de Hiérapolis {ep. 27) ; les rapports de Théodo
ret avec les moines sont à ce moment-là tendus, en raison de sa rupture avec
Jean d’Antioche {ibid., 1. 14-16 ; voir sur ce point M. Richard, «Théodoret,
Jean d’Antioche et les moines d’Orient », MSR 3, 1946, p. 147-156 [= Opéra
Minora, t. II, n° 47,Turnhout 1977]).
85. Voir Lettre à Alexandre de Hiérapolis {ep. 28) : Théodoret, pour convaincre
Alexandre, exploite ici toutes les ressources de la persuasion, en laissant en
tendre que la formule d’anathème utilisée par Jean d’Antioche condamnerait
une doctrine attribuée à Nestorius, mais non la véritable doctrine de Nestorius
qu’il continuerait à tenir pour orthodoxe. Dans cette même lettre, Théodoret
fait valoir que la doctrine du nouvel archevêque de Constantinople, Proclus,
semble parfaitement orthodoxe et ne comporte « aucune adhésion aux mau
vaises actions commises à Éphèse » ; ce serait donc une raison supplémentaire
de faire la paix.
86. Cf. ep. 29, 33 et 34 à Alexandre de Hiérapolis, et de même ep. 30 à Hella-
dius de Tarse, ep. 31 à Cyrille d’Adana et ep. 32 à Mocime, à qui Théodoret de
mande d’intervenir auprès d’Alexandre pour le convaincre d’accepter la paix.
87. Sur ce point Théodoret n’a jamais varié : il en a reconnu l’orthodoxie
dès le début (voir ep. 30 à Helladius de Tarse).
RÉTABLIR L’UNITÉ APRÈS LA DÉCHIRURE 393
contraire les Orientaux qui sont entrés dans ses vues, Cyrille en
profite pour faire référence à celui de ses anathématismes qui
concerne la répartition des vocables entre les deux natures93.
Mais il comprend désormais les motivations qui conduisent les
Orientaux à opérer une telle répartition, sans mettre en cause
l’unité de la personne du Christ, et les raisons qui ont pu leur
faire croire qu’il partageait les sentiments d’Arius et d’Apolli
naire. Bien que désormais tout soit clair entre eux, Cyrille refuse,
quant à lui, d’adopter « ces façons de parler <qui> ne sont pas
les siennes »94.
La même crainte de voir certains esprits malveillants prétendre
qu’il a renié ce qu’il a autrefois « écrit contre les blasphèmes de
Nestorius » l’oblige pareillement à faire à Dunatos l’historique
de la négociation avec Jean d’Antioche jusqu’à la conclusion
de la paix95. Pour que tout soit clair, il lui [205] adresse une
copie de la lettre par laquelle Jean d’Antioche anathématise « les
blasphèmes de Nestorius » et reconnaît sa déposition.
De part et d’autre, on le voit, il est d’autant plus difficile
de faire accepter la paix que l’on a affaire à des évêques qui
se sont fortement engagés dans le conflit en prenant fait et
cause, les uns pour Cyrille contre Nestorius, les autres pour
l’évêque d’Antioche contre la déposition injuste du patriarche
de Constantinople. La réconciliation se heurte non seulement
à la résistance inflexible de certaines personnalités, comme
Alexandre de Hiérapolis, mais aussi aux rumeurs mensongères
que d’autres n’hésitent pas à répandre pour faire obstacle à la
paix, manœuvres dont font état les lettres de Cyrille à Acace de
Mélitène et à Dunatos96.
Conclusion
:
Revue d*.Études Augustiniennes et Patristiques 51 (2005), p. 327-
356.
37
A. L’économe Jean
Non seulement il nous est impossible d’identifier avec quelque
certitude les informateurs de Théodoret, mais nous ne savons
rien de l’économe Jean à qui la lettre est adressée ni du lieu où il
exerçait sa fonction. La logique voudrait que ce soit dans l’une
des Églises de la ville où l’incident s’est produit. Mais quelle est
cette ville ? Cet économe Jean partageait-il la position du « très
sage archidiacre », comme le pense Y. Azéma4, ce qui nous paraît
difficilement acceptable, ou s’est-il seulement laissé impres
sionner par l’autorité de l’archidiacre, au point que Théodoret
ait éprouvé le besoin de le conforter dans la foi orthodoxe ? Ce
n’est pas impossible, mais nous inclinerions plutôt à penser
qu’il fait partie du nombre des amis fidèles dont Théodoret, du
2. Théodoret, ep. 147, SC 111, p. 200, 20-202, 1 (trad.Y. Azéma).
3. Ibid, j p. 202, 1-2. Cf. l’utilisation du même procédé, dans sa lettre à Jean
d’Antioche, concernant les douze Anathématismes de Cyrille d’Alexandrie et
leur auteur {ep. 1, 24-30, SC 429) ; voir de même la lettre de Jean d’Antioche
à Cyrille {ep. 169, 2, ACO I, I, 4, p. 115, 30-33).
4. Voir SC C 40, p. 41. Curieusement Y. Azéma semble, dans cette introduc
tion, imputer à l’économe Jean lui-même les innovations à caractère monophy-
site dont Théodoret fait grief au « très sage archidiacre *, alors que, dans son
édition de la lettre 147 {SC 111), il assimile ce dernier à Eutychès.
402 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
13. Sa ville (tj -rjpeTépa 7tôAt.ç) n’est en réalité qu’un gros bourg perdu
(èp^ia, êp7]|ioç) et faiblement peuplé, une pauvre noKîxvrl plutôt qu’une
véritable TtôXtç : ep. 32 (SC 98, p. 92, 23-24) ; ep. 139 (SC 111, p. 146, 13-
15) ; ep. 13 ; 17 ; 23 (SC 429, p. 186, 13-16 ; 208, 6-7 ; 250, 7-10). Théodo
ret mentionne dans ses lettres les travaux d’utilité publique - deux ponts, des
portiques, un aqueduc, l’entretien des bains publics (ep. 81, SC 98, p. 196,
15-19) - qu’il a fait réaliser, en prenant sur ses revenus ecclésiastiques, pour
l’embellir ou plutôt, comme il l’écrit dans son ep. 139, pour en « dissimuler la
laideur ».
14. Lié à Cyrille d’Alexandrie, Anatole doit en partie à Dioscore son élec
tion au siège de Constantinople. Sur le patriarche Anatole, voir M. Jugie, DTC
I. 1, Paris 1923, col. 1497-1500 ; A. De Nicola, DEÇA I, éd. fr., Paris 1990,
p. H8.
15. On connaît le rôle important joué par les archidiacres dans la conduite
des affaires de l’Église, à Rome comme à Constantinople (voir à ce sujet A. Di
Berardino, DEÇA I, éd. fr., Paris 1990, p. 221-222). Ils sont souvent amenés
à représenter l’évêque, voire à agir en son nom, et il arrive fréquemment qu’ils
lui succèdent. On ne peut exclure a priori que la ville en question soit Antioche,
mais rien ne vient selon nous étayer cette hypothèse.
16. Sa Correspondance offre d’autres exemples de ce mode de qualification
ironique ; ainsi Théodoret parle-t-il de ses « juges très justes et pleins d’équité *
(ep. 139, SC 111, p. 144, 5 ; ep. 141, ibid., p. 152, 4), de « la sentence très équi
table prononcée par <ses> saints juges (ep. 140, ibid., p. 148, 15-16), de ces
prêtres « si pleins de philanthropie * qui l’ont condamné sans l’entendre, lors
du Brigandage d’Éphèse en 449 (ep. 133, ibid., p. 124, 22), ou encore de ces
hommes « excellents » ou « très sages », dont en réalité l’inconduite est notoire,
qui l’ont déposé et d’autres évêques avec lui (ep. 125, ibid., p. 94, 9 ; 96, 1-2).
17. Ep. 147, SC 111, p. 202, 18 s.
DOIT-ON GLORIFIER LE CHRIST OU LE FILS MONOGÈNE ? 405
1) Eutychès ?
Peut-être est-ce ce type d’accusation qui conduit Y. Azéma à
voir en lui Eutychès ? Cette identification ne nous paraît pourtant
pas recevable. Outre le fait qu’Eutychès, connu pour avoir
été l’archimandrite de son monastère, ne semble jamais avoir
occupé la fonction d’archidiacre, il ne peut plus être considéré
comme quelqu’un « qui occupe la première place dans l’Église »,
si la lettre est postérieure à l’été 450. Sa complète réhabilitation
par le Brigandage d’Éphèse lui permit certes de retrouver un
temps, grâce à l’appui de Chrysaphe et de l’empereur Théodose,
toute l’influence qui faisait de lui un personnage important dans
l’Église, mais il allait la perdre brutalement au lendemain de la
mort de Théodose. L’impératrice Pulchérie se débarrasse alors
aussitôt de Chrysaphe et fait annuler les décrets du Brigandage
d’Éphèse ; Eutychès est expulsé de son monastère et relégué
dans un faubourg de Constantinople. Un synode réuni par le
patriarche Anatole le frappera même bientôt à nouveau d’ana
thème, puis le pape Léon, peu de temps avant l’ouverture du
concile de Chalcédoine, demandera à Pulchérie de l’exiler loin
de Constantinople. On ne pouvait donc plus dire que l’archi
mandrite Eutychès occupait encore « une première place dans
l’Église» au printemps 451, date retenue par Tillemont et
Y. Azéma pour la lettre de Théodoret.
2) Aétios ?
En revanche, on connaît assez bien Aétios, l’archidiacre
en fonction à Constantinople à ce moment-là18. Il pourrait
donc s’agir de lui, comme le [333] pensait déjà le P. Garnier19.
Archidiacre du patriarche Anatole, il assiste en cette qualité
au concile de Chalcédoine et c’est à sa demande, sans doute
inspirée par Anatole et quelques autres, que les Pères conci
liaires adoptèrent le canon qui réglait la situation hiérarchique
de l’évêché de Constantinople par rapport à celui de Rome,
cela malgré les protestations des légats du pape. Était-il cepen
dant à ce point dévoué aux intérêts d’Anatole pour seconder les
18. Sur Aétios, voir M. Jugie, DTCI. 1, Paris 1923, col. 668-669.
19. J. Garnier, Historia Thcodoreti XII, 7-8 (PG 84, 155 B-156 C) ; mais le
P. Garnier considère que ces propos, mis au compte d’Aétios et à l’origine de
la lettre de Théodoret (data occasione Aetii ; archidiaconus Aetius, ut hominum
fama erat, novum quiddam in urbe ausus est proferre), lui ont été attribués à tort :
Mentita est hominum fama de Aetio viro catholicae fidei, ut sanctus Léo loquitur
(cf. Léon, ep. 57).Tillemont conteste qu’il puisse s’agir d’Aétios et que l’inci
dent ait pu se produire à Constantinople après le concile de Chalcédoine ; il
traite de « pures conjectures * l’opinion du P. Garnier (Lenain de Tillemont,
op. du y Note XI, p. 875).
406 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
3) André ?
