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Mesures

S'inspirant des expériences de Ben-Aïm, le LRPC


de Blois a réalisé une campagne de mesures de
compacité sur les tranches unimodales placées
dans des cylindres de hauteur constante, mais de
diamètres variables (de 20 à 160 mm ; tableaux
XII1 et XIV). Le mode opératoire de remplissage,
de compactage et de vibration des échantillons fut
le même que celui défini dans le premier article.
Comme on s'y attendait, on constate que la com-
pacité croît avec le diamètre du récipient, surtout
pour les classes les plus grossières, et à la disper-
sion des mesures près (toujours plus importante
pour les granulats concassés).

Lissage
On a cherché tout d'abord, pour chaque famille, un
lissage de la compacité en pleine masse, s'écrivant
comme une fonction de la taille des grains. On en Fig. 8 - Lissage du modèle d'effet de paroi. Les cercles sont
a déduit la compacité confinée » en calculant le relatifs aux granulats roulés, et les carrés aux granulats
volume solide moyen de l'échantillon, compte concassés.
tenu de la zone perturbée par l'effet de paroi. Le
coefficient k a été ajusté pour minimiser l'écart
moyen modèle/expérience. Précisons que le calcul
de Ben-Aïm a été effectué sur les compacités vir-. Le fait de n'avoir pas tout à fait la même valeur de
tuelles. k pour les deux familles de granulats montre qu'en
pratique, et sauf à réaliser avec chaque nouvelle
Pour les granulats roulés, la compacité propre
famille de granulats des expériences du type de
expérimentale en pleine masse
celles relatées dans le paragraphe précédent, le
modèle perdra un peu de sa précision lorsqu'on
l'appliquera à des mélanges confinés. Par contre,
l'introduction dans le modèle de suspension solide
et le coefficient k = 0,87 représentent les résultats de compacités propres affectées par l'effet de paroi
expérimentaux avec une erreur moyenne de 0,7 9%. ne soulève aucune difficulté théorique, et devrait
Pour les granulats concassés, le modèle suivant : conduire à des prévisions acceptables pour la com-
pacité de mélanges confinés multimodaux. Ce der-
nier point reste toutefois à vérifier.
et le coefficient k = 0,71 donnent un écart de
1,2 %. Encore a-t-on exclu, lors de l'optimisation,
les points de mesure relatifs au cylindre de dia- Conclusion générale
mètre 160 mm, car ces mesures ont été effectuées
On a présenté dans ces deux articles le modèle de
avec des granulats ayant subi préalablement une
suspension solide, qui vise à prévoir la compacité
attrition importante.
d'un mélange granulaire sec à partir de sa granula-
La comparaison modèlelexpérience apparaît à la rité, des compacités propres des classes élémen-
figure 8. taires unimodales, et de la viscosité relative du
mélange, conditionnée par le mode de mise en
place. Ce modèle est une synthèse de différents
Conclusion sur la modélisation de l'effet modèles antérieurs.
de paroi Sur le plan théorique, la principale idée nouvelle
Il apparaît donc que le modèle de Ben-Aïm est apte est de considérer un empilement granulaire comme
à représenter l'effet de paroi exercé par le récipient une suspension de viscosité finie, la viscosité
sur les grains qu'il contient. Cependant, les valeurs infinie étant obtenue lorsque la concentration
de k trouvées sont plus élevées que pour les sphè- solide atteint la compacité virtuelle. C'est dans ce
res, pour lesquelles Ben-Aïm avait trouvé 11/16 = domaine de compacités virtuelles, inaccessible à
0,687. Cela signifie que, statistiquement, une majo- l'expérience, qu'on effectue les calculs d'interac-
rité de grains se plaque contre la paroi de façon à tions granulaires déjà introduits dans le modèle
réduire le supplément de porosité. linéaire de compacité. Le modèle de suspension

