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Un système monétaire unifié dans un espace national est désormais quelque chose qui va
de soi pour chacun et dont on ne perçoit pas bien les avantages et les contraintes, bien
réels pourtant dans les deux cas. Une monnaie unique peut être qualifiée de « bien public
». C’est dire que ses apports sont difficiles à quantifier.
Tout d’abord, la monnaie unique favorise les échanges en raison de la disparition des
commissions de change et des risques de change. Dès lors, les entreprises réalisant du
commerce intra zone n’ont plus à s’acquitter de frais supplémentaires lors des transactions
et leurs opérations sont sécurisées. Les ménages bénéficient également de cet avantage dans
la mesure où cela facilite leurs achats dans l’ensemble de cette zone. Les échanges
commerciaux et le tourisme sont stimulés, une même monnaie permet de comparer plus
facilement les prix d’un pays à un autre.
La monnaie unique permet l’homogénéité des prix, la réduction des coûts de transaction,
la suppression des risques de coûts de conversion d’une monnaie en une autre. Elle
accompagne un processus d'intégration monétaire beaucoup plus poussé que dans le cas
d'une monnaie commune.
Cette transparence des prix peut ainsi stimuler la concurrence et inciter les entreprises de à
produire des biens de consommation et de production avec des conditions plus avantageuses
pour les agents économiques.
Lorsque des pays décident d’opérer une monnaie unique, ils doivent avant toute chose
déterminé quelle ampleur elle aura et les avantages liés à la création d’une union
monétaire. Celle-ci peut être unilatérale ou multilatérale, elle entraîne des changements
profonds dans les économies des pays membres.
Lorsque l'Union européenne a décidé de se doter d'une monnaie unique, elle s'est posée la
question de la configuration à adopter. Elle n'a pu se référer à aucune expérience passée.
Donc, Quelles leçons peut-on en tirer quant aux effets des unions monétaires sur le
commerce et les investissements internationaux ?
Dans quelle mesure une union monétaire incite les investisseurs à s’implanter dans les
pays membres, éventuellement au détriment des pays partenaires ?
C’est dans cette optique que nous allons aborder le concept de la monnaie unique, dans ce
rapport, il sera question dans un premier temps, de comprendre l’union monétaire et
montrer les avantages et les inconvénients de cette monnaie.
Dans une seconde partie, on expliquera quelles ont été les motivations et les différentes
étapes qui ont conduit à l’instauration de l’Euro. Ensuite comprendre comment fonctionne
l’euro.
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Première partie : Union monétaire : Théorie et Commerce
La monnaie unique est une monnaie partagée par plusieurs États et qui remplace les
monnaies nationales, elle fait office de monnaie nationale. Elle est différente de la
monnaie commune, qui elle est une monnaie qui est aussi partagée par plusieurs Etats
mais qui ne remplace pas les monnaies nationales.
L’Union latine, qui fonctionna une vingtaine d’années à partir de 1866, posait le principe
de la circulation et du pouvoir libératoire dans tous les pays ayant adhéré au système
(Italie, Suisse, Belgique, France) d’une monnaie commune représentée par des pièces
métalliques en or ou en argent, d’un titre défini. Avec la démonétisation progressive de
l’argent, l’Union latine se fondit en fait dans l’ensemble des pays respectant les règles de
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l’étalon-or. S’agissant des véritables unions monétaires, on en connaît de deux sortes :
celles où, comme aux États-Unis, dans l’Empire allemand au XIXe siècle, la force du
sentiment national fut le principal ciment de l’unification monétaire (nous avons vu
récemment ce phénomène avec l’union monétaire entre les deux Allemagnes) ; et les
unions monétaires véritablement multinationales, faites autour de leaders dont la taille
entraîne une dynamique irréversible, l’exemple le plus notable à l’époque était l’Union
belgo-luxembourgeoise.
Une union qui se veut un partenariat entre pays dont plusieurs sont de tailles comparables.
L’originalité de l’idée d’union monétaire européenne a été, en effet, de réfuter l’idée d’une
monnaie dominante dans laquelle les autres se fondraient, pour prôner l’émergence d’une
monnaie d’un « troisième type » qui remplacerait toutes les autres.