Cela dit, il serait plus facile d’admettre que « le très sage
archidiacre » n’est autre qu’André, le successeur d’Aétios, élevé
à cette charge par Anatole après la destitution de ce dernier23. Ce
serait, en effet, plus cohérent avec ce que nous savons du person
nage et de ses sympathies pour l’hérésie d’Eutychès. Comme
Aétios, il avait siégé, lui aussi, en qualité de diacre, au concile de
448 présidé par Flavien, qui avait condamné le puissant archi
mandrite, mais il n’avait pas tardé à afficher la véritable nature
de ses sentiments. Pour cela, il fut même privé un temps de sa
dignité ; mais il fut assez habile pour donner au pape Léon des
gages d’orthodoxie et obtenir la faveur du patriarche Anatole,
qui lui confia la charge d’archidiacre retirée à Aétios24.
Le début de la lettre fournit peut-être même un argument
pour soutenir cette identification. Théodoret dit avoir été poussé
à sortir de sa retraite et de son silence en raison des « nouveautés »
(xoavoTopiccv, xaivoropelofiai) répandues « contre la foi de
l’Évangile », dont il vient d’être informé25. On comprendrait mal
qu’il s’exprime de la sorte, s’il voulait seulement faire allusion
aux déclarations d’Eutychès, dont il a déjà eu l’occasion, à
maintes reprises, de dénoncer le caractère hérétique : elles ne
sont plus des « nouveautés », dans la mesure même où elles ont
déjà été condamnées et, d’autre part, leur auteur a [335] perdu
à la cour le crédit qui permettait à ses propos de trouver un
large écho. Inversement, si la lettre est postérieure au concile
de Chalcédoine, les déclarations du « très sage archidiacre »,
touchant les doxologies, revêtent un caractère de nouveauté,
23. Sur André, voir M. Jugie, DTC I. 1, Paris 1923, col. 1606. La desti
tution d’Aétios dut intervenir soit à la fin de l’année 452 soit au tout début
de l’année 453. Sa mise à l’écart prit les allures d’une promotion : Anatole
lui confia la direction d’un cimetière de Constantinople après l’avoir ordonné
prêtre (Cf. Hefele-Leclercq, Histoire des concilesy tome II, Paris 1908, p. 851).
Aétios sera rétabli dans sa charge par Anatole, désireux de rentrer en grâce
auprès du pape Léon, au printemps 454 (ibid.s p. 855)
24. Les sympathies d*Anatole pour le monophysisme, en dépit de sa
condamnation d’Eutychès, sont avérées et le pape Léon lui-même ne nourris
sait aucune illusion sur la fermeté de son orthodoxie (v. g. Hefele-Leclercq,
Histoire des conciles, tome II, p. 839-843).
25. Cf. ep. 147 (SC 111, p. 200, 10. 18). Théodoret toutefois qualifie or
dinairement de « nouvelle hérésie » la doctrine professée par Eutychès et ses
partisans ; cf. ep. 119 ; 121 ; 126 ; 135 ; 141 ; 143 ; 144 (SC 111, p. 80, 8 ; 84,
21 ; 100, 6-7 ; 132, 9 ; 152,23-24 ; 156,16 ; 160,15) ; comme Cyrille avec ses
Anathématismesy ils ne font que redonner vie à d’anciennes hérésies : cf. ep. 82
(SC 98, p. 200, 1) ; ep. 146 (SC 111, p. 174, 17 ; 182, 17-18) ; ep. 147 (ibid.,
p. 202, 6-7).
408 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
E. La situation de Théodoret
Si l’on retient pourtant cette dernière hypothèse, il faut alors
situer la rédaction de la lettre de Théodoret, non plus avant,
mais après le concile de Chalcédoine. Or, cela pose d’autres
problèmes. Il faudrait admettre notamment que Théodoret n’ait
pas regagné Cyr au lendemain du concile de Chalcédoine et de
sa réhabilitation27, mais qu’il ait préféré renoncer à l’épiscopat
et rejoindre aussitôt, pour un temps ou définitivement, son
monastère d’Apamène. Cela s’accorderait bien avec les décla-
26. Cf. ep.y 147, SC 111, p. 202, 16-17 (trad.Y. Azéma légèrement modi
fiée).
27. Le décret rendu par l’empereurThéodose, après le Brigandage d’Ephèse,
contre Flavien, Eusèbe de Dorylée et Théodoret, ne sera abrogé que par l’édit
de Marcien du 6 juillet 452 (voir Hepele-Leclercq, Histoire des conciles, tome
II, p. 845), mais les mesures prises contre Théodoret semblent avoir été rap
portées au début de 451 (cf. ep. 139 ; 140 ; 141).
doit-on glorifier le christ OU le FILS monogène ? 409
32. Cf. Lettre 5 au peuple de Constantinople (SC 429, p. 148,1. 232 s. : Haec
uobis iterurn, uelut in surnma, de dogmatibus pietatis scripsimus).
33. Basile de Césarée, Sur le Saint-Esprit 1, 3, SC 17 bis, p. 256 s.
DOIT-ON GLORIFIER LE CHRIST OU LE FILS MONOGÈNE ? 411
B. L’argumentation de Théodoret
En effet, de même que toute l’argumentation de Basile dans
son De Spiritu Sancto tend à prouver que le Saint-Esprit doit
être légitimement glorifié avec le Père et le Fils, la démonstra
tion de Théodoret tout entière entend légitimer l’emploi du nom
« Christ » dans les doxologies mises en cause par « le très sage
archidiacre ».
1) Démonstration
Il lui faut pour cela démontrer que le nom de « Christ » ne
désigne pas un autre Fils que le « Monogène », et établir entre
ces deux vocables une équivalence parfaite, quitte à souligner la
spécificité de chacun d’eux. En réalité, la première partie de sa
démonstration consiste à accumuler les citations scripturaires,
majoritairement pauliniennes, pour faire la preuve que le Christ
est constamment « connuméré » (aovapL0poùaiv) tantôt avec
34. Id., Sur le Saint-Esprit XIX, 48, ibid., p. 416 s. ; cf. aussi, ibid., XXIV
(« Où l’on réfute l’extravagance de ceux qui ne glorifient pas l’Esprit, par com
paraison avec les créatures dont on célèbre la gloire »)•
35. Id., Sur le Saint-Esprit XXIX, ibid., p. 501 s.
36. Cf. ep. 147, SC 111, p. 224,1-5 ; la citation est empruntée au De Spiritu
Sancto XII, 28.
412 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
41. À son habitude, Théodoret déclare que l’on pourrait multiplier ces cita
tions ; voir aussi, ibid., p. 212, 28.
42. Ibid., p. 206, 16-17. Sur le refus de Théodoret de transformer la Trinité
en « Quaternité », voir ep. 144 et 146 (SC 111, p. 160, 3-4 ; 196, 9-11) et infra
n. 109-110.
43. Théodoret accumule les citations qui illustrent chacun de ces termes :
Dt 18, 15 (prophète) ; Ps 109, 4/He 7, 21 (prêtre) ; He 4, 14 (grand pontife) ;
Ps 44, 7 (roi avant les siècles). Chacun de ces versets, à moins de procéder,
comme le propose Théodoret, à une correcte répartition des vocables, fourni
rait des armes aux ariens pour contester la divinité du Fils
44. Ibid., p. 208, 6-28 s. Ainsi, dans un même psaume, le prophète parle-t-
il du Christ alternativement en tant que Verbe de Dieu et en tant qu’homme
(Ps 44, 7-8), ou inversement en tant qu’Oint et Fils exécuteur des volontés
du Père et en tant que Christ égal et uni au Père (Ps 2, 6-8. 1) ; noter dans ce
dernier cas l’emploi par Théodoret du verbe ouvéxcd-ev pour souligner l’idée
de connumération.
THÉOLOGIE et christologie
414
64. Utilisée à 17 reprises, cette doxologie est présente dans Vin Dan. (2/\0),
1’/» Ez (5/16), YIn Psal (1/1), Vin Is. (1/20), 17» 1er. (2/12), 1 In XIV eptsL
Pauli. (5/24), le De Prov. (1/10). . . _ ,
65. Avec 30 occurrences, c’est la doxologie la plus frequente : In uw. K h
In Dan. (6/10), In XIV epist. Pauli. (7/24), In Is. (5/20), In Ier. (7/12), In XII
est utilisée à 9 reprises par
(SC 315 ; povoyevel est ici restitué) ; In Os., PG 81, 1632 CD , •>
708 B.
68. In Is. 1, 431-432 (SC 276).
420 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
74. Voir In Psal.3 PG 80, 1020 AB ; 1588 BC ; In XIV epist. Pauli, PG 82,
141 C ; 597 CD ; 685BC ; 781 B ; De Trin. et incam. 3 PG 75, 1160 AD ; ep. 4,
331 s. (SC 429) ; ep. 83 (SC 98, p. 218, 19).
75. Cf. ep. 131 (SC 111, p. 114, 13-21), datée de 450; voir aussi Haer.
fab. V, 12 (PG 83, 489 B).
76. Cf. ep. 131, p. 118,2-9.
77. De incam. 24, PG 75, 1461 B : «Voilà comment fut mis au monde notre
Maître le Christ : il n’est pas pieux, en effet, après sa venue au monde, de
lui donner seulement le nom de Dieu Verbe ou le nom d’homme dépouillé
de la divinité, mais il faut lui donner celui de Christ, ce qui fait voir chacune
des deux natures, la nature assumante et la nature assumée * ; cf. aussi § 30,
ibid.y 1472 AB (« Jésus » et « Christ » sont les noms de l’économie). § 32, ibid.3
1472 D (Christ : ni la forme de Dieu seul, ni l’humanité seule). Voir également
Eran.3 p. 216, 25-29. 32-33 (ce qu’expriment les noms « Christ *, * Emma
nuel *, « Dieu Verbe »)• La définition de « Christ * donnée dans le De incam.
422 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
81. V.g. ep. 144 (SC 111, p. 160, 5) ; 145 (ibid., p. 166, 13-14) ; 146 (ibid.,
p. 198, 5-6) ; Quaest. in Numbr. 38 (FM I, p. 217, 14).
82. Cf. ep. XLVII (SC 40, p. 112, 9-15) ; ep. 21 (SC 98, p. 74, 27-76, 1) ;
ep. 144 (SC 111, p. 160, 6-7) ; 146 (ibid., p. 180, 8-10) ; Eran. U, p. 137, 16-
17.
83. Cf. supra, n. 45.
84. V.g. Eran. II, p. 137, 16 s. ; ep. 146 (SC 111, p. 180, 9-10) ; cf. aussi,
bien des années auparavant, De incam. 29 (PG 75, 1469 C).
85. L’affirmation, ici destinée à affirmer son refus de « l’hérésie des deux
Fils », est reprise dans VHaer. fab. dans un autre contexte pour dénoncer l’hé
résie de Valentin et d’autres gnostiques qui considèrent comme des entités
424 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
comme s’il était un autre par rapport à elles : contrairement à l’homme, il n’est
pas un tertium quid (cf. notre article, « UExpositio rectaefidei et le traité Sur la
Trinité et TIncarnation de Théodoret de Cyr : deux types d’argumentation pour
un mêrpe propos ? », RecAug. 32, 2001, p. 51-52).