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solide fournit donc un cadre théorique qui va du confinés, ce qui représente un grand intérêt en
liquide suspendant aux empilements denses, en génie civil.
passant par les suspensions diluées et concentrées.
Au terme d'une recherche qui s'est déroulée, en
Pour le moment, sa pertinence n'a été évaluée que
pointillés, sur près d'une dizaine d'années, on peut
dans le domaine des empilements. considérer que le problème de la prévision de la
Des expériences de mélanges binaires sur granulats compacité des mélanges granulaires est résolu de
roulés et concassés ont permis de calibrer le façon.satisfaisante, du point de vue du formulateur
modèle. À ce stade, le point important est de de matériaux. Cela ne signifie pas, bien sûr, que
remarquer que les mêmes fonctions d'interactions rien n'est plus à faire, notamment pour les physi-
granulaires s'appliquent pour traiter les deux ciens des milieux granulaires. Il serait intéressant
familles de granulats étudiées. C'est pourquoi, dans d'étudier plus en détail l'effet de confinement
la phase de validation, on parvient à prédire tous exercé par les parois en fonction de la morphologie
les résultats expérimentaux relatifs à des grains de des granulats. Des extensions du modèle sont en
taille et de forme diverses avec une précision géné- outre envisageables pour décrire les propriétés
ralement meilleure que 1 % (sauf pour les granulats rhéologiques des suspensions, telles que le seuil de
concassés de Blois, trop sensibles à l'attrition pour cisaillement et la viscosité plastique des fluides de
fournir des mesures de haute qualité). Bingham. D'ores et déjà, il paraît pouvoir se sub-
stituer avantageusement aux méthodes empiriques
Enfin, on a montré que le modèle de suspension usuelles pour l'optimisation granulaire des bétons
solide pouvait s'étendre au cas des mélanges hydrauliques [9].

[Il CINTRE M. (1988), Recherche d'un mode opéra- [6] KANTHA R A 0 V.V.L., KRISHNAMOOTHY S.
toire de mesure de compacité de mélanges vibrés à (1993), Aggregate Mixtures for Least-Void
sec de classes élémentaires de granulats, Rapport Content for Use in Polymer Concrete, Cement,
du LRPC de Blois, janv. Concrete and Aggregates, CCAGDP, Vol. 15, 2,
Winter, pp. 97-107.
[2] DE LARRARD F. (1988), Formulation et pro-
priétés des bétons à très hautes performances, [7] KRISHNAMOORTHY S. (1994), Communication
Thèse de Doctorat de 1'Ecole Nationale des Ponts privée, févr.
et Chaussées, Rapport de Recherche des LPC, 149,
mars. [8] . BEN-AÏM R., Étude de la texture des empilements
de grains. Application à la détermination de la
[3] CAQUOT A. (1937), Rôle des matériaux inertes perméabilité des mélanges binaires en régime
dans le béton, Mémoire de la Société des mqléculaire, intermédiaire, Laminaire, Thèse
Ingénieurs Civils de France. d'Etat de l'université de Nancy.
[4] DREUX G. (1970), Guide pratique du béton, [9] SEDRAN T., DE LARRARD F. ( 1994). RENÉ- LCPC -
Collection de l'Institut Technique du Bâtiment et Un logiciel pour optimiser la granularité des maté-
des Travaux Publics (ITBTP). riaux de gCnie civil. Note technique, Bull. liaison
Labo. P. let Ch., 194, nov.-déc., i p . 87-93.
[5] JOISEL A. (1952). Composition des bétons hydrau-
liaues. Annales de L'ITBTP. Ve année., 58., Série :
eto on: Béton armé (XXI), bct.

58 Bull. liaison Labo. P. et Ch. - 194 - nov.-déc. 1994 - Réf. 3863


2.3.3. Les limites de ce modèle
A l'usage, le modèle de suspension solide s'est avéré souffrir de deux défauts. La notion de
viscosité de référence portait à confusion pour des empilements et aurait pu s'avérer ambiguë
pour des applications à la rhéologie des bétons. Deuxièmement, de Larrard [10] a montré que
les fonctions d'interactions n'étaient pas satisfaisantes dans leur forme mathématique. En effet,
considérons un mélange de deux classes unidimensionnelles. La première de diamètre d1 fixé
et la seconde de diamètre d2 variant autour de d1. Si on fixe une valeur y1 suffisamment faible,
la classe 2 est la classe dominante. On a alors
β2
γ= pour d1≥d2et
⎛ ⎛ 1 ⎞⎞
1 − y1 ⎜ 1 − β 2 + b 2 ,1β 2 ⎜ 1 − ⎟ ⎟
⎝ ⎝ β1 ⎠ ⎠
β2
γ= pour d1≤d2
⎛ β2 ⎞
1 − y1 ⎜ 1 − a 2 ,1 ⎟
⎝ β1 ⎠
La continuité de la dérivée de la fonction γ = f ( x ) en 1 avec x ratio du plus petit diamètre sur
le plus grand diamètre impose:
⎛1 ⎞ ⎛ ∂b ⎞ 1 ⎛ ∂a ⎞
⎜ − 1⎟ ⎜ ⎟ + ⎜ ⎟ = 0
⎝ β 1 ⎠ ⎝ ∂x ⎠ 1 β 1 ⎝ ∂x ⎠ 1
Comme les deux termes sont positifs on doit donc avoir:
⎛ ∂b ⎞ ⎛ ∂a ⎞
⎜ ⎟ =⎜ ⎟ =0
⎝ ∂x ⎠ 1 ⎝ ∂x ⎠ 1
Un nouveau formalisme prenant en compte ces remarques est donc présenté dans le chapitre
suivant: le modèle d'empilement compressible.