Les promoteurs de cette union voulaient un partenariat et rejetaient la zone mark, dont ils
contestaient la légitimité. La force et la réputation internationale de la monnaie allemande
ne reflétaient pas, en effet, surtout à cette époque, la place de l’économie allemande dans
l’ensemble européen. Sur les douze pays constituant la Communauté, quatre étaient, au
début des années 1990, relativement comparables par la taille et la puissance économique.
Le débat sur l’« asymétrie » montre à l’évidence le refus de l’effet de domination, souvent
à l’origine d’une zone monétaire et a fortiori d’une union monétaire. Mais aussi une union
de pays où les écarts de développement sont encore considérables et les performances
économiques très inégales
L’union monétaire a longtemps été étudiée dans le cadre du débat entre régimes de change
fixe et flexible. Elle ne constituait pas un objet d’étude spécifique, mais était assimilée à
un système de change fixe, à la fois dans les discussions académiques et politiques. La
principale approche de l’intégration monétaire, la théorie des zones monétaires optimales
(ZMO) s’inscrit dans ce contexte. Elle définit une zone monétaire comme un domaine au
sein duquel les taux de change sont fixes et cherche à déterminer ses conditions
d’optimalité.
L’intérêt porté aux unions monétaires, définies plus spécifiquement par une monnaie
commune, s’est ravivé avec la concrétisation de l’intégration monétaire en Europe, qui,
avec la création de l’euro en 1999, a montré que la constitution d’une union monétaire
était réalisable alors que la théorie des ZMO était assez pessimiste sur ses chances de
succès. La création de l’Union économique et monétaire (UEM) représente un enjeu
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majeur, non seulement pour les pays membres, mais aussi pour les pays d’Europe centrale
et orientale (PECO) qui pourraient la rejoindre prochainement et pour les pays non-
membres, principaux partenaires de l’Union.
D’un autre côté, les crises financières qui se sont multipliées dans les années 1990 ont
conduit de nombreux économistes à défendre les régimes de change “extrêmes”, tels que
la caisse d’émission (currency board en Argentine, Bulgarie, Estonie et Lituanie) ou
l’union monétaire (“dollarisation”), considérés comme étant les seuls viables avec le
système de change flexible.
Ces deux événements ont contribué à élargir les débats dans le domaine de la recherche
académique, à la fois en limitant la portée de la théorie des ZMO et en ouvrant de
nouvelles pistes de recherche. L’expérience européenne procure de nouvelles données
permettant d’analyser empiriquement les effets de l’union monétaire, et non plus
seulement ses conditions d’optimalité. Elle pourrait montrer que les critères mis en avant
par la théorie des ZMO sont endogènes ; l’union monétaire serait viable même si elle ne
l’est pas.
La littérature sur les crises de change tend à réhabiliter l’union monétaire par rapport aux
régimes de change fixe traditionnels. La théorie des ZMO pourrait également surestimer
le rôle du taux de change dans l’ajustement aux chocs et, par conséquent, le principal coût
de l’union monétaire. Des travaux récents montrent que le taux de change est peu utilisé
comme instrument d’ajustement dans les pays émergents ou en développement par “peur
du flottement”. On peut distinguer deux types d’unions monétaires : multilatérales ou
unilatérales, dans les deux cas, il y a abandon de la monnaie nationale au profit d’une
monnaie commune ce qui constitue la définition généralement admise de l’union
monétaire.
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Il est probable que le mouvement d’ancrage sur des grandes monnaies internationales se
poursuivra, renforçant le rôle régional, sinon international, de l’euro. C’est ce que
montrent Agnès Bénassy-Quéré et Amina Lahrèche-Révil à propos des pays sud-
méditerranéens (PSM) et des pays d’Europe centrale et orientale. Pour ces auteurs, si les
pays proches, en termes régionaux, de l’Union européenne adoptent un raisonnement en
termes de zone monétaire optimale pour définir la monnaie de référence de leur politique
de change, ils auront sans doute intérêt à retenir l’euro (plutôt que le dollar ou le yen), en
raison de l’importance de leurs liens commerciaux avec l’Union. Par ailleurs, si l’on
admet que ces pays ont également pour objectif la stabilisation de leur solde extérieur ce
qui implique le maintien de la compétitivité et la stabilisation de la charge de la dette, il
apparaît également que l’euro devrait être la monnaie d’ancrage réel à privilégier, et ce
dans des proportions qui sont importantes, puisque l’euro représenterait dans la majorité
des cas plus de 70 % du panier d’ancrage.