98. Eran. II, p. 137, 28. Théodoret utilise la même argumentation, début
451, dans son ep. 146 aux moines de Constantinople (SC 111, p. 180, 2-12).
Cf. aussi ep. 131 (ibid., p. 116, 9-20 : l’homme est un, même si cette unicité
résulte de l’union sans confusioi) de l’âme et du corps).
99. Eran. II, p. 143, 9-11 ; l’Eranistès a été effectivement amené par l’Or
thodoxe à distinguer « trois natures » pour combattre tour à tour les hérétiques
qui nient l’assomption par le Verbe d’une chair véritable, d’une chair animée
ou d’une âme privée de l’intellect (ibid., p. 142, 31-143, 2).
100. Nombreuses sont les lettres dans lesquelles Théodoret, pour preuve de
l’orthodoxie de son enseignement, réclame l’examen de ses écrits ou bien fait
valoir que sa prédication, au sein des assemblées liturgiques ou de réunions
théologiques, a toujours reçu l’approbation des évêques présents et de l’audi
toire ; il rappelle de même sa lutte contre les hérétiques dans son diocèse et son
activité catéchétique ; voir, par ex., ep. 21 ; 80-83 ; 88-91 ; 94 (SC 98) ; 99 ;
101-102 ; 104-105 ;109 ; 113 ; 116 ; 121 ; 125 ; 132.139 ; 144 ; 146 (SC 111).
101. Dans YEran. III (p. 227, 18 s.), Théodoret réfute longuement l’argu
mentation que l’Éranistès tente de fonder sur l’enseignement de Nicée afin de
prouver que « c’est le Monogène lui-même, vrai Dieu, consubstantiel au Père,
qui a souffert et a été crucifié ». Il n’envisage pas ici cette objection.
102. Ep. 146, SC 111, p. 178, 6-18.
103. Dans sa réfutation du 5e Anathématisme (PG 76, 420 A), Théodoret
déclare user du terme « Christ » qui exprime à la fois la nature divine et la
nature humaine pour traduire l’adoration qu’il rend à un unique Fils et, dans
sa réfutation du 8e Anathématisme (ibid., 428 D), il affirme attribuer au Christ
« une unique glorification ». Voir aussi De incam. 32, PG 75, 1472 D.
DOIT-ON GLORIFIER LE CHRIST OU LE FILS MONOGÈNE ? 427
Conclusion
113. Il se refuse à croire que telle ait été la christologie professée par Nesto
rius (cf. ep. 144, ibid., p. 160, 8-11).
114. Ibid.y p. 160, 14-15. Noter l’ironie amère de la formule.
DOIT-ON GLORIFIER LE CHRIST OU LE FILS MONOGÈNE ? 429
procède donc pas chez lui d’un esprit de parti, même si sa chris
tologie porte nécessairement la marque du milieu antiochien
où elle s’est formée. Comme d’autres hérésies christologiques,
depuis le docétisme jusqu’à l’hérésie d’Apollinaire, le monophy
sisme eutychien met en cause la réalité de l’histoire du salut.
Refuser de nommer le Christ dans les doxologies et obliger à
glorifier le seul Monogène revient, dans l’esprit des promoteurs
de « cette nouvelle hérésie », à nier l’incarnation du Monogène
et « à supprimer la possibilité même de notre salut »115. Sans
l’assomption par le Verbe divin d’une nature humaine parfaite,
désormais unie de manière indicible à sa divinité, la nature
humaine ne saurait, à ses yeux, être rachetée ni, à plus forte
raison, déjà introduite avec le Christ dans la gloire de la Trinité.
Son insistance à maintenir, dans le Christ, la distinction des
natures et à répartir les vocables entre le « Fils Monogène * et
le « Premier-né », s’accompagne, dès ses premiers écrits doctri
naux, de l’affirmation de l’unité de la personne. A partir de 447,
pour répondre aux calomnies répandues contre lui, il lui faut
sans relâche le réaffirmer, en répétant que distinguer les natures
ne revient pas à reconnaître deux personnes ou à prêcher « deux
Fils ». La Trinité ne se transforme pas en une Quatemité avec
l’incarnation du Fils Monogène ni non plus après l’Ascension
du Christ ressuscité, alors même que la nature divine et la
nature humaine demeurent indissolublement unies. Il est donc
légitime de continuer à glorifier le Christ, comme l’a toujours
fait l’Église, malgré l’interdit prononcé par un archidiacre aussi
impie qu’ignorant des Écritures et visiblement acquis à l’hérésie
monophysite.
Au regard du contenu doctrinal de cette lettre-opuscule,
sa datation ou l’identification de l’archidiacre peuvent paraître
des questions secondaires. Elles méritent pourtant de retenir
l’attention. L’historien de la crise nestorienne et du monophy
sisme eutychien souhaiterait pouvoir situer avec précision ce
document [355] par rapport aux autres « lettres théologiques »
rédigées parThéodoret à partir de 448. D’autre part, selon que
l’on retient une date antérieure ou postérieure au concile de
Chalcédoine, les conséquences ne sont pas les mêmes pour la
carrière de Théodoret. Tout dépend, nous l’avons vu, de l’iden
tification qui est faite du « très sage archidiacre ». S’il s’agit bien
de l’archidiacre de Constantinople, comme nous le pensons, ce
ne peut être Eutychès lui-même qui perd tout crédit auprès du
115. Cf. ep. 126, SC 111, p. 100, 19-22 (un texte particulièrement impor
tant pour la christologie de Théodoret).
THÉOLOGIE et christologie
430
Abstract
Above ail, this article tries to enlighten the historical context in which
Theodoret of Cyr wrote ep. 147 of the Collectio Sirmondiana. It seems assured
that it happened after the death of Emperor Theodosius II (in July 450), but
it is hard to assert a very précisé date because of the uncertainty surrounding
the definite identification of the archdeacon responsible for the incident that
caused turmoil amongst the orthodox of Constantinople. Different hypothesis
lead us to conclude the drafting of this letter is likely to hâve taken place
after the Council of Chalcedon (451)y even though no argument can be
unequivocal. Doctrinally, much of its interest résides in the extern to which
Theodoret seizes the opportumty offered by the déclarations of an archdeacon
- obviously supporting the monophysite thesisfrom Eutyches — to reasset his
stand regarding Christology. If he insists on the fact that the name « Christ »
does not designate another Son than the « Monogenes », he attempts to show
that this name has the advantage of expressing both the humane and divine
nature of the Word incarnate. His vigourous plea for the legitimization of the
term * Christ » in doxologies is indeed marked by an Antiochian christology,
but it would be unfair to see in that a means to support Nestorius3 thesis.
38
1. Mt 26, 61 (Ôûvapat xaxaXüaat tôv vaôv xoü 0eoù xai 8ià xpiüv
yjjiepûv OLxoSopfioaO ou Mt 27, 40 (ô xaxaXôcov xôv vaôv xai èv xptolv
yjpépatç oixoÔopàv, oùaov ocauxôv) auraient permis une argumentation
comparable. Théodoret ne les utilise jamais dans le débat christologique avec
Cyrille d’Alexandrie ou avec Eutychès ; on relève chez lui deux seules occur
rences de Mt 27, 40 (Jn Psal. 108, 25 : PG 80, 1764 B ; In Is. 1, 93-94 sur Is 1,
4 : SC 276) pour souligner la moquerie dont fut l’objet le Christ en croix, mais
aucune de Mt 26, 61. La préférence accordée à Jn 2, 19 (Xuaaxe xôv vaôv
xouxov, xai èv xpiaiv Yjgépaiç èyépco aùxôv) s’explique probablement en
grande partie par l’interprétation que donne du verset l’évangéliste lui-même
en Jn, 2, 21 (èxeîvoç Ôè e'Xeyev 7tEpi xoô vaoû xoù acouaxoc; aùxoù).
2. Nestorius utilise l’argument dans sa réponse à la deuxième lettre de Cy
rille (ep. 2, 5 à Nestorius, PG 77, 48 A ; ACOI, I, p. 27, 14-28, 2) qui lui paraît
remettre en cause l’impassibilité du Verbe, une fois opérée sa « conjonction
avec le temple » : « Celui en effet qui avait été d’abord proclamé impassible et
non susceptible d’une seconde génération, ce reste de ton discours l’a présenté
de nouveau, je ne sais comment, comme passible et nouvellement créé, comme
si les qualités inhérentes au Dieu Verbe avaient été détruites par la conjonction
avec le temple ou que ce fût peu de chose aux yeux des hommes que le temple
sans péché et inséparable de la nature divine eût subi génération et mort pour
les pécheurs ou qu’il ne fallût pas croire à la voix du Seigneur criant aux Juifs :
Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai et non point : ‘Détruisez ma
déité, et en trois jours elle se relèvera’ * (Nestorius, ep. 2,6 à Cyrille, PG 77,53
A ; ACO I, i, p. 30, 24-31 [29-31 ] ; trad. A. J. Festugière, Èphèse et Chalcédoine.
Actes des conciles, «Textes, dossiers, documents * 6, Paris 1982).
théologie et christologie
432
les Juifs »6. Notons que le verset johannique n’est pas ici autre
ment commenté. En outre, on ne le trouve nulle part cité, sous
la plume de Théodoret, dans le dialogue : il n’apparaît que dans
les florilèges patristiques qui accompagnent chacune de ses
trois parties7. La remarque du Mendiant prouve néanmoins,
notamment par l’emploi de l’adjectif 7toAu9puÀXY|TOV dont la
connotation péjorative semble ici évidente, que le verset fait
partie de l’arsenal habituel des Antiochiens dans le débat chris-
tologique de cette époque, au point de passer pour un argument
ressassé et un peu usé8.
On le constate, en effet, sans peine dans les écrits de
Théodoret qui datent des débuts de sa polémique avec Cyrille,
même si plusieurs d’entre eux ne nous ont été conservés que très
partiellement.
1. L’argument du temple est ainsi utilisé à plusieurs reprises
par Théodoret dans sa réfutation des Anathématismes de Cyrille9.
Il intervient notamment dans la réfutation du deuxième anathé-
matisme pour contester sa formule d’« union selon l’hypostase »,
qui non seulement n’a, pour Théodoret, aucun fondement
scripturaire ou patristique, mais risque, à ses yeux, d’accréditer
l’idée - le « blasphème » - que cette union est le résultat d’« un
mélange de la chair et de la divinité »10. Voici le texte :
« Mais il faut accorder foi au Seigneur qui fait voir les deux
natures et qui dit aux Juifs : Détruisez ce temple, et en trois jours je le
relèverai. Or, s’il y avait eu mélange, Dieu ne serait pas demeuré
Dieu et le temple non plus ne se serait pas fait connaître comme
temple, mais tout à la fois le temple serait Dieu et le Dieu temple
- voilà en effet la logique que commande le mélange - et le Seigneur
aurait dit de manière superflue aux Juifs : Détruisez ce temple, et en
trois jours je le relèverai ; car il aurait dû dire : ‘Détruisez-moi, et en
trois jours je me relèverai’, s’il y avait eu réellement mélange et
confusion. Mais en réalité il fait voir le temple détruit et Dieu qui
le redresse. Elle est donc superflue l’union selon l’hypostase qu’ils
nous présentent en la substituant, à ce que je crois, au mélange. Il
suffit de dire l’union : celle-ci, tout à la fois, fait voir les propriétés
des natures et enseigne à adorer un seul Christ11. »
L’argument est repris, mais de façon plus allusive, dans
la réfutation du septième anathématisme qui revient, pour
Théodoret, à nier la distinction des natures, s’il faut renoncer à
rapporter à Jésus en tant qu’homme ce qui relève de sa nature
divine et la gloire du Fils unique.