2.4. LE MODELE D'EMPILEMENT COMPRESSIBLE


Le Modèle d'Empilement Compressible est la dernière version des différents modèles
d'empilement développés au LCPC. Ce chapitre présente ses fondements, sa validation, son
utilisation pour les mélanges confinés et son intégration dans un logiciel de calcul.

2.4.1. Notion d'indice de compaction


La compacité expérimentale C (C<γ) dépend non seulement du matériau mais également du
protocole de compaction. Nous avons introduit la notion de compacité virtuelle γ qui ne décrit
que le matériau; nous cherchons maintenant à introduire une grandeur scalaire K, qui ne sera
représentative que du protocole (ou de l'énergie) de compactage. Cette grandeur a été choisie,
comme dans le modèle de suspension solide, par analogie avec le modèle de viscosité de
Mooney [34] mais de la forme suivante:
n
⎛φ ⎞
K = ∑ K i avec K i = H⎜ i* ⎟
i =1 ⎝ φi ⎠

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où, on le rappelle, φi est la teneur réelle de grains i dans l'empilement et φi* la teneur maximale
qu'il pourrait contenir en prenant en compte la présence des autres classes. K est appelé
l'indice de compaction du mélange et Ki les indices de compactions partiels.
Pour déterminer la fonction H, nous allons examiner l'autocohérence du modèle. Considérons
un mélange binaire composé de deux matériaux identiques de compacité virtuelle β1 = β2= β.
Pour le mélange on peut écrire:
⎛ φ ⎞ ⎛ φ ⎞ ⎛ φ + φ2 ⎞
K = H⎜ 1 ⎟ + H⎜ 2 ⎟ = H⎜ 1 ⎟
⎝ β − φ2 ⎠ ⎝ β − φ1 ⎠ ⎝ β ⎠
Soit, en posant x = φ 1 β et y = φ 2 β
⎛ x ⎞ ⎛ y ⎞
H⎜ ⎟ + H⎜ ⎟ = H( x + y )
⎝ 1− y⎠ ⎝ 1− x⎠
u
On définit la fonction k(u) telle que H (u) = k (u) , l'équation précédente devient
1− u
⎛ ⎞
( x + y) k( x + y) = x k⎜⎝ 1 −x y ⎟⎠ + y k⎛⎜⎝ 1 −y x ⎞⎟⎠
En posant x = y = u/2, on a:
⎛ u2 ⎞ ⎛ u4 ⎞ ⎛ u 2n ⎞
k( u) = k ⎜ ⎟ = k⎜ ⎜
⎟ =LL = k ⎜ ⎟ = k ( 0)
⎝ 1 − (1 − 1 2 )u ⎠
⎝ 1− u 2⎠ ⎝ 1− 3u 4⎠ n ⎟
u
Donc la fonction H s'écrit sous la forme H( u) = k où k est une constante. Pour simplifier,
1− u
nous allons prendre:
x
H ( x) =
1− x
L'indice de compaction s'écrit donc:
⎛ φi ⎞
n ⎜ ⎟ ⎛ φ ⎞
φi * ⎟ n
K=∑ ⎜ = ∑⎜ * i ⎟
i =1 ⎜
φi ⎟ i =1 ⎝ φi − φi ⎠
⎜ 1− * ⎟
⎝ φi ⎠
De l'équation 2.1 et sachant que φi=C yi on tire
⎛β ⎞
( )
i −1 n
φi ∗ − φi = C⎜ i − β i ∑ y j 1+ λ j→i − β i ∑ y j λ j→i − y i ⎟
⎝C j=1 j= i +1 ⎠
en sachant que
n
0 = 1 − ∑ yi
i =1
on a
⎛ βi
( ( )) + ∑ y (1− β λ )⎟⎠

i −1 n

φi − φi = C⎜ − 1 + ∑ y j 1 − β i 1+ λ j→i j→ i
⎝C
j i
j=1 j= i +1

soit d'après l'équation2.2


⎛β β ⎞
φi ∗ − φi = C⎜ i − i ⎟
⎝ C γi⎠
donc

60
⎛ yi ⎞
⎜ ⎟
n
βi ⎟
K=∑ ⎜ (Equ. 2.4)
i =1 ⎜
1 1⎟
⎜ − ⎟
⎝ C γi ⎠
Cette équation permet donc de déterminer, de façon implicite, la compacité expérimentale d'un
matériau connaissant sa compacité virtuelle et l'indice associé au protocole de compaction
utilisé. Il est facile de vérifier que la compacité expérimentale est une fonction croissante de
l'indice de compaction.
Dans le cas particulier d'une classe unidimensionnelle de compacité expérimentale αi, on a:
1
K=
βi
−1
αi

