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CM L3E GÉOMÉTRIE 2 1
Un espace affine est un ensemble de points, il contient des droites, des plans, et la
géométrie affine discute, par exemple, des relations entre ces points et ces droites
(points alignés, droites parallèles ou concourantes. . . ). Pour définir ces objets et
décrire leurs relations, on peut :
– énoncer une liste d’axiomes, d’incidence principalement, comme « par
deux points passe une droite et une seule ». C’est la voie d’Euclide (et
plus récemment de Hilbert). Même si la démarche et a fortiori les axiomes
eux-mêmes n’y sont pas explicités, c’est cette méthode qui est utilisée ac-
tuellement dans l’enseignement secondaire français ;
– décider que l’essentiel est que deux points déterminent un vecteur et tout
définir à l’aide de l’algèbre linéaire, c’est-à-dire par les axiomes définissant
les espaces vectoriels.
J’ai choisi de développer ici la deuxième méthode, parce qu’elle est plus abstraite
et plus nette, bien sûr, mais surtout parce que je crois qu’il est temps, en licence
de mathématiques, de montrer aux étudiants que l’algèbre linéaire qu’on leur a
enseignée pendant deux ans « sert » à quelque chose ! (Audin, 2006, p. 7)
Proposition (Eléments I.1). Sur une droite limitée donnée, construire un triangle
équilatéral.
Construction (Triangle équilatéral). Soit AB la droite limitée donnée. Il faut alors
construire un triangle équilatéral sur la droite AB. Que du centre A et au moyen
de l’intervalle AB soit décrit le cercle BCD (Demande 3), et qu’ensuite du centre
B, et au moyen de l’intervalle BA, soit décrit le cercle ACE (Demande 3), et que
du point C auquel les cercles s’entrecoupent soient jointes les droites CA, CB
jusqu’aux points A, B (Demande 1).
1. Je conserve les notations d’Euclide dans le texte cité.
PROPOSITIONS
1
2 CM L3E GÉOMÉTRIE 2
1
Sur ttne droite limitée donnée} construire un triangle équila-
téral.
D E
Voici
34.laDans
démonstration
les Eléments,donnée
c'est la par Euclide.
Df. V. 4 qui joue ce rôle. Nous reviendrons dans
notre commentaire au L. V sur ces différentes formulations grecques de l'axiome
Démonstration.
d'Archimède. BCDCette est un cercle
approche de ladecontinuité
centre A par
passant par Bdes
la mesure et C donc AB
segments ne = AC.
fait
ACE est un cercle de centre B passant par A et C donc
d'ailleurs intervenir qu'une infinité dénombrable de points. BA = BC.
et BC
AC 35. V. sont
Dem.égales à AB Pour
2) comm. doncles
ACfigures (transitivité).
= BCfermées, la connexité est une conséquence
de ce
AC qu'il=seBC
= AB limite
doncmême des figures
ABCà vérifie bienconvexes.
la définition d’un triangle équilatéral.
36. V. op') cit. dans Dem. 2, comm., n. 6.
Cette1. démonstration
Le texte grec dit est
« surprovisoirement
la droite limitée défectueuse parce qu’Euclide
donnée». L'habitude postule
française moderne
est d'utiliser l'article indéfini pour souligner la validité universelle
à partir de la figure que les deux cercles se coupent. Pour justifier de la l’existence
proposition. de
l’un (des deux points) d’intersection des deux cercles, on doit s’appuyer sur un
principe de continuité.
Postulat (Principe de continuité). Si une ligne [le cercle ACE] joint un point exté-
rieur [le point E] à une figure [le cercle BCD] à un point intérieur à cette figure
[le point A], cette ligne a au moins un point commun avec la figure.
Exemple (Le plan rationnel). Il est aisé de se rendre compte qu’un tel principe de
continuité ne va pas entièrement de soi. Plaçons-nous ainsi dans le plan cartésien
sur le corps Q des nombres rationnels (i.e. l’ensemble des points de coordonnées
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Le caractère fallacieux de la démonstration provient du point E.
Réfutation. Si le triangle ABC était isocèle en A, comme D est le milieu de [BC],
alors les triangles ADB et ADC seraient égaux (cas d’égalité CCC « côté-côté-
côté »). Mais alors (AD) serait aussi bissectrice et médiatrice (pourquoi ?), et le
point E n’existerait pas (les droites dont il est le point d’intersection sont confon-
dues).
Pourtant, toutes les inférences sur les triangles égaux sont correctes[ !] mais la
conclusion est erronée parce que la figure est fausse (voir la figure 5 pour une
figure correcte). En effet :
1) le point E se situe à l’extérieur du triangle [BC], dans le demi-plan inférieur
délimité par la droite (BC) ;
2) les points F et G sont situés, l’un sur le côté du triangle, l’autre à l’extérieur
du côté du triangle. On a donc une somme et une différence de côtés égaux.
Remarque 2. Il ne suffit pas de dire que le point E doit se situer à l’extérieur du triangle. Le
point 2 est essentiel. Pour s’en convaincre, cf. la figure 6 donnée par Hartshorne.
Remarque 3. Il importe donc d’user avec prudence de notre intuition, y compris en géométrie.
Les deux exemples précédents nous montrent en effet que malgré les mises en garde, il arrive, plus
souvent qu’on ne croit, qu’on fasse appel à des propriétés visuelles constatées sur la figure.
Le remède réside dans une approche axiomatique,intégrant parmi ses axiomes des axiomes
d’ordre qui portent sur les positions relatives des points et des droites. À partir de tels axiomes,
on peut dériver rigoureusement des inférences sans, en principe, aucun recours à la figure. C’est
précisément l’un des objectifs des Fondements de la géométrie de Hilbert.
