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COURS L3E MATHÉMATIQUES

UE « GÉOMÉTRIE 2 »

Table des matières


1. Introduction : Géométrie(s) et démonstration 1
1.1. Deux points de vue sur la géométrie affine 1
1.2. Des démonstrations défectueuses en géométrie élémentaire 1
1.3. D’Euclide à Hilbert 5
2. La géométrie de Hilbert 6
2.1. Axiomes d’incidence 6
2.2. L’axiome des parallèles 8
2.3. Axiomes d’ordre 10
2.4. Axiomes de congruence pour les segments 17
2.5. Axiomes de congruence pour les angles 23
2.6. Plans hilbertiens et euclidiens 32
3. Polygones réguliers constructibles à la règle et au compas 38
3.1. Une construction à la règle et au compas du pentagone régulier 39
Références 41

S. Maronne, Département de Mathématiques


Année universitaire 2019-2020.

1
CM L3E GÉOMÉTRIE 2 1

1. Introduction : Géométrie(s) et démonstration


1.1. Deux points de vue sur la géométrie affine. Dans les enseignements secon-
daire et supérieur, on rencontre deux points de vue « opposés » sur la géométrie
affine.

Un espace affine est un ensemble de points, il contient des droites, des plans, et la
géométrie affine discute, par exemple, des relations entre ces points et ces droites
(points alignés, droites parallèles ou concourantes. . . ). Pour définir ces objets et
décrire leurs relations, on peut :
– énoncer une liste d’axiomes, d’incidence principalement, comme « par
deux points passe une droite et une seule ». C’est la voie d’Euclide (et
plus récemment de Hilbert). Même si la démarche et a fortiori les axiomes
eux-mêmes n’y sont pas explicités, c’est cette méthode qui est utilisée ac-
tuellement dans l’enseignement secondaire français ;
– décider que l’essentiel est que deux points déterminent un vecteur et tout
définir à l’aide de l’algèbre linéaire, c’est-à-dire par les axiomes définissant
les espaces vectoriels.
J’ai choisi de développer ici la deuxième méthode, parce qu’elle est plus abstraite
et plus nette, bien sûr, mais surtout parce que je crois qu’il est temps, en licence
de mathématiques, de montrer aux étudiants que l’algèbre linéaire qu’on leur a
enseignée pendant deux ans « sert » à quelque chose ! (Audin, 2006, p. 7)

1.2. Des démonstrations défectueuses en géométrie élémentaire. Dans les dé-


monstrations de la géométrie élémentaire, on peut rencontrer deux sortes de dé-
fauts :
— la démonstration est provisoirement défectueuse parce qu’elle incorpore,
sans le dire, un axiome implicite.
— la démonstration est irréparablement défectueuse parce qu’elle se fonde,
de manière erronée, sur une intuition construite à partir d’un diagramme
incorrect.
Nous allons considérer deux exemples.

Construire un triangle équilatéral. Nous commencerons par examiner la première


[ !] proposition des Éléments d’Euclide 1.

Proposition (Eléments I.1). Sur une droite limitée donnée, construire un triangle
équilatéral.
Construction (Triangle équilatéral). Soit AB la droite limitée donnée. Il faut alors
construire un triangle équilatéral sur la droite AB. Que du centre A et au moyen
de l’intervalle AB soit décrit le cercle BCD (Demande 3), et qu’ensuite du centre
B, et au moyen de l’intervalle BA, soit décrit le cercle ACE (Demande 3), et que
du point C auquel les cercles s’entrecoupent soient jointes les droites CA, CB
jusqu’aux points A, B (Demande 1).


1. Je conserve les notations d’Euclide dans le texte cité.
PROPOSITIONS

1
2 CM L3E GÉOMÉTRIE 2
1
Sur ttne droite limitée donnée} construire un triangle équila-
téral.

D E

Figure 1. La construction du triangle équilatéral

Voici
34.laDans
démonstration
les Eléments,donnée
c'est la par Euclide.
Df. V. 4 qui joue ce rôle. Nous reviendrons dans
notre commentaire au L. V sur ces différentes formulations grecques de l'axiome
Démonstration.
d'Archimède. BCDCette est un cercle
approche de ladecontinuité
centre A par
passant par Bdes
la mesure et C donc AB
segments ne = AC.
fait
ACE est un cercle de centre B passant par A et C donc
d'ailleurs intervenir qu'une infinité dénombrable de points. BA = BC.
et BC
AC 35. V. sont
Dem.égales à AB Pour
2) comm. doncles
ACfigures (transitivité).
= BCfermées, la connexité est une conséquence
de ce
AC qu'il=seBC
= AB limite
doncmême des figures
ABCà vérifie bienconvexes.
la définition d’un triangle équilatéral.
36. V. op') cit. dans Dem. 2, comm., n. 6.

Cette1. démonstration
Le texte grec dit est
« surprovisoirement
la droite limitée défectueuse parce qu’Euclide
donnée». L'habitude postule
française moderne
est d'utiliser l'article indéfini pour souligner la validité universelle
à partir de la figure que les deux cercles se coupent. Pour justifier de la l’existence
proposition. de
l’un (des deux points) d’intersection des deux cercles, on doit s’appuyer sur un
principe de continuité.
Postulat (Principe de continuité). Si une ligne [le cercle ACE] joint un point exté-
rieur [le point E] à une figure [le cercle BCD] à un point intérieur à cette figure
[le point A], cette ligne a au moins un point commun avec la figure.

Remarque 1. On peut rapprocher ce principe de continuité du théorème des valeurs intérmé-


diaires.

Figure 2. Le théorème des valeurs intermédiaires

Exemple (Le plan rationnel). Il est aisé de se rendre compte qu’un tel principe de
continuité ne va pas entièrement de soi. Plaçons-nous ainsi dans le plan cartésien
sur le corps Q des nombres rationnels (i.e. l’ensemble des points de coordonnées
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Figure 3. Deux cercles ne se coupant pas dans le plan rationnel

(x, y) avec x, y ∈ Q) : voir figure 3. On considère en outre un repère orthonormé


−−→ −−→
(A, AB, AD).
Déterminons les coordonnées du sommet C du triangle équilatéral ABC.
Solution. Dans un triangle équilatéral, la médiane et la hauteur CH coïncident.
On a donc AH = 12 . En appliquant le théorème de Pythagore au triangle rectangle
2 2 2 2
AHC, on obtient AH + CH = AB d’où CH = 1 − 14 = 34 . C a donc pour

coordonnées ( 12 , 2
3
). 
Ce point n’existe donc pas [ !] dans le plan cartésien sur le corps Q des nombres
rationnels.
Tous les triangles sont isocèles ! Voici à présent un exemple de raisonnement falla-
cieux 2 ; Où se situe le défaut dans la démonstration ?
Théorème. Tous les triangles sont isocèles.
Démonstration fallacieuse. Soit ABC un triangle. Soit D le milieu de [BC]. Soit E le
point d’intersection de la perpendiculaire à (BC) passant par D et de la bissectrice
̂ Traçons les perpendiculaires [EF ) et [EG) aux côtés du triangle
de l’angle A.
[AB] et [AC].
Les triangles AEF et AEG ont un côté commun et deux angles égaux, ils sont
donc égaux d’après le cas d’égalité ACA (« angle-côté-angle »). On a donc AF =
AG et EF = EG.
Les triangles BCE et CDE ont le côté commun [DE], les côtés [BD] et [DC]
égaux, et les angles en D égaux (car (ED) est perpendiculaire à (BC)), ils sont
donc égaux d’après le cas d’égalité CAC’ (« côté-angle-côté). En particulier, BE =
CE.
Les triangles BEF et CEG sont rectangles et possèdent deux côtés égaux, il sont
donc égaux, d’où BF = CG.
Mais alors, ajoutant des choses égales à des choses égales, on déduit que AB =
AF + F B est égal à AC = AG + GC.
Le triangle ABC est donc isocèle !
2. J’emprunte cet exemple à (Hartshorne, 2000, p. 36-37).
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Figure 4. Tous les triangles sont isocèles ! E à l’intérieur du triangle


Le caractère fallacieux de la démonstration provient du point E.
Réfutation. Si le triangle ABC était isocèle en A, comme D est le milieu de [BC],
alors les triangles ADB et ADC seraient égaux (cas d’égalité CCC « côté-côté-
côté »). Mais alors (AD) serait aussi bissectrice et médiatrice (pourquoi ?), et le
point E n’existerait pas (les droites dont il est le point d’intersection sont confon-
dues). 

Pourtant, toutes les inférences sur les triangles égaux sont correctes[ !] mais la
conclusion est erronée parce que la figure est fausse (voir la figure 5 pour une
figure correcte). En effet :
1) le point E se situe à l’extérieur du triangle [BC], dans le demi-plan inférieur
délimité par la droite (BC) ;
2) les points F et G sont situés, l’un sur le côté du triangle, l’autre à l’extérieur
du côté du triangle. On a donc une somme et une différence de côtés égaux.

Figure 5. Tous les triangles ne sont pas isocèles. . . : fichier geogebra


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Remarque 2. Il ne suffit pas de dire que le point E doit se situer à l’extérieur du triangle. Le
point 2 est essentiel. Pour s’en convaincre, cf. la figure 6 donnée par Hartshorne.

Figure 6. Tous les triangles sont isocèles ! E à l’extérieur du triangle

Remarque 3. Il importe donc d’user avec prudence de notre intuition, y compris en géométrie.
Les deux exemples précédents nous montrent en effet que malgré les mises en garde, il arrive, plus
souvent qu’on ne croit, qu’on fasse appel à des propriétés visuelles constatées sur la figure.
Le remède réside dans une approche axiomatique,intégrant parmi ses axiomes des axiomes
d’ordre qui portent sur les positions relatives des points et des droites. À partir de tels axiomes,
on peut dériver rigoureusement des inférences sans, en principe, aucun recours à la figure. C’est
précisément l’un des objectifs des Fondements de la géométrie de Hilbert.

