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URL: https://revues.imist.ma/index.php?journal=rpe&page=article&op=view&path%5B%5D=21529
ISSN : 2509-0399
Date de mise en ligne : 01 juillet 2020
Pagination : 1-22
Référence électronique
Ekodo, R., Ndam, M., Ousmanou, K., «Investissement direct étranger et croissance
économique en zone CEMAC : Le rôle du contrôle de la corruption», Revue "Repères
et Perspectives Economiques" [En ligne], Vol. 4, N° 2 / 2ème semestre 2020, mis en ligne
le 01 juillet 2020.
URL: https://revues.imist.ma/index.php?journal=rpe&page=article&op=view&path%5B%5D=21529
Investissement direct étranger et croissance économique en zone CEMAC : Le rôle du contrôle de la corruption
Foreign Direct Investment and economic growth in CEMAC zone: the role of the
control of corruption
Abstract
The objective of this article is to assess the effect of control of corruption in the relationship
that exist between foreign direct investment (FDI) and economic growth in the countries of
the Economic and Monetary Community of Central Africa (EMCCA. To achieve this
objective, econometric analyses of the panel data of the six countries for the period 1996 to
2018 have been carried out using the Generalized Methods of Moment (GMM). The result
obtained from the analyses show that Foreign Direct Investment (FDI) combined to control of
corruption although having a positive sign has no effect on growth rate in the EMCCA zone.
However, this effect size is low. Hence, some recommendations were made, based on the
findings, on how to effectively fight corruption in the FDI-economic growth nexus, through
decentralization, the lightening of administrative procedures and flexibility of fiscal
regulations.
Résumé
L’objectif de cet article est d’évaluer l’effet du contrôle de la corruption dans la relation qui
existe entre l’investissement direct étranger (IDE) et la croissance économique dans les pays
de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC). Pour y arriver,
des estimations économétriques ont été faites en utilisant la Méthode des Moments
Généralisés (MMG) en panel dynamique des six pays de la zone sur la période allant de 1996
à 2018. Les résultats obtenus montrent que l’IDE combiné au contrôle de la corruption bien
qu’ayant un signe positif n’exerce aucun effet sur la croissance économique en zone CEMAC.
Au regard de ces résultats, des recommandations ont été faites pour rendre plus efficace la
lutte contre la corruption dans la relation IDE-croissance économique, à travers la
décentralisation, l’allègement des procédures administratives et l’assouplissement de la
réglementation en matière fiscale.
Introduction
Pour la plupart des Pays en Développement (PED), l’Investissement Direct Etranger (IDE)
constitue une source importante des transferts financiers extérieurs. Il contribue à
l’augmentation de la capacité productive de l’économie et peut aussi servir de vecteur de la
diffusion des technologies ou des connaissances (Blonstrom et Wolff, 1994 ; Bertschek et
Kokko, 1995 ; Navaretti et Venables, 2006, Herzer et al, 2008). Il constitue également un
facteur de création d’emploi et de stimulation de la croissance des revenus dans les pays
hôtes. Par ailleurs, les IDE agissent aussi favorablement sur le volume et la rémunération des
emplois directs et indirects, sur les revenus de l’Etat, sur la formation du capital et la
modernisation de l’appareil productif (Mercier Salnave, 2004).
Pendant de nombreuses années, la quasi-totalité de ces PED étaient pourtant hostiles à l’entrée
des IDE sur leurs territoires du fait que ceux-ci considéraient que ces investisseurs venaient
surtout pour la réalisation de leurs bénéfices et étaient à l’origine des nombreux conflits dans
les pays d’accueil (Alaya, 2006). Mais depuis les progrès économiques réalisés par la Chine,
l’Inde, l’Indonésie et les quatre dragons de l’Asie du sud-est dans les années 1980 grâce aux
IDE, on assiste dès la fin des années 1980 à un grand retournement de vision des PED vis-à-
vis des IDE (Michalet, 1999).