Euclid’s Elements has been regarded for more than two thousand years as the
prime example of the axiomatic method. Starting from a small number of self-
evident truths, called postulates, or common notions, he deduces all the succee-
ding results by purely logical reasoning. Euclid thus begins with the simplest
assumptions, such as Postulate 1, to draw a line through any two given points, or
Postulate 3, to draw a circle with given center and radius. [. . . ]
Upon closer reading, we find that Euclid does not adhere to the strict axiomatic
method as closely as one might hope. Certain steps in certain proofs depend on
assumptions that, however reasonable or intuitively clear they may seem, can-
not be justified on the basis of the stated postulates and common notions. [. . . ]
These lapses in Euclid’s logic lead us to the task of disengaging those implicit
assumptions that are used in his arguments and providing a new set of axioms
from which we can develop geometry according to modern standards of rigor.
The logical foundations of geometry were widely studied in the late nineteenth
century, which led to a set of axioms proposed by Hilbert in his lectures on the
foundations of geometry in 1899. (Hartshorne, 2000, p. 2)
3. Voir les définitions du point (« un point est ce dont il n’y aucune partie ») et de la droite (« une
ligne droite est celle qui est placée de manière égale par rapport aux points qui sont sur elles »).
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2. La géométrie de Hilbert
Axiome 1. Par deux points distincts du plan passe une droite et une seule.
Axiome 2. Toute droite contient au moins deux points.
Axiome 3. Il existe trois points qui n’appartiennent pas à la même droite.
Remarque 5. L’axiome 1 permet de distinguer les droites des points et l’axiome 3 garantit qu’il
existe deux droites distinctes, i.e. qu’on est en « en dimension 2 ».
Lorsque des points appartiennent à la même droite, on dit qu’ils sont alignés.
La droite définie par les points A et B sera notée (AB).
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Bien qu’une structure simplement munie de ces trois axiomes apparaisse assez
« pauvre », on peut commencer à dériver des propositions.
Proposition 1. Deux droites distinctes se coupent en au plus un point
Démonstration. C’est une conséquence directe de l’axiome 1.
Définition 2. On dit que deux droites distinctes sont parallèles lorsqu’elles ne se coupent
pas. On dit en outre que toute droite est parallèle à elle-même.
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′
Définition 3. Soient G et G deux modèles pour la géométrie d’incidence.
′
On dit que ϕ est un isomorphisme de géométrie d’incidence entre G et G lorsque
ϕ est une bijection entre les ensembles de points sous-jacents qui transforme les droites en
droites.
′
Dans ce cas, on dit que G et G sont isomorphes.
′
Lorsque G = G , on dit que ϕ est un automorphisme de géométrie d’incidence.
Proposition 2. L’ensemble des automorphismes d’une géométrie d’incidence G possède
une structure de groupe pour la loi de composition. C’est un sous-groupe de l’ensemble
des permutations de G.
Démonstration. L’ensemble des automorphismes n’est pas vide car il contient l’iden-
tité. D’autre part, le composé de deux automorphismes et l’inverse d’un automor-
phisme sont des automorphismes.
Remarque 7. Naturellement, une condition nécessaire pour que deux modèles de géométrie d’in-
cidence soient isomorphes est qu’ils puissent être mis en bijection. Dans le cas des géométries finies,
on peut se poser la question de savoir s’il existe un ou plusieurs modèles de géométrie finie pour un
nombre de points donnés.
Proposition 3. Tous les modèles de géométrie d’incidence à trois points sont isomorphes.
Démonstration. Soit {1, 2, 3} un ensemble à trois points. On déduit des axiomes 2
et 3 que les droites contiennent exactement deux points. D’autre part, l’axiome 1
impose que les droites soient les ensembles {1, 2}, {1, 3}, {2, 3}.
Dans ce cas, n’importe quelle bijection entre {1, 2, 3} et {A, B, C} est un isomor-
phisme pour la géométrie d’incidence : le groupe des automorphismes de la géo-
métrie à 3 points coïncide avec le groupe des permutations S3 .
2.2. L’axiome des parallèles. On peut à présent considérer l’axiome des paral-
lèles dans la version de Playfair :
Axiome (P). Pour chaque point A et chaque droite D, il existe au plus une droite
passant par A et parallèle à la droite D.
Remarque 8. Si A appartient à D, D est précisément la droite en question.
Exemple 3. Le plan réel cartésien vérifie l’axiome des parallèles. Si l’on considère les mo-
dèles de géométrie finie de l’exemple 2, ceux à 3 et 4 éléments vérifient l’axiome des paral-
lèles (le premier le vérifie trivialement : il n’existe pas de droites parallèles) alors que celui
à 5 éléments ne le vérifie pas.
Un corollaire important de l’axiome des parallèles (en fait les énoncés sont équi-
valents) est le suivant :
Corollaire 1. La relation de parallélisme ∥ est une relation d’équivalence.
Démonstration. Une conséquence évidente de la définition choisie 2 est que la re-
lation ∥ est réflexive et symétrique. Démontrons qu’elle est transitive.
Soient trois droites D, D , D telles que D ∥ D et D ∥ D .
′ ′′ ′ ′ ′′
Le seul cas non évident, qui requiert l’axiome des parallèles, est celui où D ∩ D = ∅
′
et D ∩ D = ∅.
′ ′′
implique D = D .
′′
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Définition 4. Chacune des classes associées à cette relation d’équivalence est appelée une
direction.
Remarque 9. On comprend ainsi que l’axiome des parallèles est un ingrédient nécessaire et fon-
damental pour la géométrie affine.
