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Cours n°8 = L'UE depuis les

élargissements de 2004 et de
2007 : une Europe en panne ?
Dans l'histoire de l'Europe communautaire, les élargissements n'ont jamais été
considérés comme une formalité, mais le cinquième élargissement moins
encore que tous les autres. Il suffirait de mentionner l'échec de la ratification
en 2005 du Traité constitutionnel européen en FR et aux Pays-Bas, un an
seulement après l'adhésion des NEM (nouveaux Etats membres). Il faut
surtout se souvenir que la campagne de ratification de ce traité avait été
marqué en FR par la thématique du « plombier polonais », l'adhésion de la
Pologne et des PECO étant accusée de menacer les acquis sociaux des salariés
français. Cet élargissement en deux temps intervient dans une décennie 2000
où l'Europe est en quête de nouveaux projets mobilisateurs et où se déploie
l'euroscepticisme.
Simple coïncidence ou véritable corrélation entre le dernier élargissement et
les difficultés du projet d'intégration ? Même s'il a souvent été considéré
comme une avancée historique, cet élargissement ne s'apparente-t-il pas à
une fuite en avant pour une Europe en panne de stratégie ?

I) L'adhésion de nouveaux membres à l'UE, et


surtout celle des PECO, est apparue comme une
nécessité.

A) Difficile, voire impossible, de s'opposer à la candidature


de l'« Occident kidnappé » (M.Kundera).

1) Pour des raisons historiques et morales.

Les PECO ont été tenus à l'écart, contre leur gré, de la famille européenne, en
raison du contexte de guerre froide.

En 1947 la Pologne et la Tchécoslovaquie avaient accepté l'aide Marshall, avant


de devoir y renoncer ensuite sous pression soviétique. La Tchécoslovaquie
appartenait aussi à la famille des démocraties européennes, avant que le coups
de Prague ne la transforme en démocratie populaire en 1948.

Tout au long de la période communiste, ces démocraties populaires n'ont cessé


de tenter de secouer le joug soviétique. 1956 : Pologne, Hongrie ; 1961 :
nécessité d'élever un mur à Berlin pour éviter l'émigration massive des All de
l'Est ; 1968 : Pragues ; 1980 : naissance du syndicat Solidarnosk en Pologne.

Dans ces conditions, la chute du mur, la réunification allemande, la disparition


de l'URSS, ouvraient un boulevard à une candidature des PECO. D'ailleurs
ceux-ci ont formulé très tôt une candidature à l'adhésion.

2) Ces candidatures favorisent la réunification du continent sous


l'égide de l'UE.

L'élargissement de 2004-07 marque une étape essentielle pour l'UE, puisque


celle-ci atteint une échelle continentale, et remplit ainsi les objectifs fixés par
les Pères fondateurs pour qui la construction européenne ne pouvait se limiter
à la Petite Europe.

L'Europe des 6 : l'« Europe carolingienne » (référence à Charlemagne et son


Empire) s'est dotée d'une façade atlantique avec les élargissements de 1973 et
1986, d'une aile septentrionale avec ceux de 1973 et 1995, d'une aile
méridionale avec ceux de 1981 et 1986, et il a fallu attendre 2004 et 2007
pour que l'Europe se dote d'une aile orientale tout en renforçant l'aile
méridionale (Slovénie, Chypre, Malte).

La candidature des PECO à l'UE avait également valeur de symbole :


encouragement à poursuivre l'oeuvre entreprise, juste au moment où la CEE
va se transformer en UE avec de nouvelles ambitions.

Il n'est pas certain que les PECO aient eu pleinement conscience de cette
transformation de la CE en UE. Ils s'attachaient surtout à la valeur symbolique
de la candidature : rejoindre la grande famille européenne, leur candidature
marquant un retour à la normalité après un accident de l'histoire, mais ils
n'avaient pas une conscience aiguë du degré d'intégration élevé qu'avait
atteint l'UE. Ils vont découvrir lors des négociations d'adhésion l'ampleur de
l'acquis communautaire à assimiler, ce qui pourra être source de frustration ou
de déception : assimiler l'acquis communautaire suppose d'importants
transferts de souveraineté, pour des pays qui viennent de la retrouver.

La perspective d'accueillir 12 nouveaux Etats membres permettait d'accueillir


100 millions d'habitants de plus (Pologne, Roumanie, Tchéquie, Hongrie, mais
aussi des petits pays, ex : Malte 400 000 habitants : problème de sur-
représentation ds institution?). L'UE dépassait ainsi le seuil des 500 millions
d'habitants, à l'heure où s'affirment des ensembles qui sont fortement peuplés.
Dans la perspective du Marché unique, ces 100 millions représentaient 100
millions de consommateurs potentiels, même si les niveaux de vie dans ces
pays étaient particulièrement bas lors de leur adhésion, bcp plus bas que Esp
et Portugal ayant adhéré en 1986 : le PIB/hab de ceux-ci = 66% de la
moyenne communautaire en 1986, alors qu'en 2004-07 8 des 10 PECO avaient
un PIB/hab inférieur à 60% de la moyenne communautaire, et que le PIB
cumulé des 10 NEM ne représentait alors que 6% du PIB de l'UE. Ces 12 NEM
représentent ainsi un renfort productif bien modeste pour l'UE. Cela dit, il faut
constater qu'entre leur adhésion en 1986 et la période actuelle, les niveaux de
vie de l'Esp et du Portugal par ex ont largement convergé avec ceux des autres
membres de l'UE.
3) L'UE pouvait difficilement faire l'économie de cet élargissement.

Refuser l'adhésion de nouveaux Etats membres aurait pu être considéré


comme un échec, comme des ambitions revues à la baisse. Le refus de ces
candidatures aurait ainsi contribué à l'affaiblissement du poids de l'Europe
dans le monde, au moment où elle veut bâtir une PESC.

La nouvelle UE ne peut pas laisser son flanc oriental menacé de déstabilisation.


La sortie du communisme était éventuellement propice au retour en force du
nationalisme, dans des Etats à peine redevenus souverains : accepter les
candidatures c'était canaliser ces nouvelles souverainetés, l'exemple
yougoslave servant de repoussoir.
La déstabilisation pouvait aussi être d'ordre économique : ce sont des pays qui
sortent du communisme, ce qui se traduit par d'importantes difficultés, avec la
mise en place d'une transition douloureuse vers l'économie de marché, comme
l'illustre la formule de L.Walesa. La transition vers l'économie de marché a pu
prendre deux formes :
- la « thérapie de choc » : méthode radicale, d'inspiration
libérale, choisie par la Pologne et la R.Tchèque, avec la volonté de liquider le
plus rapidement possible les séquelles de l'économie planifiée.
- le gradualisme : adopté par la Roumanie et la Bulgarie,
avec maintien d'un rôle plus appuyé de l'Etat dans la sphère économique et
sociale.
Qq soit le mode de sortie, la première moitié des années 90 a été marquée
pour les PECO par une violente récession, comparable à la grande dépression
des années 30 (1989-93 parallèle à 1929-33, avec un PIB chutant de 30%
avant qu'il ne se redresse). Cette récession était considérée comme le prix à
payer pour solder l'héritage soviétique. Avec bien-sûr, comme dans les années
30 en Europe occidentale, la crainte que ces tensions économiques ne
débouchent sur des tensions sociales et politiques et ne viennent ainsi
menacer le processus de démocratisation dans ces Etats. D'autant que hormis
la Tchécoslovaquie, aucun des PECO ne bénéficiait d'une longue expérience
d'un régime démocratique : durant l'entre deux guerre des régimes
autoritaires y régnaient, prenant leur modèle ou en Italie ou en All.

Pour toutes ces raisons, il est apparu nécessaire à l'UE d'offrir aux PECO des
perspectives d'adhésion, pour soutenir leurs réformes. L'All, voisine des PECO,
a pesé de tout son poids pour l'adhésion de ces pays, face à une FR qui s'est
d'emblée montrée réticente pour ensuite se rallier à la position allemande.

B) Dès la chute du rideau de fer, l'UE a favorisé le


rapprochement des PECO d'avec l'Europe communautaire.

- 1989 : lancement du programme PHARE. Permet surtout un transfert de


compétences, connaissances, savoir-faire, pour faciliter la transition vers
l'économie de marché. Sans négliger l'outil financier puisqu'il a permis la mise
en place des instruments de pré-adhésion, pour aider les PECO à se mettre
aux normes de l'UE (ex : Ispa, pour moderniser et construire des
infrastructures de transport).
- Les prêts de la BIRD.
- Les accords d'association (dans le cadre des PECO appelés les accords
européens). Ouvraient le marché de l'UE. Et poussaient les pays candidats à se
mettre en conformité avec les normes européennes : ils visaient à
européaniser les candidats. C'était donc pour l'UE un moyen de diffuser ses
normes, ses règles, ses valeurs, ses principes : composante du Soft power
européen.

Les négociations d'adhésion ont été entamées avec les candidats après
l'énonciation des critères d'adhésion (1997) : 6 seulement sur les 12 ont alors
été entamées (Pologne, Hongrie, Tchèquie, Slovénie, Estonie, Chypre). La
logique qui a prévalu est celle des vagues successives.
Un tel choix risquait cependant d'être porteur d'effets pervers : risquait de
faire naître des frustrations dans les pays non-sélectionnés, avec le risque de
voir les réformes promues par l'UE progressivement abandonnées, avec à la
clé une déstabilisation de l'Europe orientale. Cette déstabilisation est une
menace obsédante pour les Européens, car en 1998-99 : crise du Kosovo,
nécessitant intervention militaire de l'Otan, et montrant bien que l'Europe est
loin d'être un continent pacifié.
D'où en 1999, à Helsinki, la fin de la ségrégation entre les candidats, la
candidature turque étant même alors acceptée. C'est vraiment à partir de cette
date que les négociations d'adhésion entre l'UE et les 12 se sont intensifiées,
avec parallèlement la volonté des Quinze de transformer les institutions
européennes. Le traité de Nice en 2001 (entré en vigueur en 2003, un an que
n'adhère les 10 NEM) était d'ailleurs dédié à cette transformation.

Entre 1991 et 2004-07, une quinzaine d'années se sont écoulées, au vu des


écarts initiaux considérables qui séparaient les anciennes démocraties
populaires des Etats membres de l'UE, on peut difficilement parler de délai
excessivement long, on peut au contraire dans celui-ci voir que les adhésions
ont été bien préparées. Surtout que si on les met en perspective, le délai ne
paraît pas si long : pour le RU le délai avait été de 12 ans, pour l'Esp-Portugal
de 10 ans. Surtout qu'entre 1986 et 2004 l'acquis communautaire s'est
vraiment étoffé, et que les PECO se devaient d'intégrer celui-ci, ex : lorsque
l'Esp et le Port sont entrés le Marché unique n'existait pas, ni le projet de
monnaie commune, ni le projet de PESC, ni l'espace Schengen (pousse les
Etats participants à adopter une politique commune des visas, et à se faire
mutuellement confiance pour l'accueil des étrangers, et c'est en partie pour
cela que les candidatures roumaines et bulgares ont été différées : crainte du
crime organisé).

C) Depuis leur adhésion, les NEM et surtout les PECO,


continuent de faire l'objet d'une attention soutenue.

1) Même si on a parfois parlé d'un « élargissement au rabais ».

Cette thèse a été alimentée par l'attitude des principaux contributeurs nets au
budget européen, qui depuis le début des années 2000 s'opposent à la
poursuite de l'augmentation du budget européen.
Cette augmentation a été particulièrement importante dans les années 90, où
dans le cadre des « Paquets Delors » (1988-93, 1993-99), le budget avait été
augmenté d'1/4 à deux reprises. Augmentation qui avait été de paire avec la
création d'une 4e ressource budgétaire (pourcentage du PNB) devenue aujd la
plus importante : elle contribue aujd pour plus de 80% du budget européen.
L'année 1999 a été une année symbole, parce que le seuil des 100 milliards
d'€ de dépense a été atteint, surtout en raison de la montée en puissance de la
politique de la cohésion. Une telle somme équivalait alors à 1,13% du PIB des
Quinze.
C'est à cette époque qu'a été faite la programmation pour les années 2000-
06 : l'« Agenda 2000 », et le « quartet » (All, PB, Suède, Finlande) des
contributeurs nets s'est alors fait entendre pour appeler à un plafonnement des
dépenses budgétaires.
En 2007-13 s'est formée une coalition des 6 principaux contributeurs nets (voir
doc) : leurs voix ont été entendus, puisque la Commission a du revoir ses
ambitions budgétaires à la baisse, de telle sorte que pour l'année 2011 les
dépenses atteindront 141 milliards d'€, qui représentent 1,02% du PIB des 27.
Les dépenses budgétaires ont donc tendance à se réduire, et les dépenses
budgétaires européennes sont 20x moins importantes que le budget fédéral
des EU à titre de comparaison. L'UE a donc du mal à lancer des projets. A titre
de comparaison toujours, pour 2011 les dépenses budgétaires de la FR étaient
programmées à 357 milliards d'€, avec un déficit de 92 milliards d'€, en 2010
celui-ci atteignait 150 milliards d'€ = déficit alors supérieur au budget
européen, qui ne peut lui pas être déficitaire (une partie du budget n'est même
pas dépensée). Dans le cadre de ce budget 2007-13, les dépenses de la PAC
ont été plafonnées, ce qui contribue automatiquement à la baisse des
dépenses budgétaires, et ce qui laisse des marches de manœuvre pour
financer d'autres politiques. Ainsi depuis 2000, l'UE s'est dotée d'une politique
de la compétitivité, élaborée en liaison avec la stratégie de Lisbonne (2000) :
faire de l'UE l'économie la plus compétitive du monde, ce qui signifiait qu'en
2010 l'UE devait consacrer 3% du PIB à la R&D, alors que finalement en 2010
celle-ci était inférieur à 2%.

Les PECO ont bien sur dénoncer cette volonté de plafonner les dépenses au
moment où ils allaient adhérer. Ce plafonnement allait à l'encontre de leurs
intérêts. Surtout que l'Esp et le Portugal avaient eux été accueillis avec un
cadre financier favorable.

2) Il ne faut toutefois rien exagérer.

Les NEM ont quand même pu compter sur des financements importants.

Entre 1990 et 2008, ce sont prés de 130 milliards de fonds publics qui leur
avaient été transférés par leurs partenaires européens.

Le paquet budgétaire de la période 2007-13 ne leur est pas nécessairement


défavorable :
- ils vont recevoir 50% des crédits de la politique de la cohésion
(qui vient en aide aux régions dont le PIB/hab est inférieur à 75% de la
moyenne communautaire) alors qu'ils représentent 20% de la population de
l'UE. L'effort budgétaire en leur faveur signifie automatiquement des sacrifices
chez les anciens membres de l'UE qui bénéficiaient de cette politique, comme
la FR : par rapport à la période 2000-06 elle a perdu ¼ des subsides dont elle
bénéficiait (la moyenne du PIB communautaire baissant automatiquement).
- ils vont aussi recevoir 20% des fonds de la PAC, même s'il faudra
attendre 2013 pour que le niveau des aides versées soit identique à celui que
reçoivent les Quinze : période de transition ménagée pour éviter de faire
exploser le coût de la PAC. Mais certains bénéficiaires, comme la FR,
bénéficient quand même de fait de subventions moins importantes.