1.3. D’Euclide à Hilbert. Comme on vient de la voir, certaines démonstrations —


mais aussi, certaines définitions 3 — des Éléments d’Euclide, qui offrent le premier
exemple d’un traité axiomatico-déductif, sont défectueuses.
Une refonte parfaitement rigoureuse de la géométrie euclidienne est proposée
par David Hilbert (1862-1943) en 1899 dans les Fondements de la géométrie.
Comme le résume Hartshorne :

Euclid’s Elements has been regarded for more than two thousand years as the
prime example of the axiomatic method. Starting from a small number of self-
evident truths, called postulates, or common notions, he deduces all the succee-
ding results by purely logical reasoning. Euclid thus begins with the simplest
assumptions, such as Postulate 1, to draw a line through any two given points, or
Postulate 3, to draw a circle with given center and radius. [. . . ]
Upon closer reading, we find that Euclid does not adhere to the strict axiomatic
method as closely as one might hope. Certain steps in certain proofs depend on
assumptions that, however reasonable or intuitively clear they may seem, can-
not be justified on the basis of the stated postulates and common notions. [. . . ]
These lapses in Euclid’s logic lead us to the task of disengaging those implicit
assumptions that are used in his arguments and providing a new set of axioms
from which we can develop geometry according to modern standards of rigor.
The logical foundations of geometry were widely studied in the late nineteenth
century, which led to a set of axioms proposed by Hilbert in his lectures on the
foundations of geometry in 1899. (Hartshorne, 2000, p. 2)

3. Voir les définitions du point (« un point est ce dont il n’y aucune partie ») et de la droite (« une
ligne droite est celle qui est placée de manière égale par rapport aux points qui sont sur elles »).
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2. La géométrie de Hilbert

La Géométrie, de même que l’Arithmétique, n’exige, pour sa construction lo-


gique, qu’un petit nombre de principes fondamentaux simples. Ces principes
fondamentaux. sont dits les axiomes de la Géométrie. L’exposition de ces axiomes
et leur examen approfondi est un problème qui, depuis Euclide, a fait l’objet de
nombreux Mémoires remarquables de la Science mathématique. Ce problème
revient à l’analyse logique de notre intuition de l’espace.
La recherche qui suit est un nouvel essai dont le but est d’établir la Géométrie sur
un système simple et complet d’axiomes indépendants et de déduire de ceux-
ci les principaux théorèmes géométriques, de telle sorte que le rôle des divers
groupes d’axiomes et la portée des conclusions que l’on tire des axiomes indivi-
duels soient mis en pleine lumière autant qu’il est possible.
David Hilbert, Grundlagen der Geometrie (1899) (Hilbert, 1900, p. 5-6)

Les axiomes de Hilbert se divisent en plusieurs groupes. Nous considérerons


dans la suite les trois premiers groupes d’axiomes :
— les axiomes d’incidence (qui décrivent les relations entre points et droites),
avec le fameux postulat des parallèles,
— les axiomes d’ordre (betweenness), qui donnent un sens à la relation « entre »
(un point d’une droite est situé entre deux autres),
— les axiomes de congruence (ou d’égalité) des segments et des angles qui
permettent de parler de longueurs et de perpendicularité (sans introduire
de produit scalaire).
2.1. Axiomes d’incidence. On postule l’existence d’un ensemble, appelé plan,
qu’on note P. Les éléments du plan sont appelés points. Le plan contient des par-
ties remarquables appelées droites.
Remarque 4. On ne dit donc pas, contrairement à Euclide, ce que sont les points, ni les droites,
mais on exige que ces notions indéfinies vérifient certains axiomes. C’est le point de vue axiomatique
moderne qu’on retrouve à l’œuvre, par exemple, lorsqu’on définit la structure de groupe.

Axiome 1. Par deux points distincts du plan passe une droite et une seule.
Axiome 2. Toute droite contient au moins deux points.
Axiome 3. Il existe trois points qui n’appartiennent pas à la même droite.

Remarque 5. L’axiome 1 permet de distinguer les droites des points et l’axiome 3 garantit qu’il
existe deux droites distinctes, i.e. qu’on est en « en dimension 2 ».

Remarque 6. Langage et notations pour les relations entre points et droites


Lorsqu’un point M appartient à une droite D, on dira aussi que M est sur D ou que D passe
par M .
Lorsque D ∩ D = {M }, on dira aussi (en commettant un abus de langage ensembliste) que les

deux droites D et D se coupent ou se rencontrent en M .


Lorsque des points appartiennent à la même droite, on dit qu’ils sont alignés.
La droite définie par les points A et B sera notée (AB).
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Définition 1. Un ensemble P dont les éléments, appelés points, et un ensemble de par-


ties, appelées droites, vérifient les axiomes 1, 2, 3 est appelé géométrie d’incidence.
On va s’intéresser à présent à mettre en évidence quelques exemples de géomé-
tries d’incidence, on parle aussi de modèles.
Exemple 1 (Plan réel cartésien). Le plan réel cartésien (i.e. l’ensemble des couples (x, y)
avec x, y ∈ R) est un modèle de géométrie d’incidence (voir TD). Plus généralement, on
obtient une géométrie d’incidence lorsqu’on remplaçe R par Q ou un corps fini Fp ∶=
Z/pZ, où p est un nombre premier.
Exemple 2 (Géométries finies). Soit {A, B, C}un ensemble à trois éléments. Prenons
pour les droites les sous-ensembles {A, B}, {A, C}, {B, C}. On a un modèle de géométrie
d’incidence qu’on peut représenter par un diagramme de la manière suivante. C’est le
« plus petit » (au sens du cardinal) modèle de géométrie d’incidence.

Figure 7. Géométrie à 3 points

Il existe aussi des modèle de géométrie d’incidence à 4 et 5 points (voir TD) :

Figure 8. Modèles de géométrie à 4 et 5 points

Bien qu’une structure simplement munie de ces trois axiomes apparaisse assez
« pauvre », on peut commencer à dériver des propositions.
Proposition 1. Deux droites distinctes se coupent en au plus un point
Démonstration. C’est une conséquence directe de l’axiome 1. 
Définition 2. On dit que deux droites distinctes sont parallèles lorsqu’elles ne se coupent
pas. On dit en outre que toute droite est parallèle à elle-même.
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Définition 3. Soient G et G deux modèles pour la géométrie d’incidence.

On dit que ϕ est un isomorphisme de géométrie d’incidence entre G et G lorsque
ϕ est une bijection entre les ensembles de points sous-jacents qui transforme les droites en
droites.

Dans ce cas, on dit que G et G sont isomorphes.

Lorsque G = G , on dit que ϕ est un automorphisme de géométrie d’incidence.
Proposition 2. L’ensemble des automorphismes d’une géométrie d’incidence G possède
une structure de groupe pour la loi de composition. C’est un sous-groupe de l’ensemble
des permutations de G.
Démonstration. L’ensemble des automorphismes n’est pas vide car il contient l’iden-
tité. D’autre part, le composé de deux automorphismes et l’inverse d’un automor-
phisme sont des automorphismes. 
Remarque 7. Naturellement, une condition nécessaire pour que deux modèles de géométrie d’in-
cidence soient isomorphes est qu’ils puissent être mis en bijection. Dans le cas des géométries finies,
on peut se poser la question de savoir s’il existe un ou plusieurs modèles de géométrie finie pour un
nombre de points donnés.

Proposition 3. Tous les modèles de géométrie d’incidence à trois points sont isomorphes.
Démonstration. Soit {1, 2, 3} un ensemble à trois points. On déduit des axiomes 2
et 3 que les droites contiennent exactement deux points. D’autre part, l’axiome 1
impose que les droites soient les ensembles {1, 2}, {1, 3}, {2, 3}.
Dans ce cas, n’importe quelle bijection entre {1, 2, 3} et {A, B, C} est un isomor-
phisme pour la géométrie d’incidence : le groupe des automorphismes de la géo-
métrie à 3 points coïncide avec le groupe des permutations S3 . 
2.2. L’axiome des parallèles. On peut à présent considérer l’axiome des paral-
lèles dans la version de Playfair :
Axiome (P). Pour chaque point A et chaque droite D, il existe au plus une droite
passant par A et parallèle à la droite D.
Remarque 8. Si A appartient à D, D est précisément la droite en question.

Exemple 3. Le plan réel cartésien vérifie l’axiome des parallèles. Si l’on considère les mo-
dèles de géométrie finie de l’exemple 2, ceux à 3 et 4 éléments vérifient l’axiome des paral-
lèles (le premier le vérifie trivialement : il n’existe pas de droites parallèles) alors que celui
à 5 éléments ne le vérifie pas.
Un corollaire important de l’axiome des parallèles (en fait les énoncés sont équi-
valents) est le suivant :
Corollaire 1. La relation de parallélisme ∥ est une relation d’équivalence.
Démonstration. Une conséquence évidente de la définition choisie 2 est que la re-
lation ∥ est réflexive et symétrique. Démontrons qu’elle est transitive.
Soient trois droites D, D , D telles que D ∥ D et D ∥ D .
′ ′′ ′ ′ ′′

Le seul cas non évident, qui requiert l’axiome des parallèles, est celui où D ∩ D = ∅

et D ∩ D = ∅.
′ ′′

Dans ce cas, ou bien D ∩ D = ∅, ou bien D ∩ D = {M }, mais alors l’axiome P


′′ ′′

implique D = D .
′′

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Définition 4. Chacune des classes associées à cette relation d’équivalence est appelée une
direction.

Remarque 9. On comprend ainsi que l’axiome des parallèles est un ingrédient nécessaire et fon-
damental pour la géométrie affine.

Remarque 10. Une fois donné un ensemble d’axiomes, on peut se demander si ces axiomes sont
mutuellement indépendants, c’est-à-dire si l’on peut déduire l’un d’entre eux comme conséquence
des autres. En ce cas, il pourrait être en effet omis. Il est souvent difficile de démontrer cela directe-
ment (qu’on pense au postulat des parallèles. . . ). Pour ce faire, il est souvent plus aisé d’exhiber un
modèle dans lequel tous les axiomes sont vérifiés, à l’exception de l’axiome en question.

Proposition 4. Les axiomes 1, 2, 3 et P sont indépendants.


Démonstration. L’axiome 1 est indépendant des autres axiomes : un modèle de géo-
métrie finie à 3 points et sans droite satisfait 2, 3, P mais pas 1.
L’axiome 2 est indépendant des autres axiomes : le modèle de géométrie finie à
3 points auquel on adjoint la droite {A} satisfait 1, 3, P 4 mais pas 2.
L’axiome 3 est indépendant des autres axiomes : un modèle de géométrie finie
à 2 points et une droite satisfait 1, 2, P mais pas 3.
L’axiome P est indépendant des autres axiomes : le modèle de géométrie finie à
5 points de l’exemple 2 satisfait 1, 2, 3 mais pas P. 

Remarque 11. C’est un problème non évident, qui a beaucoup agité les mathématiciens jusqu’au
dix-neuvième siècle, de savoir si le postulat des parallèles peut être déduit des autres 5. On montre
qu’il n’en est rien et qu’il y a des géométries (dites non euclidiennes) dans lesquelles tous les axiomes
sont vérifiés (y compris ceux d’ordre, de congruence, etc.) sauf celui-là.

Remarque 12. Le « cinquième postulat » des Éléments d’Euclide bien plus long et complexe est
proche de celui d’une proposition.
Postulat (V). Et que, si une droite tombant sur deux droites fait les angles intérieurs et
du même côté plus petits que deux droits, les deux droites, indéfiniment prolongées, se
rencontrent du côté où sont les angles plus petits que deux droits.
Une proposition « réciproque » est démontrée par Euclide. On comprend donc mieux la raison
pour laquelle les géomètres ont cherché sans relâche à démontrer le postulat des parallèles.
Proposition (Eléments I.17). Dans tout triangle, deux angles, pris ensemble de quelque fa-
çon que ce soit, sont plus petits que deux droits.