Remarque 10. Une fois donné un ensemble d’axiomes, on peut se demander si ces axiomes sont
mutuellement indépendants, c’est-à-dire si l’on peut déduire l’un d’entre eux comme conséquence
des autres. En ce cas, il pourrait être en effet omis. Il est souvent difficile de démontrer cela directe-
ment (qu’on pense au postulat des parallèles. . . ). Pour ce faire, il est souvent plus aisé d’exhiber un
modèle dans lequel tous les axiomes sont vérifiés, à l’exception de l’axiome en question.
Remarque 11. C’est un problème non évident, qui a beaucoup agité les mathématiciens jusqu’au
dix-neuvième siècle, de savoir si le postulat des parallèles peut être déduit des autres 5. On montre
qu’il n’en est rien et qu’il y a des géométries (dites non euclidiennes) dans lesquelles tous les axiomes
sont vérifiés (y compris ceux d’ordre, de congruence, etc.) sauf celui-là.
Remarque 12. Le « cinquième postulat » des Éléments d’Euclide bien plus long et complexe est
proche de celui d’une proposition.
Postulat (V). Et que, si une droite tombant sur deux droites fait les angles intérieurs et
du même côté plus petits que deux droits, les deux droites, indéfiniment prolongées, se
rencontrent du côté où sont les angles plus petits que deux droits.
Une proposition « réciproque » est démontrée par Euclide. On comprend donc mieux la raison
pour laquelle les géomètres ont cherché sans relâche à démontrer le postulat des parallèles.
Proposition (Eléments I.17). Dans tout triangle, deux angles, pris ensemble de quelque fa-
çon que ce soit, sont plus petits que deux droits.
Remarque 13. Voici enfin une liste de quelques-uns des énoncés équivalents au postulat des pa-
rallèles :
– Proclus (412-485) Si une ligne droite coupe une droite, elle coupe toute parallèle à
cette droite.
– Eléments I.29 Si deux droites sont parallèles, toute sécante produit avec ces deux
droites des angles alternes-internes égaux.
4. {A} est l’unique droite passant par A et parallèle à {B, C}.
5. Sur le cinquième postulat et la géométrie non-euclidienne, pour une présentation historique
et mathématique plus détaillées, on peut consulter (Euclide, 1990-2001, I, p. 300-310) et (Hart-
shorne, 2000, Ch. 7, p. 295-433).
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– Eléments I.32 La somme des angles d’un triangle est égale à deux droits.
– Clairaut (1713-1765) Si dans un quadrilatère, trois angles sont des angles droits, le
quatrième est un angle droit.
Axiome 6. Étant donnés trois points d’une droite, un et un seul d’entre eux est entre les
deux autres.
Axiome 7 (Pasch). Soient A, B et C trois points non alignés et ∆ une droite qui ne
contient aucun de ces points. Si ∆ contient un point D entre A et B, alors soit elle contient
un point entre A et C, soit elle contient un point entre B et C.
Remarque 15. Autrement dit, une droite qui entre dans un triangle par un côté sans passer par
un sommet doit nécessairement en ressortir par un seul autre côté.
Remarque 16. Unicité des éléments caractéristiques d’un segment et d’un triangle
Les segments [AB] et [BA] sont les mêmes ensembles d’après l’axiome 4.
Les extrémités A et B sont déterminées de manière unique par le segment [AB] (voir TD,
exercice 17).
Les sommets A, B, C et les côtés [AB], [AC], [BC] d’un triangle sont déterminés de
manière unique par le triangle ABC.
La relation « entre » permet en outre de définir les notions de demi-droite et de
demi-plan.
Proposition 5 (séparation du plan par une droite). Soit D une droite. Alors l’ensemble
des points qui ne sont pas sur D peut être divisé en deux sous-ensembles non vides disjoints
P1 et P2 tels que :
1) Deux points A et B qui ne sont pas sur la droite D sont dans le même ensemble
(P1 ou P2 ) si, et seulement si, le segment [AB] ne rencontre pas la droite D.
2) Deux points A et C qui ne sont pas sur la droite D appartiennent l’un à P1 , l’autre
à P2 , si, et seulement si, le segment [AC] rencontre la droite D en un point.
Démonstration.
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Remarque 17. La clef de la démonstration consiste à introduire une relation binaire ∼ entre deux
points appartenant au plan P privé de la droite D et à montrer que cette relation est une relation
d’équivalence.
Définition. Soient A et B deux points qui n’appartiennent pas à la droite D. On dit
que A ∼ B lorsque, ou bien A = B, ou bien le segment [AB] ne rencontre pas D.
Lemme. La relation ∼ est une relation d’équivalence.
Démonstration. Il est clair que cette relation est réflexive (par définition) et symé-
trique car l’ensemble [AB] ne dépend pas de l’ordre d’écriture de A et B (cf. l’axiome 5).
Il nous reste donc à montrer que la relation ∼ est transitive, i.e. que si A ∼ B et
B ∼ C, alors A ∼ C.
Cas 1 : supposons que A, B, C ne sont pas alignés.
2) A et E sont équivalents : A ∼ E
D’une part, E n’appartient pas à D, car A n’appartient pas à D, et la droite
passant par D, A, E rencontre déjà la droite D en D.
D’autre part, le segment [AE] ne rencontre pas D. Si tel était le cas, ce se-
rait nécessairement au point D. Mais alors, A∗D∗E, et nous avons construit
D tel que D ∗ A ∗ E. Or c’est impossible d’après l’axiome 6.
On déduit finalement que A ∼ E.