« Si la nature humaine est mortelle, mais si le Dieu Verbe est
la vie et celui qui donne la vie, s’il a relevé le temple qui avait été
détruit par les Juifs et l’a fait monter dans les deux, comment
la forme de l’esclave n’a-t-elle pas été glorifiée par la forme de
Dieu12 ? »
Il reparaît enfin dans la réfutation du douzième anathéma
tisme, celui sur lequel se cristallise le différend avec Cyrille,
plus encore peut-être que sur la question du thêotokos, puisque
Cyrille y affirme, aux yeux de Théodoret, la passibilité du Verbe
de Dieu. Dans ce cas surtout, Théodoret juge indispensable
de distinguer les deux natures du Christ, d’insister sur ce qui
relève en lui de son humanité (« l’homme assumé ») et sur ce
qui appartient à sa nature divine (« le Verbe de Dieu »). Aussi
les deux premières citations où figure le mot « homme » sont-
elles choisies à dessein, tandis que la citation de Jn 2, 19 vient
apporter la preuve que la divinité, loin de supporter la Passion,
est la nature qui a relevé « le temple ».
goire de Nysse », Revue thomiste 68, 1968, p. 533-582 [566-577]), alors même
qu’ils réfutaient les thèses christologiques d’Apollinaire, paraîtront suggérer,
à l’époque de Théodoret, soit un changement dans la nature immuable du
Verbe au moment de l’Incarnation, soit une altération de la nature humaine
assumée, et avoir de ce fait un net relent d’apollinarisme ; pour cette raison,
les Orientaux les banniront du vocabulaire christologique et accuseront Cy
rille de concevoir l’union comme un « mélange *, lorsqu’il parle d’une « unique
nature ».
11. Théodoret, Reprehen. anath. 2 : PG 76, 400 BC ; ACO I, i, 6, p. 114,
18-115,3.
12. Id., Reprehen. anath. 7, PG 76, 425 BC ; ACO I, I, 6, p. 130, 5-7.
THÉOLOGIE et christologie
436
13. Comparer avec son commentaire du même verset dans Vin Is., où Théo
doret utilise une terminologie abstraite pour désigner chacune des deux na
tures, alors même que le texte scripturaire pouvait l’inciter à utiliser un voca
bulaire concret : « Il a montré la nature qui a reçu la Passion : c’est son corps
qui a été cloué à la croix, tandis que sa divinité s’appropriait (wxetoûxo) la
Passion » (In Is. 17, 56-60, SC 315).
22 30Th^odoret’ Reprehen. anath. 12, PG 76, 449 BC ; ACO I, i, 6, p. 144,
15. Théodoret, Lettre à Jean d'Antioche 1, 18-22 (SC 429) : « Mais ce qui
m’a encore plus affligé c’est que, sous le nom et l’apparence de piété... il ait
redonné vie à l’enseignement aussi stupide qu’impie d’Apollinaire, depuis
longtemps éteint. »
16. Tout dépend évidemment de la date retenue pour la composition de
ce traité ou des retouches postérieures qui pourraient lui avoir été apportées
par Théodoret (cf. infra, n. 18). Théodoret mentionne explicitement ce traité
à la fin de la lettre qu’il adresse, dans la première moitié de 432, Au peuple
de Constantinople (Coll. Cas. 129 = Synodicon 40, PG 84, 647 B = SC 429,
ep. 5, 242-244) : « Si, par ailleurs, j’en ai le loisir, je vous enverrai aussi ce que
j’ai naguère (ohm) écrit sur la sainte Trinité et la divine Incarnation »> (trad.
Y. Azéma), mais la date de sa rédaction dépend de la valeur accordée à l’ad
verbe ohm (= 7tàXai). Notons toutefois que Cyrille, dès le début de l’affronte
ment avec Nestorius, affirme clairement l’assomption par le Verbe d’une chair
(corps, homme) animée et d’une âme raisonnable (Lettre aux moines 9. 12 :
ACO I, i, 13, 32-33 ; 15,11-12 ; Lettre 2 à Nestorius 3. 7 : ACO I, I, 26, 25-28 ;
28, 20-21 ; Lettre 3 à Nestorius 8 : ACO I, i, 38, 16-18), autrement dit d’un
homme complet (Adresse à Théodose 17. 20-21 : ACO I, I, 52, 33-53, 10 ; 54,
25 s.; 55, 14-15), et condamne la conception apollinariste de l’Incarnation
(Adresse à Théodose 17, ibid. ; Sur l'incarnation du Monogène, PG 75, 679 CD ;
THÉODORET DE CYR ET LE SIGNEDU TEMPLE (JN 2,19) 437
SC 97, p. 192, 21-29), même s’il n’insiste pas encore à ce moment-là, comme
le note G. M. de Durand, « sur le point névralgique de l’hérésie sous sa forme
dernière : la substitution du Verbe au nous humain dans le Christ * (SC 97,
p. 192-193, n. 1).
17. Théodoret, De incam. 18, PG 75, 1449 AB; transmis en tradition
directe par un unique manuscrit ( Vaticanus gr. 841) sous le nom de Cyrille
d’Alexandrie et publié avec cette attribution par le cardinal A. Mai (Scriptorum
Veterum Nova Collection t. VIII, livre III, Rome 1833, p. 27-58 ; Nova Patrum
Bibliotheca, t. II, Rome 1844, p. 32-74.), le traité Sur la Trinité et l'Incarnation
- un unique traité en deux parties - a été depuis restitué de manière certaine à
son véritable auteur grâce à la tradition indirecte (Chaîne sur Luc de Nicétas et
Contra Gramniaticum de Sévère d’Antioche) ; voir M. Richard, « Les citations
de Théodoret conservées dans la chaîne de Nicétas sur l’Évangile selon saint
Luc », Revue Biblique 43 (1934), p. 88-96 (= Opéra minora II, Leuven-Turn-
hout 1977, n° 43) ; J. Lebon, « Restitutions à Théodoret de Cyr », RHE 26,
1930, p. 523-550. Une édition critique du traité est en préparation par mes
soins pour la collection « Sources Chrétiennes *.
18. Après A. Ehrhard (Die Cyrill von Alexandrien zugeschriebene Schrift ,
ein Werk Theodoret's von Cyrus, Tübingen 1888), qui situait la rédaction du
traité entre 430 et 437, et E. Schwartz (Sitzungsberichte der Bayerischen Akad.
der Wissenschajten. Philos, -philol. und hisL KJasse, Jahrgang 1922, I. Abhan-
lung. I. Die sogenannten Gegenanathematismen des Nestorius, II. Zur Schiftstellerei
TheodoretSyÊ München 1922), qui, contrairement à Ehrhard, la situait avant le
concile d’Éphèse de 431, M. Richard a repris l’examen de la question dans
son article sur « L’activité littéraire de Théodoret avant le concile d’Éphèse*,
RSPT 24 (1935), p. 83-106 [93-99] (= Opéra minora II, n° 45). Malgré les
critiques de Schwartz, les arguments avancés par Ehrhard lui paraissent devoir
être pris en compte ; il se rallie néanmoins à la datation haute retenue par
Schwartz, en avançant l’hypothèse, pour justifier la présence de passages du De
438 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
26. Ci.Ambros.gr. 1041 (H 257 inf, olim A 28), f. 126,21-24 ; Vat.gr. 2658,
ff. 213v, 21-214, 2. Sur ce tour stylistique fréquent chez Théodoret, surtout à
l’encontre des Juifs, voir J.-N. Guinot, L'Exégèse de Théodoret de Cyr, Théologie
historique 100, Paris 1995, p. 511, n. 122 (ajouter : In Psal., PG 80, 1205 B2 ;
In epist. Pauli, PG 82, 360 A13 ; 828 A10 ; In Is. 13, 321 .322 ; 14, 288 ; 19, 52.
467 ; 20, 523 : SC 295 et 315).
27. Voici le texte : «Voilà les sentiments que nous avons appris à avoir ...
concernant la croix, la passion et la mort, et nous croyons que notre Seigneur
Jésus-Christ, dont nous savons pour l’avoir appris qu’il est à la fois Dieu et
homme, a été crucifié et qu’il est ressuscité, son humanité bien évidemment
éprouvant la souffrance, tandis que sa divinité ne recevait de là aucune souf
france, mais s’appropriait la souffrance, comme étant celle de son temple. Elle
consentait à cette souffrance, en veillant au salut qui en découlerait pour toute
l’espèce <humaine>, mais elle était exempte de la souffrance, selon l’annonce
qu’elle avait faite : Détruisez, est-il dit, ce temple, et en trois jours je le relèverai.
Cela fait voir à l’évidence qu’une chose est la nature du temple qui a été détruit
et une autre chose la substance de la divinité qui a relevé cette nature, tandis
que notre Seigneur Jésus-Christ est de toute façon contemplé dans son uni
cité * (Ambros. gr. 1041, f. 127, 34-127v, 5 ; Vat. gr. 2658, f. 216, 9-20).
28. D’après les indications fournies par la Collectio Palatina, ces deux ex
traits - n° 41, 4 et n° 41, 6 (ACO I, 2, 5, p. 166-167) - appartiendraient au
livre II du Pentalogos ; ils correspondent aux deux fragments, n01 503 (= PG 84,
68 D-69 C ; 72 AB) et 740 (= ibid., 85 AB) de l’inventaire de la Chaîne de
Nicctas par Ch. Th. Krikonis (Sunagôgè Patérôn eis to kata Loukan, Byzatititia
keimena kai meletai 9,Thessalonique 1973).
29. Cette seconde partie du florilège, selon S. Lilla (Codices Vaticani graeci,
op. cit., p. 118-120), pourrait même avoir conservé un ensemble d’extraits,
jusqu’ici inconnus, du Pentalogos. Voir notre article, « Un nouveau fragment
grec du Pentalogos deThéodoret de Cyr », Warszawskie Studia Teologiczne XX/2
(2007), p. 117-129.
THÉODORET DE CYR ET LE SIGNEDUTEMPLE ON 2, 19) 441
30. Ambros.gr. 1041, f. 127 v, 5-11 ; Vat. gr. 2658, ff. 216, 20-216;, 4.
31. ACOI, 5, p. 166, n° 41,3 , cf. Reprehen. anath. (Coüectio Palatina)y ibid.3
p. 146, n°40, 17, 20-25.