Les sommes qui leurs sont attribuées doivent être comparées à leur
contribution au budget européen : celle-ci ne dépasse pas 6% du budget
européen. La Pologne est devenue en 2007 le 2e bénéficiaire net du budget
européen, derrière la Grèce, et devant l'Espagne. Hormis Chypre, tous les NEM
sont bénéficiaires nets au budget européens.

S'est posé un problème : le problème de l'absorption de l'aide. Passé un


certain volume d'aides, l'aide peut être gaspillée, voire alimenter des trafics
mafieux, de la corruption, ex : on a parlé d'un détournement de fonds
européens à partir de la Roumanie et de la Bulgarie.

Le chèque britannique a été remis en question : devrait avoir disparu d'ici


2013, parce que le RU a soutenu l'adhésion des PECO : il doit en assumer les
conséquences financières.

L'aide a parfois été une aide immatérielle : conseils, transferts de savoir, aides
à la transition économique... des aides difficilement quantifiables. Comment
quantifier aussi la possibilité d'avoir accès un marché aussi dynamique que
celui de l'UE.

Si l'on se borne à l'aide financière, certains estimations vont jusqu'à affirmer


que l'aide octroyée représente un montant 2x supérieur au montant de l'aide
Marshall, en outre pour une population moins nombreuse.

3) Outre les aides publiques, les NEM ont pu bénéficié de flux d'IDE.

On estime que depuis 1990, le montant est sans doute supérieur à 300
milliards d'€. Ces flux proviennent à 70% de l'UE des Quinze (la part des IDE
investis équivalant à 5% de leurs IDE totaux). Le principal investisseur est l'All
(15% = 2x plus que la FR). Les principaux bénéficiaires : Pologne, Tchèquie,
Hongrie, concentrent les 2/3 des flux d'IDE, qui sont souvent localisés dans les
capitales de ces Etats (csquence : accentuation des inégalités régionales, ex :
Prague = 2/3 des IDE de la Tchèquie, et est ainsi l'une des 20 régions les
riches de l'UE).

Rapporté à la taille des économies intéressées, le montant des IDE est élevé.
Si on prend comme référence le nombres d'habitants, le stock d'IDE en
R.Tchèque est par exemple 10x supérieur à celui de la Chine.

Ces territoires sont attractifs pour ces IDE :


- Héritage de la période communiste : s'est caractérisée par
l'industrialisation, de telle sorte que ces pays disposent d'une main d'oeuvre
qualifiée. D'autant plus intéressant que (voir docs p8) les coûts salariaux sont
beaucoup plus faibles que dans l'Europe des Quinze, et que la productivité de
la main d'oeuvre est parfois proche des standards européens (voir doc4), ex :
productivité R.Tchèque 2x inférieure à celle ce la FR, et salaires 4x inférieurs.
Des coûts salariaux faibles peuvent se trouver à de nombreux endroits dans le
monde, mais les proximités géographique et juridique (ont du intégrer l'acquis
communautaire) jouent en faveur des PECO : offrent des garanties aux
entreprises européennes, que l'on ne trouve pas nécessairement en Asie par
ex.
- Les privatisations d'entreprises publiques ont été nombreuses à la
sortie du communisme, et de nombreux rachats d'entreprises ont ainsi été
effectués. Pour la période 1990-2008, 40% des IDE sont liés à des rachats
d'entreprises publiques, et 60% des IDE sont des investissements
« greenfield » = créations d'entreprises.
- Ces pays sont des marchés émergents, où le pouvoir d'achat de la
population ne peut qu'augmenter, ce qui peut expliquer l'implantation de
groupes comme Carrefour dans ces pays: les populations des PECO optent
pour les modes de vie occidentaux.

Ces IDE ont accéléré la transition des PECO vers l'économie de marché :
- Ils ont stimulé leur croissance économique, qui a été assez rapide. La
part des PECO est passée entre 2004 et 2008 de 6 à 8% du PIB des 27 :
progression rapide, jusqu'à ce que la récession ne vienne les frapper.
- Ils ont initié les PECO aux normes du management occidental.
- Ils ont permis l'émergence du secteur tertiaire dans ces pays. D'ailleurs
75% des IDE en provenance de FR à destination des PECO sont des IDE dans
le secteur des services.
- Ils ont permis de faire émerger de nouveaux avantages comparatifs
pour ces pays, ce qui a permis de retarder le déclin programmé de l'industrie
lourde dans la région. L'Europe centrale et orientale est ainsi devenue en 20
ans un puissant pôle de construction automobile, même s'ils ne partaient pas
de rien : Skoda, Dacia, Polski. Aujd, la plupart des producteurs automobiles
ont investi dans ces PECO, pour y produire des véhicules d'entrée de gamme
(des véhicules low cost) pour lesquels les coûts salariaux sont prépondérants,
ex : la Logan est produite en Roumanie, les 107 en Slovaquie, les Twingo en
Slovénie. A l'heure actuelle, c'est la R.Tchèque qui concentre la moitié de la
production automobile régionale, et il était prévu que la production automobile
dans ce pays dépasse celle de la FR en 2010 : cela reste à vérifier car la
récession est passée par là et a pu rebattre les cartes. Cela peut susciter des
inquiétudes, parce que depuis 2006 Renault et PSA produisent d'avantage de
véhicules hors de FR qu'en FR : pour avoir accès aux pays émergents il faut y
produire (et la montée en puissance de VW y doit beaucoup). On soulève ici la
crainte des délocalisations.
II) L'élargissement n'en a pas moins suscité des
réserves, voire la crainte d'une dilution du projet
européen.

A) l'élargissement de 2004-07 a parfois été considéré


comme une « fuite en avant ».

Finalement un processus dangereux pour la construction européenne,


potentiellement déstabilisateur, pouvant aller jusqu'à provoquer une
désaffection vis-à-vis de l'idée européenne.

1) La crainte que l'UE ne soit tirée vers le bas.

Le thème du déclassement de l'UE, en évoquant surtout le coût direct et


indirect des adhésions

Les 12 nouveaux Etats membres ne représentent en 2009 qu'un apport


productif modeste : 8% du PIB européen seulement. De plus comme ils ont
tous un PIB/hab inférieur à la moyenne communautaire, l'UE subit un
affaiblissement statistique : entre 2003 et 2007 le PIB/hab de l'UE a baissé de
12%, de telle sorte que désormais l'écart entre le PIB de l'UE et celui des EU
est de 30%. Avec toutefois un bémol : on ne peut pas tout imputer à
l'élargissement, et on ne peut pas faire des NEM le bouc émissaire de l'UE. En
matière de niveaux de vie, les écarts entre l'UE et les EU ont recommencé à se
creuser bien avant l'entrée des PECO. Entre 1945 et 1980 les niveaux de vie
respectifs ont eu tendance à converger : ceux de l'UE sont passés de 50% à
80% de ceux des EU. Depuis 1980, la tendance s'est inversée, et on a pu la
mettre en relation avec la construction monétaire européenne, et notamment
le lancement du SME : la priorité est donnée à la lutte contre l'inflation, et
donc à la mise en place de politiques restrictives, qui ont bridé la croissance
européenne. Des politiques restrictives maintenues après 1992, parce que
l'entrée dans l'euro nécessitait le respect des critères de convergence
(instaurés par l'All surtout). Cette analyse qui fait de la construction monétaire
un handicap pour la croissance de l'UE a été développée par l'économiste
JP.Fitoussi (OFCE).
D'autant que les PECO ont même offert des perspectives de croissance.

L'élargissement a aussi pu être accusé de promouvoir le caractère smithien de


l'UE au détriment du caractère schumpétérien (D.Cohen) : l'adhésion des NEM
a amplifié les échanges intra-européens, mais n'a pas accentué l'effort
d'innovation, dont l'insuffisance est sans doute l'une des carences majeures de
l'UE dans la mondialisation contemporaine. Même si au sein de l'UE, il existe
des Etats qui sont des champions du R&D : la Suède (+ de 4% de son PIB), la
Finlande (+ de 3%). L'effort global de l'UE ne dépasse pas 2% et la stratégie
de Lisbonne est ainsi un échec, surtout quand on compare cet effort avec celui
des EU (2,8%), du Japon et de la Corée (+ de 3%). L'entrée des NEM n'a pas
aidé l'UE à passer le cap des 2%, parce que pour l'ensemble de ceux-ci l'effort
de R&D se situe à 0,6% du PIB, alors qu'il est de 2,5% en All, et même si
l'effort de l'Italie n'est que de 1%.

Le coût de la politique de la cohésion dont ils bénéficient est aussi fustigé.


Celle-ci pénalise la politique de la compétitivité. Cette critique renvoie
cependant aussi aux insuffisances du budget européen, que les anciens Etats
membres ne souhaitent pas voir augmenter.

L'UE n'a pas grande chose à attendre de la part des PECO sur le plan
démographique. Les PECO ne renouvellent en effet plus leurs générations, et
c'est parfois dans ceux-ci que les taux de fécondité sont les plus bas, ex :
Pologne indice de fécondité = 1,2. Les PECO ont tendance à accentuer le
vieillissement de l'UE.

2) L'adhésion des PECO a pu également susciter des frictions


géopolitiques.

- Le souvenir de la tutelle soviétique laisse des traces profondes dans les


PECO.
Il n'y a pas la même mémoire du passé soviétique à l'Est et à l'Ouest :
totalitarisme à l'Est, alors que le péril rouge a pu permettre la mise en place
d'Etats providences à l'Ouest (du fait de la puissance des partis communistes
de l'époque..). Il peut donc y avoir une sorte de malentendu vis-à-vis de
l'expérience soviétique.
D'une manière générale, les PECO n'ont eu qu'un seul soucis, même l'URSS
disparue : garantir leur sécurité, et le seul Etat susceptible de le faire était les
EU, l'UE étant bien trop faible sur le plan militaire. Parce que la Russie leur
apparaît toujours comme une menace : une puissance déchue qui aspire à
retrouver sa splendeur passée. Ils ont pu montrer que leur confiance envers
les EU était grande. Ils ont d'abord adhéré à l'OTAN avant d'adhérer à l'UE. En
2003 les PECO ont de plus apporté un soutien massif à l'intervention
américaine en Irak, alors que la FR et l'All dénonçaient dans le même temps
cette intervention ; d'ailleurs les EU (D.Rumsfeld) ont ainsi pu souligner les
divisions marquées en Europe : divisions entre la nouvelle et la vieille Europe,
même si le RU, l'Italie et l'Espagne soutenaient aussi l'intervention
américaine : l'Europe jamais autant divisée [réaction de Chirac : « ils ont
gagné une bonne occasion de se taire »]. Une telle attitude des nouveaux Etats
membres a pu entrer en contradiction avec la volonté des Quinze de lancer une
PESC (rebaptisée PESD en 1999 = Européens alors soucieux de se doter d'une
armée).

- Parmi les Quinze, on a pu craindre que l'entrée des PECO ne se fasse au


détriment des relations qui avaient été nouées par la communauté européenne
avec les Etats riverains de la Méditerranée.
Ceux-ci sont associés à l'UE depuis 1995 et le lancement du processus de
Barcelone : il a donné naissance au Partenariat euro-méditerranéen, entre l'UE
et les PTM (pays tiers-méditerranéens, ou PPM = pays partenaires
méditerranéen) qui sont 10 : Maroc, Algérie, Tunisie, Egypte, Autorité
palestinienne, Israël, Jordanie, Liban, Syrie, Turquie. A ce partenariat 3 pays
européens sont particulièrement attachés : FR, Espagne, Italie. Pour la FR la
crainte était qu'en se tournant vers l'Est l'UE ne délaisse son flan Sud, avec le
risque que ne se creuse entre les deux rives de la Méditerranée un fossé, que
ne s'accentuent les contrastes de dvpmt, et que ceux-ci ne génèrent des flux
migratoires incontrôlés, ou qu'ils ne soient sources d'instabilité politique, déjà
présente dans les années 90 en Algérie : guerre civile, FR concernée du fait de
son histoire (détournement d'un avion Airfrance..). Dans le cadre de l'Euro-
med, l'UE s'efforçait de favoriser le dvpmt des pays riverains de la
Méditerranée : l'UE ouvrait ses marchés, et surtout les PTM se voyaient
transférer des fonds prélevés du budget européen (programme MEDA). Cela dit
l'effort financier en faveur des PTM n'a atteint entre 1996 et 2006 que 16
milliards d'€, tandis que de 1993 à 2004 les 10 PECO se sont vus attribués 40
milliards d'€ d'aide financière au titre des aides de pré-adhésion (programmes
Phare, Ipsa, Sapard), les 10 PECO étant en plus 3 fois moins peuplés que les
PTM.
La FR a relancé le processus de Barcelone, de crainte qu'une fois l'adhésion
faite les PECO ne bénéficient de l'essentiel des subventions européennes, et
surtout ainsi dans le souci d'éviter que les nouvelles adhésions ne soient
démesurément avantageuse pour l'All, N.Sarkozy a ainsi fait lancer l'UPM en
2008, qui concerne l'UE des 27 et 15 PPM (en ajoutant : Albanie, Bosnie,
Croatie, Mauritanie, Monténégro).
Toutefois, ce projet d'UPM a fait l'objet d'une riposte de la part de la Pologne,
celle-ci est en effet à l'origine avec la Suède du lancement en 2009 du
Partenariat oriental, qui consiste en la signature d'accords d'association entre
l'UE et 6 Etats d'Europe orientale, classés en deux catégories : Biélorussie,
Ukraine, Moldavie, que la Russie considère comme sa zone d'influence (ex :
troupes russes présentes en Moldavie), et puis : Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan
(les Etats du Caucase) ; l'objectif étant de faire en sorte que ces Etats puissent
échapper à l'influence de la Russie (cela n'est pas un hasard si l'initiative est
venue de la Pologne).

- Il existe un motif de friction entre les PECO et certains membres de l'UE


(même si les PECO ne constituent pas une entité homogène) : certains PECO
sont très favorables à l'entrée de nouveaux membres dans l'UE. La Pologne par
ex : pourquoi refuser l'adhésion de nouveaux membres, alors que l'UE a
accepté les PECO, que ceux-ci ont bien fait, et que la transition économique a
été facilitée (jusque la crise de 2009) ; elle est favorable à l'adhésion de
l'Ukraine (l'arracher des griffes de l'ours russe), et de la Turquie, par ex. La
R.Tchèque (surtout le président : V.Klaus, eurosceptique, souverainiste), est
aussi favorable à l'élargissement, éventuellement au Kazhakstan. La Pologne
se distingue de pays comme l'All ou la FR, qui craint que de nouveaux
élargissements ne finissent par fragiliser le projet européen, voire ne
minimisent le poids de la FR.

3) Le grand élargissement de 2004-07 a pu nourrir des doutes envers


la construction européenne, aussi bien chez les anciens que chez les
nouveaux Etats membres.

En FR et aux PB, deux pays fondateurs, il y a eu rejet par référendum du traité


constitutionnel de 2005.