Cependant, en dépit de cette forte augmentation du flux d’IDE entrants dans la zone CEMAC,
les mêmes statistiques montrent que les taux de croissance économique, c’est-à-dire de
production des richesses de ces pays, n’ont pas suivi la même tendance. Ils ont plutôt évolué
1
La CEMAC est composée de six pays, à savoir : le Cameroun, le Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale, la
République centrafricaine et le Tchad
en dents de scies. Au cours de la même période, le taux de croissance économique est passé
de 3,40% à 4,06% au Cameroun ; de 6,20% à 1,02% au Congo ; de -2,80% à 0,83% au
Gabon ; de 7,70% à -6,12% en Guinée Equatoriale ; de 4,70% à 3,78% en République
Centrafricaine (RCA) et de 0,60% à 2,64% au Tchad. Ce qui est contraire aux résultats
obtenus dans d’autres PED, en l’occurrence les pays asiatiques et latino-américains qui ont
enregistré des forts taux de croissance économique grâce aux IDE dans un contexte également
caractérisé par de mauvaises pratiques de gouvernance, c'est-à-dire la corruption, le manque
de transparence dans la gestion des fonds publics, l’instabilité politique, le non respect de la
réglementation et d’autres abus du pouvoir.
Dans la littérature économique, plusieurs auteurs ont abordé la problématique du lien entre
l’IDE et la croissance économique dans les PED et sont arrivés à des résultats controversés.
Certains pensent que les IDE affectent positivement la croissance économique (Chen, 1992 ;
Bertrand et Gouia, 1998 ; Berthelemy et Dumurger, 2000 ; Bouklia-Hassane et Zatla, 2001 ;
Yao and Wei, 2007 ; Wang et Wong, 2009 ; Kotrajaras, 2010 ; Freckleton et al, 2012).
D’autres au contraire montrent que les IDE influencent négativement la croissance
économique (Brewer, 1991 ; Haddad et Harrison, 1993 ; Sadick et Bolbol, 2001) ; Carkovic et
Levine, 2002 ; Darrat et al, 2005 ;Meschin, 2006 ; Vita et Kyaw, 2009 ; Wang et Wong,
2010 ; Herzer, 2012). D’autres auteurs encore, défendent l’idée selon laquelle les IDE ne
stimulent la croissance économique d’un pays, d’une région ou d’une communauté que sous
réserve de la réalisation de certaines conditions. Parmi ceux-ci, Caves (1996) ; Globerman
S.et Shapiro, D (2002), Alaya (2009) et Dalila Nicet-Chevet et Eric Rougier (2010) montrent
que les IDE n’agissent positivement sur la croissance économique d’un pays que si et
seulement si ce dernier dispose d’une main d’œuvre qualifiée, contrôle efficacement la
corruption et est ouvert au commerce extérieur. Selon ces derniers, la maîtrise de ces facteurs
complémentaires par ces différents pays est de nature à amplifier plus les effets de l’IDE sur
la croissance économique.
Parmi tous ces facteurs, l’expérience récente de certains PED qui ont amélioré leur croissance
économique en mettant en place à la fois une politique d’attractivité des IDE et des bonnes
pratiques de gouvernance, à l’instar de ceux de l’Asie du Sud-est (Chine, Corée du Sud,
Japon) et du Sud-est de la Méditerranée et même du Rwanda, montre que le contrôle de la
corruption semble être le meilleur catalyseur des effets de l’IDE sur la croissance
économique.
Le concept de corruption est polysémique, et a fait l’objet d’une abondante publication depuis
les travaux de North (1990) et de Mauro(1995). La corruption désigne selon Nyé (1967), un
comportement qui s’écarte des obligations formelles inhérentes à une fonction publique pour
tirer un avantage privé en termes d’argent ou de statut. Pour Waterbury(1973) et Ulman et
Bujanca (2014), elle renvoie à l’abus d’une charge publique à des fins d’enrichissement
personnel, que celui-ci soit matériel ou public. Les définitions proposées par les institutions de
BretonWood et la Transparency International ne sont pas très différentes de celle-ci.