442 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
Pusey II, 201, 6 ; 320, 22 ; 402, 15), un des passages les plus remarquables à
cet égard étant son commentaire de Jn 2,21-22 où Cyrille distingue <« l’inhabi-
tation du Dieu Verbe Monogène » dans le « temple » qu’est son corps de cette
autre forme d’« inhabitation » qui fait des baptisés les temples de Dieu en rai-
son du Saint-Esprit qui les habite (Pusey I, 212, 5-213, 7).
43. Cf. In Psal.} PG 80, 1817 CD.
THÉODORET DE CYR ET LE SIGNEDU TEMPLE (JN 2, 19) 447
prétation de Cyrille, qui cite lui aussi Jn 2,19 : « Il promet d’éveiller son propre
temple, bien que l’on dise que c’est Dieu le Père qui l’a ressuscité » (Pusey III,
p. 190, 7-8) et le commentaire de B. Meunier, Le Christ de Cyrille d'Alexan
drie. L'humanité, le salut et la question monophysite, Théologie historique 104, Paris
1997, p. 212-213.
48. C’est la raison pour laquelle Théodoret y tient tant : elle permet de pré
server l’impassibilité de la divinité, en faisant valoir que, dans l’Incarnation,
la nature divine du Verbe ne s’est en rien mêlée ou confondue avec la nature
humaine assumée, mais qu’elle est demeurée immuable.
49. Sur l’importance de la notion d'éthos, des constantes ou des particu
larités du discours scripturaire dans l’exégèse patristique, antiochienne no
tamment, voir J.-N. Guinot, L'Exégèse de Théodoret, op. cit., p. 346 s. et p. 849
(Annexe II, s. v.).
THÉODORET DE CYR ET LE SIGNEDU TEMPLE (JN 2,19) 449
2.2. Correspondance
Dans la correspondance, à teneur fortement doctrinale,
qu’entretient Théodoret avec des hommes d’Église ou des
magistrats impériaux, après la mort de Cyrille, notamment à
partir de 447 jusqu’à la veille du concile de Chalcédoine, il n’est
fait aucune référence à Jn 2, 19, ni sous forme de citation, ni
m'aime, parce que je donne ma vie pour mes brebis Qn 10, 17-18). Et
de nouveau : Mon âme est troublée Qn 12,27). Et encore : Mon âme
est triste jusqu'à la mort (Mt 26, 38). Et au sujet de son corps il dit
de même : Le pain que je donnerai, c'est ma chair, c'est ma chair que
je donnerai pour la vie du monde Qn 6, 51)75, etc. *
Au terme de ce développement, plus encore que sur l’âme
humaine du Christ - pour rejeter la christologie d’Apollinaire -,
c’est sur la réalité du corps assumé qu’insisteThéodoret. En effet,
dans la manière dont les tenants d’un monophysisme radical ont
tendance à faire du corps du Christ, uni à sa divinité, un « corps
spirituel », il voit une dangereuse résurgence du docétisme et du
« corps céleste » dont parlait Marcion76. D’où son insistance à
affirmer que, même le corps du Ressuscité n’a pas été changé en
une autre nature, mais qu’il a conservé ses propriétés77. Aussi,
comme il le fait déjà, et presque dans les mêmes termes, dans
deux lettres de peu antérieures à celle-ci - la Lettre 131 adressée
à l’évêque Timothée78, datée de 450, et la Lettre 145 adressée
aux soldats79, postérieure sans doute à la mort de Théodose en
juillet 450 -, il met l’accent sur la réalité de ce corps :
« Et on pourrait trouver mille autres textes semblables tant
dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament, qui montrent que
le corps et l’âme tout à la fois ont été assumés et qui prouvent
qu’ils tirent leur origine d’Abraham et de David. Joseph d’Arima
thie, lui aussi, venant trouver Pilate, demanda le corps de Jésus.
86. La citation de Col 2, 9 reparaît plus loin dans le traité (§ 17), dans le
même contexte. On la retrouve aussi dans le De incam. 20, dans la Réfutation
de l’anathématisme 1 de Cyrille, dans un fragment du Pentalogos {PG 84, 72
A) et dans Vin Cant. sur Ct 1, 2 (PG 81, 60 A). Cela pourrait être un indice
supplémentaire pour inviter à voir dans VExpositio l’un des premiers écrits de
Théodoret, et à en placer la rédaction à une date antérieure à 430 ; mais il est
vrai que, dans aucun des écrits cités, Col 2, 9 ne vient étayer une argumenta
tion comparable à celle qui est développée dans VExpositio.
87. Expositio 13 (Otto, p. 52).
88. Ct. ibid., 14 (Otto, p. 52) : « Alors, puisque, selon la substance, sa puis
sance était présente à tout ce qui fut amené à l’existence, est-ce donc que ce
qui fut appelé ‘temple’ ne possédait rien de plus que cela ?» ; 15 (Otto, p. 54-
56) : « Mais tu crois que, tout en demeurant, il est devenu : crois également
que le Logos est présent partout selon la substance et que, selon un mode par
ticulier, il se trouve présent dans son temple » ; 17 (Otto, p. 62) : « Comment,
dit-on en effet, le Logos peut-il être dans son temple selon la substance et dans
tous les êtres pareillement, et qu’aura le temple de plus qu’eux tous ? ».
89. Ibid, y 17(Otto,p. 62).
90. De incam. 13. 19. 21. 23. 28. 30. 31 (PG 75, 1437 D ; 1453 A ; 1457
A ; 1460 D ; 1468 C ; 1472 B ; 1472 C) ; Reprehen. anath. 1.7 (PG 76, 393
AB ; 425 B ; ACO I, 5, [Collection Palatina], p. 143, 26-144, 22 et ACO I, i,
6, p. 130, 5-6) ; Ep. au peuple de Constantinople 5, 123. 216 {SC 429) ; ep. à
Jean d’Antioche 21, 24 {ibid.). Toutefois, le terme naos n’y est jamais exclu
sif d’autres désignations - « chair, corps, tente, prémices (àrcapxyj), forme de
l’esclave », « l’homme assumé », « la nature humaine » -, au moins aussi fré
quentes, sinon plus.
THÉODORET DE CYR ET LE SIGNEDU TEMPLE (JN 2, 19) 461
leur a été donnée, et que, à cause des prémices <de notre nature> la masse
entière bénéficie du don accordé. »
100. Ibid., 1645 D-1648 A : « Confession et beauté devant lui, sainteté et magni
ficence dans son sanctuaire » (Ps 95,6) ; commentaire deThéodoret : « Et de fait,
après avoir assumé la nature humaine et s’être par elle manifesté aux hommes,
il fait resplendir les rayons de sa magnificence et entraîne tous les hommes à
l’adorer. Car il a appelé son ‘sanctuaire’ le temple qu’il a assumé. » A noter
que la tradition manuscrite présente ici d’intéressantes variantes, laissant sup
poser une intervention de caractère doctrinal, notamment le remplacement
du mot « temple * par l’expression « l’Église issue des nations » (tyjv èÇ èôvcôv
èxxXrjoÊav) et la suppression des mots ôv àveÉXrjcpe.
101. Ibid., 1909 C : « J’ai préparé une lampe pour mon Christ » (Ps 132, 17) ;
commentaire de Théodoret : « De nouveau le discours prophétique donne le
nom de ‘lampe’ au temple qui est issu de David, lui qui a reçu la lumière de
la divinité. »
102. Ibid., 1516D-1517A:« Dieu des puissances, reviens, je t’en prie, regarde
du haut du ciel et vois ; visite cette vigne et restaure-la, elle que ta droite a plantée. »
(...)« Et sur le Fils de l’homme que tu as confirmé pour toi-même » (Ps 79, 15-16) ;
commentaire de Théodoret : « Il enseigne ici le fruit que fera croître la vigne,
notre Maître le Christ. Il adresse, en effet, une supplication pour que la vigne
soit jugée digne de sollicitude à cause du temple qui sera assumé à partir d’elle,
lui qu’il a appelé clairement ‘Fils de l’homme’. »
103. Donc après la paix avec Cyrille et avant que Théodoret ne se trouve
obligé de défendre contre ses attaques la mémoire de Diodore de Tarse et de
Théodore de Mopsueste. Sur la date de ces Discours, voir Y. Azéma, Théodoret
de Cyr, Discours sur la Providence, Paris 1954, Introd., p. 15-22.
104. Théodoret entend réaffirmer ici contre Eutychès ce qu’il énonçait déjà
dans sa réfutation du premier anathématisme de Cyrille : « Le Dieu Verbe n’est
pas devenu chair par nature, et il ne s’est pas non plus transformé en chair :
car la divinité est immuable et sans changement » (PG 76, 391 B ; ACO I, 5,
[Collectio Palatina], p. 143, 26-28). En effet, Eutychès et Dioscore ne veulent
rien d’autre, selon lui, que faire reconnaître l’orthodoxie des douze chapitres
de Cyrille (cf. ep. 112 et 125 : SC 11 l,p. 50, 5-54,8 et p. 94, 8-12) ; telle est la
raison pour laquelle Théodoret fait reprendre à son compte par le Mendiant de
YEranistès toutes les formules de Cyrille qu’il a combattues dans sa Réfutation
des anathêmatismes (• le Verbe s’est fait chair » entendu comme une transfor
mation de sa nature ; « l’unique nature du Dieu Verbe incarnée » ; « la divinité
a subi la Passion dans la chair tout en demeurant impassible »)• Enfin, comme
le mot « temple *, dans son acception christologique, figure dans la Formule
d’union de 433 et que sa légitimité s’en trouve pour ainsi dire officiellement re-
théodoret de cyr et le SIGNEDUTEMPLE ON 2,19)
463
120. Sur l’emploi du mot « temple » par Cyrille dans ses Dialogues christo-
logiques et la justification qu’il en donne dans son Apologie contre Thcodorei:,
voir la remarque de G. M. de Durand (SC 97, p. 476-477, n. 2) : « On voit
que S. Cyrille n’a jamais renoncé à la métaphore du ‘temple’ pour désigner le
corps du Christ : elle était autorisée par trop de témoignages scripturaires pour
qu’un exégète comme lui pût la répudier. Il l’explique rapidement dans ApoL
c. Th. 5,421 C, ACO1,1,6, p. 127,1.29-31 : il suffit pour la rendre admissible
de stipuler qu’il ne s’agit pas d’une inhabitation par relation (oxeTixVj : telle
que nous la possédons par un don du Saint-Esprit), mais d’une union. Pour
d’autres emplois de la métaphore après 428, cf. Hom. P. XX, 841 C... Avant
428, l’expression est encore plus courante, alors que, remarque M. Liebaert,
Doctrine christologique, p. 200, n. 4, elle est plutôt rare chez S. Athanase, au
moins dans les Discours contre les Ariens. ».
121. Rapprocher le commentaire de Théodoret sur Is 11, 1 (In Is. 4, 362,
SC 295) de la citation dans YÉratiistès (Flor. II, n° 88, p. 182, 14-16) d’un ex
trait de la Lettre de Cyrille à Jean d’Antioche (ep. 39).