En FR, la campagne référendaire avait été marquée par la thématique du


« plombier polonais », qui s'est greffée sur la crainte suscitée par la directive
Bolkenstein = au nom du marché unique, celle-ci préconisait pour les
travailleurs temporaires appelés à l'étranger l'application des normes sociales
et salariales de leur pays d'origine. Il y a eu avec cette directive prise de
conscience, parmi les Quinze, des écarts considérables de coût du travail entre
l'Est et l'Ouest, et la crainte que ceux-ci ne génèrent des migrations de
travailleurs, et surtout que ceux-ci ne soient de puissants vecteurs de
délocalisation des activités industrielles ou de services vers les PECO. L'année
2006 marque d'ailleurs un tournant pour les constructeurs automobiles fr : ils
produisent plus hors de FR qu'en FR. La crainte surtout que la menace des
délocalisations ne soit un outil pour réviser à la baisse les conditions de travail
et de rémunération. Dans ces conditions, on a pris l'habitude de montrer les
PECO du doigt pour les accuser de dumping social. D'ailleurs, les années 2000
sont marquées en All par la volonté du gouvernement Schröder d'appliquer
l'Agenda 2010 (avec les lois Hartz = réductions considérables des subventions
au chômage), il fallait pour l'All solder le coût de la réunification. Il faut
cependant relativiser : le stock d'IDE de l'UE à l'Est ne représente pas plus de
5% du stock de l'UE dans le monde, en outre ces IDE répondent à deux
logiques différentes : efficiency seeking et market seeking, de plus
globalement les échanges de l'UE avec les PECO sont excédentaires (ils
s'équipent).

Peu importe ces arguments rationnels, il faut replacer le rejet du traité


constitutionnel dans un contexte plus large : ce rejet est aussi l'indice du rejet
de l'Europe telle qu'elle se construit alors, qui apparaît comme trop libérale.
L'UE est pensée depuis le Marché unique plus comme un espace de
compétition que de coopération : pas considérée comme une entité protectrice.
Comme si l'UE était devenue à l'échelle régionale une sorte de modèle réduit
de la mondialisation, une tendance exacerbée par l'entrée des NEM (même si
en soit ils n'y sont pour rien). Cela peut expliquer l'ambiance morose qui a
accompagné l'élargissement de 2004 : l'Eurobaromètre (sonde les Européens
sur différents sujets) de juillet 2006, 29% seulement des citoyens de l'UE
estimaient avoir été bien informés sur l'élargissement, et 54% des FR
estimaient en savoir plus sur les problèmes que l'élargissement allait susciter
que sur les bénéfices qu'il allait apporter (ceux qui pensaient l'inverse = 10%
seulement).

A l'Est aussi, le trouble vis-à-vis de la construction européenne s'est manifesté.


Voir doc résultats référendum, même si taux de participation ont parfois été
faibles.
L'élargissement a pu être vécu comme une épreuve par les candidats, qui ont
du accepter d'être examinés sous toutes les coutures (procédures de screening
par la Commission européenne = comparer les législations des Etats candidats
à l'acquis communautaire et identifier les points problématiques), et de
montrer pâte blanche (faire la preuve qu'on est capable d'intégrer la législation
communautaire), une tâche titanesque pour adhérer à l'UE. Procédures
méticuleusement suivies par la Commission qui rendait chaque année un
rapport d'étape, pour mesurer les progrès accomplis pour chacun des 35
chapitres de négociation (voir doc). On a parfois considérer ces rapports
comme des bulletins de notes pour des pays candidats. Ces rapports
constituaient en outre un moyen de pression sur les pays candidats, sachant
que ne pas les respecter, c'était voir les aides ne plus être versées ou même
voir l'adhésion retardée. Ces rapports sont donnés dans les périodes hors-
électorales : pour qu'ils n'influent pas sur les campagnes électorales (comme si
la démocratie se trouvait bafouée), ex : la Slovaquie et son premier ministre
V.Merciar, eurosceptique, dans les années 90 = élections ont été organisées
pour ramener la Slovaquie dans le « droit chemin » et la faire adhérer. Un
encadrement nécessaire mais qui a pu se révéler humiliant : a pu s'instaurer
une relation hiérarchique entre les Quinze et les PECO.
Les candidats, une fois membres, ont pu également se rendre compte qu'ils
n'étaient peut-être pas les bienvenus, et qu'on ne les considéraient pas
toujours comme des membres à part entière mais plutôt comme des membres
de seconde zone. Ex : dans les années 2000 il y a eu la fronde des
contributeurs nets = ont réussi à plafonner les budgets. Autre ex : phrases
frustrantes lancées (ex : Chirac). Autre ex : la Pologne voyant son image
affectée par la thématique du « plombier polonais » en FR.
Les relations entre la Pologne et l'All se sont également fortement tendues sur
la question des approvisionnements énergétiques. Parce que l'All a décidé la
construction d'un gazoduc : Nordstream, qui relie l'All directement à la Russie
par la Baltique, pour sécuriser ses approvisionnements en gaz, car la Pologne
n'entretient pas de bonnes relations avec la Russie est ainsi constamment
menacée par des coupures de gaz (ex : la Russie l'a déjà fait pour l'Ukraine).
La Pologne s'est sentie abandonnée face à la Russie, et c'est pourquoi les
dirigeants polonais à l'occasion de cet accord n'ont pas hésité à parler d'un
nouveau pacte germano-soviétique !
Ces Etats, qui venaient de retrouver leur souveraineté, ont eu des difficultés à
se fondre dans un ensemble supra-national, ce qui a pu se traduire pour eux
par une fatigue de l'élargissement. Cela a été amplifié par la récession de
2008-09, où certains pays ont été fortement touchés, surtout les Etats baltes,
la Hongrie, la Roumanie, qui ont même dû faire appel à une aide du FMI, l'UE
ne leur étant d'aucun secours, alors que l'UE a fini par venir en aide à la Grèce
en 2010, pour sauver l'euro = pas mêmes enjeux..

B) Nuançons toutefois l'impact négatif de cet élargissement


sur la construction européenne.

1) L'élargissement signifie quand même la réunification du continent


européen sous l'égide de l'UE.

Grâce à cet élargissement, l'UE a pu étendre son influence : elle a pu diffuser


ses normes, ses règles, à des Etats qui en étaient initialement très étrangers
voire réfractaires. L'UE a ainsi fait la preuve de son efficacité.
Cet élargissement a été vecteur de profondes réformes qui ont permis de :
-stabiliser politiquement les PECO : l'aire d'extension de la démocratie
s'est étendue, avec la règle de l'alternance politique notamment, même si
certains Etats peuvent être placés sous surveillance (ex : la Hongrie de
V.Orban, populiste : dérive autoritaire, même si les PECO n'ont pas le
monopole du populisme..).
- encourager le développement économique de ces Etats : hausse de la
croissance dans ces pays, en 2008 les PECO représentaient 8% du PIB des 27,
contre 4% en 1995, certains d'entre eux ont même réussi à rejoindre l'euro
(Slovénie, Slovaquie, Estonie).
L'UE peut ainsi se targuer d'avoir réussi à faire valoir à l'Est ses capacités
normatives et transformatrices, qui constituent l'une des composantes du Soft
power européen (même si l'oeuvre est inachevée concernant la Bulgarie et la
Roumanie).

Cela peut donner confiance à l'UE au moment où il s'agit de


transformer/d'européeaniser les Balkans Occidentaux.
Les Balkans sont une chaîne de montagnes du Sud-Est de l'Europe : l'UE
s'efforce de stabiliser cet espace, qui jouxte ses frontières extérieures. 3 Etats
balkaniques sont d'ors et déjà membres de l'UE : Grèce, Slovénie, Bulgarie, et
l'absence des 7 entités restantes fait presque figure d'anomalie (Croatie,
Bosnie, Monténégro, Serbie, Kosovo, Albanie, Macédoine).
L'UE se reproche d'avoir fait preuve de passivité dans cette région, qui a été
marquée dans les années 90 par des conflits violents, à consonance ethnique
et religieuse, qui ont impliqué l'intervention des EU, pour la médiation (1995
accords de Dayton, pour résoudre le problème de la Serbie) et la sécurité
militaire (intervenus avec leur armée en 2008 pour affirmer l'indépendance du
Kosovo). Les Européens ont ainsi été impuissants sur le plan géopolitique dans
cette région, même si l'ex-Yougoslavie a été un catalyseur des efforts de la
PESD.
Depuis la fin des années 1990, l'UE s'implique ainsi beaucoup plus dans la
région, avec pour objectif d'éradiquer les germes de conflit, de favoriser
l'établissement de régimes démocratiques, de favoriser des réformes
économiques, qui permettent aux pays de la région de se rapprocher des
standards de l'UE. Cela a été le sens dès le début des années 2000 des ASA
(accords de stabilisation et d'association), en échange d'une assistance
financière et d'une ouverture des frontières, l'UE formulait ses exigences : que
prévale l'Etat de droit, que les pays balkaniques acceptent la livraison des
auteurs de crime contre l'humanité pour qu'ils soient jugés à La Haye par le
TPIY, et que ces Etats s'engagent à protéger les minorités présentes dans leurs
pays. Ces conditions n'ont été appliquées que progressivement, et il a par ex
fallu attendre 2008 pour que la Serbie ne bénéficie d'un ASA. L'UE a également
lancé en 2003 la Promesse de Théssalonique (ville grecque, dans le cadre de la
présidence grecque de l'UE, la Grèce s'efforçait de faire valoir son agenda) :
offrait aux Balkans occidentaux la perspective d'une adhésion à l'UE, dans le
but d'accélérer les réformes, l'UE jouant ici de son attractivité.
La quasi totalité des Etats de la région ont donc déposé leur candidature à l'UE,
et 4 d'entre eux ont aujd le statut officiel de candidat : Croatie (négociations
d'adhésion ouvertes en 2005, il était envisagée qu'elle adhère en 2013, avec
ses 4 millions d'habitants et un PIB/hab = 60% de la moyenne
communautaire, grande destination touristique), Macédoine (candidature
acceptée depuis 2005, mais Grèce menace de mettre son veto, car est appelée
la Macédoine et la Grèce craint que celle-ci n'en profite pour revendiquer des
territoires), Monténégro (candidature acceptée en 2010, pays pauvre), Serbie
(candidature acceptée en octobre 2011, du fait de l'arrestation de criminels de
guerres, ce qui était une exigence de l'UE : montre changement politique de la
Serbie). Sont considérés comme candidats potentiels : Bosnie (Etat dont la
viabilité est aujd mise en question : militairement occupée par troupes
européennes), Kosovo (indépendance toujours pas reconnue par 5 membres
de l'UE, dont l'Espagne qui pense aux Catalans = crainte que ne s'expriment
des forces centrifuges). [Il y a deux autres pays candidats officiels : Turquie
(depuis 2005), Islande (depuis 2009)]

2) Difficile de ne faire des NEM qu'un fardeau pour l'UE.

L'entrée des NEM n'est pas seulement porteuse d'inconvénients et source de


déconvenues.

Le passage de 15 à 27 a renforcé le statut de l'UE comme 1er ensemble


commercial mondial. De plus, si l'on inclut commerce intra- et extra-
communautaire, l'UE représente 40% du commerce mondial ! L'UE représente
aussi 25% du PIB mondial.
[Cela dit, lors du dernier sommet de l'APEC, B.Obama a proposé un partenariat
trans-pacifique (TPP) = zone de libre-échange de 800 millions de
consommateurs, représentant 45% du PIB mondial, l'UE se trouvant ainsi
dépassée. Ce partenariat concernerait 13 pays : EU, Canada, Mexique, Chili,
Pérou, Australie, NZ, Malaisie, Vietnam, Singapour, Bruneï, Japon, . Si ce
partenariat voyait le jour, il ferait de l'ombre à la ZLE entrée en vigueur entre
la Chine et l'Asean en 2011, surtout que la Chine ne ferait pas partie de ce
TPP. Certains voient ainsi dans ce TPP un moyen de contrer l'influence chinoise
en Asie (voir articles poly). Cet intérêt des EU pour le Pacifique traduit un
déplacement du centre de gravité de l'économie mondiale vers l'Asie, la crise
de l'Euro n'aidant pas.]

Les 12 NEM représentent également un renfort pour le marché intérieur


européen. C'est intéressant pour elle parce que l'UE use de son marché
intérieur comme d'un outil diplomatique : elle peut ainsi faire pression sur ses
voisins pour qu'ils adoptent les standards européens. Ainsi plus le marché est
vaste, plus les capacités de persuasion de l'UE sont importantes.
- Les Européens ont eu l'occasion de le montrer en 2007 avec l'adoption
de la directive REACH : combattre la nocivité des produits chimiques sur le
marché européen au nom de la protection des utilisateurs et de la protection
de l'environnement. L'enjeu de cette directive est mondial car l'ensemble des
producteurs non-européens doivent se mettre au diapason de celle-ci s'ils
souhaitent exporter sur le marché européen : l'Europe impose ses normes, en
comptant sur son marché.
- De même, la FR et l'All sont tombés d'accord en 2011 pour la mise en
place d'une taxe sur les transactions financières (taxe Tobin) avec pour objectif
de contrer la spéculation, ceci même si Fr et All se heurtent à un refus du RU
(Cameron a fait savoir que les activités de la City ne supporteraient pas cette
taxe). [L'Europe à plusieurs vitesses ? Comme pour l'Euro. Le RU risquant de
se faire marginalisé dans la construction européenne. Une Europe à deux
vitesses serait peut-être un moyen de faire adhérer la Turquie, dans le
« deuxième wagon »].
- La FR avait également proposé d'instaurer une taxe carbone aux
frontières de l'UE, notamment suite à l'échec de la conférence de Copenhague
(déc 2009). Cette proposition reposait elle aussi sur la dimension du marché
intérieur. La Commission s'y est opposée au nom de la liberté de circulation
des biens, par crainte de rétorsions, et pour ne pas faire renaître le risque du
protectionnisme.

Les NEM ont quand même pu faire bénéficier l'UE de la vigueur de leur
croissance économique : il s'agit d'économies en rattrapage. Même si la crise
mondiale de 2008-09 est passée par là. Entre 1995 et 2008, les taux de
croissances des PECO ont été 2x supérieurs à ceux de l'UE.
Ce dynamisme économique a été bienvenu, car il a stimulé les exportations
vers ces NEM, qui enregistrent des déficits commerciaux avec leurs partenaires
européens.
Si les adhésions sont accusées d'avoir été trop coûteuses, les NEM bénéficiant
de la moitié des fonds structurels européens (= Feder + fonds de la cohésion +
Feoga + Sapard, Ipsa + BEI (créée en 1958 et qui accorde des prêts
préférentiels)), surtout par les contributeurs nets, ces versements se sont
traduits par des commandes adressées aux entreprises d'Europe occidentales,
même si tous les pays n'en ont pas bénéficié de la même façon.
Les IDE vers les PECO, sont aussi accusés : synonyme de délocalisation, mais
représentent quand même autant d'IDE qui ne sont pas destinés à l'Asie, et
sont aussi synonyme d'une DEPP dont ont pu profiter les grandes entreprises
européennes (ex : Volkswagen).

3) Les membres de l'UE se montrent toutefois désormais prudents face


à la perspective d'un nouvel élargissement.

La crainte qu'ont les anciens membres de l'UE est que l'adhésion des PECO
n'ouvre la voie à de nouveaux élargissements, et que l'UE ne soit emportée par
la spirale des candidatures, étant donné le nombre de pays qui frappent à sa
porte, et étant donné le fait que l'Europe ne sait pas vraiment dire non.