Chaque État émet, en principe, sa propre monnaie. Mais les frontières monétaires ne
coïncident pas nécessairement avec les frontières politiques. Une union monétaire peut
alors être définie comme un groupe de deux ou plusieurs pays qui partagent une seule
monnaie. Aujourd’hui, les unions monétaires sont plus rares, mais la création de l’euro en
1999 a relancé les débats et les projets d’intégration monétaire dans différentes régions du
monde (Moyen-Orient et Afrique de l’Ouest notamment). L’un des avantages affirmés de
la mise en place d’une monnaie commune est de renforcer l’intégration économique et de
promouvoir ainsi une croissance économique élevée.
Une union monétaire peut renforcer les échanges commerciaux par le biais de différents
canaux. Son premier effet réside dans la réduction des coûts de transaction (coûts de
conversion des monnaies et coûts internes aux entreprises). Ensuite, l’existence d’une
monnaie unique entraîne une plus grande transparence des prix, susceptible d’accroître le
commerce. Les agents peuvent plus facilement comparer les prix entre pays et rechercher
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l’offre la plus compétitive, domestique ou étrangère. Enfin, l’union monétaire, tout
comme un régime de change fixe, réduit la volatilité et donc l’incertitude portant sur
l’évolution du taux de change. Récemment, des chercheurs se sont attachés à évaluer de
façon plus systématique l’impact global des unions monétaires sur le commerce.
Auparavant, ces unions étaient assimilées à des régimes de change fixe et leurs gains
additionnels étaient jugés faibles. Dans ce contexte, Andrew Rose, professeur à
l’Université de Berkeley, publia un article retentissant en 2000. Sur un échantillon
comprenant plus de 180 pays, départements d’outre-mer et colonies dans le monde entier,
Rose a montré que deux pays ayant une monnaie commune commercent trois fois plus
entre eux que deux pays ayant leur propre monnaie. Il montra également qu’une monnaie
unique a un caractère irréversible et ne peut donc pas être assimilée à un régime de change
fixe traditionnel. Cet article a suscité de nombreuses réactions, les critiques portant pour la
plupart sur l’hétérogénéité et la nature des unions monétaires prises en compte. Comme il
existe peu d’unions monétaires dans le monde, celles considérées dans l’échantillon sont
relativement hétérogènes et atypiques. La recherche s’est par la suite intéressée à certaines
unions monétaires et, en particulier, à l’Union économique et monétaire (UEM) qui
constitue la principale expérience d’intégration monétaire entre pays développés.
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2. La monnaie unique et IDE
Les conséquences de la monnaie unique sur les IDE sont moins étudiées que celles
s’exerçant sur le commerce, mais elles constituent un enjeu majeur notamment en Europe,
à la fois pour les pays membres et les pays candidats. Cet effet sur les investissements est
également l’objet de débats dans certains pays qui participent au Marché unique tout en
restant en dehors de la zone euro. Ainsi, plusieurs sources indiquent que depuis 1998, les
IDE se localisent de moins en moins au Royaume-Uni au profit des pays de l’UEM, alors
que la Grande-Bretagne attire traditionnellement le plus d’IDE en Europe.
Les données agrégées d’IDE sont souvent peu fiables et il serait nécessaire de réévaluer
l’impact de l’UEM sur les investissements étrangers à partir de statistiques plus
désagrégées. De plus, ces effets restent encore mal compris.
Enfin, on peut se demander dans quelle mesure les résultats portant sur l’UEM peuvent
être transposés à d’autres unions monétaires. Les unions monétaires existantes (ou en
projet) sont très hétérogènes et recoupent des expériences d’intégration différentes.
Dans le cas européen, la monnaie unique apparaît comme la dernière étape d’un processus
long. L’impact de l’euro, tel qu’il est mesuré, n’est alors probablement pas l’effet unique
de la monnaie unique mais le résultat cumulé des mesures et politiques, elles-mêmes
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motivées par la formation de l’UEM. Les enseignements que l’on peut en tirer ne
s’appliquent donc pas nécessairement à d’autres unions monétaires.
La monnaie unique a permis des économies et une coordination des politiques monétaires.
Mais en cas de crise, les pays en difficulté perdent un instrument central de la politique
économique.
