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élargissements de 2004 et de
2007 : une Europe en panne ?
Dans l'histoire de l'Europe communautaire, les élargissements n'ont jamais été
considérés comme une formalité, mais le cinquième élargissement moins
encore que tous les autres. Il suffirait de mentionner l'échec de la ratification
en 2005 du Traité constitutionnel européen en FR et aux Pays-Bas, un an
seulement après l'adhésion des NEM (nouveaux Etats membres). Il faut
surtout se souvenir que la campagne de ratification de ce traité avait été
marqué en FR par la thématique du « plombier polonais », l'adhésion de la
Pologne et des PECO étant accusée de menacer les acquis sociaux des salariés
français. Cet élargissement en deux temps intervient dans une décennie 2000
où l'Europe est en quête de nouveaux projets mobilisateurs et où se déploie
l'euroscepticisme.
Simple coïncidence ou véritable corrélation entre le dernier élargissement et
les difficultés du projet d'intégration ? Même s'il a souvent été considéré
comme une avancée historique, cet élargissement ne s'apparente-t-il pas à
une fuite en avant pour une Europe en panne de stratégie ?
Les PECO ont été tenus à l'écart, contre leur gré, de la famille européenne, en
raison du contexte de guerre froide.
Il n'est pas certain que les PECO aient eu pleinement conscience de cette
transformation de la CE en UE. Ils s'attachaient surtout à la valeur symbolique
de la candidature : rejoindre la grande famille européenne, leur candidature
marquant un retour à la normalité après un accident de l'histoire, mais ils
n'avaient pas une conscience aiguë du degré d'intégration élevé qu'avait
atteint l'UE. Ils vont découvrir lors des négociations d'adhésion l'ampleur de
l'acquis communautaire à assimiler, ce qui pourra être source de frustration ou
de déception : assimiler l'acquis communautaire suppose d'importants
transferts de souveraineté, pour des pays qui viennent de la retrouver.
Pour toutes ces raisons, il est apparu nécessaire à l'UE d'offrir aux PECO des
perspectives d'adhésion, pour soutenir leurs réformes. L'All, voisine des PECO,
a pesé de tout son poids pour l'adhésion de ces pays, face à une FR qui s'est
d'emblée montrée réticente pour ensuite se rallier à la position allemande.
Les négociations d'adhésion ont été entamées avec les candidats après
l'énonciation des critères d'adhésion (1997) : 6 seulement sur les 12 ont alors
été entamées (Pologne, Hongrie, Tchèquie, Slovénie, Estonie, Chypre). La
logique qui a prévalu est celle des vagues successives.
Un tel choix risquait cependant d'être porteur d'effets pervers : risquait de
faire naître des frustrations dans les pays non-sélectionnés, avec le risque de
voir les réformes promues par l'UE progressivement abandonnées, avec à la
clé une déstabilisation de l'Europe orientale. Cette déstabilisation est une
menace obsédante pour les Européens, car en 1998-99 : crise du Kosovo,
nécessitant intervention militaire de l'Otan, et montrant bien que l'Europe est
loin d'être un continent pacifié.
D'où en 1999, à Helsinki, la fin de la ségrégation entre les candidats, la
candidature turque étant même alors acceptée. C'est vraiment à partir de cette
date que les négociations d'adhésion entre l'UE et les 12 se sont intensifiées,
avec parallèlement la volonté des Quinze de transformer les institutions
européennes. Le traité de Nice en 2001 (entré en vigueur en 2003, un an que
n'adhère les 10 NEM) était d'ailleurs dédié à cette transformation.
Cette thèse a été alimentée par l'attitude des principaux contributeurs nets au
budget européen, qui depuis le début des années 2000 s'opposent à la
poursuite de l'augmentation du budget européen.
Cette augmentation a été particulièrement importante dans les années 90, où
dans le cadre des « Paquets Delors » (1988-93, 1993-99), le budget avait été
augmenté d'1/4 à deux reprises. Augmentation qui avait été de paire avec la
création d'une 4e ressource budgétaire (pourcentage du PNB) devenue aujd la
plus importante : elle contribue aujd pour plus de 80% du budget européen.
L'année 1999 a été une année symbole, parce que le seuil des 100 milliards
d'€ de dépense a été atteint, surtout en raison de la montée en puissance de la
politique de la cohésion. Une telle somme équivalait alors à 1,13% du PIB des
Quinze.
C'est à cette époque qu'a été faite la programmation pour les années 2000-
06 : l'« Agenda 2000 », et le « quartet » (All, PB, Suède, Finlande) des
contributeurs nets s'est alors fait entendre pour appeler à un plafonnement des
dépenses budgétaires.
En 2007-13 s'est formée une coalition des 6 principaux contributeurs nets (voir
doc) : leurs voix ont été entendus, puisque la Commission a du revoir ses
ambitions budgétaires à la baisse, de telle sorte que pour l'année 2011 les
dépenses atteindront 141 milliards d'€, qui représentent 1,02% du PIB des 27.
Les dépenses budgétaires ont donc tendance à se réduire, et les dépenses
budgétaires européennes sont 20x moins importantes que le budget fédéral
des EU à titre de comparaison. L'UE a donc du mal à lancer des projets. A titre
de comparaison toujours, pour 2011 les dépenses budgétaires de la FR étaient
programmées à 357 milliards d'€, avec un déficit de 92 milliards d'€, en 2010
celui-ci atteignait 150 milliards d'€ = déficit alors supérieur au budget
européen, qui ne peut lui pas être déficitaire (une partie du budget n'est même
pas dépensée). Dans le cadre de ce budget 2007-13, les dépenses de la PAC
ont été plafonnées, ce qui contribue automatiquement à la baisse des
dépenses budgétaires, et ce qui laisse des marches de manœuvre pour
financer d'autres politiques. Ainsi depuis 2000, l'UE s'est dotée d'une politique
de la compétitivité, élaborée en liaison avec la stratégie de Lisbonne (2000) :
faire de l'UE l'économie la plus compétitive du monde, ce qui signifiait qu'en
2010 l'UE devait consacrer 3% du PIB à la R&D, alors que finalement en 2010
celle-ci était inférieur à 2%.