3) A, B et E sont non alignés
E n’appartient pas à la droite ∆ car alors les droites (AE) et ∆ coïncide-
raient et D appartiendrait à ∆, ce qui contredit notre hypothèse initiale.
Les trois points A, B et E sont donc non alignés.
4) Réduction au premier cas
On peut donc se ramener au cas 1 :
— E ∼ A et A ∼ B implique E ∼ B,
— E ∼ B et B ∼ C implique E ∼ C,
— A ∼ E et E ∼ C implique A ∼ C.
On obtient finalement A ∼ C.
La relation d’équivalence ∼ divise le plan privé de D en une réunion disjointe
de classes d’équivalence qui vérifient la propriété 1 énoncée dans la proposition 5.
Pour conclure la démonstration, il suffit de montrer qu’il existe deux classes
d’équivalence pour la relation ∼.
Alors, dire que [AC] rencontre D, ce qui est équivalent à dire que A ≁ C, sera
équivalent à dire que A et C appartiennent respectivement aux demi-plans oppo-
sés P1 et P2 .
Il existe au moins deux classes d’équivalence.
D’après l’axiome 3, il existe un point qui n’appartient pas à D, donc il y a au
moins une classe d’équivalence P1 .
Soit A ∈ P1 et D ∈ D.
D’après l’axiome 5, il existe un point C tel que A ∗ D ∗ C. Donc A ≁ C et il existe
au moins deux classes d’équivalence.
Il existe au plus deux classes d’équivalence.
Nous allons montrer que si A ≁ C et B ≁ C, alors A ∼ B.
Cas 1 : supposons que A, B, C ne sont pas alignés.
On peut alors considérer le triangle ABC :
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Remarque 18. La notion de segment permet en outre de définir, de façon élémentaire, la notion de
convexité.
Définition 8. Une partie F de P est dite convexe lorsque, si elle contient deux points A
et B, alors elle contient tout le segment [AB].
Exemple 4. Une droite, un demi-plan sont des parties convexes du plan par définition.
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Exemple 5. L’intérieur d’un triangle (qui est non vide : voir exercice 18) est convexe : en
effet, c’est l’intersection des trois demi-plans limités par les droites (BC), (CA), (AB) et
contenant respectivement A, B, C.
Remarque 19. La séparation d’une droite par un point en deux demi-droites disjointes est un
simple corollaire de la séparation du plan par une droite en deux demi-plans disjoints.
Corollaire 2. Soit A un point sur une droite D. Alors l’ensemble des points de D distincts
de A peut être divisé en deux sous-ensembles non vides disjoints D1 et D2 tels que :
1) Deux points B et C sont dans un même ensemble (D1 ou D2 ) si, et seulement si,
A n’appartient pas au segment [BC].
2) Deux points B et D appartiennent l’un à D1 , l’autre à D2 si, et seulement si, A
appartient au segment [BD].
Définition 10. Soient [OA) et [OB) deux demi-droites de même origine O et telles que
les points O, A et B sont non alignés.
On appelle angle déterminé par les deux demi-droites [OA) et [OB) et on écrit
̂
OAB la réunion des deux demi-droites [OA) ∪ [OB).
Le point O est appelé le sommet de l’angle.
̂ est l’intersection du demi-plan délimité par la droite (OA)
L’intérieur de l’angle OAB
qui contient B et du demi-plan délimité par la droite (OB) qui contient A.
Remarque 20. Avec une telle définition, il n’existe pas d’angle nul ou d’angle plat.
Remarque 22. Seule la démonstration de l’axiome de Pasch est non évidente : cf. (Hartshorne,
2000, p. 79).
2
Placer} en un point donné) une droite égale à une droite
donnée.
L
E
On déduit d’après la Notion commune 3 que les parties restantes sont égales
AL = BG puis, d’après la Notion commune 1, que AL = BC.
Proposition 7. La relation ≅ pour les segments est une relation d’équivalence.
Démonstration. — Réflexivité : immédiat d’après l’axiome 9.
— Symétrie : Supposons qu’on a AB ≅ CD. On a AB ≅ AB par réflexivité, et
on conclut de l’axiome 9 que CD ≅ AB.
— Transitivité : Si AB ≅ CD et CD ≅ EF , alors par symétrie, on a aussi
CD ≅ AB et on conclut de l’axiome 9 que AB ≅ EF .
L’axiome de transport.
Soient C = (c1 , c2 ) un point et une droite D qui contient C.
On suppose 8 que D a pour équation y = mx + p, m > 0.
On se place sur la demi-droite [Cx).
Chaque point D de la demi-droite [Cx) distinct de D a pour coordonnées (c1 +
h, c2 + mh) où h > 0.
On a √ √
d(C, D) = h2 + m2 h2 = h 1 + m2 .
8. Les autres cas sont semblables.
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Soit [AB] un segment : posons d = d(A, B). On cherche donc un point D qui
vérifie √
h 1 + m2 = d.
Cette équation admet une solution réelle unique en h, ce qui permet de démontrer
l’axiome 8 de transport.
L’axiome de « transitivité ».
Il suffit de démontrer que si A ∗ B ∗ C, alors
d(A, B) + d(B, C) = d(A, C).
Supposons que
D ∶ y = mx + p, m > 0 et A = (a1 , a2 ),
alors il existe h, k > 0 tels que
B = (a1 + h, a2 + mh) et C = (a1 + h + k, a2 + m(h + k)).
Mais alors on a :
√
d(A, B) =h 1 + m2
√
d(B, C) =k 1 + m2
√
d(A, C) =(h + k) 1 + m2 .
ce qui permet de vérifier l’axiome 10 de transitivité.
Le cercle.
On se place à présent dans un plan P qui vérifie les axiomes d’incidence, d’ordre
et de congruence pour les segments.