L’euro, en tant que monnaie unique, est une réponse coordonnée de l’Europe à la volatilité
des capitaux : quelle que soit la pression des marchés, il est désormais impossible à un
Etat membre de se désolidariser de la zone en dévaluant sa monnaie pour limiter l’effet
d’une dégradation de la conjoncture mondiale sur son activité, au détriment de ses
partenaires européens.
b. Divergences d’intérêts
Face à ces avantages, un inconvénient essentiel : la perte, pour chaque pays, d’un
instrument central de la politique économique, la monnaie, qui permet pourtant de faire
face aux crises. Dans l’union monétaire que forme la zone euro, chaque pays participe aux
décisions sur la politique monétaire, ce qui représente un progrès par rapport au
mécanisme de change. Mais il n’est pas seul à prendre les décisions, et celles-ci peuvent
ne pas aller dans le sens de ses besoins.
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Or, ces divergences peuvent être responsables de catastrophes. En effet, lorsqu’un pays a
besoin d’une politique monétaire expansionniste, un autre peut avoir besoin au contraire
d’un resserrement des taux. En provoquant la convergence des taux d’intérêt à court et à
long termes, la monnaie unique a créé l’illusion d’une convergence du coût du crédit dans
toute la zone.
En réalité, il y avait bien distorsion des taux réels. De fait, dans les pays périphériques de
la zone, là où l’inflation était la plus importante, le taux réel était particulièrement faible,
incitant notamment le secteur privé à s’endetter au-delà du raisonnable, jusqu’à ce que la
bulle éclate.
La crise financière de 2007-2008 illustre la force tant des coûts que des avantages de la
monnaie unique. D’un côté, l’euro a protégé les pays membres de la volatilité des marchés
mondiaux et la Banque centrale européenne est intervenue de manière centralisée et
efficace pour assurer la liquidité des marchés financiers de la zone. De l’autre, un pays
comme l’Espagne n’a pas disposé d’instrument autre que budgétaire pour relancer une
économie gravement affectée par le retournement du marché immobilier, plongeant l’Etat
à son tour dans la crise.
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Deuxième partie : L’Euro une monnaie unique au monde
L’euro fait partie du quotidien des citoyens de 19 pays de l’Union européenne (UE). En
circulation depuis 2002, il est utilisé au quotidien par plus de 337 millions d’Européens
pour épargner et investir.
Il est aujourd’hui la première monnaie mondiale après le dollar des États-Unis. Il n’existe
pas d’autre exemple de coopération monétaire aussi étendue et approfondie entre des pays
souverains. L’euro est une réalisation majeure de l’intégration européenne, un jalon pour
des pays ayant été fréquemment en conflit tout au long de l’histoire: une telle intégration
économique et une telle solidarité étaient en effet impensables dans le passé.
D’ici à 2020 apparaîtra une nouvelle génération de jeunes adultes qui n’auront connu que
l’euro comme monnaie nationale.
S’il est aujourd’hui devenu banal, l’euro n’est pas né en un jour. Son lancement a
représenté une avancée décisive, mais relativement récente, dans l’histoire de l’intégration
européenne depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale une histoire au cours de laquelle
les objectifs économiques et politiques ont toujours été étroitement liés.
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1. La création de l’Union Economique et Monétaire
La création de l’UEM est le résultat d’une longue évolution qui s’explique par le contexte
économique et monétaire international, mais aussi par la volonté de l’Europe de
progresser vers une intégration économique autonome. L’établissement de l’UEM met en
évidence l’absence de parallélisme entre le volet monétaire et le volet économique qui
avait pourtant été vivement préconisé dans le rapport Delors de 1989.
Plus de vingt ans de réflexion et d’expérience auront été nécessaires pour réaliser l’UEM
qui complète le marché intérieur européen, dans lequel circulent librement les
marchandises, les capitaux, les services et les personnes.