Depuis 2006 a été fixé un critère mettant désormais en avant la « capacité


d'absorption » de nouveaux membres par l'UE. Avec la volonté de ne plus se
placer uniquement du côté des candidats potentiels (c'était le sens des critères
de Copenhague) mais aussi du côté de l'UE, pour mesurer si celle-ci dispose
des capacités institutionnelles, financières, mais aussi politiques, pour absorber
de nouveaux Etats membres.

En 2003 a été lancé la « politique de voisinage », qui est une dimension de la


PESC/PESD. Elle s'efforce de répondre à la question : comment borner
l'Europe, fixer les limites de l'espace de l'UE, sans toutefois créer de lignes de
fracture entre l'UE et ses voisins et sans que l'UE n'en souffre ?
Cette politique était destinée aux voisins orientaux de l'UE : ceux qui en 2009
feront partie du Partenariat oriental.
Ces 6 Etats présentent un caractère stratégique pour l'UE. L'Ukraine ou les
pays du Caucase sont des espaces de transit pour les oléoducs ou gazoducs en
provenance de Russie qui ravitaillent l'UE. Les Etats du Caucase permettraient
éventuellement à l'UE de s'approvisionner en énergie sans dépendre de la
Russie : les productions des pays d'Asie centrale pourraient en effet transiter
par ces pays : par Bakou, Tbilissi et Ceyhan (BTC) :

La Russie a un projet alternatif : un gazoduc, le Southstream, qui passerait par


la Russie, et qui serait rival du gazoduc Nabucco. Ce serait un moyen pour la
Russie d'ouvrir ou de fermer l'approvisionnement pour l'Ukraine sans que l'UE
ne soit concernée : retrouver son influence dans son ancien empire. Ce sont
des luttes d'influence par gazoducs et oléoducs interposés : la « géopolitique
des tubes ».
Ces 6 Etats sont très loin des standards européens pour le moment. Ex : la
Moldavie a un PIB/hab 5x inférieur à celui de la Pologne, et est aussi une
plaque tournante du crime organisé et du trafic d'humains (prostitutions..).
La FR a insisté pour que cette politique de voisinage ne concerne seulement les
pays orientaux mais aussi les PTM : actuellement sont ainsi concernés par
cette politique 16 pays (6 + 10).
Cette politique consiste à déployer la puissance normative de l'UE. Avec
toutefois peut-être un piège : si cette politique réussit à rapprocher l'Ukraine
ou la Biélorussie des standards européens, on voit mal l'UE rejeter ensuite leur
candidature.

Dans le concept de capacité d'absorption, il faut surtout voir les


doutes/problèmes que l'UE connaît depuis le début des années 2000. Il a
d'ailleurs été introduit 1 an après le rejet du traité constitutionnel : l'UE dans le
trouble. La crise actuelle de l'UE sera-t-elle salutaire ?

C) Le cinquième élargissement n'est bien sur pas la cause de


tous les maux européens.

1) Pointer les PECO du doigt, c'est se tromper de cible.

Dans le contexte actuel d'une construction européenne qui patine, on peut


reprocher aux PECO d'être porteurs d'une conception minimaliste de la
construction européenne : ils ne font pas beaucoup pour aller de l'avant. Parce
que pour eux, l'adhésion à l'UE était plus un aboutissement qu'un départ.
C'était adhérer à un espace de paix, un espace de prospérité, ce qui a
nécessité de leur part des efforts importants : ils peuvent avoir l'impression
qu'ils ont accompli l'essentiel.

Ce n'est pas chez eux que l'on va trouver les promoteurs d'un quelconque
projet fédéral. Ils sont heureux d'avoir renoué avec une souveraineté qui avait
été bafouée pendant toute la guerre froide, et ils éprouvent donc
spontanément la méfiance vis-à-vis d'un projet qui exige des délégations de
souveraineté, alors qu'ils viennent de la reconquérir. C'est ce qui a fait dire au
président tchèque V.Klaus (eurosceptique notoire) qu'on pouvait comparer l'UE
à l'Union soviétique.

La Pologne et la R.Tchèque ont aussi été les deux derniers Etats membres à
ratifier le traité de Lisbonne. Parce qu'il leur était moins favorable que le traité
de Nice, notamment parce qu'il modifiait le principe du vote à la majorité
qualifiée. Les décisions au Conseil doivent désormais être prises à la double
majorité, càd que pour qu'une décision soit adoptée, il faut que l'aient adopté
55% des Etats, représentant 65% de la pop de l'UE, ce qui donne une prime
aux Etats les plus peuplés (même si la Pologne n'a pas eu à ce plaindre de
point de vue là).

Ils ne sont pas les seuls à avoir cette conception minimaliste, à vouloir s'en
tenir une « Europe marché », une « Europe espace », qui serait réduite aux
dispositions du Marché unique, le RU l'a été dès l'origine de la construction.

On a aussi parlé des PECO comme étant atlantistes, faisant confiance aux EU
pour assurer leur sécurité. Mais ils n'étaient pas les seuls à soutenir
l'intervention en Irak : il y avait aussi l'Espagne, le RU..

On peut aussi les voir comme des empêcheurs d'une PESC/PESD. Mais celle-ci
ne convient pas non plus à tous les autres membres. La Suède, l'Irlande et la
Finlande sont marqués par leur neutralité et ne sont pas en faveur d'une telle
politique. L'Irlande a d'ailleurs reçu la garanti qu'elle puisse préserver sa
neutralité, dans le traité de Lisbonne, qu'elle avait rejeté en 2008, et qu'elle a
finalement accepté en 2009.

Les PECO ne constituent en outre pas un bloc.


En terme de performances économiques. La crise ne les a pas tous touché de
la même manière. La Pologne par ex a gardé un taux de croissance positif en
2009, contrairement aux autres.
Ils ont des points de vue divergents sur bien des points. Ex : la Pologne est
opposée au projet Northstream, tandis que la Bulgarie est favorable au projet
Southstream (pourrait toucher droits de passage) : le rapport à la Russie n'est
pas le même. Les PECO prennent rarement des initiatives isolées, parce que la
plupart du temps leur point de vue se rapproche de celui des anciens membres
de l'UE : ils n'ont donc pas apporter de division supplémentaire aux divisions
existantes.

Les PECO sont accusés de dumping social ou fiscal. Ils n'hésitent pas à attirer
les entreprises étrangères en limitant le taux d'imposition des sociétés, et en
jouant sur leur coûts sociaux limités.
Mais cela renvoie sur l'une des composition majeures de la construction
européenne depuis l'Acte unique : la construction européenne repose sur une
logique libérale de mise en concurrence. En d'autres termes, les PECO sont
simplement venus mettre en évidence certaines réalités de la construction
européenne, et notamment le fait qu'en matière sociale ou fiscale l'intégration
soit peu avancée.
Bien avant les PECO, l'Irlande et le RU n'ont d'ailleurs pas hésité à user du
« moins disant » social ou fiscal pour attirer les entreprises et stimuler leur
croissance. Ex : le RU dans les années 80 s'est efforcé d'attirer les
constructeurs automobiles japonais, qui se servaient du RU comme d'une
plate-forme pour la diffusion des marchandises en Europe.

2) Le cinquième élargissement est d'autant plus difficile que la


construction européenne marque le pas depuis les années 2000.

C.Lequesne soulignait dès 2011 que l'UE ne se portait pas bien, avant même la
crise grecque :
- la déception représentée par la conférence de Copenhague en
2009, où l'UE a été méprisée par la Chine et les EU : influence mise à
l'épreuve.
- la crise grecque s'amorçait après la crise irlandaise : elle révélait
que la solidarité n'allait pas de soi entre les membres de l'UE, y compris entre
les membres de la zone Euro, qui ne se venaient pas spontanément en aide,
de même qu'ils avaient plutôt privilégié des solutions nationales pour lutter
contre la crise. Même si depuis, au pieds du mur, le sauvetage de la Grèce a
été nécessaire.
- la construction européenne est de nouveau en crise. Ce n'est pas
la première fois, elle en a connu d'autres dans son histoire et elle s'en est
sortie à chaque fois : le rejet de la CED en 1954, le blocage de la construction
par De Gaulle dans les années 60, les positions du RU dans les années 70 et
80, les crises monétaires récurrentes. Le problème de la crise actuelle est
qu'elle dure. Les deux derniers succès européens remontent aux années 90 : le
lancement du Marché unique (officiellement lancé en 1993), le lancement de la
monnaie unique (dont la crise actuelle témoigne cependant peut-être des
défauts de conceptions). L'Europe peine à se remettre de l'échec du traité
constitutionnel européen, et surtout l'Europe manque de projet
mobilisateur/d'avenir.

C'est dans ce contexte d'Europe en panne qu'est intervenu le cinquième


élargissement. La présence de 12 NEM a pu avoir pour effet de mettre
d'avantage en relief ces difficultés.

Lequesne s'efforce d'énoncer les causes de cette panne : l'histoire :


- plus on s'éloigne de 1945 plus l'un des motifs qui justifiait la
construction européenne s'estompe : « Faire l'Europe c'est faire la paix »
(J.Monnet). Cela a été un fil conducteur durant toute la seconde moitié du XXe
siècle. Ex : en 1986, 70e anniversaire de la bataille de Verdun, Mitterand et
Kohl main dans la main, cela avait encore un sens à l'époque => la
construction européenne est aussi un phénomène de génération. Cette volonté
de réconciliation qui a dominé la construction européenne a également donné
le mode d'emploi de l'UE : il y avait certes des désaccords mais on les règle à
l'amiable, par le compromis, même lorsque les positions sont très éloignées
(ex : le RU et ses partenaires). Ces compromis sont même le fondement de
certains sursauts de la construction européenne. Aujd, cet objectif de
réconciliation est largement atteint, d'autant plus que le cinquième
élargissement apporte sa contribution à la réconciliation, le continent européen
est en effet réunifié : c'en est fini des frères ennemis européens, même s'ils
l'étaient contre leur gré. Faire la paix n'est peut-être plus un objectif aussi
mobilisateur que dans le passé. D'autant plus qu'une nouvelle génération de
dirigeants européens est arrivée au pouvoir, A.Merkel a par ex pris l'histoire de
la construction européenne en cours de route : vivait en RDA, de même
N.Sarkozy, D.Cameron, sont tous nés après la guerre, contrairement à la
génération Kohl-Mitterand par ex. La formule de Monnet ne raisonne plus de la
même manière aujd, même si N.Sarkozy a rappelé celle-ci dans un discours
durant la crise de la zone Euro.
- la fin de la guerre froide a fait perdre à la construction européenne son
aiguillon. Les Européens de l'Ouest ont perdu leur adversaire : l'URSS. La
présence de celle-ci entraînait un esprit de compétition entre les deux Europe,
qui poussait les Européens de l'Ouest à transcender leurs divisions, à s'en
démarquer aussi.

L'un des enjeux actuels de la construction européenne est donc : comment


passer d'une Europe « rétrospective » (qui était plus facile à construire) à une
Europe « prospective », tournée vers l'avenir, capable d'élaborer de nouveaux
projets ? La réponse est aujd loin de faire l'unanimité.
Certains membres se demandent pourquoi aller plus loin : l'Europe n'est-elle
pas déjà construite, ne peut-on se contenter de l'Europe telle qu'elle est
aujourd'hui?
D'autres affirment que le processus d'intégration n'est pas assez abouti, que
son non-aboutissement la fragilise. Il peut même provoquer son échec, comme
en témoigne la crise de la zone Euro : intégration insuffisante au moins sur le
plan budgétaire. Il s'avère en outre être un handicap dans le monde
contemporain : les Européens ont du mal à défendre des positions communes
face aux EU, et face aux puissances émergentes. Ce monde multipolaire
continue en effet d'être régi par des principes westphaliens : ce sont les Etats
qui sont aujd en négociation et l'UE souffre de ne pas en être un. D'où les
appels récents de l'All en faveur d'une intégration accrue.

3) Avec le traité de Lisbonne, les Européens se sont efforcés de


remédier à certaines carences institutionnelles de l'UE.

a) On peut bien sûr faire la fine bouche.

Le traité de Lisbonne est encore un traité.


L'Europe les a vu se multiplier depuis l'Acte unique : 5 traités différents en 20
ans.
Un traité n'a pas le prestige d'une constitution, surtout qu'il est venu après
l'échec du TCE.
Le traité de Lisbonne a parfois été qualifié de mini traité européen, parce qu'il
se contentait de modifier les traités existants.
La ratification de ce traité a été particulièrement difficile.
L'Irlande a dû le ratifier deux fois.
La Pologne et la R.Tchèque ont résisté pendant longtemps. Ceux-ci ont
d'ailleurs obtenu une dérogation, leur permettant de ne pas adhérer à la charte
des droits fondamentaux. Le traité de Lisbonne donnait en effet à cette charte
une dimension contraignante. C'est une énumération de l'ensemble des droits,
dont bénéficient les citoyens européens et ceux qui résident dans l'UE : elle
confère une identité à l'UE. Pologne : parce que sont reconnus des droits
civiques dans cette charte (ex : respect des homo). R.Tchèque : parce que
rachat de terres des Sudètes par des All expulsés était rendu possible par la
charte. Le RU a lui aussi obtenu une dérogation à cette charte : principe du
opting out une fois de plus appliqué, parce que sont reconnus des droits
sociaux dans cette charte.

Le traité de Lisbonne légitime aussi le principe de l'« opt in ». C'est-à-dire la


possibilité pour les membres de l'UE de nouer entre eux des « coopérations
renforcées », dont on avait parlé dans le traité d'Amsterdam en 1997 :
permettre à des Etats qui le souhaitent d'aller de l'avant dans le sens d'une
plus grande intégration, sans nécessairement attendre les autres.

Les dispositions du traité de Lisbonne ne doivent en plus pas entrer en


application immédiatement : on est toujours aujd partiellement sous l'autorité
du traité de Nice. C'est le cas notamment pour les dispositions relatives au
vote à la double majorité, qui ne seront pas appliquées avant 2014, voire 2017
pour certains sujets.

Deux nouvelles fonctions ont été créées avec le traité:


- le président du Conseil européen, qui regroupe les chefs d'Etat et
de gouvernement. Ce poste est occupé par H.Van Rompuy.
- le haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la
politique de sécurité. Ce poste est occupé par C.Ashton.
Ils ont pris leur fonction début 2010 et sont choisis pour deux ans et demi
renouvelables.
L'ambition était de donner un visage à l'Europe sur le plan international.
Mais on a estimé que ces personnalités étaient en fait très peu connues : si
l'UE avait voulu rester discrète, elle ne s'y serait pas prise autrement. Le choix
de Van Rompuy par ex, alors qu'avait été évoqué T.Blaire (mais ne faisait pas
l'unanimité, du fait de la guerre en Irak..), relève aussi le souci des dirigeants
européens que ces personnalités ne leurs fassent pas trop d'ombre.

La construction européenne continue ainsi d'être marquée dans les années


2000 par des Etats qui s'efforcent d'affirmer leurs prérogatives, et qui
rechignent à déléguer de leur souveraineté : comme si l'emportait le modèle
britannique. C'est sans doute l'une des causes des difficultés de la zone Euro
actuelle : sur le plan budgétaire, les Etats n'ont pas appliqué les règles du
Pacte de stabilité (1997), ils se sont émancipé des traités, au point pour la
Grèce d'atteindre un déficit public qui dépassait les 15% du PIB. Cette
tendance a sans doute aussi été accrue par l'élargissement récent à des Etats
qui étaient jaloux de leur souveraineté. La crise de l'Euro nécessitera peut-être
une intégration plus forte.

b) Il faut reconnaître que le traité de Lisbonne est quand même à l'origine


d'avancées.