Les PECO ont bien sur dénoncer cette volonté de plafonner les dépenses au
moment où ils allaient adhérer. Ce plafonnement allait à l'encontre de leurs
intérêts. Surtout que l'Esp et le Portugal avaient eux été accueillis avec un
cadre financier favorable.
Les NEM ont quand même pu compter sur des financements importants.
Entre 1990 et 2008, ce sont prés de 130 milliards de fonds publics qui leur
avaient été transférés par leurs partenaires européens.
Les sommes qui leurs sont attribuées doivent être comparées à leur
contribution au budget européen : celle-ci ne dépasse pas 6% du budget
européen. La Pologne est devenue en 2007 le 2e bénéficiaire net du budget
européen, derrière la Grèce, et devant l'Espagne. Hormis Chypre, tous les NEM
sont bénéficiaires nets au budget européens.
L'aide a parfois été une aide immatérielle : conseils, transferts de savoir, aides
à la transition économique... des aides difficilement quantifiables. Comment
quantifier aussi la possibilité d'avoir accès un marché aussi dynamique que
celui de l'UE.
3) Outre les aides publiques, les NEM ont pu bénéficié de flux d'IDE.
On estime que depuis 1990, le montant est sans doute supérieur à 300
milliards d'€. Ces flux proviennent à 70% de l'UE des Quinze (la part des IDE
investis équivalant à 5% de leurs IDE totaux). Le principal investisseur est l'All
(15% = 2x plus que la FR). Les principaux bénéficiaires : Pologne, Tchèquie,
Hongrie, concentrent les 2/3 des flux d'IDE, qui sont souvent localisés dans les
capitales de ces Etats (csquence : accentuation des inégalités régionales, ex :
Prague = 2/3 des IDE de la Tchèquie, et est ainsi l'une des 20 régions les
riches de l'UE).
Rapporté à la taille des économies intéressées, le montant des IDE est élevé.
Si on prend comme référence le nombres d'habitants, le stock d'IDE en
R.Tchèque est par exemple 10x supérieur à celui de la Chine.
Ces IDE ont accéléré la transition des PECO vers l'économie de marché :
- Ils ont stimulé leur croissance économique, qui a été assez rapide. La
part des PECO est passée entre 2004 et 2008 de 6 à 8% du PIB des 27 :
progression rapide, jusqu'à ce que la récession ne vienne les frapper.
- Ils ont initié les PECO aux normes du management occidental.
- Ils ont permis l'émergence du secteur tertiaire dans ces pays. D'ailleurs
75% des IDE en provenance de FR à destination des PECO sont des IDE dans
le secteur des services.
- Ils ont permis de faire émerger de nouveaux avantages comparatifs
pour ces pays, ce qui a permis de retarder le déclin programmé de l'industrie
lourde dans la région. L'Europe centrale et orientale est ainsi devenue en 20
ans un puissant pôle de construction automobile, même s'ils ne partaient pas
de rien : Skoda, Dacia, Polski. Aujd, la plupart des producteurs automobiles
ont investi dans ces PECO, pour y produire des véhicules d'entrée de gamme
(des véhicules low cost) pour lesquels les coûts salariaux sont prépondérants,
ex : la Logan est produite en Roumanie, les 107 en Slovaquie, les Twingo en
Slovénie. A l'heure actuelle, c'est la R.Tchèque qui concentre la moitié de la
production automobile régionale, et il était prévu que la production automobile
dans ce pays dépasse celle de la FR en 2010 : cela reste à vérifier car la
récession est passée par là et a pu rebattre les cartes. Cela peut susciter des
inquiétudes, parce que depuis 2006 Renault et PSA produisent d'avantage de
véhicules hors de FR qu'en FR : pour avoir accès aux pays émergents il faut y
produire (et la montée en puissance de VW y doit beaucoup). On soulève ici la
crainte des délocalisations.
II) L'élargissement n'en a pas moins suscité des
réserves, voire la crainte d'une dilution du projet
européen.
L'UE n'a pas grande chose à attendre de la part des PECO sur le plan
démographique. Les PECO ne renouvellent en effet plus leurs générations, et
c'est parfois dans ceux-ci que les taux de fécondité sont les plus bas, ex :
Pologne indice de fécondité = 1,2. Les PECO ont tendance à accentuer le
vieillissement de l'UE.
Les NEM ont quand même pu faire bénéficier l'UE de la vigueur de leur
croissance économique : il s'agit d'économies en rattrapage. Même si la crise
mondiale de 2008-09 est passée par là. Entre 1995 et 2008, les taux de
croissances des PECO ont été 2x supérieurs à ceux de l'UE.
Ce dynamisme économique a été bienvenu, car il a stimulé les exportations
vers ces NEM, qui enregistrent des déficits commerciaux avec leurs partenaires
européens.
Si les adhésions sont accusées d'avoir été trop coûteuses, les NEM bénéficiant
de la moitié des fonds structurels européens (= Feder + fonds de la cohésion +
Feoga + Sapard, Ipsa + BEI (créée en 1958 et qui accorde des prêts
préférentiels)), surtout par les contributeurs nets, ces versements se sont
traduits par des commandes adressées aux entreprises d'Europe occidentales,
même si tous les pays n'en ont pas bénéficié de la même façon.
Les IDE vers les PECO, sont aussi accusés : synonyme de délocalisation, mais
représentent quand même autant d'IDE qui ne sont pas destinés à l'Asie, et
sont aussi synonyme d'une DEPP dont ont pu profiter les grandes entreprises
européennes (ex : Volkswagen).
La crainte qu'ont les anciens membres de l'UE est que l'adhésion des PECO
n'ouvre la voie à de nouveaux élargissements, et que l'UE ne soit emportée par
la spirale des candidatures, étant donné le nombre de pays qui frappent à sa
porte, et étant donné le fait que l'Europe ne sait pas vraiment dire non.
Ce n'est pas chez eux que l'on va trouver les promoteurs d'un quelconque
projet fédéral. Ils sont heureux d'avoir renoué avec une souveraineté qui avait
été bafouée pendant toute la guerre froide, et ils éprouvent donc
spontanément la méfiance vis-à-vis d'un projet qui exige des délégations de
souveraineté, alors qu'ils viennent de la reconquérir. C'est ce qui a fait dire au
président tchèque V.Klaus (eurosceptique notoire) qu'on pouvait comparer l'UE
à l'Union soviétique.