Les rédacteurs du Traité de Rome n’avaient pas ressenti la nécessité en 1957 de doter la
Communauté économique européenne (CEE) d’une autonomie en matière monétaire. Le
système monétaire international (SMI) assurait alors de façon satisfaisante la fixation des
cours de change des monnaies des six États membres de la CEE, dans le cadre des accords
de Bretton-Woods de1944. L’affaiblissement progressif du système de Bretton Woods, à
partir des années soixante, et la nécessité pour l’Europe de disposer de ses propres
institutions monétaires ont abouti à une réflexion sur la création d’une union économique
et monétaire. Celle-ci fut interrompue par la menace d’une crise monétaire internationale
grave et du fait des déséquilibres croissants entre les monnaies européennes. C’est dans ce
contexte difficile, que les ministres des Finances ont adopté le plan Barre, le17 juillet
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1969. Sur la base du plan Barre, les six États de la CEE vont confier, lors du sommet de
La Haye de décembre 1969, à un comité présidé par Pierre Werner, Premier ministre du
Luxembourg, le soin d’élaborer un projet d’union économique et monétaire par étapes. Ce
projet, rédigé le 8 octobre1970, a été adopté par la Commission le 30 octobre 1970. La
première étape du plan Werner a pu démarrer dès janvier 1971, mais a été très vite
suspendue par la crise monétaire internationale. La décision du président Nixon de
suspendre la convertibilité du dollar en or, le 15 août 1971, a entraîné l’effondrement
complet du système de Bretton Woods et l’impossibilité de concrétiser le projet Werner
du fait de l’instabilité des cours de change. En réaction à la crise du système monétaire
international, la Communauté économique européenne a mis en place « le serpent
monétaire européen » avec l’accord de Bâle du 10 avril1972, dans lequel les banques
centrales s’engagent à réduire la marge de fluctuation intracommunautaire des monnaies,
à 2,25 % maximum autour de la parité fixe. L’incapacité de ce mécanisme à assurer la
stabilité monétaire a conduit le président français Valéry Giscard d’Estaing et le
chancelier allemand Helmut Schmidt, lors du sommet de Copenhague des 7 et 8 avril
1978, à relancer le projet d’union économique et monétaire défini à La Haye en 1970 sur
la base du rapport Werner.
La première réalisation concrète verra le jour le 13 mars 1979, avec la création du système
monétaire européen (SME) dont le principe de fonctionnement était assez proche de celui
du serpent monétaire. Le SME reposait alors :
– sur l’ECU (European currency unit), l’unité de compte du système dont la valeur était
celle d’un panier composé de toutes les monnaies des pays de la CEE, en fonction du PIB
de chaque État et de sa part dans le commerce intra-européen ;
– sur un mécanisme de change (MCE) dans lequel chaque monnaie devait maintenir un
taux de change fixe par rapport à l’ECU avec une marge de fluctuation de +/– 2,25 % ;
– sur des mécanismes de crédit. La stabilité du système relevait des banques centrales des
États qui avaient la responsabilité d’intervenir, dans le cas où la monnaie nationale
franchirait la limite supérieure de fluctuation (cours plafond) ou inférieure (cours
plancher).
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b. L’avènement de l’Union économique et monétaire
Le Conseil européen de Hanovre de juin 1988 a décidé de créer un comité composé des
douze gouverneurs des banques centrales des États de la Communauté, de trois experts et
d’un membre de la Commission. Ce comité, présidé par Jacques Delors, président de la
Commission européenne était essentiellement chargé de faire des propositions sur les
étapes devant mener à l’UEM.
Le rapport Delors fut achevé le 12 avril 1989 et adopté par le Conseil européen de Madrid
de juin 1989. L’Union économique et monétaire allait pouvoir voir le jour sur le
fondement de plus de vingt ans d’expérience. Le Conseil européen de Strasbourg du 9
décembre 1989 a alors convoqué une conférence inter-gouvernementale pour préparer le
nouveau traité qui devait intégrer l’union économique et monétaire. Le Traité sur l’Union
européenne signé à Maastricht le 7 février 1992 est entré en vigueur le1ernovembre 1993,
dans des délais qui ne remettaient pas en cause le passage à la deuxième phase de l’UEM.
Il énonce les conditions définies par les chefs d’État ou de gouvernement des États
membres de l’Union européenne pour pouvoir mettre en place la monnaie unique
européenne.
Le projet d’union économique et monétaire a été mis en œuvre avant d’avoir été consacré
par le Traité de Maastricht du 7 février 1992. Il prévoyait une réalisation en trois étapes à
l’issue desquelles les institutions de l’Union monétaire ont pu être établies. En ce qui
concerne le volet économique de l’UEM, seule une coordination minimale des politiques
économiques des États était prévue, ces derniers conservant intégralement leurs
compétences dans ce domaine.