[La crise de l'Euro est cependant venue en montrer les limites du traité :
d'avantage figure de carcan que d'opportunité. Le traité interdisait par ex
d'aider les Etats de l'UE en difficulté (clause no bail out, devait avoir des vertus
préventives = arme de dissuasion) : il a fallu enfreindre le traité pour le plan
d'aide à la Grèce et pour créer le FESF (créé en juin 2011, devait être alimenté
par la FR et l'All, mais doit en fait emprunter des sommes sur les marchés
financiers : une usine à gaz a été créée). Le traité disait aussi que la BCE était
indépendante des Etats et qu'elle avait comme rôle unique de lutter contre
l'inflation, or elle a dû racheter de la dette des Etats. Ce traité appelle donc
d'ors et déjà des modifications!].

Le fait qu'il soit enfin ratifié a permis à l'UE de sortir d'une crise
institutionnelle. Une crise qui avait été ouverte en 2001 avec le traité de Nice,
qui avait remplacé le traité d'Amsterdam sans qu'il n'y ait eu de modification
d'envergure. Cette crise avait d'ailleurs motivé la réunion d'une convention
dont l'objectif était d'élaborer une constitution européenne, qui a finalement
été rejetée en 2005.

Les Européens s'étaient fixé 3 objectifs avec ce traité : rendre l'Europe plus
efficace, plus visible, et plus légitime :

– Plus d'efficacité.
→ Le nouveau vote à la majorité qualifiée (principe 55/65). [Le vote à la
majorité qualifiée joue un rôle dissuasif : négocier en amont avant que la
directive ne soit proposée : c'est le jeu politique]. Le champ de la majorité
qualifiée a depuis son lancement (1986) été étendu à de nouveaux domaines,
et notamment au 3e pilier du traité de Maastricht, qui instaurait une
coopération en matière policière et judiciaire : ce 3e pilier a été
communautarisé, on sort de l'inter-gouvernemental (qui signifiait pas de
délégation de souveraineté) et l'initiative pour cette politique vient désormais
ainsi de la Commission. Le traité de Lisbonne permet ainsi l'émergence de
nouvelles politiques communes, en matière policière et judiciaire : politique
commune des visas, normes communes en matière de droit d'asile, et à terme
il permettra ainsi de communautariser la politique d'immigration des Etats
européens. Il existe d'ors et déjà des agences : Europol (1999 : lutter contre la
criminalité trans-frontalière), Eurojust (2002 : coopération en terme
d'enquêtes et de poursuites judiciaires), Frontex (2004 : lutter contre
l'immigration clandestine). Les Européens ont admis que le stade
communautaire était plus efficace que le stade inter-gouvernemental dans ces
domaines. Ce n'est cependant pas évident, on l'a vu lors du Printemps arabe :
l'Italie accueillait avec bcp de réticences des migrants tunisiens et les laissait
partir en FR = Etats ont renforcé leurs frontières en réaction.
→ La Commission va voir ses effectifs allégés. Au négociations de Nice en
2001, chaque Etat s'était efforcé de conserver son commissaire. Or à Lisbonne,
on s'est entendu pour que le nombre de commissaires n'excède pas les 2/3 du
nombre des Etats membres : 18 commissaires. Avec la volonté de faire de la
Commission une force de frappe plus efficace, et de faire en sorte que les Etats
n'aient plus autant de prise sur la Commission (cependant, ne va-t-elle pas
perdre ainsi de son pouvoir?).

– Plus de visibilité.
→ C'était le sens de la création des deux nouveaux postes cités
précédemment. On entend beaucoup plus parlé de Van Rompuy (a des talents
de médiateur) que de Ashton.
→ Le traité de Lisbonne a par ailleurs rebaptisé la PESC/PESD en « Politique
européenne de sécurité et de défense commune ». La Haute représentante de
l'Union, C.Ashton, est aussi vice-présidente de la Commission, et est chargée
d'élaborer des propositions en matière de politique étrangère, même si cette
PESDC relève de la méthode inter-gouvernementale, càd que les décisions se
prennent à l'unanimité. On a pu voir dans ce poste un premier pas vers une
politique étrangère vraiment commune. Parce que ce haut représentant est
épaulé depuis jan 2011 par un SEAE (service européen d'action extérieure),
qui doit regroupé 6000 diplomates européens, avec pour objectif de créer de
véritables ambassades de l'UE, tout en sachant que les Etats conservent les
leurs. Ce service vise à regrouper les délégations européennes qui sont déjà
présentes à l'étranger, sachant que les Européens y remplissent de
nombreuses missions, ex : la mission Eulex au Kosovo, qui essaie de faire en
sorte que les Kosovars acclimatent un Etat de droit.
→ Dans le cadre du traité de Lisbonne, l'UE dispose également d'une
personnalité juridique, ce qui signifie qu'elle peut conclure en son nom des
traités internationaux, et qu'elle peut devenir membre d'organisations
internationales. Ex : en 2011 la Commission a proposé que les Européens ne
soient plus représentés par Etats au FMI mais que l'UE soit représentée au FMI
pour eux, ce qui lui permettrait de disposer d'un droit de veto, et de
compenser la montée en puissance des parts des pays émergents ; mais les
Etats européens ne sont pas encore prêts à tant de délégation de souveraineté
(la construction européenne poursuit donc bien la politique des petits pas).
→ Il s'agissait aussi de remédier aux carences de la présidence tournante de
l'UE. La présidence tournante tous les 6 mois s'exerce au niveau du Conseil de
l'Union européenne (= ancien Conseil des ministres). La présidence tournante
concerne le ministre dont l'Etat assure la présidence semestrielle de l'Union.
Un Etat qui préside peut mettre en avant son agenda, ex: la Théssalonique lors
du mandat grec. Cela dit, certains Etats étaient mal outillés pour prendre la
présidence de l'UE, ex : Chypre, Malte, et parfois parce qu'ils étaient en crise
grave, ex : premier semestre 2010 = Espagne, second semestre 2010 =
Belgique, premier semestre 2011 = Hongrie de V.Orban (a fait voté en 2011
une nvelle constitution hongroise, dont on se demande si elle est vraiment
démocratique), second semestre 2011 = Pologne (ne fait pas partie de la zone
Euro..).

– Plus de légitimité.
Il s'agit de lutter contre l'euroscepticisme ambiant, qui peut aller jusqu'à une
europhobie, qu'on trouve dans des partis non-présentables mais aussi parfois
dans des partis présentables. Elle se traduit par la montée en puissance des
partis populistes, qui grappillent des voix lors des différentes élections, et qui
sont marqués par le rejet de la construction européenne. Ex : les élections
législatives en Hongrie au printemps 2011 ont porté au pouvoir le Fidesz (parti
de V.Orban), allié du Jobbik (a obtenu 15% des voix, s'affiche farouchement
nationaliste, anti-européen, et dont certains militants sont tatoués de croix
gammées). Autre ex : le mouvement des vrais Finlandais. Autre ex : le FN en
FR, dont le programme est très anti-européen.
Le traité de Lisbonne a ainsi pour ambition d'essayer de concourir à un
approfondissement démocratique de l'UE, qui revêt plusieurs formes.
→ Cela passe par un accroissement du pouvoir du Parlement européen, même
s'il faudrait que les Européens se déplacent pour élire leurs députés, et même
si les Parlements sont encore élus dans le cadre national, et que c'est
seulement une fois qu'ils sont élus qu'ils rejoignent les formations européennes
(souvent méconnues des citoyens européens..). Le Parlement européen s'est
vu doté d'un pouvoir de co-décision avec le Conseil des ministres avec le traité
de Maastricht, celui-ci a été renforcé à Lisbonne. Mais l'action de ce Parlement
reste largement méconnue du grand public.
→ Le traité de Lisbonne a également ajouté un droit d'initiative populaire, le
but étant de favoriser la participation directe des citoyens à la construction
européenne, et notamment avec la possibilité pour 1 million d'entre eux
d'exiger que la Commission soumette au Conseil une proposition sur un thème
de leur choix. Cela pourrait créer une opinion publique européenne avec ses
débats : éviter que la construction européenne ne soit confisquée par les
dirigeants.

c) Cela dit, on peut se demander si ce traité est vraiment à la hauteur des


enjeux.

Kissinger, ancien secrétaire d'Etat des EU, avait une formule : « Europe, what
number ? ». Le traité de Lisbonne n'apporte pas vraiment de réponse : il bâtit
un schéma institutionnel complexe (voir poly), qui traduit la pluralité des lieux
de pouvoir. L'Europe est encore un « OPNI (objet politique non-identifié) »
(J.Delors). L'Europe serait une fédération d'Etats nations ?
De qui dépend le pilotage de la construction européenne ?
→ Est-ce de la Commission, censée être plus efficace parce que rétrécie
et parce qu'elle bénéficie d'une plus grande légitimité (ses membres sont
investis par le Parlement européenne, lui même élu au SU) ?
→ Ou alors est-ce que cela dépend du Parlement, dont le pouvoir de co-
décision a été étendu ? Ce Parlement européen a fait usage du pouvoir qui lui a
été donné, ex : en 2010 il a rejeté une première version de l'accord SWIFT
entre l'UE et les EU, sur le transfert de données bancaires européennes aux EU
à des fins de lutte anti-terroriste, le Parlement a obligé la Commission à revoir
sa copie, car il estimait que cet accord faisait la part trop belle à l'assurance de
la sécurité américaine et pas assez aux libertés individuelles, le Parlement a
pour cela invoqué la Charte européenne des droits fondamentaux (intégrée au
traité de Lisbonne). Cela dit, cela ne suffit pas pour faire du Parlement un
centre majeur du pouvoir.
→ Est-ce que le pouvoir n'est pas au Conseil européen  ? Celui-ci n'est-il
pas lui-même pas trop sur-dimensionné ? Est-ce que le pouvoir ne se trouve
pas en effet entre les mains des Etats participants à la zone Euro ? N'est-il pas
entre les mains même de « Merkozy » ?
Autrement dit, que l'on n'attende pas du traité de Lisbonne une clarification
des lieux de pouvoir.

Le traité de Lisbonne est de plus peut-être déjà caduque, la crise de l'Euro


ayant montré qu'il était un carcan, qu'il n'était pas adapté pour lutter contre
cette crise.
A.Merkel, lors du congrès de la CDU en novembre 2011, n'a d'ailleurs pas
hésité à évoquer une nécessaire modification de ce traité, qui ouvrirait la voie
à d'avantage de fédéralisme. La ministre du travail allemande U.Von der
Leyen, appelait même en octobre 2011 à la création des « Etats-Unis
d'Europe ».

Les propositions allemandes :


→ La chancelière allemande veut favoriser une accélération de
l'intégration budgétaire dans la zone Euro, càd que les Etats ayant déjà
délégué leur souveraineté monétaire à l'UE lui transfert aussi leur souveraineté
budgétaire. Merkel a parlé d'une « politique budgétaire et économique
intégrée », qui consisterait à sanctionner les pays en déficit excessif, des
sanctions qui seraient réclamées par la Commission, comme celle-ci le fait déjà
lorsque la concurrence est faussée (dans le cadre du Marché unique). Elle
préconise ainsi la création d'un « commissaire de la stabilité », qui ferait office
de ministre des finances de la zone Euro, et qui pourrait éventuellement
annuler le budget d'un Etat qui serait en déficit excessif, et lui imposer des
mesures de réduction des déficits (hausse impôts, baisse dépenses).
→ Par ailleurs, le programme présenté par la CDU prévoit que l'élection
du président de la Commission européenne se fasse au suffrage universel
direct. Pour donner plus de légitimité démocratique au projet européen.
→ Il y a aussi la revendication que le Parlement européen et le Conseil
de l'UE aient d'un droit d'initiative, réservée pour l'instant à la Commission,
càd le droit d'émettre des directives. Cela vise en fait aussi à renforcer l'aspect
démocratique de la construction européenne.
Toutes ses propositions supposent une modification du traité de Lisbonne, que
Merkel envisage le plus démocratiquement possible. Elle serait onfiée à une
convention, composée des présidents des Parlements nationaux, des chefs de
gouvernements, et du Parlement européen. Et elle envisage éventuellement
que cette modification ne soit ratifiée que par les membres de la zone Euro, et
pas par l'ensemble de l'UE. L'All représente ici une force de propositions.

Des interrogations jaillissent face à ces propositions :


- Ne risque-t-on pas ainsi d'inscrire un clivage entre les 27, les 27
seraient 17 + 10 ? D'ors et déjà s'expriment les réticences du RU et de la
Pologne, qui craignent d'être marginalisés, alors que ce premier voyait une
construction européenne à son image se mettre en place dans les années
2000. Désormais, l'approfondissement ne va-t-il pas rimer avec le
resserrement, alors qu'il rimait jusqu'alors avec l'élargissement ? On entend à
l'heure actuelle largement plus parler de la zone Euro que de l'UE.
- A.Merkel n'a pas évoqué une modification des traités qui puisse
par ex changer le rôle de la BCE, ce qui est l'une des volontés françaises. La FR
propose en effet que la BCE puisse racheter des titres de dette des Etats, ce
qui aurait pour effet d'arrêter la spéculation, et de faire ainsi baisser les taux
d'intérêt (sont une sorte de cercle vicieux : des taux d'intérêts élevés
renforcent la dette). La FR propose aussi que la BCE puisse alimenter le FSCE
(devrait être institutionnalisé à partir de 2013 = le MES, mécanisme européen
de stabilité). L'All considère que ce serait encourager le laxisme budgétaire, les
pays endettés aujd ne seraient pas amenés à réduire leurs déficits. Sans doute
s'oriente-t-on vers un donnant-donnant : fédéralisme budgétaire +
élargissement compétences de la BCE.
- A.Merkel n'a pas non plus évoqué une transformation des traités
qui permettrait la création d'eurobonds (= euro-obligations, qui seraient des
titres émis à l'échelle européenne, qui permettraient à des pays fortement
endettés de bénéficier de taux plus bas, mais qui désavantageraient les pays
qui bénéficient d'ors et déjà de taux bas). La mise en place d'eurobonds est
surtout préconisée par la Commission.
- Peut-on bâtir une union plus fédérale qui soit articulée autour du
seul thème de l'austérité ? Et qui réduise la notion de croissance à la portion
congrue ? Est-ce que cela ne peut pas au contraire faire le jeu des
populismes ? Est-ce que ce n'est pas encourager la désaffection vis-à-vis du
projet européen, qui est déjà prononcée ?
- Ni la proposition allemande, ni la proposition française, ne règlent
le problème posé par une zone Euro à deux vitesses. L'Europe du Nord
industrielle, compétitive, dégageant des excédents courants, et une Europe du
Sud qui a beaucoup perdu en compétitivité. Le problème de la Grèce n'est pas
seulement financier, mais aussi profondément économique. Comment
redynamiser ces économies d'Europe du Sud ? On vantait dans les années
2000 les performances économiques espagnoles, sans voir que celles-ci étaient
portées par l'immobilier, à l'heure de l'économie de la connaissance. La Grèce
n'a rien à vendre, donc sa sortie de la zone Euro ne changerait rien. Il y a des
problèmes structurels à résoudre, mais l'UE en a-t-elle les moyens, étant
donné son budget ? Si les budgets donnés aux politiques régionales, agricoles,
ne sont pas réduits, la zone Euro aura les pires difficultés à survivre..
- Modifier les traités s'avère être une aventure non nécessairement
couronnée de succès, quand on sait que le traité constitutionnel a été rejeté en
2005.