La Pologne et la R.Tchèque ont aussi été les deux derniers Etats membres à
ratifier le traité de Lisbonne. Parce qu'il leur était moins favorable que le traité
de Nice, notamment parce qu'il modifiait le principe du vote à la majorité
qualifiée. Les décisions au Conseil doivent désormais être prises à la double
majorité, càd que pour qu'une décision soit adoptée, il faut que l'aient adopté
55% des Etats, représentant 65% de la pop de l'UE, ce qui donne une prime
aux Etats les plus peuplés (même si la Pologne n'a pas eu à ce plaindre de
point de vue là).
Ils ne sont pas les seuls à avoir cette conception minimaliste, à vouloir s'en
tenir une « Europe marché », une « Europe espace », qui serait réduite aux
dispositions du Marché unique, le RU l'a été dès l'origine de la construction.
On a aussi parlé des PECO comme étant atlantistes, faisant confiance aux EU
pour assurer leur sécurité. Mais ils n'étaient pas les seuls à soutenir
l'intervention en Irak : il y avait aussi l'Espagne, le RU..
On peut aussi les voir comme des empêcheurs d'une PESC/PESD. Mais celle-ci
ne convient pas non plus à tous les autres membres. La Suède, l'Irlande et la
Finlande sont marqués par leur neutralité et ne sont pas en faveur d'une telle
politique. L'Irlande a d'ailleurs reçu la garanti qu'elle puisse préserver sa
neutralité, dans le traité de Lisbonne, qu'elle avait rejeté en 2008, et qu'elle a
finalement accepté en 2009.
Les PECO sont accusés de dumping social ou fiscal. Ils n'hésitent pas à attirer
les entreprises étrangères en limitant le taux d'imposition des sociétés, et en
jouant sur leur coûts sociaux limités.
Mais cela renvoie sur l'une des composition majeures de la construction
européenne depuis l'Acte unique : la construction européenne repose sur une
logique libérale de mise en concurrence. En d'autres termes, les PECO sont
simplement venus mettre en évidence certaines réalités de la construction
européenne, et notamment le fait qu'en matière sociale ou fiscale l'intégration
soit peu avancée.
Bien avant les PECO, l'Irlande et le RU n'ont d'ailleurs pas hésité à user du
« moins disant » social ou fiscal pour attirer les entreprises et stimuler leur
croissance. Ex : le RU dans les années 80 s'est efforcé d'attirer les
constructeurs automobiles japonais, qui se servaient du RU comme d'une
plate-forme pour la diffusion des marchandises en Europe.
C.Lequesne soulignait dès 2011 que l'UE ne se portait pas bien, avant même la
crise grecque :
- la déception représentée par la conférence de Copenhague en
2009, où l'UE a été méprisée par la Chine et les EU : influence mise à
l'épreuve.
- la crise grecque s'amorçait après la crise irlandaise : elle révélait
que la solidarité n'allait pas de soi entre les membres de l'UE, y compris entre
les membres de la zone Euro, qui ne se venaient pas spontanément en aide,
de même qu'ils avaient plutôt privilégié des solutions nationales pour lutter
contre la crise. Même si depuis, au pieds du mur, le sauvetage de la Grèce a
été nécessaire.
- la construction européenne est de nouveau en crise. Ce n'est pas
la première fois, elle en a connu d'autres dans son histoire et elle s'en est
sortie à chaque fois : le rejet de la CED en 1954, le blocage de la construction
par De Gaulle dans les années 60, les positions du RU dans les années 70 et
80, les crises monétaires récurrentes. Le problème de la crise actuelle est
qu'elle dure. Les deux derniers succès européens remontent aux années 90 : le
lancement du Marché unique (officiellement lancé en 1993), le lancement de la
monnaie unique (dont la crise actuelle témoigne cependant peut-être des
défauts de conceptions). L'Europe peine à se remettre de l'échec du traité
constitutionnel européen, et surtout l'Europe manque de projet
mobilisateur/d'avenir.
[La crise de l'Euro est cependant venue en montrer les limites du traité :
d'avantage figure de carcan que d'opportunité. Le traité interdisait par ex
d'aider les Etats de l'UE en difficulté (clause no bail out, devait avoir des vertus
préventives = arme de dissuasion) : il a fallu enfreindre le traité pour le plan
d'aide à la Grèce et pour créer le FESF (créé en juin 2011, devait être alimenté
par la FR et l'All, mais doit en fait emprunter des sommes sur les marchés
financiers : une usine à gaz a été créée). Le traité disait aussi que la BCE était
indépendante des Etats et qu'elle avait comme rôle unique de lutter contre
l'inflation, or elle a dû racheter de la dette des Etats. Ce traité appelle donc
d'ors et déjà des modifications!].
Le fait qu'il soit enfin ratifié a permis à l'UE de sortir d'une crise
institutionnelle. Une crise qui avait été ouverte en 2001 avec le traité de Nice,
qui avait remplacé le traité d'Amsterdam sans qu'il n'y ait eu de modification
d'envergure. Cette crise avait d'ailleurs motivé la réunion d'une convention
dont l'objectif était d'élaborer une constitution européenne, qui a finalement
été rejetée en 2005.
Les Européens s'étaient fixé 3 objectifs avec ce traité : rendre l'Europe plus
efficace, plus visible, et plus légitime :
– Plus d'efficacité.
→ Le nouveau vote à la majorité qualifiée (principe 55/65). [Le vote à la
majorité qualifiée joue un rôle dissuasif : négocier en amont avant que la
directive ne soit proposée : c'est le jeu politique]. Le champ de la majorité
qualifiée a depuis son lancement (1986) été étendu à de nouveaux domaines,
et notamment au 3e pilier du traité de Maastricht, qui instaurait une
coopération en matière policière et judiciaire : ce 3e pilier a été
communautarisé, on sort de l'inter-gouvernemental (qui signifiait pas de
délégation de souveraineté) et l'initiative pour cette politique vient désormais
ainsi de la Commission. Le traité de Lisbonne permet ainsi l'émergence de
nouvelles politiques communes, en matière policière et judiciaire : politique
commune des visas, normes communes en matière de droit d'asile, et à terme
il permettra ainsi de communautariser la politique d'immigration des Etats
européens. Il existe d'ors et déjà des agences : Europol (1999 : lutter contre la
criminalité trans-frontalière), Eurojust (2002 : coopération en terme
d'enquêtes et de poursuites judiciaires), Frontex (2004 : lutter contre
l'immigration clandestine). Les Européens ont admis que le stade
communautaire était plus efficace que le stade inter-gouvernemental dans ces
domaines. Ce n'est cependant pas évident, on l'a vu lors du Printemps arabe :
l'Italie accueillait avec bcp de réticences des migrants tunisiens et les laissait
partir en FR = Etats ont renforcé leurs frontières en réaction.