Cette seconde phase avait pour objectif essentiel de renforcer la coordination des
politiques monétaires des États membres, afin d’assurer la stabilité des prix et de préparer
l’instauration du système européen de banques centrales. L’exécution effective des
missions confiées à l’IME conditionnait le passage à la troisième phase de l’UEM prévu
pour le 1er janvier 1999. Cette dernière étape se caractérise d’abord, par la fixation
irrévocable des taux de change des monnaies des onze États participants, entre elles et par
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rapport à l’euro et ensuite, par l’instauration d’une politique monétaire unique définie par
la BCE.
La répartition des compétences entre la BCE et les BCN repose sur le principe de
subsidiarité et prévoit que les décisions de politiques monétaires relèvent exclusivement
de la BCE, chaque BCN étant chargée de leur application. À la tête du SEBC, la BCE qui
est seule compétente pour définir la politique monétaire de l’UEM, est aussi la seule
habilitée à autoriser les émissions de billets de banque et de pièces de monnaie.
Le SEBC est dirigé par les organes de décision de la BCE. Il ne dispose pas de la
personnalité juridique que détient par contre la BCE, d’ailleurs élevée au rang
d’institution de l’Union européenne par le Traité de Lisbonne du 13 décembre 2007,
en même temps que le Conseil européen (article 13 TUE).
L’Eurosystème est l’autorité monétaire de la zone euro, constituée de la BCE et des BCN
des États dont la monnaie est l’euro. L’article 282 TFUE et l’article 1 du protocole sur les
statuts du SEBC et de la BCE lui confient la compétence pour conduire la politique
monétaire de l’Union. L’Eurosystème est de nature transitoire et se confondra avec le
SEBC quand tous les États de l’Union européenne auront adopté l’euro.
Afin que l’entrée dans l’euro puisse se faire dans des conditions dites optimales, le Traité
de Maastricht imposait la nécessité de respecter cinq critères de convergence :
– le taux d’inflation d’un État membre ne doit pas dépasser de plus de 1,5 % celui des
trois pays ayant la plus faible inflation ;
– le déficit public doit être contenu dans une limite de 3 % du produit intérieur brut (PIB);
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– la dette publique ne doit pas excéder 60 % du PIB ;
– les taux d’intérêt à long terme ne doivent pas excéder de plus de 2 % ceux des trois pays
les plus vertueux en matière de stabilité des prix ;
Les États qui respectaient ces critères, alors considérés suffisants par la théorie
économique pour assurer le bon fonctionnement du système, pouvaient devenir membres
de la zone euro. Les efforts budgétaires importants acceptés par les États pour respecter
les critères de convergence, notamment ceux qui concernent la dette publique et le déficit
public excessif, se justifient par le niveau d’endettement trop élevé des États européens
dans leur ensemble, qui avait doublé entre 1971 et 1992.La mise en œuvre des critères de
convergence pouvait présenter des difficultés économiques spécifiques pour certains États
de l’Union, susceptibles d’intégrer l’Union économique et monétaire.
C’est pourquoi un fonds de cohésion a été mis en place par un règlement du 16 mai 1994,
avec pour objectif d’aider financièrement les États dont le PIB était inférieur à 90 % du
PIB moyen de l’Union (Portugal, Espagne, Irlande et Grèce). Cet instrument financier (le
fonds de cohésion), conçu au départ comme un instrument temporaire pour la période
1994-1999, a été maintenu avec l’adhésion de dix nouveaux États dans la zone euro.
Après la constitution de l’UEM, le respect des critères concernant le déficit public et la
dette publique restait indispensable au titre de la discipline budgétaire minimale devant
exister entre des États ayant adopté une monnaie unique. Le Pacte de stabilité et de
croissance (PSC), adopté en juin 1997, prolonge cette exigence de discipline budgétaire
pour l’après troisième phase. De même, afin de compenser l’absence de coordination
institutionnelle des politiques économiques, les chefs d’État ou de gouvernement de
l’Union européenne ont décidé, lors du Conseil européen de Luxembourg du 13 décembre
1997, de créer un organe purement informel de coordination des politiques économiques
propre aux États appartenant à la zone euro : l’Eurogroupe.