La crise de la zone Euro devient mondiale, et on est proche d'une déflagration


mondiale, surtout que le problème de la dette américaine reste non résolue, et
et qu'il existeraient des créances apparemment douteuses en Chine.. Elle a des
répercussions sur les exportations de tous les pays dans le monde.

III) Avec le cinquième élargissement, la donne


européenne a profondément changé.

A) L'élargissement a provoqué un déplacement du centre de


gravité de l'UE vers l'Allemagne réunifiée.

1) L'Allemagne a largement tiré profit de la fin du contexte de guerre


froide pour s'affirmer comme une puissance de premier plan en
Europe.

a) La fin de la guerre froide c'est la possibilité de se réunifier.

La réunification c'est une augmentation de 40% de la taille de son territoire,


une augmentation d'1/4 de sa population, qui fait d'elle le pays européen le
plus peuplé : 80 millions d'habitants, càd autant que dans les 10 pays
européens les moins peuplés, même si l'All connaît aujd un vieillissement
accéléré.

Cette réunification s'est toutefois traduite par d'importantes difficultés


économiques, puisqu'il fallait mettre à niveau économique et social les Länder
de l'Est. L'All a transféré 1,5% de son PIB chaque année à l'Est. Cela a ainsi
supposé des sacrifices pour les All de l'Ouest, ce qui a pu expliquer les
réticences fortes exprimées par les All à l'idée de sauver la Grèce. Le
rattrapage n'est pas encore complètement achevé, il existe toujours un écart
entre l'Est et l'Ouest : le PIB/hab des Länder de l'Est équivaut à 75% de celui
des Länder de l'Ouest.

Il y a eu des difficultés, mais l'All n'en est pas moins le poids lourd économique
européen, avec un PIB supérieur d'1/3 à celui de la FR.

b) Les retrouvailles entre les deux All ont eu valeur de symbole précurseur
pour l'élargissement.

Elles ont anticipé sur les retrouvailles entre les deux Europes. Les dirigeants
allemands ont milité ardemment en faveur de ces retrouvailles, parfois en
forçant la main de la FR.
H.Kohl s'était par ex opposé au projet de « Confédération européenne » de
F.Mitterand, parce que celle-ci aurait éloigné les perspectives d'adhésion des
PECO, et que cela signifiait un risque de chaos.
G.Schröder a lui aussi à la fin des années 90 milité pour que la stratégie vis-à-
vis des candidatures des PECO change : passage de la logique des vagues à la
logique de la régate, parce que cette dernière ne laissait aucun PECO de côté.

Les élargissements de 2004-2007 ont fait changé la position de l'All réunifiée


au sein de l'UE. L'All a longtemps été orientée à la frontière orientale de la
CEE : frontalière du rideau de fer. Suite au grand élargissement, elle est
devenue le cœur de l'Europe réunifiée. L'All tourne ainsi son regard vers l'Est.
Ce qui a été matérialisé par le déplacement de la capitale à Berlin en 1999.
L'All s'efforce aujd de jouer le rôle d'interface entre les deux Europes :
- Au sens où l'All est le 1er partenaire commercial des PECO : elle leur
destine 10% de ses exportations (40% de ses exportations étant destinées à la
zone Euro).
- L'All est aussi le 1er investisseur dans les PECO : 1/3 du stock d'IDE
dans ceux-ci est originaire d'All. Ce sont les firmes allemandes qui ont promu
depuis les années 90 le processus de DEPP, qui utilise les PECO comme bases
arrières où les firmes allemandes ont trouvé main d'oeuvre qualifiée et
productivité élevée. Cela a été un moyen pour les firmes all de restaurer leur
compétitivité, qui avait été affectée par la réunification qui s'était traduite par
une hausse des coûts salariaux. Dans les années 2000, la menace de
délocalisations dans les PECO a aussi joué pour obtenir de la part des syndicats
allemands une modération salariale.
- L'All est le 1er contributeur net au budget européen, c'est donc le
principal pays finançant la politique de la cohésion, dont bénéficient les PECO,
et donc les firmes allemandes sous forme de commandes.
- L'influence de l'All peut reposer aussi sur des vecteurs culturels. On
parle souvent d'une perméabilité linguistique entre l'All et les PECO :
longtemps présence de fortes minorités germaniques à l'Est, et l'All progresse
à l'Est comme langue enseignée, à égalité avec l'Anglais et au détriment du
Russe, l'All a d'ailleurs ouvert une quarantaine de Goethe Institut dans ces
pays.

c) Cet intérêt pour l'Europe orientale va de paire avec la fin de la «  discrétion »


de l'All sur la scène internationale.

Longtemps l'All a été une puissance muette.Il y avait sans doute un désir de
puissance de l'All, mais celui-ci était handicapé par les traces de l'expérience
nazie : elles minaient les ambitions internationales de l'All (même situation que
le Japon).

La réunification constitue de ce point de vue un tournant : l'All, dès 1990, avec


le « traité 2+4 », retrouve sa pleine souveraineté, en échange toutefois d'une
armée aux effectifs limités (moins de 400 000 hommes) et d'un renoncement à
l'armement ABC (ce sont de piètres concessions, car l'All peut alors faire figure
de modèle, à l'époque de la « Fin de l'histoire » (Fukuyama)).

On a parlé d'une All décomplexée, qui n'hésite désormais plus à faire sa place
sur la scène internationale. G.Schröder n'hésitait pas à parler d'une « All
émancipée » qui souhaitait désormais affirmer son statut de puissance, avec
une nouvelle génération de dirigeants qui n'est plus inhibée par le passé qui
n'est pas le sien. H.Védrine distinguait l'hyperpuissance américaine, les
puissances d'influence mondiale, et puis les puissances moyennes dont le
rayonnement est régional ; les dirigeants all souhaitaient se placer dans la
deuxième catégorie, grâce aux performances économiques du pays.
Une All membre du G20, une All provisoirement devenue dans les années 2000
2e fournisseur d'APD à l'échelle mondiale, une All 3e contributrice de l'ONU,
l'All a même formulé une candidature pour devenir membre permanent du
conseil de sécurité de l'ONU en 2004, tout en exigeant un élargissement de
celui-ci à d'autres pays (Brésil, Inde, Japon), requête réitérée en 2007. L'All
décomplexée aussi parce que la Bundeswehr est sortie du territoire all pour
remplir des missions internationales : troupes présentes en Afghanistan,
intervenues au Kosovo, par ex.
L'UE reste sans doute une échelle importante, mais qui n'est plus exclusive
pour l'All. L'All sait qu'une partie de sa prospérité économique dépend aussi du
reste du monde et notamment des émergents.
La géographie des échanges commerciaux de l'All s'est progressivement
modifiée depuis 20 ans. L'All réalise toujours plus de 60% de son commerce
extérieur avec l'UE, mais la Chine est passée en 2009 devant la FR comme 1er
fournisseur de l'All, et le ¼ des exportations de l'All est aujd destiné à l'Asie
(part supérieure d'1/3 à celle de la FR).
Depuis 1999, l'All est le plus gros investisseur européen en Chine (2500
entreprises y sont établies), et VW comptait par ex beaucoup sur ces marchés
pour monter en puissance.
28% des exportations de la zone Euro vers le reste du monde partent d'All
13% de FR, 9% d'Italie. Les exportations allemandes sont 2x plus importantes
que celles de la FR, en soulignant toutefois que cette médaille a son revers:
l'All est sensible à la conjoncture économique internationale, et par ex l'année
2009 a été une année noire pour elle, tandis que l'année 2010 a été
euphorique (croissance all de plus de 3,5%), même si l'All serait de nouveau
victime de la panne de croissance de ses partenaires pour 2012-2013 (0,5-1%
de croissance attendus).

2) L'UE porte la marque de ce changement de statut de l'All.

La construction européenne peut s'en trouver affectée.

a) La réunification de l'All a eu un impact sur les rapports que l'All entretient


avec la construction européenne.

Jusqu'à la réunification, la RFA était marquée par « une culture de la retenue »


sur le plan géopolitique. Cela se sentait dans son rapport à la construction
européenne : celle-ci était vécue par l'All comme un passage obligé, une
nécessité, une chance même, pour apparaître comme un Etat comme les
autres, pour retrouver une crédibilité sur la scène internationale. D'où un
engagement plein de la RFA dans la construction européenne, dès ses débuts.
On a parlé d'un « patriotisme de substitution ». Le Secrétaire d'Etat de
J.Carter, Z.Brezinski, a même dit que l'All cherchait sa « rédemption » dans le
projet européen, même si cela passait par une reconnaissance implicite de la
suprématie française ; dans le même temps il parlait de « réincarnation » de la
FR, càd la possibilité pour elle d'affirmer sa puissance grâce au projet
européen, puissance ébranlée par 1940 et la décolonisation.
Jusque la réunification, l'All était condamnée à l'« oubli de la puissance », elle
devait apparaître comme le meilleur élève de la classe européenne.

De ce point de vue, la réunification a changé la donne.

b) Sur le plan européen, l'All n'hésite plus à mieux faire prévaloir ses intérêts.

Cette page rédemptrice est tournée avec la réunification, parce que l'All peut
désormais réaffirmer sa souveraineté.
Les chiffres le montrent. Sondage janvier 2011, dans le contexte de la crise
grecque : 70% des All ne voyaient pas l'Europe comme l'avenir de l'All, All
devenus eurosceptiques? Sondage octobre 2011 : 55% des All souhaitent
revenir au Deutschemark (dont 2/3 en RDA). [A.Merkel doit tenir compte de
cet euroscepticisme, et une partie de ses propositions peuvent être influencées
par celui-ci : doit donner des gages à ses électeurs, et à ses alliés (la CSU et le
FDP, où il y a une forte composante eurosceptique)].

La panne européenne du moment est équivalente à une sorte de « panne de la


méthode communautaire », incarnée par la Commission éventuellement
épaulée par le Parlement : le pouvoir a eu tendance à se déplacer vers les
chefs d'Etat et de gouvernement, avec des Etats jaloux de leur souveraineté.
L'échec de la ratification du TEC en a été le paroxysme.
L'All a eu durant les deux dernières décennies une attitude moins
intégrationiste que par le passé, et elle a pu servir de modèle à d'autres Etats
qui n'étaient pas prêts à respecter les règles du jeu communautaire. Elle s'était
d'ailleurs dispensée des règles du Pacte de stabilité au début des années 2000
(qui allait les respecter alors?). L'All faisait également moins preuve de
solidarité, ce qui est illustrée par la demande de baisse du budget à partir de
1999.
Cela dit, aujd, l'All redevient plus intégrationiste du fait de la crise de l'Euro,
parce qu'elle s’aperçoit que si elle ne l'est pas, une désintégration prendra le
pas, et qu'elle en fera les frais.
Dans le côté chacun pour soi, l'All a eu sa responsabilité, du fait du
changement de contexte géopolitique.

L'All est parfois même accusée de faire cavalier seul en Europe, peut-être au
détriment de l'intérêt européen.
En 1991 l'All reconnaît unilatéralement la Slovénie, et précipite ainsi
l'éclatement de la Yougoslavie.
Dans le domaine de l'approvisionnement énergétique aussi, les liens étroits
entretenus avec la Russie (Nord Stream) sont pointés du doigt : cela pénalise
l'émergence d'une éventuelle politique énergétique commune.
Si l'Italie, la Grèce, et l'Espagne, ont sombré c'est en partie aussi à cause de
l'All : pour restaurer sa compétitivité entamée par la réunification, l'All a mené
une politique dans les années 2000 de baisse des coûts salariaux :Agenda
2010, Hartz IV, introduction d'une TVA sociale en 2007 [TVA sociale : Coût
travail trop élevé car charges sociales trop lourdes pour entreprise, entraîne
moindre compétitivité des entreprises, celles-ci risquent ainsi de se délocaliser.
L'idée est donc de transférer ces charges sur la TVA, l'impôt qui rapporte le
plus à l'Etat : les entreprises redeviendraient plus compétitives car la TVA
pèserait alors autant sur les produits nationaux que sur les produits importés,
ce qui aurait tendance à favoriser les productions nationales. Mais ce sont les
consommateurs qui paient la TVA et qui risquent de voir leur PA amputé]. On a
parlé de pratiques qui n'étaient pas coopératives : l'All cherchait à restaurer sa
compétitivité, mais sur le dos de ses partenaires européens. Entre 1999 et
2009 les coûts salariaux en All ont augmenté 3x moins vite qu'en FR, même si
ceux-ci restent inférieurs aujd. L'All dans ces conditions a pu exporter
massivement, les autres ne faisant pas la même chose : l'All a exporté et a
compté sur les consommateurs européens (Grecs, Espagnols, qui bénéficiaient
de prêts à taux bas..).

c) La relation franco-allemande est devenue plus houleuse depuis la fin de la


guerre froide.

La FR se sent depuis la réunification assez mal à l'aise avec une All


« émancipée » (de la tutelle française?). La diplomatie française a été
déstabilisée par ce nouveau statut de l'All.

L'All ne veut plus apparaître comme le « brillant second » de la FR. A.Merkel a


d'ailleurs été jusqu'à déclarer que la Pologne était le « deuxième grand voisin
de l'All », ce qui relativisait l'importance du couple franco-allemand.

Des signes du malaise français :


- La FR via le traité de Maastricht a exigé de l'All qu'elle abandonne le
Deutsche Mark.
- La FR s'est efforcée de freiner la réunification du continent, avec le
projet mitterandien.
- La FR est moins à l'aise que l'All dans l'Europe élargie, parce que celle-
ci est utilisée comme un tremplin par l'All pour étaler sa puissance. La FR voit
cet élargissement comme un phénomène qui minimise son poids en Europe,
d'où par ex la formule de Chirac.
- Le rejet du TEC traduit également cette impression diffuse que la
construction européenne échappe à l'influence française.

Ces tensions traduisent également le fait que la FR et l'All ont connu depuis les
années 1990 des trajectoires différentes sur le plan économique.
L'All peut se poser en donneuse de leçons budgétaires, puisqu'avant que la
récession ne frappe, en 2007 par ex, l'All était parvenue à rétablir l'équilibre
budgétaire, alors que les déficits publics restaient d'actualité en FR. Cela a pu
expliquer les différences de point-de-vues différents face à la crise grecque : la
FR ressemblait en fait à la Grèce.
Économiquement parlant, les deux croissances sont différentes : la croissance
all repose sur les exportations, alors que la croissance fr repose sur la
consommation intérieure, maintenue par des politiques de redistribution, alors
que l'All remettait largement en question son modèle social dans les années
2000.
Les performances économiques entre la FR et l'All ont divergé également. L'All
ne cesse d'enregistrer des excédents commerciaux, alors que la FR accumule
les déficits. En 2009, l'excédent commercial all représentait 130 milliards d'€,
contre 45 milliards d'€ de déficit pour la FR. La FR absorbe une partie des
exportations all, et en revanche la FR souffre des réformes sociales all qui
limitent la demande intérieure.