On peut à présent définir les cercles et établir certaines de leurs propriétés à
partir des axiomes 9.
Définition 11. Soient O et A deux points du plan P.
On appelle cercle de centre O et de rayon OA l’ensemble Γ de tous les points B du plan
P tels que OA ≅ OB.
Proposition 8. Soient O et A deux points du plan et Γ un cercle de centre O et de rayon
OA.
Alors toute droite passant par le point O coupe le cercle Γ en exactement deux points B
et C tels que B ∗ O ∗ C.
9. Celles-ci seront démontrées en TD.
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Remarque 25. En revanche, le fait qu’une droite quelconque rencontre un cercle en au plus deux
points ne découle pas de ces seuls axiomes (voir TD).
Définition 12. Le segment [AE] est appelé somme des segments [AB] et [CD] et on
écrit
AE = AB + CD.
Remarque 26. Cette somme dépend a priori de l’ordre choisi pour les extrémités A et B.
que A E = A B + C D .
′ ′ ′ ′ ′ ′
Par construction, on a A ∗ B ∗ E et A ∗ B ∗ E .
′ ′ ′
Remarque 27. Puisque [AB] = [BA], il s’ensuit que la somme de deux segments ne dépend pas
de l’ordre choisi pour les extrémités, à congruence près.
Remarque 28. On peut montrer que l’addition ainsi définie sur les classes de congruence est
associative et commutative mais elle ne possède pas d’élément neutre. . .
Soustraction de segments.
Démonstration. Soit F l’unique point sur la demi-droite [Ex) qui ne contient pas
′
D tel que BC ≅ EF .
′
D. Contradiction !
Corollaire 5. La soustraction est bien définie sur les classes de congruence de segments.
Définition 13. BC est appelée la différence de AC et AB et on écrit
BC = AC − AB.
Comparaison de segments.
Définition 14. Soient [AB] et [CD] deux segments donnés.
On dit que AB est plus petit que CD, et on écrira AB < CD, lorsqu’il existe un point
E entre C et D tel que AB ≅ CE.
On dit aussi que CD est plus grand que AB et on écrit CD > AB.
Remarque 30. Nous allons voir que la relation « être plus petit que » est compatible avec la rela-
tion de congruence, ce qui permet de définir une relation d’ordre sur les classes de congruence de
segments.
′ ′ ′ ′
Proposition 12. 1) Soient AB ≅ A B et CD ≅ C D . Alors
′ ′ ′ ′
AB < CD ⟺ A B < C D .
2) La relation < définit une relation d’ordre total sur les segments, à congruence près,
au sens suivant :
a) Si AB < CD et CD < EF , alors AB < EF (transitivité) ;
b) Soient AB, CD deux segments. Alors une et une seule des conditions suivantes
est vérifiée (ordre total) :
AB < CD, AB ≅ CD, AB > CD.
Démonstration de 1.
tion 11, C ∗ E ∗ D.
′ ′
On en déduit A B < C D .
′ ′ ′ ′
AB ≅ CX et CD ≅ EY.
Soient AB et CD, et E l’unique point sur la demi-droite [CD) tel que AB ≅ CE.
On a soit E = D, soit C ∗ E ∗ D, soit C ∗ D ∗ E.
En effet, on ne peut pas avoir D ∗ C ∗ E car D et E sont du même côté de C.
Ces conditions sont équivalentes à respectivement : AB ≅ CD, AB < CD ou
AB > CD.
2.5. Axiomes de congruence pour les angles. Il faut tout d’abord souligner que la
notion d’angle est une notion difficile car, d’une part, on peut définir, de différentes
manières, un angle, d’autre part, on confond souvent, par abus de langage, l’angle
et la mesure de l’angle. Voici ce qu’écrit Gustave Choquet :
La notion d’angle est sans doute celle qui soulève le plus de discussions et de
difficultés dans l’enseignement de la géométrie.
Les difficultés sont dues, en partie à une terminologie mal précisée, en partie à
un mélange confus de plusieurs notions mathématiques, et aussi à la véritable
difficulté mathématique de cette question.
Une première confusion vient de ce qu’on utilise le même mot : « angle », pour
désigner des concepts plus ou moins liés, mais néanmoins distincts : Secteur plan,
couple de demi-droites, mesure, etc.
La définition la moins élaborée est la suivante : Un angle de sommet O, — ou sec-
teur plan —, est l’intersection de deux demi-plans fermés dont les droites fron-
tières sont distinctes et passent par O.
Cette définition est bien adaptée au dessin, au découpage, à la mesure au moyen
d’un rapporteur, en un mot à la géométrie « intuitive » jusqu’à l’âge de 12 à 13
ans. Elle conduit à des difficultés dès qu’on veut ajouter plusieurs angles assez
grands ; on donne alors trop souvent des explications et des définitions confuses
au moyen d’angles en spirale (plus grands que 360°), qui obscurcissent la ques-
tion et font considérer la notion d’angle comme un traquenard.
On évite certaines de ces difficultés en allégeant l’angle : Ce ne sera plus une par-
tie du plan, mais un couple ordonné de demi-droites de même origine. Toutefois
des difficultés subsistent lorsqu’on veut ajouter deux angles ; pour les surmonter,
on est conduit à introduire d’abord une relation d’équivalence dans l’ensemble
des couples de demi-droites, et à définir l’addition sur l’ensemble quotient asso-
cié à cette relation. Ce procédé est tout à fait correct, mais assez lourd.