→ La Commission va voir ses effectifs allégés. Au négociations de Nice en
2001, chaque Etat s'était efforcé de conserver son commissaire. Or à Lisbonne,
on s'est entendu pour que le nombre de commissaires n'excède pas les 2/3 du
nombre des Etats membres : 18 commissaires. Avec la volonté de faire de la
Commission une force de frappe plus efficace, et de faire en sorte que les Etats
n'aient plus autant de prise sur la Commission (cependant, ne va-t-elle pas
perdre ainsi de son pouvoir?).
– Plus de visibilité.
→ C'était le sens de la création des deux nouveaux postes cités
précédemment. On entend beaucoup plus parlé de Van Rompuy (a des talents
de médiateur) que de Ashton.
→ Le traité de Lisbonne a par ailleurs rebaptisé la PESC/PESD en « Politique
européenne de sécurité et de défense commune ». La Haute représentante de
l'Union, C.Ashton, est aussi vice-présidente de la Commission, et est chargée
d'élaborer des propositions en matière de politique étrangère, même si cette
PESDC relève de la méthode inter-gouvernementale, càd que les décisions se
prennent à l'unanimité. On a pu voir dans ce poste un premier pas vers une
politique étrangère vraiment commune. Parce que ce haut représentant est
épaulé depuis jan 2011 par un SEAE (service européen d'action extérieure),
qui doit regroupé 6000 diplomates européens, avec pour objectif de créer de
véritables ambassades de l'UE, tout en sachant que les Etats conservent les
leurs. Ce service vise à regrouper les délégations européennes qui sont déjà
présentes à l'étranger, sachant que les Européens y remplissent de
nombreuses missions, ex : la mission Eulex au Kosovo, qui essaie de faire en
sorte que les Kosovars acclimatent un Etat de droit.
→ Dans le cadre du traité de Lisbonne, l'UE dispose également d'une
personnalité juridique, ce qui signifie qu'elle peut conclure en son nom des
traités internationaux, et qu'elle peut devenir membre d'organisations
internationales. Ex : en 2011 la Commission a proposé que les Européens ne
soient plus représentés par Etats au FMI mais que l'UE soit représentée au FMI
pour eux, ce qui lui permettrait de disposer d'un droit de veto, et de
compenser la montée en puissance des parts des pays émergents ; mais les
Etats européens ne sont pas encore prêts à tant de délégation de souveraineté
(la construction européenne poursuit donc bien la politique des petits pas).
→ Il s'agissait aussi de remédier aux carences de la présidence tournante de
l'UE. La présidence tournante tous les 6 mois s'exerce au niveau du Conseil de
l'Union européenne (= ancien Conseil des ministres). La présidence tournante
concerne le ministre dont l'Etat assure la présidence semestrielle de l'Union.
Un Etat qui préside peut mettre en avant son agenda, ex: la Théssalonique lors
du mandat grec. Cela dit, certains Etats étaient mal outillés pour prendre la
présidence de l'UE, ex : Chypre, Malte, et parfois parce qu'ils étaient en crise
grave, ex : premier semestre 2010 = Espagne, second semestre 2010 =
Belgique, premier semestre 2011 = Hongrie de V.Orban (a fait voté en 2011
une nvelle constitution hongroise, dont on se demande si elle est vraiment
démocratique), second semestre 2011 = Pologne (ne fait pas partie de la zone
Euro..).
– Plus de légitimité.
Il s'agit de lutter contre l'euroscepticisme ambiant, qui peut aller jusqu'à une
europhobie, qu'on trouve dans des partis non-présentables mais aussi parfois
dans des partis présentables. Elle se traduit par la montée en puissance des
partis populistes, qui grappillent des voix lors des différentes élections, et qui
sont marqués par le rejet de la construction européenne. Ex : les élections
législatives en Hongrie au printemps 2011 ont porté au pouvoir le Fidesz (parti
de V.Orban), allié du Jobbik (a obtenu 15% des voix, s'affiche farouchement
nationaliste, anti-européen, et dont certains militants sont tatoués de croix
gammées). Autre ex : le mouvement des vrais Finlandais. Autre ex : le FN en
FR, dont le programme est très anti-européen.
Le traité de Lisbonne a ainsi pour ambition d'essayer de concourir à un
approfondissement démocratique de l'UE, qui revêt plusieurs formes.
→ Cela passe par un accroissement du pouvoir du Parlement européen, même
s'il faudrait que les Européens se déplacent pour élire leurs députés, et même
si les Parlements sont encore élus dans le cadre national, et que c'est
seulement une fois qu'ils sont élus qu'ils rejoignent les formations européennes
(souvent méconnues des citoyens européens..). Le Parlement européen s'est
vu doté d'un pouvoir de co-décision avec le Conseil des ministres avec le traité
de Maastricht, celui-ci a été renforcé à Lisbonne. Mais l'action de ce Parlement
reste largement méconnue du grand public.
→ Le traité de Lisbonne a également ajouté un droit d'initiative populaire, le
but étant de favoriser la participation directe des citoyens à la construction
européenne, et notamment avec la possibilité pour 1 million d'entre eux
d'exiger que la Commission soumette au Conseil une proposition sur un thème
de leur choix. Cela pourrait créer une opinion publique européenne avec ses
débats : éviter que la construction européenne ne soit confisquée par les
dirigeants.
Kissinger, ancien secrétaire d'Etat des EU, avait une formule : « Europe, what
number ? ». Le traité de Lisbonne n'apporte pas vraiment de réponse : il bâtit
un schéma institutionnel complexe (voir poly), qui traduit la pluralité des lieux
de pouvoir. L'Europe est encore un « OPNI (objet politique non-identifié) »
(J.Delors). L'Europe serait une fédération d'Etats nations ?