Cela peut expliquer que les tensions et les malentendus n'aient pas manqué
durant la décennie 2000.
En 2007, N.Sarkozy : « La FR n'a pas à rougir de son histoire, elle n'a pas
commis de génocide, elle n'a pas inventé la solution finale ».
La FR a créé le projet d'UPN pour contrer le poids l'élargissement à l'Est, qui
excluait de facto l'All. Certains pourraient y voir un regroupement des pays
d'Europe du Sud que la crise de l'Euro met dans le même panier.
Ces tensions sont réapparues en 2011 lors de la crise de l'Euro, avec des
propositions all qui différent des propositions fr.

Il faut mettre en perspective la relation franco-allemande. Elle a été un outil de


résolution de crises, mais n'a jamais été vraiment dépourvue d’ambiguïté
(dans les années 50 on parlait d'ailleurs déjà d'un mariage de raison).
Le couple a joué un rôle essentiel dans la construction européenne, qui est lié
aux relations personnelles étroites liées entre les chefs d'Etat : de Gaulle -
Adenauer (la PAC contre l'Union douanière), Giscard d'Estaing - Schmidt
(SME), dans les années 80 problème britannique : chacun des pays acceptant
une partie du coût du « chèque britannique », la réunification n'a pas empêché
la signature de Maastricht par Mitterand - Kohl (monnaie + PESC).
Dans les années 2000, les divergences franco-allemandes ont leur
responsabilité dans la panne de la construction : le fait qu'ils ne trouvent pas
accord peut faire le jeu de forces centrifuges, des eurosceptiques.
Cela dit, face à la puissance de la crise de l'Euro, le couple peut se reformer :
ne parle-t-on pas de « Merkozy » ? De plus, la résolution de cette crise réside
dans un compromis franco-allemand. Les points-de-vue des deux sont la
plupart du temps difficiles à concilier, ainsi lorsqu'un compromis est dégagé, sa
force n'en est que plus importante, et il est d'autant plus accepté par les
partenaires européens, la crise actuelle de l'Euro ne fera pas exception.

3) Difficile de faire toutefois de l'All un élément perturbateur de la


construction européenne.

Ne serait-ce pas lui intenter un faux procès ?

a) Il ne faut pas montrer l'All du doigt.

Il faut se placer dans le contexte contemporain d'une reconfiguration


géopolitique et géoéconomique mondiale = la « dérive des continents ». Le
symbole de cette reconfiguration serait peut-être aujd l'ascension spectaculaire
du Brésil, devenu la 7e économie mondiale en 2010 et devenant en 2011 la 6e.
On est dans le contexte de transfert de puissance au profit des émergents, la
crise de 2008-09 ayant joué le rôle d'accélérateur. On est même dans un
« monde à l'envers » où ce sont les grandes puissances économiques qui sont
en crise financière, et les puissances émergentes qui leur proposent leur aide.

Dans ces conditions, le fait que l'UE puisse compter parmi ses membres l'All ne
peut pas être considéré comme un handicap, dans la mesure où l'UE n'est pas
encore unifiée (ce vers quoi l'All souhaite la faire tendre, même si l'ensemble
intégré ne regroupera peut-être pas l'UE entière). La présence de l'All permet
en effet de conjurer le déclassement de l'UE dans ce nouveau monde, elle lui
permet de rester à flot :
- L'All tend à tirer l'UE vers le haut, grâce au fait qu'elle ait préservé son
statut de 2e exportateur mondial. D'ailleurs son commerce extérieur a connu
deux années fastes en 2010 et 2011, avec une forte croissance économique à
la clé.
- L'All a réussi à préserver également, au prix de sacrifices certes, son
statut de grande puissance industrielle : a réussi à conjurer le spectre de la
désindustrialisation. Les années 2000 (surtout gouvernement Schröder) ont
été marquées par la volonté de préserver le « Standort Deutschland » : l'une
des préoccupations de l'Agenda 2010, qui a pu expliquer la montée du parti
Die Linke. Cette préoccupation va être en FR au cœur de la campagne
présidentielle de 2012, et de ce point de vue la FR souffre de la comparaison
avec l'All, puisque l'industrie n'y représente plus que 14% du PIB contre 25%
en All (Grèce : 7%). C'est d'ailleurs sur cette industrie que l'All s'appuie pour
dégager des excédents commerciaux, avec des coûts du travail dans l'industrie
qui sont pourtant supérieurs à ceux de la FR.
- Sur d'autres points, la FR souffre de la comparaison avec l'All. En 2010
l'All réalisait 155 milliards d'€ d'excédent commercial, alors que la FR avait 51
milliards d'€ de déficit. Le taux de chômage all se monte à 7% contre 10% en
FR. L'All s'efforce d'apparaître comme un modèle, une référence, et la FR la
regarde d'ailleurs comme telle.
- L'All est spécialisée dans le haut de gamme : elle se distingue avec un
effort de R&D poussé, qui tire l'UE vers le haut : 2,8% du PIB (= taux
américain) contre 2,2% pour la FR et moins de 2% en moyenne en Europe.
- L'All tire l'UE vers le haut de part la puissance de ses entreprises
également, ex : Volkswagen.
- L'All tire également l'UE vers le haut si l'on regarde les difficultés de
certains de ses partenaires dans les années 2000. Le début de la décennie
2000 avait été marqué par le dynamisme spectaculaire des économies
périphériques de l'UE : Irlande, Espagne, PECO. Mais la récession est venue
remettre celui-ci en question, l'Espagne connaissant un taux de chômage
supérieur à 20% aujd par ex. Certains sont d'ailleurs passés du statut
d'économies dynamiques au statut de « PIGS » (Portugal, Ireland, Greece,
Spain).

b) Mieux vaut que l'UE reste à l'heure allemande.

Même si les critiques fusent, la présence de l'All dans l'UE est un moindre mal
voire une aubaine pour la construction européenne.

C'est vrai que l'All a tendance à vouloir faire prévaloir ses intérêts. Mais on ne
peut pas dire que cela représente un frein pour la construction européenne. Le
chantier du fédéralisme est d'ailleurs relancé systématiquement par l'All, et la
crise de l'Euro actuelle en témoigne, avec le programme de la CDU, visant plus
d'intégration tant sur le plan économique que politique. L'All se démarque ici
d'autres Etats européens comme le RU, qui continuent à faire la preuve de
leurs réticences vis-à-vis du projet : le RU n'appartient pas à la zone Euro, ni à
l'espace Schengen, il a fait valoir à plusieurs reprises des clauses de « opting-
out » y compris pour la charte des droits fondamentaux, et le RU apparaît ainsi
comme le chef de file des Etats eurosceptiques. Mieux vaut donc pour l'UE que
l'influence de l'All soit forte, parce qu'elle permet de contrebalancer ces
tendances qui visent à freiner le processus d'intégration.
L'All est désormais décomplexée sur la scène internationale, mais de par son
histoire tragique et ses institutions, elle est porteuse de valeurs que l'UE
s'efforce de défendre.
On parle souvent de l'UE comme d'une « puissance normative », or il y a une
insistance en All sur le principe démocratique : il faut respecter le schéma
démocratique, avec la cour constitutionnelle de Karlsruhe qui sait rappeler
l'existence de la loi fondamentale aux dirigeants all. L'UE qui cherche à
démocratiser ses voisins peut donc trouver un puissant allier en l'All, plus
parfois qu'en la FR qui a pu soutenir par ex des régimes dictatoriaux dans son
histoire..
L'All s'efforce également de faire prévaloir une approche multilatérale des
relations internationales, en s'efforçant de dupliquer à l'échelle mondiale ce
qu'elle applique en Europe : le monde doit être un forum beaucoup plus qu'une
simple arène qui voit s'opposer des positions. Ainsi, lorsque l'All réclame un
siège au conseil de sécurité, c'est moins pour disposer d'un droit de veto que
pour que le conseil soit plus représentatif du nouveau contexte géopolitique.

c) L'All sait également qu'elle ne peut pas faire cavalier seul dans l'UE des 27.

La question du « cavalier seul » s'est surtout posée lorsque l'All ne voulait pas
sauver la Grèce. Or elle s'est rendue compte qu'elle pouvait difficilement faire
l'économie d'un sauvetage de la zone Euro, car elle y est trop impliquée pour
ne pas subir les contreparties d'un éclatement.

On a pu parler de différends entre la FR et l'All, mais s'est quand même


reconstitué de facto à la faveur de la crise de la zone Euro le couple franco-
allemand. De telle sorte qu'il est impossible de parler d'un divorce franco-
allemand. Indépendamment de la crise qui les mobilise d'ailleurs, il y a de
toute façon beaucoup d'obstacles à la dissolution de ce couple. L'All et la FR
sont en fait plus complémentaires que différentes :
- La latinité contre la germanité, avec une FR plus en faveur d'Etats
dépensiers et une All est plus en faveur de la rigueur : All pour une Union de la
stabilité et pas une Union des transferts. [Certains dirigeants all seraient même
en faveur de l'interdiction des déficits : on reviendrait au monde d'avant 14,
càd à l'orthodoxie budgétaire. Mais le budget et les déficits ne sont pas
inutiles, ils servent à mener des politiques anti-cycliques : en période de
prospérité, les impôts rentrent bien, l'Etat peut réduire ses dépenses, et l'Etat
peut même avoir un excédent budgétaire, mais en temps de crise il faut un
relais à la demande privée, et celui-ci peut-être l'Etat par le biais des déficits.
Il faudrait donc peut être de la souplesse plutôt que de la rigidité..].
- La complémentarité franco-allemande, c'est aussi un volontarisme
politique (qu'a voulu incarner Sarkozy) face au primat de la règle et de la
norme (qu'incarne l'All). Cela se traduit d'ailleurs dans le principe du
gouvernement économique européen : l'All propose une sorte de fédéralisme
budgétaire où les Etats voient leur autonomie budgétaire placée sous contrôle,
alors que la FR pense par ex à des politiques communes dans le domaine
industriel, pour que l'UE puisse mieux résister à la concurrence des émergents,
une volonté de réagir à ceux qui pratiqueraient une forme de dumping social
ou environnemental = conceptions différentes mises en exergue.
- La FR veut apparaître comme une puissance militaire, qui d'ailleurs à
fait ses preuves en Libye en 2011, et qui veut actuellement ouvrir des
« corridors humanitaires » en Syrie (ressemble bcp à l'exclusion aérienne
libyenne) aux côtés de la Turquie (qui a des prétentions régionales et une
politique de voisinage), alors que l'All apparaît comme une puissance civile.
Cela a d'ailleurs pu conduire à un malentendu lors du vote de la résolution
1973 à l'ONU.
- La FR regarde vers le versant Sud de la Méditerranée : comment
s'adapter à la nouvelle donne apportée par le Printemps arabe ? C'est
l'occasion pour elle d'y déployer une diplomatie active, pour se réserver une
zone d'influence privilégiée (avec le RU aussi).
- La complémentarité peut aller jusqu'à l'imbrication même, dans la
mesure où les deux pays entretiennent des relations commerciales privilégiées.
Même si la Chine s'est immiscée dans le jeu depuis 2000, l'All reste le 1er
partenaire commercial de la FR, et la FR reste le 1er excédent commercial de
l'All.
- Des coopérations culturelles et industrielles persistent : Arte, EADS..
- La FR et l'All constituent en outre une masse critique de l'ensemble de
l'UE et pas seulement de la zone Euro : ensembles c'est 1/3 de la population
de l'UE (ce qui leur donne une minorité de blocage), 36% du budget
communautaire, ils sont les deux premiers contributeurs nets, ils représentent
en outre 55% du PIB de la zone Euro.

La crise de l'Euro a permis au couple de se reformer. Et on sait qu'à chaque


coup dur de la construction européenne, la sortie a été permise par une
solution venue du couple. La FR et l'All s'efforcent aujd d'apporter des
propositions pour la résolution de la crise.

B) Le cinquième élargissement pose la question des


relations entre l'UE et ses voisins.

CF dissertation : « L'UE n'est-elle pas désormais encombrée par son voisinage


depuis qu'elle est passée de 15 à 27 membres ? »

C) Les dynamiques territoriales liées au passage de 15 à 27


membres sont tout à la fois synonymes d'opportunités et de
contraintes.

1) Le dernier élargissement a créé de nouvelles dynamiques


territoriales : opportunités.

Qu'est-ce que la disparition du rideau de fer et l'adhésion des PECO ont pu


apporté ?

a) Le rapprochement de territoires restés jusqu'alors éloignés les uns des


autres.

Ce rapprochement s'est opéré autour de la mer Baltique, qui est redevenue un


trait d'union entre les Etats qui l'abordent, qui depuis 2004 appartiennent tous
à l'UE. On n'hésite pas aujd à parler même d'un « arc baltique » pour qualifier
l'intensification des partenariats entre les Etats riverains, qui ressuscite
l'espace hanséatique. On assiste à une intensification des liens commerciaux
intra-régionaux, des flux de main d'oeuvre en provenance des Etats baltes vers
la Suède, des flux financiers : le capital des banques baltes est détenu par les
banques suédoises. La Baltique est aussi un espace de diffusion du capitalisme
suédois, avec par ex des pays qui n'appartiennent pas à la zone Euro. Cette
intensification est telle que la Commission a adopté une Stratégie pour la Mer
Baltique, le but étant de fédérer ainsi toutes les initiatives qui se déploient
dans cette zone. Ce ne sont d'ailleurs pas seulement des initiatives
économiques : des initiatives culturelles, des échanges universitaires, des
projets communs comme la lutte contre la pollution de la Mer Baltique,
existent. La Mer Baltique abrite l'Eurorégion « Baltic », qui regroupe la Suède,
la Pologne, et l'enclave de Kaliningrad, faite de partenariats privilégiés, où se
met en place une coopération transfrontalière, encouragée d'ailleurs par la
politique régionale commune dans le cadre de le programme Interreg : une
partie des fonds sont attribués à des projets transfrontaliers, visant à aplanir
les frontières, à faire disparaître les dimensions nationales [Autre ex
d'Eurorégion : Londres-Belgique, NPDC ; ou encore Sarlorlux].

Se sont développés aussi des projets transfrontaliers sur des frontières jugées
stratégiques, ex : entre l'All et la Pologne, pour éviter que la frontière ne soit
un espace de clivage et pour en faire plutôt un trait d'union.

Cette volonté d'aplanir les frontières vient aussi des PECO vis-à-vis de leurs
partenaires orientaux, avec la volonté de développer des projets communs, ex:
la Pologne et l'Ukraine organisant la Coupe d'Europe.

b) L'émergence potentielle d'une nouvelle dorsale européenne.

Articulée autour du Danube, voir carte.


L'élargissement a redonné de l'importance à ce fleuve, qui traverse 13 Etats
européens, dont 8 sont membres de l'UE, alors que le Rhin n'en desserve par
ex que 4. Le Rhin et le Danube sont d'ailleurs connectés depuis 1992, de telle
sorte que l'on parle désormais d'une liaison Rhin-Main-Danube capable de
relier Rotterdam à Constanza (port roumain sur la Mer noire), un ensemble qui
représente 3500 km, et dont l'importance va sûrement s'intensifier du fait de
l'adhésion prévue de la Croatie et de la Serbie.

c) Le déploiement des firmes de l'UE des Quinze.