Pour éviter ces lourdeurs, quelques auteurs ont postulé l’existence d’une « me-
sure » sur l’ensemble des couples ordonnés de demi-droites (non opposées), et
l’additivité de cette mesure pour les « petits angles ». Sous une apparence de ri-
gueur, une telle axiomatique est finalement néfaste parce qu’elle dissimule les
différences essentielles entre le groupe des angles et le groupe additif R, par
exemple le fait que, dans le premier, la relation θ + θ = 0 n’entraîne pas θ = 0 ;
d’autre part elle est peu maniable, même au début de la géométrie élémentaire
puisqu’elle ne permet pas l’itération de l’opération très simple de doublage :
θ ⟶ 2 θ.
Dans toute définition correcte, les angles sont des êtres assez abstraits ; le pro-
blème, dans l’enseignement, est de rendre accessible cette abstraction, et d’adop-
ter une définition dont tous les termes soient intuitifs. (Choquet, 1964, p. 96-97)
La mesure des angles. Précisons à présent ce qu’il faut entendre par mesure des
angles.
Considérons le secteur angulaire saillant 11 AOB̂ et le cercle trigonométrique C
de centre O et de rayon 1 (une unité de longueur ayant été choisie). La longueur
de ce cercle est 2π ou, plutôt, c’est la définition du nombre π.
Définition 15. On appelle mesure en radians de l’angle (ou du secteur angulaire) AOB ̂
̑
la longueur θ de l’arc de cercle correspondant A′ ′
B.
◦
On utilise aussi comme unité de mesure d’angle le degré avec la relation 180 = π radians.
Remarque 31. Un radian est donc la mesure d’un angle qui découpe sur le cercle unité un arc de
longueur 1.
11. Le secteur angulaire saillant, qui est une partie convexe du plan, correspond à l’intérieur de
̂
l’angle pendant que le secteur angulaire rentrant correspond à l’« extérieur » de l’angle AOB.
CM L3E GÉOMÉTRIE 2 25
̂
Figure 23. La mesure θ de l’angle AOB
Remarque 32. On s’autorisera à confondre angle et mesure d’angles et l’on ne précisera pas tou-
jours l’unité de mesure choisie. On pourra écrire par exemple
π
̂ =
AOB
3
qui est doublement incorrect (pourquoi ?).
Quelques théorèmes classiques sur les angles. Avant d’énoncer les axiomes de congru-
ence pour les angles, nous allons tout d’abord rappeler, et démontrer, quelques
théorèmes classiques de géométrie élémentaire sur les angles en utilisant les outils
classiques à notre disposition des cas d’égalité des triangles.
Théorème 1 (angle droit et demi-cercle). 1) Soit Γ un cercle de diamètre [BC] et
soit A un point de Γ distinct de B et C. Alors le triangle ABC est rectangle en A.
2) Réciproquement, si ABC est rectangle en A et si O est le milieu de [BC] on a
OA = OB = OC, de sorte que A est sur le cercle de diamètre [BC].
opposé à D. Les deux triangles ADD et BDD sont donc rectangles. D’après le
′ ′
Remarque 33. On peut formuler ces résultats avec des angles orientés. . .
Axiomes de congruence pour les angles. Nous postulons une relation binaire de congruence
entre deux angles, notée à nouveau ≅, qui vérifie les trois axiomes suivants :
̂ et une demi-droite [DF ). Il existe une
Axiome 11 (Transport). Soit un angle BAC
̂ ≅ EDF
unique demi-droite [DE) sur un côté donné de la droite (DF ), tel que BAC ̂.
Axiome 12 (Relation d’équivalence). Soient α, β, γ trois angles. Si α ≅ β et α ≅ γ,
alors β ≅ γ. Tout angle est congruent à lui-même.
Axiome 13 (Côté-Angle-Côté (CAC)). Soient ABC et DEF deux triangles. On sup-
pose que AB ≅ DE, AC ≅ DF et BAC ̂ ≅ EDF̂.
Alors on a BC ≅ EF , ABC ̂ ≅ DEF ̂ et ACB̂ ≅ DF ̂E.
On dit alors que les triangles sont congruents.
Proposition 13. La relation ≅ pour les angles est une relation d’équivalence.
Démonstration. Identique à la précédente : il suffit de remplacer les segments par
les angles et l’axiome 9 par l’axiome 12.
̂ et BAD
Proposition 14. Soient BAC ̂ (resp. B̂A C et B̂
′ ′ ′ ′ ′ ′
A D ) des angles supplémen-
taires.
̂ ≅ B̂
Si BAC ′ ′ ′ ̂ ≅ B̂
A C , alors on a aussi BAD ′ ′ ′
AD
lier, BC ≅ B C et BCA
′ ′
̂ ≅ B̂ C A.
′ ′ ′
que DC ≅ D C .
′ ′
′ ′
̂ = B̂
B D et BDA DA.
′ ′ ′
̂ = B̂
en particulier BAD AD.
′ ′ ′
Remarque 35. Cette proposition de soustraction des angles, dans le cas où les angles sont sup-
plémentaires, correspond à la proposition 11.
̂ et DAE
Démonstration. Les angles BAC ̂ sont supplémentaires avec l’angle DAB.
̂
Ils sont donc congruents d’après la proposition 14.
30 CM L3E GÉOMÉTRIE 2
Addition d’angles.
̂ un angle et [AD) une demi-droite
Proposition 15 (Addition d’angles). Soient BAC
̂
située à l’intérieur de l’angle BAC.
Soient D̂ A C et B̂
′ ′ ′ ′ ′ ′
A D tels que :
— D̂ ′ ′ ′ ̂ et B̂
A C ≅ DAC ′ ′ ′ ̂
A D ≅ BAD,
— [A B ) et [A C ) sont situés de part et d’autre de (A D ).