122. Pourtant, couramment utilisée jusque-là par les Pères, cette terminolo
gie concrète - « l’homme assumé » et « le Verbe assumant » - pouvait paraître,
au lendemain de la crise nestorienne, accréditer l’idée d’une distinction, non
plus de deux natures mais de deux personnes dans le Christ, et faire suspecter
leur auteur de distinguer « deux Fils ». Sur l’abandon de cette terminologie
concrète comme critère de datation pour les écrits de Théodoret, cf. supra,
n. 36.
468 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
LA CHRISTOLOGIE DE
THÉODORET DE CYR
ESSAI DE BILAN ILLUSTRÉ PAR
UN FLORILÈGE DE TEXTES
Cadre historique
6. Théodoret a tardé à signer l’Acte d’union dont il était pourtant l’un des
principaux rédacteurs, peut-être en raison du sort infligé à Nestorius qu’il ne
pouvait se résoudre à abandonner.
7. V.g. YExpositio rectae fidei, le traité Sur la Trinité et VIncarnation, sa Lettre
au peuple de Constantinople (ep. 5, SC 429).
472 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
11. Placée sous le patronage de Justin et éditée sous son nom par Th. Otto
(Iustiniphilosophi et martyris opéra quaeferuntur omnia, t. III, Iéna 1880, p. 2-27),
YExpositio n’a été que tardivement restituée à Théodoret grâce au témoignage
de Sévère d’Antioche (voir M. Richard, « L’activité littéraire de Théodoret
avant le concile d’Éphèse », RSPT 24, 1935, p. 82-106 [84]). La date de rédac
tion de cet opuscule demeure incertaine, M. Richard le considérant conune
nécessairement antérieur au concile d’Éphèse, alors que R.V. Sellers en situe
la rédaction vers 447, datation contestée par M.F.A. Brok (voir sur ce sujet,
mon article « UExpositio rectae fidei et le traité Sur la Trinité et l'Incarnation de
Théodoret de Cyr : deux types d’argumentation pour un même propos ? »,
Recherches augustitiiennes 32 [2001], p. 39-74 [69-72]).
12. On en relève 12 occurrences dans la seconde partie du traité, relative à
l’Incarnation : Expositio (éd. Otto) § 10 (3) ; 13 (3) ; 14 (1) ; 15 (1) ; 17 (4).
13. Ibid., § 11, p. 38, 9 - 40, 14.
14. Ibid., § 11, p. 40, 14-42,9.
15. Ibid.,l 12, p. 44, 10-50, 1.
16. Ibid., § 11, p. 42, 9-14.
17. L’affirmation de l’unité de la personne est ici plus nette que dans le
passage de la Thérapeutique cité plus haut (cf. n. 10).
474 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
humaine. (...) Les mots : Le Verbe s’est fait chair n’expriment pas
la mutation qu’aurait subie la divinité, mais l’assomption de la
nature humaine (De incam. 18)
En réalité, cette même accusation se rencontre déjà dans
pExpositio. Peut-être ne vise-t-elle là que les seuls apollina-
ristes, si l’on retient une date haute, mais pourrait tout autant
viser Cyrille, comme il en va sans doute des attaques contre
Apollinaire dans le De incam.26 :
Dites-nous, en effet, vous qui feignez la sollicitude à l’égard
de la religion chrétienne, vous qui recherchez et alléguez de
semblables raisons en vue de supprimer les deux natures, vous qui
vous employez à parler de mélange et de confusion, de change-
ment du corps en divinité et à soulever de semblables questions,
vous qui dites tantôt que le Logos est devenu chair et tantôt que
la chair a pris la substance du Logos, et qui, à cause de semblables
égarements de votre intelligence, ne parvenez même pas à montrer
clairement ce que vous pensez. Dites-nous donc comment le Logos
est devenu chair sans quitter les deux, etc. (Expositio § 15)27.
De la nécessité de maintenir l’inconfusion des natures
découle aussi l’obligation de répartir les vocables entre chacune
d’elles qui, au sein de l’union, conservent leurs propriétés, la
nature divine son immutabilité et son impassibilté, la nature
humaine sa faiblesse et tout ce qui l’affecte :
Il (Cyrille) veut en effet, comme s’il y avait un mélange, qu’il
n’y ait'aucune différence entre les paroles prononcées dans les
saints Evangiles et dans les écrits des apôtres, et cela quand il se fait
gloire peut-être de combattre Arius et Eunomius et tous les autres
hérésiarques. Qu’il nous dise donc, ce docteur averti des dogmes
divins, comment il peut réfuter le blasphème des hérétiques en
rapportant au Dieu Verbe ce qui est dit d’une manière humble et
qui convient à la forme de l’esclave. Car ces gens-là, en procédant
de la sorte, établissent que le Fils de Dieu est inférieur, qu’il est
une créature, une œuvre créée, un esclave et qu’il appartient à la
catégorie des non-existants. (...) Ainsi donc les paroles et les actes
25. PG 75, 1449 BC. Voir aussi De incam. 32 (ibid., 1472 D) : « Nous ne
confondons donc pas les natures et nous ne professons pas un mélange du
Créateur avec la création, et nous attribuons au terme de mélange l’idée de
confusion. (...) Quant à ceux qui parlent de mélange, ils introduisent par le
terme de mélange l’idée de confusion ; et par l’idée de confusion, on introduit
l’idée de changement. Or, une fois admise l’idée de changement, Dieu ne sau-
rait demeurer dans sa nature propre, non plus que l’homme dans la sienne.
Car nécessairement chacun des deux sortirait alors des bornes qui définissent
sa substance : Dieu ne serait plus reconnu en tant que Dieu, ni l’homme en
tant qu’homme, *
26. Cf. De incam. 10 (PG 75, 1432 AB) ; l’incertitude touchant la date de
rédaction de VExpositio, plus encore que celle du De incam. (cf. supra, n. 11),
ne permet de faire sur ce point que des hypothèses.
27. Cf. Otto, op. cit., p. 54, 4-12.
LA CHRISTOLOGIE DETHÉODORET DE CYR 477
(ACO I,i, 1, p. 10-23 ; trad. A.-J. Festugière, Éphèse et Chalcédoine. Actes des
conciles, Paris 1982).
39. PG 75, 1461 B ; voir aussi De incam. 30 {ibid., 1472 B) : « Le nom de
« Christ » fait voir non seulement r<homme> assumé, mais aussi le Verbe
assumant en même temps que r<homme> assumé - car ce nom est propre
à signifier le Dieu et l’homme -, et, pour cette raison, Paul attribue aussi à
celui qui est visible la création et l’organisation de l’univers, en raison de son
union avec celui qui est caché » ; De incam. 32 {ibid., 1472 D) : « Mais, tout en
sachant identifier la nature du Dieu Verbe et tout en reconnaissant la substance
de la forme de l’esclave, nous adorons chacune des deux natures en tant que
Fils unique : car c’est tour à tour l’un ou l’autre élément qui reçoit le nom
de Christ, et ni la forme de Dieu à elle seule, ni la forme de l’esclave, nue et
dépouillée de la divinité, cela n’a jamais été appelé de ce nom par les maîtres
de la piété. *
40. Ainsi, au Mendiant de YEranistès, demandant si le nom de «Jésus-
Christ » désigne « l’homme ou le Dieu », Théodoret réplique par la bouche de
l’Orthodoxe : « Ni l’un sans l’autre, mais les deux ensemble. Car le Dieu Verbe,
après son incarnation, a été appelé Jésus-Christ » {Eran. II, éd. G.H. Ettlin-
ger, Theodoret of Cyrus, Eranistes, Oxford 1975, p. 113, 34-114, 2). Toutefois,
l’union des natures en une seule personne entraîne une « communauté » des
noms et des propriétés (cf. déjà Expositio § 12, supra, n. 18), qui rend légitime
aussi bien l’appellation de « Seigneur de gloire » ou de « Fils Monogène » que
celle d’« homme », avant comme après la Résurrection et l’Ascension, pour
désigner le Christ (v.g. Eran. II, p. 127, 17-128, 24 ; 139, 8-16 ; III, p. 226,
21-32 \ep. 131, à l'évêque Timothée, SC 111, p. 114, 13-21).
4L Cf. Eran. III, p. 216, 25-28 ; 228, 9-11 (« Le nom de ‘Christ’ contient
tout »).
42. Cf. ep. 147, à l'économe Jean {SC 111).
43. Cf. Rèfut. anath. 1 : «Voilà précisément la raison qui nous fait appeler
cette Vierge sainte ‘Mère de Dieu’, non parce qu’elle l’a enfanté en tant que
Dieu par nature, mais en tant qu’homme, uni à Dieu qui l’a façonné. (...) Mais
puisque <la forme de l’esclave> n’était pas dépouillée de la forme de Dieu,
mais qu’elle était un temple qui contenait le Dieu Verbe inhabitant (...), nous
ne donnons pas à la Vierge le nom de ‘Mère de l’homme’, mais celui de ‘Mère
de Dieu’, en appliquant la première appellation au façonnage, au modelage
LA CHRISTOLOGIE DETHÉODORET DE CYR 481
1. Le temps de l’exégèse
Presque tous les commentaires exégétiques de Théodoret
sur l’Ancien et le Nouveau Testament semblent avoir été rédigés
entre 431 et 448, à l’exception de ses Questions sur TOctateuque et
les Règnes, postérieures au concile de Chalcédoine. C’est pour le
théologien l’occasion de vérifier sur l’Ecriture, dans le respect des
termes de l’union, le bien-fondé de ses positions christologiques.
Pour la connaissance de sa christologie, tous ses commen
taires n’ont pas le même intérêt. Les remarques les plus
nombreuses sur le sujet figurent dans les commentaires sur le
Cantique, Isaïe, le Psautier et le corpus des épîtres pauliniennes,
son seul commentaire sur le N.T. On y retrouve toutes les carac
téristiques de la christologie antiochienne, que l’affrontement
avec Cyrille a mises en évidence : l’insistance sur l’assomption
par le Verbe divin d’une nature humaine parfaite, l’application
à distinguer les natures du Christ et à répartir les vocables,
selon qu’ils conviennent à sa divinité (dzoTZQEneïç) ou que leur
humilité (T0C7re{.vÔT7]ç, toctceivoc) impose de les rapporter à son
humanité, l’affirmation d’une union indissoluble des natures
dès la conception, étant sauve l’impassibilité de la nature divine,
enfin l’affirmation de l’unicité du Christ et d’« un seul Fils ».
52. In Is. 12, 559-570, SC 295 (cf. Pentalogos, PG 84, 72 BC). Cf. aussi In
Is. 15, 231-243, SC 315 : « Et il m’a dit : Tu es mon esclave, Israël, et en toi je
me glorifierai. Il faut entendre cela aussi selon la nature humaine : car, selon
la nature humaine, il est appelé Israël, Jacob, David, fils de David, descen
dant d’Abraham et de tous les noms de cette espèce. Or, il l’appelle ‘esclave’,
puisque c’est d’une nature servile que vient la forme de l’esclave que le Dieu
Verbe a assumée. Mais le texte fait bien voir qu’il en a assumé non pas la
condition, mais la nature : car la forme de l’esclave n’est pas l’esclave. Car il
lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom, c’est-à-dire le fait d’être Fils. De
même, en effet, qu’en tant que Dieu, notre Maître le Christ était Fils depuis
toujours, de même il reçoit en tant qu’homme le fait d’être Fils. Car le premier
n’est pas un Fils et le second un autre, mais c’est le même qui est Fils en tant
que Dieu et qui reçoit le fait d’être Fils en tant qu’homme »> ; à noter queThéo-
doret se prémunit ici contre l’accusation de professer « deux Fils ».