Remarque 13. Voici enfin une liste de quelques-uns des énoncés équivalents au postulat des pa-
rallèles :
– Proclus (412-485) Si une ligne droite coupe une droite, elle coupe toute parallèle à
cette droite.
– Eléments I.29 Si deux droites sont parallèles, toute sécante produit avec ces deux
droites des angles alternes-internes égaux.
4. {A} est l’unique droite passant par A et parallèle à {B, C}.
5. Sur le cinquième postulat et la géométrie non-euclidienne, pour une présentation historique
et mathématique plus détaillées, on peut consulter (Euclide, 1990-2001, I, p. 300-310) et (Hart-
shorne, 2000, Ch. 7, p. 295-433).
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Figure 9. Le cinquième postulat des Éléments d’Euclide

Figure 10. Égalité des angles alternes-internes et postulat des parallèles

– Eléments I.32 La somme des angles d’un triangle est égale à deux droits.
– Clairaut (1713-1765) Si dans un quadrilatère, trois angles sont des angles droits, le
quatrième est un angle droit.

2.3. Axiomes d’ordre.


Remarque 14. Les axiomes d’ordre ont pour objectif de définir puis de démontrer de manière
rigoureuse tous les énoncés correspondant aux relations du type « être sur une même droite placé
entre deux points » (c’est la notion de segment), « être d’un même côté ou de part et d’autre d’une
droite » (c’est la notion de demi-plan), « être à l’intérieur ou à l’extérieur d’une figure », ainsi que
les relations d’ordre sur les segments et les angles.
Nous avons vu que lorsque de telles relations entre en jeu dans une démonstration géométrique,
l’appel naturel à notre intuition peut conduire à des absurdités 6. L’objectif de Hilbert est de dériver
de manière uniquement logique sur la base des axiomes d’ordre toutes ces propriétés sans aucun
recours à la figure.
On postule une relation entre trois points A, B, C :
‘B est entre A et C’, qu’on note A ∗ B ∗ C
qui vérifie les quatre axiomes suivants :
Axiome 4. Si A ∗ B ∗ C, alors A, B, C sont trois points distincts alignés et C ∗ B ∗ A.
Axiome 5. Étant donnés deux points A et B, il existe un point C tel que A ∗ B ∗ C.
6. Voir supra le raisonnement fallacieux de Rouse-Ball, p. 3.
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Axiome 6. Étant donnés trois points d’une droite, un et un seul d’entre eux est entre les
deux autres.
Axiome 7 (Pasch). Soient A, B et C trois points non alignés et ∆ une droite qui ne
contient aucun de ces points. Si ∆ contient un point D entre A et B, alors soit elle contient
un point entre A et C, soit elle contient un point entre B et C.

Figure 11. L’axiome de Pasch

Remarque 15. Autrement dit, une droite qui entre dans un triangle par un côté sans passer par
un sommet doit nécessairement en ressortir par un seul autre côté.

Définition 5. On appelle segment d’extrémités A et B et on écrit [AB] l’ensemble formé


des points A et B et des points (de la droite (AB)) situés entre A et B.
Définition 6. Le triangle noté ABC est la réunion de trois segments [BC], [CA], [AB]
où A, B, C sont trois points non alignés.
Les points A, B, C sont appelés les sommets du triangle.
Les segments [AB], [AC], [BC] sont appelés les côtés du triangle.

Remarque 16. Unicité des éléments caractéristiques d’un segment et d’un triangle
Les segments [AB] et [BA] sont les mêmes ensembles d’après l’axiome 4.
Les extrémités A et B sont déterminées de manière unique par le segment [AB] (voir TD,
exercice 17).
Les sommets A, B, C et les côtés [AB], [AC], [BC] d’un triangle sont déterminés de
manière unique par le triangle ABC.
La relation « entre » permet en outre de définir les notions de demi-droite et de
demi-plan.
Proposition 5 (séparation du plan par une droite). Soit D une droite. Alors l’ensemble
des points qui ne sont pas sur D peut être divisé en deux sous-ensembles non vides disjoints
P1 et P2 tels que :
1) Deux points A et B qui ne sont pas sur la droite D sont dans le même ensemble
(P1 ou P2 ) si, et seulement si, le segment [AB] ne rencontre pas la droite D.
2) Deux points A et C qui ne sont pas sur la droite D appartiennent l’un à P1 , l’autre
à P2 , si, et seulement si, le segment [AC] rencontre la droite D en un point.

Démonstration.
12 CM L3E GÉOMÉTRIE 2

Figure 12. Séparation du plan par une droite en deux demi-plans

Remarque 17. La clef de la démonstration consiste à introduire une relation binaire ∼ entre deux
points appartenant au plan P privé de la droite D et à montrer que cette relation est une relation
d’équivalence.
Définition. Soient A et B deux points qui n’appartiennent pas à la droite D. On dit
que A ∼ B lorsque, ou bien A = B, ou bien le segment [AB] ne rencontre pas D.
Lemme. La relation ∼ est une relation d’équivalence.
Démonstration. Il est clair que cette relation est réflexive (par définition) et symé-
trique car l’ensemble [AB] ne dépend pas de l’ordre d’écriture de A et B (cf. l’axiome 5).
Il nous reste donc à montrer que la relation ∼ est transitive, i.e. que si A ∼ B et
B ∼ C, alors A ∼ C.
Cas 1 : supposons que A, B, C ne sont pas alignés.

On peut alors considérer le triangle ABC :


— Comme A ∼ B, D ne rencontre pas [AB] ;
— Comme B ∼ C, D ne rencontre pas [BC] ;
— D ne passe pas par A, B, C ;
— Mais alors, d’après l’axiome 7 de Pasch, D ne rencontre pas [AC] et A ∼ C.
Cas 2 : Supposons que A, B, C sont alignés sur une droite ∆.
1) Construction de points auxiliaires D et E
Comme A, B et C n’appartiennent pas à D, les droites D et ∆ sont dis-
tinctes et elles se rencontrent en au plus un point.
D’après l’axiome 2, toute droite ayant au moins deux points, il existe un
point D sur D qui n’appartient pas à ∆.
D’après l’axiome 5, il existe un point E tel que D ∗ A ∗ E et D, A, E sont
alignés (axiome 4).
CM L3E GÉOMÉTRIE 2 13

2) A et E sont équivalents : A ∼ E
D’une part, E n’appartient pas à D, car A n’appartient pas à D, et la droite
passant par D, A, E rencontre déjà la droite D en D.
D’autre part, le segment [AE] ne rencontre pas D. Si tel était le cas, ce se-
rait nécessairement au point D. Mais alors, A∗D∗E, et nous avons construit
D tel que D ∗ A ∗ E. Or c’est impossible d’après l’axiome 6.
On déduit finalement que A ∼ E.
3) A, B et E sont non alignés
E n’appartient pas à la droite ∆ car alors les droites (AE) et ∆ coïncide-
raient et D appartiendrait à ∆, ce qui contredit notre hypothèse initiale.
Les trois points A, B et E sont donc non alignés.
4) Réduction au premier cas
On peut donc se ramener au cas 1 :
— E ∼ A et A ∼ B implique E ∼ B,
— E ∼ B et B ∼ C implique E ∼ C,
— A ∼ E et E ∼ C implique A ∼ C.
On obtient finalement A ∼ C.

La relation d’équivalence ∼ divise le plan privé de D en une réunion disjointe
de classes d’équivalence qui vérifient la propriété 1 énoncée dans la proposition 5.
Pour conclure la démonstration, il suffit de montrer qu’il existe deux classes
d’équivalence pour la relation ∼.
Alors, dire que [AC] rencontre D, ce qui est équivalent à dire que A ≁ C, sera
équivalent à dire que A et C appartiennent respectivement aux demi-plans oppo-
sés P1 et P2 .
Il existe au moins deux classes d’équivalence.
D’après l’axiome 3, il existe un point qui n’appartient pas à D, donc il y a au
moins une classe d’équivalence P1 .
Soit A ∈ P1 et D ∈ D.
D’après l’axiome 5, il existe un point C tel que A ∗ D ∗ C. Donc A ≁ C et il existe
au moins deux classes d’équivalence.
Il existe au plus deux classes d’équivalence.
Nous allons montrer que si A ≁ C et B ≁ C, alors A ∼ B.
Cas 1 : supposons que A, B, C ne sont pas alignés.
On peut alors considérer le triangle ABC :
14 CM L3E GÉOMÉTRIE 2

— comme A ≁ C, D rencontre [AC] ;


— comme B ≁ C, D rencontre [BC] ;
— D ne passe pas par A, B, C ;
— mais alors, d’après l’axiome 7 de Pasch, D ne rencontre pas [AB] et A ∼ B.
Cas 2 : Supposons que A, B, C sont alignés sur une droite ∆.

Il existe un point D sur D qui n’appartient pas à ∆ . . .


Il existe un point E tel que D ∗ A ∗ E et A ∼ E . . .
Mais alors, A ≁ C et A ∼ E implique C ≁ E (d’après la transitivité).
Les trois points B, C, E sont non alignés. On peut donc se ramener au cas 1 :
— C ≁ E et B ≁ C implique E ∼ B,
— A ∼ E et E ∼ B implique A ∼ B par transitivité.
Ce qui conclut la démonstration ! 
Définition 7. Sous les hypothèses de la proposition 5 :
— on dit que les points A et B sont situés du même côté de la droite D et que les
points A et C sont situés de de part et d’autre de la droite D.
— on appelle demi-plan ouvert délimité par la droite D qui contient A l’ensemble des
points B du même côté de D que A.

Remarque 18. La notion de segment permet en outre de définir, de façon élémentaire, la notion de
convexité.

Définition 8. Une partie F de P est dite convexe lorsque, si elle contient deux points A
et B, alors elle contient tout le segment [AB].
Exemple 4. Une droite, un demi-plan sont des parties convexes du plan par définition.
CM L3E GÉOMÉTRIE 2 15

Exemple 5. L’intérieur d’un triangle (qui est non vide : voir exercice 18) est convexe : en
effet, c’est l’intersection des trois demi-plans limités par les droites (BC), (CA), (AB) et
contenant respectivement A, B, C.

Remarque 19. La séparation d’une droite par un point en deux demi-droites disjointes est un
simple corollaire de la séparation du plan par une droite en deux demi-plans disjoints.