′ ′ ′ ′ ′ ′
AD ≅ A D .
′ ′
̂ ≅ B̂
BDA DA.
′ ′ ′
̂ ≅ Â
ADC DC.
′ ′ ′
: On ne sait pas a priori que B ∗ D ∗ C !
′ ′ ′
̂
supplémentaire avec A DB congruent à ADB.
′ ′ ̂
D’après la proposition 14, on déduit  ′ ̂
D′ E ′ ≅ ADC.
̂ ≅ Â
ADC ′
D C implique par transitivité Â
′ ′ ′
D E ≅ Â
′ ′
DC.
′ ′ ′
angle.
— [A D ) est à l’intérieur de l’angle B̂A C car B et C sont de part et d’autre
′ ′ ′ ′ ′ ′ ′
de (A D ).
′ ′
Comparaison d’angles.
̂ et EDF
Définition 18. Soient BAC ̂ deux angles.
̂ est plus petit que EDF
On dit que BAC ̂ et on écrit BAC
̂ < EDF̂ lorsqu’il existe
̂ telle que BAC
une demi-droite [DG) à l’intérieur de l’angle EDF ̂ ≅ GDF
̂.
̂ est plus grand que BAC.
On dit aussi que EDF ̂
′ ′
Proposition 16. 1) Soient α ≅ α et β ≅ β . Alors
′ ′
α<β ⟺ α <β.
2) La relation < définit une relation d’ordre total sur les angles, à congruence près,
au sens suivant :
a) Si α < β et β < γ, alors α < γ (transitivité) ;
b) Soient α et β deux angles. Alors une et une seule des conditions suivantes est
vérifiée (ordre total) :
α < β ; α ≅ β ; α > β.
Démonstration. Semblable à celle de la proposition 12.
Angles droits.
Définition 19. On appelle angle droit un angle congruent à « son »angle supplémen-
taire. On dit que deux droites sont perpendiculaires ou orthogonales lorsqu’elles se
coupent en un point en formant un (et donc quatre) angle droit
Remarque 36. Un angle possède deux angles supplémentaires qui sont opposés par le sommet et
donc congruents.
̂ et α′ = Ĉ
Démonstration. Soient α = CAB A B deux angles droits, β, β leurs
′ ′ ′ ′
angles. On aurait sinon α < α ou α > α . Supposons, par exemple, que α < α .
′ ′ ′
̂
EAB.
′ ′ ′
proposition 14 implique Ê ′ ′ ′
A D ≅ β.
Mais alors β < β. Comme α ≅ β et α ≅ β , on déduit par transitivité (proposi-
′ ′ ′
Remarque 38. On appelle cette géométrie « géométrie neutre » car ces axiomes sont vérifiés à la
fois en géométrie euclidienne et non-euclidienne.
Quelle géométrie peut-on développer avec ces axiomes ?
On se propose à présent pour conclure le cours de revenir à la géométrie d’Eu-
clide à partir des axiomes de la géométrie neutre de Hilbert.
Nous avons vu que nous ne pouvons pas construire un triangle équilatéral sur
un segment donné quelconque sans axiome supplémentaire. En fait, on peut dé-
montrer que l’existence d’un triangle équilatéral sur un segment donné ne peut
pas être déduit des axiomes vérifiés par un plan de Hilbert.
12. On n’inclut pas l’axiome P des parallèles.
CM L3E GÉOMÉTRIE 2 33
Nous allons montrer qu’on peut toutefois construire un triangle isocèle sur un
segment donné quelconque.
Triangles isocèles.
Définition 21. Soit ABC un triangle. On dit que ABC est isocèle en A (resp. équila-
téral) lorsque AB ≅ AC (resp. AB ≅ AC ≅ BC).
Proposition 18. Soit ABC un triangle. ABC est isocèle en C si, et seulement si, ses
̂ ≅ CBA.
angles à la base sont congruents CAB ̂
Démonstration. Voir TD, exercice 23.
Remarque 39. Ce théorème d’égalité des angles à la base des triangles isocèles, joint au premier
cas d’égalité des triangles qu’on va démontrer à la suite, permet de démontrer les constructions
classiques à la règle et au compas (bissectrice, perpendiculaire).
Proposition 19. [Existence des triangles isocèles] Soit [AB] un segment. Alors il existe
un triangle isocèle de base [AB].
Démonstration. Soit [AB] un segment. Il existe un point C qui n’appartient pas à
(AB) (axiome 3). Considérons le triangle ABC :
̂ ≅ ACB,
— si ABC ̂ alors ABC est isocèle d’après la proposition 18.
— sinon, un angle est inférieur à l’autre (proposition 16), par exemple, on a
̂ < CBA.
CAB ̂
̂ telle que
Mais alors, il existe une demi-droite [BE) à l’intérieur de l’angle CBA
̂ ≅ EBA.
CAB ̂
D’après le théorème 6 de la transversale, cette demi-droite [BE) doit rencontrer
le côté opposé [AC] en un point D.
Comme DAB̂ ≅ DBA, ̂ on déduit de la proposition 18 que DAB est isocèle en
D.
Remarque 40. On s’est posé la question de l’existence d’un triangle isocèle, sa base étant donnée.
Il est en effet nécessaire de disposer de cette construction du triangle isocèle pour, par exemple,
construire la bissectrice d’un angle.
Remarque 41. : il ne suffit pas de construire deux angles égaux en A et B car, sans l’axiome P
des parallèles, on n’a aucune garantie que les deux demi-droites [Ax) et [By) se rencontrent.