53. In Zach., PG 81, 1889 AB ; cf. De Trin. 15 (PG 75, 1168 BD) où est
réfuté l’argument des ariens, selon lequel « celui qui est envoyé » serait infé
rieur à « celui qui envoie ».
LA CHRISTOLOGIE DETHÉODORET DE CYR 485
58. In Is. 12, 579-581 (ibid.) ; voir aussi In Psal., PG 80,1768 A : « Le même
est fils de David selon la chair et son Seigneur en tant que Dieu et démiurge ».
59. In Hebr.y PG 82, 733 C ; voir aussi In Is. 15, 238-243 (.SC 315) : « Car
il lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom, c’est-à-dire le fait d’être
Fils. Car, de même qu’en tant que Dieu, notre Maître le Christ était depuis
toujours le Fils, de même en tant qu’homme, il reçoit le fait d’être Fils. Car le
premier n’est pas un Fils et le second un autre, mais c’est le même qui est Fils
en tant que Dieu et qui reçoit le fait d’être Fils en tant qu’homme » ; In Rom.,
PG 82, 141 C : « Il est nommé ‘premier-né’ en tant qu’homme ; car, en tant
que Dieu, il est Monogène. De fait, il n’a pas de frères en tant que Dieu, mais
il appelle ‘frères’ ceux qui ont cru. C’est de ceux-là qu’il est le ‘premier-né’,
sans pour cela être ‘un autre’ par rapport au Monogène, mais le même est à la
fois Monogène et premier-né. »
60. Apollinaire est désormais absent du débat christologique, lui dont le
Cyrille des anathématismes était accusé de renouveler l’hérésie.
61. Voir toutefois l’introduction de G.M. de Durand aux Dialogues sur la
Trinité de Cyrille, concernant sa polémique antiarienne (.SC 231, chap. pre
mier).
LA CHRISTOLOGIE DETHÉODORET DE CYR
487
62. Sur ces différents modes de désignations, voir J.-N. Guinot, UExégèse
de Théodoret, op. cit., p. 593 s.
63. Voir dans ce volume, l’article précédent, «Théodoret de Cyr et le signe
du temple (Jn 2, 19) dans le débat christologique de son temps *.
64. Cf. supra, n. 33.
65. In Ez., PG 81, 836 C.
66. InPsaLyPG 80, 1012 C.
67. Cf. ep. 4, 344-346, aux moines d’Euphratéste..., SC 429 ; Réfut. anath. 8
(PG 76, 428 D ; ACO I, I, 6, p. 132, 1-2) ; De incam. 21. 32 (PG 75, 1456
D ;1472 D).
488 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
71. Ibid., 753 A; cf.De incam. 14 (PG 75, 1441 A12). A rapprocher de
l’emploi ici de 7tEpiXEip£voç : ibid., 748 D (àvôpcü7t£iocv 7i£piXEip£vov cpùotv) ;
752 Cl 1-12 (xôv toü ’AÔàp 7tOLY}ri]v rrjv toü ’AÔàg 7t£pixEi'pevov cpuoiv) ;
voir aussi, ibid., 756 B12 (toü KpoflcxTOU ttjv cpuoiv ocxcpcoç èvôuocxjiEvoç) ;
sur la légitimité de cette terminologie, voir infra, n. 152.
72. PG 83, 753 D.
73. Cf. supra, n. 57.
490 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
77. Cf. Eran. I, éd. G.H. Ettlinger, op. cù., p. 32,6 (Ôîxa tivôç ëpiôoç).
492 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
S’il n’est pas devenu chair en assumant la chair, il est devenu chair
par suite d’un changement.
Eran. Ce verbe « il a assumé * (eXaÔev), c’est votre invention !
Car l’évangéliste dit : Le Verbe s’est fait chair.
Orth.Tu me parais ou bien méconnaître la divine Écriture, ou,
si tu la connais, faire preuve de mauvaise foi80.
Au terme de ce premier échange, l’Orthodoxe montre qu’il
suffit de replacer le verset johannique dans son contexte pour
l’entendre correctement, c’est-à-dire non d’un changement,
comme sont soupçonnés de le faire les monophysites, mais d’une
assomption de la nature humaine par le Verbe divin demeuré
immuable, comme l’affirment les orthodoxes et les théologiens
antiochiens :
Eran. Tu as passé en revue de nombreuses et véridiques décla
rations, mais je voulais connaître le sens de la parole évangélique.
Orth. Tu n’as pas besoin d’une explication venue du dehors :
l’évangéliste lui-même la fournit. En effet, après avoir dit : Le Verbe
s’est fait chair, il a ajouté : et il a habité (èaxVjvcoaev) parmi nous,
c’est-à-dire : il est dit s’être fait chair, car il a habité (axrjvcooaç)
parmi nous et s’est servi comme d’un temple (olôv xtvi vaô) de la
chair qu’il a assumée de nous. Et pour enseigner qu’il est demeuré
sans changement, il a ajouté : Et nous avons vu sa gloire, gloire
héritée du Père en tant que Fils unique, plein de grâce et de vérité Qn
1, 14). En effet, bien qu’il fût revêtu de la chair, il faisait paraître
la noblesse du Père, il resplendissait des rayons de sa divinité et
émettait l’éclat de sa puissance seigneuriale, en dévoilant par ses
miracles sa nature cachée81.
Obstinément cramponné à la formule de Cyrille « une seule
nature du Verbe incarnée »82, le Mendiant tente vainement, dans
le second Dialogue, de résister à la démonstration de l’Ortho
doxe qui entend lui prouver la nécessité de reconnaître dans le
Christ deux natures unies sans confusion si l’on veut préserver
le caractère immuable de la nature divine du Verbe. Contraint de
battre en retraite, il doit admettre successivement :
- la légitimité de l’appellation « homme » appliquée au Christ,
avant comme après sa Résurrection et son Ascension, alors qu’il
prétendait ne le désigner que par sa « nature supérieure » en
l’appelant « Dieu » :
Orth. Dis-moi donc, si tu es d’accord avec moi pour dire qu’il
faut appeler également homme notre Sauveur le Christ.
Eran. Pour ma part, je l’appelle Dieu, car il est Fils de Dieu.
Cilicie à rechercher s’il y avait vraiment des gens « qui divisaient en deux Fils
l’unique Seigneur Jésus-Christ » et, si tel était le cas, leur avoir demandé soit
de « les redresser par un avertissement », soit de « les retrancher de l’assemblée
des frères » (SC 98, p. 224, 4-9).
103. Ep. 82, à Eusèbei, évêque d’Aticyre (déc. 448), SC 98, p. 198, 22 ... 202,
6 (trad.Y. Azéma).
104. V.g. ep. 83, 85 (SC 98), 99, 101, 104, 109, 146 (SC 111).
105. Ep. 99, à l’antigraphaire Claudien (fin 448), SC 111, p. 16, 4-6 (trad.
Y. Azéma).
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i
106. Ep. 104, à Flavien de Constantinople (nov. 448), SC 111, p. 24, 22 - 26,
12. (trad.Y. Azéma).
107. L’expression elç Ôuo olouç est nettement plus fréquente {ep. 21,
SC 98, p. 74, 24-25 et 76, 3 ; ep. 82, ibid., p. 200, 28, 29 ; ep. 83, ibid.y p. 206,
21-22 ; ep. 84, ibid.y p. 220, 4 ; ep. 85, ibid.y p. 224, 7 ; ep. 99, SC 111, p. 16,
7 ; ep. 101, ibid.y p. 18, 15 ; ep. 104, ibid.y p. 24, 23 ; ep. 105, ibid., p. 30, 9 ;
ep. 109, ibid., p. 34, 26 et 36, 2 ; ep. 144, ibid., p. 160, 8 ; ep. 146, ibid., p. 174,
21-22 et 180, 1) que l’expression riç ôuo 7tpôo(07ta (cf. ep. 21, SC 98, p. 76,
9-10 ; ep. 84, ibid., p. 220, 7-8 ; ep. 131, SC 111, p. 116, 8).
108. Cf. ep. 83, a Dioscore d’Alexandrie (448), SC 98, p. 212, 21 (il y affirme
aussi, à trois reprises, qu’il ne divise pas « en deux fils » ni « en deux personnes,
ou en deux fils ou en deux seigneurs notre unique Seigneur Jésus-Christ »,
comme on l’en accuse calomnieusement, ibid., p. 206, 21 ; 213, 5-6 ; 218, 18-
109. V.g. ep. 83, ibid., p. 212, 24-25 ; ep. 147, SC 111, p. 207, 19.
110. Cf. ep. 126, SC 111, p. 100, 8-9 ; ep. 144, ibid., p. 160, 2-4 ; ep. 146,
ibid., p. 196, 9-12 : « Car l’incarnation du Monogène n’a pas augmenté le
nombre des personnes de la Trinité et n’a pas fait de la Trinité une Quatemité,
mais la Trinité est restée Trinité, même après l’incarnation » (trad.Y. Azéma).
111. V.g. ep. 131, ibid., p. 118, 2 (xè xcôv ôvopàxoov xoivôv) ; ep. 104, ibid.,
p. 26, 10 (xû évl Movoyeveï xocl xaûxoc xàxeïva 7tpooYixeiv) ; ep. 147, ibid.,
p. 222, 18-22 (àôuxœôpwç).
112. V.g. ep. 21, SC 98, p. 76, 3 ; ep. 83, ibid, p. 212, 6 ; ep. 85, ibid., p. 224,
8. 12 ; ep. 101, SC 111, p. 18, 15.
113. Cf. ep. 84, SC 98, p. 220,4-5 (les deux appellations sont ici conjointes :
« notre unique Seigneur Jésus-Christ, le Fils Monogène de Dieu »).
LA CHRISTOLOGIE DETHÉODORET DE CYR 503
114. V.g. ep. 83, SC 98, p. 219, 19 ; ep. 99, SC 111, p. 16, 7 ; ep. 104, ibid.,
p. 26, 10.
115. V.g. ep. 84, SC 98, p. 220, 8 ; ep. 85, ibid.,p. 222, 26 ; ep. 109, SC 111,
p. 34, 28.
116. Cf. ep. 126, SC 111, p. 100, 13-14.
117. Cf.ep. 131, ibid., p. 118, 1-2.
118. V.g. ep. 99, SC 111, p. 16, 7-8 ; ep. 104, ibid., p. 26, 2 ; ep. 131, ibid.,
p. 116 ; 24 ; ep. 146, ibid., p. 178,16-17.