Le contrôle de la corruption, quant à lui, est employé pour mesurer l’étendue de la corruption
et la manière avec laquelle le pouvoir public est exercé à des fins privées. Cette variable prend
en compte toutes les formes de corruption, y compris « la capture » de l’Etat par une élite
(Brahim El Morchid, 2009). Dans la littérature, la corruption est évaluée à partir du contrôle
de la corruption, c'est-à-dire de l’indicateur qui apprécie l’effort des Etats en matière de lutte
contre la corruption.
Les mêmes statistiques de la Banque Mondiale révèlent également que l’indice du contrôle de
la corruption bien que faible en zone CEMAC, a également évolué en dents de scie comme la
croissance. Ainsi, pour la période allant de 1996 à 2018, il est passé de -1,30 à -1,14 au
Cameroun ; de -0,80 à -1,23 au Congo ; de -1,10 en à -0,85 au Gabon ; de -1,26 à -1,55 en
Guinée Equatoriale ; de -1,14 à -1,35 en République Centrafricaine ; de -1,38 à -1,41 au
Tchad. (WGI, 2020). Peut – on alors penser que le niveau de croissance économique obtenu
par ces pays, après une entrée massive des IDE dans leurs territoires, soit tributaire au niveau
du contrôle de la corruption ?
L’objectif de cet article est donc d’une part d’évaluer l’effet du contrôle de la corruption dans
la relation qui existe entre l’IDE et la croissance économique en zone CEMAC, et d’autre part
de mettre en évidence des propositions à partir desquelles les politiques de développement
pourront s’appuyer. Cette problématique nous semble légitime, car à notre connaissance
aucune étude n’a encore été faite sur le rôle du contrôle de la corruption dans la relation IDE
et croissance économique dans cette communauté. Le présent article vise donc à combler ce
vide. La suite de l’article se présente de la manière suivante : La première section présente la
revue de la littérature. La deuxième section, quant à elle, expose la démarche méthodologique.
La dernière section présente les résultats obtenus et leurs discussions.
1. Revue de la littérature
Les économistes ne s’accordent pas jusqu’aujourd’hui sur le rôle du contrôle de la corruption
dans la relation qui existe entre l’IDE et la croissance économique dans les PED. Certains
Cette idée a été aussi développée par les modèles de la Nouvelle Economie Institutionnelle.
Les concepteurs de cette théorie soutiennent vigoureusement que des institutions efficaces
peuvent faire la différence dans le succès des reformes du marché. Ils affirment que la qualité
des institutions constitue l’un des facteurs amplificateur de la relation qui existe entre l’IDE et
la croissance économique. Par ailleurs, ils affirment que les institutions de bonne qualité
favorisent la croissance économique soit en agissant sur le niveau de l’investissement, et plus
particulièrement sur l’IDE (Daude et Stein, 2007 ; Busse et Hefeker, 2007 ; Guerin et
Manzocchi, 2009), soit en réduisant les coûts de transaction. D’une façon plus large, les
institutions permettent de réduire l’incertitude inhérente aux relations humaines (North,
1994).
A cet effet, les modèles de Rodrik Subramanian et Trebbi (2002), soutiennent que les
institutions telles que les droits de propriété intellectuelle, l’éducation, l’incitation à
l’innovation, les normes de conduites, les politiques de concurrence et la lutte contre la
corruption stimulent la croissance économique par l’encouragement des firmes à adopter un
comportement économique souhaité.
Allant dans le même sens, Lall (1997, 2003) soulignent aussi dans leur modèle théorique
l’importance des institutions dans la stimulation des effets des IDE sur la croissance
économique. De même, il a aussi été démontré que la qualité des institutions est un préalable
nécessaire pour permettre aux pays hôtes de tirer profit des retombées technologiques des
IDE. Par ailleurs, des bonnes institutions permettront aux pays d’accueil de pouvoir absorber
les nouvelles technologies qu’apportent les firmes multinationales.