34 CM L3E GÉOMÉTRIE 2
Cas d’égalité des triangles. Nous avons vu que le cas d’égalité « côté-angle-côté » est
pris comme l’axiome 13 par Hilbert. Nous allons démontrer le second cas d’égalité
des triangles [CCC].
Proposition 20 (côté-côté-côté). Si deux triangles ABC et A B C ont leurs côtés res-
′ ′ ′
′ ′ ′ ′ ′ ′
pectifs congruents, AB ≅ A B , AC ≅ A C , BC ≅ B C , alors les deux triangles sont
congruents.
que :
̂ ≅ Ĉ
— CAB A B (axiome 11) ;
′ ′ ′′
— AB ≅ A B (axiome 8).
′ ′′
Comme AB ≅ A B , AC ≅ A C et BAC
′ ′′ ′ ′
̂ ≅ B̂ A C , on déduit de l’axiome 13
′′ ′ ′
B C.
′′ ′
Traçons la droite (B B ) (axiome 1) 13.
′ ′′
On a A B ≅ AB et A B ≅ AB (B C ≅ BC et B C ≅ BC)
′ ′′ ′ ′ ′′ ′ ′ ′
̂ ≅ Â
On déduit par transitivité de l’axiome 12 que ABC BC.
′ ′ ′
Il ne reste plus qu’à appliquer l’axiome 11 [CAC] pour conclure que les triangles
ABC et A B C sont congruents.
′ ′ ′
Constructions avec les instruments de Hilbert. Il est possible d’interpréter des axiomes
de Hilbert comme des clauses de construction comme on peut le faire dans les
Élémentsd’Euclide pour les postulats qui concernent la droite et le cercle.
— L’axiome 1 qui pose l’existence d’une droite unique passant par deux points
correspond à la règle ;
13. On considère le cas où A et C sont de part et d’autre de (B B ).
′ ′ ′ ′′
CM L3E GÉOMÉTRIE 2 35
Alors on a :
̂ > BAC
ACD ̂ et ACD
̂ > ABC.
̂
CM L3E GÉOMÉTRIE 2 37
Remarque 43. Il s’agit d’un théorème de géométrie neutre qui ne requiert pas l’axiome des paral-
lèles.
14. On peut montrer que cet axiome est indépendant des axiomes d’un plan hilbertien.
15. C’est donc en particulier un plan hilbertien.
194 LIVRE l
D E
3. Polygones
1. Le texte réguliers
grec dit « sur laconstructibles
droite limitée donnée». à la règle
L'habitude et moderne
française au compas
est d'utiliser l'article indéfini pour souligner la validité universelle de la proposition.
Définition 24. Un polygone régulier est un polygone dont les côtés sont de même lon-
gueur et les sommets sont situés sur un cercle.
Théorème 3 (Gauss). Les polygones réguliers constructibles à la règle et au compas sont
α α
ceux dont le nombre de côtés n est de la forme 2 avec α ⩾ 2 ou de la forme 2 p1 . . . pr avec
α ∈ N et où les pi sont des nombres premiers distincts qui sont des nombres de Fermat
β
2
de la forme 2 + 1.
Les cinq premiers nombres de Fermat (1601 ?-1665) sont
— 3, 5, 17, 257 et 65537.
Ils sont premiers. Ce n’est pas le cas du sixième comme le remarquera en 1732
Euler (1707-1783).
Exemple 8. Les polygones réguliers à n côtés constructibles à la règle et au compas
pour n ⩽ 20 sont donc les polygones à 3, 4, 5, 6, 8, 10, 12, 15, 16, 17 et 20 côtés d’après le
théorème de Gauss.
Remarque 45. C’est Gauss (1777-1855) qui le premier donnera en 1796 une construction à la
règle et au compas de l’heptadécagone (polygone à 17 côtés) régulier.
Remarque 46. Pour davantage d’informations et une démonstration de ce résultat, on peut voir (Car-
rega, 1989, Ch. IV, p. 47-66) et (Perrin, 2005, p. 153-162).
CM L3E GÉOMÉTRIE 2 39
Références
Michèle Audin : Géométrie. EDP Sciences, Paris, 2006.
Jean-Claude Carrega : Théorie des corps. La règle et le compas. Hermann, Paris, 1989.
ère
Nouvelle édition enrichie d’exercices (1 édition, 1982).
Gustave Choquet : L’enseignement de la géométrie. Enseignement des sciences.
Hermann, Paris, 1964.
Euclide : Les Éléments (4 vols.). PUF, Paris, Bernard Vitrac (traduction et commen-
taires) et Maurice Caveing (introduction générale) édition, 1990-2001.
Robin Hartshorne : Geometry : Euclid and beyond. Undergraduate texts in mathe-
matics. Springer, New York, 2000.
Thomas L. Heath, éditeur. The thirteen books of Euclid’s Elements translated from
the text of Heiberg with introduction and commentary (3 vols.). University Press,
Cambridge, 2nd édition, 1925. Reprint, Dover Publ.,New York, 1956.
David Hilbert : Les principes fondamentaux de la géométrie. Gauthier-Villars, Pa-
ris, 1900. URL http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k996866. Traduction
française par L. Laugel des Grundlagen der Geometrie (1899).
Elisha Loomis : The Pythagorean Proposition (second edition). Edwards brothers,
Ann Arbor, Michigan, 1940. URL https://archive.org/details/in.ernet.
dli.2015.84599/page/n8.
Daniel Perrin : Mathématiques d’école : nombres, mesure et géométrie. Cassini, Paris,
2005.
Terence Tao : Solving mathematical problems. A personal perspective (2nd ed.). Oxford
University Press, Oxford, 2006. Chap. IV, Euclidean geometry, 49-68.