Corollaire 2. Soit A un point sur une droite D. Alors l’ensemble des points de D distincts
de A peut être divisé en deux sous-ensembles non vides disjoints D1 et D2 tels que :
1) Deux points B et C sont dans un même ensemble (D1 ou D2 ) si, et seulement si,
A n’appartient pas au segment [BC].
2) Deux points B et D appartiennent l’un à D1 , l’autre à D2 si, et seulement si, A
appartient au segment [BD].

Figure 13. Séparation d’une droite par un point en deux demi-droites

Démonstration. Soient la droite D et A un point sur cette droite.


D’après l’axiome 3, il existe un point E qui n’appartient pas à D.

Soit ∆ la droite qui contient A et E (axiome 1).


D’après la proposition 5, la droite ∆ détermine deux demi-plans disjoints P1 et
P2 .
On obtiendra le résultat en posant Di = Pi ∩ D à condition de vérifier que D1 et
D2 sont non vides.
D’après l’axiome 2, il existe un point B de D distinct de A.
D’après l’axiome 5, il existe un point D tel que B ∗ A ∗ D. Alors D sera de l’autre
côté de B par rapport à A.
On en déduit finalement que D1 et D2 sont non vides. 
Définition 9. Sous les hypothèses du corollaire 2 :
— on dit que les points B et C (resp.B et D) sont situés du même côté (resp. de part
et d’autre) du point A sur la droite D ;
— on appelle demi-droite d’origine A qui contient B et on écrit [AB) l’ensemble
formé de A et des points C de la droite (AB) qui sont situés du même côté que B.
16 CM L3E GÉOMÉTRIE 2

Définition 10. Soient [OA) et [OB) deux demi-droites de même origine O et telles que
les points O, A et B sont non alignés.
On appelle angle déterminé par les deux demi-droites [OA) et [OB) et on écrit
̂
OAB la réunion des deux demi-droites [OA) ∪ [OB).
Le point O est appelé le sommet de l’angle.
̂ est l’intersection du demi-plan délimité par la droite (OA)
L’intérieur de l’angle OAB
qui contient B et du demi-plan délimité par la droite (OB) qui contient A.

Remarque 20. Avec une telle définition, il n’existe pas d’angle nul ou d’angle plat.

Remarque 21. On peut déduire de l’axiome 7 de Pasch et de la proposition 5 le théorème fonda-


mental suivant appelé théorème de la transversale.
Ce théorème « prolonge » le théorème de Pasch au cas où la droite passe par un des sommets du
triangle.
Il permet, par exemple, d’établir que la bissectrice d’un triangle coupe effectivement le côté op-
posé.

Proposition 6 (Théorème de la transversale). Soient BAC ̂ un angle et D un point à


l’intérieur de cet angle. Alors la demi-droite [AD) rencontre le segment [BC].

Figure 14. Le théorème de la transversale

Démonstration. Voir TD, exercice 19. 


Exemple 6 (Les axiomes d’ordre dans le plan réel cartésien). Les axiomes d’ordre
sont vérifiés dans le plan réel cartésien pour la relation ‘entre’ suivante.
Définition. Soient A = (a1 , a2 ), B = (b1 , b2 ), C = (c1 , c2 ) trois points du plan réel
2
cartésien R . On dit que ‘B est entre A et C’ et on écrit A ∗ B ∗ C, lorsque A, B et
C sont alignés et
ou bien (a1 , b1 , c1 sont rangés dans le même ordre),
ou bien (a2 , b2 , c2 sont rangés dans le même ordre).
où ‘(a1 , b1 , c1 sont rangés dans le même ordre)’ signifie (a1 < b1 < c1 ou c1 < b1 <
a1 ).

Remarque 22. Seule la démonstration de l’axiome de Pasch est non évidente : cf. (Hartshorne,
2000, p. 79).
2
Placer} en un point donné) une droite égale à une droite
donnée.

Soit d'une part A le pOlnt donné, d'autre part BC, la


CM L3E GÉOMÉTRIE 2 17
droite donnée.
Il faut alors placer au point A une droite égale à la droite don-
née BC.

L
E

Figure 15. Transport


En effet, que soitdeJOlnte
segments : la proposition
la droite I.2 desAÉléments
AB, du point jusqu'au
point B (Dem. 1), et que, sur elle, soit construit le triangle équila-
2.4. Axiomes de congruence pour les segments. On postule une relation binaire
téral DAB (Prop. 1). Et que les droites AE, BF soient les prolonge-
de congruence qu’on note ≅ entre deux segments 7 qui vérifie les trois axiomes
suivants :
Axiome 8 (Transport). Soient un segment [AB] et une demi-droite [Cx). Il existe un
unique point D ∈ [Cx) tel que AB ≅ CD.
Il. V. not. « Usage scolaire », 3.
Axiome 9 (Relation d’équivalence). Soient [AB], [CD], [EF ] trois segments.Si AB ≅
CD et AB ≅ EF , alors CD ≅ EF . Tout segment est congruent à lui-même.
Axiome 10 (Addition). Soient trois points A, B, C (alignés) tels que A ∗ B ∗ C et trois
autres points D, E, F (alignés) tels que D ∗ E ∗ F .
Si AB ≅ DE et BC ≅ EF , alors AC ≅ DF .

Remarque 23. Hilbert n’utilise pas les constructions à la règle et au compas.


L’axiome 8 peut être vu comme un instrument « transporteur de segments ». Il correspond à la
proposition I.2 des Éléments d’Euclide et à notre usage du compas.
L’axiome 9 correspond à la quatrième notion commune d’Euclide selon laquelle « des choses
égales à une même troisième sont égales entre elles ».

Problème 1 (Éléments I.2 : transport de segments). Le point A et le segment [BC]


étant donnés, il s’agit de construire, à la règle et au compas, sans soulever le compas, L
tel que AL = BC.
Construction. Voici la construction donnée par Euclide :
1) Tracer la droite (AB) (Postulat 1) ;
2) Construire le triangle équilatéral DAB (Proposition 1) ;
3) Tracer le cercle C de centre B passant par C : il coupe (DB) en G (Postulat 2) ;
4) Tracer le cercle C de centre D passant par G : il coupe (DA) en L (Postulat 2).

L est le point cherché.


Démonstration. C est un cercle de centre B passant par C et G donc BC = BG.
C est un cercle de centre D passant par G et L donc DL = DG.

ABD est un triangle équilatéral donc DA = DB.


7. Pour ne pas alourdir les notations, on écrira néanmoins, par abus de langage, à partir de
maintenant AB ≅ CD et non [AB] ≅ [CD].
18 CM L3E GÉOMÉTRIE 2

On déduit d’après la Notion commune 3 que les parties restantes sont égales
AL = BG puis, d’après la Notion commune 1, que AL = BC. 
Proposition 7. La relation ≅ pour les segments est une relation d’équivalence.
Démonstration. — Réflexivité : immédiat d’après l’axiome 9.
— Symétrie : Supposons qu’on a AB ≅ CD. On a AB ≅ AB par réflexivité, et
on conclut de l’axiome 9 que CD ≅ AB.
— Transitivité : Si AB ≅ CD et CD ≅ EF , alors par symétrie, on a aussi
CD ≅ AB et on conclut de l’axiome 9 que AB ≅ EF .


Remarque 24. La formulation de l’axiome 9 permet d’inclure de façon ingénieuse la symétrie et


la transitivité dans un même énoncé.

Exemple 7 (Les axiomes de congruence dans le plan réel cartésien).


Définition. Soient [AB] et [CD] deux segments où A = (a1 , a2 ), B = (b1 , b2 ),
C = (c1 , c2 ), D = (d1 , d2 ).
On dit que AB ≅ CD lorsque d(A, B) = d(C, D) où

d(A, B) = (a1 − b1 )2 + (a2 − b2 )2
est la distance euclidienne usuelle.
Proposition. Muni de cette relation de congruence, le plan réel cartésien vérifie les
axiomes de congruence pour les segments.
Démonstration. La vérification de l’axiome 9 est immédiate.

Figure 16. La situation générique

L’axiome de transport.
Soient C = (c1 , c2 ) un point et une droite D qui contient C.
On suppose 8 que D a pour équation y = mx + p, m > 0.
On se place sur la demi-droite [Cx).
Chaque point D de la demi-droite [Cx) distinct de D a pour coordonnées (c1 +
h, c2 + mh) où h > 0.
On a √ √
d(C, D) = h2 + m2 h2 = h 1 + m2 .
8. Les autres cas sont semblables.
CM L3E GÉOMÉTRIE 2 19

Soit [AB] un segment : posons d = d(A, B). On cherche donc un point D qui
vérifie √
h 1 + m2 = d.
Cette équation admet une solution réelle unique en h, ce qui permet de démontrer
l’axiome 8 de transport.
L’axiome de « transitivité ».
Il suffit de démontrer que si A ∗ B ∗ C, alors
d(A, B) + d(B, C) = d(A, C).
Supposons que
D ∶ y = mx + p, m > 0 et A = (a1 , a2 ),
alors il existe h, k > 0 tels que
B = (a1 + h, a2 + mh) et C = (a1 + h + k, a2 + m(h + k)).

Mais alors on a :

d(A, B) =h 1 + m2

d(B, C) =k 1 + m2

d(A, C) =(h + k) 1 + m2 .
ce qui permet de vérifier l’axiome 10 de transitivité. 
Le cercle.
On se place à présent dans un plan P qui vérifie les axiomes d’incidence, d’ordre
et de congruence pour les segments.
On peut à présent définir les cercles et établir certaines de leurs propriétés à
partir des axiomes 9.
Définition 11. Soient O et A deux points du plan P.
On appelle cercle de centre O et de rayon OA l’ensemble Γ de tous les points B du plan
P tels que OA ≅ OB.
Proposition 8. Soient O et A deux points du plan et Γ un cercle de centre O et de rayon
OA.
Alors toute droite passant par le point O coupe le cercle Γ en exactement deux points B
et C tels que B ∗ O ∗ C.
9. Celles-ci seront démontrées en TD.
20 CM L3E GÉOMÉTRIE 2

Remarque 25. En revanche, le fait qu’une droite quelconque rencontre un cercle en au plus deux
points ne découle pas de ces seuls axiomes (voir TD).

Corollaire 3. Un cercle contient une infinité de points.


′ ′
Proposition 9. Soient Γ un cercle de centre O et de rayon OA, Γ un cercle de centre O
′ ′ ′
et de rayon O A . On suppose que Γ = Γ (au sens ensembliste).

Alors O = O : autrement dit, le centre d’un cercle est déterminé de manière unique.
Addition de segments.
Soient [AB] et [CD] deux segments. On se donne un ordre pour les extrémités
A et B.
On considère la demi-droite [Bx) qui ne contient pas A. D’après l’axiome 8, il
existe un unique point E sur [Bx) tel que CD ≅ BE.

Figure 17. Somme de deux segments

Définition 12. Le segment [AE] est appelé somme des segments [AB] et [CD] et on
écrit
AE = AB + CD.