De qui dépend le pilotage de la construction européenne ?
→ Est-ce de la Commission, censée être plus efficace parce que rétrécie
et parce qu'elle bénéficie d'une plus grande légitimité (ses membres sont
investis par le Parlement européenne, lui même élu au SU) ?
→ Ou alors est-ce que cela dépend du Parlement, dont le pouvoir de co-
décision a été étendu ? Ce Parlement européen a fait usage du pouvoir qui lui a
été donné, ex : en 2010 il a rejeté une première version de l'accord SWIFT
entre l'UE et les EU, sur le transfert de données bancaires européennes aux EU
à des fins de lutte anti-terroriste, le Parlement a obligé la Commission à revoir
sa copie, car il estimait que cet accord faisait la part trop belle à l'assurance de
la sécurité américaine et pas assez aux libertés individuelles, le Parlement a
pour cela invoqué la Charte européenne des droits fondamentaux (intégrée au
traité de Lisbonne). Cela dit, cela ne suffit pas pour faire du Parlement un
centre majeur du pouvoir.
→ Est-ce que le pouvoir n'est pas au Conseil européen ? Celui-ci n'est-il
pas lui-même pas trop sur-dimensionné ? Est-ce que le pouvoir ne se trouve
pas en effet entre les mains des Etats participants à la zone Euro ? N'est-il pas
entre les mains même de « Merkozy » ?
Autrement dit, que l'on n'attende pas du traité de Lisbonne une clarification
des lieux de pouvoir.
Il y a eu des difficultés, mais l'All n'en est pas moins le poids lourd économique
européen, avec un PIB supérieur d'1/3 à celui de la FR.
b) Les retrouvailles entre les deux All ont eu valeur de symbole précurseur
pour l'élargissement.
Elles ont anticipé sur les retrouvailles entre les deux Europes. Les dirigeants
allemands ont milité ardemment en faveur de ces retrouvailles, parfois en
forçant la main de la FR.
H.Kohl s'était par ex opposé au projet de « Confédération européenne » de
F.Mitterand, parce que celle-ci aurait éloigné les perspectives d'adhésion des
PECO, et que cela signifiait un risque de chaos.
G.Schröder a lui aussi à la fin des années 90 milité pour que la stratégie vis-à-
vis des candidatures des PECO change : passage de la logique des vagues à la
logique de la régate, parce que cette dernière ne laissait aucun PECO de côté.
Longtemps l'All a été une puissance muette.Il y avait sans doute un désir de
puissance de l'All, mais celui-ci était handicapé par les traces de l'expérience
nazie : elles minaient les ambitions internationales de l'All (même situation que
le Japon).
On a parlé d'une All décomplexée, qui n'hésite désormais plus à faire sa place
sur la scène internationale. G.Schröder n'hésitait pas à parler d'une « All
émancipée » qui souhaitait désormais affirmer son statut de puissance, avec
une nouvelle génération de dirigeants qui n'est plus inhibée par le passé qui
n'est pas le sien. H.Védrine distinguait l'hyperpuissance américaine, les
puissances d'influence mondiale, et puis les puissances moyennes dont le
rayonnement est régional ; les dirigeants all souhaitaient se placer dans la
deuxième catégorie, grâce aux performances économiques du pays.
Une All membre du G20, une All provisoirement devenue dans les années 2000
2e fournisseur d'APD à l'échelle mondiale, une All 3e contributrice de l'ONU,
l'All a même formulé une candidature pour devenir membre permanent du
conseil de sécurité de l'ONU en 2004, tout en exigeant un élargissement de
celui-ci à d'autres pays (Brésil, Inde, Japon), requête réitérée en 2007. L'All
décomplexée aussi parce que la Bundeswehr est sortie du territoire all pour
remplir des missions internationales : troupes présentes en Afghanistan,
intervenues au Kosovo, par ex.
L'UE reste sans doute une échelle importante, mais qui n'est plus exclusive
pour l'All. L'All sait qu'une partie de sa prospérité économique dépend aussi du
reste du monde et notamment des émergents.
La géographie des échanges commerciaux de l'All s'est progressivement
modifiée depuis 20 ans. L'All réalise toujours plus de 60% de son commerce
extérieur avec l'UE, mais la Chine est passée en 2009 devant la FR comme 1er
fournisseur de l'All, et le ¼ des exportations de l'All est aujd destiné à l'Asie
(part supérieure d'1/3 à celle de la FR).
Depuis 1999, l'All est le plus gros investisseur européen en Chine (2500
entreprises y sont établies), et VW comptait par ex beaucoup sur ces marchés
pour monter en puissance.
28% des exportations de la zone Euro vers le reste du monde partent d'All
13% de FR, 9% d'Italie. Les exportations allemandes sont 2x plus importantes
que celles de la FR, en soulignant toutefois que cette médaille a son revers:
l'All est sensible à la conjoncture économique internationale, et par ex l'année
2009 a été une année noire pour elle, tandis que l'année 2010 a été
euphorique (croissance all de plus de 3,5%), même si l'All serait de nouveau
victime de la panne de croissance de ses partenaires pour 2012-2013 (0,5-1%
de croissance attendus).
b) Sur le plan européen, l'All n'hésite plus à mieux faire prévaloir ses intérêts.
Cette page rédemptrice est tournée avec la réunification, parce que l'All peut
désormais réaffirmer sa souveraineté.
Les chiffres le montrent. Sondage janvier 2011, dans le contexte de la crise
grecque : 70% des All ne voyaient pas l'Europe comme l'avenir de l'All, All
devenus eurosceptiques? Sondage octobre 2011 : 55% des All souhaitent
revenir au Deutschemark (dont 2/3 en RDA). [A.Merkel doit tenir compte de
cet euroscepticisme, et une partie de ses propositions peuvent être influencées
par celui-ci : doit donner des gages à ses électeurs, et à ses alliés (la CSU et le
FDP, où il y a une forte composante eurosceptique)].
L'All est parfois même accusée de faire cavalier seul en Europe, peut-être au
détriment de l'intérêt européen.