D’autres auteurs encore développent l’idée selon laquelle, lorsque qu’un pays présente un
faible niveau de corruption, un degré de protection des droits de propriété élevé, il profite
mieux de l’efficacité des IDE sur son territoire, et il peut facilement avoir accès à des rentes
plus ou moins durables. De plus, les rigidités sur le marché de travail et de biens et services
peuvent décourager le développement de nouvelles activités risquées. Ainsi, ces différentes
règles qui sont en place dans un pays affectent fortement le développement et l’amélioration
de la productivité (Daniele V. et Maram U. ,2006.
Sur le plan empirique, il existe également une abondante littérature qui traite du rôle
amplificateur du contrôle de la corruption dans la relation entre IDE et croissance
économique.
Alaya et al (2004,) dans le cas des pays au Sud-est de la Méditerranée (PSEM) sur la période
1975-2004, utilisent un modèle composé de l’IDE, du capital humain, de l’ouverture
commerciale, de l’inflation, du développement financier, des infrastructures et des variables
interactives pour ressortir les conditions sous lesquelles les IDE stimulent la croissance
économique dans les PED. Ces auteurs arrivent à la conclusion selon laquelle la croissance est
un peu plus sensible aux IDE lorsque les pays récepteurs sont dotés des institutions de bonne
qualité. Pour y parvenir, ces derniers utilisent la méthode des moindres carrés généralisés
(GMM).
Pegdwendé Conombo E.B. (2018), en utilisant la méthode « within », dans une étude
économétrique portant sur un panel de 45 pays d’Afrique subsaharienne, sur une période
allant de 2004 à 2010, met en évidence le rôle de la gouvernance comme facteur déterminant
de la transmission des retombées des IDE en provenance de la Chine sur la croissance
économique de ces pays. Il arrive au résultat selon lequel, il n’est pas toujours évident
d’établir une relation positive entre IDE chinois et la croissance économique. Néanmoins,
cette relation devient positive et significative en interaction avec le contrôle de la corruption.
Par ailleurs, il affirme que, lorsque dans un pays la qualité règlementaire a atteint un certain
niveau de développement, les IDE chinois présents dans ce pays ont des retombées positives
sur la croissance économique.
De manière similaire, Kamara (2013) étudie l’impact des IDE sur la croissance de 44 pays
d’ASS pour la période 1981 - 2010. L’auteur considère l’existence de quatre canaux par
lesquels les IDE peuvent affecter la croissance économique de ces pays. Ces canaux sont : le
capital humain, le développement financier, les infrastructures et les institutions. La
méthodologie utilisée dans cette étude est celle des moments généralisés (GMM). Les
résultats de cette étude montrent que le développement financier et les institutions améliorent
les effets des IDE sur la croissance ; tandis que le capital humain et les infrastructures
détériorent les effets des IDE sur la croissance.
Contrairement à ces études, d’autres auteurs défendent la thèse, selon laquelle la bonne
gouvernance et plus particulièrement le contrôle de la corruption n’améliore pas toujours
l’effet de l’IDE sur la croissance économique dans les PED. Ils pensent plutôt que le contrôle
de la corruption peut aussi handicaper l'efficience du rôle des IDE sur la croissance
économique dans les pays d’accueil, et plus particulièrement, dans le cadre d’une
réglementation envahissante et lourde dans les PED.
En effet, les investisseurs sont aujourd’hui de plus en plus attirés par les PED riches en
ressources naturelles (mine, pétrole, bauxite,), malgré la persistance de la corruption et de la
mal gouvernance qui gangrène la majorité de ces pays. Au contraire, la corruption des pays
hôtes peut stimuler l'entrée des IDE (Kolstrad et Wiig, 2013), car les investisseurs étrangers
peuvent profiter des procédés malhonnêtes utilisés par les employés pour contourner les
règlementations. Certaines firmes multinationales payent des "pots-de-vin" pour accélérer les
démarches administratives dans le but d'obtenir des permissions légales pour démarrer leurs
projets en gagnant du temps (Freckleton et al, 2012). Ainsi, la lutte contre la corruption peut
dans certaines mesures causer une délocalisation des IDE vers d’autres pays corrompus. Ce
qui aura pour conséquence un ralentissement de la croissance économique.