Remarque 26. Cette somme dépend a priori de l’ordre choisi pour les extrémités A et B.

Proposition 10 (Addition de segments). Soient [AB], [A B ], [CD], [C D ] des seg-


′ ′ ′ ′
′ ′ ′ ′
ments tels que AB ≅ A B et CD ≅ C D . Alors on a
′ ′ ′ ′
AB + CD ≅ A B + C D .

Figure 18. Congruence et addition de segments

Démonstration. Soit E le point sur la demi-droite [B x) qui ne contient pas A tel


′ ′ ′

que A E = A B + C D .
′ ′ ′ ′ ′ ′

Par construction, on a A ∗ B ∗ E et A ∗ B ∗ E .
′ ′ ′

Par l’axiome 9, CD ≅ BE, CD ≅ C D et C D ≅ B E implique BE ≅ B E .


′ ′ ′ ′ ′ ′ ′ ′

Il ne reste plus qu’à appliquer l’axiome 10 pour conclure. 


Corollaire 4. L’addition est bien définie sur les classes de congruence de segments.
CM L3E GÉOMÉTRIE 2 21

Remarque 27. Puisque [AB] = [BA], il s’ensuit que la somme de deux segments ne dépend pas
de l’ordre choisi pour les extrémités, à congruence près.

Remarque 28. On peut montrer que l’addition ainsi définie sur les classes de congruence est
associative et commutative mais elle ne possède pas d’élément neutre. . .

Soustraction de segments.

Proposition 11 (Soustraction de segments). Soient trois points A, B, C sur une droite


tels que A ∗ B ∗ C, E et F deux points sur une demi-droite [Dx), tels que AB ≅ DE et
AC ≅ DF . Alors on a
D ∗ E ∗ F et BC ≅ EF.

Figure 19. Différence de deux segments

Démonstration. Soit F l’unique point sur la demi-droite [Ex) qui ne contient pas

D tel que BC ≅ EF .

Alors AB ≅ DE et BC ≅ EF implique par l’axiome 10 que AC ≅ DF .


′ ′

AC ≅ DF (hypothèse) et AC ≅ DF implique par l’axiome 9 que DF ≅ DF .


′ ′

Montrons que F et F sont sur la même demi-droite [Dx) pour en déduire, en


utilisant l’unicité de l’axiome 8, que F = F . Sinon, on aurait F ∗ D ∗ F et comme


′ ′

par hypothèse D ∗ E ∗ F , on en déduirait que E et F sont de part et d’autre de


D. Contradiction ! 
Corollaire 5. La soustraction est bien définie sur les classes de congruence de segments.
Définition 13. BC est appelée la différence de AC et AB et on écrit
BC = AC − AB.

Remarque 29. Si A ∗ B ∗ C, alors AB ne peut pas être congruent à AC d’après la propriété


d’unicité de l’axiome 8 qui implique B = C car B et C appartiennent à la même demi-droite issue
de A. Cette propriété joue donc le même rôle que la notion commune des Éléments : « le tout est
plus grand que la partie. »
22 CM L3E GÉOMÉTRIE 2

Figure 20. Comparaison de segments

Comparaison de segments.
Définition 14. Soient [AB] et [CD] deux segments donnés.
On dit que AB est plus petit que CD, et on écrira AB < CD, lorsqu’il existe un point
E entre C et D tel que AB ≅ CE.
On dit aussi que CD est plus grand que AB et on écrit CD > AB.

Remarque 30. Nous allons voir que la relation « être plus petit que » est compatible avec la rela-
tion de congruence, ce qui permet de définir une relation d’ordre sur les classes de congruence de
segments.
′ ′ ′ ′
Proposition 12. 1) Soient AB ≅ A B et CD ≅ C D . Alors
′ ′ ′ ′
AB < CD ⟺ A B < C D .
2) La relation < définit une relation d’ordre total sur les segments, à congruence près,
au sens suivant :
a) Si AB < CD et CD < EF , alors AB < EF (transitivité) ;
b) Soient AB, CD deux segments. Alors une et une seule des conditions suivantes
est vérifiée (ordre total) :
AB < CD, AB ≅ CD, AB > CD.
Démonstration de 1.

Figure 21. Comparaison de segments : démonstration de 1

Supposons que AB < CD. Il existe donc un point E tel que C ∗ E ∗ D et


AB ≅ CE.
Soit E l’unique point sur la demi-droite [C D ) tel que CE ≅ C E .
′ ′ ′ ′ ′

Comme AB ≅ A B , par transitivité, on déduit A B ≅ C E .


′ ′ ′ ′ ′ ′

D’autre part, CE ≅ C E , C ∗ E ∗ D et CD ≅ C D impliquent d’après la proposi-


′ ′ ′ ′

tion 11, C ∗ E ∗ D.
′ ′

On en déduit A B < C D .
′ ′ ′ ′

La réciproque est identique. 


CM L3E GÉOMÉTRIE 2 23

Démonstration de 2 (transitivité et ordre total).

Figure 22. Comparaison de segments : démonstration de 2 (transitivité)

Supposons que AB < CD et CD < EF . Par définition, il existe X ∈ [CD] et


Y ∈ [EF ] tels que :

AB ≅ CX et CD ≅ EY.

Soit Z ∈ [EF ) tel que CX ≅ EZ.

CX ≅ EZ, CD ≅ EY (hypothèse) et C ∗X ∗D impliquent d’après la proposition


11 que E ∗ Z ∗ Y . Par transitivité, on déduit AB ≅ EZ.
Alors, comme on a également E ∗ Y ∗ F , on obtient E ∗ Z ∗ F (Pourquoi ?) 10.
On déduit finalement AB < EF .

Soient AB et CD, et E l’unique point sur la demi-droite [CD) tel que AB ≅ CE.
On a soit E = D, soit C ∗ E ∗ D, soit C ∗ D ∗ E.
En effet, on ne peut pas avoir D ∗ C ∗ E car D et E sont du même côté de C.
Ces conditions sont équivalentes à respectivement : AB ≅ CD, AB < CD ou
AB > CD. 

2.5. Axiomes de congruence pour les angles. Il faut tout d’abord souligner que la
notion d’angle est une notion difficile car, d’une part, on peut définir, de différentes
manières, un angle, d’autre part, on confond souvent, par abus de langage, l’angle
et la mesure de l’angle. Voici ce qu’écrit Gustave Choquet :

10. On déduit de la proposition 2 que (E ∗ F ∗ Z ou E ∗ Z ∗ F ) et Z ∗ Y ∗ F . Mais E ∗ F ∗ Z et


Z ∗ Y ∗ F impliquent E ∗ F ∗ Y . Contradiction ! On a donc nécessairement E ∗ Z ∗ F .
24 CM L3E GÉOMÉTRIE 2

La notion d’angle est sans doute celle qui soulève le plus de discussions et de
difficultés dans l’enseignement de la géométrie.
Les difficultés sont dues, en partie à une terminologie mal précisée, en partie à
un mélange confus de plusieurs notions mathématiques, et aussi à la véritable
difficulté mathématique de cette question.
Une première confusion vient de ce qu’on utilise le même mot : « angle », pour
désigner des concepts plus ou moins liés, mais néanmoins distincts : Secteur plan,
couple de demi-droites, mesure, etc.
La définition la moins élaborée est la suivante : Un angle de sommet O, — ou sec-
teur plan —, est l’intersection de deux demi-plans fermés dont les droites fron-
tières sont distinctes et passent par O.
Cette définition est bien adaptée au dessin, au découpage, à la mesure au moyen
d’un rapporteur, en un mot à la géométrie « intuitive » jusqu’à l’âge de 12 à 13
ans. Elle conduit à des difficultés dès qu’on veut ajouter plusieurs angles assez
grands ; on donne alors trop souvent des explications et des définitions confuses
au moyen d’angles en spirale (plus grands que 360°), qui obscurcissent la ques-
tion et font considérer la notion d’angle comme un traquenard.
On évite certaines de ces difficultés en allégeant l’angle : Ce ne sera plus une par-
tie du plan, mais un couple ordonné de demi-droites de même origine. Toutefois
des difficultés subsistent lorsqu’on veut ajouter deux angles ; pour les surmonter,
on est conduit à introduire d’abord une relation d’équivalence dans l’ensemble
des couples de demi-droites, et à définir l’addition sur l’ensemble quotient asso-
cié à cette relation. Ce procédé est tout à fait correct, mais assez lourd.
Pour éviter ces lourdeurs, quelques auteurs ont postulé l’existence d’une « me-
sure » sur l’ensemble des couples ordonnés de demi-droites (non opposées), et
l’additivité de cette mesure pour les « petits angles ». Sous une apparence de ri-
gueur, une telle axiomatique est finalement néfaste parce qu’elle dissimule les
différences essentielles entre le groupe des angles et le groupe additif R, par
exemple le fait que, dans le premier, la relation θ + θ = 0 n’entraîne pas θ = 0 ;
d’autre part elle est peu maniable, même au début de la géométrie élémentaire
puisqu’elle ne permet pas l’itération de l’opération très simple de doublage :
θ ⟶ 2 θ.
Dans toute définition correcte, les angles sont des êtres assez abstraits ; le pro-
blème, dans l’enseignement, est de rendre accessible cette abstraction, et d’adop-
ter une définition dont tous les termes soient intuitifs. (Choquet, 1964, p. 96-97)

La mesure des angles. Précisons à présent ce qu’il faut entendre par mesure des
angles.
Considérons le secteur angulaire saillant 11 AOB̂ et le cercle trigonométrique C
de centre O et de rayon 1 (une unité de longueur ayant été choisie). La longueur
de ce cercle est 2π ou, plutôt, c’est la définition du nombre π.
Définition 15. On appelle mesure en radians de l’angle (ou du secteur angulaire) AOB ̂
̑
la longueur θ de l’arc de cercle correspondant A′ ′
B.

On utilise aussi comme unité de mesure d’angle le degré avec la relation 180 = π radians.
Remarque 31. Un radian est donc la mesure d’un angle qui découpe sur le cercle unité un arc de
longueur 1.
11. Le secteur angulaire saillant, qui est une partie convexe du plan, correspond à l’intérieur de
̂
l’angle pendant que le secteur angulaire rentrant correspond à l’« extérieur » de l’angle AOB.
CM L3E GÉOMÉTRIE 2 25

̂
Figure 23. La mesure θ de l’angle AOB

Remarque 32. On s’autorisera à confondre angle et mesure d’angles et l’on ne précisera pas tou-
jours l’unité de mesure choisie. On pourra écrire par exemple
π
̂ =
AOB
3
qui est doublement incorrect (pourquoi ?).