En 1991 l'All reconnaît unilatéralement la Slovénie, et précipite ainsi
l'éclatement de la Yougoslavie.
Dans le domaine de l'approvisionnement énergétique aussi, les liens étroits
entretenus avec la Russie (Nord Stream) sont pointés du doigt : cela pénalise
l'émergence d'une éventuelle politique énergétique commune.
Si l'Italie, la Grèce, et l'Espagne, ont sombré c'est en partie aussi à cause de
l'All : pour restaurer sa compétitivité entamée par la réunification, l'All a mené
une politique dans les années 2000 de baisse des coûts salariaux :Agenda
2010, Hartz IV, introduction d'une TVA sociale en 2007 [TVA sociale : Coût
travail trop élevé car charges sociales trop lourdes pour entreprise, entraîne
moindre compétitivité des entreprises, celles-ci risquent ainsi de se délocaliser.
L'idée est donc de transférer ces charges sur la TVA, l'impôt qui rapporte le
plus à l'Etat : les entreprises redeviendraient plus compétitives car la TVA
pèserait alors autant sur les produits nationaux que sur les produits importés,
ce qui aurait tendance à favoriser les productions nationales. Mais ce sont les
consommateurs qui paient la TVA et qui risquent de voir leur PA amputé]. On a
parlé de pratiques qui n'étaient pas coopératives : l'All cherchait à restaurer sa
compétitivité, mais sur le dos de ses partenaires européens. Entre 1999 et
2009 les coûts salariaux en All ont augmenté 3x moins vite qu'en FR, même si
ceux-ci restent inférieurs aujd. L'All dans ces conditions a pu exporter
massivement, les autres ne faisant pas la même chose : l'All a exporté et a
compté sur les consommateurs européens (Grecs, Espagnols, qui bénéficiaient
de prêts à taux bas..).
Ces tensions traduisent également le fait que la FR et l'All ont connu depuis les
années 1990 des trajectoires différentes sur le plan économique.
L'All peut se poser en donneuse de leçons budgétaires, puisqu'avant que la
récession ne frappe, en 2007 par ex, l'All était parvenue à rétablir l'équilibre
budgétaire, alors que les déficits publics restaient d'actualité en FR. Cela a pu
expliquer les différences de point-de-vues différents face à la crise grecque : la
FR ressemblait en fait à la Grèce.
Économiquement parlant, les deux croissances sont différentes : la croissance
all repose sur les exportations, alors que la croissance fr repose sur la
consommation intérieure, maintenue par des politiques de redistribution, alors
que l'All remettait largement en question son modèle social dans les années
2000.
Les performances économiques entre la FR et l'All ont divergé également. L'All
ne cesse d'enregistrer des excédents commerciaux, alors que la FR accumule
les déficits. En 2009, l'excédent commercial all représentait 130 milliards d'€,
contre 45 milliards d'€ de déficit pour la FR. La FR absorbe une partie des
exportations all, et en revanche la FR souffre des réformes sociales all qui
limitent la demande intérieure.
Cela peut expliquer que les tensions et les malentendus n'aient pas manqué
durant la décennie 2000.
En 2007, N.Sarkozy : « La FR n'a pas à rougir de son histoire, elle n'a pas
commis de génocide, elle n'a pas inventé la solution finale ».
La FR a créé le projet d'UPN pour contrer le poids l'élargissement à l'Est, qui
excluait de facto l'All. Certains pourraient y voir un regroupement des pays
d'Europe du Sud que la crise de l'Euro met dans le même panier.
Ces tensions sont réapparues en 2011 lors de la crise de l'Euro, avec des
propositions all qui différent des propositions fr.
Dans ces conditions, le fait que l'UE puisse compter parmi ses membres l'All ne
peut pas être considéré comme un handicap, dans la mesure où l'UE n'est pas
encore unifiée (ce vers quoi l'All souhaite la faire tendre, même si l'ensemble
intégré ne regroupera peut-être pas l'UE entière). La présence de l'All permet
en effet de conjurer le déclassement de l'UE dans ce nouveau monde, elle lui
permet de rester à flot :
- L'All tend à tirer l'UE vers le haut, grâce au fait qu'elle ait préservé son
statut de 2e exportateur mondial. D'ailleurs son commerce extérieur a connu
deux années fastes en 2010 et 2011, avec une forte croissance économique à
la clé.
- L'All a réussi à préserver également, au prix de sacrifices certes, son
statut de grande puissance industrielle : a réussi à conjurer le spectre de la
désindustrialisation. Les années 2000 (surtout gouvernement Schröder) ont
été marquées par la volonté de préserver le « Standort Deutschland » : l'une
des préoccupations de l'Agenda 2010, qui a pu expliquer la montée du parti
Die Linke. Cette préoccupation va être en FR au cœur de la campagne
présidentielle de 2012, et de ce point de vue la FR souffre de la comparaison
avec l'All, puisque l'industrie n'y représente plus que 14% du PIB contre 25%
en All (Grèce : 7%). C'est d'ailleurs sur cette industrie que l'All s'appuie pour
dégager des excédents commerciaux, avec des coûts du travail dans l'industrie
qui sont pourtant supérieurs à ceux de la FR.
- Sur d'autres points, la FR souffre de la comparaison avec l'All. En 2010
l'All réalisait 155 milliards d'€ d'excédent commercial, alors que la FR avait 51
milliards d'€ de déficit. Le taux de chômage all se monte à 7% contre 10% en
FR. L'All s'efforce d'apparaître comme un modèle, une référence, et la FR la
regarde d'ailleurs comme telle.
- L'All est spécialisée dans le haut de gamme : elle se distingue avec un
effort de R&D poussé, qui tire l'UE vers le haut : 2,8% du PIB (= taux
américain) contre 2,2% pour la FR et moins de 2% en moyenne en Europe.
- L'All tire l'UE vers le haut de part la puissance de ses entreprises
également, ex : Volkswagen.
- L'All tire également l'UE vers le haut si l'on regarde les difficultés de
certains de ses partenaires dans les années 2000. Le début de la décennie
2000 avait été marqué par le dynamisme spectaculaire des économies
périphériques de l'UE : Irlande, Espagne, PECO. Mais la récession est venue
remettre celui-ci en question, l'Espagne connaissant un taux de chômage
supérieur à 20% aujd par ex. Certains sont d'ailleurs passés du statut
d'économies dynamiques au statut de « PIGS » (Portugal, Ireland, Greece,
Spain).