Plusieurs travaux théoriques corroborent cette idée, parmi lesquels ceux de Leff, (1964),
Huntington (1968), Lui (1985), Okada et Samreth (2014), Abd Rahman (2015) qui montrent
que la corruption influence positivement la croissance économique à travers deux types de
mécanismes: les pratiques de corruption tels que « l’argent de vitesse » qui permettrait aux
individus d'éviter les retards bureaucratiques et la perception des « pots de vin » par les
employés du gouvernement qui les incite alors à s’impliquer davantage au travail. Ainsi, il se
pourrait que le cadre gouvernemental ne puisse améliorer l’effet de l’IDE sur la croissance
économique au-delà d’un certain seuil de corruption
Quelques travaux empiriques, à partir des modèles et des méthodes d’estimation différentes,
sont également arrivés au résultat selon lequel le contrôle de la corruption influence
négativement la relation IDE-croissance économique dans les PED.
Zenab El Aoumari (2009) teste dans le cadre de l’économie canadienne l’hypothèse selon
laquelle l’IDE combiné à d’autres facteurs stimule positivement la croissance économique
dans ce pays. L’auteur utilise un modèle économétrique à série temporelle, sur la période
allant de 1990 à 2008, comportant des variables explicatives suivantes : le capital humain, le
degré d’ouverture commerciale, l’inflation, la qualité des infrastructures publiques. Toutes ces
variables interagissent avec l’IDE dans son modèle. Il arrive à un résultat selon lequel
l’impact des IDE sur la croissance économique au Canada dépend étroitement de ces
variables. Cet impact peut être soit positif, soit négatif.
Souadou Baldé (2014) se livre également à ce genre d’exercice sur un échantillon de 12 pays
de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), pour la période
allant de 1996 à 2011. L’auteur teste en utilisant la méthode d’équations simultanées un
modèle économétrique comportant plusieurs variables explicatives notamment : le capital
humain, l’ouverture commerciale, le développement financier et les variables interactives
(IDE-contrôle de la corruption) et (IDE- Etat de droit). Les résultats de son étude montrent
également que l’IDE accompagné d’une maîtrise de la corruption et de l’Etat de droit affecte
selon les cas, positivement ou négativement la croissance économique. Ces résultats sont
similaires à ceux obtenus par Brahimi et Rachidi (2014) dans le cadre d’une étude menée sur
un échantillon de 19 pays du Moyen Orient et d’Afrique du Nord, visant à évaluer le rôle des
institutions dans la relation IDE-Croissance économique. Ils arrivent à la conclusion selon
laquelle seuls les pays ayant une bonne institution sont susceptibles de tirer profit des IDE sur
la croissance économique.
De ce qui précède, nous constatons qu’il n’existe pas de consensus sur les travaux empiriques
consacrés à l’analyse de la relation de cause à effet entre l’effet combiné IDE-contrôle de la
corruption sur la croissance économique. Les résultats obtenus par certains chercheurs
montrent que l’IDE combiné au contrôle de la corruption stimule positivement la croissance
économique. Pour d’autres par contre, l’IDE combiné au contrôle de la corruption n’a aucun
effet sur la croissance économique. Ces divergences de point de vue trouvent aussi leur
explication dans les méthodes d’évaluation utilisées et les caractéristiques propres à chaque
pays. S’agissant du cas des pays de la CEMAC qui mènent, depuis les années 1980, une lutte
acharnée contre la corruption, nous formulons l’hypothèse selon laquelle : L’IDE combiné au
contrôle de la corruption stimule la croissance économique en zone CEMAC.
2. Démarche méthodologique
Dans cette section, nous spécifions d’abord le modèle de l’étude et les variables. Nous
présentons ensuite les sources de collecte de données utilisées et enfin la méthode
d’estimation.