Quelques théorèmes classiques sur les angles. Avant d’énoncer les axiomes de congru-
ence pour les angles, nous allons tout d’abord rappeler, et démontrer, quelques
théorèmes classiques de géométrie élémentaire sur les angles en utilisant les outils
classiques à notre disposition des cas d’égalité des triangles.
Théorème 1 (angle droit et demi-cercle). 1) Soit Γ un cercle de diamètre [BC] et
soit A un point de Γ distinct de B et C. Alors le triangle ABC est rectangle en A.
2) Réciproquement, si ABC est rectangle en A et si O est le milieu de [BC] on a
OA = OB = OC, de sorte que A est sur le cercle de diamètre [BC].

Figure 24. angle droit et demi-cercle


26 CM L3E GÉOMÉTRIE 2

Démonstration de 1. Soit O le centre de Γ. Les points A, B et C appartiennent au


cercle, on a donc OA = OB = OC et les triangles OAB et OAC sont donc isocèles
en O.
̂ = α et A
Posons ABO ̂ CO = β. Les angles à la base d’un triangle isocèle sont
̂ = α + β. La somme des angles du triangle ABC vaut π,
égaux, on en déduit BAC
on obtient donc :
̂ = α + β = π.
2α + 2β = π d’où BAC 
2

Démonstration de 2. Soit M le milieu de [AC]. La droite (OM ) est parallèle à (AB)


d’après le théorème de la droite des milieux.
Comme le triangle ABC est rectangle en A, elle est donc perpendiculaire à (AC).
C’est donc la médiatrice de [AC] et le triangle OAC est isocèle en O d’où OA =
OC = OB. 
Théorème 2 (angle au centre). Soient Γ un cercle de centre O, B et C deux points
distincts de Γ. On suppose B, O, C non alignés. Soit A un point de Γ situé dans le demi-
plan limité (ouvert) par (BC) qui contient O. On a l’égalité d’angles :
̂ = 2BAC.
BOC ̂

Figure 25. Angle au centre

Démonstration. Il y a deux cas de figure selon que O est à l’intérieur ou à l’extérieur


du triangle ABC. Nous traitons le premier cas.
Soit M le point diamétralement opposé à A.
Les triangles OAB et OAC sont isocèles en O. On a donc :
̂ = 2 BAO
BOM ̂ et M
̂ ̂
OC = 2O AC.
On obtient le résultat souhaité en additionnant. 
Corollaire 6 (Angle inscrit). Soit Γ un cercle et soient A, B, C, D quatre points distincts
de Γ.
̂ = ADB.
— Si C et D sont dans le même demi-plan limité par (AB) on a ACB ̂
̂ = π − ADB.
— Si C et D sont dans deux demi-plans différents limités par (AB) on a ACB ̂
CM L3E GÉOMÉTRIE 2 27

Figure 26. Angle inscrit

Démonstration. La première assertion provient du théorème précédent.


Pour démontrer la seconde assertion, considérons le point D diamétralement

opposé à D. Les deux triangles ADD et BDD sont donc rectangles. D’après le
′ ′

théorème sur la somme des angles d’un triangle, on obtient ADB ̂


̂ + AD ′
B = π. 
Corollaire 7 (Cocyclicité). Réciproquement, soient A, B, C, D quatre points du plan tels
que trois d’entre eux ne soient pas alignés.
̂ = ADB
Si A, B, C, D vérifient ACB ̂ avec C et D du même côté de (AB) ou ACB ̂ =
̂ avec C et D de part et d’autre de (AB), alors les quatre points sont cocycliques.
π− ADB

Figure 27. Cocyclicité de quatre points

Démonstration. Nous traitons le premier cas. Soit Γ le cercle circonscrit au triangle


ABC. Supposons que D n’appartient pas à Γ. La demi-droite [AD) coupe Γ en D
′′

qui vérifie d’après le corollaire 6 et l’hypothèse


̂
AD ′′ ̂ = ADB.
B = ACB ̂
Mais alors
ADB ̂
̂ = AD ′′ ̂′′ + DD
B et BDD ̂ ′′
B=π
28 CM L3E GÉOMÉTRIE 2

Contradiction : la somme des angles du triangle BDD vaut π.


′′


Remarque 33. On peut formuler ces résultats avec des angles orientés. . .

Axiomes de congruence pour les angles. Nous postulons une relation binaire de congruence
entre deux angles, notée à nouveau ≅, qui vérifie les trois axiomes suivants :
̂ et une demi-droite [DF ). Il existe une
Axiome 11 (Transport). Soit un angle BAC
̂ ≅ EDF
unique demi-droite [DE) sur un côté donné de la droite (DF ), tel que BAC ̂.
Axiome 12 (Relation d’équivalence). Soient α, β, γ trois angles. Si α ≅ β et α ≅ γ,
alors β ≅ γ. Tout angle est congruent à lui-même.
Axiome 13 (Côté-Angle-Côté (CAC)). Soient ABC et DEF deux triangles. On sup-
pose que AB ≅ DE, AC ≅ DF et BAC ̂ ≅ EDF̂.
Alors on a BC ≅ EF , ABC ̂ ≅ DEF ̂ et ACB̂ ≅ DF ̂E.
On dit alors que les triangles sont congruents.

Remarque 34. — L’axiome 11 peut être vu comme un instrument « transporteur d’angles ».


— L’axiome 11 correspond à la proposition I.23 des Éléments.
— L’addition d’angles pose problème (pourquoi ?).
— Il n’y a pas d’axiome analogue à l’axiome 10 sur la somme des angles. En fait, on peut
démontrer un tel énoncé en utilisant l’axiome 13.
— On peut montrer que l’axiome 13 est indépendant des autre axiomes. Cet axiome nous dit
essentiellement que notre espace est homogène.

Proposition 13. La relation ≅ pour les angles est une relation d’équivalence.
Démonstration. Identique à la précédente : il suffit de remplacer les segments par
les angles et l’axiome 9 par l’axiome 12. 

Figure 28. Angles supplémentaires et opposés par le sommet

Angles supplémentaires et opposés.


̂ un angle et D un point situé de
Définition 16 (angles supplémentaires). Soient BAC
̂ et BAD
l’autre côté de C. On dit que les angles BAC ̂ sont supplémentaires.
Définition 17 (angles opposés). Soient BAC ̂ un angle et D (resp. E) un point situé
̂ et DAE
de l’autre côté de C (resp. B). On dit que les angles BAC ̂ sont opposés par le
sommet.
CM L3E GÉOMÉTRIE 2 29

̂ et BAD
Proposition 14. Soient BAC ̂ (resp. B̂A C et B̂
′ ′ ′ ′ ′ ′
A D ) des angles supplémen-
taires.
̂ ≅ B̂
Si BAC ′ ′ ′ ̂ ≅ B̂
A C , alors on a aussi BAD ′ ′ ′
AD

Figure 29. Congruence des angles supplémentaires

Démonstration. Prémisse : Grâce à l’axiome 8, on peut supposer qu’on a AB ≅


A B , AC ≅ A C et AD ≅ A D . Traçons les droites (BC), (BD), (B C ), (B D ).
′ ′ ′ ′ ′ ′ ′ ′ ′ ′

On a par hypothèse AB ≅ A B , AC ≅ A C et BAC


′ ′ ′ ′
̂ ≅ B̂ A C . On déduit de
′ ′ ′

l’axiome 13 [CAC] que les triangles ABC et A B C sont congruents. En particu-


′ ′ ′

lier, BC ≅ B C et BCA
′ ′
̂ ≅ B̂ C A.
′ ′ ′

On a DA ≅ D A et AC ≅ A C , D ∗A∗C et D ∗A ∗C . On déduit de l’axiome 10


′ ′ ′ ′ ′ ′ ′

que DC ≅ D C .
′ ′

Mais alors, BC ≅ B C , DC ≅ D C et BCA


′ ′ ′ ′
̂ ≅ B̂C A implique d’après l’axiome 13
′ ′ ′

[CAC] que les triangles BCD et B C D sont congruents et en particulier, BD ≅


′ ′ ′

′ ′
̂ = B̂
B D et BDA DA.
′ ′ ′

Enfin, BD ≅ B D , DA ≅ D A (hypothèse) et BDA


′ ′ ′ ′
̂ ≅ B̂ D A implique d’après
′ ′ ′

l’axiome 13 [CAC] que les triangles BDA et B D A sont congruents. On en déduit


′ ′ ′

̂ = B̂
en particulier BAD AD.
′ ′ ′


Remarque 35. Cette proposition de soustraction des angles, dans le cas où les angles sont sup-
plémentaires, correspond à la proposition 11.

Corollaire 8. Des angles opposés par le sommet sont congruents.

Figure 30. Congruence des angles opposés par le sommet

̂ et DAE
Démonstration. Les angles BAC ̂ sont supplémentaires avec l’angle DAB.
̂
Ils sont donc congruents d’après la proposition 14. 
30 CM L3E GÉOMÉTRIE 2

Addition d’angles.
̂ un angle et [AD) une demi-droite
Proposition 15 (Addition d’angles). Soient BAC
̂
située à l’intérieur de l’angle BAC.
Soient D̂ A C et B̂
′ ′ ′ ′ ′ ′
A D tels que :
— D̂ ′ ′ ′ ̂ et B̂
A C ≅ DAC ′ ′ ′ ̂
A D ≅ BAD,
— [A B ) et [A C ) sont situés de part et d’autre de (A D ).
′ ′ ′ ′ ′ ′

Alors [A B ) et [A C ) forment un angle et B̂ ̂


′ ′ ′ ′ ′ ′ ′
A C ≅ BAC.
Les angles sommes d’angles congruents sont congruents.

Figure 31. Addition d’angles

Démonstration. Prémisse : Traçons la droite (BC). D’après la proposition 6 de la


transversale, la demi-droite [AD) doit couper le segment [BC]. On peut donc
supposer que B ∗ D ∗ C et, comme précédemment que AB ≅ A B , AC ≅ A C et
′ ′ ′ ′

AD ≅ A D .
′ ′

On déduit de l’axiome 13 [CAC] que :


— les triangles BAD et B A D sont congruents. En particulier, BD ≅ B D et
′ ′ ′ ′ ′

̂ ≅ B̂
BDA DA.
′ ′ ′

— les triangles DAC et D A C sont congruents. En particulier, DC ≅ D C et


′ ′ ′ ′ ′

̂ ≅ Â
ADC DC.
′ ′ ′


: On ne sait pas a priori que B ∗ D ∗ C !
′ ′ ′

Il existe E un point tel que B ∗ D ∗ E d’après l’axiome 5. Mais  D E est


′ ′ ′ ′ ′ ′

̂
supplémentaire avec A DB congruent à ADB.
′ ′ ̂
D’après la proposition 14, on déduit  ′ ̂
D′ E ′ ≅ ADC.
̂ ≅ Â
ADC ′
D C implique par transitivité Â
′ ′ ′
D E ≅ Â
′ ′
DC.
′ ′ ′

Ces angles sont situés du même côté de la droite (A D ), on déduit donc de la


′ ′

propriété d’unicité de l’axiome 11 que  D E =A D C d’où B ∗ D ∗ C .