Sur la base du respect des cinq critères de convergence, alors appréciés de façon
relativement souple, puisque certains États étaient éloignés de façon importante vis-à-vis
de ces normes minimales, onze États (Belgique, Allemagne, Espagne, France, Irlande,
Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Autriche, Portugal et Finlande) ont pu adopter la monnaie
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unique, officiellement créée le 1er janvier 1999. C’est également à cette date que la BCE
est devenue opérationnelle.
Pendant une période transitoire qui ne pouvait excéder trois ans, l’euro a été utilisé
uniquement sur les marchés financiers, puis dans les paiements scripturaux (chèque, carte
bancaire, virement ou prélèvement). Sur le fondement du règlement 974/98 du 3 mai 1998
qui définit le droit monétaire des États ayant adopté l’euro, la monnaie unique a pu être
mise en circulation sous sa forme fiduciaire (billets et pièces en euro) au 1er janvier 2002
dans les douze États de la zone euro, la Grèce ayant rejoint l’UEM en 2001. La Slovénie a
adopté l’euro en 2007, Chypre et Malte en 2008, la Slovaquie en 2009 et l’Estonie en
2011, portant ainsi à 17 le nombre d’États actuellement membres de la zone euro.
Le Royaume-Uni bénéficie d’une clause d’opting out qui ne le contraint pas à passer à la
troisième phase de l’UEM (protocole no15 annexé au Traité de Lisbonne). Le Danemark
dispose d’une dérogation compte tenu de la notification faite au Conseil par le
gouvernement danois, le 3 novembre 1983, (protocole no16).
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La Suède qui n’a obtenu ni clause d’opting out, ni clause de dérogation de type danois,
devrait rejoindre la zone euro quand les Suédois se prononceront positivement par
referendum. La Bulgarie, la République tchèque, la Lettonie, la Lituanie, la Hongrie, la
Pologne et la Roumanie devront obligatoirement adopter la monnaie unique dès qu’ils
rempliront les critères de convergence, au titre de l’obligation de respecter l’acquis
communautaire inséré dans le traité d’adhésion. Le Conseil décidera de leur entrée dans la
zone euro sur la base de l’analyse des critères de convergence effectuée par la
Commission européenne et la Banque centrale européenne. Ces États devront au préalable
avoir préparé leur passage à la monnaie unique en ayant participé pendant deux ans au
moins, au mécanisme de change européen (MCE II) avec une parité proche de la parité
centrale.
Le MCE II, mis en place le 1er janvier 1999, remplace le mécanisme de change du SME
avec pour objectif d’orienter la politique des États vers la stabilité et la convergence en
vue de leur passage à l’euro. Le Danemark depuis le 1er janvier 1999, la Lituanie depuis le
28 juin 2004 et la Lettonie depuis le 2 mai 2005 participent actuellement au MCE II. La
monnaie unique a cours légal dans la principauté de Monaco, la République de Saint-
Marin, la cité du Vatican, la principauté d’Andorre, dans certaines zones des Balkans
(Monténégro, Kosovo), dans les pays et territoires d’outre-mer (PTOM).
■ Un réel succès.
Même si le taux de croissance était faible (2 à 2,5 % avant la crise), la création d’emplois
a été plus rapide que dans les autres pays développés. Dans sa communication précitée, la
Commission fait état de 16 millions d’emplois créés en dix ans, le chômage étant retombé
à 7 %, son niveau le plus bas depuis plus de quinze ans.
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■ Éclipsé par la crise
Si la monnaie unique a profité à tous les États de la zone euro, il semble toutefois que les
pays du nord de l’Europe, notamment l’Autriche, la Finlande et l’Allemagne, en aient tiré
plus de bénéfices que les pays du sud (Italie, Portugal, Espagne et Grèce). Si le PIB de
l’Autriche a augmenté de7,8% entre 1999 et 2010, celui de la Grèce n’a progressé que de
0,1 % pour la même période.
Ces chiffres s’expliquent en partie par le fait que la zone euro n’est pas et n’a jamais été
une zone monétaire optimale. Elle se caractérise par l’hétérogénéité des économies de ses
dix-sept membres dont les divergences structurelles et cycliques ne peuvent pas être
corrigées par une politique monétaire qui est unique.
Outre les problèmes liés aux conséquences des divergences structurelles et cycliques des
économies de la zone euro, l’UEM connaissait d’autres difficultés, avant la crise, ou qui
ont été révélées par elle. Le niveau de la dette publique dans la zone euro était trop élevé
dans tous les États et cela même avant la mise en place de l’euro, entraînant des
répercussions encore plus critiques dans les États ayant une économie plus fragile,
notamment la Grèce, le Portugal et l’Irlande.