Pour tester l’hypothèse selon laquelle le contrôle de la corruption améliore l’effet des flux
d’IDE entrants sur la croissance économique en zone CEMAC, nous nous sommes inspirés du
modèle d’Alaya et al (2004) qui a déjà servi de référence à l’estimation du rôle des variables
interactives dans la relation IDE et croissance économique dans d’autres communautés2 et qui
lui-même s’appuie sur le modèle de Mankiw et al (1992). Il est spécifié de la manière
suivante :
VLAit la variable interactive qui permet d’appréhender les conditions qui autorisent les IDE
à jouer pleinement un rôle positif sur la croissance économique.
Dans notre modèle, le vecteur Xit contient également les variables incluses dans le modèle de
Solow, à savoir le capital physique (CPHY)) et le capital humain (CH). Par contre, le vecteur
Zit inclut pour sa part, outre la variable d’intérêt qui est la variable interactive IDE*CC,
d’autres variables que nous estimons pertinentes pour expliquer la croissance en zone
CEMAC, à l’instar de la variable retardée d’une période du PIB par habitant, de
l’investissement direct étranger (IDE), du contrôle de la corruption (CC), de la rente pétrolière
(RPETRO) et de la stabilité politique.
2
Plus précisément dans les pays au Sud-est de la Méditerranée (PSEM)
Log (Yit) = α Log (Yit-1) + Ψ1 Log CPHYit + Ψ2 Log CHit + П1RPETROit + П2IDEit +
П3 STABit + П4 CCit + П4 STAB*IDEit + Ф VLAit + f(i) + ﻉit (2)
- Le Capital Humain (CH) : Cette variable désigne le stock des capacités humaines
créées ou innées et d’investissement dans les êtres humains (les dépenses d’éducation,
de santé et d’alimentation). Il sera mesuré dans le cadre de notre travail par
l’espérance de vie à la naissance. La littérature théorique et empirique montre que
l’accumulation de ce dernier est une source de croissance. Nous attendons un signe
positif de son coefficient estimé.
- Les entrées nettes des IDE en pourcentage du PIB (IDE) : Etant donné que le flux
des IDE entrants vient renforcer le stock de capital physique existant dans un pays, il
ne peut qu’influencer positivement la croissance économique. Le signe attendu de son
coefficient est positif.
- Les Ressources Pétrolières (RPETRO) : Cette variable désigne la quantité des
ressources pétrolières disponible dans un pays. Sachs et Warner (1995) la mesure en
utilisant le poids des exportations pétrolières dans le total des exportations ou du PIB.
La Banque mondiale, quant à elle, utilise le rapport de la rente pétrolière sur le PIB.
Dans cette étude, nous allons utiliser cet indicateur de la Banque mondiale. Nous
attendons un signe positif de son coefficient.
- Le contrôle de la corruption (CC) est évalué à partir d’un indicateur qui apprécie
l’effort des Etats en matière de lutte contre la corruption. La construction de cet
indicateur est faite par l’Institut de la Banque Mondiale en charge des questions de
gouvernance dans le monde. Sur la base des avis des experts, il est attribué à chaque
pays un score variant entre -2,5 et +2,5. Le pays qui enregistre un score de -2,5 est
considéré comme celui dont l’effort en matière de lutte contre la corruption est
inexistant, et celui dont le score est +2,5 signifie absence de corruption. La plupart
des travaux théoriques et empiriques montrent que le contrôle de la corruption affecte
positivement l’attractivité des IDE et la croissance économique. Le signe attendu du
coefficient de la variable contrôle de la corruption est positif.
3.2. Les Sources de données, les caractéristiques des variables, les corrélations et
la méthode d’estimation
L’échantillon est composé des six pays de la CEMAC, à savoir le Cameroun, le Tchad, la
RCA, le Congo, le Gabon et la Guinée Equatoriale. A cause de l’inexistence des données pour
tous les pays, notre étude couvre la période allant de 1996 à 2018. Ces données sont
compilées dans Excel et importées au logiciel économétrique (STATA 12.0) pour être traitées
à l’aide des outils statistiques appropriés.