2.4.2. Calibration du modèle sur des grains grossiers


Cette calibration est décrite en détail par de Larrard dans [10]. Nous ne reprendrons ici que les
conclusions puisqu'elle a été faite sur les mêmes données et avec la même méthode que celles
que nous avions utilisées pour le modèle de suspension solide dans [13] et [14]. Les fonctions
d'interaction suivantes satisfont aux conditions de continuité évoquées en 2.3.3 et décrivent
correctement les résultats expérimentaux:

( )
1, 02
effet de desserrement de j sur i (di ≥ dj soit i≤j) a i, j = 1 − 1 − d j / d i

( )
1,5
effet de paroi de j sur i ( dj ≥ di soit j≤i) b i, j = 1 − 1 − d i / d j

Le tableau résume les valeurs d'indice de compaction correspondant à différents protocoles de


mesure de compacité. Il est satisfaisant de voir que plus la compaction est énergique, plus
l'indice de compaction est élevé.

Mise en Simple Piquage Vibration Vibration + Empilement


place versement Compression virtuel
10 kPa
Indice de 4,1 4,5 4,75 9 Infini
compaction
Tableau 2.2 - Indice de compaction pour différents protocoles (tiré de de Larrard [10])
Ainsi calibré, le modèle a été validé sur de nombreux mélanges binaires, ternaires, de
granulométrie continue ou discontinue, pour des granulats roulés ou concassés et pour des
étendues granulaires importantes. Il fournit une précision absolue meilleure que 1% en
moyenne.

2.4.3. Calibration du modèle sur des poudres


L'objectif étant d'utiliser le modèle d'empilement compressible dans l'étude de la rhéologie des
bétons, il est donc nécessaire de le valider pour des mélanges granulaires fins (diamètre
inférieurs à 100 µm). Le chapitre présente les différentes étapes de cette validation, effectuée
sur la base d'une étude menée au LCPC [44].

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2.4.3.1. Détermination de la granularité
La mise en œuvre du modèle d'empilement compressible nécessite la connaissance de la
granularité du matériau considéré. Le tamisage, utilisé pour les granulats, ne peut pas être
utilisé dans le cas des poudres et il faut faire appel à des techniques plus sophistiquées. Au
LCPC nous disposons de deux appareils : un granulomètre laser CILAS 715 du commerce et
un sédigraphe 5000D de chez Micrometrics Instrument Corporation (USA). Le premier
appareil, basé sur l'analyse de la diffraction d'un rayon laser par la poudre en suspension,
permet des mesures rapides (quelques minutes) pour des diamètres compris entre 1 et 192 µm.
Les ciments, fillers et cendres volantes sont, en général, analysés par cet appareil. Le
sédigraphe, basé sur l'analyse de la vitesse de sédimentation de la poudre dans une suspension,
permet des mesures entre 0.25 et 70 µm. Comme l'analyse est assez longue (jusqu'à 1h30), et
se fait dans l'eau distillée (voir ci-après), cet appareil est donc en général réservé à l'analyse
des poudres ultrafines comme les fumées de silice qui sont inertes dans l'eau lorsque le pH est
neutre. On se trouve alors confronté à un problème lorsque la poudre étudiée a un diamètre
minimal inférieure à la valeur la plus faible admise par l'appareil. Lorsqu'une poudre, analysée
au granulomètre laser, présente un pourcentage de passant à 1 µm non nul, il serait tentant
d'analyser cette partie de la granularité à l'aide du sedigraphe. Toutefois, sans même parler des
difficultés de séparation des fines de la poudre en question, on voit sur la figure 2.6 qu'à cause
de leurs principes de fonctionnement différents, les deux appareils ne donnent pas des courbes
qui peuvent être raccordées.

100
90 mesures au
80 granulomètre
laser
70
60 mesures au
50 sédigraphe
40
30
20
10
0
1 10 100
Diamètre des grains (µm)

Fig. 2.6 - Granularité du ciment de St Vigor obtenue par le granulomètre laser et par le sédigraphe [44]

On extrapole [15] alors la courbe obtenue par une droite (fig 2.7) entre le diamètre minimum
mesuré et un diamètre minimum dmin déduit de l'équation suivante obtenue en supposant les
grains sphériques:
6000 d max ∂p( x )
M d∫min
S= (Equ. 2.5)
x
avec S (en m2/g)la surface spécifique déterminée par l'essai Blaine pour les fines et l'essai
BET pour les ultrafines, M (kg/m3) la masse volumique brute de la poudre et p(x) le
pourcentage de passant cumulé pour un diamètre de grain égal à x (en µm).

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