L’interdépendance des économies et des systèmes bancaires des États de la zone euro n’a
été réellement comprise qu’avec la crise qui a révélé l’effet de contagion que pouvait
engendrer l’existence d’un risque de défaut souverain d’un État de l’UEM. Toutefois, il
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est aujourd’hui clairement acquis que la cause maîtresse de la crise de la zone euro, celle
qui est à l’origine des autres causes, réside dans le déséquilibre entre l’union monétaire et
l’union économique : d’un côté, l’union monétaire qui dispose d’une structure fédérale
efficace, le SEBC chargé de la politique monétaire unique, et de l’autre l’union
économique qui n’est pas du tout réalisée et dans laquelle les États conservent leurs
compétences en matière économique. À la tête de cette union plus monétaire
qu’économique, une banque centrale supranationale, la Banque centrale européenne, gère
seule la politique monétaire, sans le soutien d’un gouvernement économique.
Les coûts et avantages économiques de la monnaie unique ont été mis en évidence en
1990, notamment par le rapport de Michael Emerson, alors directeur à la Commission
européenne qui retient essentiellement :
– la disparition des crises de change: l’élimination des taux de change entre les monnaies
a pour conséquence de stabiliser les marchés financiers et d’éliminer, ainsi, la spéculation
entre monnaies européennes ;
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– le statut de monnaie internationale de l’euro : les États partageant une monnaie unique
ont liés par une solidarité de fait qui contribue à accroître la crédibilité internationale de la
monnaie.
La monnaie unique devait assurer une présence plus efficace de l’Union européenne dans
l’économie mondiale. L’euro devait également permettre un rééquilibrage des forces au
sein du système monétaire international, notamment par rapport au dollar, et constituer
ainsi un facteur de stabilité monétaire internationale. La monnaie unique devait donc
insuffler un grand vent de dynamisme aux agents économiques et aux marchés et
contribuer à promouvoir la croissance et l’emploi en s’appuyant sur la stabilité des prix et
sur des finances publiques saines. La critique essentielle formulée dans le rapport
Emerson résidait dans la difficulté à définir une politique monétaire unique dans une
union d’États caractérisés par leur grande hétérogénéité en termes économiques.
Toutefois, si l’Union européenne a une monnaie, elle n’est pas un État ; elle ne s’est
effectivement pas construite comme les États souverains, mais comme une union d’États
souverains. La construction de l’UEM repose sur l’idée des pères fondateurs selon
laquelle la réalisation de l’union économique devait être considérée comme l’étape
préalable à la construction d’une union politique. Par effet d’entraînement, l’union
monétaire devait faire progresser l’Union européenne vers un niveau plus élevé d’union
politique. Cependant, l’euro n’est pas qu’une simple construction économique, c’est aussi
et avant tout un projet politique, c’est pourquoi l’Europe politique aurait nécessairement
dû être construite avant l’Europe économique. La crise a révélé cette malformation,
d’ailleurs déjà mise en évidence dès 1994 par Jacques Delors, alors président de la
Commission européenne.
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Conclusion
La création d’une monnaie unique offrirait dans les zones monétaires une opportunité
pour résoudre plus efficacement les nombreux problèmes monétaires auxquels elles sont
actuellement confrontées. En effet, dans un contexte où, d’une part, elles connaissent des
problèmes monétaires d’origine extérieure très importants difficile à les résoudre et
d’autre part, les mécanismes de la coopération monétaire internationale ne fonctionnent
que de façon imparfaite, la monnaie unique offre une opportunité de mutualisation des
moyens monétaires, indispensable à la poursuite des objectifs monétaires individuels et
collectifs.
Par ailleurs, la réduction de certains coûts de transaction et l’incertitude portant sur les
variations du taux de change, l’union monétaire est susceptible d’accroître les flux de
commerce entre les pays membres.
Une partie de la littérature suggère que cet effet est important parce qu’il contribue à
renforcer la symétrie des chocs, réduisant ainsi le principal coût de l’union monétaire
relatif à la perte de l’instrument de taux de change : l’union monétaire pourrait être
optimale même si elle ne l’est pas.
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BIBLIOGRAPHIE
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