119. Cf. ep. 146, ibid., p. 178, 16 ; ep. 147, ibid., passim.
120. Comme paraît l’avoir fait l’évêque Irénée, cf. ep. 16, ibid.,p. 58, 19-25.
121. Ep. 83, à Dioscore d'Alexandrie, SC 98, p. 212, 2-4 ; 218, 16-17. (trad.
Y. Azéma).
122. Cf. ep. 109, à Eusèbe d'Ançyre, SC 111, p. 36, 1-5 ; ep. 144, à André,
moine de Constantinople, ibid., p. 160,4-8.
123. Cf. ep. 86, à Flavien de Constantinople, SC 98, p. 226, Ils.
504 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
non sans ignorer sans doute que Dioscore partage déjà les vues
d’Eutychès :
Ceux, en effet, qui refusent de distinguer la chair du Seigneur
de sa divinité, et disent tantôt que c’est la nature divine qui est
devenue chair, tantôt la chair qui s’est transformée en nature
divine, nous nous appliquons à les guérir par les remèdes que
nous offrent ces hommes admirables124. Car ils nous enseignent
clairement la distinction des deux natures, proclament l’immuta
bilité de la nature divine et appellent divine la chair du Seigneur
en tant qu’elle est devenue chair du Verbe Dieu, mais, qu’elle ait
été changée en la nature divine, c’est une opinion qu’ils rejettent
comme impie125.
S’il est assez piquant de voirThéodoret invoquer ici le patro
nage de Cyrille en faveur de la distinction des natures126, alors
que les formules utilisées pour condamner le monophysisme
eutychien rappellent celles de sa Réfutation des anathématismes,
il faut bien en comprendre la raison. C’est au Cyrille de l’Acte
d’union que fait ici référence Théodoret, à celui qui a désavoué,
au moins tacitement, ses anathématismes pour permettre le
retour à l’unité, non à celui qui sommait Nestorius d’y souscrire.
Or il est clair pour lui que le but d’Eutychès, de Dioscore et
de leurs partisans n’est autre que de faire approuver par un
nouveau concile la doctrine contenue dans les douze chapitres
de Cyrille, autrement dit une forme renouvelée de l’hérésie
d’Apollinaire. C’est ce qu’il explique à Domnus d’Antioche à la
veille du second concile d’Ephèse, où il n’est pas autorisé à se
rendre, pour qu’il en voie bien les enjeux et veille à défendre les
acquis de l’Acte d’union.
Car ceux des autres provinces ne savent pas quel poison
renferment les douze chapitres et ne considérant que l’éclat de
celui qui les a écrits, ils ne soupçonnent aucun mal ; et j’imagine
que celui qui lui a succédé sur ce siège met tout en œuvre pour
les faire approuver par un second concile. L’homme, en effet, qui,
par ordre, rédigea récemment de tels écrits et jeta l’anathème à
ceux qui refusaient de s’y tenir, que ne ferait-il pas s’il présidait un
concile œcuménique ?(...)
124. Les défenseurs de la foi orthodoxe, dont il vient de citer les noms :
Alexandre et Athanase d’Alexandrie , Basile de Césarée, Grégoire de Nazianze
(ou de Nysse?),Théophile et Cyrille d’Alexandrie.
125. Ep. 83, à Dioscore d’Alexandrie, SC 98, p. 214,15 - 216,8 (trad.Y. Azéma).
126. Dans son Écrit sur l’émissaire, mentionné ici par Théodoret (ibid.,
p. 216,12-13), Cyrille opère, il est vrai, une telle distinction, à laquelle oblige
le « type », même s’il insiste sur l’unité de ce dont il est la figure ; voir, notre
article, « L’exégèse du bouc émissaire chez Cyrille d’Alexandrie et Théodoret
de Cyr *, Augustinianum 28, 1988 p. 603-630.
LA CHRISTOLOGIE DETHÉODORET DE CYR 505
127. Ep. 112 à Domnus d'Antioche, SC 111, p. 48,22 -52,13 (trad. Y. Azéma).
128. Ep. 125 à Jean de Germanicie, ibid., p. 94, 8 - 96, 9 (trad. Y. Azéma).
506 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
129. V.g. ep. 83, SC 98, p. 216, 1-2 ; ep. 85, ibùL, p. 224, 10-11 ; ep. 99,
SC 111, p. 16,10 ; ep. 101,M.,p. 18,19-20\ep. 104,iWd.,p. 26,13 ;ep. 126,
ibid., p. 102, 1-3.
130. Cf. ep. 145, ibid.y p. 164, 24-26.
131. Cf. ep. 146, ibid. yp. 192, 24-27.
132. Ep. 144, à André, moine de Constantinopley ibid., p. 160, 2-11 (trad.
Y. Azéma).
133. Ep. 145 aux soldatSy ibid.y p. 164, 21 - 166, 15 (trad. Y. Azéma).
LA CHRISTOLOGIE DETHÉODORET DE CYR 507
134. De sa lecture du Tome à Flavien> dont fait état sa Lettre au pape Léony
Théodoret retient les trois affirmations christologiques qu’il réitère lui-même
sans cesse : la dualité des natures, l’unicité du Fils Monogène et l’impassibilité
de sa nature divine (ep. 113, ibid.> p. 58, 15 - 60, 8).
135. Ep. 127 à l’évêque Sabinien, ibûL, p. 104, 14-20 (trad.Y. Azema).
136. Cf. ep. 109, ibid.3 p. 36, 11 s. ; le texte de cet opuscule (Quod unicus
Filius sti) figure en PG 83, 1433 A-1440 D.
508 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
137. Cf. sur ce point le débat d’Eran. II, Ettlinger, p. 145,13 - 148, 24.
138. PG 83, 1437 A4-6.
139. Cf. ep. 147, SC 111.
140. Cf. PG 83, 1437 BC.
LA CHRISTOLOGIE DETHÉODORET DE CYR 509
141. Cf. PG 83, 1440 AD. Cette liste, qui joue un rôle comparable aux flo
rilèges de YEran., est à rapprocher de celle qui figure dans la Lettre 146, aux
moines de Constantinople (SC 111), de peu postérieure sans doute à la lettre
adressée à Eusèbe d’Ancyre (ep. 109) ; voir à ce sujet M. Richard, « Un écrit
de Théodoret sur l’unité du Christ après l’Incarnation », op. ciu> p. 46-52.
510 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
Du concile de Chalcédoine
à la mort de Théodoret (vers 460)
La reconnaissance par le concile de son orthodoxie et sa
réhabilitation, acquise au prix de la condamnation de Nestorius
exigée de lui par ses adversaires142, ne mirent pas un terme à son
activité de théologien. Non seulement il demeura en relation
avec le pape Léon143, dont le Tome à Flavien servit de référence
au concile pour définir la foi orthodoxe en matière de christo
logie, mais il continua sans aucun doute à se montrer vigilant à
l’égard de toute tentative visant, directement ou indirectement,
à promouvoir le monophysisme eutychien.
146. Il s’agit des chapitres 11-15 (PG 83,488 D-505 A). Il serait intéressant
de comparer les deux textes et leurs dossiers scripturaires.
147. Cf. PG 83, 488 D.
148. Il y reprend, de façon plus détaillé, ce qu’il a dit dans le chapitre (V, 2)
consacré à la « théologie » du Fils (ibid.> 448 B). La structure de l’exposé est
identique : après avoir rappelé notamment la manière dont Valentin opère une
distinction entre le Monogène, le Verbe, le Christ et Jésus, il affirme que <« le
même est à la fois Seigneur Monogène, Dieu Verbe, Sauveur et Jésus » (cita
tions de Mt 16, 15-16 et Jn 1, 1-2).
149. Suit un petit dossier scripturaire - Ps 44, 8 ; Is 61,1 ; Le 4, 21 ; Ac 10,
37-38 - destiné à prouver que le nom de « Christ » donné au Verbe incarné l’a
été en raison de l’onction de l’Esprit.
150. PG 83, 489 Al4-D.
LA CHRISTOLOGIE DETHÉODORET DE CYR 513
revêtu « la nature d’Adam » (cf. supra, n. 71). Sur la nécessaire similitude entre
le type et la « vérité », voir J.-N. Guinot, « La typologie comme système her
méneutique », dans Figures de VAncien Testament chez les Pères, Cahiers de Biblia
Patristica 2, Strasbourg 1989, p. 1-34.
172. Noter le redoublement des termes (cf. QG 58 : FM I, p. 55, 20 ;
Eran. II, Ettlinger, p. 133, 4 ; 137, 7-8 ; III, p. 227, 26). Toutefois Théodoret
use peu des termes odpxo)oiç/-x6to pour désigner l’Incarnation (une seule
occurrence dans sa correspondance : ep. 143, SC 111, p. 156, 24) - il leur pré
fère nettement èvav9pd)7t^oiç/-7téa) -, en dehors de Y Eran. où le terme, si l’on
excepte les florilèges patristiques, est mis le plus souvent dans la bouche du
Mendiant et repris à sa suite par Théodoret.
173. Noter l’association des deux termes, Théodoret ayant toujours dé
fendu contre Cyrille la légitimité du terme ouvdtpeia pour exprimer l’union,
même s’il s’abstient de l’employer seul après l’Acte d’union.
174. QG 19 {FM I, p. 22, 20-26). Pour les autres occurrences de la formule
ëv Tcpôooj7tov dans ses traités exégétiques antérieurs à Chalcédoine, cf. supra,
n. 69, et sur l’emploi restreint de cette formule dans ses autres écrits, voir
dans ce volume l’article n° 38, «Théodoret de Cyr et le signe du Temple (Jn 2,
19)...»,n. 124.
175. Jamais, dans ses Quaest.,Théodoret n’éprouve le besoin de se défendre
contre les calomnies d’adversaires qui l’accuseraient de professer « deux Fils »,
quand il distingue seulement deux natures dans le Christ.
LA CHRISTOLOGIE DETHÉODORET DE CYR 519
176. Deux occurrences dans sa lettre à Irénée (ep. 16, SC 98, p. 58, 12. 23)
pour l’engager à accepter le terme sans l’adjonction d’àvÔpajKorôxoç ; deux
autres dans sa lettre « apologétique » à Dioscore (ep. 83, ibid., p. 212, 2 ; 218,
17) ; une dans sa lettre à Donmus pour la défense d’Irénée de Tyr (ep. 110,
SC 111, p. 40, 19). En revanche, le terme n’apparaît pas dans §es commen
taires exégétiques, ni dans ses Discours sur la Providence, ni dans YEranistès (sauf
dans un florilège), ni dans ses écrits postérieurs au concile de Chalcédoine.
LA CHRISTOLOGIE DETHÉODORET DE CYR 521
177. L’idée n’est guère reprise par Théodoret dans ses autres écrits.
522 THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
Volume I
Tabula gratulatoria 7
Bibliographie 9
Introduction 17
2. HÉRITAGE ET OPPOSITIONS
Volume II
1. APOLOGÉTIQUE ET POLÉMIQUE
2. THÉOLOGIE ET CHRISTOLOGIE
SUR FOND DE CRISE NESTORIENNE
N° d'édition: 15563
N° d'impression : DI2/47633 T
Dépôt légal : juin 2012
chrislicmifmc
50 €
ISSN 0763*8647
ISBN 978-2-204r09T89*5 Sodis 8294654
2012-Vl
9 HMD ■■