′ ′ ′ ′ ′ ′ ′ ′ ′

On déduit alors de l’axiome 10 que BC ≅ B C .


′ ′

En appliquant à nouveau l’axiome 13 [CAC], on déduit que les triangles ABC


et A B C sont congruents et BAC
′ ′ ′
̂ = B̂ AC .
′ ′ ′

D’autre part, on vérifie que :


CM L3E GÉOMÉTRIE 2 31

— A , B et C ne sont pas alignés car B , D , C sont alignés et D̂A C est un


′ ′ ′ ′ ′ ′ ′ ′ ′

angle.
— [A D ) est à l’intérieur de l’angle B̂A C car B et C sont de part et d’autre
′ ′ ′ ′ ′ ′ ′

de (A D ).
′ ′

Comparaison d’angles.
̂ et EDF
Définition 18. Soient BAC ̂ deux angles.
̂ est plus petit que EDF
On dit que BAC ̂ et on écrit BAC
̂ < EDF̂ lorsqu’il existe
̂ telle que BAC
une demi-droite [DG) à l’intérieur de l’angle EDF ̂ ≅ GDF
̂.
̂ est plus grand que BAC.
On dit aussi que EDF ̂

Figure 32. Comparaison d’angles

′ ′
Proposition 16. 1) Soient α ≅ α et β ≅ β . Alors
′ ′
α<β ⟺ α <β.

2) La relation < définit une relation d’ordre total sur les angles, à congruence près,
au sens suivant :
a) Si α < β et β < γ, alors α < γ (transitivité) ;
b) Soient α et β deux angles. Alors une et une seule des conditions suivantes est
vérifiée (ordre total) :
α < β ; α ≅ β ; α > β.
Démonstration. Semblable à celle de la proposition 12. 

Angles droits.
Définition 19. On appelle angle droit un angle congruent à « son »angle supplémen-
taire. On dit que deux droites sont perpendiculaires ou orthogonales lorsqu’elles se
coupent en un point en formant un (et donc quatre) angle droit

Remarque 36. Un angle possède deux angles supplémentaires qui sont opposés par le sommet et
donc congruents.

Proposition 17. Tous les angles droits sont congruents.


32 CM L3E GÉOMÉTRIE 2

̂ et α′ = Ĉ
Démonstration. Soient α = CAB A B deux angles droits, β, β leurs
′ ′ ′ ′

angles supplémentaires (égaux).


Nous allons démontrer par l’absurde que α ≅ α en utilisant l’ordre total sur les

angles. On aurait sinon α < α ou α > α . Supposons, par exemple, que α < α .
′ ′ ′

Il existe donc une demi-droite [A E ) à l’intérieur de l’angle α telle que α ≅


′ ′ ′

̂
EAB.
′ ′ ′

Figure 33. Tous les angles droits sont congruents : démonstration

On en déduit (avec la proposition 5) que la demi-droite [A C ) est située à l’in-


′ ′

térieur de l’angle Ê A D i.e. β < Ê AD.


′ ′ ′ ′ ′ ′ ′

D’autre part, les angles Ê ′


A D et Ê
′ ′
A B sont supplémentaires et Ê
′ ′ ′
A B ≅ α. La
′ ′ ′

proposition 14 implique Ê ′ ′ ′
A D ≅ β.
Mais alors β < β. Comme α ≅ β et α ≅ β , on déduit par transitivité (proposi-
′ ′ ′

tion 16) que α < α. Contradiction !





Remarque 37. C’est le quatrième postulat dans les Éléments d’Euclide.

2.6. Plans hilbertiens et euclidiens.


Définition 20. Un plan hilbertien est un ensemble donné de points qui contient des
sous-ensembles appelés droites, et muni de trois relations :
— une relation « entre » ;
— une relation de congruence pour les segments ;
— une relation de congruence pour les angles.
qui vérifient les axiomes d’incidence 1-3, d’ordre 4-7 et de congruence 8-13. 12

Remarque 38. On appelle cette géométrie « géométrie neutre » car ces axiomes sont vérifiés à la
fois en géométrie euclidienne et non-euclidienne.
Quelle géométrie peut-on développer avec ces axiomes ?
On se propose à présent pour conclure le cours de revenir à la géométrie d’Eu-
clide à partir des axiomes de la géométrie neutre de Hilbert.
Nous avons vu que nous ne pouvons pas construire un triangle équilatéral sur
un segment donné quelconque sans axiome supplémentaire. En fait, on peut dé-
montrer que l’existence d’un triangle équilatéral sur un segment donné ne peut
pas être déduit des axiomes vérifiés par un plan de Hilbert.
12. On n’inclut pas l’axiome P des parallèles.
CM L3E GÉOMÉTRIE 2 33

Nous allons montrer qu’on peut toutefois construire un triangle isocèle sur un
segment donné quelconque.
Triangles isocèles.
Définition 21. Soit ABC un triangle. On dit que ABC est isocèle en A (resp. équila-
téral) lorsque AB ≅ AC (resp. AB ≅ AC ≅ BC).
Proposition 18. Soit ABC un triangle. ABC est isocèle en C si, et seulement si, ses
̂ ≅ CBA.
angles à la base sont congruents CAB ̂
Démonstration. Voir TD, exercice 23. 

Remarque 39. Ce théorème d’égalité des angles à la base des triangles isocèles, joint au premier
cas d’égalité des triangles qu’on va démontrer à la suite, permet de démontrer les constructions
classiques à la règle et au compas (bissectrice, perpendiculaire).

Proposition 19. [Existence des triangles isocèles] Soit [AB] un segment. Alors il existe
un triangle isocèle de base [AB].
Démonstration. Soit [AB] un segment. Il existe un point C qui n’appartient pas à
(AB) (axiome 3). Considérons le triangle ABC :
̂ ≅ ACB,
— si ABC ̂ alors ABC est isocèle d’après la proposition 18.
— sinon, un angle est inférieur à l’autre (proposition 16), par exemple, on a
̂ < CBA.
CAB ̂

Figure 34. Existence des triangles isocèles

̂ telle que
Mais alors, il existe une demi-droite [BE) à l’intérieur de l’angle CBA
̂ ≅ EBA.
CAB ̂
D’après le théorème 6 de la transversale, cette demi-droite [BE) doit rencontrer
le côté opposé [AC] en un point D.
Comme DAB̂ ≅ DBA, ̂ on déduit de la proposition 18 que DAB est isocèle en
D. 

Remarque 40. On s’est posé la question de l’existence d’un triangle isocèle, sa base étant donnée.
Il est en effet nécessaire de disposer de cette construction du triangle isocèle pour, par exemple,
construire la bissectrice d’un angle.


Remarque 41. : il ne suffit pas de construire deux angles égaux en A et B car, sans l’axiome P
des parallèles, on n’a aucune garantie que les deux demi-droites [Ax) et [By) se rencontrent.
34 CM L3E GÉOMÉTRIE 2

Cas d’égalité des triangles. Nous avons vu que le cas d’égalité « côté-angle-côté » est
pris comme l’axiome 13 par Hilbert. Nous allons démontrer le second cas d’égalité
des triangles [CCC].
Proposition 20 (côté-côté-côté). Si deux triangles ABC et A B C ont leurs côtés res-
′ ′ ′
′ ′ ′ ′ ′ ′
pectifs congruents, AB ≅ A B , AC ≅ A C , BC ≅ B C , alors les deux triangles sont
congruents.

Figure 35. Second cas d’égalité des triangles « côté-côté-côté »

Démonstration. On peut construire B de l’autre côté de (A C ) par rapport à B tel


′′ ′ ′ ′

que :
̂ ≅ Ĉ
— CAB A B (axiome 11) ;
′ ′ ′′

— AB ≅ A B (axiome 8).
′ ′′

Comme AB ≅ A B , AC ≅ A C et BAC
′ ′′ ′ ′
̂ ≅ B̂ A C , on déduit de l’axiome 13
′′ ′ ′

[CAC] que les triangles ABC et A B C sont congruents. En particulier, BC ≅


′ ′′ ′

B C.
′′ ′

Traçons la droite (B B ) (axiome 1) 13.
′ ′′

On a A B ≅ AB et A B ≅ AB (B C ≅ BC et B C ≅ BC)
′ ′′ ′ ′ ′′ ′ ′ ′

On déduit par transitivité de l’axiome 9 que A B ≅ A B (B C ≅ B C ).


′ ′′ ′ ′ ′′ ′ ′ ′

B A B (B C B ) est donc un triangle isocèle en A (en C )


′ ′ ′′ ′ ′ ′′ ′ ′

Mais alors, d’après la proposition 18, on a  B B ≅ Â


′ ′ ′′
B B (B̂
′ ′′ ′
B C ≅ B̂
′′ ′ ′ ′′
B C).
Par addition des angles, d’après la proposition 15, on obtient finalement Â′ ′ ′
BC ≅


B C.
′′ ′

Mais ABC et A B C sont congruents donc ABC


′ ′′ ′
̂ ≅ Â B C.
′ ′′ ′

̂ ≅ Â
On déduit par transitivité de l’axiome 12 que ABC BC.
′ ′ ′

Il ne reste plus qu’à appliquer l’axiome 11 [CAC] pour conclure que les triangles
ABC et A B C sont congruents.
′ ′ ′

Constructions avec les instruments de Hilbert. Il est possible d’interpréter des axiomes
de Hilbert comme des clauses de construction comme on peut le faire dans les
Élémentsd’Euclide pour les postulats qui concernent la droite et le cercle.
— L’axiome 1 qui pose l’existence d’une droite unique passant par deux points
correspond à la règle ;
13. On considère le cas où A et C sont de part et d’autre de (B B ).
′ ′ ′ ′′
CM L3E GÉOMÉTRIE 2 35

— L’axiome 8 de transport des segments correspond à notre usage courant du


compas ;
— L’axiome 11 de transport des angles n’a pas vraiment d’équivalent dans
notre pratique usuelle, sinon le calque, ou le rapporteur (en laissant de côté
la mesure).
Enfin, on peut placer des points grâce aux axiomes 3 et 5.
On peut traduire la démonstration de la proposition 19 en construction.
Construction 1 (Triangle isocèle). Soit AB un segment. Pour tracer un triangle isocèle
de base [AB] :
— On place un point C qui n’appartient pas à (AB).
— On trace (BC).
̂ en ABE.
— On transporte CAB ̂ On obtient le point D.
Alors ABD est un triangle isocèle de base [AB].

Figure 36. Construction d’un triangle isocèle à partir de sa base

On peut à présent construire la bissectrice d’un angle.