IDE, mise en place d'une DEPP, on a même parfois parlé d'un atelier oriental.
Même si cela a pu jouer à l'encontre de certains pays concurrencés : la Grèce,
le Portugal, qui présentaient une moindre attractivité que ces PECO, avec un
système de vase-communicant donc.

2) Le dernier élargissement a toutefois accentué l'hétérogénéité de


l'espace communautaire.
a) L'hétérogénéité n'est pas nouvelle.

Dans le cadre de la CEE à 6, puis à 12, puis à 15, on avait vu se constituer une
« dorsale européenne », qui est un espace majeur d'accumulation de richesse.
Elle est parfois désignée de manière plus adéquate l'« europentagone » /
« europolygone » bornée par des métropoles : Londres, Paris, Milan, Munich,
Hambourg. Cela représente 20% du territoire de l'UE à 15, et 50% des
richesses de l'UE à 15 (à 27 = 40-45%).
Aujd, ce polygone apparaît comme un pôle majeur de l'économie mondialisée.
Il peut compter sur deux « global cities » que sont Londres (8m d'hab) et Paris
(10m d'hab), qui concentrent des fonctions de commandement mondial, ex : le
London Stock Exchange. Ce polygone abrite également la Northern Range, qui
va du Havre à Hambourg, en n'oubliant pas que Rotterdam fut le 1er port
mondial jusqu'en 2003 (d'ailleurs les plus grands armateurs mondiaux restent
européens : Maersk, CMA-CGM, MSC). Enfin, à l'heure où s'épanouit
l'économie dite de la connaissance, c'est dans ce polygone que sont effectuées
75% des dépenses en R&D européennes, et que se trouvent les ¾ des
universités européennes classées dans le Shanghaï Ranking (à peu près 200
sur 500 sont européennes).
Cette dorsale a tendance à tirer l'UE vers le haut, mais celle-ci pose le
problème des inégalités de développement dans l'UE.

Dans l'Europe des Six, une logique centre-périphérie était déjà perceptible.
L'Europe des Six comprenait en effet l'Italie et donc le Mezziogorno, région
déshéritée. Cependant cette logique restait limitée jusque l'élargissement de
1973, qui a intégré le RU et ses « black countries », et l'Irlande qui était alors
le pays le plus pauvre de la CEE. Les élargissements de 1981 et 1986 ont
également fait entrer dans l'UE des pays éloignés des standards européens en
terme de niveaux de vie. Il n'y a guère que l'élargissement de 1995 qui a
détonné par rapport aux précédents et aux suivants, puisque sont alors entrés
3 pays à haut niveau de vie économique et social.

À partir de 1973, un impératif de correction des inégalités régionales a


d'ailleurs été posé, parce que l'on ne voulait pas que les périphéries ne
pâtissent de l'intégration européenne. Le Feder à partir de 1975, les Paquets
Delors à partir de 1988, la création du Fond de la cohésion en 1994.

Les écarts en matière de développement se sont ainsi réduits entre le centre et


certaines périphéries. Les progrès de l'Espagne ont été spectaculaires : en
1950 son PIB était comparable à celui des Pays-Bas, alors qu'à la fin des
années 2000 il lui était 2x supérieur, et il avait alors rejoint la moyenne
communautaire. L'Irlande avait elle était qualifiée de « tigre celtique », elle
s'était appuyée sur les aides de la politique régionale mais aussi sur une
fiscalité particulièrement attractive (surtout taux d'imposition des entreprises),
de telle sorte qu'à la veille de la récession de 2009 l'Irlande était devenue le 2e
pays le plus riche (en terme de PIB/hab) de l'UE derrière le Luxembourg.
Résultats cependant moins convaincants de la Grèce et du Portugal, le Portugal
avait un PIB/hab de 80 sur une base 100 en UE (ex : FR = 107) et se
positionnait ainsi derrière 4 nouveaux Etats membres : Malte, Chypre,
Slovénie, R.Tchèque.

b) Les élargissements de 2004-07 sont venus renforcer les contrastes de


développement au sein de l'UE.

D'abord, la thématique de l'appauvrissement de l'UE. Aucun des 12 NEM ne


disposait d'un PIB/hab (SPA=PPA) qui était au niveau de la moyenne
communautaire. Le PIB/hab de l'UE a d'ailleurs baissé de 10% entre 2004 et
2008, du fait des élargissements. L'élargissement à la Roumanie et à la
Bulgarie n'ont rien amélioré, puisque ces deux pays représentent à eux deux
8% de la pop européenne, mais seulement 1% du PIB de l'UE.

Eurostat, en 2010, a mesuré les écarts de richesse entre les Etats. Entre les
membres de l'UE à 15 : variaient de 1 à 4,5 (deux extrêmes : Portugal 78,
Luxembourg 268). Entre les membres de l'UE à 27 : variaient de 1 à 6,5 (deux
extrêmes : Bulgarie 41, Luxembourg). Sur les 12 NEM, en 2010, 7 (Etats
Baltes, Pologne, Roumanie, Bulgarie) ont toujours un PIB/hab inférieur à 65%
de la moyenne communautaire, or cette moyenne est plus faible par rapport à
la moyenne à 15. Parmi les PECO, le pays le mieux placé est la R.Tchèque :
80% du PIB/hab moyen. Chypre est à la moyenne communautaire, Malte est
au niveau du Portugal.

Les contrastes sont encore plus marqués si on les appréhende à l'échelle


régionale. L'UE compte 271 régions (utilisation découpages nationaux). La
région la plus pauvre de l'UE est en Bulgarie, où le niveau de vie moyen
n'atteint pas 25% de la moyenne communautaire. La région la plus riche est
Inner London, où l'on atteint 330% de la moyenne communautaire.

Ces contrastes peuvent être également évalués en terme de population.


Depuis 2008, 150 millions d'Européens sur 500 millions vivent dans une région
dont le PIB/hab est inférieur à 75% de la moyenne communautaire, ce qui leur
permet de bénéficier de la politique régionale européenne. Dans l'UE à 15, ils
étaient 75 millions.

L'un des enjeux de la crise de l'Euro est d'imposer des politiques d'austérité ou
de rigueur, mais celles-ci ne risquent-elles pas d'aggraver les difficultés de
rattrapage de certains Etats ? Dans quelle mesure ces mesures vont-elles par
ex tirer la Grèce vers le bas ? La crise de l'Euro peut aller dans le sens
contraire d'un rattrapage de ces pays, avec donc des contrastes de
développement accrus..

3) L'UE reste marquée par ces contrastes régionaux de


développement.

a) L'UE n'est certes pas restée sans rien faire.

Dès 1999, année où se profile vraiment l'élargissement, les 15 ont validé un


document produit par la Commission intitulé SDEC (schéma de développement
de l'espace communautaire). Il n'avait pas de valeur contraignante, mais il
insistait toutefois sur la nécessité de préserver la « cohésion territoriale » de
l'UE.
Les 15 s'engageaient à promouvoir un développement « polycentrique », pour
éviter que les richesses produites ne se concentrent dans l'euro-polygone, avec
également le souci de remédier aux externalités négatives de cette
concentration, en matière par ex de congestion des transports, de dégradation
de l'environnement. Ce schéma prônait la mise en place d'« eurocorridors » de
transports, pour mieux relier les espaces périphériques entre eux, et aussi au
cœur de l'UE, pour qu'ils soient eux-mêmes des axes de développement.
L'objectif était en fait de changer de chorématique : passer de la dorsale à la
« pieuvre » européenne, avec des tentacules.
À partir de 2004 a ainsi été lancé le projet de RTE-T (réseau trans-européen de
transport). Cela représente 30 projets à l'horizon 2020, 20 d'entre eux étant
ferroviaires (logique du développement durable), pour un coût de 225 milliards
d'€, et un financement communautaire à hauteur de 20% seulement, le reste
étant abondé par les budgets nationaux, malgré la logique de réduction des
déficits publics actuelle.

Il y a aussi les fonds de la politique régionale, qui aident les régions en retard
de développement. Pour la période 2007-13, la politique régionale absorbe 350
milliards d'€, càd 36% du budget de l'UE (2e poste de dépense derrière la PAC,
qui en absorbe encore 40%, celle-ci comporte cependant mtnt aussi une
dimension qui s'appelle « aménagement rural », càd quasiment une politique
régionale). D'ailleurs les PECO en toucheront 50%, ce qui peut expliquer par
ex que dès 2008 la Pologne soit devenue le 2e bénéficiaire du budget
européen, devançant l'Espagne, mais étant toujours devancée par la Grèce.

Aux transferts financiers de l'UE, il faut ajouter les IDE, dont le rôle a déjà été
évoqué. Même si ces IDE ont des aires de prédilections, 3 PECO bénéficient de
70% des IDE : Pologne, Tchéquie, Hongrie, et s'ils peuvent donc aussi creuser
les écarts entre PECO.

b) Face à la vigueur des contrastes régionaux de développement, les moyens


sont souvent inappropriés.

Les IDE sont sans doute un vecteur de rattrapage économique, mais aussi un
vecteur de clivage :
→ Ceux-ci induisent des clivages territoriaux au sein même des PECO qui
en bénéficient. C'est l'« effet capitale » qui joue : ce sont les capitales des
PECO qui concentrent l'essentiel des IDE : Pragues, Budapest, Bratislava,
polarisent les 2/3 des IDE destinés à chacun des pays concernés. Avec à la clé
un creusement des inégalités internes de développement, entre la capitale et
le reste du territoire. Le reste du territoire dans les PECO reste marqué par
l'héritage soviétique, avec des espaces qui ont été voués à l'industrie lourde
qui sont aujd en grande difficulté économique, par ex: les chantiers navals de
Gdansk, la construction polonaise ne faisant aujd pas le poids face aux
chantiers sud-coréens par ex, même si pour une raison symbolique, l'UE a
accepté que la Pologne accorde des aides à ce chantier, ce qui est une
exception à la règle de la libre concurrence prônée par l'UE.
→ Les IDE mettent de plus les périphéries en concurrence. L'Espagne l'a
par ex appris à ses dépends, parce que Volkswagen a transféré en 2008 ses
activités du fait de la hausse des salaires dans le pays (du fait peut-être de
l'euro et de la politique de la BCE des taux d'intérêts bas, encourageant
l'inflation), et le modèle Seat Ibiza (modèle d'entrée de gamme) a ainsi vu son
montage transférer d'Espagne vers les PECO. De même pour le Portugal a
souffert de cette concurrence.

Les fonds structurels (càd distribués au titre de la politique régionale


commune) peuvent aussi être considérés inappropriés :
→ S'ils se concentrent aujd sur les PECO, c'est qu'ils bénéficient moins à
des espaces qui en profitaient avant. L'Espagne a ainsi vu ses aides baisser.
Certaines régions espagnoles s'étant en effet retrouvées brutalement avec un
PIB/hab supérieur à la moyenne communautaire, du fait de la baisse de celle-
ci. L'Espagne ne peut non plus bénéficier du fonds de cohésion, dont le critère
est la richesse du pays : PIB doit être inférieur à 90% de la moyenne
communautaire, Espagne brutalement passée au-dessus. On a ainsi pu dire
qu'il y a eu une sorte de transfert de fonds de l'Espagne vers la Pologne.
→ Ces fonds sont aussi tributaires du volume du budget européen. Or
depuis le début des années 2000 on a assisté à une fronde des contributeurs
nets, le budget communautaire ne dépassant ainsi aujd pas 1% du PIB
communautaire. Les fonds structurels représentent ainsi seulement moins de
0,4% du PIB européen: sommes faibles.

En d'autres termes, l'aide est plutôt le fait des Etats eux-mêmes, tous n'ayant
pas les mêmes moyens.

c) La crise contemporaine est venue sévèrement frapper des pays qui étaient
encore en retard en matière de développement économique.

La crise de 2008-09, à laquelle est venue se greffer la crise de l'Euro.

Sur cela sont venus se greffer des politiques d'austérité. Comme l'Espagne qui
a par ex voté la règle d'or budgétaire. Sans oublier la Grèce. Ou encore le
Portugal. Mais aussi l'Italie, qui a voté un plan de rigueur de 30 milliards d'€,
alors que c'est encore un pays à deux vitesses n'ayant toujours pas réussi à
tirer vers le haut le Mezziogiorno. Pour la FR et pour l'All, on annonce un PIB
qui va à peine croître, mais la Grèce va elle carrément connaître une chute du
PIB !

d) La persistance de contrastes régionaux est aussi source de tensions.

Derrière ces contrastes se dissimulent également des disparités en matière de


protection sociale, et de manière générale en matière de coût salarial. Avec
derrière cela les craintes que les pays en retard de développement ne
pratiquent une forme de dumping social ou fiscal. Ex : la thématique du
« plombier polonais » qui a surgi en 2005 en FR, ou encore en 2010 l'affaire
Continental (fabriquant all de pneus avait choisi de délocaliser sa production de
FR en Roumanie).

Une autre forme de cohésion européenne peut être menacée puisque de


nouveaux clivages peuvent naître et se retourner contre la construction
européenne, accusée de ne pas être assez protectrice, ou encore d'être un
modèle réduit de mondialisation, assimilable à une compétition tous azimuts.

Certains pays de l'UE profitent plus de ces disparités que d'autres. L'All a par
ex reconstitué sa compétitivité en s'appuyant sur les délocalisations dans les
PECO, et donc en en faisant supporter le coût à ses autres partenaires de l'UE.

L'UE peut également être tiraillée entre des exigences contradictoires. 1ère
exigence : préserver la cohésion territoriale, 2e exigence : renforcer la
compétitivité de l'UE dans une économie mondialisée. Même si ce n'est pas
obligatoirement contradictoire, voir le cas de l'All avec les PECO. Mais de
manière générale, la volonté de corriger les déséquilibres régionaux ne joue-t-
elle pas contre l'effort d'innovation ?
Cet effort était une priorité dans la Stratégie de Lisbonne en 2000, dont on a
vu qu'elle a finalement échoué. Elle a pourtant été remise en chantier par la
Commission, et a été adopté par les Etats en juin 2010 le projet « Europe
2020 ». Si l'objectif recherché par la Stratégie de Lisbonne était de faire de
l'Europe l'économie de la compétitivité, l'objectif actuel est de créer une
croissance intelligente (3% du PIB consacré à la R&D), durable (logique
20/20/20, adoptée en 2008, qui concerne les émissions de CO2 qui doivent
baisser de 20%, l'efficacité énergétique qui doit augmenter de 20%, et
l'utilisation d'énergie renouvelable qui doit atteindre 20%), inclusive (lutter
contre l'exclusion sociale, la crise étant passée par là : implicitement
reconnaître que l'Europe n'est pas assez protectrice, réconcilier l'Europe des
Européens). Une croissance intelligente, mais avec quels moyens, étant donné
que le budget est absorbé par la PAC et par la PRC ? La PRC elle-même se fixe
comme objectif de favoriser la compétitivité de l'UE : c'est l'un de ses trois
objectifs, objectif 1 : venir en aide aux régions en retard de développement
80%, objectif 2 : fonder des projets basés sur l'innovation, pouvant bénéficier
à toute l'UE (même à Inner London par ex) 16%, objectif 3 : encourager les
coopérations transfrontalières avec le programme Interreg 4%.

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