Même si les critiques fusent, la présence de l'All dans l'UE est un moindre mal
voire une aubaine pour la construction européenne.
C'est vrai que l'All a tendance à vouloir faire prévaloir ses intérêts. Mais on ne
peut pas dire que cela représente un frein pour la construction européenne. Le
chantier du fédéralisme est d'ailleurs relancé systématiquement par l'All, et la
crise de l'Euro actuelle en témoigne, avec le programme de la CDU, visant plus
d'intégration tant sur le plan économique que politique. L'All se démarque ici
d'autres Etats européens comme le RU, qui continuent à faire la preuve de
leurs réticences vis-à-vis du projet : le RU n'appartient pas à la zone Euro, ni à
l'espace Schengen, il a fait valoir à plusieurs reprises des clauses de « opting-
out » y compris pour la charte des droits fondamentaux, et le RU apparaît ainsi
comme le chef de file des Etats eurosceptiques. Mieux vaut donc pour l'UE que
l'influence de l'All soit forte, parce qu'elle permet de contrebalancer ces
tendances qui visent à freiner le processus d'intégration.
L'All est désormais décomplexée sur la scène internationale, mais de par son
histoire tragique et ses institutions, elle est porteuse de valeurs que l'UE
s'efforce de défendre.
On parle souvent de l'UE comme d'une « puissance normative », or il y a une
insistance en All sur le principe démocratique : il faut respecter le schéma
démocratique, avec la cour constitutionnelle de Karlsruhe qui sait rappeler
l'existence de la loi fondamentale aux dirigeants all. L'UE qui cherche à
démocratiser ses voisins peut donc trouver un puissant allier en l'All, plus
parfois qu'en la FR qui a pu soutenir par ex des régimes dictatoriaux dans son
histoire..
L'All s'efforce également de faire prévaloir une approche multilatérale des
relations internationales, en s'efforçant de dupliquer à l'échelle mondiale ce
qu'elle applique en Europe : le monde doit être un forum beaucoup plus qu'une
simple arène qui voit s'opposer des positions. Ainsi, lorsque l'All réclame un
siège au conseil de sécurité, c'est moins pour disposer d'un droit de veto que
pour que le conseil soit plus représentatif du nouveau contexte géopolitique.
c) L'All sait également qu'elle ne peut pas faire cavalier seul dans l'UE des 27.
La question du « cavalier seul » s'est surtout posée lorsque l'All ne voulait pas
sauver la Grèce. Or elle s'est rendue compte qu'elle pouvait difficilement faire
l'économie d'un sauvetage de la zone Euro, car elle y est trop impliquée pour
ne pas subir les contreparties d'un éclatement.
Se sont développés aussi des projets transfrontaliers sur des frontières jugées
stratégiques, ex : entre l'All et la Pologne, pour éviter que la frontière ne soit
un espace de clivage et pour en faire plutôt un trait d'union.
Cette volonté d'aplanir les frontières vient aussi des PECO vis-à-vis de leurs
partenaires orientaux, avec la volonté de développer des projets communs, ex:
la Pologne et l'Ukraine organisant la Coupe d'Europe.
IDE, mise en place d'une DEPP, on a même parfois parlé d'un atelier oriental.
Même si cela a pu jouer à l'encontre de certains pays concurrencés : la Grèce,
le Portugal, qui présentaient une moindre attractivité que ces PECO, avec un
système de vase-communicant donc.
Dans le cadre de la CEE à 6, puis à 12, puis à 15, on avait vu se constituer une
« dorsale européenne », qui est un espace majeur d'accumulation de richesse.
Elle est parfois désignée de manière plus adéquate l'« europentagone » /
« europolygone » bornée par des métropoles : Londres, Paris, Milan, Munich,
Hambourg. Cela représente 20% du territoire de l'UE à 15, et 50% des
richesses de l'UE à 15 (à 27 = 40-45%).
Aujd, ce polygone apparaît comme un pôle majeur de l'économie mondialisée.
Il peut compter sur deux « global cities » que sont Londres (8m d'hab) et Paris
(10m d'hab), qui concentrent des fonctions de commandement mondial, ex : le
London Stock Exchange. Ce polygone abrite également la Northern Range, qui
va du Havre à Hambourg, en n'oubliant pas que Rotterdam fut le 1er port
mondial jusqu'en 2003 (d'ailleurs les plus grands armateurs mondiaux restent
européens : Maersk, CMA-CGM, MSC). Enfin, à l'heure où s'épanouit
l'économie dite de la connaissance, c'est dans ce polygone que sont effectuées
75% des dépenses en R&D européennes, et que se trouvent les ¾ des
universités européennes classées dans le Shanghaï Ranking (à peu près 200
sur 500 sont européennes).
Cette dorsale a tendance à tirer l'UE vers le haut, mais celle-ci pose le
problème des inégalités de développement dans l'UE.
Dans l'Europe des Six, une logique centre-périphérie était déjà perceptible.
L'Europe des Six comprenait en effet l'Italie et donc le Mezziogorno, région
déshéritée. Cependant cette logique restait limitée jusque l'élargissement de
1973, qui a intégré le RU et ses « black countries », et l'Irlande qui était alors
le pays le plus pauvre de la CEE. Les élargissements de 1981 et 1986 ont
également fait entrer dans l'UE des pays éloignés des standards européens en
terme de niveaux de vie. Il n'y a guère que l'élargissement de 1995 qui a
détonné par rapport aux précédents et aux suivants, puisque sont alors entrés
3 pays à haut niveau de vie économique et social.
Eurostat, en 2010, a mesuré les écarts de richesse entre les Etats. Entre les
membres de l'UE à 15 : variaient de 1 à 4,5 (deux extrêmes : Portugal 78,
Luxembourg 268). Entre les membres de l'UE à 27 : variaient de 1 à 6,5 (deux
extrêmes : Bulgarie 41, Luxembourg). Sur les 12 NEM, en 2010, 7 (Etats
Baltes, Pologne, Roumanie, Bulgarie) ont toujours un PIB/hab inférieur à 65%
de la moyenne communautaire, or cette moyenne est plus faible par rapport à
la moyenne à 15. Parmi les PECO, le pays le mieux placé est la R.Tchèque :
80% du PIB/hab moyen. Chypre est à la moyenne communautaire, Malte est
au niveau du Portugal.