L’estimation des modèles de croissance avec la méthode des effets fixes ou des effets
aléatoires tels que réalisés par Barro (1991) ou Sala-i-Martin X. (1994) présente certaines
limites3. Les résultats obtenus de ces études sont donc altérés par les problèmes de corrélation
des effets spécifiques avec les termes d’erreur et de l’endogénéité de certaines variables
explicatives.
La méthode d’estimation qui permet de prendre en compte ces différents problèmes et que
nous proposons dans le cadre de ce travail est la méthode des moments généralisés (GMM)
développée à l’origine par Holtz-Eakin et al, (1988) et Arellano et Bond (1991). Il en existe
deux types : l’estimateur GMM en différences premières et l’estimateur GMM en système.
3
Il est impossible de prendre en compte tous les déterminants de la croissance. Certains facteurs tels que
l’efficacité initiale, ne sont pas observables. D’autres comme la qualité des institutions sont observables, mais la
manière dont ils sont mesurés comportent beaucoup d’incertitudes ;
L’équation ne peut pas être estimée avec les méthodes telles que la méthode des effets fixes ou des effets
aléatoires, car les effets spécifiques sont corrélés avec au moins une des variables explicatives ;
S’agissant du test de Sargan, les résultats des p-values inférieurs à 5% valident le choix des
instruments. Les résultats des tests de Wald montrent que le modèle est globalement
significatif.
Les résultats ci-dessus montrent que la variable d’interaction IDE*CC n’a aucun effet sur la
croissance économique. Ils corroborent ceux obtenus par Freckleton et al (2012), Kolstard et
Wiig (2013), Okada et Samreth (2014) et Abd Rahman (2015) qui ont montré dans leurs
travaux respectifs que le contrôle de la corruption n’améliore pas toujours l’effet de l’IDE sur
la croissance économique dans les PED. Ils pensent plutôt que le contrôle de la corruption
peut plutôt handicaper l'efficience du rôle des IDE sur la croissance économique dans les pays
d’accueil.
De même, ces résultats montrent que quel que soit la qualité de la gouvernance, les
investisseurs étrangers viennent dans les PED pour la réalisation de leurs profits. Il est même
probable que la corruption dans les pays hôtes, dans certains cas, puisse stimuler l'entrée des
IDE, car les investisseurs étrangers peuvent profiter des procédés malhonnêtes utilisés par les
employés pour contourner une règlementation lourde et envahissante. La corruption leur
permet même d’accélérer les démarches administratives dans le but d'obtenir des autorisations
pour démarrer leurs projets en gagnant du temps.
Si l’on admet que ces investisseurs viennent essentiellement pour l’exploitation des ressources
naturelles (mine, pétrole, bauxite, bois, coton), le contrôle de la corruption n’exerce alors
qu’une influence négligeable à la longue sur la relation IDE et croissance économique dans la
zone CEMAC.
Conclusion
Le but de ce papier était d’une part d’évaluer l’effet du contrôle de la corruption dans la
relation qui existe entre l’IDE et la croissance économique en zone CEMAC, et d’autre part
de mettre en évidence des propositions à partir desquelles les politiques de développement
pourront s’appuyer pour bénéficier des vertus des IDE. Pour y parvenir, nous nous sommes
inspirés du modèle d’Alaya et al (2004). La technique d’estimation utilisée ici est la Méthode
des Moments Généralisés (MMG) en système.
Ainsi, quel que soit la qualité de la gouvernance mise en place, les investisseurs étrangers
viennent essentiellement pour la réalisation de leurs bénéfices et sont plus attirés par les
ressources naturelles, et le contrôle de la corruption n’exerce alors aucune influence dans la
relation IDE-croissance économique en zone CEMAC. Pour y remédier, nous proposons aux
autorités de cette communauté :
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ANNEXES