̂ un angle. Pour tracer la bissectrice de BAC
Construction 2 (Bissectrice). Soit BAC ̂:
— Prendre un point D sur [AB).
— Construire un point E sur [AC) tel que AD ≅ AD.
— Tracer la droite (DE).
— Construire un triangle isocèle DEF de base [DE].
— Tracer la demi-droite [AF ) qui est la bissectrice cherchée.

Figure 37. Construction de la bissectrice


36 CM L3E GÉOMÉTRIE 2

Figure 38. Théorème de l’angle extérieur en géométrie neutre

Démonstration. En utilisant le cas d’égalité [CCC] correspondant à la proposition 20,


on démontre que les triangles ADF et AEF sont congruents, d’où DAF ̂ ≅E ̂AF .
̂
Il faut aussi démontrer que la demi-droite [AF ) est à l’intérieur de l’angle DAE.
Sinon, les demi-droites [AD) et [AE) seraient du même côté de la droite [AF ),
̂ ≅E
mais alors DAF ̂ AF contredit la propriété d’unicité de l’axiome 11. 
On peut également construire le milieu d’un segment.
Construction 3 (Milieu d’un segment). Soit [AB] un segment.
— Construire un triangle isocèle ABC de base [AB].
̂
— Construire la bissectrice [CD) de l’angle ACD.
— La demi-droite [CD) coupe le segment [AB] en E qui est le point cherché.
Démonstration. Les triangles ACD et BCD sont congruents d’après l’axiome 11 [CAC],
d’où AD ≅ DB. 
Construction 4 (Perpendiculaire à une droite ∆ en un point A).
— On place B sur ∆ distinct de A.
— On place C sur ∆ de l’autre côté de B par rapport à A tel que AB ≅ AC.
— On construit le triangle isocèle BCD de base [BC].
— On trace la droite (DA) qui est la droite cherchée.
Démonstration. Les triangles BAD et ACD sont égaux d’après la proposition 20 [CCC],
̂ ≅ CAD.
d’où BAD ̂ 

Remarque 42. Nous venons de montrer l’existence des angles droits.

Le théorème de l’angle extérieur.


Proposition 21. Dans un triangle, l’angle extérieur est plus grand que chacun des angles
intérieurs opposés.
Soit ABC un triangle et D un point tel que B ∗ C ∗ D.

Alors on a :
̂ > BAC
ACD ̂ et ACD
̂ > ABC.
̂
CM L3E GÉOMÉTRIE 2 37

Démonstration. Soit E le milieu de [AC] et soit F tel que B ∗ E ∗ F et BE ≅ EF


(axiome 8).
On trace la droite (CF ) (axiome 1).
Les angles AEB̂ et F ̂ EC sont opposés par le sommet donc congruents (corol-
laire 8).
On déduit de l’axiome [CAC] 13 que les triangles AEB ̂ et F ̂ EC sont congruents
̂ ̂
et en particulier BAE ≅ ECF .
̂
Il reste à montrer que la demi-droite [CF ) est à l’intérieur de l’angle ACD.
B ∗ C ∗ D implique que B et D sont de part et d’autre de (AC).
B ∗ E ∗ F implique que B et F sont de part et d’autre de (AC).
La transitivité de la proposition 5 implique que D et F sont du même côté de
(AC).
B ∗ E ∗ F implique que E et F sont du même côté de (BC).
A ∗ E ∗ C implique que A et E sont du même côté de (CD).
La transitivité de la proposition 5 implique que A et F sont du même côté de
(BC) = (CD).
̂ et donc [AF ).
On a donc montré que F est à l’intérieur de l’angle ACD
̂ < ACD.
Finalement, on a bien BAC ̂ 

Remarque 43. Il s’agit d’un théorème de géométrie neutre qui ne requiert pas l’axiome des paral-
lèles.

Intersection de cercles et de droites.


Définition 22. Soit Γ un cercle de centre O et de rayon OA. On dit qu’un point B est à
l’intérieur de Γ lorsque B = O ou lorsque OB < OA, et qu’un point C est à l’extérieur
de Γ lorsque OA < OC.
Nous avons vu avec la proposition I.1 des Élémentsd’Euclide que rien ne garantit
qu’un cercle et une ligne droite, ou bien que deux cercles se rencontrent. Nous
ajoutons donc un axiome supplémentaire 14.
Axiome (C). Soient deux cercles Γ et ∆. Si ∆ contient un point à l’intérieur de Γ et
un point à l’extérieur de Γ, alors Γ et ∆ se coupent.
Plan euclidien.
Définition 23 (Plan euclidien). Un plan euclidien est un ensemble donné de points
qui contient des sous-ensembles appelés droites, et muni de trois relations :
— une relation « entre » ;
— une relation de congruence pour les segments ;
— une relation de congruence pour les angles.
qui vérifient les axiomes d’incidence 1-3, d’ordre 4-7 et de congruence 8-13 15 ainsi que
l’axiome P des parallèles et l’axiome C.

14. On peut montrer que cet axiome est indépendant des axiomes d’un plan hilbertien.
15. C’est donc en particulier un plan hilbertien.
194 LIVRE l

mède 34 - aspect relatif à la mesure des segments et des grandeurs qu'ils


rencontrèrent dans l'étude du phénomène de l'incommensurabilité, l'autre
aspect) lié aux propriétés topologiques des figures, ne leur a pas paru cons-
38 tituer un problème et ilsCM ontL3E GÉOMÉTRIE
admis 2 la continuité des lignes
implicitement
qu'ils utilisaient - dans les Eléments} la droite et la circonférence de
cercle - avec toutes les conséquences que cela impliquait sur l'existence
des points d'intersection de ces lignes. Néanmoins Euclide postule explici-
Remarque 44. Sous tementceslahypothèses,
possibilité deon peut démontrer
prolonger de manière
la droite de manièrequ'elle
rigoureuse
forme unl’ensemble des pro-
«ensemble
positions des livres géométriques }}35. L' « évidence)} ne porte donc que sur un aspect des
connexedes Éléments d’Euclide. Cf. (Hartshorne, 2000, p. 112-116).
choses et les discussions aristotéliciennes du continu (physique) montrent
que la notion n'a rien d'immédiaë 6.
Retour sur la construction du triangle équilatéral. A appartient au cercle Γ et est à l’in-
térieur du cercle ∆ car il est son centre.
La droite (AB) rencontre le cercle ΓPROPOSITIONS
en un second point E tel que A ∗ B ∗ E (pro-
position 8).
On déduit donc AE >1 AB, ce qui signifie1 que E est à l’extérieur de ∆.
Sur ttne droite limitée donnée} construire un triangle équila-
téral.

D E

Figure 39. Construction du triangle équilatéral


34. Dans les Eléments, c'est la Df. V. 4 qui joue ce rôle. Nous reviendrons dans
notre commentaire au L. V sur ces différentes formulations grecques de l'axiome
Γ contient un point à l’intérieur et un point à l’extérieur de ∆, il doit donc le
d'Archimède. Cette approche de la continuité par la mesure des segments ne fait
d'ailleurs intervenir qu'une infinité dénombrable de points.
couper en un point C. 
35. V. Dem. 2) comm. Pour les figures fermées, la connexité est une conséquence
de ce qu'il se limite même à des figures convexes.
36. V. op') cit. dans Dem. 2, comm., n. 6.

3. Polygones
1. Le texte réguliers
grec dit « sur laconstructibles
droite limitée donnée». à la règle
L'habitude et moderne
française au compas
est d'utiliser l'article indéfini pour souligner la validité universelle de la proposition.
Définition 24. Un polygone régulier est un polygone dont les côtés sont de même lon-
gueur et les sommets sont situés sur un cercle.
Théorème 3 (Gauss). Les polygones réguliers constructibles à la règle et au compas sont
α α
ceux dont le nombre de côtés n est de la forme 2 avec α ⩾ 2 ou de la forme 2 p1 . . . pr avec
α ∈ N et où les pi sont des nombres premiers distincts qui sont des nombres de Fermat
β
2
de la forme 2 + 1.
Les cinq premiers nombres de Fermat (1601 ?-1665) sont
— 3, 5, 17, 257 et 65537.
Ils sont premiers. Ce n’est pas le cas du sixième comme le remarquera en 1732
Euler (1707-1783).
Exemple 8. Les polygones réguliers à n côtés constructibles à la règle et au compas
pour n ⩽ 20 sont donc les polygones à 3, 4, 5, 6, 8, 10, 12, 15, 16, 17 et 20 côtés d’après le
théorème de Gauss.

Remarque 45. C’est Gauss (1777-1855) qui le premier donnera en 1796 une construction à la
règle et au compas de l’heptadécagone (polygone à 17 côtés) régulier.

Remarque 46. Pour davantage d’informations et une démonstration de ce résultat, on peut voir (Car-
rega, 1989, Ch. IV, p. 47-66) et (Perrin, 2005, p. 153-162).
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3.1. Une construction à la règle et au compas du pentagone régulier. Dans les


Travaux dirigés voir section 9, on trouvera un problème qui propose la construction,
à la règle et au compas, du pentagone régulier et sa démonstration en s’inspirant
de celle donnée par Euclide dans les Éléments.

Problème (Éléments IV.11). Dans un cercle donné, inscrire un pentagone équilatère


et équiangle.
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Références
Michèle Audin : Géométrie. EDP Sciences, Paris, 2006.
Jean-Claude Carrega : Théorie des corps. La règle et le compas. Hermann, Paris, 1989.
ère
Nouvelle édition enrichie d’exercices (1 édition, 1982).
Gustave Choquet : L’enseignement de la géométrie. Enseignement des sciences.
Hermann, Paris, 1964.
Euclide : Les Éléments (4 vols.). PUF, Paris, Bernard Vitrac (traduction et commen-
taires) et Maurice Caveing (introduction générale) édition, 1990-2001.
Robin Hartshorne : Geometry : Euclid and beyond. Undergraduate texts in mathe-
matics. Springer, New York, 2000.
Thomas L. Heath, éditeur. The thirteen books of Euclid’s Elements translated from
the text of Heiberg with introduction and commentary (3 vols.). University Press,
Cambridge, 2nd édition, 1925. Reprint, Dover Publ.,New York, 1956.
David Hilbert : Les principes fondamentaux de la géométrie. Gauthier-Villars, Pa-
ris, 1900. URL http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k996866. Traduction
française par L. Laugel des Grundlagen der Geometrie (1899).
Elisha Loomis : The Pythagorean Proposition (second edition). Edwards brothers,
Ann Arbor, Michigan, 1940. URL https://archive.org/details/in.ernet.
dli.2015.84599/page/n8.
Daniel Perrin : Mathématiques d’école : nombres, mesure et géométrie. Cassini, Paris,
2005.
Terence Tao : Solving mathematical problems. A personal perspective (2nd ed.). Oxford
University Press, Oxford, 2006. Chap. IV, Euclidean geometry, 49-68.

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