L'un des enjeux de la crise de l'Euro est d'imposer des politiques d'austérité ou
de rigueur, mais celles-ci ne risquent-elles pas d'aggraver les difficultés de
rattrapage de certains Etats ? Dans quelle mesure ces mesures vont-elles par
ex tirer la Grèce vers le bas ? La crise de l'Euro peut aller dans le sens
contraire d'un rattrapage de ces pays, avec donc des contrastes de
développement accrus..
Il y a aussi les fonds de la politique régionale, qui aident les régions en retard
de développement. Pour la période 2007-13, la politique régionale absorbe 350
milliards d'€, càd 36% du budget de l'UE (2e poste de dépense derrière la PAC,
qui en absorbe encore 40%, celle-ci comporte cependant mtnt aussi une
dimension qui s'appelle « aménagement rural », càd quasiment une politique
régionale). D'ailleurs les PECO en toucheront 50%, ce qui peut expliquer par
ex que dès 2008 la Pologne soit devenue le 2e bénéficiaire du budget
européen, devançant l'Espagne, mais étant toujours devancée par la Grèce.
Aux transferts financiers de l'UE, il faut ajouter les IDE, dont le rôle a déjà été
évoqué. Même si ces IDE ont des aires de prédilections, 3 PECO bénéficient de
70% des IDE : Pologne, Tchéquie, Hongrie, et s'ils peuvent donc aussi creuser
les écarts entre PECO.
Les IDE sont sans doute un vecteur de rattrapage économique, mais aussi un
vecteur de clivage :
→ Ceux-ci induisent des clivages territoriaux au sein même des PECO qui
en bénéficient. C'est l'« effet capitale » qui joue : ce sont les capitales des
PECO qui concentrent l'essentiel des IDE : Pragues, Budapest, Bratislava,
polarisent les 2/3 des IDE destinés à chacun des pays concernés. Avec à la clé
un creusement des inégalités internes de développement, entre la capitale et
le reste du territoire. Le reste du territoire dans les PECO reste marqué par
l'héritage soviétique, avec des espaces qui ont été voués à l'industrie lourde
qui sont aujd en grande difficulté économique, par ex: les chantiers navals de
Gdansk, la construction polonaise ne faisant aujd pas le poids face aux
chantiers sud-coréens par ex, même si pour une raison symbolique, l'UE a
accepté que la Pologne accorde des aides à ce chantier, ce qui est une
exception à la règle de la libre concurrence prônée par l'UE.
→ Les IDE mettent de plus les périphéries en concurrence. L'Espagne l'a
par ex appris à ses dépends, parce que Volkswagen a transféré en 2008 ses
activités du fait de la hausse des salaires dans le pays (du fait peut-être de
l'euro et de la politique de la BCE des taux d'intérêts bas, encourageant
l'inflation), et le modèle Seat Ibiza (modèle d'entrée de gamme) a ainsi vu son
montage transférer d'Espagne vers les PECO. De même pour le Portugal a
souffert de cette concurrence.
En d'autres termes, l'aide est plutôt le fait des Etats eux-mêmes, tous n'ayant
pas les mêmes moyens.
c) La crise contemporaine est venue sévèrement frapper des pays qui étaient
encore en retard en matière de développement économique.
Sur cela sont venus se greffer des politiques d'austérité. Comme l'Espagne qui
a par ex voté la règle d'or budgétaire. Sans oublier la Grèce. Ou encore le
Portugal. Mais aussi l'Italie, qui a voté un plan de rigueur de 30 milliards d'€,
alors que c'est encore un pays à deux vitesses n'ayant toujours pas réussi à
tirer vers le haut le Mezziogiorno. Pour la FR et pour l'All, on annonce un PIB
qui va à peine croître, mais la Grèce va elle carrément connaître une chute du
PIB !
Certains pays de l'UE profitent plus de ces disparités que d'autres. L'All a par
ex reconstitué sa compétitivité en s'appuyant sur les délocalisations dans les
PECO, et donc en en faisant supporter le coût à ses autres partenaires de l'UE.
L'UE peut également être tiraillée entre des exigences contradictoires. 1ère
exigence : préserver la cohésion territoriale, 2e exigence : renforcer la
compétitivité de l'UE dans une économie mondialisée. Même si ce n'est pas
obligatoirement contradictoire, voir le cas de l'All avec les PECO. Mais de
manière générale, la volonté de corriger les déséquilibres régionaux ne joue-t-
elle pas contre l'effort d'innovation ?
Cet effort était une priorité dans la Stratégie de Lisbonne en 2000, dont on a
vu qu'elle a finalement échoué. Elle a pourtant été remise en chantier par la
Commission, et a été adopté par les Etats en juin 2010 le projet « Europe
2020 ». Si l'objectif recherché par la Stratégie de Lisbonne était de faire de
l'Europe l'économie de la compétitivité, l'objectif actuel est de créer une
croissance intelligente (3% du PIB consacré à la R&D), durable (logique
20/20/20, adoptée en 2008, qui concerne les émissions de CO2 qui doivent
baisser de 20%, l'efficacité énergétique qui doit augmenter de 20%, et
l'utilisation d'énergie renouvelable qui doit atteindre 20%), inclusive (lutter
contre l'exclusion sociale, la crise étant passée par là : implicitement
reconnaître que l'Europe n'est pas assez protectrice, réconcilier l'Europe des
Européens). Une croissance intelligente, mais avec quels moyens, étant donné
que le budget est absorbé par la PAC et par la PRC ? La PRC elle-même se fixe
comme objectif de favoriser la compétitivité de l'UE : c'est l'un de ses trois
objectifs, objectif 1 : venir en aide aux régions en retard de développement
80%, objectif 2 : fonder des projets basés sur l'innovation, pouvant bénéficier
à toute l'UE (même à Inner London par ex) 16%, objectif 3 : encourager les
coopérations transfrontalières avec le programme Interreg 4%.